Journal LittéRéticulaire de Berlol
Version quotidienne ICI

Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Septembre 2007

<< . 1 . 2 . 3 . 4 . 5 . 6 . 7 . 8 . 9 . 10 . 11 . 12 . 13 . 14 . 15 . 16 . 17 . 18 . 19 . 20 . 21 . 22 . 23 . 24 . 25 . 26 . 27 . 28 . 29 . 30 . >>

Samedi 1er septembre 2007. Communication directe avec le grenier.

Lever à 4h30 pour travailler à ma communication sur Mérimée. J'ai lu dans une interview qu'Amélie Nothomb écrit tous les matins de 4 à 8 heures, ça m'a bluffé. Et donné l'idée, vu le temps qui me reste, je n'ai plus que ça à faire.
Petit-déjeuner vers 8h30, suivi du bouclage des valises.

T. a pris rendez-vous pour déjeuner avec deux de ses étudiantes qui reviennent de Toulouse, rentrent à Tokyo demain. Celles rencontrées au Saint-Martin fin juillet. Intéressant de comparer niveau et attitudes avant et après. À pied jusqu'à la fontaine Saint-Michel, point de rendez-vous parisien, s'il en est. On retourne à la Bûcherie pour grandes salades et profiteroles. Elles nous content leurs (més)aventures, il y a du bon et du mauvais, et plus à (re)dire sur les familles d'accueil que sur les cours de français.

Départ en voiture vers 14h30, direction Cerisy-la-Salle. Ça roule merveilleusement, rien à voir avec la sortie congestionnée de Paris et l'autoroute en accordéon d'il y a deux ans ! J'ai d'ailleurs repris les même indications routières, j'avais soigneusement gardé les feuilles imprimées. Arrivée à 18h30. Sommes très heureux de retrouver Catherine et Édith, le château et une chambre récemment refaite, la Savary (près de la salle dite du grenier).
Premier dîner, je ne connais qu'Éric Bordas, mais je reconnais Michel Garcia, qui était directeur du CIES quand j'étais de la première promotion d'allocataires-moniteurs (1989).
Longue et tout de même très intéressante séance de présentation, avec calvados, au grenier, de 21 à 22h45. C'est après, en ouvrant une porte de notre chambre, qui donne sur trois marches et une autre porte, que nous découvrons la communication directe avec le grenier...

Commentaires

1. Le samedi 1 septembre 2007 à 21:21, par Caroline :

La suite ! La suite !

2. Le dimanche 2 septembre 2007 à 06:55, par Kiki :

Salut!
Un petit bonjour en passant pour te souhaiter une bonne rentrée!
Quelle constance dans la tenue de ton blog! À ce stade, c'est vraiment une prouesse. À combien de jours en es-tu?

3. Le dimanche 2 septembre 2007 à 11:00, par Berlol :

Bientôt quatre années complètes, c'est devenu une partie de moi...
Pour la rentrée, merci ! Même si ce n'est pas tout de suite. Toi itou !



Dimanche 2 septembre 2007. Banc de galère, la bonne allure.

Lever à 4h30 et travail jusqu'à 7 heures. Jour à peine rosi, je vais à l'est@minet avec le portable, dans un autre bâtiment, où se trouve la borne wifi et d'où je poste le billet d'hier, relève mon courrier, lis rapidement deux blogs dans la liste maintenant chargée de tous ceux que je n'ai pas le temps de lire. Au moins jusqu'à mardi soir, ce sera encore comme ça. Après, à moi la liberté !
Amusement de retrouver le rituel du petit déjeuner dans la grande salle à manger, les échanges de bonjours poussifs quand on ne se connaît pas, les questions par lesquelles chacun s'introduit, ouvre ou non ses affinités. T., connaissant aussi ces rites et n'ayant plus la pression intérieure de sa thèse à travailler comme c'était le cas en 2005, discute plus volontiers et lance des ponts entre XIXe et XVIIe siècles, notamment avec Alain Schmitt qui semble très bien connaître Victor Cousin et le fonds Cousin de la Sorbonne.

Denses premières communications. Celle de Danier Sangsue sur les fantômes chez Mérimée et celle de Michel Garcia sur l'édition en cours de préparation de l'Histoire de don Pèdre 1er, roi de Castille. Discussions très animées et bien dirigées par Antonia Fonyi, directrice du colloque. Tel un cancre du fond de la salle, près du feu de bois et d'une prise électrique pour le portable, je n'y prends pas part mais y puise, outre ce que j'y apprends, de quoi recalibrer ma communication.

Après le déjeuner, le café est servi dans l'étable aménagée en une sorte de musée de Cerisy. On y trouve notamment un panneau qui retrace l'histoire des anciens habitants du château, les Richier, des protestants, du XVIIe à la Révolution, puis les Savary, cultivateurs enrichis sous la Restauration.
T. et moi nous éclipsons pour aller faire une randonnée aux Roches de Ham, près de Condé-sur-Vire, à une bonne vingtaine de kilomètres de là. C'est dommage pour les communications de l'après-midi mais absolument nécessaire, après le régime corse, pour ne pas engraisser sur pied en Normandie. Il fait d'ailleurs nettement plus chaud dans la voiture que dans la bibliothèque du château.

Retour vers 18 heures et reprise du travail jusqu'au dîner, qui est un buffet parce que c'est dimanche. Je retourne à mon banc de galère — à la bonne allure qu'il commence à prendre — pendant que T. va voir la séance improvisée du Carmen de Carlos Saura dans le grenier tout proche, dont les effluves musicaux me parviennent étouffés...

Commentaires

1. Le dimanche 2 septembre 2007 à 23:05, par m sonnet :

j'aime bien votre est@minet (plus sympa que la g@rgote !) et en vous lisant je me souviens que la dead line est toute proche pour la soumission des projets au colloque "abbé Castel de Saint-Pierre", même lieu même horaire dans un an, et je me tâte si j'y vais ou pas (proposer de parler des grand mérites de son "Projet pour perfectionner l'éducation des filles"). J'ai un peu décroché de ce genre de choses ces derniers temps et en plus je n'ai jamais été très causante au petit déj...

2. Le lundi 3 septembre 2007 à 09:33, par alain :

Alors moi, Condé-sur-vire, oh ! tout de suite que de souvenirs. J'accompagnais mon oncle dans sa tournée du ramassage des bidons de lait pour la coopérative Elle & Vire et on s'arrêtait manger du lapin dans des fermes à cuisine noire, noircie par le vieux, sentant la crème partout, comme dans Bovary. Oh ! Condé-sur-vire.

3. Le lundi 3 septembre 2007 à 21:13, par Berlol :

On est passé devant l'usine. T. m'a demandé puis s'est souvenue qu'il y a du beurre Elle & Vire dans des magasins de luxe à Tokyo (dans les dix euros la plaquette...)
Il faut y aller, Martine ! Les couleurs, les pierres, certaines conversations et certaines communications le méritent. Et le matin, nul n'est tenu de l'ouvrir qu'il n'en ait envie...

4. Le mercredi 5 septembre 2007 à 00:35, par brigetoun :

je crains de n'être à la hauteur que du petit déjeuner où, pour une fois, je serais superbement mutique



Lundi 3 septembre 2007. Y'aura du retard, forcément...

Oui. Y'aura du retard, forcément...
Ai écouté deux communication passionnantes le matin, deux autres un poil moins l'après-midi, suis allé marcher une heure au village avec T., ai vu le soir une Carmen de Chaplin datant peut-être de 1915 et... définitivement bouclé ma communication à 2 heures du matin.

Nombreux départs (regrettables) pour cause de rentrée scolaire ou ENS, notamment Éric Bordas et Alain Schmitt.

Reprise :
Le matin, c'était donc les très attendus Éric Bordas et Alain Schmitt.


Mardi 4 septembre 2007. Professeur d'anthropo-ethno-socio limite gonflant.

S'il me fallait ne retenir qu'une communication qui m'ait apporté par surprise beaucoup plus que ce que j'en attendais, ce serait sans aucun doute celle de Christian Chelebourg ce matin, intitulée Le sens de la famille — Filiation, transmission, générations chez Mérimée. Car jamais l'effroi ou l'impossibilité d'une descendance ne m'avait paru faire sens dans l'œuvre de Mérimée, malgré son omniprésence : de l'enfant qui ne mérite pas son nom dans Mateo Falcone à celui qui finit par le mériter dans Colomba, en passant par les stériles mariages, que ce soit avec une statue (Vénus d'Ille) ou avec l'enfant de l'ours (Lokis). Et à chaque fois, c'est l'homme qui cause problème et interrompt la lignée, tandis que la femme reste idéale ou intouchée...

Le matin, j'ai fait imprimer ma communication au secrétariat de Cerisy, si bien qu'ayant mis mes citations en vert dans le document électronique, je peux basculer mon fond de page en noir pour qu'à la projection l'assistance ne voie que les citations à lire (et pas mon texte, en noir) sans avoir à réaliser d'autre document.
Après le déjeuner, et avant une nouvelle vague de départs, c'est le sacro-saint moment de la photo de groupe. Le sachant, je monte trois minutes, je dis bien trois minutes, aux toilettes et changer de chemise... Eh bien, je l'ai raté ! Je ne suis pas sur la photo du colloque Mérimée ! T. y figure en bonne place, elle, mais moi pas. Ce que voyant, on m'accable dès que je reparais, Catherine de Gandillac surtout. Je balbutie et m'excuse, dans ma honte me résigne, on consent à m'en faire une en petit groupe comme il s'en fait toujours après la photo principale, avec qui je voudrais.

Enfin mon tour de parole arrive, après une intéressante mais un tantinet trop longue communication sur la fortune musicale de la Vénus d'Ille (presque deux heures avec la discussion). Après toutes ces semaines de lectures et de travail, je puis rester zen quelques minutes de plus, jusqu'au plaisir d'un extrait d'opéra de Kurt Weil, la chanson Speak Low (que je connais sans avoir de mérite particulier car c'est la seule à avoir été un peu popularisée, indépendemment du reste de l'opéra One Touch of Venus).
Je parle donc, sous le titre-valise Tourisme en Mérimée, d'un parcours thématique —  touristique — de l'œuvre de Mérimée centré sur la présence de plus en plus importante du narrateur, devenant guide puis professeur d'anthropo-ethno-socio limite gonflant, citations à l'appui, tout cela par le biais d'un ostensible militantisme en faveur de la réalisation d'un corpus numérique mériméen digne de ce nom (au lieu de la mauvaise collection de bouts de textes éparpillés désordonnés dans le web dont je montre quelques extraits). Pendant la discussion qui suit, je mets en route l'océèrisation automatique d'un pdf image de Gallica par FineReader. La réception est bonne, il est clair que je ne suis pas spécialiste de Mérimée mais que mon apport est épistémologique et technologique — méthodologique, en somme.

Sommeil en retard, je me couche tôt.


Mercredi 5 septembre 2007. Aux pommes (de l'arbre et de terre).

Journée d'excursion en car sur les traces du Mérimée des Monuments historiques, offerte au colloque par la Fondation la Poste, représentée par sa directrice, Dominique Blanchecotte, qui passe la journée avec nous. Départ 9 heures, 25 personnes (Édith fera l'appel à chaque fois). Direction première, l'abbaye de Hambye, en pleine restauration, parce que sa destruction avait été stoppée par Mérimée lors d'une de ses tournées. Bel endroit, belle lumière, gens sympathiques. J'y achète des cartes postales de costumes médiévaux et Ma Cuisine médiévale de Mincka (chez Équinoxe, 2004), bel exemple de recettes adaptées et très belle mise en page (surtout sans photos culinaires réalistes).
Translation au château de Gratot dont on ignore (on incluant les personnes des Monuments historiques qui nous accompagnent) la relation avec Mérimée, juste pour voir des ruines encore debout et faire quelques photos.
Déjeuner à l'auberge de Genouville, avec de la tarte au camembert (en entrée tiède, très bonne), de la moyenne pintade aux pommes (de l'arbre et de terre) et de la tarte aux pommes (d'arbre, mais mal cuites), le tout précédé d'un kir normand (au cidre) et accompagné d'un cidre légèrement plus sucré que celui de Cerisy.
On monte jusqu'à Valogne (presqu'en haut du Cotentin) pour visiter son église reconstruite, moitié pierres remontées, moitié béton façon Créteil (des spécialistes débattent de cela un peu comme des médecins de Molière pendant que le curé, lui, pleure l'absence d'aides pour réparer les dégâts de la foudre de janvier dernier).
On redescend à Saint-Sauveur-le-Vicomte pour l'abbaye des Sœurs de la Miséricorde, flanquée d'une sèche maison de retraite qui doit rapporter, mais pas de la joie si l'on en juge à la fadeur du parc... Sûr que déposé ici, je mourrai en quinze jours.
Dernier mouvement vers l'abbaye de Lessaye, déjà visitée en 2003 avec quelques amis de Meschonnic (explosée en juillet 1944 par les Allemands pour célébrer leur départ précipité). Belle mais... bon, je commence à saturer. Ayant refait la photo d'un poisson en mosaïque près des fonts baptismaux et découvert avec plaisir le jardin fleuri et le potager, T. et moi fatiguons du tandem catho-aristo de la journée, restons ensuite dans le car pendant que les autres vont boire un coup avec les proprios à l'intérieur. Je reprends Volodine, les choses sont claires.
Après le dîner, où nous sommes arrivés avec dix minutes de retard, grand tour du domaine à deux dans l'herbe mouillée, quand à l'horizon meurent, derrière les vaches, les fins de rose et d'orange (T. écoute du Wagner à l'ipod quand point l'étoile du berger). Puis je donne un petit cours sur la création de table des matières et d'index dans Word avant d'aller me mettre au lit pour rejoindre T. et Mevlido.

Commentaires

1. Le vendredi 7 septembre 2007 à 00:52, par brigetoun :

j'aime bien le tandem catho-aristo, bien connu, mais il y a toujours la possibilité de rester un pas à côté et d'attraper au vol quelques phrases.
Il fallait en rester à la tarte au camembert, largement roborative, me fais rêver



Jeudi 6 septembre 2007. C'est-à-dire molles et collées en tas.

Fort brouillard au lever du jour. Se disperse pour une deuxième journée de franc soleil (on a bien fait de choisir cette semaine-ci pour venir...). Les petits déjeuners roulent maintenant par petits groupes informels et plutôt bavards. À ceux de la timidité et de l'hésitation des premiers matins, ont succédé ceux de l'esprit d'escalier, quand revient ce qu'on n'avait pu dire hier car trop de monde et de questions.
Lecture de lettres de Mérimée par Carole Bergen, avant la communication de Françoise Bercé (inspecteur général du patrimoine) sur Mérimée et la IIe République. Le tableau historique est très instructif, bien enlevé par le ton, les anecdotes et points de vue de Mme Bercé. Et cela me suffira pour aujourd'hui.

J'emporte mon portable à l'est@minet pour poster mes deux billets en retard, les photos qui vont avec, relever mon courrier et valider les messages Litor qui circulent depuis hier sur le thème de la machine à écrire. J'écoute deux tiers du 20-Heures de France 2 d'hier et parcours quelques blogs pour être un peu informé. Mais tout cela ne m'accroche guère. Seule la disparition de Pavarotti signifie hélas quelque chose.
T. et moi sommes convenus d'une après-midi d'excursion que nous commençons après une discrète fuite au moment du café. En route pour Coutances ! J'avais un peu visité il y a quatre ans, avec quelques meschoniciens, un jour de pluie qui s'était continué à Carteret. Aujourd'hui, c'est plutôt la chaleur. En une petite heure, nous visitons églises et cathédrale, admirons les impacts de balles qui décorent encore les murs de la mairie, entrons à la librairie-papeterie pour chercher une carte régionale.
Partons ensuite pour Agon et la pointe d'Agon, les dunes, la marée basse dans l'embouchure de la Sienne, les ruines du château de Regnéville-sur-Mer de l'autre côté. Puis le chic de Coutainville, les rues étroites et presque bretonnes de Blainville-sur-Mer — un endroit où l'on aimerait bien habiter..
.
D'Agon, j'ai téléphoné à Scott Carpenter pour savoir si nos colloquants ont adopté le principe d'un apéritif sur la terrasse (nous avions imaginé ça tout à l'heure, Scott et moi). Ayant eu sa réponse positive depuis une cabine face à la mer, nous nous dirigeons vers le centre Leclerc de Coutances où nous achetons pour 60 et quelques euros d'alcools divers, jus de fruits et trucs salés. Quand nous arrivons au château, à 18h45, tout est déjà prêt sur la terrasse, les participants attroupés et Scott très soulagé de nous voir (il a prévenu et fait sortir tout le monde sans savoir s'il pouvait compter sur moi...).
Chacun verse son écot dans un verre et je récupère sans problème mon avance.

De Cerisy, les jeudis soirs sont enflammés. L'ambiance d'un colloque y parvient généralement à son paroxysme. Des conversations de table deviennent familières, voire bruyantes. Certains s'interpellent comme s'ils se connaissaient depuis trente ans, rigolent gras. D'autres se serrent en petits comités pour des confidences à voix basses. C'est ce soir-là que l'on sert des moules-frites, au moins trois tournées (mais les frites sont normandes, c'est-à-dire molles et collées en tas). Puis les lumières s'éteignent, à la surprise presque générale, pour faire entrer les omelettes norvégiennes, lumineuses par le calvados qui leur flambe sur la meringue.
Plus tard, dans le grenier, lecture d'Une femme est un diable par Carole Bergen et Sylvain Ledda, suivie d'un petit verre de calvados de notre réserve collective.

Commentaires

1. Le vendredi 7 septembre 2007 à 10:10, par m sonnet :

arrivée là de votre récit, moi qui me posais la question pour l'an prochain, je craque : ça fait trop, en plus des petits déj, la photo, l'excursion, l'apéro et les moules-frites pour finir. Je ne tiendrai jamais le coup, même pour l'avancement de la science !

2. Le vendredi 7 septembre 2007 à 10:22, par Berlol :

Parfois, le rhédibitoire en dit long...
Pour l'an prochain, Augustin Berque m'intéresserait énormément.
Ceci dit, les activités autres que les communications dépendent de chaque directeur de colloque (et non du centre de Cerisy). Selon les colloques, c'est donc très calme (plan-plan) ou très mouvementé (façon années 70, même, encore, parfois...).

3. Le vendredi 7 septembre 2007 à 12:27, par m sonnet :

le rhédibitoire en l'occurrence, je crois que c'est la vie commune en général et avec pairs en particulier...



Vendredi 7 septembre 2007. Pas où il pose la cheville.

Pas de réseau avant le petit déjeuner.

Il ne s'agira que de relancer le système. Je poste le billet d'hier durant la pause entre Michel Cadot (le monde slave de Mérimée) et Anne Geisler-Szmulewicz (Mérimée et les comédies du cœur humain. Outre que l'un a été trop long et l'autre trop courte (contrecoup), c'est tout de même très intéressant. Anne était intervenue mardi, après ma communication, pour expliquer comment elle s'était en grande partie occupée du site que le Ministère de la culture a voulu consacrer à Mérimée en 2003 et dont je venais de critiquer la conception et notamment le choix hallucinant de ne pas y mettre d'œuvres littéraires (ni même, 4 ans après, aucun lien vers les textes en ligne dans l'internet) — mais nous ne nous sommes pas fâchés (au contraire, la faute est ailleurs...).
Le brouillard est encore plus long à se lever qu'hier et ce n'est que vers midi que l'on peut dire qu'il fait beau. Les personnes qui en joignent d'autres à Paris nous préviennent qu'il y fait très mauvais. Quelle chance nous avons !

Je dois présenter des excuses à Sylvain Ledda car, m'étant allongé pour cinq minutes après le café, je me suis carrément endormi une demi-heure, ce qui m'a fait manquer sa communication sur Mérimée et Musset... Vaguement honteux mais bien rveillé, j'écoute attentivement Paolo Tortonese sur un sujet qui recoupe et complète ceux (qu'il n'a pas entendus) d'Éric Bordas, de Christian Chelebourg et le mien : supercherie et couleur locale chez Mérimée. S'il établit brillamment le paradoxe entre les événements textuels qui mettent en scène les artifices du faux et du vrai, je ne vois pas où il pose la cheville qui les articulerait.
Qu'à cela ne tienne et comme il a la politesse de finir à l'heure prévue, T. et moi partons à la mer, à Hauteville-sur-Mer.

Soirée poésie pour certains (qui se diront avoir été kidnappés par un enthousiaste hugolien qui leur a infligé quelques centaines de vers de l'Année terrible —  à eux, des mériméens !), promenade sous les étoiles pour nous. Dans un grenier, dit le grenier breton et que je n'avais encore jamais visité, un buste représentant paraît-il un ancêtre ayant la particularité d'être l'enfant naturel, puis reconnu, d'une aristocrate retirée au couvent et du prêtre de la paroisse voisine...
Nous récupérons quelques errants un verre à la main (Antonia, Carole, Bénédicte, Anne, Sylvain, Paolo) et nous installons dans le grenier habituel pour descendre un peu plus nos bouteilles et discuter du colloque qui s'achève jusqu'à minuit, heure à laquelle il est temps de penser aux valises.


Samedi 8 septembre 2007. La littérature, le lecteur — alliances du sang et de l'encre.

