Journal LittéRéticulaire de Berlol
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Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Août 2007

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Mercredi 1er août 2007. Chacun contre chacun, mur contre mur.

« — Braves gens ! s'écria Maurevel en élevant la voix et s'adressant aux chevau-légers, les huguenots veulent assassiner le roi et les catholiques ; il faut les prévenir : cette nuit nous allons les tuer tous pendant qu'ils sont endormis... et le roi vous accorde le pillage de leurs maisons !
Un cri de joie féroce partit de tous les rangs :
— Vive le roi ! mort aux huguenots !
— Silence dans les rangs ! s'écria le capitaine d'une voix tonnante. Seul ici j'ai le droit de commander à ces cavaliers. Camarades, ce que dit ce misérable ne peut être vrai, et, le roi l'eût-il ordonné, jamais mes chevau-légers ne voudraient tuer des gens qui ne se défendent pas.»
(Prosper Mérimée, Chronique du règne de Charles IX, p. 255, ou 270 du pdf)

Outre que c'est un point crucial du livre (préparatifs de la Saint-Barthélemy), ce qui m'intéresse est ici l'emploi risqué du mot prévenir. En réfléchissant, on aperçoit tout de suite qu'il ne s'agit pas d'avertir les protestants qu'on va les tuer pendant leur sommeil. Le cas échéant, il y aurait peu de chances qu'ils dorment. Il ne s'agit pas non plus de devancer les protestants, en étant les premiers à assassiner le roi et les catholiques — ce qui serait tout de même le sens logique du verbe au XVIe siècle, Dictionnaire de l'Académie de 1694 en faisant foi. On le comprend donc, même si ce n'est plus le sens premier aujourd'hui, dans le sens d'empêcher : les protestants veulent assassiner le roi et nous devons les en empêcher. Ni les avertir, ni le faire à leur place. Or ce sens d'empêcher, s'il est latent dans les définitions antérieures (devancer par une action l'action d'un autre), apparaît précisément dans la 4e édition (1762) et reste stable dans les suivantes.

Lecture de Mérimée, donc, correction de copies, déjeuner avec David au Downey. Re-correction de copies. Je quitte le bureau vers 17h30, vais à Motoyama en vélo pour prendre le métro. En face de la gare centrale, visite de Midland Square, la nouvelle fierté de Nagoya, avec sa tour de 46 étages. L'Auberge de L'Ill, restaurant chic et cher que Manu m'avait signalé, est au 42e, à réserver pour une grande occasion.
Puis, mon grand rayon de soleil, dîner avec Sophie dans un restaurant chinois. Sans tiers, nous avons enfin l'occasion de bavarder de ce qui nous passionne tous deux, nous le savons depuis l'an dernier, la grammaire, son enseignement, la linguistique dans le cadre de la pédagogie des langues étrangères, les différences d'approches et les blocages constatés chez les enseignants natifs et chez les enseignants étrangers. Si le groupe de salarymen de la table d'à côté croyait nous faire fuir de leurs gros rires d'imbibés, ils en ont été pour leurs frais et s'en sont allés bien avant nous. Faut dire aussi qu'on avait bien commandé — et que c'était très bon.
Marche digestive dans la tiédeur des rues lumineuses, jusqu'à Sakae.

Rigolade du soir, après le bain, c'est Sollers brossant un savoureux portrait de Sarkozius.
À la radio, les Français découvrent les futures franchises médicales : enfin un système équitable ! Yes ! Les malades vont payer pour les malades, eh eh ! Solidaires entre eux ! Les sains, qui n'ont rien à voir avec la maladie, n'ont pas à payer pour ça ! C'est d'ailleurs la même logique qui veut que les riches n'aient pas à payer pour ces salauds de pauvres. Ni les voyageurs pour ces enfoirés de planqués de fonctionnaires des transports. Briser les solidarités naturelles et citoyennes, ghettoïser chaque branche professionnelle, monter chacun contre chacun, mur contre mur, pour qu'il n'y ait plus de risque d'union sacrée contre le pouvoir (Cf. ce que disait Romain Goupil l'autre jour des vraies raisons pour lesquelles Sarkozy s'en est pris à 68).
Étrange solidarité qui discrimine et communautarise. Or c'est précisément du concentré de sarkozysme. C'est exactement ce qu'il a dit qu'il ferait — il avait prévenu. S'il y a des gens qui ont voté Sarko, qui sont malades et qui s'en mordent les doigts, eh bien tant pis, ils n'ont que ce qu'ils méritent, ils n'ont pas daigné prévenir les changements annoncés.
Franchise, un beau mot, dont on fait une belle saloperie, une servitude.

Commentaires

1. Le mercredi 1 août 2007 à 18:41, par Dabichan :

Sur le sens du verbe "prévenir".
En anglais, existe le verbe to prevent from (doing) qui se traduit par "empêcher de". Une proximité étymologique non sans rapport ?

2. Le mercredi 1 août 2007 à 19:11, par patapon :

Marrant, Sollers: « Kadhafi, bien fol est qui s’y fie... » Ma foi, je veux bien le croire et retiens la formule, mais je me demande (et pour le coup ça ne me fait plus rire du tout) ce qu’on est allé promettre à ce cinglé. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi la France tient à entretenir une coopération nucléaire avec des malades. Coopération nucléaire, d’accord, si on y tient tant que ça, mais avec le prince de Monaco (je suis certain qu’il en serait ravi), la Confédération Helvétique ou même le Vatican…

3. Le mercredi 1 août 2007 à 21:23, par brigetoun :

pour "prévenir" dans ce sens il me semble que le cas n'est pas isolé, même si je ne trouve pas d'exemple (chercher dans Molière ?)
Le lexique mis à mal ces trente dernières années par les hommes politiques ou économistes c'est peut être ce qui me "retourne les plus les doigts de pieds"

4. Le jeudi 2 août 2007 à 00:12, par patapon :

Élémentaire, mon cher Watson !
Pré-venir= venir avant, donc: devancer, prendre les devants, agir de manière préventive, et enfin annoncer (le dernier sens étant à mon avis le plus récent).
Cela dit, je ne pense pas que dans ce cas le lexique ait été mis à mal par qui que ce soit. Nous avons eu - et aurons-, chère Bridgetoun, d’autres occasions de nous lamenter.

5. Le jeudi 2 août 2007 à 03:25, par Berlol :

Oui, merci, je sais bien, tout ça. Mais dans l'exemple cité, les sens s'excluent catégoriquement, les contresens sont violents, c'est ça qui est intéressant !



Jeudi 2 août 2007. Pavé de l'aurore.

Lever à 7 heures pour campagne militaire sur le front des copies. Je m'enferme au bureau, sans radio, sans musique, sans déjeuner, sans blogs ni courrier, un café toutes les heures et demie et les quatre paquets d'examens qui restaient y passent, suivis de la rédaction des feuilles de notes et le calcul des moyennes des tests hebdomadaires pour certains cours. Je finis vers 15h30, comme ça je suis tranquille pour lundi.
Admirant parfois les nuages, les ondées, les éclaircies, les coups de vent — et chasser les énervements des copies trop nulles. Un typhon arrive sur l'île de Kyushu, ici on a juste un temps d'octobre. Peu de gens passent dans les allées, pour ce que je vois de mes fenêtres.

Dans le train qui me ramène à Tokyo (attrapé avant que le typhon n'interrompe le trafic), je continue avec l'ordinateur portable la Chronique du règne de Charles IX de Mérimée. J'éprouve... Comment dire ?...
L'éducation que j'ai reçue m'a rendu indifférent aux croyances religieuses. Tolérant et respectueux des religions, admiratifs aussi de certains aspects culturels et artistiques de l'histoire des religions, certes, mais au fond très déçu que tant de gens s'accrochent à des chimères, et plus encore dégoûté que l'on veuille sacrifier sa vie, voire attenter à celle des autres pour des croyances qui ne servent à rien (puisque c'est ma conviction intime). De ce côté-là, je suis servi. Pas un jour sans l'information des massacres, des vengeances des uns sur les autres et des seconds sur les premiers, ici ou là sur la planète. Et l'on entend bien que les motifs religieux sont partout invoqués, même quand ils couvrent (mal) des choses, disons, plus terre-à-terre, sonnantes et trébuchantes, ou liquides comme le pétrole.
Alors, donc, à l'école, quand il a été question de la Saint-Barthélemy, ça ne m'a pas du tout intéressé. J'étais bien incapable d'en retenir la date ou le nom des protagonistes. Et il n'y avait pas qu'à cet événement-là que j'étais à la fois indifférent et imperméable.
C'est venu plus tard et à l'envers. Par la Seconde Guerre mondiale — et l'ahurissement quand j'ai compris ce qu'étaient les camps. Je ne parle pas d'hier, hein ! Cette prise de conscience-là, c'était quand j'avais treize ou quatorze ans, que l'on avait dû m'expliquer un peu et que j'ai commencé à lire pour en savoir plus. Avec le Rwanda et les livres Jean Hatzfeld (je saute des décennies), j'ai mieux compris qu'il pouvait y avoir une sorte de banalité génocidaire : ce travail, en quelque sorte pépère, de massacrer une communauté autre que la sienne et qui n'est plus considérée humaine. Et cela me paraissait être le fait de nos temps abjects, de nos moyens modernes.
Or, Mérimée évoque les préparatifs et le massacre de la Saint-Barthélemy (1572). Et là où je veux en arriver, après ce détour, c'est que ce qu'il dit des préparatifs comme de la nuit du 24 août et des journées de massacres est tout à fait semblable aux récentes théorisations sur le génocide : préméditation, détermination, organisation, passage à l'acte collectif sans culpabilité. Pourtant Mérimée — même s'il n'est pas le plus crédible des historiens, ce n'est pas cela qui m'intéresse ici — écrit dans les années 1820, quand ni l'industrialisation, ni la colonisation, ni les guerres mondiales n'avaient encore donné naissance — et donc donné corps — au concept de génocide... Voilà qui donne à réfléchir. Y a-t-il anachronisme à employer ce terme pour des événements du XVIe siècle ? Y a-t-il eu de tous temps, chez l'homme et dans certaines conditions, une pulsion génocidaire ?