La communication de Scott Carpenter sur les fantômes est d'une grande puissance intellectuelle, alliée à une judicieuse et envoutante scénographie. Tandis qu'il évoque les vampires dans l'œuvre de Mérimée, il sort un pichet de sous lui et se verse d'un liquide rouge dont il ne boira qu'au moment opportun de son exposé. C'est la repartie, dit-il, à mon déballage, mardi, d'un carton de bière et d'un paquet de pâtes de marque Colomba. Certains diront, lors de la discussion, que, pensant à du jus de tomate, ils ne pouvaient tout de même s'empêcher d'y voir du sang... Restant d'un grand sérieux, Scott démontre les relations spéculaires entre vampires et fantômes dans les intrigues et vampirisme de l'écriture elle-même, puisant à son milieu, sa biographie, la littérature, le lecteur — alliances du sang et de l'encre, le rouge et le noir...
On dira que c'était trop court, on lui demandera de reboire du sang pour la photo, on ira en pause hilares.
Antonia Fonyi fait ensuite une synthèse d'une petite heure en retraçant les lignes de force du colloque, les thématiques nouvelles pour les études mériméennes. S'il est bon que Mérimée ait eu son Cerisy, il ne faut pas que cette belle entente de chercheurs s'arrête là et je relance, comme un ballon dans la mêlée, l'idée d'établir et d'exploiter ensemble un vrai corpus numérique complet. C'est aussi le moyen de ne pas finir, de ne pas vraiment se quitter. Et tout de suite questions et propositions fusent (comment numériser, dans quel ordre de priorité, avec quelle technologie, etc.). En moins de dix minutes, un comité de pilotage est nommé, qui sera mis en marche dans les prochaines semaines. On peut déjeuner et partir.

Le café servi sur la terrasse sera le moment des adieux. Mots laissés sur le livre d'or, poignées de mains, embrassades, promesses de prompte revoyure, échanges de numéros de téléphone, descente et traînage de sacs ou de valises sur le gravier jusqu'au car pour la gare ou jusqu'aux voitures individuelles, c'est la grande scène qui se (re)joue et rares sont ceux qui y sont indifférents. Mais personne n'en pleure non plus et comme le soleil s'est levé, ce sont de radieux adieux.

À 14 heures, T. et moi mettons le cap de notre 407 sur la Bretagne : Villedieu-les-Poëles, Rennes, Vannes, Auray (bref arrêt à une coopérative de produits bretons où je trouve un pull), et hop ! 18 heures, voilà Carnac, où je retrouve sans trop de difficultés (sinon qu'il y a des travaux juste devant) la maison de nos hôtes, où je ne suis venu que deux fois, il y a dix-huit et treize ans.
Illico à la plage avec T. et Henri, l'eau est froide mais l'on s'y baigne. Après, on ne sent plus rien, comme anesthésiés, séchant dans le soleil couchant.

« Ne jouerons-nous jamais
Ne serait-ce qu'une heure,
Rien que quelques minutes,
Océan solennel,

Sans que tu aies cet air
De t'occuper ailleurs ? » (Eugène Guillevic, Carnac, Gallimard, 1961, p. 13)


Dimanche 9 septembre 2007. Limaces de mer, signes de beau temps.

« Il s'est passé quelque chose à Carnac,
Il y a longtemps.

Quelque chose qui compte
Et tu dis, lumière,

Qu'il y a lieu
D'en être fier.»
(Eugène Guillevic, Carnac, Gallimard, 1961, p. 13)

T. souhaitant renouveler son stock de maillots rayés, Henri et moi l'accompagnons au marché, juste à côté de la maison. Découvrons d'autres marques qu'Armor Lux ou Saint James. Mais c'est un peu la fin de saison et les marchands n'ont plus le coloris ou la taille, ou la coupe. Nous passons aux boutiques du bourg, autour de l'église du saint des bêtes à cornes où c'est d'ailleurs l'heure de la messe. T. trouve chez Leminor le maillot marin de ses rêves, et un beau pull bleu clair en sus.
En voiture chez un ostriculteur du Pô pour quelques douzaines d'huîtres et un tourteau, ça nous assurera le dîner.

Faisons à quatre et en voiture, pour une vue d'ensemble, le tour des sites d'alignements de pierres levées (menhirs). D'ailleurs, il fait très chaud autour de la Maison des mégalithes et l'on n'a guère envie de se lancer dans une randonnée pédestre. C'est surtout la notion d'alignement qui domine et fait mystère, en effet. Au tumulus Kercadio, entre Carnac et La Trinité, il faut se baisser pour pouvoir entrer. On se trouve alors dans une salle, sous d'énormes dalles, avec le poids d'au moins sept mille ans de motivation au-dessus de la tête. Puis dans le dédale des bras de la rivière de La Trinité jusqu'au lieu dit Le Lac (et / ou Le Latz), connu pour une digue munie de vannes par lesquelles passait, selon la marée, l'eau qui actionnait la roue d'un moulin, maintenant transformé en maison particulière, l'axe de la roue pourrissant maintenant sous quelques centimètres d'eau verdâtre.
Enfin Saint-Cado, sa chapelle, son pont construit par le diable floué (Saint Cado voulait un pont, le diable lui proposa son aide contre la première âme qui passerait dessus, le saint accepta et, quand le pont fut achevé, y jeta un chat qui en fut le premier piéton...). Repérons d'étranges ectoplasmes noirs et gluants au bord de l'eau. Renseignements pris auprès d'autochtones, ce sont des limaces de mer, signes de beau temps...

Ce soir encore, je suis trop fatigué pour me connecter ou écrire mon journal. On peut dire que ce sont les activités et l'air marin, mais depuis quelques mois, se dessine progressivement un autre mode de vie, autour de trois nouvelles constantes. Plus d'herpès ni presque d'acnée d'une part, plus de maux de tête lors d'une consommation raisonnable d'alcool d'autre part, plus de soirées prolongées jusqu'à une ou deux heures du matin. Ça n'a l'air de rien, chaque chose prise séparément mais toutes ensemble, ça me fait une nouvelle tête.
Je ne suis plus le même homme. Cela suffit-il à expliquer mon piètre appétit pour cette rentrée littéraire ?


Lundi 10 septembre 2007. Autour d'un crayon à papier véhicule.

T. et moi retournons voir les alignements de menhirs dans la lumière matinale. Leur détachement. Beauté ou majesté naturelle du site. Et chacun à son tour d'essayer de comprendre, sans y parvenir. À moins de croire telle ou telle théorie. Dans la boutique de la Maison des mégalithes même, un petit Obélix autour d'un crayon à papier véhicule gentiment l'anachronisme des Gaulois facteurs de menhirs...

« On comprend bien
Que ça t'obsède

D'être un jour dressée
A la verticale
Au-dessus des terres.

On comprend bien.» (Eugène Guillevic, Carnac, p. 91)

Revenus au centre du bourg, nous allons au Musée de la préhistoire. Beaucoup à lire, tableaux, listes, graphiques, mettre en relation textes, dessins et objets, mais pas trop. Des représentations se forment, un lien transhistorique... Le profane peut s'y retrouver tout en appréciant les précautions de langage. On pense traditionnellement qu'à cette époque les hommes chassaient pendant que les femmes faisaient la cueillette, ou quelque chose de ce genre, avec la distance du on pense traditionnellement. Qui va peut-être évoluer.

Allons déjeuner avec nos hôtes aux Terrasses de la mer, à La Trinité. Moules-frites et crêpes dessert, avec plage, léger vent, mer et soleil, du classique. Partons ensuite pour Quiberon, nous arrêtant de temps en temps pour des points de vue sur l'isthme, le fort de Penthièvre. Un café à Portivy.  Puis un kilomètre à pied le long de la Côte Sauvage. Encore un saut de voiture à travers les hôtels et les centres de thalassothérapie, puis à pied jusqu'à la pointe de Conguel, et la journée est déjà presque finie. Avec ces doses de vent et de soleil, on va bien dormir.
Dîner à Auray, dans le typique petit port de Saint-Goustan, célèbre pour ses maisons de pierre et son passage de Benjamin Franklin. L'Aubépine sert une excellente choucroute de la mer, trois en prennent, et de l'andouille de Blaye que je suis seul à vouloir. Avec un pinot noir d'Alsace. Promenade nocturne dans les ruelles de Saint-Goustan où l'on trouve qu'il y a étonnemment de maisons à vendre...

Alors que ne pensions qu'à faire nos valises et aller nous coucher, nous rentrons pile quand commence Lost sur TF1. Deux épisodes de la troisième saison, je suppose, qui nous font sauter dans une phase avancée de l'aventure. Nos hôtes sont un peu surpris de notre enthousiasme, de notre concentration soudaine sur ce qui n'est très normalement pour eux — je me mets à leur place — qu'une série américaine de plus. Mais pour T. et moi, retrouver Jack, Sawyer, Hugo, Sayid et les Autres n'a rien de banal...

Commentaires

1. Le mercredi 12 septembre 2007 à 11:36, par brigetoun :

mon féminisme, pourtant faible, veut instinctivement, et en refusant de connaître la vérité, que la ceuillette amenant l'agriculture et la civilisation soit le fait des femmes. Idiot (je me suis toujours senti une grande fraternité avec Bouvard et Pécuchet)



Mardi 11 septembre 2007. Arrivons vessies pleines.

Retour à Paris.
Quittons Carnac et nos amis vers 10h30 par beau temps. Route nationale jusqu'à Plélan-le-Grand, avec un arrêt dans une station-service où nous achetons de quoi pique-niquer. Petites routes jusqu'à la forêt de Brocéliande, près Saint-Malon-sur-Mel. Déjeunons de sandwiches et salades (ça s'est bien amélioré, ce que proposent les stations-service) face à un bel étang (de la Marette) autour duquel il n'y a personne. Sinon deux propositions artistiques dans le cadre de l'opération régionale Étangs d'art. Puis nous nous chaussons comme il faut et allons marcher une petite heure en bordure de forêt, topo-guide en main, découvrant au passage le tombeau de Merlin — sûrement de la foutaise.

Reprise de la route jusqu'à Rennes puis l'autoroute par Le Mans et Chartres, nous arrêtant deux fois pour éviter la somnolence tant la route est monotone et le trafic faible. Donc, on arrive vite, par exemple au péage de Saint-Arnoult avant 18 heures. C'est à ce moment-là que la radio annonce un accident à Rungis et le trafic perturbé à partir des Ulis. Or, sur cette portion (Les Ulis, Massy-Palaiseau, etc.), il n'y a quasiment aucune sortie qui permette de rejoindre facilement Paris tandis que les raccordements de bretelles se succèdent, augmentant toujours la quantité de voitures. Belle lumière rasante sur fond nuageux, T. s'occupe en remarquant les marques de voitures (très peu de Toyota dans le bouchon).
Au lieu d'être à Paris à 18h30, nous arrivons vessies pleines place Monge vers 20 heures. Je dépose T. et les bagages avant d'aller rendre la voiture à l'agence Avis de la gare d'Austerlitz, heureusement ouverte jusqu'à 21h30.
Enfin, libre comme l'air, soulagé de n'avoir plus charge de véhicule dans une ville où le stationnement est devenu un casse-tête, je rentre à pied par la rue Buffon.

Dînons au Foyer Vietnam pour quelque chose de léger et de réparateur.
Avant de me coucher, je peux enfin, Michel m'ayant donné la clé wep de son réseau wifi, envoyer les trois jours de JLR en retard. Je crois que cela n'a vitalement manqué à personne. Moi, ça me débarrasse.

Commentaires

1. Le mercredi 12 septembre 2007 à 16:59, par jenbamin :

le foyer viet de la rue monge : vous avez pris le bo bun j'espère...

2. Le mercredi 12 septembre 2007 à 23:15, par m sonnet :

que ça vous débarrasse, soit, mais c'est quand même pas écrit déchetterie ni ramassage des encombrants, ici...

3. Le jeudi 13 septembre 2007 à 02:26, par X :

il veut dire : on était débarrassé de lui, et puis non, plus

ça me [règle problème que je vous] débarrasse

c'est depuis Mérimée, une ellipse quoi

4. Le jeudi 13 septembre 2007 à 02:27, par X :

with love bien sûr

5. Le jeudi 13 septembre 2007 à 08:57, par Berlol :

Fameux, le commentaire sous X !



Mercredi 12 septembre 2007. Près d'une heure à lire.

Matinée courrier et téléphone.
Après déjeuner, sortons marcher dans Paris (où le beau temps est revenu, en fait je ne crois pas qu'il ait jamais fait mauvais...). T. n'est pas très en forme, on avance petitement, on envisage peu d'activité.
Librairie Compagnie pour un livre à lire de suite. Celui d'Olivia Rosenthal.
Café Soufflot (logo de wifi gratuit, à essayer un autre jour). On y reste près d'une heure à lire, discuter et regarder les passants sur le trottoir, les créneaux souvent ratés des voitures.
Jardin du Luxembourg, énormément de monde. On y reste près d'une heure à lire, discuter et regarder les passants qui descendent l'escalier.
Rue de Vaugirard, quiches intéressantes aux Saveurs de Pierre Émile. On n'en a pas pour une heure à choisir quatre parts de diverses compositions pour ce soir. Retraversée du Luxembourg et retour.

« Ce livre a pour but de m'accoutumer à l'idée que je pourrais être un jour ou l'autre atteinte par la maladie de A. ou que, plus terrible encore, la personne avec qui je vis pourrait en être atteinte. Mais, en même temps que j'écris cette phrase, je me refuse à admettre une telle éventualité et tout mon esprit se révolte contre le travail que je suis en train d'entreprendre et qui consiste à imaginer le pire. Car, si on s'engage dans une telle voie, pourquoi ne pas s'imaginer aussi victime d'un attentat, d'un accident de voiture, d'un cancer, d'une maladie de Creutzfeldt-Jakob, et de toutes sortes d'autres affections que je ne connais pas et que je souhaiterais ne jamais connaître. Si on se projette un tant soit peu dans l'avenir, il n'y a en effet aucune raison d'être particulièrement optimiste.» (Olivia Rosenthal, On n'est pas là pour disparaître, Paris : Verticales, p. 17)

Je (me) rappelle que ce blog a pour but de suppléer ma mémoire et qu'il a commencé sous les auspices... d'Olivia Rosenthal à Tokyo, il y aura bientôt quatre ans.

Commentaires

1. Le jeudi 13 septembre 2007 à 01:44, par F :

au Luxembourg et au Jardin des Plantes il doit y avoir wifi gratuit, j'ai testé le système municipal Place des Vosges la semaine dernière ça marchait impec

Olivia ROSENTHAL (la coquille ne doit pas être due à mauvais usage des "exercices de mémoire" qu'elle propose : livre fort...)

2. Le jeudi 13 septembre 2007 à 09:10, par Berlol :

A pu, la coquille ! Corrigée ! M'en suis rendu compte quand pas d'accès, à Censier ! Quelle tuile, tout de même, dans le sein d'une université que pas d'accès wifi ! ça me déçoit de l'université... Merci pour les tuyaux (virtuels), on va les tester...

3. Le jeudi 13 septembre 2007 à 22:56, par DEVINE :

Cher Berlol,
permettez à un normand (98% de northman et le reste de la langue d'oc) d'être profondément choqué par votre affirmation parus dans votre gazette du 06/09 dernier : "Mais les moules sont normandes, c'est-à-dire molles et collées en tas".
Etes-vous certain d'avoir mangé ces coquillages dans notre chère Normandie ?
Si vous revenez un jour à Cerisy, n'hésitez pas à venir nous voir, mon épouse et moi-même. Vous êtes cordialement invité à venir déguster des moules comme celles que nous avons inscrites à notre déjeuner il y a deux jours et que nous avons acheté à Houlgate.
Bien entendu vous avez un droit de réponse.
Ceci étant dit avec bonne humeur, sachez que je lis régulièrement votre billet quotidien.
Amicalement du père de Bikun.

4. Le jeudi 13 septembre 2007 à 23:37, par Berlol :

Il s'agissait des frites, non ? Des moules, c'eût été plus grave... Je retiens volontiers votre invitation lors d'un prochain passage à Cerisy et vous en remercie chaleureusement. Et j'appelle Bikun ce matin !

5. Le vendredi 14 septembre 2007 à 05:48, par Manu :

Et ben voilà, Berlol qui va finir par recontrer les parents de Bikun. La magie de l'Internet !



Jeudi 13 septembre 2007. Ne compense pas le service calamiteux.

Journée de service (malgré l'été indien).
Participation au jury d'oral de sélection des candidats au Master professionnel de lettres appliquées aux techniques éditoriales et à la rédaction professionnelle de l'université Paris 3 - La Sorbonne nouvelle. C'est un master 2. Il y a quatre équipes de jury, je fais équipe avec un éditeur de (30 ans de) métier. Nous recevons 7 candidats le matin et 6 l'après-midi, idem pour les autres équipes. Les candidats ont déjà été sélectionnés sur dossier, puis épreuves écrites. Certains ont déjà fait un master 2 ailleurs. C'est la phase finale : motivation, adéquation au projet personnel, déroulement des stages déjà effectués sont les éléments auxquels nous devons être les plus attentifs.
Entre les deux sessions, nous allons dans un petit restaurant nommé l'Olivier, près de l'hôpital des gardiens de la paix et de la clinique du sport, que je dirai moyen et dont le patron est assez peu sympathique. Le self de desserts ne compense pas le service calamiteux.

Vers 17 heures, les jurys se retrouvent pour fusionner leurs notes et discuter de la liste d'attente et des cas limite.

Rive droite (non sans hésitation quand le 27 franchit la Seine).
Rue Saint-Anne à la nuit tombante tu, avec T., J. et sa copine Tara (13 ans chacune) pendant que leurs parents sont de sortie... On essuie les plâtres d'un nouveau restaurant japonais, le Taishoken. Soupe japonaise (ramen) et raviolis chinois grillés (gyozas), elles adorent. Il n'y a que ça sur la carte et c'est bien fait. Amusement de voir deux jeunes filles dans leurs premiers maniements publics de baguettes (J. s'était entraînée en Corse et ça se voit). Les nouilles et le miso leur plaisent. La ballade en bus aussi. Pour le retour, on marche jusqu'à la Seine, l'arrêt de bus devant les guichets du Louvre.

« La tristesse est un état qui ne me quitte plus, je suis triste continuellement comme si cela faisait partie de mon tempérament. Pourtant quelque chose me dit que dans le passé j'ai été joyeux, j'ai été souriant, j'ai été content. Pourquoi faut-il aujourd'hui que je sois triste ? Je ne crois pas me souvenir d'un seul motif que j'aurais de l'être et pourtant je le suis, je suis triste, je suis triste continuellement. C'est une tristesse informe, inadéquate, qui n'adhère à rien, à aucun événement précis, c'est une tristesse de fond pourrait-on dire mais une tristesse qui, je le sens confusément, n'est pas la mienne. Elle occupe ma personne et s'en empare mais moi, je le sais, je le sens, moi, je ne suis pas triste, je ne l'ai jamais été.» (Olivia Rosenthal, On n'est pas là pour disparaître, p. 30)

Commentaires

1. Le vendredi 14 septembre 2007 à 22:09, par brigetoun :

jamais essayé de déjeuner dans ce quartier, me suis contenté de cafés dans le bidule cafardant en face, un peu à droite, de la clinique du sport. (j'avais l'immeuble mitoyen en gestion, sans intérêt)
Un peu peur devant le livre d'Olivia Rosenthal



Vendredi 14 septembre 2007. Vacances, exposées plein web.

Sortie de tunnel. Depuis près d'un mois, j'avais sans arrêt devant les yeux l'enchaînement presque automatique des jours, préparé de longue main, et dont je ne pouvais m'écarter sans mettre en péril tout l'équilibre restant. La Corse, puis la Normandie, puis la Bretagne, puis le retour à Paris et la journée de service bloquaient toute marge de manoeuvre. Raison pour laquelle je n'avais même pas essayé de téléphoner à des amis, ni à ma famille —  ce que je fais ce matin pour prendre des rendez-vous selon les disponibilités de chacun, sachant que je ne suis pas en position de faire le malin, après toutes ces vacances, exposées plein web.

Avec T. à la banque, discussion sur mes petits placements (réellement petits) et mise du compte à nos deux noms, ça peut toujours être utile. Bus 87 pour École Militaire. On est en avance pour notre rendez-vous, découvrons la rue Clerc, qui ressemble étonnamment à la rue Daguerre (largeur, longueur, inclinaison, ambiance, mélange boutiques & restaurants). Arrêt à la maison Mary, spécialisée dans le miel depuis 1921. On prend du pain d'épices (pour comparer avec celui de Titine le mois dernier).
Retrouverons Marguerite et Jacques au Café de l'esplanade, au coin des Invalides. Pas vus depuis un certain jour de Tokyo, pas si lointain, où nous les avions menés acheter du thé vert. Beaucoup à se dire tout de même sur les voyages, les retours à Paris, les familles, la politique, un peu. Pour des prix somme toute raisonnables, la qualité des produits est remarquable : mes haricots verts en salade sont encore croquants et vert foncé, les légumes grillés de T. sont goûtus à souhait, etc. Le chic de l'endroit et le comportement de m'as-tu-vu de certains clients m'avait fait craindre un endroit surfait mais il n'en est rien. Quand nous finissons, des rugbymen arrivent (on les reconnaît à leur carrure), des supporters, en fait. Pas de la France, évidemment.

Quittons nos amis et rebroussons par la rue de Grenelle, de sorte que nous l'aurons vue intégralement. Façon de découvrir une ville, aussi : suivre une rue, un axe et voir, sentir les différents quartiers traversés, les ambiances. Arrêt à la librairie Gallimard. Dans les bacs extérieurs, T. trouve un ancien numéro de la revue Commerce dans lequel il est question de Guez de Balzac. À l'intérieur, elle me demande de lui montrer les livres d'Alain Sevestre, ce que je fais volontiers, lui en sortant cinq (que nous n'achetons pas puisque je les ai déjà tous). Près desquels nous trouvons, de chez Omnibus, les Contes de Perrault dans tous leurs états, qui semble une excellente compilation. Près de la caisse, je m'ajoute le Livre blanc de Philippe Vasset et nous voilà repartis.

Jusqu'à la maison où nous posons quelques affaires avant de repartir côté Butte-aux-Cailles pour rencontrer à l'apéritif Scott Carpenter, son épouse et sa fille, en leur appartement parisien. Discussion sur colloque Mérimée, autres aspects de nos recherches, vie en pays étranger, nos expériences contrastées mais convergentes, adaptation à la vie parisienne, le sabotage de leur direction de voiture il y a vingt ans en Corse, des recherches informatisées en cours...
Dînons ensuite simplement, T. et moi, au Canari, tout au bout de la rue Monge, en face de feu Le Physicien.

« Les écrivains sont souvent superstitieux. Ils n'aiment pas raconter des événements épouvantables bien qu'entièrement inventés, de peur que la fiction ne finisse par rejoindre la réalité et que, par on ne sait quelle opération magique, ce qu'ils pensaient être le seul fruit de leur imagination ne se produise dans leur existence même. Les écrivains sont souvent superstitieux. Je connais même une étude universitaire très sérieuse sur ce phénomène qu'on peut appeler sens de l'avenir, prédiction ou propension inconsciente à calquer sa vie sur celle de personnages que l'on n'a forgés de toutes pièces.» (Olivia Rosenthal, On n'est pas là pour disparaître, p. 33 —  j'ai moi aussi eu l'occasion d'évoquer ce livre de Pierre Bayard, bien que je ne l'aie pas lu...)

Commentaires

1. Le samedi 15 septembre 2007 à 08:39, par Philippe De Jonckheere :

Il existe de petits rugbymen (en général, les gros rugbymen ont du mal à mettre la main dessus), mais je te l'accorde, il existe peu de patineurs artistiques montés sur des chassis de déménageurs, donc tu as sans doute raison, ceux-là étaient sans doute des rugbymen. C'est juste que la méconnaissance de ce sport, comblée un peu trop vite par le battage infernal de cette coupe du monde, fait que l'on pense que c'est un sport dans lequel il n'y a que des gros, c'est vrai dans sa pratique professionnelle un peu (beaucoup) dégoûtante, dans sa pratique amateur, il y en a un peu de toutes les tailles.
Amicalement à toi qui ferait un très honnête demi de mêlée, vif, plein de flegme et rusé.
Phil, qui lui ne fera jamais un bon demi de mêlée, pour d'autres raisons.

2. Le samedi 15 septembre 2007 à 23:54, par F :

pauvre Berlol, à quoi tu voudrais l'embaucher...
restons longtemps méconnaissants du rugby, de la boxe, de la corrida, laissons les nageurs et les cyclistes à leurs injections : c'est pas eux les causes de la maladie, elle est plus générale

3. Le dimanche 16 septembre 2007 à 01:42, par Philippe De Jonckheere :

Et toi F, je pense que tu ferais un redoutable talonneur... dans une équipe du dimanche, une équipe d'amateurs, une équipe de copains, ce faisant, ce serait à toi que Berlol passerait le ballon à l'introduction de la mêlée que tu t'empresserais de taper vers le fond de la mêlée où nul doute je la couverais, le temps qu'il faut pendant qu'on pousserait tous dans le même sens, avant que Berlol ne la récupère, et combine, bref, ce qu'on fait tous les jours sur internet.
Sinon dégoût parfait pour la récupération massive de ce sport de copains. T'as pas à t'inquiéter.
Amicalement à vous deux, copains coéquipiers. T'ai déjà dit, en privé, ce que "rugby" voulait dire pour moi au stade de Vincennes tous les mercredis après-midi.
Phil
PS et Berlol, tout excusé tu es de ton peu de temps chez les ponantais, je sais mieux que personne que vivant à l'étranger, quand on revient en France on 'a pas le loisir de voir tout le monde. Et qu'il vaut mieux bien voir ceux qu'on voit, plutôt qu'un échatillonage frustrant. Je te dis ça en commentaire du billet suivant. Excuse le désordre.

4. Le dimanche 16 septembre 2007 à 02:43, par Berlol :

On sera d'accord sur le rugby. L'opération commerciale en cours va détruire tout ce qui restait de sympathique à ce sport... Comme toute récupération commerciale ou politique, qui nécessairement instrumentalise en réduisant au minimum utile l'objet exploité. Vampirisme pour le fric.
Non seulement j'excuse le désordre mais je le révère ! Phil et F., on prend une option pour mon prochain passage ?



Samedi 15 septembre 2007. Mignon, mou, kitsch, rose, plastique, voire attendrissant.

Moi, je n'aurais même pas consacré deux lignes à Roger-Pol Droit...

Surtout pas ces jours-ci — à peine le temps d'écouter un bout d'émission radio qu'il faut se préparer pour les rendez-vous du jour, sachant qu'il ne nous reste plus qu'aujourd'hui et demain. J'en profite pour présenter mes excuses aux amis et connaissances que je n'appelle pas ou auxquels je ne parviens pas à fixer rendez-vous. Il n'y en a pas des centaines, non plus, mais dès que les rendez-vous s'accumulent, j'ai l'impression de marchandiser et de consommer l'Autre, sans respect de sa spécificité ni sas de considération de notre relation. Alors ce sera pour une prochaine fois, on va s'écrire, se dire que c'était dommage, je ferai valoir que nous n'avions, T. et moi, que trop peu de temps à Paris, cette fois. D'ailleurs nous ne sommes allés ni au cinéma ni à aucune exposition ni rien...

Quelques affaires qui peuvent rester en France dans un sac et nous partons à Choisy-le-Roi pour déjeuner en famille. C'est maintenant comme si ma sœur cadette nous recevait chez elle. Elle refait l'appartement familial et notre mère, plus souvent à la campagne qu'en région parisienne, ne retrouve plus ses plats. Jeu de générations, qui chez nous se passe plutôt bien. La première sœur est maintenant à Lyon, moi au Japon. Il devient de plus en plus difficile de se voir tous ensemble. Mais c'est normal. En revanche, je suis plus inquiet pour notre grand-mère qui a perdu son chien il y a deux ans. Elle s'ennuie. Elle en voudrait un autre. On le lui refuse jusqu'à maintenant au prétexte qu'après sa mort (celle de ma grand-mère), on se retrouverait avec le chien sur les bras. Je proteste mais suis à l'évidence mal placé puisque ce n'est de toute façon pas moi qui m'en occuperai...

Brèves courses rue Mouffetard. Puis Pyramides (et re rive droite, que de folies !), rue des Petits-Champs, chez Kioko, Alimentation japonaise, où Titine et sa fille J. nous rejoignent. T. conseille et prépare en même temps pour le dernier dîner, qui sera japonais. Au restaurant Taishoken, puisque nous passons devant, T. signale un passage de L'Élégance du hérisson, quand M. Ozu invite sa concierge à manger une soupe de nouille et des gyozas. J'ajoute qu'une affiche du film Tampopo serait aussi du meilleur effet...
Marche tranquille jusqu'au Louvre, traversée du Pont des Arts, envahi d'avachis buveurs bien sapés. Des qui-s'y-croivent, comme on disait... Même pas des qui-se-la-pètent, ce n'est pas le lieu, mais qui croient du dernier chic mondial de squatter la passerelle dans le couchant en picolant une bouteille de vin rouge. Sans doute des Américains, dira Alain.

Car c'est bien à la rencontre improbable et merveilleuse de T. et d'Alain Sevestre que je participe au Mazarin. Le JLR l'avait eu comme lecteur, commentateur virtuel qui franchit ensuite la barrière du réel en m'envoyant un livre, qui me plut et m'incita à en lire d'autres, citer et commenter, jusqu'à se voir, un jour, près de l'Odéon, timidement.
Mais ce qu'on attend de la littérature n'a rien à voir avec la réalité des personnes qui écrivent. Et plus l'on est exigeant avec le style, moins on est capable d'apprécier que l'auteur soit n'importe qui, un(e) beauf, un dragueur, un vieux beau, un suffisant, ou leur version au féminin, un(e) hystérique, etc. Et si la personne déçoit, sa littérature déchoit — en tout cas, pour moi, c'est comme ça que ça se passe. Et la réciproque, ce que c'est pour lui de me rencontrer, ce n'est pas à moi d'en parler.
Mais rencontrer T., c'est aussi rencontrer un personnage du JLR et traverser l'illusion d'un miroir textuel.
Au vin, nous avons brisé la glace avant de dîner, beaucoup parlé de littérature, un peu de blog, puis beaucoup de Japon, notamment de la difficulté de cerner par l'exemple le champ lexical du kawai — beau, brillant, mignon, mou, kitsch, rose, plastique, voire attendrissant à contre-emploi, comme on peut parfois dire d'un sumo ou d'un vieillard.

« Sur la piste de ce que je viens faire ici, sur ou dans votre blog, aujourd'hui, dimanche, après avoir voté comme vous (non mais !) arrivèrent quelques raisons douteuses, évidemment. Ne nourrissant nul journal de mon côté, je me disais depuis plusieurs jours allons écrire ce que je fais ou ne fais pas ici, c'est un bon endroit, digne, chaleureux, plein d'intelligence partagée. Chaque jour, je serais venu parasiter ces pages, comme un sous-blog qui, avec les semaines (je m'en exagérais tout de suite l'impact), aurait épaissi, gangréné l'ensemble. Bon, je ne sais pas.
Le temps me manquerait. Je vais continuer de lire et de vérifier vos scores au ping-pong, pour le moment.
Bon dimanche » (commentaire signé « Alain », le 29 mai 2005)

Commentaires

1. Le dimanche 16 septembre 2007 à 01:01, par brigetoun :

intimidée par la rencontre, par une idée de la conversation et par le Japon, j'ai tout de même flashé sur l'image des buveurs qui se la racontent sur le pont des Arts, et souri dans mon coin

2. Le mardi 18 septembre 2007 à 03:20, par christine :

voilà qui me console d’avoir été en vacances au moment de votre passage à Paris : mon peu de valeur marchande en tant qu’Autre m’aurait sans doute éliminée de la liste de tes rendez-vous !... et bien que n'étant pas écrivain (j'imagine tous ceux que tu connais se demandant en te lisant dans quelle catégorie ils se rangent) je suis un peu hystérique, et assez kawai aussi parfois (je suis d'ailleurs ravie d'apprendre qu'on peut qualifier un sumo de kawai)

ce sera pour une prochaine fois ... et bon retour "maison" à tous les deux



Dimanche 16 septembre 2007. Les honorer et les remercier, encore une fois.

Grasse matinée préventive (qui n'empêche pas T. d'avoir un début de rhume) et rangement.

Déjeuner avec mon père à L'Atlas (couscous, tagine, etc.), restaurant mitoyen de la Tour d'argent.
Temps idéal pour promenade le long de la Seine, sur les berges. Beaucoup de monde, beaucoup de vélib, beaucoup de bronzeurs. Raccompagnons mon père à sa voiture vers 16 heures.
Jamais mis autant de temps pour traverser le pont Sully ! Mon père a une tendinite au talon, marche lentement, se gare toujours sur le quai Henri IV. On en profite pour admirer le paysage...

T. rentre pour se reposer et préparer le dîner, tandis que j'ai rendez-vous à la fontaine Saint-Michel avec Bikun, auquel se sont joint Anne et Dom. Reformons un carré comme à Tokyo il y a six ou sept ans... Mais seulement jusqu'à 19 heures, après avoir mangé des boules de glace et marché jusqu'au Luxembourg. Il faudrait du temps, on en voudrait, on n'en a pas.

Dîner japonais et quasi végétarien chez nos hôtes. Pour les honorer et les remercier, encore une fois. Pâte de poisson, tofu, algues, fines nouilles de blé, etc., tout fait l'unanimité, sauf le natto, qui par nature divise.

Le poids de chaque valise voisine les 25 kilos. Faut qu'on en mette plus dans les bagages en cabine. Et que ça reste portable... Ça nous fait coucher bien après minuit — notre dernière nuit à Paris. On se serre. On ne pleure pas.

« Faites un exercice.
Quand vous êtes sûr que c'est la dernière fois que vous voyez quelqu'un, prononcez, non comme une injonction mais comme un constat, cette phrase dans votre tête : je ne le reverrai jamais.» (Olivia Rosenthal, On n'est pas là pour disparaître, p. 43)

Commentaires

1. Le lundi 17 septembre 2007 à 22:11, par alain :

Hier, accès aux commentaires fermé ! Je voulais dire que j'étais au Luxembourg également, vers dix onze heures du matin, entre les tennis et les tables d'échec (prises d'assaut (vers 11 h 30) par de chics couples qui dressaient le couvert pour d'élégants déjeuners), et qu'assis j'ai suivi les cours de taï-chi : un groupe nombreux à la chorégraphie chancelante, deux types sur le côté qui bossaient les atémis et suaient et une dame seule qui répétaient de petits pas sur place. Apparemment donc, plusieurs écoles de taï-chi au milieu des coureurs, des poussettes et d'une file de gens chics aussi s'allongeant devant le restau du Luxembourg. Mais bon, je le dirai une autre fois.

2. Le mardi 18 septembre 2007 à 00:19, par Berlol :

Eh, oui, pardon ! J'avais fermé pour le voyage. Des fois que j'en reviendrai pas... Mais c'est bon, on est arrivé. À l'autre bout de la terre.

3. Le mardi 18 septembre 2007 à 06:22, par Manu :

Okaeri !
Bon, ben tu vois, pendant que toi tu te plaignais du temps moyen en Corse, ici on s'est pris un beau typhon qui nous a fait craindre pour notre nouvelle demeure pendant plusieurs heures (il faut savoir qu'il y a eu un avis d'évacuation pour Tamagawa 3 chome). Et quelques jours auparavant, je me suis pris un orage dont je me souviendrai encore longtemps: trempé de la tête aux pieds en une seconde, alors que je m'aventurai hors de mon abri, trop impatient que j'étais de rentrer à la maison alors qu'il ne me restait même pas 500m à parcourir. 10 minutes plus tard, la pluie s'arrêtait presque totalement, et le temps que je voulais gagner, je le perdais à essuyer toutes mes affaires.
Il est temps qu'on se voie !

4. Le mardi 18 septembre 2007 à 07:55, par Berlol :

Oui, surtout si tu veux du beau temps... Je m'en amuse et c'est sans doute un hasard, une suite de coïncidences, mais cette année, le mauvais temps virait au beau avant notre arrivée quelque part et redevenait mauvais après notre départ. Avant hier, on s'inquiétait justement de ta maison, avec Anne, Dom et Bikun... Dis-moi quand tu as du temps libre cette semaine.

5. Le mercredi 19 septembre 2007 à 08:13, par Manu :

On déménage ce week-end et on est en plein dans les cartons, donc plutôt après.

6. Le mercredi 19 septembre 2007 à 08:26, par Berlol :

Okkay !! Attention au tour de reins... Mais après, ce sera comme avant, pour moi : SDL seulement.



Lundi 17 septembre 2007. Ne meurt pas si tôt que le cheminot.

Taxi à 7h15. Je pensais qu'il fallait ça pour éviter les bouchons. Mais on est passé avant même qu'ils ne naissent. Roissy à 8 heures.
Visitons le terminal 2F, prenons un café, achetons quelques revues (Technikart du mois avec article sur Volodine). Enregistrement des bagages vers 9h45. Contrôle des passeports et scanners vers 10 heures. Ça passe assez vite du fait de contrôles sans fouille. On retire les ceintures mais pas les chaussures. Boutiques duty-free (dépenser peu, quelques chocolats). Embarquement par escalier et bus, comme au retour d'Orléans.

Dans l'avion, journaux et cinéma. En page 2 du Canard enchaîné du 12, ces propos, sous le titre "Le plus c... du Quai", qui me remettent dans le bain et amuseront assurément quelques amis :
« À propos du mouvement diplomatique qui est en préparation depuis des semaines [...]
Plus pittoresque : quand il a été question, lors d'un Conseil des ministres, de nommer ambassadeur à Berlin Bernard de Faubournet de Montferrand, un ancien conseiller diplomatique de Balladur, Sarko s'est écrié : "Vous n'avez pas pu trouver plus con ?"
Apparemment...»


Trois des films disponibles. Le Prix à payer (A. Leclère, 2007), très moyen. Lanvin s'enferme dans l'éternelle brute épaisse. Nathalie Baye se débrouille (contrepèterie).
Dialogue avec mon jardinier (J. Becker, 2007), excellent film, avec une superbe composition d'acteurs, surtout Jean-Pierre Darroussin. Derrière leur intrigue de façade, ces deux films mettent en scène une forme de communication entre classe bourgeoise et classe ouvrière. Le premier de façon grossière et désordonnée, qui ne mène nulle part ; le second d'une manière fine, intelligente et taillée pour une longue carrière. En effet, Dialogue avec mon jardinier s'inscrit hors du temps présent et laisse apparaître qu'un homme cultivé, bien nourri et dont le métier n'est pas trop fatigant ne meurt pas si tôt que le cheminot qui a eu un métier de force pendant une trentaine d'année — même si son régime spécial de retraite lui permet de jardiner à sa guise... (Amusant de voir comme l'éternel s'incarne parfois dans l'ultra-contemporain.)
Pur Week-end (O. Doran, 2007), amusant, sans autre commentaire.

Commentaires

1. Le mardi 18 septembre 2007 à 20:27, par Dabichan :

Nathalie Baye se débrouille ?
Voyons... Nathalie braye se débouille ? se bédouille ?

2. Le mardi 18 septembre 2007 à 22:59, par Berlol :

Nice try !...

3. Le mardi 18 septembre 2007 à 23:27, par Dabichan :

Are ! Okashii na !



Mardi 18 septembre 2007. De l'essence de la chefferie.

Atterrissage comme prévu à 6h40 (avec trois doubles consonnes, un cas unique).
Humidité sensible au sortir de l'avion, c'est le Japon. Ça pourrait être la Thaïlande ou Bali, mais c'est le Japon, et ça veut dire retour au boulot. Au contrôle de la douane, le dernier avant de sortir, on doit remettre un nouveau papier, distribué et rempli dans l'avion, et destiné à comptabiliser les produits contrôlés : tabac, alcool, etc. On a mis des zéros partout.
Dans les neuf dix heures du matin, déballant et faisant tourner une machine de linge pendant qu'on tient encore debout, je mets tout de suite en route le Total Recorder, en commençant par les Mardis littéraires du 28 août, notamment — essentiellement, devrais-je dire — avec Antoine Volodine. Intéressant Travaux publics du 14 septembre avec Patrick Bazin, de la Bibliothèque municipale de Lyon (avec les défauts inhérents à l'émission et à son sémillant présentateur). Puis série sur l'autofiction dans les Nouveaux chemins de la connaissance, début septembre.

Et puis... reprise de Ce soir ou Jamais, pile hier soir ! Frédéric Taddeï savait très bien que je ne pouvais pas être en France et voir son émission... On y parle de chef, de l'essence de la chefferie, avec Régis Debray, grand balanceur sur sa chaise conceptuelle, de Villepin qui radote son Napoléon tandis que Winock n'en pince que pour Clémenceau... Ça commence bien.
Je finirai demain, déjà le dîner m'appelle (nous avons sauté le déjeuner en dormant).

Une belle Fille comme moi (Truffaut, 1972), film que je n'avais jamais vu, sur TV5 Monde. Quelle liberté de ton ! Quelle originalité de tournage !

Au fait, vous ne trouvez pas que Marie Drucker ressemble étonnamment à Bernadette Laffont ? En moins garce, bien sûr.

« En répondant aux questions du Mini Mental State pour mesurer l'état de vos performances intellectuelles, vous perdez vos moyens, vous transpirez, vous confondez, vous ne savez plus compter. Vous avez une peur panique de vous tromper.» (Olivia Rosenthal, On n'est pas là pour disparaître, p. 55)

Commentaires

1. Le mardi 18 septembre 2007 à 22:51, par Caroline :

C'est, en effet, un excellent film, injustement méconnu.

2. Le mercredi 19 septembre 2007 à 02:11, par brigetoun :

oh oui !pour le Truffaut. Je le reverrai bien.
L'animateur de Travaux publics m'insuporte au point de me rendre difficile l'écoute. Je l'engueule généralement avec l'énergie que je mets en même temps à frotter les meubles ou le sol. Finalement il a son utilité

3. Le mercredi 19 septembre 2007 à 04:13, par Berlol :

Faudra que j'essaie le Lebrun pour frotter les meubles ! Mais... je n'ferai pas ça tous les jours !

4. Le mercredi 19 septembre 2007 à 09:22, par m sonnet :

Seul Truffaut que je n'ai jamais vu, et je me demande où il faut aller pour le voir
Et à propos de Lebrun (que je supporte excusez-moi) drôle de petit bouquin où il est question de lui : "un sociologue à la dérive" de Henri-Pierre Jeudy (Sene & Tonka éd) ou la vie en Haute-Marne saisie par les Travaux publics



Mercredi 19 septembre 2007. Jamais à la cheville de celles d'ici.

Me suis rappelé d'une belle expression entendue samedi dans la bouche de mon beau-père et concernant, comme une épidémie, la frénésie consumériste : la fièvre acheteuse. Quand on fait trop chauffer la carte bleue, je suppose... Mais on n'a rien dit sur la cure.
Je découvre ce matin que l'expression est déjà assez répandue, et prise en compte. Mes honorables lecteurs la connaissaient-ils ?

Rangements, transferts informatiques, courriers... Une reprise en main, quoi. Ce n'est plus vraiment l'été mais il fait quand même bien plus chaud et humide qu'à Paris. On s'habille comme en juillet. On mettra la clim' dans l'après-midi.
Déjeuner au Saint-Martin. Pendant que nous étions en Normandie et en Bretagne, Yukie était en Tunisie. Conséquemment, elle est aussi, voire plus bronzée que nous. Ce qui ne change rien à l'excellence — indétrônable — du poulet-frites du Saint-Martin.
Si je me souviens bien, j'ai pris quatre fois des frites en un mois, sans compter les molles et collées de Cerisy, la dernière étant au Café de l'Esplanade, et elles n'arrivaient jamais à la cheville de celles d'ici... Quel mystère se cache là-dessous ?

Enregistrement de 1966 et de la série des Nouveaux chemins de la connaissance sur la pornographie.