C'est d'ailleurs un 2 août que revint une certaine paix religieuse...

Après le dîner, TV5 programme Garde à vue (Claude Miller, 1981). L'avais-je vu ? Pas sûr. Ou alors oublié, comme le reste. Sobrement jouée, c'est une superbe peinture (sans aucune originalité cinématographique, cependant) de la décomposition d'une identité, d'une dignité par l'action répétée du soupçon sur la souffrance cachée. Il faut savoir que si une coïncidence fait de vous le coupable idéal, il faudra soulever des millions de tonnes de machines policières, judiciaires, administratives — ou qu'une autre coïncidence vous libère, hagard et dispersé en mille morceaux sur le pavé de l'aurore, sans aucune excuse. La situation n'est-elle pas encore pire depuis 1981 ?

Commentaires

1. Le jeudi 2 août 2007 à 19:53, par patapon :

Pour le démontage des mécanismes aboutissant au massacre, tout à fait d’accord avec toi. Passage à l’acte collectif sans culpabilité: c’est exactement ce qu'on a vu à la conférence de Wannsee. Mais effectivement, comme tu le dis-toi même, il y aurait quelque anachronisme à parler de génocide - sachant que l’idée d’épuration ethnique, c.a.d. de création d’une humanité nouvelle par élimination de races dites « inférieures » est fondée sur des discours à prétentions scientifiques élaborés au XIXe siècle.

2. Le jeudi 2 août 2007 à 21:03, par brigetoun :

on peut remonter aux albigeois. Et se souvenir, en mineur, du mot "décimer"



Vendredi 3 août 2007. Nuages jaune canari et les indices.

C'est fou comme une matinée passe vite quand on ne fait rien...

Après le déjeuner, T. et moi allons au centre de sport, à Shibuya. Avec Volodine à vélo, je transpire maintenant dans de la très haute dentelle. Voyez plutôt.

« On sait combien la quête anxieuse d'une identité a été centrale dans la pensée du IIe siècle, et avec quelle persistance le problème de nos origines a occupé le devant de la scène littéraire jusqu'à la dernière décennie du IIIe siècle. On sait que l'angoisse a constitué un phénomène permanent au cours de cette durable période de la Renaissance, qui souvent vacilla sous le chaos intellectuel, les incertitudes, les manipulations sanglantes, et faillit dans une mauvaise compréhension des mécanismes régissant la société. De nombreuses hypothèses de travail, erronées et pessimistes, se construisaient autour du thème obsessionnel de l'hérédité, compliquant la question sans la résoudre. Dans ce cadre est apparue une analyse psychiatrique des faits et gestes de Konrad Etzelkind.
On a voulu voir dans cette haute créature de l'ombre — responsable de la lutte contre les cellules déviantes — une victime des inquiétudes irrationnelles de l'époque. Non sans légèreté, on lui a attribué des motivations personnelles équivalentes à celles qui hantaient les collectifs littéraires qu'il devait mettre hors d'état de nuire. Plusieurs textes — à diffusion restreinte, certes — ont ainsi repris à propos de Konrad Etzelkind la thèse abracadabrante du « complexe d'orphelinage » ou de la « faille d'ascendance directe » (pour citer le jargon en vogue chez les ethno-psychologues du IIIe siècle) : à lire ces lignes, obscures, touffues, on obtient l'image d'un homme à l'esprit dérangé, qui n'aurait pu, par conséquent, accéder à d'importantes fonctions policières.» (Antoine Volodine, Lisbonne dernière marge, p. 53-54)

Il s'agit d'une fiction de méta-méta-discours concernant une civilisation autre que la nôtre, dans laquelle toute littérature est a priori subversive, surveillée par la police, déposée dans des archives qui ne publient jamais. Le ton, le style et le vocabulaire parodient des travaux universitaires, à quoi se surajoute un parfum de révision quelques siècles plus tard, le tout ne laissant qu'un minimum d'indices sur la nature exacte de cette civilisation où les concepts sont effroyablement proches des nôtres.
Cet extrait, comme pas mal de pages de Volodine où se rencontrent la littérature (toujours vivante, même sans les livres) et la société (post-exotique, avec résistants plus ou moins vivants), pastiche une histoire de la littérature dans laquelle des extraits de parodies d'œuvres sont incrustés. La mosaïque pastiche est le fait d'un narrateur très postérieur aux événements évoqués, qui se montre peu, tandis que les parodies proviennent de présumés auteurs anciens, tous assimilés à des groupements politiques subversifs, mais dont la force subversive est annulée par l'omniprésence de la police qui éradique — au mépris des lois sur la liberté d'opinion et de mouvement auxquelles nous pensons mais que les mondes imaginaires de Volodine ne semblent pas connaître (c'est une des constantes du post-exotisme).

Mais ces éléments encore épars et immatures d'une analyse du volodisme n'ont rien à voir avec le plaisir étrange, amer et poivré, que procure l'inquiétante étrangeté de cette lecture. Après le vélo au quatrième étages et quelques machines au troisième, pendant que T. faisait son kilomètre de crawl au deuxième, je me suis mis en maillot de bain pour aller patauger dans une piscine de détente, au sixième, et reprendre la lecture sur la terrasse ensoleillée et déserte. Là, vite séché par de forts coups de vent, queue du typhon qui passe au large, j'ai lu encore une dizaine de pages avant de m'allonger tout à fait, yeux fermés, sans dormir. Sous mes paupières closes, roulaient en tous sens des bouillonnements de nuages jaune canari et les indices de l'utopie familière que l'accumulation des mots avait fait naître. Les coups de vent qui secouaient le fauteuil de plastique me donnaient l'impression d'être en mer, allongé sur le pont d'un bateau, alors que les vrombissements de voitures et de motos me rappelaient la route en contrebas et m'arrimaient aux quartiers de Shibuya et de l'université de Tokyo, toute proche, où T. et moi avons déjà une longue histoire...
Si beaucoup de livres qui me plaisent me font réfléchir, peu me font rêver, surtout de cette façon.
La soirée baignera ensuite dans ce climat. Je ferai une grande salade pour le dîner et nous reprendrons nos lectures, Lokis en japonais, pour T., et Chronique du règne de Charles IX pour moi (bientôt la fin...).


Samedi 4 août 2007. Gens qui ne savent pas faire la cuisine.

Matin calme (lecture, toilette).
Poulet-frites pour T. et moi au Saint-Martin. La clim' ne marche pas très bien ou c'est nous qui avons trop chaud ? Pas grave.

Événement du jour : perception des lunettes de vue (Porsche), derniers réglages et... rangement dans le sac. Ce sont des lunettes pour la lecture. (Je les ai maintenant sur le nez pour taper...)
Manu ne peut pas nous rejoindre à la gare de Tokyo, il a un empêchement professionnel, on se verra peut-être demain.

On aurait voulu manger des glaces mais on ne trouve pas d'endroit agréable. On s'installe au Café Garb, dont l'apparence détendue et branchée avait déjà arrêté mon regard, d'autres fois. Café glacé et lecture, pour essayer les lunettes, quelques minutes, le temps d'importantes pages de Volodine (simonesques). T. est très contente des premières pages de Catherine Certitude (Modiano / Sempé, chez Gallimard, 1988) que je viens de lui offrir. Car difficile de passer à la librairie Maruzen, où se trouve la boutique de lunettes, sans passer au rayon des livres français...
On est bien dans ce café, dans cette avenue.

On fait les boutiques, sans acheter (à quelques jours du départ pour la France, peu d'envies).
On marche jusqu'à 18 heures et Yurakucho, où l'on retombe sur une ancienne version du plan de la journée, celle avec Ratatouille à 19h30. Et ça le fait. On prend des billets, on dîne rapidement dans un chinois de la galerie Ginz et nous voilà dès 19h15 dans la salle d'un 9e étage pour voir comment la gastronomie française a été assaisonnée par Disney & Pixar.
Pas mal !... pour un film américain... Des moments drôles, un ou deux plus émouvants, mais dans l'ensemble un peu long, trop explicatif. Bon, pensons au public jeune (je ne sais pas ce qu'il y trouvera). Pensons à ces millions de gens qui ne savent pas faire la cuisine et que ça peut faire rêver. Pensons aussi à ceux qui savent la faire, et que ça va faire pester. Et une petite pensée acide pour ces chefs français qui disent que c'est bien pour l'image de la France, ou ceux qui font des repas à 150 euros minimum et qui viennent à la radio pour donner comme secret de faire une simple salade de tomates.