Message reçu tout à l'heure, de Daniel Schneidermann, via liste constituée après pétition de soutien à Arrêt sur images et que je rediffuse parce que j'aime parler des médias qui « détestent parler des dérapages des médias » et pour que ceux qui le souhaitent y adhèrent :

« Le saviez-vous ? Deux anciens dirigeants de TF1, Patrick Le Lay et Etienne Mougeotte, comparaîtront bientôt devant le tribunal correctionnel d'Alès (Gard), pour violation et recel du secret de l'instruction.
Le Droit de savoir (TF1) avait filmé, et diffusé, les aveux d'assassins présumés, devant les gendarmes.
Même TF1 ne peut pas tout se permettre !
Le saviez-vous ? La direction de l'AFP a dû modifier un titre de dépêche sur pression du cabinet de Xavier Darcos, ministre de l'Education. Il s'était un peu trop avancé sur une éventuelle réforme du bac ? Qu'à cela ne tienne, l'AFP change son titre.
Le saviez-vous ? Non.
Vous ne le saviez pas, parce que les medias détestent parler des dérapages des medias.
Voilà pourquoi nous avons décidé de recréer Arrêt sur images sur le Net : pour que vous sachiez comment les medias vous informent... ou ne vous informent pas.
D'ores et déjà, notre site provisoire vous attend (http://arretsurimages.net).
Et pour que nous puissions enquêter en toute indépendance, notre première source de financement, ce sera... vous.
En cinq jours, vous avez déjà été plus de 10 000 à vous abonner. Si ce n'est pas encore fait, abonnez-vous dès aujourd'hui (sur http://arretsurimages.net/abonnement). Plus vous serez nombreux, plus vous nous permettrez de construire un site définitif, indépendant et complet.
Egalement au sommaire de cette première semaine de notre site provisoire :
Pourquoi dit-on « on a gagné », mais « ils ont perdu » ? Sebastien Bohler vous l'explique.
Les 20 Heures de TF1 et France 2 ont prêté (sans complexe) leur antenne au déménagement médiatique (sans complexe) de la ministre Christine Boutin à Lyon. Si vous les avez ratés, ne manquez pas le montage - rattrapage d'Aurélie Windels.
Enfin, Elisabeth Lévy fâche (déjà) quelques uns de nos premiers abonnés en écornant l'icône Jacques Martin

Commentaires

1. Le mercredi 19 septembre 2007 à 14:09, par jenbamin :

en rien honorable, mais oui, connais l'expression, et hélas trop bien la maladie qu'elle désigne...

2. Le jeudi 20 septembre 2007 à 01:32, par janu :

Je crois aussi que je la connaissais l'expression, même si je ne suis plus tout à fait sûr de ne pas confondre avec la fièvre aphteuse - laquelle des deux a pu faire florès la première dans les médias, y a-t-il eu contamination ?
(Question subsidiaire : vous le supportez, vous, Raphaël Enthoven ? C'est en écoutant l'émission avec Marcela Iacub que j'ai fini de le trouver insupportable avec ses invités - on dirait parfois qu'il invite les gens pour leur régler leur compte.)

3. Le jeudi 20 septembre 2007 à 04:20, par Berlol :

Raphaël Enthoven ? Il n'est pas désagréable à écouter. Il est vrai qu'il s'exprime avec préciosité et qu'il se positionne comme un philosophe. S'il ne fait pas un peu d'effort pour s'effacer (ne serait-ce qu'un peu, parce qu'il y a tout de même des invités qui méritent d'être secoués — et Iacub ne semblait pas très solidement juchée sur ses concepts, vous en conviendrez), s'il ne fait pas un eu d'efforts, donc, il fera pendant puis succédera à... Finkielkraut.

4. Le jeudi 20 septembre 2007 à 05:05, par janu :

C'est exactement ça (que je lui reproche), il en prend tout droit le chemin.
J'avais eu l'impression que Iacub n'avait simplement pas eu l'occasion de développer quoi que ce soit (c'est elle par exemple qui lui fait remarquer qu'il passe sans transition explicite de la représentation pornographique au crime pédophile), qu'il secoue tout le monde, et pourquoi dans ce cas inviter précisément ceux qui le méritent ?...
Enfin, très bien, ça me permet de relativiser ce désagrément que j'ai moi quand je tombe sur lui en allumant le poste.

5. Le jeudi 20 septembre 2007 à 05:30, par Berlol :

Alors on est d'accord, entre secouer les gens et leur donner des leçons, il y a un pas que nos oreilles captent très bien. Qu'on le lui dise !

6. Le jeudi 20 septembre 2007 à 06:41, par brigetoun :

et ce qu'il y a de bien dans la fièvre acheteuse c'est que si on veut s'en débarrasser il existe de sympathiques gourous ou conseils ou ce qu'on veut qui vous en délivrent, contre quelques monnaies. Les affaires marchent.
Assez d'accord pour Schneidermann mais je lui trouve une vertu, à part "C dans l'air" grâce à vous, ses blogs successifs et sa défunte émission étaient mon seul lien avec la télévision. Cela me permettait en gros de mettre un contenu en face de noms que j'entendais, maintenant que de plus en plus de gens la regardent, et de me conforter dans l'idée qu'il était inutile de le faire.

7. Le jeudi 20 septembre 2007 à 09:42, par jenbamin :

fièvre acheteuse : il y a un an (ou quelque chose comme ça) j'avais lu un article dans Le Monde sur les réunions de « consommateurs anonymes » (sur le modèle des (célèbres) alcooliques...), ça m'avait bien fait poiler...
Et puis sinon, s'il faut choisir entre Enthoven et Finkielkraut, je crois que j'arriverai encore à faire la différence. Ce qui me dérange chez Finkielkraut n'est pas sa pose (elle est ridicule, certes), c'est le côté assez violemment réac de sa pensée. Enthoven n'en est pas là, reste à surveiller qu'il ne vieillisse pas trop mal.



Jeudi 20 septembre 2007. Le trou béant dans votre histoire.

Le fascisme progresse.
Ne le voyez-vous pas venir, citoyens français ?
À pas de loup mais... précisément.
Le pouvoir en place parle d'e-ffi-ca-ci-té.
Le Parlement, les savants ne pensent que
Science, caméras, traces...
Et quotas. Et délais. Ça les connaît.
Oui, la génétique est efficace, nous le savons !
Mais...
L'efficacité a toujours été le pied de biche avec lequel les fascistes ont fracturé la dignité humaine.
Alors...
Qui inventera le compteur d'indignité ?
L'appareil qui grésillera sur l'humain baffoué
Comme un compteur Geiger
Comme de la peau qu'on incinère ?
Pour faire sentir l'indignité.
Et...
Quand les parlementaires, ceints de toute leur efficace, vous diront...
— Bientôt —
Qu'il est plus sûr d'éliminer les clandestins que de les renvoyer chez eux.
Que direz-vous, citoyens français ?
Ou bien, c'est que vous l'avez déjà, la maladie de A.
Le trou béant dans votre histoire.

*  *
*

Photos pour le colloque Mérimée. Comment faire la mise en ligne — il y en a près de 150 — sans y passer des dizaines d'heures ? J'essaie une page html classique, avec un grand tableau à plein de cases. Mais le chargement des photos d'environ 2,2 Mo chacune prendrait des heures... J'en reviens à la galerie photo que propose mon fournisseur, en php, mais qui n'accepte pas de photos de plus de 2048 Kb. Il faut donc les réduire une par une ? Ah, voilà un logiciel qui automatise l'opération pour une sélection de photos. Bon, on approche. Restera à télécharger sur le serveur, trois par trois, je n'ai pas le choix, et mettre des descriptifs. On verra demain si je peux finir...

Projection de presse à l'Institut : Ne touchez pas la hache (Jacques Rivette, 2007), que j'écrivais, encore plus proche de moi, touche pas la hache.... Plongée merveilleuse dans le XIXe siècle. Je ne croyais guère à la reconstitution historique, à l'adaptation d'un énième Balzac, ni à Guillaume Depardieu. En moins d'un quart d'heure, j'ai été aspiré en 1818, scotché par ce choc d'un survivant de l'Empire contre les manières Restauration, autre avatar du survivant qui n'a plus sa place, comme l'était le colonel Chabert. La puissance de la reconstitution provient de la façon dont les comédiens habitent le décor autant que leur rôle. Les cartons, les dialogues, les lumières, toute la mise en scène renforce l'incarnation.

Sortant de la salle mais pas encore du film, j'aperçois, dans la médiathèque, Christine — qui n'est pas sans faire penser à Jeanne Balibar... Nouvelles bonnes et nombreuses. Sur une future naissance. Sur l'exposition Antonin Raymond qu'elle préparait depuis plusieurs années et qui a commencée à Kamakura.

La Gloire de mon père, sur TV5 Monde. La première fois que T. et moi regardons un film en direct sur TV5 par l'écran de l'ordinateur... Film agréable, amusant, mais sans plus. On alors, c'est qu'on est fatigué.

_______________

« Ce fut, dit-il, l'un des plus grands chagrins de sa vie. Honoré de Balzac était tombé amoureux de la marquise de Castries, qui recevait amis et hommes de lettres dans son hôtel du faubourg Saint-Germain. Abusé par les faveurs que lui accordait cette allumeuse, Balzac se vit un jour brutalement opposer "une froideur inouïe", et en fut mortifié. Consolé dans les bras de Mme Hanska, il dépeignit sa "cruelle aventure" dans une nouvelle, Ne touchez pas à la hache, qui se transforma en un récit, La Duchesse de Langeais. Et qui fut déjà adapté au cinéma en 1941, par Jacques de Baroncelli, avec Edwige Feuillère et Pierre Richard-Willm. Décidé à "transposer en termes cinématographiques l'écriture de Balzac : longues phrases coupées par des incidentes, changements de vitesse surprenants, façon de dire presque en passant les choses les importantes", Jacques Rivette filme ici, fidèle donc à l'esprit mais aussi à la lettre, l'histoire de ce drame passionnel en quatre actes.
1. Mariée à un duc invisible, Antoinette de Langeais attire le général de Montriveau dans ses filets de sainte-nitouche, attise son désir par des regards expressifs, câlineries de voix, gestes de coquette, tout en prétextant la bienséance mondaine pour se refuser à lui. 2. Rendu fou par ses dérobades, Montriveau kidnappe la duchesse au sortir d'un bal, la séquestre et menace de la marquer au fer rouge pour la punir, puis la libère sans passer à l'acte. 3. Emue d'être épargnée, la duchesse s'avoue éprise et prête à se déshonorer, mais c'est l'officier qui la snobe, persuadé qu'elle continue à l'ensorceler, pour ne rien lui céder. 4. Après s'être heurtée à la porte close de son virtuel amant, Antoinette de Langeais se cloître dans un carmel d'où Montriveau, repentant, va tenter de l'arracher...
Entre Rivette et Balzac, c'est une vieille histoire. Le goût des sociétés secrètes et des ténébreuses affaires, chez le cinéaste, que l'on trouve dès son premier film, Paris nous appartient (1960), que l'on repère ensuite dans Out One (1971), Le Pont du Nord (1982), Secret défense (1998), explique sa fascination pour l'Histoire des Treize tissée par le romancier, dont La Duchesse de Langeais est l'un des trois volets. Après ces sous-entendus de connivence avec les conspirations visant à abattre le pouvoir, celle par laquelle les insurgés napoléoniens de La Comédie humaine menacent l'aristocratie de la Restauration, celle des gauchistes de Mai 68 dans Out One, Jacques Rivette aura adapté Le Chef-d'oeuvre inconnu, où le peintre Frenhofer dénude son modèle, dans La Belle Noiseuse (1991).
L'ALCHIMIE DES PLANCHES
Ce constat machiavélique d'une déclaration qui, par deux fois (l'une venant d'elle, l'autre de lui) arrive trop tard, nous ramène à la manière dont Jacques Rivette a souvent dépeint le couple : un homme et une femme se livrant à un jeu dangereux, une guerre fatale, entre fausses vérités et faux mensonges, dont ils sont à tour de rôle la victime et le démiurge, et qui, lorsque l'énigme livre sa clé, se termine par la mort de l'héroïne, condamnée à ne plus être qu'un fantôme, ou ici "un poème". A la fois innocente et perverse, magicienne et prisonnière, manipulatrice et sadisée, "victime et tyran", comme l'écrit Balzac dans un autre récit, La Femme de trente ans, les héroïnes de Rivette (chastes, libertines, métamorphosées ou emprisonnées, comme Suzanne Simonin, la religieuse de Denis Diderot, en 1966) sont condamnées, quoi qu'elles fassent, à "une égale somme de malheurs".
Connaissant le goût du cinéaste pour l'alchimie des planches, l'exploration du rapport entre comédiennes et metteur en scène, on ne s'étonnera pas de le voir choisir un texte fertile en coups de théâtre : l'horloge déréglée provoquant le rendez-vous raté, le rideau noir du couvent se refermant brutalement sur la religieuse entrevue. Autant d'objets qui illustrent une censure à la sauvagerie de la pulsion (qu'il s'agisse de la fougue du soudard comme de l'élan de la femme mal mariée, prise à son propre piège, torturée par un sentiment jusqu'alors inconnu pour elle), et auxquels il faut ajouter cette hache à double sens.
L'IMBROGLIO OBSCUR
Via l'allusion à la décapitation du roi d'Angleterre Charles Ier en 1649, cet instrument barbare souligne en effet l'allégorie politique qui permet à Balzac de fustiger des valeurs désuètes et à Rivette de rejeter un ordre trop pesant. Mais il fait aussi allusion à la torture infligée par Antoinette de Langeais à son soupirant, auquel elle a fait perdre la tête : "Vous avez touché à la hache", chuchote Montriveau, en suggérant qu'elle risque fort de subir à son tour un châtiment corporel.
Ne touchez pas la hache est un film brûlant sur l'amour douloureux, la passion qui aliène. La mise en scène de Jacques Rivette est le plaisir de filmer des corps, celui de l'homme blessé ou celui de la femme captive, des enveloppes charnelles dévoilant l'invisible, l'art du masque et le révélateur de vérité, la façon dont le personnage s'arrange avec son propre scénario, son propre mystère ; et la façon dont l'acteur trouve le ton juste, loin des emphases, décors et costumes hollywoodiens, pour suggérer l'imbroglio obscur, la coïncidence entre ce qu'il est censé interpréter et ce qui lui appartient. La fragilité maquillée en provocations vaniteuses chez Jeanne Balibar, le douloureux vécu d'un obsessionnel empoté, claudiquant, chez Guillaume Depardieu.» (Jean-Luc Douin, dans Le Monde du 28 mars 2007)

Commentaires

1. Le jeudi 20 septembre 2007 à 13:53, par scott :

Ils sont beaux, ces vers terrifiants. Et justes. Mais les Français ne s'inspirent pas seulement de leur passé -- ils ont un modèle plus contemporain outre-Atlantique. La mode est à l'égoïsme.

2. Le jeudi 20 septembre 2007 à 15:18, par Berlol :

Oui, tu as raison. C'est peut-être en voyant la série "24 Heures", il y a quelques temps, que je me suis rendu compte de l'influence actuelle de ce modèle... En dehors de la scène politique, bien sûr.

3. Le jeudi 20 septembre 2007 à 22:22, par Caroline :

Merci de ce texte. Peut-être est-ce le fait de voir la situation de si loin qui rend si lucide. Ici, silence absolu. Silence assourdissant.

4. Le vendredi 21 septembre 2007 à 06:28, par brigetoun :

pas exactement la même catégorie les deux films. Le second ferait presque partie des "divertissements" ayant l'effet secondaire mais non négligeable d'endormir les éventuelles colères dans une gentillesse benoite.
Et le fascisme s'accompagne et en fait distrait (assez horiblement il est vrai) lui aussi de la démolition en cours

5. Le jeudi 27 septembre 2007 à 04:54, par jenbamin :

Ca fait maintenant une semaine que j'hésite à écrire un commentaire pour ce billet. Je crois la question horriblement difficile. D'un point de vue « pragmatique » d'efficacité dans le combat d'idées, je sais que j'étais opposé, pendant la campagne, à ceux qui croyait bon de clamer « sarko = facho ». Ce qui ne m'empêchait pas, à l'occasion, de crier, tout seul chez moi devant ma radio, « fasciiiiiste ! », quand j'entendais tel ou tel de ces propos honteux dont il avait le secret... Si je devais en parler sérieusement avec des amis, j'expliquais grosso modo que je pensais que Sarkozy était un républicain, pas un fasciste, mais que d'une part il n'hésitait pas à récupérer des éléments d'un discours pour le coup authentiquement fasciste (celui du FN), et que d'autre part il était porteur, à la fois explicitement et implicitement, d'une idéologie que je qualifiais de « pré-fasciste ». (Ou peut-être pourrait-on utiliser le mot d'« archi-fascisme », que Lacoue-Labarthe définit et emploie au sujet de la pensée de Heidegger.)
Nous vivons au rythme de la campagne permanente : le discours de Sarkozy n'a que peu changé — cf. le fameux discours à Dakar cet été, consternation et honte de constater que la parole officielle de l'État est, ni plus ni moins, raciste.
Viens maintenant la politique effectivement mise en œuvre : je suis persuadé qu'il y a au sein du gouvernement des gens qui ne sont pas, mais alors pas du tout, des fascistes. Voire même des gens de qualité : sans être évidemment d'accord sur tout avec eux, je crois que s'agissant de Valérie Pécresse ou de Xavier Darcos, on a affaire à des gens pas franchement stupides, et connaissant bien les dossiers dont ils ont la charge. (Reste qu'ils sont dépendants des arbitrages budgétaires : je suis persuadé que Darcos aurait aimé avoir le budget suffisamment pour ne pas supprimer autant de postes, en la matière c'est Bercy qui décide — en fait c'est surtout Sarkozy qui décide : de tout.)
Alors, le fascisme progesse, ou non ? Malheureusement, malgré toutes les précautions que je viens d'émettre, j'ai bien peur que oui : le coup des tests ADN n'est qu'un élément parmi d'autres, mais tout à fait symptômatique. Ci-dessous, retranscription très partielle des débats à l'Assemblée (ils sont dispo sur le site de l'AN). C'est édifiant. C'est même absolument flippant, en fait. Et je ne sais pas comment on peut lutter contre ça, efficacement. Mais en tout cas, oui, rester éveillé : les pas de loups et les sourires du président ne changent rien à l'affaire.
amicalement
benjamin
-----
Mardi 18 septembre,
Dans l’hémicycle de l’assemblée Nationale, le président donne la parole à Philippe Meunier, député du Rhône UMP qui rappelle d’abord qu’un « peuple libre est un peuple qui a le droit de choisir qui il veut accueillir sur son territoire »
A gauche, ça grince « Incroyable » s’exclame le député communiste Patrick Braouzec
« Il est de notre devoir, poursuit Philippe Meunier de légiférer pour protéger l’intégrité de notre territoire
C’est la raison pour laquelle les députés de la majorité soutiennent ce projet de loi
quant à la question de l’analyse ADN, il suffit de quelques dollars pour obtenir de certains pays un document de filiation ».
« Quelle accusation » tonne à nouveau Patrick Braouzec
« C’est une réalité » répond Philippe Cochet, autre député UMP
Son collègue Meunier reprend la parole « Ces quelques dollars pour une reconnaissance de filiation, permettent de faire venir n’importe quelle personne, sur notre territoire national. Voilà ce qu’autorise aujourd’hui notre législation ! »
Avant d’ajouter un peu plus tard « comme à l’accoutumée certains esprits préfèrent déformer l’objet et la finalité de cette loi ils ne se rendent pas compte (du moins je l’espère) qu’ils font le nid des polygames et de ceux qui pensent que les femmes sont nées pour être voilées .. voire lapidées le cas échéant »

6. Le jeudi 27 septembre 2007 à 05:37, par Berlol :

Comme quoi, il faut laisser chacun s'exprimer à son rythme. Une semaine après, il n'est pas trop tard, et votre préoccupation m'honore. Je crois que nous sommes nombreux à ressentir cette montée, et avec d'autant plus d'inquiétude que nous ne nous voulons pas habituellement alarmistes ou cassandresques. Donc, nous le disons d'une petite voix, pas très sûre d'elle-même, d'une petite voix qui souhaite encore quelque part que Sarkozy soit un vrai républicain — alors qu'à l'intérieur de nous, c'est une grosse voix qui gronde le danger. La perspective de la rigueur budgétaire devrait bientôt nous éclairer sur la réalité de l'ouverture ou le début des tours de vis (ou de vice).

7. Le jeudi 27 septembre 2007 à 11:54, par jenbamin :

Mon inquiétude serait surtout celle-ci : qu'il ne s'agit pas seulement d'un individu, juste un petit con ambitieux nommé Nicolas Sarkozy. Qu'il s'agit de quelque chose assez répandu au sein de l'UMP. Qu'il s'agit de quelque chose très répandu dans toute la société. Évidemment, la responsabilité de l'individu Nicolas Sarkozy est écrasante, c'est lui qui dicte la politique effectivement mise en œuvre ; mais même lui ne pourrait rien faire si son idéologie n'avait aucun écho dans l'opinion. Et que ladite opinion soit elle-même construite et ne relève pas d'une quelconque transcendance absolue (ou immanence absolue : c'est la même chose), immuable, c'est là une évidence et c'est pourquoi il faut continuer à se battre, y compris sur le terrain des idées.
À côté de la sarko-lepénisation des esprits, les perspectives de rigueur budgétaire ne me font en fait ni chaud ni froid : ce sera juste l'incohérence habituelle des politiques économiques de droite — rien de vraiment très grave, juste un truc dégueulasse et inégalitaire. Rien de très nouveau par rapport aux années Chirac.



Vendredi 21 septembre 2007. Critères QROQ.

D'aujourd'hui, peu à dire, sinon que j'ai sorti mon vélo pour aller à la banque et faire des courses dans la matinée, que j'ai fini d'enregistrer les émissions du programme d'été de France Culture sur les années 60, puis deux Tout Arrive, l'un avec Richard Morgiève, l'autre avec Olivia Rosenthal, et qu'enfin nous sommes sortis en fin d'après-midi, essentiellement pour marcher, prenant prétexte de pain et de confitures à acheter chez Meidi-Ya pour prendre le métro jusqu'à Ginza-Itchome et en revenir à pied, non sans nous arrêter vers 19 heures dans un excellent restaurant régional de tonkatsu.

Pour la quantité et la qualité, j'aurais sans doute payé pour nous deux entre 50 et 60 euros à Paris. Or la facture de ce soir ne s'élevait qu'à un peu plus de 3000 yens, soit l'équivalent de 20 euros. J'ai souvent fait cette comparaison entre restaurants en France et au Japon, avec ce qu'on pourrait appeler le carré de critères QROQ :  qualité, régionalité, originalité, quantité — et non pour les mêmes plats puisque les différences de lieu, de culture et de disponibilité de produits ne permettent pas d'équivalence. Or depuis deux ans les résultats sont systématiquement à l'avantage du Japon : un même QROQ est moins onéreux au Japon qu'en France.
Ce qui signifie aussi que des Français qui viendraient maintenant faire du tourisme au Japon seraient doublement avantagés : d'abord par le change, l'euro s'étant apprécié de plus de 25 % en deux ans, ensuite par le QROQ à peu près à moitié prix. Reste encore l'avion et l'hôtel...

« Je vais faire la liste de toutes les maladies qui portent le nom d'un médecin : la maladie de Parkinson, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, la maladie d'Alzheimer, la maladie de Hailey-Hailey [...] Il y a trop de maladies, beaucoup trop. Et il y a aussi trop de médecins. S'il y avait moins de médecins, certaines maladies ne porteraient pas de nom. On ne les connaîtrait pas. Elles flotteraient dans l'univers vague des maladies non identifiées et on pourrait ainsi être sûr de ne pas en être atteint. Alors que tous ces noms et toutes ces maladies et tous ces symptômes sont constamment autour de nous et nous menacent. Nous sommes menacés par les maladies et notre résignation est entamée, à un moment ou à un autre, par une peur sourde dont rien ne peut nous affranchir. Nous avons peur.» (Olivia Rosenthal, On n'est pas là pour disparaître, p. 61)

« L'histoire des enfants, ça c'est aussi un élément important, je pense, qui est un peu humoristique mais je ne suis pas sûre que les gens l'entendent complètement. Mais il y a aussi une affirmation là-dessus, sur le jamais ou le toujours, j'ai des enfants, je n'aurai pas d'enfants, pourquoi est-ce que vous avez des enfants ?... Donc c'est vrai que j'ai voulu un peu déplacer les questions. Parce que d'habitude, on demande toujours aux gens pourquoi ils n'ont pas d'enfants quand ils n'en ont pas, parce que, voilà, c'est dans la nature des choses d'en avoir. Moi, je me suis dit que peut-être que la question qu'on devait aussi poser c'était pourquoi vous avez des enfants, donc. Et je pense qu'en déplaçant cette question, on va voir apparaître d'autres choses, sur la question de la transmission, de l'hérédité, qui ne sont pas celles qu'on a l'habitude de voir. Je pense que c'est aussi important que les livres posent des mauvaises questions, des questions qu'on ne voudrait pas entendre. Je pense que dans ce livre, je pose un certain nombre de questions que peut-être on ne voudrait pas entendre, mais moi, ça m'amuse de les poser et de donner des réponses complètement farfelues, mais bon, ça... » (Olivia Rosenthal  dans Tout arrive du 10 septembre 2007)

Commentaires

1. Le samedi 22 septembre 2007 à 02:58, par patapon :

Pas mal, le QROQ, je dirais même plus : fort pertinent!… J’ai moi-même eu l’occasion de vérifier. En tout cas, l’époque du Japon- pays-où-tout-est-plus-cher-qu’ailleurs, est révolue (jusqu’à la prochaine chute de l’euro...).

2. Le samedi 22 septembre 2007 à 03:59, par Berlol :

Faut-il la souhaiter, d'ailleurs, cette chute ? Les économistes sont un peu comme les médecins de Molière, jamais d'accord...

3. Le samedi 22 septembre 2007 à 04:57, par vinteix :

Salut Berlol ! "Hisashiburi" !
Très bon le QROQ ! j'en mange souvent... Sur la base de ce QROQ en bouche, bien d'accord avec toi sur la comparaison restos en France et au Japon, où l'avantage est désormais indubitablement en faveur du Japon... et l'avantage serait, je pense, encore multiplié si l'on prenait comme ville du Japon Fukuoka plutôt que Tokyo... Beaucoup de Japonais le disent eux-mêmes : c'est une des villes où l'on mange le mieux au Japon... pardon, mais, il y a une concentration de très bons restos (je parle là surtout des "izakayas" ou restos de cuisine japonaise) à Fukuoka, où proportionnellement, on mange généralement mieux (le poisson notamment, mais pas seulement, y est meilleur...) et pour moins cher qu'à Tokyo... une des raisons qui fait que je suis de plus en plus attaché à cette ville...
A bientôt en tout cas, à Tokyo ou Fukuoka, ou ailleurs, "anywhere IN the world"...

4. Le dimanche 23 septembre 2007 à 08:56, par Berlol :

Hisashiburi, comme tu dis ! Ça faisait un bail ! Écoute, je te promets que la prochaine fois qu'on ira à Beppu, je ferai tout ce qui sera possible pour passer te voir à Fukuoka et que tu nous montres ça de près ! On verra si le QROQ de Kyushu est meilleur que le QROQ de Honshu...
À part ça, comment ça s'est passé l'été ?



Samedi 22 septembre 2007. Je suis à la tête d'un État qui...

« Je suis à la tête d'un État qui [...] Je suis à la tête d'un État qui [...] » — François Fillon en Corse l'a répété hier au moins trois fois. Les journalistes se sont intéressés à l'expression « en faillite » qui suivait l'une de ces anaphores. Mais Fillon n'est pas à la tête de l'État ! Que celui qui est chef d'un gouvernement, nommé par le Chef de l'État, se prenne pour le chef de l'État lui-même. C'est un lapsus étrange — calificatif, même. 

Ça ronronnait un peu, là, les premières émissions de Ce soir ou Jamais. Agréables, mais du convenu, finalement. Tout s'émousse, me disais-je hier... Mais la troisième ! (Celle du 19 septembre) Ah, superbe ! À voir toutes affaires cessantes ! Pourtant, ça commence mal, un extrait ridicule de François Hollande à La Rochelle pour entamer sur l'histoire révolutionnaire, puis un entretien lèchebottesque avec Christine Albanel (où est-ce que je pourrai faire ma com ?, avait-elle dû se dire quelques jours auparavant, bah tiens, chez Taddeï, service public oblige...). Et dans le débat qui suit, le piège, sans doute involontaire, qui consiste à demander à des politiques d'aujourd'hui ce qu'ils pensent du Che Guevara (comme Clémentine Autain et Xavier Renou). Oui, bon, le Che, une icône, une idée de révolte, un logo, presque une marque de fabrique, quoi ! Et puis la réalité de ce que fut le petit boucher, rétablie par Jacobo Machover (dommage que Patrick Deville ne soit pas là). Le débat est intéressant une bonne demi-heure mais finit par s'enliser quand les pro-altermondialisme ne veulent pas accepter la critique des égarements révolutionnaires (sous prétexte que quand on lutte contre de grands méchants oppresseurs il peut bien y avoir quelques bavures, et même quelques amis collatéralement torturés et fusillés). Et puis ils reconnaissent du bout des lèvres, ici et maintenant. Bien sûr, on leur fait remarquer qu'on ne les a pas entendu dire cela ailleurs, dans leurs tribunes habituelles. Alors l'erreur majeure, Xavier Renou tente une échappée, suivi par Clémentine Autain : invoquer un changement de génération. Les deux vieux, là (Jacobo Machover et Philippe Raynaud, donc), qui nous parlez de luttes anciennes, vous retardez, vous êtes complètement has been, laissez tomber vos vieilleries et regardez nos belles luttes d'aujourd'hui (et qui peuvent l'être, en effet, là n'est pas la question).
Et par là-dessus la douche froide de Camille de Toledo, tel une Marguerite Duras, douce et lente, qui mettrait les pieds dans le plat de ron-ron contestataire bien médiatique, et qui dit, en prime gratuite, tout le bien qu'il pense de L'Édition sans éditeur d'André Schiffrin et tout le mal qu'il pense, pendant qu'on y est, de la ministre de la Culture (dont les apéritives platitudes m'avaient énervé)... Oh, oui, il faut voir et écouter cela ! C'est ça, la rentrée !

Plus tard, à l'Institut franco-japonais, dans une salle assez remplie pour voir Love Streams (Cassavetes, 1984), cette chaleureuse coulée d'êtres malformés pour le bonheur, qui se débattent dans des conditions de luxe mais irrémédiablement tordues par le manque d'amour, qui usent et abusent de libertés dont ils ne voient pas le prix dans une Amérique aveugle. Cassavetes se permet tout : ne pas présenter ses personnages, ne pas motiver son montage, une hilarante ellipse de voyage en Europe, des tas de plans fixes pour du temps qui passe, des scènes oniriques réalistes et même une fièvre acheteuse d'animaux juste avant la tempête. Et tout lui réussit car même quand on ne voudrait vivre comme ça pour rien au monde, on finit par comprendre et aimer ces errants qui nous ressemblent tant.

T. est allée au sport, revenue mais pas à la maison, m'appelle pour la rejoindre prendre un dessert au Cozy Corner d'Iidabashi avec notre ami culturiste. J'emporte l'ordinateur portable pour leur faire tourner un diaporama Corse, Normandie et Bretagne que T. commente pendant que je m'enfile un parfait banane chocolat. Ce qui nous retardera le dîner. Peu importe.

« Toute la journée je suis enfermé avec des gens complètement idiots qui ne comprennent rien à ce que j'essaye de leur dire toute la journée à me démener pour sortir de là toute la journée entouré d'incultes qui me demandent de participer je suis plus à l'école dites le nom d'une fleur je suis plus un enfant et aussi le nom d'un fromage et aussi le nom d'un monument camembert c'est pas le nom d'un monument et d'une couleur camembert c'est pas le nom d'une couleur rouge c'est bien et le nom d'une pâtisserie train ce n'est pas le nom d'une pâtisserie train faites encore un effort vous allez trouver paris-brest oui c'est ça j'aime pas quand ils me félicitent et le nom d'un pays je me souviens pas travailleurs de tous les pays pas tous un citez-en un camembert non je les emmerde moi camembert j'ai pas envie de répondre à leurs questions j'ai pas envie d'être encouragé j'aime pas l'école je les emmerde camembert camembert camembert et j'encule la psychologue de service je l'encule et je l'emmerde et quand je le lui dis elle répond juste que je suis pas gentil et elle continue de sourire pauvre folle » (Olivia Rosenthal, On n'est pas là pour disparaître, p. 91)

Commentaires

1. Le samedi 22 septembre 2007 à 10:39, par brigetoun :

beau compte-rendu de l'émission, et mon énervement (pas à cause de moi, jeune ou vieille je n'ai pas pensé ni eu de formation politique) devant l'éternel allibi du changement de générations, (sur d'autres sujets, les éternelles générations sacrifiées), et l'incapacité à ouvrir les yeux sur les icones

2. Le lundi 24 septembre 2007 à 14:30, par pdf :

ai regardé l'émission de Taddei sur podcast uniquement pour Camille de T. qui fait deux interventions sans parler de son livre jamais mais ose être à l'antenne (terrorisante) le déclassé qu'il écrit vouloir être dans ses livres troublants. "Fatiguant", ici l'épithète retrouve sans doute en sa bouche une vraie splendeur, celle des débats télé de notre jeunesse, des "droits de réponse" - perdus.

3. Le mardi 25 septembre 2007 à 02:24, par MV :

Eh bien merci d'avoir indiqué l'émission de F. Taddéi. Je n'ai pas la télé, mais l'ai vue sur Internet. On ne peut ni ajouter ni retrancher quoi que ce soit à ce que dit, non sans panache, Camille de Toledo. Il redonne au passage une belle actualité au mot "sédition", et sa saillie sur les deux Guy Mocquet / Mollet est tout à fait pertinente.



Dimanche 23 septembre 2007. Sans poulie, on combine.

C'est donc également quand j'atterrissais au Japon, le 18 septembre, apprends-je par François Bon, qu'Éric Chevillard a lancé L'Autofictif, dont les premiers aphorismes retiendront assurément l'attention : « Vous publiez un nouveau livre, c'est le moment qu'attendaient impatiemment vos amis et plus fidèles lecteurs pour vous confier que le précédent leur est tombé des mains.»
Pour l'instant, je parlerais volontiers de chutes de cahiers. De là à dire que c'est un blog... On va dire que je radote, mais je persiste et signe. Un blog sans commentaires, c'est comme l'amour sans la sueur, du gruyère sans trous, un ascenseur sans poulie, on combine comme on veut — bref, du blog Canada Dry. Et je le redis à mes amis écrivains qui bloguent. Bloguer, c'est se coltiner les commentaires. Sinon, ça revient à balancer des éditos du haut de sa revue, comme l'ont toujours fait les intellectuels, en se coupant de la base.

Allez, ma journée ! Enregistrements de France Culture, retard presque rattrapé. D'abord la semaine d'À Voix nue avec Georges-Emmanuel Clancier — alors que je m'occupe de la galerie photo du colloque Mérimée et que j'écris le nom d'Anne Clancier dans certaines légendes... Puis quatre Jeux d'épreuves à la file, des bouts entendus à la volée, en faisant autre chose (comme les liens audio ne sont plus présentés dans les pages d'archives de cette émission, ce qui n'est pas le cas dans toutes, voici les liens pour aller directement écouter celles des 1er, 8, 15 et 22 septembre, au moins quelques mois encore).
Mais la parole du jour, je ne m'y attendais pas, revient à une universitaire émérite, spécialiste de l'histoire des luttes sociales aux États-Unis. Total respect, Marianne Debouzy !
« Il y avait aussi une autre dimension à ce combat [contre la torture, dans les années 1950-60], c'est qu'il ne faut pas oublier la façon dont la torture, la pratique de la torture a été niée par les politiques à l'époque, et les mensonges énormes qui ont été opposés à ceux que l'on a désignés du nom méprisant de « chers professeurs ». Et évidemment il a fallu plus de trente ans, plus de quarante ans pour que, finalement, il soit reconnu que nous avions dit la vérité. Et voilà aussi un aspect politique de la torture, c'est qu'on la pratique sans le dire et même en proclamant qu'on ne saurait faire des choses aussi barbares.
Antoine Perraud : — Donc il y avait là [...] un déni, une négation, voire une sorte de négationnisme. Et toute votre vie, vous avez, Marianne Debouzy, voulu combattre cette forme de négation.
Marianne Debouzy : — Oui. Je termine ma vie en me disant que je ne suis pas certaine, ni moi ni les autres, d'y avoir réussi et je me dis qu'avoir passé une partie de mon enfance sous Pétain, avoir ensuite subi Guy Mollet, pour terminer avec Sarkozy, je me dis : quel parcours ! » (dans Jeux d'archives du 22 septembre 2007)
Après ça, il faut du courage pour se farcir Valérie Pécresse au Rendez-vous des politiques d'hier. Elle ne dit pourtant pas que des conneries, mais faut voir après ce que ça devient dans les faits.

Les Poivre d'Arvor sont à la littérature ce que les Bogdanov étaient à la science-fiction.

Pendant ce temps-là, T. avait une réunion avec les copropriétaires d'ici et deux représentants du cabinet d'architecture du nouveau bâtiment d'en face. On leur reproche d'avoir mis fenêtres et balcons de notre côté et trop près, et bien sûr le mur de fer de trois mètres. Ils s'en sont pris pour leur grade, m'a-t-elle dit en substance. Ils ont dix jours pour rendre une réponse cohérente. Jusqu'à maintenant, ce n'était que borborygmes.
En fin d'après-midi, sortie à Yurakucho et Ginza. On cherche une housse de table à repasser, la nôtre est cuite, on dirait de l'amiante. Pas trouvé. On revient avec des plats traiteur pour demain midi, parce que pour ce soir...
Ah oui, c'est peut-être l'événement du jour ! Vers 13h45, on a entendu un sifflet sur deux notes. C'était un marchand ambulant de tofu (et non un marchand de tofu ambulant). Or, depuis que nous habitons ici, il n'est jamais passé de marchand ambulant de tofu. Nous sommes sortis illico pour en acheter, avons rencontré une voisine qui allait chez le coiffeur, à qui j'ai dit que justement j'allais y aller à trois heures, quelle coïncidence, mais sans doute pas le même, en tout cas je ne l'ai pas vue chez le mien. Et son tofu était très bon. Nous espérons qu'il repassera.

Commentaires

1. Le dimanche 23 septembre 2007 à 14:53, par cgat :

puisque "bloguer, c'est se coltiner les commentaires", en voici un ("de la base"?!) pour dire que je ne suis pas d'accord du tout : je pourrais citer des tas de mauvais blogs avec pléthore de commentaires, et je connais de très bons blogs qui ont fermé ou n'ont jamais ouvert le robinet ... il me semble même que si on en est à "se coltiner" les commentaires (qui sont plutôt une gratification, comme disent les psys) mieux vaut les fermer, non ?

2. Le dimanche 23 septembre 2007 à 16:17, par Philippe De Jonckheere :

Berlol dear. Ah la question des commentaires, on n'a pas tout à fait fini d'en faire le tour, il me semble.
Je te redis, sans doute pas une mauvaise fois pour toutes, que l'on peut très bien écrire dans un bloc-notes sans commentaire, on peut très bien lire un bloc-notes sans lire ses commentaires, c'est d'ailleurs ce que je fais le plus souvent, par exemple, si je manque peu de tes billets, je ne lis (presque) jamais leurs commentaires.
Et la raison n'a pas beaucoup varié, en ce qui me concerne, sur le sujet: si les commentateurs ont quelque chose à ajouter pourquoi ne le feraient-ils pas depuis leur propre espace? Je ne peux m'empêcher de regretter les parcours de liens hypertextes que de telles pratiques occasionneraient, mais c'est moi sans doute.
Mais surtout, il y a un genre de commentateurs qui est absolument consternant, ce sont les "moi aussi". ceux-là, quoi que tu dises, quoi que tu penses, quoi que tu finisses par écrire, te diront: "moi aussi c'est tout pareil". Je suis convaincu que si dans le bloc-notes du désordre il me venait l'idée ni très bonne ni très désolitante d'écrire que je viens de tuer femme et enfants, de brûler la maison, et que je suis en train de descendre la rue en tuant tout ce qui bouge et que je vais de pas vers la synagogue, qui est effectivement en bas de chez moi, armé d'un bidon d'essence, je trouverais des commentateurs pour me dire qu'"eux aussi tout pareil".
Le mail est déjà assez terrible comme ça, ne trouves-tu pas?, pour recevoir la lithanie de tous ces casse-couilles (je m'excuse pour la terminologie pas très pointue, ni très grâcieuse, mais c'est ainsi qu'ils sont regroupés dans ma messagerie, dans un dossier, intitulé "casse-couilles" donc, ce qui ne cesse de m'étonner, c'est que certains d'ailleurs y disposent d'un sous dossier en leur nom propre, ne me demande pas pourquoi je garde et sauvegarde tout ceci, en fait je garde tout de façon compulsive, certain que cela finira par me servir un jour sous une autre forme, les mails comme les objets rouillés que je ramasse dans le caniveau et dont j'ai désormais une très belle collection).
Que dire de ce que je ne trouve pas très honnête non plus dans la pratique des commentaires, celle qui veuille que tu lies ton identifiant, rarement ton propre, avec le lien hypertexte de ton site, ce qui permet de gagner quelques points dans le référencement. Mais alors est-ce que l'on est à la hauteur de ce référencement, je me pose souvent la question pour moi-même, surtout quand je vois qu'un de mes billets ou articles, rédigé un peu hâtivement arrive dans la première page de résultat de bien des moteurs de recherche, le tout à propos de choses que je ne connais pas très bien ou de façon tellement superficielle, et après cela je peux bien dire tout le mal que je veux à propos de la wikipedia, je peux, finalement, faire bien pire.
Ce que toi tu organises dans ces pages, avec leurs commentaires, n'est pas mauvais en soi, en tout cas j'y retrouve toujours ton goût prononcé pour le débat, tous les débats, tous les états du débat, et tous les niveaux du débat, j'y retrouve ce qui me fait toujours plaisir quand nous nous voyons, un échange courtois, mais dénué d'ironie. Mais ce n'est pas non plus indemne des effets de cour, au delà même de la question du référencement. Pense à l'évolution de tes commentaires, des anciens, des nouveaux venus, de ceux qui ont disparu pour toujours et la même évolution, simultanée, des liens de ta colonne de droite. N'étant pas très assidu des commentaires et de leur lecture fastidieuse, je veux même bien croire que s'y cachent de plus sombres manoeuvres encore.
Je repense souvent, quand la question des commentaires reparaît, parce qu'elle finit toujours pas reparaître et donner lieu à moult commentaires (prenons un pari, ce billet atteindra les 20 commentaires, là aussi, il doit y avoir des équations qui fontionnent à plein, un billet à propos de commentaires dans les blogs te donnea une bonne vingtaine de commentaires __ en dessous des vingt commentaires pour ce billet, c'est promis je paye le saké, je fais confiance à ta très grande probité pour ne pas intervenir en modérateur assoiffé de saké), donc à chaque fois que je pense aux commentaires, je repense au "Tumulte" de François en ligne. Et pour certains textes, comme je savais qu'ils déclencheraient exactement ce qui toujours se produisait, des lignes et des lignes pompeuses de tel ou telle à propos de "la" littérature ou des douleurs passées des uns et des autres souvent mises en relation avec les textes de François avec des raccourcis de "moi aussi tout pareil" qui étaient consternants tant ils ne se tenaient pas à bonne distance de ce qui était courageusement tenté par François. Et si je me souviens bien il y a même eu polémique que François n'ait pas repris les commentaires dans l'édition graphique du livre. Tout ceci est lamentable.
En vrac, dans le désordre donc, je livre également à ta sagacité l'archétype de commentaires qui exemplifie bien ce dont les coucous sont surtout capables: www.lorgane.com/index.php... ça commence pas très haut j'en conviens, on s'amuse à dresser la liste de filles et fils de gens célèbres eux aussi devenus célèbres le plus sûrement grâce à l'entregent des parents, et vois comment à hauteur du commentaire 16, ça commence à sentir le Zyklon B. Pour moi les commentaires c'est exactement cela, le loup que l'on laisse complaisamment rentrer dans la bergerie.
Je ne comprends pas non plus les commentaires, comme j'ai absolument horreur des applaudissements, on applaudit des musiciens qui ne font que leur travail, et on n'appalaudit pas (dieux merci!) devant "la Ronde de nuit" de Rembrandt, non seulement c'est disproportionné (on n'applaudit pas nécessairement ce qui mériterait de l'être), mais de surcroît c'est bruyant, il m'est arrivé d'écouter des concerts sublimes, comme Boulez dirigeant "la musique pour cordes percussions et célesta" de Bartok, à la mémoire de Deleuze, à la cité de la musique, et de ne pas avoir pu rapporter avec moi un peu de cette félicité, parce que les salves d'applaudissement avaient tout à fait brouillé l'écoute.
Le commentaire à mon sens exacerbe une propension pollulante qui est ce que l'on devrait fuir absolument, comme on tente de se garantir du bavardage, et puis, malgré soi __ oui, il est peut être question de gratification au sens psychanalytique __ on se laisse aller à la tentation de ce mazout, aussi bien comme récepteur que comme émetteur (c'est exactement cela que je suis en train de faire non?)
Amicalement
Phil
PS: on est d'accord?, jusqu'à 19 commentaires c'est moi qui paye le saké, au dessous toi le Beaujolais?