Ceci dit, j'aurai peut-être un avis plus amène demain. Pour l'heure, je suis en boule. C'est rapport à l'attaque de spams dans les commentaires. Je m'absente quelques heures et voilà le résultat ! Les abonnés au fil RSS des commentaires ont dû en voir passer une douzaine d'un coup. Il y en avait 150 autres dans le filtre ! Je viens de rajouter des mots dans la liste de blocage, comme cool. C'est toujours de l'anglais, je l'ai déjà dit. J'ai un petit sentiment de pitié pour les bons blogueurs dont ce serait la langue maternelle !
Ni le temps ni l'envie de parler d'autre chose. Et pourtant...

Commentaires

1. Le samedi 4 août 2007 à 15:15, par Manu :

Ceux-là n'ont pas le choix : captcha !

2. Le samedi 4 août 2007 à 18:23, par Berlol :

eh, oui, sans doute. Pour ma part, je préfère éviter, tant que je peux encore... La question, c'est : jusqu'à quand ?

3. Le samedi 4 août 2007 à 23:04, par brigetoun :

l'impression qu'ils se multiplient actuellement, en même temps que les courriels que l'on attendrait se raréfient. Est ce que vraiment cela sert à quelque chose, y a t il des gens pour les ouvrir ?

4. Le lundi 6 août 2007 à 09:01, par Philippe De Jonckheere :

Il y a aussi ne pas laisser les commentaires ouverts, qui fonctionne assez bien comme parade!

Amicalement

Phil, qui commente pas souvent, c'est vrai.

5. Le lundi 6 août 2007 à 14:16, par Berlol :

Oui, si tu vas par là, il y a aussi "ne pas avoir de blog" qui est assez radical...
Au fait, as-tu lu qu'il était question des objectifs de ceux qui autorisent ou n'autorisent pas les commentaires — et donc de toi — dans mon article de Glottopol ?

6. Le mercredi 8 août 2007 à 09:43, par Philippe De Jonckheere :

Oui, oui, j'ai lu cela, Berlol, et je vois que cela ne parviendra jamais à nous fâcher puisque je suis plutôt d'accord avec ce que tu y écris. Mais je persévère à ne pas aimer les commentaires. Sans commentaire.

Amicalement

Phil

PS j'en profite, Berlol, pour te dire que même si je ne commente pas, je lis. Un petit commentaire de temps en temps, pour le dire.

PS 2 sinon je trouve assez intéressante l'idée de "ne pas avoir de blog", je me demande comment c'était avant 2000.

7. Le mercredi 8 août 2007 à 22:58, par Berlol :

Moi aussi, je me le demande, puisque je tiens ce journal... pour me souvenir.
Pour ce qui est des commentaires, je sais que tu n'es pas à un paradoxe près.



Dimanche 5 août 2007. Une zone un peu onirique dans notre histoire.

Comme T. a fini la lecture de Lokis hier soir, nous en discutons sérieusement ce matin, éditions Garnier et Pléiade en main. De toute façon, dehors, c'est la canicule totale. Elle considère le texte un peu lourd, et pénible la pédanterie du savant narrateur. Devisant ainsi, on fait resurgir la mosaïque des horizons et des visées de Mérimée : les influences des contes populaires (de Lituanie ou d'ailleurs), les traces lointaines du mesmérisme et les récentes expérimentations de physiologie et de psychiatrie (il écrit Lokis vers la fin des années 1860), les ouvrages de philologie à visée linguistique, à la recherche d'une hypothétique langue indo-européenne originelle, ainsi que la très récente — pour Mérimée — lecture de Thérèse Raquin (Zola, 1867) dont il aurait pu vouloir se moquer. Cherchant dans le web japonais, T. arrive à un blog de cinéphile qui rend compte de l'adaptation polonaise de Lokis en 1970 (J. Majewski, affiche étonnante, comme d'autres de ce site), qui semble aussi avoir laissé quelques traces dans nos vieilles revues. Mais le plus drôle, c'est tout de même qu'elle découvre que feu son beau-frère avait traduit Lokis et La Vénus d'Ille ! Non pas le premier, puisque les premières traductions datent des années 1930, ni dans la deuxième vague de traductions de Mérimée (les années 1970, dans le sillage du centenaire), mais en 1984 dans une collection de contes fantastiques pour la jeunesse. Comme quoi, hein !

Après le déjeuner (simple salade de tomates, jambon et camembert), je file rejoindre, dans l'étuve urbaine d'Omote-Sando, un Manu heureux de flâner librement. Il bénéficie d'une de ses premières sorties depuis son nouveau boulot. Et le pire, c'est qu'il y a pris goût, au boulet ! Je veux dire au boulot, bien sûr... Et sans doute a-t-il raison, notamment pour les contacts humains et les défis relevés à trouver des solutions informatiques pour une clientèle dans la banque ou la finance, anglophone et parfois francophone (il me corrigera si je fais erreur).
Nous déambulons un peu dans Omote-Sando Hills (même déplaisir) que Manu n'a encore jamais visité, puis dans des ruelles où nous nous trouvons mieux pour discuter. L'idée de glace, de crème glacée, pour être plus précis, germe à nouveau dans notre esprit mais trop de monde partout. Finalement, ce sera un dessert de fruits au Sembikiya de Harajuku, où l'on n'attend que 10 minutes. Ensuite, passage chez Muji pour des chaussettes basses et chez Demel pour ramener quelque douceur amandine à T., puis d'autres rues, doucement, jusqu'à Shibuya. De loin, on aperçoit l'enseigne d'I-River, ce qui m'étonne puisque Bikun disait la marque disparue et qu'on ne voit en effet plus leurs appareils dans les magasins. De près, il n'y a plus que l'enseigne, sans doute pas encore retirée, tandis que le magasin a été remplacé par autre chose. Ainsi va la vie des marques.
De retour à la maison, je m'occupe de l'installation du système d'arrosage automatique, ce qui devrait permettre à nos plantes de survivre pendant notre absence sans que nous ayons à solliciter qui que ce soit (le souvenir du narrateur de Jean-Philippe Toussaint arrosant les plantes des Drescher me hante encore...).

« Et ton père, Kurt, tu te rappelles ton père ? Non plus, hein, tu es pareil à moi, tu ne réussis pas à t'en souvenir, nous avons vécu tous deux écrasés par son absence et décervelés par la négation de son existence, comme dans les familles franquistes d'Espagne où paraît-il, en cachette des fils effarés, on découpait sur les photos, à la fin des années 30, le visage des oncles et des pères républicains et où l'on s'acharnait, au milieu des prières et de l'eau bénite et des châles noirs puant la sacristie, puant les corps mal lavés de religieuses, où l'on s'acharnait à inventer, pour eux, les rejetons émasculés, un monde sans oncles et sans pères, où seuls respiraient ou clopinaient militaires, épiciers et curés, et tous deux nous sommes rentrés à l'intérieur d'un brouillard comparable, c'était dix ans plus tard, après la défaite de l'Allemagne éternelle, nous avons eu droit à la même lobotomie sournoise, voilà qu'en Germanie chacun dirigeait les ciseaux sur sa propre photographie, dirigeait la pointe vorace des cisailles sur sa propre physionomie, dans les cités ravagées voletait le cliquetis de ces auto-censures et de ces auto-mutilations, notre enfance était bercée par le caquetage des machines à coudre les cicatrices, et l'on entendait les hitlériens sanguins et consanguins extirper de leur code génétique et de leur mémoire et de leur chair intime, amollie déjà par la sociale-démocratie et la bière, toute trace d'une possible compromission avec le passé compromettant, et soudain les oncles en uniforme de la Wehrmacht nièrent avoir connu un quelconque élan d'enthousiasmes pour quelque Führer que c'eût été et nièrent les engelures qui chaque hiver leur faisaient éclater les doigts sur le front de Biélorussie ou d'Ukraine, et nièrent avoir peint des caractères gothiques sur les pancartes destinées à indiquer la qualité ou la catégorie des hommes et des femmes pendus aux balcons en ruines et aux branches des tilleuls, soudain oncles et pères ne purent se souvenir des phrases élémentaires qui les avaient aidés à affronter le froid et les combats, et qui les avaient aidés à haïr durant toutes les décennies interminables du Troisième Reich de mille ans, et soudain ils ignoraient s'ils avaient ou non ignoré l'existence des camps de la mort, soudain le mot extermination et l'expression solution finale résonnaient comme des vocables inconnus et à la rigueur bizarres et fortement étrangers à leurs oreilles, et ils nièrent avoir parcouru l'Europe en bottes bien cirées puis avoir reculé en colonnes affreuses, souillées de poussière et de gangrène, ils nièrent tout cela et soudain, alors que nous étions à peine dégagés de nos langes, nous apprenions qu'il n'y avait rien eu de spécial dans nos villes, qu'il ne s'était rien produit de spectaculaire dans nos capitales qui empestaient encore le brûlé de la déroute et de l'écroulement, non, qui vous a raconté cette bêtise ? rien de rien, la vie avait été rythmée seulement par des rencontres amicales entre oncles et tantes et entre voisins, par des quatre heures avec café au lait et tic-tac paisible de l'horloge, nous apprenions que l'on ne reconstruisait rien, que tout avait toujours été comme cela, démocrate-chrétien et atlantiste et social-démocrate, d'un calme et d'une lâcheté et d'un ennui frileux, douillets, infinis, et, mis à part cela, nous apprenions qu'il y avait eu une zone un peu onirique dans notre histoire, d'ailleurs d'importance négligeable à en juger par la sérénité avec laquelle les adultes en rognaient les derniers angles et les dernières barbes inélégantes, et nous constations que dans cet abîme sans couleur nos pères et nos oncles s'étaient dissous, la guerre n'avait pas existé, les divagations nationales-socialistes n'avaient pas pris forme, n'avaient pas débordé le cadre insignifiant de réflexions en chambre pour philosophes hystériques, n'avaient jamais envahi le réel et n'avaient jamais déferlé sur les rues allemandes ni dans les âmes allemandes, le Troisième Reich n'avait été qu'une variante à peu près confidentielle d'un conte apocryphe des frères Grimm, et nos pères et oncles n'avaient eux non plus jamais existé, ni leurs épouses ou leurs futures épouses, ni notre enfance, encore trop imprégnée de gravats, encore trop rapprochée des cratères de bombes et des convois d'éclopés et des films accablants sur Dachau et Bergen-Belsen, et tu n'avais jamais eu de père, Kurt, toi non plus [...] » (Antoine Volodine, Lisbonne dernière marge, p. 77-79 — bien sûr, cette envolée simonesque n'est pas l'expression de l'avis personnel de l'auteur mais celui d'un personnage en cours d'exfiltration... on reviendra ultérieurement, par la ruche, sur cette relation adulte-enfant...)