3. Le dimanche 23 septembre 2007 à 16:53, par Berlol :

Mince, en mettant moi-même un commentaire, je diminue mes chances de saké !
Heureusement, j'ai la possibilité de rajouter dans le même, et même de le déplacer...
Vous pouvez tous protester, mais c'est une question de média (médium, comme vous voudrez). La technologie détermine un format, vous l'utilisez ou non. Donc, chacun choisit d'ouvrir ou fermer les commentaires, mais ça prend toujours du sens. Le journal ne permet pas la même chose que le livre, la radio, la télévision, le cinéma, etc. Si l'on utilise le cinéma pour ne montrer que des pages de livre, on passe un format dans l'autre et ça ne sert pas à grand-chose. Si l'on utilise la radio pour faire la même chose que dans le journal papier, ça ne donne rien de bon.
Le blog arrive avec une technologie de communication, qui permet donc de commenter. Le bon ou le mauvais usage des commentaires est une autre affaire, une affaire d'éducation... La typologie que tu esquisses, Phil, est une preuve de ta misanthropie, sentiment que je n'éprouve pas, même si certains jours j'en ai la tentation. Bien sûr, je n'aime pas trop les commentaires "moi tout pareil", d'ailleurs je n'en ai guère, ni les insultes, etc. Ce que j'aime, ce sont les commentaires qui apportent, ajoutent quelque chose d'intéressant, relancent une partie de débat dans un sens imprévu mais pertinent, et me forcent souvent à aller plus loin dans ce que je voulais dire, ou à en rabattre, me font évoluer, donc. Là, quand ça arrive, de temps en temps, j'ai l'impression qu'un groupe se forme, chaque fois différent, constitué de gens intelligents, qui se penchent ensemble sur quelque chose, et chacun a un regard absolument personnel, qui m'intéresse, qui fait mon intérêt pour l'humain, direct, qui m'arrive directement, par ce que j'ai posté, et c'est merveilleux, alors je me dis qu'il y a d'autres êtres humains avec lesquels je peux communiquer — temporairement, car bientôt arrive le crétin qui bousillera tout par un commentaire déplacé. Et ça recommencera. Et j'y croirai toujours. Être humain, c'est se coltiner d'autres êtres humains. Voilà ce que je crois, et que le blog permet d'entr'apercevoir, de temps en temps.
Après, que certains aient un fonctionnement à sens unique, du type je communique aux autres, mais les autres restent dehors, ça peut arriver pour toutes sortes de raisons. Misanthropie, donc, mais aussi célébrité, expression politique trop marquée, etc. Mais dans ces cas, le blog n'est plus du blog, au sens où une de ses fonctions essentielles a été désamorcée.
Commentateurs potentiels, réfrénez-vous ! Attendez demain !

4. Le dimanche 23 septembre 2007 à 17:03, par christine :

(… j'en ajoute un troisième, alors!)
tout ce que vous écrivez est vrai, mais le trait est un peu grossi tout de même ! s'ils ne doivent pas être obligatoires, il n'y a pas non plus de raison d'interdire les commentaires : tant que le bavardage sa bêtise et ses ridicules ont droit de cité dans internet c'est que cela reste un média humain, trop humain (le "mazout", à mon sens, c'est plutôt la pub et le marketing qui peu à peu engluent les pages)
et puis les "moi aussi tout pareil" il y a des jours où ça réconforte ! j’ai toujours trouvé que l’échange de commentaires avait quelque chose à voir avec les rituels sociaux d’épouillage chez les bonobos et autres grands singes

5. Le dimanche 23 septembre 2007 à 17:15, par christine :

(mon commentaire était une réponse à Philippe De Jonkheere, envoyée avant de lire ta réponse, pas encore arrivée par le fil rss, Berlol ...
(quant à ton argument sur les outils spécifiques à chaque média, je ne le trouve pas très convaincant : les outils sont fait pour être détournés)
... je t'autorise à copier-coller cette parenthèse dans mon commentaire précédent pour éviter le Beaujolais!)

6. Le dimanche 23 septembre 2007 à 19:04, par Dabichan :

"casse-couilles" ?
Euh... Moi aussi, c'est tout pareil !

7. Le dimanche 23 septembre 2007 à 20:09, par Philippe De Jonckheere :

Berlol
Je ne suis pas misanthrope, juste incapable de composer avec 53% de personnes qui ont penché par faiblesse vers le pire. Mais misanthrope non. J'ai au contraire toutes sortes de raisons personnelles, ces derniers temps, de trouver chez mon prochain des qualités qui font mon admiration, je remarque en effet de nombreux comportements individuels qui sont destinés à gommer les effets aveugles de la broyeuse prise dans son entier. Par exemple, l'Education Nationale est une machine ivre pilotée par des personnes bouffies de préjugés, absolument pas équipée pour faire face, en l'occurence qui me préoccupe, à faire face à ses obligations d'intégration d'enfants handicapés, en revanche sur le terrain, on trouve surtout des personnes dont les bonnes volontés mises bout à bout parviennent à lever les obstacles.
Râleur, je te l'accorde bien volontiers, mais pas misanthrope.
Sur l'argument de la célébrité ou du trop fort engagement politique, je pense que tu touches à quelque chose de juste. Je peux répondre sur l'engagement politique. Il ne fait de mystères pour personne que je ne suis pas de droite et effectivement je n'aurais aucun plaisir à dialoguer avec un électeur du petit homme, cela va plus loin, je n'en vois pas la nécessité. Une telle personne, en ayant élu un peigne cul, me prive tous les jours d'un peu plus de ma liberté ou de celle de mes prochains. Comme ce serait difficile alors pour moi de voir cette chienlit débarquer chez moi.
Enfin sur la question de l'outil qui "veut" cela, là je ne suis pas du tout d'accord. On ne fait la meilleure cuisine qui soit en utilisant toutes les options (les épices) dont on dispose dans son placard, au contraire.
Mais le fait est, que tes commentaires à toi soient ouverts, permet cette très agréable récréation, il faut te remercier.
Amicalement
Phil
PS A vrai dire je ne sais pas comment statuer sur mes propres commentaires, n'y vois aucune tricherie de ma part destinée à te priver du saké convoité.

8. Le dimanche 23 septembre 2007 à 21:51, par bernardg :

ce dimanche matin, par exemple, j'avais écrit à propos de l'extrait présenté sur Lignes de Fuites : "s'agit-il d'une rédaction de classe de seconde que ce monsieur a interpolé dans son livre ? ", question sincère, malgré mon étonnement à voir une telle prose envahir Lignes de Fuite, et que j'imaginais polie (la question) - j'ai vu apparaître mon commentaire, et trois quarts d'heure après il n'y était plus : ça compte comment, alors, dans votre concours de boissons fortes ?
j'apprécie la remarque de désordre (le patron de...) sur la propagation des intérêts et remarques de blog en blog autrement que par commentaires - c'est un élément curieux, qui fait de la constellation des blogs, très empiriquement, un de ces "réseaux sociaux" dont l'importance va croissant
et il me semble que même berlol (le patron de...) n'évitera pas qu'il y ait différence d'intensité d'écriture entre son intervention dans le corps du "post" et le "parlé" des commentaires (à preuve son goût de l'afféterie, ses "apprends-je" qui nous enchantent (parfois))
et de 7

9. Le dimanche 23 septembre 2007 à 22:35, par Berlol :

Tant pis, Bernard, c'était 8, le commentaire de Phil étant resté dans le filtre pour une raison que j'ignore. Quant à "Ligne de fuites", il doit s'agir d'une erreur de manip car notre amie est plutôt pour la diversité des expressions (dans le respect mutuel, bien entendu, tout comme ici). La "différence d'intensité" que vous évoquez se trouvait déjà ici, le 22 août 2004 :
« En réticulogie de la blogosphère, constat d'asymétrie inertielle. Je me demande sérieusement si ces pages de journal sont ou pas des coups d'épée dans l'eau, disparaissant au fond de l'eau après avoir été tirés...
Que je proteste contre le gouvernement japonais ou contre tel plumitif médiatique hexagonal, que je m'interroge sur les coups de canon de Perry ou sur le découvreur de l'Australie, je ne récolte tout au plus qu'un commentaire perso d'un ami (que je remercie) ou d'un abruti qui ne comprend même pas ce que j'écris (je ne le remercie pas). Où sont les gens capables de répondre, au sens plein, avec de vrais arguments, profitant des possibilités du média en ayant aboli l'asymétrie scripteur-lecteur que des siècles de pratique livresque leur avaient léguée ? Et pourquoi ceux qui le peuvent, s'ils lisent ces pages en version blog, ne le font-ils pas ? Sont-ils donc si pris ? Leur identité et leurs traces sont-elles si précieuses qu'ils en soient si avares ? Outre ici ou là un commentaire d'Olivier, de Manu, d'Alex ou de David, le monde des blogs semble être un grand champ désert traversé par des insectes qui scannent et se barrent ailleurs.»
(la suite dans le JLR d'aout 2004)
Mais comme je l'écrivais en privé ce matin à Phil, en 4 ans, les rencontres qui m'ont le plus importé se sont faites tout de même plus ou moins par les commentaires du blog, même si ce n'est qu'1 % d'un total parfois peu reluisant. D'où son 53 %, duquel, comme lui, je ne fais absolument pas partie.

10. Le lundi 24 septembre 2007 à 01:29, par FB :

je confirme avoir aperçu hier matin ce commentaire sur Lignes de Fuites, à propos de la station de métro décorée, et ça m'avait même fait sourire : après, plus rien ? attendons le réveil de la lectrice
c'est cyclique, cette discussion, cher Berlol, et je comprends tout à fait réaction d'Eric C : pourquoi lui chercher des crosses alors qu'il n'en est qu'à 3 posts et la découverte de l'outil ?
on sait bien que le Net c'est une structure déformable, qui s'emplit et se modèle à mesure des contenus
pour ma part, forum ouvert mais séparé des articles, après trop d'avatars - et même maintenant, parfois, avoir à régler des invasions hostiles (dernière en date, un type qui se faisait passer pour Marc-Edouard Nabe et avait noyé tous les items d'un même post répétitif, que j'avais réglé depuis un ordi en démo dans une Fnac de province, c'était assez rigolo)
cela n'invalide en rien ton choix, et le plaisir qu'on peut avoir dans un espace comme celui que tu nous offres, un peu labo, un peu salon comme tu les décrivais dans ton livre
et plein de questions constamment sur cet aspect du web 2 - et il faut avouer que le très sommaire face book offre une plate-forme vraiment détonnante pour ces échanges affinitaires

11. Le lundi 24 septembre 2007 à 01:36, par F :

merci décompter ce post-scriptum dans le post précédent, je m'en voudrais d'influer sur votre affrontement au saké nouveau :
www.rue89.com/2007/09/23/...
(lien transmis par le vigilant DH)
il est question là de l'intention de nuire comme telle - on avait assisté récemment, les mains liées, à ce genre de dénigrement systématique, et visiblement provenant d'un même individu, sur une jeune auteur de notre connaissance, et estimée
je suis plus curieux, évidemment, de ces "propagations" - pour reprendre ton mot, BG -, comme ce qui se passait récemment, entre les mêmes protagonistes, à propos de Vasset ou d'Olivia Rosenthal
(m'en vais à Bruxelles, ne reviendrai que selon connexion)

12. Le lundi 24 septembre 2007 à 02:35, par cgat :

merci berlol de me défendre ! (et désolée, ça va faire 10)
@ bernardg : je pense qu'il s'agit en effet d'une fausse manip (peut-être avez vous oublié d'"envoyer" après avoir fait "prévisualiser", cela m'arrive régulièrement) car je n'ai aucune trace de votre commentaire (il n'est même pas bloqué dans mon filtre à spam)
en tout cas rassurez-vous, je ne l'aurais pas censuré pour si peu ; d'ailleurs dimanche matin j'aurais été bien en peine de le supprimer : je faisais la grasse matinée, et pas chez moi en plus (ceci dit je ne pense pas que ce soit un alibi valable, en ces temps de "France qui se lève tôt", plutôt une circonstance agravante!)
je vous propose de réenvoyer votre commentaire - à défaut je peux faire un copier-coller de cet échange : il serait dommage de renoncer à une remarque si constructive !

13. Le lundi 24 septembre 2007 à 11:26, par sans :

Les commentaires font mousser le blog, c'est sûr.
Et ne sont recherchés qu'en tant que tels. Parfois, en cas de pénurie, on voit des commentateurs ternes durer, mais c'est faute de mieux. Quand il y a du monde, faut savoir se tenir (j'ai été censuré... quand on n'aime ni les éloges funèbres, ni Cayrol, c'est difficile/). On se lasse...
Et pour finir, et pour répondre au responsable du Désordre (qui dit ne pas lire les commentaires) , moi aussi je classe les blogs. Le "Journal LittéRéticulaire" est dans le tiroir "Nombrils" rubrique "asexués" parce que s'il parle de frites et de lui-même, on ne sait pas grand chose sur le reste (je ne sais pas lire entre les lignes). Mais je viens encore de temps en temps.

14. Le lundi 24 septembre 2007 à 12:01, par Philippe De Jonckheere :

Berlol et moi avons convenu par mail qu'on se moquait un peu de l'enjeu dérisoire de ce pari idiot, je pouvais ajouter un commentaire, sans être suspecté de tricherie, pour préciser que dans mon emportement à propos des commentaires-mazout, j'avais omis que le débat partait du blog d'Eric Chevillard.
Il y a longtemps que cet auteur ne m’amuse plus, mais je suis toujours aussi impressionné par l’intarissable flot de ses observations biaisées jusqu’à l’aberration. Mais intarissable n’empêche pas la redite d’un principe. Ce qui finit par être ennuyeux. On est ici, dans le cas de l'orang-outan, à des années-lumière de "Palafox".
Pourtant je préciserais volontiers que j'ai lu les premiers articles de ce blog avec plaisir (et grand déplaisir visuel, on peut difficilement faire pire en matière de maquette et je suis un peu consterné de voir qu'il y a un indicateur de TF1.fr qui rémunère l'auteur en fonction du nombre de visites), comme si finalement là où je ne trouvais plus de plaisir dans les livres j'en prenais au contraire dans un format différent, de feuilleton en somme. Je reconnais à Chloé Delaume la même faculté d'être parfaitement tarie après "le cri du sablier" et d'être au contraire plutôt heureux de son petit ton comminatoire sur blog, là aussi l'éphéméride semble mieux convenir.
Amicalement
Phil

15. Le lundi 24 septembre 2007 à 15:27, par Berlol :

Je ne suis pas trop saké, mais je le préfère encore au Beaujolais. Et tant qu'on peut prolonger la discussion de façon intéressante (et non pour accumuler les commentaires, sinon j'écrirais autrement — et si je rangeais les commentateurs dans des boîtes, ce n'est pas dans "casse-couilles" que je mettrais "sans", c'est dans "crétins masochistes")...
Donc Chevillard, en livre, oui, ça tourne au procédé, et je suis chaque fois obligé de me cacher cela pour apprécier tout de même. À moins qu'on n'attende jamais que le texte renvoie à quelque chose hors de lui-même, qu'on se satisfasse de la roue libre sans toucher terre. Perec, par exemple, jouait avec mots et contraintes mais il renvoyait, référait à plus grand que son texte, y menait son lecteur. C'est ce que je ressens avec Olivia Rosenthal ces jours-ci.
Serais plus conciliant, façon François, quant à la forme du blog. Lorsqu'on a franchi le pas, il y a beaucoup à apprendre et l'on peut raisonnablement espérer que la maquette de Chevillard évolue, voire se débarrasse de l'encombrante aide de TF1.

16. Le lundi 24 septembre 2007 à 15:57, par cgat :

quel effet cela fait-il d'être "dans le tiroir "Nombrils" rubrique "asexués" " ?
sinon "moi c'est pas du tout pareil" (une variante parfois tout aussi "casse-couilles" (même si je n'en ai pas) du "moi-aussi tout pareil" !) :
je ne suis pas du tout d'accord avec vous concernant Chevillard : je viens de commencer "Sans l'orang-outan" et, tout en retrouvant (avec un plaisir intact) l'humour propre à son écriture, ces premières pages me "renvoient", pour reprendre ton terme, à la mort de ceux qu'on aime, à la possible disparition de l'humanité, à la fatigue, à l'usure de l'humanité actuelle, sans même parler (on en parle déjà trop) des atteintes à la bio-diversité ... toutes choses qui me semblent "plus grandes que son texte" (encore n'en suis-je qu'à la page 46)

17. Le lundi 24 septembre 2007 à 16:21, par Berlol :

De toute façon, je l'ai commandé, je l'attends.

18. Le mardi 25 septembre 2007 à 02:12, par Philippe De Jonckheere :

Alors Berlol, la comparaison, ou le lien, ou la volonté de rapprocher Chevillard avec Perec, précisément, s'agissant de procédé ne me paraît pas du tout ad hoc.
En grossissant le trait, on pourrait dire que Chevillard depuis le début ne produit que le même livre avec quelques variations (et je conçois pleinement que l'on y trouve dans ces variations, son plaisir, moi même, bien que très sévère __ trop? __, j'en ai conscience, vis à vis d'un auteur tout de même remarquable à bien des points de vue, je ne boude pas non plus mon plaisir en lisant les Chevillard quand ils sortent, et, je remercie Berlol d'avoir su me dire comment je faisais, c'est à dire, comme lui, en me voilant la face sur ce que je n'aime pas, le procédé répétitif) autant, précisément, Perec n'a jamais écrit le même livre deux fois. C'était d'ailleurs l'objet d'une contrainte (je me souviens que c'est écrit dans "espèces d'espaces").
Donc sur ce point, Berlol, je m'élève véhément et amicalement contre cette remarque.
Amicalement
Phil, "responsable du désordre" donc (Sans, cela me va assez bien comme titre, de même qu'un rangement dans les "nombrils" avec mon ami Berlol serait une grâce, vous confirmez?)

19. Le mardi 25 septembre 2007 à 03:08, par cgat :

19 ! mais ça ne compte pas vraiment car on ne parle plus des commentaires depuis un moment

pour ajouter que, si je suis une inconditionnelle de Perec, je ne pense pas pour autant qu'il soit nécessaire pour écrire de bons livres de ne jamais écrire deux fois le même livre : votre histoire de "procédé répétitif" ne me convainc donc pas du tout ...
Proust, ou Simon : un peu répétitifs ?!...

20. Le mardi 25 septembre 2007 à 03:23, par Berlol :

Très répétitifs ! Mais pourquoi répétitif peut tantôt être positif tantôt négatif ? C'est ça, la vraie question...
Elle renvoie directement au combinat continu / discontinu / fréquentatif que j'abordais un peu dans l'article pour Glottopol. Pour simplifier à l'extrême, il y a du répétitif qui nous rassure, nous confirme dans notre existence (les vacances, les baisers, le camembert, le café, les posts de Lignes de Fuite, etc.) et du répétitif qui nous exaspère, dérange notre personne (Sarkozy, Sans, les rhumes, les brocolis, les posts d'Assouline, etc.) — bien sûr, je plaisante et chacun peut moduler selon ses goûts.
En littérature, certaines anaphores, certaines rimes, certaines idiosynchrasies sont touchantes ou somptueuses alors que d'autres font scie et nous fatiguent de platitude. Idem en musique ou en peinture. Les colonnes de Buren et les tuyauteries de Beaubourg ne sont pas moins répétitives que les tourelles de Chambord et les balcons haussmaniens... Et je ne parle même pas du travail de Philippe sur les séries photographiques. Alors ?
(Dans tout ça, c'est moi qu'ai eu le n° 20 !)

21. Le mardi 25 septembre 2007 à 03:36, par cgat :

la vraie question ... exactement !... c'est là que je voulais en venir : en ce qui me concerne, c'est positif aussi chez Chevillard, et je me réjouis en lisant chacun de ses livres d'y retrouver des échos des précédents ; si c'est négatif pour vous, la raison en est ailleurs (comme la vérité!)

22. Le mardi 25 septembre 2007 à 09:54, par sans :

Crétin? ... masochiste?... certainement comme tous à certains moments.
Mais pourquoi modifier mon commentaire pour en modifier le sens?

23. Le mardi 25 septembre 2007 à 14:28, par Berlol :

Je n'ai en rien modifié le sens de votre commentaire. J'ai effacé mon nom propre comme je l'aurais effacé de tout commentaire. Et vous le savez très bien. Par le passé, je ne vous ai pas censuré, je vous ai exclu. C'est peut-être ce que je vais devoir faire à nouveau car je vois que vous êtes toujours la même salissure.

24. Le jeudi 27 septembre 2007 à 11:30, par Philippe De Jonckheere :

Tu vois Berlol, c'est cela que je n'arriverais jamais à faire, la police dans les commentaires avec élégance. Si je devais m'acquitter d'une telle tâche ce serait avec la brutalité d'un troisième ligne au rugby, et ce n'est pas ce dont je suis le plus fier.
Je ne pourrais jamais me contenter de "vous êtes toujours la même salissure" pourtant parfait, il faudrait encore que je maudisse le quidam jusqu'à la septième génération.
Amicalement
Phil

25. Le jeudi 27 septembre 2007 à 12:39, par sans :

Je constate à nouveau que j'apprends beaucoup plus dans le commentaires que dans le blog (qui n'est finalement qu'un prétexte). Mais excluez, coupez, modifiez, je ne peux vous en empêcher.

26. Le jeudi 4 octobre 2007 à 23:56, par Philippe De Jonckheere :

Suite à cette longue discussion de plus de 20 commentaires (si si), on m'envoie ce lien www.bouletcorp.com/blog/ faut aller regarder à la date du 28 septembre.
Amicalement
Phil

27. Le vendredi 5 octobre 2007 à 02:47, par Berlol :

Merci, Phil, c'est excellent, en effet, comme souvent chez BouletCorp (je m'en régale chaque semaine). Mais as-tu fini de le télécharger, ce film ? Qu'on en finisse...



Lundi 24 septembre 2007. Mondialisée, elle aussi, la pitance.

Me suis translaté de 350 km vers l'ouest.

Lisant Anna Moï, il y a quelques temps, j'avais appris l'importance cruciale de la mise en branle des moines dans les rues d'un pays bouddhiste. Aussi, dès qu'il a été question des défilés de Birmanie, j'ai pensé à une amplification possible, qui finirait par mettre le régime en danger. La réaction politique peut être un massacre, tout le monde le sait. Mais les massacres sont de plus en plus difficiles à cacher, et les amis politiques du régime birman sont peu nombreux.

Si vous doutiez encore de la nullité de Philippe Douste-Blazy, de Xavier Bertrand ou de François Fillon, l'état catastrophique de l'assurance-maladie — qui devait revenir à l'équilibre cette année selon leurs réformes — pourra vous aider à ouvrir les yeux sur la triste réalité de ces individus (deux des trois ont d'ailleurs amélioré leur position personnelle). Ceci pour faire suite à mes propos d'hier sur les paroles de Valérie Pécresse (car ce n'est pas de gaité de cœur que je parle de ces gens-là tous les jours).

Ça y est ! Le limaçon qui tentait de diriger le Japon depuis un an est remplacé. Yasuo Fukuda, de vingt ans son aîné, ne paraît pas non plus être un foudre de guerre — ce qui ne sera pas plus mal pour les relations avec la Chine (fortement détériorées par les visites à Yasukuni de Koizumi).
Quant à Shinzo Abe, il est à l'hôpital depuis une dizaine de jours, officiellement pour stress.

Il y a des jours comme ça, où l'actualité politique m'interpelle (quelque part, au niveau du vécu). Les médias nous donnent ça comme pitance. Mondialisée, elle aussi, la pitance. Ça nous évite de penser au temps qui passe. Et à la mort qui vient. Moi, j'aime d'autant mieux être distrait de ces pensées-là que de toute façon y penser ne permet pas de comprendre la mort, et encore moins de la conjurer. Raison pour laquelle je n'apprécie guère les écrivains, penseurs, artistes qui se focalisent là-dessus.
Je pourrais avoir de plus nobles distractions, alors.
À moins que la fréquentation d'Antoine Volodine (chronique France Info du 22) ne finisse par me faire douter de la réalité d'une fin dans la mort... Ou que la maladie de A. ne m'évite de me souvenir de qui j'étais et qu'il faut mourir. Deux superbes façons de se défiler, non ? Mais à tout prendre, je préfère la première solution ; je ne voudrais pas laisser T. — merci, Olivia, de m'ouvrir les yeux.

« Il ne m'aime plus, quand j'arrive il ne se tourne plus vers moi, je m'approche il ne me regarde pas, je l'embrasse il ne réagit pas, je lui prends la main il proteste et la retire, je ne sais pas si je dois le laisser là ou le forcer à me suivre, il ne m'aime plus, je ne suis plus rien pour lui, il m'oublie, il m'efface de sa mémoire, c'est la maladie, je sais, mais ce n'est pas seulement ça, je me demande si on peut effacer par choix, si on peut profiter de la maladie pour se faciliter la vie, se libérer d'un poids, tout recommencer, dans un grand dénuement certes, avec des moyens restreints, mais tout recommencer quand même, avoir une vie légère, une vie nouvelle, une vie sans contrainte, une vie sans lien, une vie sans obligation, une vie sans histoire, pas une vie comme la mienne.» (Olivia Rosenthal, On n'est pas là pour disparaître, p. 122)

Commentaires

1. Le lundi 24 septembre 2007 à 23:03, par Caroline :

André Gorz n'a pas laissé Dorine. Ils se sont donné la mort : www.liberation.fr/actuali...

2. Le lundi 24 septembre 2007 à 23:11, par Berlol :

Et merci, Caroline, de comprendre si bien.

3. Le mardi 25 septembre 2007 à 00:20, par brigetoun :

et quand l'amour survit ... un ami a voulu donner un coup de couteau à son fils parce que cet homme, dont il ne savait plus qui il était, était trop près de sa femme et que ne surnageait que ce lien.

4. Le mardi 25 septembre 2007 à 07:24, par vinteix :

Cher Berlol, si je repense à ta remarque, certes un peu hâtive sur les écrivains, penseurs ou artistes et la mort... et que je réfléchis à ceux que j'aime le plus... j'ai la vague impression que ces derniers sont presque tous obsédés par la mort et que, même s'ils ne "se focalisent pas là-dessus", elle représente pour eux une sorte de noyau central ou de moteur de leur pensée ou création... Je t'épargne une liste de noms infinie et "fastidieuse", mais d'Héraclite à Derrida en pensant par Hölderlin, Bataille, Celan, etc., peu me semblent avoir échappé à cette obsession... Hegel en a même fait l'impératif catégorique de la pensée...
Penser à la mort ou penser à la mort ne permet pas en effet de "comprendre" (en tout cas rationnellement) la mort... cela est certain. Mais cela permet de replacer notre courte vie dans sa dimension tragique (à ne pas confondre avec le pessimisme ni l'angoisse), sans arrière-monde, mais liée à ce "néant central", comme disait Mallarmé, qui reste bien l'aporie la plus fondamentale... Ce n'est pas non plus la tristesse... chez bien des écrivains, poètes ou artistes, l'obsession centrale de la mort est le ressort d'une jubilation, d'une joie même qui prend souvent les accents les plus délirants ou furieux. Notre vie me semble constitutivement tragique et le tragique n'est ni délectable ni acceptable ni joyeux, mais le joyeux est signe qu'il y a une connotation tragique - le "goût de la joie" n'est pas très "sérieux", voire dérisoire, s'il s'accompagne d'une dénégation, bien prétentieuse, du tragique, de la mort, du dérisoire...
et dans le fond, je vois quand même peu de penseurs ou d'écrivains qui n'ont pas eu cette obsession de la mort...tant elle est partout et nulle part...
Je me demande d'ailleurs si la perte de ce sentiment du "tragique", qui aiguise tellement celui de la joie (de vivre), à notre époque, que je déplore comme Stiegler, Rosset ou d'autres, n'est pas pour beaucoup dans le règne de la misère symbolique...

5. Le mardi 25 septembre 2007 à 07:36, par vinteix :

En un mot, et pour le redire tout simplement, tout bêtement presque, l'obsession de la mort me semble indissocibale de celle de la vie, parce que vie et mort sont elles-mêmes indissociables.
"Vivre est une mort, et la mort elle aussi une vie." Hölderlin, "En bleu adorable"

6. Le mardi 25 septembre 2007 à 07:52, par brigetoun :

il me semble qu'écrivain ou non, tout être conscient ne peut vivre vraiment qu'en pensant à la mort, au moins de façon sous jacente

7. Le mardi 25 septembre 2007 à 09:28, par Berlol :

Oui, je me suis mal exprimé; "Qui se focalisent là-dessus", qui en font étalage et leur fonds de commerce, avec le pathos, les orgues et tout. Sinon, je sais que c'est notre cœur aporétique.
Au fait, Vinteix, deux commentaires sont arrivés tout à l'heure sur une page d'il y a plusieurs mois, vantant le style de ton ouvrage chez L'Harmattan et renvoyant à une vidéo Dailymotion contre la corrida. Je les ai retirés. Ça n'a rien à faire ici (bien que je sois contre la corrida). Les deux signés de pseudos différents, dont un avec une adresse mail de ta fac. Je suppose que tu n'y es pour rien, mais es-tu seulement au courant ? Si tu veux en savoir plus, écris-moi en privé.

8. Le mercredi 26 septembre 2007 à 05:33, par vinteix :

- A propos de ta remarque sur la mort, si tu voulais stigmatiser le pathos, en effet, là, je te rejoins davantage...

- Petite parenthèse concernant "la Birmanie"... je ne sais pas pourquoi la France est un des rares pays à utiliser encore cette appelation (qui fait référence à la colonisation) et non "Myanmar" (qui, certes, est due à la junte militaire, mais renvoie à des origines mythologiques du pays)... En tout cas, la situation est très préoccupante (et m'inquiète d'autant plus que j'ai voyagé dans ce pays l'année dernière, et que les Birmans sont un des peuples les plus doux de l'Asie du sud-est...)

- Concernant les commentaires liés à la corrida... je vais t'écrire en privé...

9. Le mercredi 26 septembre 2007 à 08:17, par Dom :

Très bon article Names of Burma/Myanmar dans la Wikipedia anglaise. "Myanma is the written, literary name of the country, while Bama is the oral, colloquial name of the country ..... Although Bama may be a later transformation of the name Myanma, both names have been in use alongside each other for centuries."

Pas uniquement à voir avec la "colonisation", donc. Il s'agit de deux variantes du même mot et aucune ne semble beaucoup plus respectueuse du statut des minorités non birmanes que l'autre ("Although the military regime thinks that Myanma is more inclusive of minorities than Bama, it was shown above that historically this is not true, Myanma being only a more literary version of Bama. Quite the opposite of being more inclusive, opposition parties and human rights groups contend that the new English name "Myanmar" is actually disrespectful of the minorities of Burma/Myanmar. Minorities, many of whom do not speak Burmese, had become accustomed to the English name "Burma" over the years, and they perceive the new name "Myanmar" as a purely Burmese name reflecting the policy of domination of the ethnic Burman majority over the minorities."). L'opposition continue à utiliser la forme traditionnelle car elle ne reconnaît pas la junte, qui a modifié autoritairement le nom officiel international du pays en 1989 pour le rapprocher de la forme birmane, qui n'a jamais changé, toujours des variantes de la forme savante Myanma.

Sinon, quand un nom existe en français, je ne vois pas pourquoi on adopterait la forme locale dans la langue courante. On ne dit pas Magyarország pour la Hongrie, etc etc.

10. Le mercredi 26 septembre 2007 à 08:28, par Berlol :

Total accord avec Dom & Wik. Dans le même genre, on a eu les changements de nom des villes (Saint-Petersbourg, etc.) ou des noms de peuples selon les idéologies. Actuellement la Corse ou la Belgique, où l'on ne sait plus très bien où l'on habite. Bien sûr les francisations sont parfois étonnantes. Je me souvient qu'étant petit j'avais une grande carte de l'Europe (jusqu'au Caucase...) et que pour Warszawa j'ai mis bien du temps à comprendre que c'était Varsovie...

11. Le mercredi 26 septembre 2007 à 22:01, par vinteix :

Merci pour ces précisions, Dom. Je suis bien d'accord sur l'emploi de termes qui existent déjà en français... mais les toponymes, comme le langage en général, évoluent aussi avec l'histoire... (la Hongrie, elle, n'a pas changé de nom...).
Or, l'appellation "Myanmar", certes réapparue avec la junte militaire au pouvoir, retenue et arrêtée par les Nations Unies, est celle utilisée par Amnesty International également... et toute l'opposition au régime actuel n'utilise pas le terme "Birmanie", ce n'est pas vrai : ainsi, la journaliste Ma Thanegi, par exemple, militante pour la démocratie et ancienne prisonnière politique, qui soutient évidemment Aung San Suu Kyi, tout en tenant un discours différent, plus "réaliste", étant opposée à l'isolement du pays, aux sanctions économiques et au boycott de cette dernière du tourisme et des investissements étrangers, emploie le terme "Myanmar"...

12. Le jeudi 27 septembre 2007 à 00:18, par Dom :

En fait, de ce que je comprends, la Birmanie n'a pas non plus changé de nom, ni en birman (ça a toujours été plus ou moins des variantes de Myanma, lire dans Wiki le développement sur l'origine du r final, amusant), ni en français. Le problème, c'est plutôt le rapport entre les langues communes et la terminologie officielle. Myanmar est la forme internationale officielle, je ne vois pas sur quelle base elle devrait être adoptée par les variétés standard des langues qui possèdent déjà des noms toujours en usage pour désigner un pays. Quelles raisons aurais-je personnellement de modifier ma façon de désigner ce pays, une fois qu'ont été écartées, appremment, toutes les "bonnes" raisons politiquement corrrectes de le faire (colonialisme, respect des minorités) ? Et alors même que la forme d'usage dans le pays lui-même est plus proche des formes traditionnelles des langues occidentales que de la forme officielle ? Et qu'il s'agit avant tout d'une manoeuvre de propagande nationaliste d'un pouvoir autoritaire ? Et si on en croit la Wiki que le but de la commission mise en place par le régime en 1989 était de revenir sur les orthographes coloniales et donc anglaises des noms de lieux pour les rapprocher de la prononciation birmane, et ne concernait donc pas a priori les noms du pays dans les langues étrangères (il s'agit aussi d'un problème de romanisation du birman, cf. Rangoon (romanisation anglaise du birman) qui devient Yangon, etc.) ? Le débat est fondamentalement le même que Pékin / Beijing (et vu comme on massacre communément la prononciation de Beijing (pour commencer, le "b" graphique est un "p" phonétique, quant au j et au g, n'en parlons pas), mieux vaut encore s'en tenir à la forme française traditionnelle).

13. Le jeudi 27 septembre 2007 à 01:31, par vinteix :

Oui, d'accord pour la conclusion, Dom. De toute façon, il n'y a pas vraiment une "bataille terminologique", bien secondaire, la véritable "bataille" étant ailleurs et autrement préoccupante...

14. Le jeudi 27 septembre 2007 à 02:19, par Dom :

Oui, bien entendu.



Mardi 25 septembre 2007. Faut être modeste. D'autres passeront.

Mon bureau n'avait pas changé. Tout a redémarré comme si je n'avais pas été absent un mois et demi. J'étais plongé dans la préparation des cours, pour la reprise, quand la secrétaire de notre département a frappé à ma porte. Elle venait me donner une enveloppe de France. Un livre, dont voici l'incipit tout à fait prometteur. Un grand merci à la personne qui me l'a envoyé. Question : de qui est-ce ?

« Il faut avoir connu Morlaix.
Ce qui y dégoutte de miroitement dans tout. Au centre, le canal et la promenade, ses petits muscles ronds en platane, les bornes doigtant les ciels dans les panoramas de vitreuse vitre et la chaîne courant qui saute peu. Trente kilomètres qu'on voudrait en ligne droite et la mer fait au bout une nuit cani de chicots gris-blanc.»

Le sentiment semble celui du jeune Rimbaud daubant Charleville dans À la musique... cependant pour « cani », je m'interroge...
Quelque chose du chien, peut-être (mords-les) ? Mais trêve... Le devoir m'appelle. Un cours de langue, où je m'aperçois qu'un collègue qui avait au premier semestre le groupe dont j'hérite aujourd'hui a omis de différencier voyelles et consonnes, base du choix d'élider l'article défini pour les mots commençant par ? Une voyelle. OK, vous suivez. Qu'a-t-il pu faire, six mois durant, sans ça. C'est comme une voiture sans la bougie ou la courroie de transmission. Il a dû pousser.
Second cours, de conversation, de troisième année, ce que c'est que l'ordinateur et l'internet, en français, avec des étudiantes très motivées. Ça va être un régal. De retour au bureau, je redémarre le blog dédié à ce cours. Ce qui m'occupe jusqu'à 20 heures.

Après le dîner, je perds un temps fou (pas complètement perdu) sur le blog Léo Scheer à lire des commentaires plutôt intéressants, puis à réviser un peu l'article Wikipédia de Camille Laurens. Je n'ai pas le temps d'ajouter du contenu mais je mets en français à peu près lisible les deux premiers paragraphes. Faut être modeste. D'autres passeront. Chacun sa petite pierre. À votre bon cœur.

Commentaires

1. Le mardi 25 septembre 2007 à 11:12, par cgat :

moi je sèche mais google répond du tac au tac :
"Corbière le Crevant" d'Emmanuel Tugny

2. Le mardi 25 septembre 2007 à 13:08, par brigetoun :

je viens de lire la protestation de Camlle Laurens. Beau.

3. Le mardi 25 septembre 2007 à 14:31, par Berlol :

Ô Google, je te maudis ! Bon, bah, voilà...

4. Le mardi 25 septembre 2007 à 15:10, par jcb :

Il s'agit en effet du tout début (page 9) de Corbière le crevant d'Emmanuel Tugny paru chez léo Scheer, et dont j'avais parlé en juin dernier. C'est un livre brillant, fort, original et puissant. Tout simplement. Je le conseille à tous.
Bravo Christine et bon plaisir Patrick. Tu vas voir, ça tient la route !

5. Le jeudi 27 septembre 2007 à 15:50, par Agnès :

Cani : (ka-ni), n. m. Terme de marine. Bois qui commence à se pourrir

Cordialement et bravo pour votre travail
AR



Mercredi 26 septembre 2007. La catastrophe reste possible (large choix).

J'y crois pas ? Poésie sur parole du 23 invitait les Poivre pour parler de Desnos ! Jusqu'où faut-il descendre pour faire de l'audience ?

Ça me fait penser au bichonnage du (porte-monnaie du) lecteur, façon Chevillard, qui a bien raison :
« On lui passe tout. On le couvre d’attentions, de prévenances. Monsieur est-il confortablement assis ? Désire-t-il un cognac, un cigare ? Madame devrait peut-être jeter un gilet sur ses épaules. On est aux petits soins pour lui. Je parle du lecteur français contemporain, traité avec beaucoup trop d’égards (et bien peu de considération).» (L'autofictif, #6, 25 septembre)

Pfff !... Guère de temps pour la littérature, aujourd'hui. Cours (2) et réunions (2) se suivent. Déjeuner en espagnol avec David et un collègue bolivien. Dîner en anglais avec Andreas et Benoît (excellent izakaya dans le quartier de Motoyama, j'ai habité pas loin pendant deux ans et n'avais jamais eu l'idée d'y entrer...). Et faut encore que je (re)visionne Ascenseur pour l'échafaud avant le séminaire de demain...

Juste écrire, pour ne pas oublier, qu'hier soir, ne pouvant dormir, finalement, j'ai regardé Ce soir ou Jamais de lundi, qui portait sur la vie sur Terre dans trente ans. Vision convaincante et plutôt positive des démographes (Emmanuel Todd et Youssef Courbage), possible rapprochement des modes de vie sur la planète malgré les différences de religion, surtout du fait de l'aphabétisation des femmes, et puis grande capacité des hommes à inventer de nouveaux moyens de produire de l'énergie en préservant l'environnement — sur ce dernier point, je reste assez sceptique. Il faut d'ailleurs un Alain Caillé pour plomber l'angélisme et rappeler que la catastrophe reste possible (large choix). Géopolitique, finances et tout ça, mais surtout, selon moi, mauvais penchant des hommes à toujours porter au pouvoir des fous furieux façon Bush, Sarkozy, Poutine (liste non exhaustive) — ça, c'est mon pessimisme à moi.

Commentaires

1. Le jeudi 27 septembre 2007 à 01:28, par brigetoun :

vous lisant (je n'ai pas vu l'émission) je m'interrogeais sur ce que serait ce rapporchement des modes de vie. Et je crains que Tod rêve d'une uniformisation d'un modèle qui ferait une planète invivable



Jeudi 27 septembre 2007. Ça ne cloche pas, parce que c'est moebien.

J'ai récrit quatre fois quelques lignes sur la Birmanie et puis je les ai effacées. Elles ne voulaient rien dire, ne servaient à rien. Sinon à écrire ce qui l'était déjà et à rendre pitoyable l'impuissance d'une pseudo compréhension. Comme si les quelques informations qui parviennent permettaient de savoir ce qui se passe. Et il sera trop tard quand nous pourrons comprendre.
Préférer une fin heureuse et incompréhensible — hélas peu probable.

Trois cours du jeudi et en supplément la première séance de préparation des étudiants qui partiront à Orléans en février prochain. Ils doivent se faire faire des passeports, énoncer leurs vœux pour les familles d'accueil et remplir des documents administratifs. Leur joie n'a d'égale que leur inquiétude devant ce gouffre béant qui s'ouvre devant eux : la France !

Au séminaire de cinéma, très bon accueil d'un film de cinquante ans. Après une quarantaine de minutes, je me suis retourné et j'ai pu voir que tous les yeux étaient grands ouverts, les visages captivés. L'Ascenseur pour l'échafaud fonctionne donc encore. Je craignais que le noir et blanc, le jazz et la relative lenteur du montage n'aient un effet soporifique sur des jeunes gens gavés d'intrigues superposées et ultra-rapides. Il faut croire que c'est le contraire qui s'est produit. On n'a vu que les deux tiers ; je me suis arrêté pile quand le flic (Lino Ventura) dit à la noctambule involontaire (Jeanne Moreau) qu'on recherche l'ancien para (Maurice Ronet) pour un double meurtre au Motel de Trappes... Comment tout ça pourra-t-il finir ?