Commentaires

1. Le dimanche 5 août 2007 à 07:49, par brigetoun :

superbe ce passage du Volodine. Je crois que je ne vais pas attendre le poche

2. Le dimanche 5 août 2007 à 12:55, par Berlol :

En format poche, il y a Dondog et Des Anges mineurs. D'autres ? À vérifier... Pour Lisbonne dernière marge, comme c'est chez Minuit et que Volodine n'y est plus, peu probable que le livre ressorte en coll. Double...

3. Le dimanche 5 août 2007 à 22:34, par brigetoun :

pour les deux poches je confirme. Maintenant que je suis sédentaire, même si les ressources ont fondu, je devrai perdre ce réflexe idiot des poches. Si tout le monde était comme moi ...



Lundi 6 août 2007. Le nœud coulant pour les achever.

Quand le réveil sonne, à six heures, je suis en train de discourir devant un policier que je somme de me dire ce qu'est un crime, façon rhétorique de contester sa vision globale de la chose, et donc son métier. Peut-être une trace de Garde à vue, à quoi du Volodine se serait mêlé... Trente minutes plus tard, je suis prêt et je pars sans manger (j'ai emporté de quoi me sustenter en chemin), où le devoir m'appelle.
Dans le train, je finis à l'écran la Chronique du règne de Charles IX, puis relis Mateo Falcone. Dans la première œuvre, un frère tue son frère, dans l'autre un père tue son fils. Hum, hum... Monsieur Freud, qu'est-ce qu'on fait dans des cas comme ça ?

Arrivée à la fac, pile poil pour la dernière réunion. Puis déjeuner avec les collègues.

Commande de livres (budget pour la bibliothèque). Pas eu le temps depuis avril. Comme je me l'étais promis, je commande en priorité les quatre volumes déjà parus des œuvres complètes de Michel Butor. Puis des commandes rejetées l'an dernier pour dépassement de budget, notamment des livres de Bernard Stiegler. Puis des œuvres nouvelles dont celles déjà parues de la collection Déplacements, au Seuil.
François, le résultat de ton travail d'éditeur sera donc aussi disponible ici !

Quelques courriers avec les étudiants de 3e année ; ils sont jusqu'au cou dans leur rapport de fin de semestre — et je tire le nœud coulant pour les achever... Ensuite, un peu de ménage dans mes étagères de pédagogie : je jette une bonne cinquantaine de ces manuels de français, pour la plupart insipides, que des binômes et des trinômes de profs pondent chaque année pour les apprenants japonais. Ce n'est pas vraiment le service de presse dont je rêvais...
Ce n'est pas tout à fait de leur faute, aux profs : des éditeurs viennent les solliciter, les convaincre que leur (re)nom et l'originalité de leur approche peuvent faire vendre quelques centaines d'exemplaires, et les voilà embarqués dans des centaines d'heures de travail, qu'il faut ensuite réviser à la baisse (de qualité) parce que l'éditeur veut quand même du conventionnel et que ça ressemble quand même, au final, à ce qui a déjà été fait...

Vers 19 heures, je retourne pédalire, anti-stress, anti-toxines et sédition volodinienne... Heureusement qu'il y a ça !

« Je vois deux raisons à l'absence de réaction de la fourmilière. Un, la page que j'ai citée plus haut n'avait connu aucune diffusion ; il devait paraître plus sage de la laisser moisir dans ses limbes. Deux, les maîtres de notre organisation sociale avaient été provoqués non par un réseau subversif, mais par un simple collectif littéraire. [...]
Dix-huit ans plus tard, quand le commandement unifié Siegfried Schulz se lance sur la piste que Katalina Raspe n'avait pas songé à débroussailler, le paysage s'était modifié. Au profond des cervelles spécialisées, on a médité, on a élaboré des plans. On a décidé d'offrir la terreur barbare aux intellectuels dont l'âme se dissipe. La terreur barbare refroidit les ardeurs scientifiques.» (Antoine Volodine, Lisbonne dernière marge, p. 83)

« Nous ne regardions pas du bon côté de l'horizon. Tous, nous avons pensé que le conte enfantin était un témoignage sur les hantises oubliées de la guerre noire, un chuchotement de l'inconscient collectif non détruit par les siècles, et nous l'avons toujours lu et étudié dans cet esprit.
Là gisait notre erreur. Il importait de voir dans le conte, avant tout, un témoignage sur des terres inaccessibles, sur l'intérieur mystérieux des communes éducatives et des ruches.
La société de la Renaissance ne dispose pas d'autres documents analysables en provenance des ruches, si l'on excepte les communiqués administratifs. Une fois ou deux par siècle, les instructeurs condescendent à nous soumettre des recueils de contes et légendes qu'eux-mêmes ont collecté. [...]
Or, si effectivement les contes restent une expression littéraire, il faut les prendre comme le résultat d'efforts poétiques fournis par les seuls instructeurs. Les contes sont des textes falsifiés, des textes mystificateurs, qui à l'analyse ne révéleront pas les secrets de la guerre noire, les secrets détenus par les enfants, mais tout au plus quelques détails sur l'âme des faussaires. [...]
En démontant l'art des faussaires, on finit par découvrir les mécanismes jusque-là insoupçonnés qui meuvent les sociétés d'instructeurs (mais ce terme ne leur convient pas, car ils n'éduquent personne), et ceci : l'absence totale d'enfants sur les territoires gigantesques qu'ils colonisent.

Les giclements de cervelle et les supplices les plus effrayants ont récompensé la clairvoyance de Katalina Raspe.» (Ibid., p. 90-91)
Ce qui n'est pas en italiques ci-dessus l'est dans le livre, et inversement : le narrateur inconnu cite des extraits d'œuvres. La fourmilière est clairement identifiée comme une métaphore de la ruche, mais la ruche est le terme normal pour désigner le lieu où sont élevés les enfants, dans cette société-là, séparément des adultes, de façon totalement étanche, jusqu'à ce qu'il apparaisse que tout cela pourrait être une fiction d'état, ce qui sera décrit plus tard comme une « manipulation à grande échelle des souvenirs collectifs » (p. 126). Dans quel but ? Dans quelle société ? Chez des humains de quelle forme ?...

Commentaires

1. Le lundi 6 août 2007 à 21:30, par brigetoun :

ce pourrait être les humains du passé - du temps d'une France encore en bonne partie rurale et des internats. Sauf pour le bourgeoisie citadine ou mieux les enfants à précepteurs.
Je relis Mérimée, par réflexe, et j'ai retrouvé hier "la partie de tric trac", qui a capté mon attention malgré une anecdote pas si extraordinaire et un style sans aspérités apparentes



Mardi 7 août 2007. Ça sera mort et friqué.

Au 20-Heures de France 2 d'hier, la « pourpre cardinaliste », pour « cardinalice » — pour ne pas dire de conneries, on peut aussi éviter les expressions archaïques...

Suivant une ligne de fuite vers le Masque et la plume d'avant-hier, je passe par dessus le ton insupportable et auto-caricaturant de Jérôme Garcin pour écouter ce qu'on dit de Muriel Barbery. Visite de son site, etc. Pas d'avis, pour l'instant, sauf que je n'aime pas trop ce genre de photos sophistiquées. Mais si la personne est à Kyoto, ça devient intéressant (rencontre, éventuelle invitation à la fac ou à Tokyo, etc.).

Ça fait un moment que je n'ai pas signalé mes enregistrements radio. Certes, il y a moins d'émissions intéressantes sur France Culture, où ça rediffuse à tour d'oreille. Cependant j'ai beaucoup apprécié les années 1960, 1961, 1962, 1963, et j'attends avec impatience les prochains samedis et dimanches. J'ai enregistré les conférences d'Onfray, quelques émissions sur Yourcenar (qui n'est pas de mes auteurs préférés mais inévitable dans l'histoire littéraire), ne vais peut-être pas engranger les Mémoires de Révolution russe...

En tirant sur un fil RSS, je tombe sur cette brève du 23 juillet, qui fait horriblement écho au passage de Volodine cité hier... Je rectifie juste « termes violés » en « termes voilés », sans doute plus dans l'esprit du poète cité.

« Le gouvernement chinois contrôle le net par le biais de 30 000 cyberpoliciers. Les 100 millions d’internautes Chinois voient de nombreux sites fermer sous le poids de la censure.
La censure, présente tous les jours en Chine, sévit sur le net. 
« La censure des écrits n’a rien de nouveau. Sur internet, cela fait dix ans que ça dure », précise Vincent Brossel, responsable du secteur Asie pour Reporters sans frontières. Depuis le début du mois de juillet, la cyberpolice use d’une politique extrêmement répressive pour contrôler la création de sites et la diffusions des informations. Leur priorité, c’est le contrôle. « La censure s’étend sur de nombreux sujets. Elle ne concerne pas seulement les sites politiques, mais porte également sur la critique artistique ou sur les droits environnementaux », explique Vincent Brossel. Le gouvernement chinois surveille et filtre tout si bien que les autorités ont bloqué l’accès au site littéraire israélien www.shvoong.com, visité régulièrement par 20 000 utilisateurs chinois. Le forum de Lu Yang (Zhongguo Dangdai Shige Luntan) a également été retiré le 11 juillet du serveur hôte Lequyuan (Le jardin du plaisir) suite à une requête du Bureau de l’Information de Shanghai (Est). La Radio Free Asia (RFA) rapporte le témoignage d’un poète indépendant chinois, Zhan Dagong : « Les contenus littéraires sont suspects aux yeux du Parti. Les poètes sont souvent emprisonnés car leur mode d’expression est riche et ils peuvent analyser la société chinoise en termes voilés et ambigus. Les censeurs de l’internet ne comprennent pas le sens caché et préfèrent carrément fermer le forum par sécurité.» Pour échapper à la censure et éviter des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison (selon l’estimation de RSF, au moins 50 internautes sont en prison), certains utilisateurs ont recours à des logiciels comme « tor » ou aux systèmes des proxies permettant de se rendre sur des sites fermés. Reporters sans frontières espèrent que les J.O. de 2008 vont être une opportunité pour rappeler aux autorités leurs engagements.»

La perspective des JO de 2008 me dégoûte et me fait un peu peur. Ce n'est pas d'aujourd'hui. Je ne sais pas quoi en penser, mais j'ai déjà cette sensation.

Entre deux grosses tranches de travail à l'ordinateur, David et moi sortons en voiture pour déjeuner. Comme il n'y a pas de cours, on peut aller un peu plus loin, par exemple voir ce Nagoya Central Garden où sse sont installés un nouveau Seijo Ishii et une boulangerie Kayser : une ridicule petite cité de luxe, avec deux gros immeubles, deux restaurants chers, au beau milieu d'un quartier plutôt populaire. Finalement, on déjeune d'anguille grillée — c'est la saison — dans un petit restaurant traditionnel, à deux rues de là. (Pas la peine de revenir par ici pour dîner, ça sera mort et friqué.)
Puis, David a besoin de matériel de bureau, bon prétexte pour aller à l'Office Depot qui vient d'ouvrir à Nagoya, près de Sakae. C'est assez grand et même choix qu'à Tokyo.
J'ai acheté un tableau blanc et magnétique de 60 sur 45.

Le soir, pour me distraire, je me fais l'intégrale des Minutes blondes en dévédé. Je souhaite une longue carrière à Frédérique Bel, que je trouve spirituelle — si cela vient bien d'elle, et c'est l'impression que j'avais eue en la rencontrant à Tokyo l'an dernier. J'ai même fait le jeu interactif. Et j'ai réussi à coucher avec elle...

Commentaires

1. Le mardi 7 août 2007 à 21:11, par brigetoun :

pour la dernière phrase : bien ?
pour les années 60 et la suite de France Culture, partagée entre agacement du décallage avec mes souvenirs, amusée et attendrie narcissiquement quand cela concorde. Je pense toujours à ce que serait la réaction d'un témoin d'une époque donnée, forcément témoin d'une toute petite fraction de son époque, devant les livres d'histoire. Et à ma réaction après avoir lu dans Libération le compte rendu d'une conférence débat à laquelle j'avais assisté.

2. Le mardi 7 août 2007 à 21:28, par Berlol :

Pour la dernière phrase : bien, oui, dans la mesure où l'interactivité est tout de même très limitée...
Pour les années 60, je comprends tout à fait la frustration. Moi, j'étais entre les couches et les culottes courtes, donc, forcément, je ne me souviens de rien...

3. Le mercredi 8 août 2007 à 06:31, par jfp :

une pensée émue en passant pour tes étudiants à la peine...



Mercredi 8 août 2007. Mais sans l'espèce.

Grande baffe matinale, mais d'une douce litanie.
Tient en trois phrases :

« Ce qui n'est pas donné est perdu
Ce que tu gardes est foutu
Ne retiens pas les chevaux de ta tendresse »


J'avais une heure de repassage devant moi, bonne occasion, enfin, pour le dévédé de Jean-Louis Murat, Parfum d'acacia au jardin (2004), acheté l'an dernier mais qui n'avait pas encore trouvé son heure ici. Très forte impression. Je ne peux pas mieux dire que Pierre Andrieu...
Camille était-elle déjà connue en 2003 ? Pas beaucoup, il me semble. Pour moi, ça devait être début 2005.

Fin de matinée au centre de sport (à sudalire en pédavélo). Occasion de révélations :

« Et : Et d'ailleurs, qu'est-ce que tu en as compris jusqu'à présent, mon dogue ? Mon cher dogue décrypteur et assassin ?
« Tu veux, proposa-t-il, ma toute-charmante, que je te résume ce que j'ai entr'aperçu an fond des bribes ?
— Oui, dit-elle. Un test d'intelligence pour mon dogue.»
Et lui :
Une sorte d'anthologie commentée de textes se rapportant à une époque imaginaire, la Renaissance. Une espèce de mise en relation de ces textes avec des personnages vivants, à un moment où la Renaissance traverse une crise aiguë d'identité.
La société que l'on peut deviner là-derrière est fondée sur une manipulation à grande échelle des souvenirs collectifs, sur un écrasement mutilant de la mémoire. On ignore tout, par exemple, des origines biologiques de l'homme de la Renaissance, comme s'il y avait eu quelque part une rupture organique, génétique, à la suite de laquelle il avait changé de nature. On ne sait rien de ses origines historiques, qui se perdent dans les tourbillons d'une guerre mythique, la guerre noire.
[...] Une construction politique de pure façade administre la société. Elle a été remise depuis des siècles entre les mains de dindons sociaux-démocrates qui exercent une sorte de totalitarisme idéologique de la nullité. Des classes sociales diverses, techniciens, ouvriers, manœuvres, aident à la mise en place de ce décor, tout en restant très en retrait. Ce sont peut-être elles, ces classes, qui lisent, pratiquent et alimentent la littérature des poubelles, uninimement stigmatisée par les communes d'écrivains ? Ce sont peut-être elles qui donnent une réalité militante à la mystérieuse subversion ?
En tout cas, pièce centrale dans l'édifice de la Renaissance, la police est vigilante, active et impunie. On découvre vite qu'elle n'est pas au service du pouvoir politique factice. En réalité, elle est dévouée corps et âme aux véritables maîtres de la Renaissance : les ruches. Qui a organisé la Renaissance, qui l'a structurée et peuplée, sinon les ruches ? Les ruches ont falsifié la mémoire de l'homme de la Renaissance, elles disposent à leur guise de son passé, de son devenir, de ses amnésies, de ses faux-semblants, de ses crimes, de ses succès, de ses lacunes, de ses mensonges. La police est l'instrument fidèle des ruches, mais de même que l'homme de la Renaissance elle ne peut avoir la plus petite notion des objectifs ou de la nature réelle des ruches.
C'est à peu près cela, pour l'instant, ma toute charmante ?
Elle se pendit à son cou. Mon dogue, Kurt, mon très cher, comme tu parles bien !
« Et alors, ça te plaît ? s'enquit-elle. Tu vois bien, il n'y a pas de quoi fouetter un chat !
— Ça ne me plaît pas du tout, protesta Kurt. Toutes les portes sont béantes pour que le BKA fonce jusqu'à toi, après m'avoir mis la main au collet.»
Et elle : Tu es de mauvaise foi, espèce de sale connard de flic tenace et sagace et décadent.
Et lui : Pauvre petite connasse de terroriste, depuis le temps que je me tue à te répéter qu'il faut que tu restes oubliée dans ton coin, le bec cloué et la pensée cadenassée.»
(Antoine Volodine, Lisbonne dernière marge, p. 126-128)

J'y repense fortement quand, peu après, je déjeune avec David chez Downey et que nous commentons l'actualité politique du Japon, le théâtre que nous joue sa classe politique — de peu de classe, en l'occurrence — dans le seul but, dirait-on, d'occuper des gens qui de toute façon ne croient pas à la politique et s'accomodent très bien de ces distractions. On peut d'ailleurs remplacer Japon par d'autres noms de pays...