La seule chose qui cloche dans ce film pourtant très rigoureux, c'est ce qui constitue la preuve ultime — psychologique — de la culpabilité : les photos du couple dans l'appareil miniature. Car qui a pu prendre ces clichés dans de tels moments d'intimité ? Un passant, un ami ? Peu probable. Un retardateur automatique ? Où aurait-on posé l'appareil dans un tel cadre de verdure ? Non, ça ne colle pas.
Ces photos viennent décidément d'un autre monde que celui de la fiction. Elles viennent d'avant la nuit, celle qui vient de finir et celle de la prison à venir. Elles viennent du hors-champ d'une réelle séance de photos destinée à fabriquer la preuve cinématographique du secret des amants, « là, quelque part, réunis », dit la femme prise dans le flagrant délit du bain de révélation filmé. Et donc ça ne cloche pas, parce que c'est moebien.

Commentaires

1. Le jeudi 27 septembre 2007 à 10:14, par jcb :

ça me rappelle une polémique passée entre De Jonckheere et moi...
www.jcbourdais.net/journa...

Cette fin ne me gêne pas je le répète.
JC

2. Le jeudi 27 septembre 2007 à 17:42, par Berlol :

Merci, JCB, j'avais un très vague souvenir mais je ne savais plus que c'était chez toi... Et puisque ce Minox n'avait pas de retardateur, cela me confirme dans l'idée que la piste strictement fictionnelle n'est pas la bonne. Cette transgression de la frontière diégétique à laquelle nous sommes attachés malgré nous-mêmes n'est pas un accident ni un cas isolé. La littérature avait déjà employé ce moyen de secouer, déstabiliser le lecteur bourgeoisement engoncé dans la vraisemblance des intrigues, et notamment dans les années 50 comme peut en témoigner l'accueil houleux que la presse littéraire avait réservé aux premiers ouvrages de Robbe-Grillet (en 57-58, il devait être en train de rédiger Dans le Labyrinthe, ouvrage intégralement basé sur ce procédé...).

3. Le jeudi 27 septembre 2007 à 22:52, par brigetoun :

cela ne déstabilise-t-il pas uniquement ceux qui n'ont pas accepté, dès qu'ils ont vu qu'ils aimaient le film ou le texte, de s'en remettre à son auteur, quitte à réfléchir ensuite, et donc à lui chercher éventuellement des raisons?

4. Le samedi 29 septembre 2007 à 09:03, par Philippe De Jonckheere :

Sans compter, je m'obstine, que parvenant enfin à s'extraire de l'immeuble, le personnage de Julien Tavernier n'est pas repassé par le dernier étage pour défaire corde et grappin et que c'est cela qui devrait l'accuser avant même les photos (qui sont effectivement aussi fausses que possible).
Bref c'est ni fait ni à faire, si on retire la trompette de Miles Davis, il ne reste plus rien dans ce film. Dans je ne sais plus quel morceau, la trompette a une résonnace très particulière acquise par un accident, un morceau de peau s'est détaché des lèvres du trompettiste et s'est retrouvé emprisonné dans l'embouchure, en incroyable opportuniste, Miles Davis ne s'est non seulement pas arrêté de jouer, mais a gardé la trompette en bouche jusqu'au bout du morceau, même pour les passages où il ne jouait pas, pour être sûr de garder cette sonorité jusqu'au bout du morceau. Je vous préviens, cela ne saute pas aux oreilles, je ne suis pas certain que je saurais le retrouver.
Mais d'accord avec toi pour prêter aux photographies une aura fictionnelle fabriquée et à laquelle on se livre sans trop de réserve (c'est vraiment cette corde pas décrochée qui avait pourtant motivé que Julien Tavernier retourne dans l'immeuble et se fasse piéger par la coupure de courant générale)
Phil, qui s'obstine donc, plus en détail à cette adresse déjà vieille de deux ans: www.desordre.net/blog/blo...

5. Le samedi 29 septembre 2007 à 17:31, par Berlol :

Alors, Phil, coup de tonnerre pour toi ! Tiens-toi bien !
La nuit, il y a de l'orage, du vent, la corde est secouée et tombe sur le trottoir. Quand Julien réussit à entrouvrir la porte de l'ascenseur, il entend que quelqu'un secoue les grilles de l'entrée. C'est Florence, mais il ne peut pas le savoir. C'est l'instant où ils sont le plus près, sans le savoir. À cet instant, une petite fille surgit, tape sur l'épaule de Florence et lui demande ce qu'elle fait, à quoi Florence répond à la petite fille qu'elle devrait rentrer chez elle. Florence se lève et part. Alors la petite fille aperçoit la corde et le grappin, par terre, la ramasse et part. Ça dure deux secondes. L'unique fonction — magique — de la petite fille, c'est de venir retirer la preuve.
Au matin, Tavernier sort de l'immeuble sans remonter chercher sa corde parce qu'il a bien entendu que des personnes avaient pris l'autre ascenseur, que ce n'était pas la peine d'en rajouter (à la différence du gamin qui retourne sur les lieux de son crime pour chercher les photos et qui se fait prendre). Pour ne pas attirer l'attention, et pensant à Florence, il ne se retourne pas non plus dans la rue pour regarder en l'air la corde qui devrait l'accuser...
Plus tard, quand on l'accuse, il en dit le moins possible, c'est logique. Entendant de quoi on l'accuse, sans qu'il soit question de la corde, il comprend qu'il vaut mieux ne rien dire... C'est pour ça que la SEULE preuve du crime de Florence et Tavernier est psychologique. C'est leur union sur les photos, c'est l'adultère.

6. Le samedi 29 septembre 2007 à 22:33, par Philippe De Jonckheere :

J'ai du mal y croire, j'ai dû voir ce film une petite demi-douzaine de fois et la chute de la corde qui est ramassée par la petite fille, j'ai dû dormir à chaque fois à ce moment-là, cela ne me dit plus rien du tout. Bon va falloir que je télécharge ce film et que j'en aie le coeur net.
Donc, je m'excuse de m'être pareillement obstiné.
J'ai tellement du mal à y croire que j'en viens à te suspecter d'inventer tout cela pour me faire marcher (tu ne ferais jamais une chose pareille, n'est-ce pas ?), bref me voilà pris en flagrant délit de paranoïa.
Amicalement
Phil, qui lance son logiciel de téléchargement.

7. Le samedi 29 septembre 2007 à 23:41, par Berlol :

Oui, j'ai d'ailleurs fait refaire toutes les copies existantes en bobines, en vidéo, en dévédé et en téléchargement pour y insérer la scène de la petite fille... Je suis même allé chez les gens sans qu'ils me voient pour échanger les copies déjà vendues depuis que la vidéo existe...
Tu verras, c'est très rapide, je crois que c'est fait exprès : le film, déjà déconstructiviste, fait disparaître subrepticement sa grosse ficelle.
Les premiers indices du jeu avec le spectateur : le coup de pistolet dont on est privé (couvert par le taille-crayon, faut le faire !), le chat noir sur le rebord de la fenêtre (signe de malheur). Bon film !

8. Le dimanche 30 septembre 2007 à 13:24, par christine :

c'est affreux, il y a une petite fille dans ma copie (je viens de vérifier : ce n'est d'ailleurs pas si rapide que ça : Jeanne Moreau a le temps de demander à la petite fille ce qu'elle fait là en pleine nuit(!), après que la petite fille lui avait posé la même question)!)) :

cela signifie que berlol s'est téléporté chez moi à mon insu pour remplacer mon dvd -- pire, j'ai l'impression de me souvenir d'avoir déjà vu cette petite fille dans ce film auparavant : berlol s'est donc aussi introduit dans ma mémoire pour modifier mes souvenirs : que fait la police ?!

9. Le dimanche 30 septembre 2007 à 17:25, par Berlol :

Ce qui est très rapide, c'est quand elle ramasse la corde, juste avant de sortir du champ.
Pour modifier les souvenirs, j'ai introduit des images subliminales dans les apparitions de notre cher président — c'était ce qui se verrait le moins dans ce qui se verrait le plus...

10. Le dimanche 30 septembre 2007 à 17:46, par christine :

je me demandais pourquoi ses apparitions me rendaient systématiquement nauséeuse : c'était donc ça !

11. Le dimanche 30 septembre 2007 à 18:56, par Berlol :

Ça, entre autres...

12. Le lundi 1 octobre 2007 à 03:00, par christine :

entre autres !



Vendredi 28 septembre 2007. Le « je » gigogne de notre condition.

« Je peux décrire comment ça se passe je peux c'est quand je cherche un mot ou un nom je sais que je l'ai connu mais je n'arrive pas à le faire venir chaque fois que je m'approche il s'éloigne il s'enfonce il tombe c'est comme un trou dans lequel les mots les uns après les autres s'engloutissent je m'efforce je descends je plonge vers eux pour les rattraper les faire sortir à la lumière mais beaucoup m'échappent beaucoup chutent dans le tourbillon je suis obligé de trouver des substituts je tourne autour je circonlocutionne je ne peux plus viser directement dans le mille » (Olivia Rosenthal, On n'est pas là pour disparaître, p. 169)

Il y aurait une concordance à faire, un herbier littéraire de toutes les tentatives de formulation du mot sur le bout de la langue. Ici, la crainte d'une perte de mémoire plus conséquente, alzheimerement irréversible, évoque directement le travail d'écriture et ce que devient l'écrivain qui perd son acuité lexicale. À coup sûr, auteur, narrateur et lecteur se trouvent réunis dans le « je » gigogne de notre condition langagière.

C'est ce que je commençais à me dire en pédalant. De retour au centre de sport où je n'étais pas venu depuis cinquante jours, j'y retrouve intacts le plaisir de l'échauffement en lecture et la tranquillité de la salle des machines le matin (après 18 heures, c'est nettement plus bruyant et il faut attendre devant certaines machines).
Pour le déjeuner, je retrouve David au Downey, ce qui achève le cycle de la reprise. Après le mois passé en France, le sentiment d'élargissement des perspectives, des activités et des nouvelles rencontres, le retour à la normale (cours, réunions, collègues, sport, etc.) pourrait être déprimant, accompagné qu'il est par l'arrivée de l'automne. Mais au contraire, c'est un plaisir, au moins pour les premières semaines. Le plaisir du terrier, de se lover dans la gangue tiède d'où l'on était sorti très imprudemment, de retrouver ses marques familières et ne plus avoir à tout calculer. D'autant que s'amorce déjà la systole, les futures activités, les futures lectures, le programme de cinéma de l'Institut, le voyage de février-mars, etc.
C'est donc sans tristesse que j'achève mon dossier administratif de cet été en envoyant à un responsable de bureau ma communication sur Mérimée et mon rapport final sur la mission. Avec gratitude, plutôt, car l'université — dans un pays où le statut d'enseignant-chercheur est encore un statut honorable — m'a d'ailleurs octroyé des crédits de recherche et de conférence à l'étranger qui ont couvert, pour une personne, le coût du billet d'avion et du séjour à Cerisy.

Dans le train qui me ramène à Tokyo et avant de dîner indien avec T., je regarde un dévédé que David a eu la gentillesse de m'enregistrer mercredi soir : le troisième épisode de Petits Meurtres en famille que France 2 avait diffusé durant l'hiver et que TV5 Monde reprend ces jours-ci (j'ai vu les deux premiers épisodes la semaine dernière). Je trouve très distrayante et très réussie cette adaptation d'Agatha Christie dont la lecture me tomberait des mains. Et revoir Frédérique Bel (La Minute blonde) ou Grégori Derangère (Bon Voyage) ne m'est pas désagréable. Robert Hossein, en revanche, moins je le vois, mieux je me porte, et ça tombe bien parce que son personnage est déjà mort assassiné depuis le début — on cherche d'ailleurs qui a fait le coup.


Samedi 29 septembre 2007. Troupeau ayant passé mécaniquement le gué.

Matinée ratée, commencée tard et qui n'a débouché sur rien. Je sais ce que j'ai à faire (lire des livres, préparer des cours, écrire de la correspondance), mais je n'ai pas l'esprit disponible. En plus, c'est déjà midi, presque. T. aussi se met à ranger et ça n'avance pas vite. Faut pas croire qu'on déprime. Mais on ne se remet pas facilement de la première semaine de cours. Ça laisse des traces, et d'abord en bordel dans la maison. Après, normalement, les semaines suivantes, c'est mieux réglé...
Le déjeuner au Saint-Martin nous remet d'aplomb, dans un rythme de samedi. T. prend le lapin à la moutarde, moi je demande daurade-frites et on échange à mi-assiette, c'est très réussi.

À l'Institut franco-japonais, première séance de la 12e Semaine des Cahiers du cinéma, dont Pascale Ferran est le thème central, avec L'Âge des possibles (1995). Salle à moitié pleine. J'imagine que ça sera bondé demain, pour Lady Chatterley...
Bien que réalisé en 1995, le film me laisse l'impression de parler des jeunesses des années 80. Même le Minitel, dont un des personnages use pour faire des rencontres, me paraît plutôt dater des années 80 que des années 90. Mais peu importe. Le film est bien accordé à mon humeur de ce matin, à la grisaille un peu fraîche d'aujourd'hui, premier vrai jour de l'automne à Tokyo.
C'est une mosaïque de courtes scènes et de rencontres croisées d'une dizaine de personnages qui ont tous leurs hauts et leurs bas mais qui doivent faire des choix pour avancer dans la vie. L'amour, ou ce qu'on s'en figure, les boulots pas gratifiants, la fin des études pas vraiment utiles, ça fait beaucoup de choses assez lourdes, et même des jeunes gens plutôt privilégiés par leur milieu social (ou surtout ceux-là, peut-être), avec quand même pas mal de joie de vivre et d'énergie, ont du mal à passer pas le trou de l'entonnoir pour se socialiser.
Si le film est agréable et bien fait dans le genre tranche de vie collective, l'idée d'un âge spécial pour un passage à l'état adulte me paraît piégée car elle sous-entend d'abord que tout le monde passe l'entonnoir plus ou moins au même moment, et surtout qu'une fois l'entonnoir passé, tout va aller comme sur des roulettes pour le reste de la vie. Alors qu'en fait à trente ans, à trente-cinq, à quarante, etc., beaucoup de gens continuent à avoir l'impression que des choix radicaux s'offrent à eux et que la vie peut encore partir dans une direction inconnue, bonne ou mauvaise — alors que d'autres sont dès l'âge de huit ans sur des rails dont ils ne sortiront que pour aller en bière. Pascale Ferran joue la tranche d'âge en caricaturant la synchronie des socialisations, qui deviennent ainsi des destins, et l'humanité un troupeau. Elle donne à un ou deux personnages une lucidité et une bonté d'âme qui provoquent d'intéressantes causeries mais en laissant un arrière-goût d'inanité à leur existence, à l'exception de celle qui décide de quitter la ville (Strasbourg) et dont la lettre filmée est un beau moment de cinéma. Non que l'inanité soit fausse, en tout cas c'est aussi ma vision de la vie, mais elle ne change rien à l'impression de troupeau ayant passé mécaniquement le gué. Dans mon souvenir, un film comme Un Monde sans pitié (E. Rochant, 1989) donnait une amertume plus parfumée à ces égarements de la jeunesse qui réfléchit (un peu).
Mais faudrait que je le revoie parce que des fois, le souvenir, hein...

À la médiathèque où je traîne un peu après le film, je suis littéralement happé par les premières pages du Dernier Monde de Céline Minard, récemment arrivé, et je repars avec, moi qui ne voulais surtout rien emprunter tant j'ai de livres déjà commencés.
En dînant, nous regardons Une Nuit au musée, film emprunté au vidéo-club, qui fait à peine sourire, dont on aurait pu se passer et qu'on ramène tout de suite après. Comparativement, oui, L'Âge des possibles, c'est du vraiment bon cinéma ! On peut critiquer, comme ci-dessus, mais il y a quand même une échelle de valeur à ne pas perdre de vue.


Dimanche 30 septembre 2007. Quelques fleurettes dans un bocage.

Dites ! C'est très joli, le bandeau d'@rrêt sur images ! Z'avez-vu ? Avec les têtes de quelques hommes célèbres. Et quand on passe la souris dessus, ça surbrille. Et quand on clique sur une des têtes, ça ouvre une page qui détaille, vidéos à l'appui, pourquoi la personne en question était heureuse de voir s'arrêter cette émission dérangeante.
Moi, je ne m'en lasse pas. Ce qu'ils sont en train de faire, mine de rien, à @rrêt sur images (maintenant que ça s'appelle comme ça), c'est tout simplement génial ! Déjà 15.000 abonnés déclarés, sur la confiance qu'ils avaient dans l'émission télévisée, avant le démarrage du site à pleine vitesse le 7 janvier 2008. Et déjà chroniques et enquêtes écrites rythment l'attente, souvent vidéos à l'appui, je le répète — de quoi embarrasser quelques anciens copains des médias et en stresser quelques autres pour l'avenir...

Il pleut, il pleut, il pleut — et c'est de ma faute. Je m'en suis souvenu ce matin. Il y a trois jours, je répondais à Laure qui m'avait envoyé des livres ; je la remerciais et j'ajoutais mon souhait qu'il pleuve afin d'avoir plus de temps pour lire... Franchement, est-ce que j'avais besoin de lui écrire ça ?
Eh ben voilà, c'est arrivé.
Voyant la grisaille, on est resté au lit.
Vers onze heures, je suis allé à l'Institut voir si je pouvais avoir deux billets pour Lady Chatterley. Et j'en ai eu.

Pierre Michon, Jacques Serena, Jérôme Gontier, Richard Morgiève, Antoine Volodine. Belle brochette ! Tels sont les noms des personnes dont j'ai enregistré les voix parmi celles que recevait Alain Veinstein cette semaine, dans Surpris par la nuit et dans Du jour au lendemain (à noter que cette dernière émission a enfin un bouton d'écoute unique ; depuis son décalage en partie au-delà de minuit et à cause de je ne sais quel problème technique, il y avait deux boutons correspondant aux deux parties de l'émission, ces deux parties n'étant d'ailleurs jamais au même niveau sonore, mais n'en parlons plus). Je les écouterai dans des trains.
J'ai un peu avancé mes notes sur L'Étranger. Pas vite. Vaut mieux pas.

Vers 16h30, on est allé à l'Institut et il y avait comme prévu beaucoup de monde pour l'une des deux seules séances de Lady Chatterley sans coupure au Japon (la seconde sera mardi à 18h30), qui plus est suivie ce soir d'un entretien avec Pascale Ferran. Le film qui sortira en salles (une ou deux) à Tokyo puis qui sera distribué en dévédé en version sous-titrée japonais sera amputé (châtré) d'une vingtaine de minutes, sans doute parmi les plus belles.
C'est un film qui prend son temps, mais prendre son temps est dans son propos. Parce que découvrir l'attirance réciproque puis l'amour puis la confiance quand on est de deux milieux très différents juste après la Première Guerre mondiale dans l'Angleterre corsetée et industrialisée, ce ne sont pas des choses qui se font en cinq minutes. Parce que montrer l'être humain qui essaie d'entrer en harmonie avec son milieu naturel quand il se sépare un tant soit peu de son milieu social, c'est une chose très difficile, qui ne se fait pas en filmant juste quelques fleurettes dans un bocage. Surtout quand on veut respecter une œuvre littéraire visiblement exigeante.
Pour le texte, je ne l'ai pas lu. Je n'ai donc pas à me poser la question de l'adaptation. Mais ce que j'ai vu ce soir, c'est de l'excellent cinéma, sans aucune réserve. Avec en prime Hippolyte Girardot campant un mari diminué par une blessure de guerre alors que je pensais à lui hier en évoquant le film d'Éric Rochant.

Commentaires

1. Le dimanche 30 septembre 2007 à 10:34, par Laure L :

... c'est drôle, je viens de rentrer des "Correspondances" de Manosque. Avec Olivia Rosenthal & Céline Minard on y a évoqué, autour d'un verre de rouge, la "superstition", façon Demain est écrit de Pierre Bayard. Une question que pose, comme tu le sais, Olivia Rosenthal dans On n'est pas là pour disparaître... & que s'est posée Céline Minard en faisant disparaître l'humanité toute entière dans Le Dernier monde que tu as la chance d'être en train de lire - quel grand texte !
Allez, j'écris que la pluie va cesser à Nagoya et que tu auras quand même tout le temps de lire. Et je m'en souhaite autant après les découvertes de Manosque !

2. Le dimanche 30 septembre 2007 à 17:20, par Berlol :

Allez, je souhaite aussi, pour toi. En tout cas, ça a l'air de marcher, ici, la pluie s'est arrêtée.
Comme je vous imagine, toutes les trois ! Et comme j'aurais aimé prendre un verre avec vous ! Une autre fois...
Pour "Le Dernier Monde", j'en suis déjà à la page 110, en deux séances de lecture. C'est rare ! C'est hyper prenant ! Dis-lui que j'adore !

3. Le dimanche 30 septembre 2007 à 23:28, par Laure L :

Je n'y manquerai pas ! C'est vrai qu'il y avait une super ambiance, je raconte ça vite sur RLR.
Essaie de te procurer La Manadologie, également, de Céline, chez MF. C'est un petit livre (par rapport à la taille du Dernier Monde), vraiment bien : www.editions-mf.com/spip....
rougelarsenrose.blogspot....

4. Le lundi 1 octobre 2007 à 02:59, par christine :

c'est drôle comme quand on a aimé un livre on ressent de l'envie envers ceux qui ne l'ont pas encore terminé ...
R. (Comp'Act) était aussi un livre magnifique !

5. Le lundi 1 octobre 2007 à 04:19, par brigetoun :

sur le blog d'Emmanuelle Pagano il y a un renvoi à une revue qui publie un passage (provisoire) des mains et je vais m'en faire un plaisir cet après midi.
Merci pour Volodine je n'avais entendu que les cinq dernières minutes

6. Le lundi 1 octobre 2007 à 04:51, par LaureL :

Tout à faire d'accord (pour R.) : rougelarsenrose.blogspot....

© Berlol, 2007.