Long après-midi avec pas mal de travail à avancer. Et peu à en dire. Mais sans l'espèce de pesanteur d'hier.

Commentaires

1. Le mercredi 8 août 2007 à 21:00, par vinteix :

"ce qui n'est pas donné est perdu" : ça, c'est un proverbe indien (de l'Inde)... Pour le reste, il me semble quand même que l'ami Jean-Louis a fait mieux... là, ça fait un peu litanie de sutra, à mon goût en tout cas...

2. Le mercredi 8 août 2007 à 23:01, par Berlol :

Ouh, mais t'es bien difficile, toi, aujourd'hui !
Non, non, moi, je trouve justement que c'est cet effet de litanie qui est excellent, avec ces deux voix qui se répondent, la progression de guitare, de percussions, etc. Du grand Murat + Camille !

3. Le mercredi 8 août 2007 à 23:39, par vinteix :

Difficile, oui, souvent, mon cher...
Mais je suis d'accord avec toi pour la progression de la guitare... je pensais d'ailleurs l'écrire... mais au final, cette litanie m'ennuie et m'endort un peu... la répétition incessante du refrain, ça fait vraiment répétition rituelle de mantra... "fais pas ci, fais pas ça..." Bon, j'exagère un peu...
"Dans le genre", je préfère nettement ce qu'avait fait Kat Onoma ("Cupid"), pour les guitares... ou le dernier album de Christophe, pour la voix...
Mais malgré tout, je l'aime bien notre Jean-Louis, encore plus depuis qu'il est hirsute et mal rasé...

4. Le jeudi 9 août 2007 à 00:25, par brigetoun :

il doit me manquer une case pour Murat, j'aime beaucoup, sans plus.
"on peut d'ailleurs remplacer Japon..." j'y pensais, comme vous le cherchiez je crois



Jeudi 9 août 2007. Sans doute que des rappels.

Serrault, la fin d'une génération, le C dans l'air du 3 août, cachait bien son jeu. J'y allais la larme à l'œil pour voir et entendre des bribes de nos grands comédiens perdus depuis un an, mais ce fut un festival de vitalité, de contestations, de propositions au sujet du cinéma français contemporain. Jean-Pierre Mocky, Bruno Putzulu, Alexis Lacroix et Jean-Jacques Bernard passionnent le débat et touchent les points névralgiques (fric, télé, facilité, etc.) tout en évitant — ce sera mon seul regret — d'accuser nommément...

Aux infos, il était question du GéoPortail de l'IGN... je suis allé voir Cerisy, puis Saint-Florent, leurs alentours... C'est très rapide, vraiment efficace et la superposition photo & carte est de l'ordre de l'expérience métaphysique, plus encore avec les endroits que l'on connaît déjà.

Bon, je n'ai pas fait que ça, et de loin. J'ai fini la notation des rapports de mes étudiants de 3e et 4e années, qu'il faut féliciter d'avoir tenu les délais (ce n'est pas toujours le cas), rédigé mon rapport d'évaluation semestriel, posé des jalons pour le prochain séminaire de cinéma. Dans tout ça, Mérimée est passé à la trappe.
Déjeuner de crêpes avec David, chez Rhubarbe, juste en face du centre de sport. Pour grossir juste avant de maigrir, ou l'inverse. La vie, quoi ! D'ailleurs, David aimerait bien y aller aussi, au centre de sport. Dans quelques mois, peut-être, si tout va bien (doigts croisés et bouche cousue, c'est encore confidentiel).
Encore du rangement, du courrier et la sauvegarde informatique, avant de pouvoir quitter le bureau et aller finir de préparer ma grosse valise pour gagner Tokyo ce soir, dans un train où Mérimée reprend tous ses droits malgré la proximité du wagon fumeurs (assis en tête d'un wagon non-fumeurs, je maudis, chaque fois que la porte automatique s'ouvre, la personne qui fait entrer les effluves infectes d'à côté). Relecture et notes sur plusieurs nouvelles et quand ça fume, c'est canon ou arquebuses — si bien que je ne vois pas arriver le terminus.
Dans ce sens, qui est donc le début du grand voyage, ça monte toujours. La grosse valise (celle d'Orléans, achetée avec Antoine Volodine, qui a tout de même quatre roulettes — la valise, pas Volodine), je dois la tirer pour monter à la station de métro, puis la porter dans les escaliers de la gare (l'ascenseur est loin), puis, arrivé à Iidabashi, lui faire monter la Kagurazaka (saka / zaka, c'est la pente, la côte, et kagura, les danses du culte shintô), si bien que quand j'arrive, c'est direct la douche — froide (mais peut-on parler d'eau froide quand tous les tuyaux sont à 30 ° !).

Du film Toute la beauté du monde (M. Esposito, 2005) que TV5 passe ce soir, je ne garderai sans doute que des rappels, celui des paysages de Bali, récemment revus, et celui du Sweet Surrenderde Tim Buckley, que je n'avais pas eu l'occasion d'écouter depuis t-r-è-s longtemps — mais que je retrouve avec une merveilleuse fraîcheur, en m'en envoyant une youtubesque série. Découvert à la fin des années 70, quand il avait déjà disparu et que je m'intéressais plus à Higelin ou Genesis, je l'avais retrouvé avec plaisir dans les années 80, quand This Mortal Coil avait repris son Song to the Siren... S'il ne m'arrive jamais de trouver que des reprises de Chet Baker puissent être meilleures que les originaux (comme je le disais ce midi à David, entre deux crêpes, pendant une reprise féminine de Like someone in love), j'admets que cette reprise de Tim Buckley pouvait être égale ou supérieure, d'une autre façon, à l'original. Je me comprends.


Vendredi 10 août 2007. Punir de dangereux débauchés...

« J’étais dans une fin d’après-midi de poussière, de sueur et d’écureuils agités, je sentais le savon noir. Mais j’avais un mouchoir, quelques billets, mes papiers, le monde ouvert qui me prenait tout entière dans une odeur de raisins ensoleillés.» Ainsi finit Majeure, le beau texte d'Emmanuelle Pagano, répondant, pour lecture, à une commande de Christian Jacomino. Nous n'avons pas tous le plaisir de la voir...

Par quel chemin l'ai-je trouvé ? Mince ! Je ne sais plus... Toujours est-il que la commande est passée et il est probable que certains étudiants — ils iront d'eux — s'amuseront dans quelques temps avec certaines pages du Précis de conjugaisons ordinaires paru l'an dernier aux Éditions Xavier Barral.

Et pour finir la distraction matinale avant de me mettre au boulot, rien de tel qu'un petit article de la sociale, histoire de penser la vilénie du capitalisme contemporain (à défaut d'en faire partie...). Cette morale vicieuse, bien manipulée, pourrait même donner raison aux épandeurs de Lagrasse. En arrosant au gasoil la nuit sexuelle de Pascal Quignard au Banquet du Livre, des descendants de l'Inquisition pensaient sans doute punir de dangereux débauchés... J'hallucine !
Alors, culs-terreux ignares et moyen-âgeux s'en prenant à des intellectuels forcément sataniques ? Ou cocktail promoteurs véreux + politiciens ambitieux à l'affut d'un bon coup, masqués derrières les chanoines et les extrémistes ? À lire l'article du Figaro (d'ailleurs écrit avec les pieds, cf. copie ci-dessous), d'avant le saccage, il n'y aurait pas que du religieux dans le punch... Mais cet article lui-même n'était-il pas de trop ? C'est à peu près ce que pense Catherine Millet : « Il faut stigmatiser le travail du Figaro, soulignant le fait qu'il y avait des polémiques religieuses et politiques, en les mélangeant et alertant des extrémistes qui ne savaient sûrement pas que ce festival existait.» (Seul l'article de Rue89 aborde, pour l'instant, tous les aspects de la question, notamment en donnant la parole à Jean-Michel Mariou.)

Pendant que T. est chez le médecin puis chez le coiffeur, je reste à lire, prendre des notes, etc. Autant dire qu'à 17h30, j'en ai par dessus la casquette du Mérimée. Je déplie mon vélo et m'équipe, passe saluer la belle toute défrisée et déposer un petit cadeau au Saint-Martin, puis je change de vitesse pour aller par les avenues, loin, pendant une heure. Je parviens même à retrouver l'immeuble dans lequel j'ai passé, avec mon ex, mes deux premiers mois au Japon... J'y reviendrai.
Au retour, je passe au Seiji Ishii de Laqua pour du fromage et du jambon.

Mais par quel chemin de mémoire l'ai-je trouvé, le Tomisaka Christian Center ? Je ne sais. J'avais envie de me faire la côte, la Tomisaka, la côte du trésor, pour griller du surpoids. J'ai vu une ruelle sur la droite dont l'image m'a soudain paru familière (après quinze ans, comment était-ce possible ?), m'y suis engouffré et ai tourné dans les ruelles proches (alors que la fois précédente, j'étais allé trop loin, ne voulant peut-être pas trouver, ou la mémoire ayant alors refusé son aide...)

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L'abbaye de Lagrasse troublée par sa "nuit sexuelle", par Sophie de Ravinel, Le Figaro du 4 août 2007

La polémique fait rage dans ce joyau du pays cathare, propriété du conseil général de l'Aude et de chanoines traditionalistes, à l'occasion d'une manifestation littéraire organisée par le département, qui veut récupérer les lieux.


CE SOIR, l'abbaye médiévale de Lagrasse, dans l'Aude, va résonner des sulfureuses rumeurs de Salo ou les 120 journées de Sodome, de Pasolini. Demain, c'est L'Empire des sens, d'Oshima, qui sera projeté dans l'ancienne cuisine des moines, à destination des participants au Banquet du livre. Cette manifestation culturelle annuelle se tient cet été sur le thème de « La nuit sexuelle », en hommage à l'écrivain Pascal Quignard. Problème : si les activités se déroulent dans la partie de l'abbaye qui est propriété du conseil général, une communauté de religieux, les chanoines réguliers de la Mère de Dieu — traditionalistes —, est installée depuis 2004 dans la partie principale située à quelques mètres.
« Je souhaite de tout mon cœur qu'il ne s'agit [sic] pas d'une provocation », affirme le jeune père abbé Emmanuel-Marie, qui ajoute : « Ce sont des gens sérieux et intelligents.» Mais le responsable des religieux, qui déplore une vision du sexe « qui ne porte pas vers le haut », est au moins mal à l'aise [sic]. « Ce sont des habitants du village qui sont venus nous prévenir du thème de la manifestation, dit-il. Pour eux, il s'agit d'une profanation de ce lieu à vocation spirituelle.»
Organisateur et président de l'association organisatrice Marque page, Jean-Michel Mariou tient à préciser que la rencontre qui s'est ouverte hier « n'a rien à voir avec un concours de tee-shirt mouillé ». « Nous proposons, sur la base du programme établi par Pascal Quignard, des réflexions littéraires et philosophiques sur le rapport des hommes avec la sexualité, avec leur propre origine.» Jean-Michel Mariou tient surtout à préciser qu'il n'est pas chargé par le conseil général — qui finance la manifestation — de « venir embêter les moines ».

Procédure d'expropriation


Car, au-delà de cette « nuit sexuelle », c'est bien avec le conseil général que les relations sont les plus tendues. Furieux que les religieux aient acheté la partie d'abbaye qu'il convoitait pour « dynamiser le circuit touristique », le président PS, Marcel Rainaud, a lancé une procédure d'expropriation après l'arrivée des chanoines, sans résultat jusqu'ici. « Les relations ont été tendues, c'est vrai. Mais tout va mieux aujourd'hui », tente de temporiser le père abbé. Ce n'est pas l'avis de Marcel Rainaud. « Il y a une certaine colère qui gronde », dit-il avec l'accent rocailleux du pays cathare. Il doute d'abord « fortement de la capacité financière des chanoines pour entretenir ce patrimoine ». Il est aussi énervé du fait que « les visiteurs doivent cracher deux fois au bassinet ». Un billet est en effet requis pour entrer dans la partie publique de la splendide abbaye, dont les fondations remontent au VIIIe siècle, un autre pour entrer dans celle des religieux qui entretiennent un jardin de « simples » dans la plus pure tradition médiévale, et qui font résonner leur chant grégorien sous les voûtes. « Il n'y a rien d'anticlérical dans ma rancœur, assure Marcel Rainaud. Nous souhaitons simplement permettre et développer l'usage touristique des bâtiments.»

Commentaires

1. Le vendredi 10 août 2007 à 17:28, par jcb :

Merci merci, il était temps et tu me rassures...
et ça me rassure...
Quand j'ai écrit ma page, tous ces liens n'étaient pas encore référencés...
Ouf...

2. Le vendredi 10 août 2007 à 17:43, par Berlol :

Eh, moi aussi ! J'étais fort inquiet, encore hier soir, je n'avais que l'Assouline et une ou deux brèves à me mettre sous la dent. Ça me paraissait incroyable. Mais c'est sans doute parce qu'on est en août... La réaction est plus lente. Et c'est ce matin, grâce à FB, D. Hasselmann et CG que j'ai pu retrouver les fils. Merci à eux, aussi !
Ajoutons y :
— une longue brève de Livres Hebdo
— ...

3. Le vendredi 10 août 2007 à 22:05, par brigetoun :

mon oubli était-il de la résignation ? présence de plus en plus grande des intolérances stupides (et criminelles). M'en vais voir les liens



Samedi 11 août 2007. Vers les mêmes souterrains que nous.

Encore une journée mériméenne, matinée et soirée, en tout cas. Avec quelques interruptions de courrier, blogs, etc. Déjeuner au Saint-Martin, où T. et moi sommes les deux seuls clients jusqu'à la moitié du repas, au moment où arrive un collègue japonais dont nous parlions quelques minutes auparavant avec Yukie — pour dire que ça faisait plusieurs mois qu'on ne l'avait pas vu. Belle coïncidence, et démenti à nos craintes sur sa santé...
Gelée de lapin, terrine de sardine et d'aubergine, salade niçoise et frites composent, une fois n'est pas coutume, notre menu.

En fin d'après-midi (travail à la maison pendant que le soleil darde), nous allons à Toyosu, polder très moderne du port de Tokyo où T. sait pouvoir trouver les fils d'arrosage supplémentaires dont nous avons besoin pour que notre système automatique serve tous les pots du balcon pendant notre absence. Dans le métro, nous remarquons de plus en plus de personnes des deux sexes vêtues de yukatas, costume traditionnel que les jeunes japonais portent souvent pour aller au feu d'artifice, sortie estivale très codée. Pas de doute, ils vont tous et toutes à... Toyosu, pour le feu d'artifice de la baie de Tokyo qui a donc lieu ce soir. Nous nous retrouvons dans une foule compacte et bruyante, pas désagréable, au demeurant, sauf que nous n'avons absolument pas prévu d'aller voir un feu d'artifice.
Dégagés de l'emprise du nombre, nous gagnons l'hypermarché Vivahome consacré à la maison, bricolage, jardinage, etc., le genre de magasin inventé pour que les banlieues deviennent des paradis — et que plus personne ne pense à faire de la politique (par exemple). Nous y trouvons en effet le plus grand choix possible de tuyaux, de coudes, de colliers, de goutte-à-goutte, bref, tout ce qu'il faut pour l'arrosage de parcs, forêts ou vergers. Nous ignorions même qu'un tel magasin pouvait se trouver si près du centre ; on n'est jamais qu'à trois stations de Ginza !
Sauf qu'il n'y a pas l'embout servant cinq capillaires dont nous avons besoin. Un vendeur sympathique consent toutefois à ouvrir la boîte d'un ensemble d'arrosage similaire au nôtre pour nous vendre séparément l'embout de dix. Ça doit être notre jour de chance (si c'est ça, la chance...).
On reprend le métro vers 19 heures, avant que le feu d'artifice ne s'achève — on voit au loin un bouquet de trois fusées. Avant surtout que la foule, maintenant suante, parfumée aux yakitoris et aux nouilles sautées, ne reflue vers les mêmes souterrains que nous...

Et pour nous changer de la grasse bêtise et du Figaro, un superbe article du Monde, de Michel Braudeau sur Jean-Jacques Pauvert... sur Sade.

Jean-Jacques Pauvert : l'obsédé de l'édition, in Le Monde du 10 août 2007
Sur la côte du Lavandou, entre la rade de Toulon et le golfe de Saint-Tropez, où fleurissent dès les beaux jours pompiers et pyromanes, un allègre octogénaire, sage comme celui de Jean de La Fontaine, continue de planter et repiquer les pensées et les roses de sa longue carrière d'incendiaire. Editeur atypique au sein d'une profession feutrée, il a enflammé bien des esprits, s'y est parfois brûlé les doigts et s'est fait arroser plus souvent qu'à son tour, mais sa légende est tracée, la voie ne se refermera pas, aucun juge n'éteindra son nom dans les lettres françaises. A 81 ans, Jean-Jacques Pauvert a tout osé, beaucoup gagné, autant perdu, c'est la règle d'un métier où le talent compose avec la chance, et il ne renie aucune de ses audaces.
Enfant, il est nul en tout, sauf en rédaction, et c'est par une étrange intuition que son professeur de français, José Lupin, suggère son renvoi du lycée de Sceaux : l'élève Pauvert, peu conformiste mais doué, a mieux à faire que suivre des études. Comme les temps sont durs à la fin 1941, son père, lui-même journaliste lettré, présente son fils à Gaston Gallimard. Rencontre capitale. Début 1942, Jean-Jacques entre comme commis dans la librairie du boulevard Raspail sans autre bagage qu'une immense curiosité. Il a 15 ans. "J'ai toujours eu un faible pour Gaston Gallimard. J'étais mal payé, une tradition maison, mais je trouvais ça normal. Et la boutique d'alors n'était pas du tout la même."
Dans le premier tome de ses Mémoires, La Traversée du livre (Viviane Hamy, 2004), il décrit cette librairie pittoresque sous l'Occupation, où il croise les gloires de la NRF, Camus, Queneau, Paulhan, et arrondit ses fins de mois par un discret trafic d'éditions originales ou de livres érotiques. L'hiver 1942-1943, il dévore ainsi Le Con d'Irène d'Aragon, Histoire de l'œil de Bataille et trois volumes des Cent vingt journées de Sodome de Sade.
Si son goût de la bibliophilie ne dure pas, son intérêt pour le second rayon ne le lâchera guère. Et, surtout, le désir de transmettre, de partager ses enthousiasmes. A 19 ans, il envisage de lancer une revue, Le Palimugre, et ressort sous cette enseigne, en décembre 1945, un essai de Sartre sur L'Étranger de Camus, déjà paru dans Les Cahiers du Sud. Pauvert, frappé par le brillant article, refuse de le voir disparaître sous cette forme éphémère. Il faut le sauver par un livre.
Soixante ans plus tard, il s'interrogera sur ce mouvement instinctif : "Est-ce que ce n'est pas pour comprendre vraiment quelque chose que je veux le mettre au jour, le donner à lire ?" Il écrit sans hésiter à Sartre pour obtenir son autorisation. "J'ai pu lui reprocher certains défauts par la suite, mais jamais sa générosité ni sa totale indifférence aux questions matérielles." Le philosophe lui répond aussitôt en effet : "Quelle bonne idée ! Faites-en ce que vous voulez..."
Encouragé dans son désir de "donner à lire", il décide à 20 ans de franchir le Rubicon comme éditeur et annonce qu'il va publier l'œuvre intégrale de Sade. "Un grand romancier", puisqu'Apollinaire et Paulhan ont écrit sur lui. Dans les couloirs de la NRF, on ne parle que de lui : "Un grand moraliste." Il entend le nom du marquis circuler comme un furet entre Nadeau, Blanchot et Simone de Beauvoir. Mais, en fait, qui l'a vraiment lu, cet embastillé dont les livres ne sont nulle part en vente ?
Tous ses amis crient au casse-cou : il encourt la prison, Sade est interdit. "Interdit ?" Pauvert prend le risque et publie, de 1947 à 1949, Histoire de Juliette sous son nom. Les critiques se taisent, les libraires le boudent, il persévère. Bientôt on l'accuse, à droite, de démoraliser la jeunesse, à gauche, de contaminer les femmes du peuple par les vices des bourgeoises. Traîné en justice, suspendu de ses droits civiques, mais défendu par le meilleur avocat de l'époque, Me Maurice Garçon, expert des lois sur la censure, il achève néanmoins son entreprise en 1955 et gagne ses procès en appel.
En 1958, le tribunal déclare que "Sade est un écrivain digne de ce nom" : le marquis est reconnu grâce à un ex-cancre de Lakanal. "Pourtant, j'ai beau relire Sade, je ne sais toujours pas ce que c'est. Une œuvre extraordinaire comme il n'en existe nulle part ailleurs qu'en France. Rien à voir avec les libertins du XVIIIe. Un aérolithe, un "bloc d'abîme", selon Annie Le Brun. C'est elle qui le comprend le mieux."
Jean-Jacques Pauvert fera passer ainsi d'autres météores : Le Bleu du ciel de Bataille, Le Voleur de Georges Darien, sans compter la fameuse Histoire d'O, dont Paulhan lui confia en 1954 le manuscrit, signé Pauline Réage, en l'assurant simplement qu'il n'était pas de lui. Ce chef-d'œuvre impeccable de l'érotisme — écrit par une femme, pour une fois — est torpillé sur-le-champ par la presse bien-pensante, du Nouvel Observateur à L'Express. Pauvert mettra vingt ans à écouler le tirage, avant que l'on n'apprenne l'identité de l'auteure, la très discrète Dominique Aury, maîtresse de Paulhan et secrétaire de sa revue distinguée. Propulsée au rang de best-seller mondial par le cinéma, Histoire d'O fera la "une" de L'Express en 1975.
Si le dernier chantier ouvert par Pauvert dans ce domaine particulier fut sa monumentale Anthologie historique des lectures érotiques (insistons sur le mot de "lectures"), chez Stock, on ne saurait oublier qu'avec le pourcentage qu'il possédait des droits de Papillon en 1969 — n'aimant pas l'auteur, il céda l'ouvrage à Robert Laffont — et le Goncourt de L'Épervier de Maheux en 1972 il devint un "gros éditeur". Il préféra dilapider ses bénéfices en rééditant le Littré en sept tomes étroits et hauts, offrir à Jean-François Revel une collection pamphlétaire, Libertés, habiller de jaquettes rouges les œuvres peu commerciales de Raymond Roussel : "Invendables, et alors ? Au moins, on a pu le lire, enfin."
L'ancien jeune homme, en amoureux constant de l'amour, des mots, de la vie, ne déplore aujourd'hui que le poids de l'âge et les misères du corps qui l'accompagnent. Trop élégant pour s'en plaindre, il travaille à la suite de ses Mémoires, l'après-1968. "J'en ai écrit 600 pages, mais cela ne me satisfait pas. Je cite beaucoup de gens vivants, c'est délicat. Alors, je me distrais en rédigeant un texte sur l'érotisme destiné à l'Encyclopædia Universalis, pour remplacer celui d'Étiemble, qui était lamentable, il en convenait lui-même. Mais la notion d'érotisme s'est diluée de nos jours, n'a plus de signification précise. Jetez donc un œil à mon petit essai sur la censure..." Si l'ouvrage est épuisé, son auteur ne l'est pas.

Commentaires

1. Le samedi 11 août 2007 à 07:31, par vinteix :

"Un aérolithe, un "bloc d'abîme", selon Annie Le Brun. C'est elle qui le comprend le mieux."
Tout à fait d'accord avec Pauvert ! Même si M.Heine, G.Lely, J.Paulhan, et surtout M.Blanchot, P.Klossowski, G.Bataille... (par contre, ne parlons pas de Sollers : un chapelet de banalités et de discours creux au sujet du marquis), les lectures (pour ne pas dire les s.........) d'Annie sont les plus pertinentes, ouvrantes, questionnantes, au coeur de ce qui fait l'originalité absolue et limite de Sade.

2. Le samedi 11 août 2007 à 20:52, par brigetoun :

j'aime bien le "trop élégant pour s'en plaindre" à propos des misères de l'âge. Tête couverte de cendres.
Pour la paix des banlieues grace au paradis du shoping, cela ne me semble pas pouvoir s'appliquer à toutes les banlieues, non ?

3. Le samedi 11 août 2007 à 21:45, par vinteix :

"Trop élégant pour s'en plaindre"... oui, cela caractérise assez bien Monsieur Pauvert, l'élégance. Les 4 volumes de son Anthologie historique des lectures érotiques furent longtemps parmi mes livres de chevet.



Dimanche 12 août 2007. Dessert dès l'entrée.

« L'homme moderne s'imagine très différent de l'homme du passé. Il y a probablement là une illusion. Si nous rassemblons une douzaine d'amis dans un salon quelconque, nous nous apercevons tout de suite qu'il y a parmi eux quelques personnes qui vivent dans ce qu'ils appellent le présent, et qui sont assez fières de le faire. C'est-à-dire qu'ils participent le plus possible aux nouveautés technologiques de notre époque mais que leur pensée très souvent est encore enfoncée dans le XIXe siècle. Que quelques autres, plus idéologiques ou plus idéalistes, vivent dans le XXIe siècle, dans ce qu'ils s'imaginent devoir être un XXIe siècle qui ne sera peut-être pas du tout ce qu'ils se figurent. Et que pour le reste, beaucoup d'autres sont plongés dans un passé encore plus lointain, sans compter le nombre très considérable de gens qui vivent dans la préhistoire. Et ce ne sont pas toujours des gens qu'on trouve seulement dans des villages éloignés et perdus, on les rencontre dans beaucoup d'endroits où leur rôle est essentiel et souvent néfaste. Un militaire d'aujourd'hui poursuivant une campagne avec l'aide des moyens techniques les plus avancés ressemble très souvent à un conquérant ou à un guerrier de l'époque assyrienne.» (Marguerite Yourcenar dans un entretien de janvier 1971, rediffusé le 1er août dans la série Théma Archives de France Culture)

Quant à ces militaires qui vivent dans la préhistoire, je ne peux m'empêcher de penser au président de l'état considéré comme le plus moderne du monde actuel — et aux mécanismes modernes qui l'ont mené là. Mais alors que le point de vue de Yourcenar accuse et affaiblit logiquement les personnes qu'elle catégorise, il y a fort à parier que G. W. Bush et ses conseillers en communication revendiqueraient et valoriseraient cette vie dans le présent en même temps que « dans la préhistoire », ce dont la religion serait la première et intangible preuve. Ce qui signifie que le raisonnement de Yourcenar, tout beau qu'il soit et avec lequel je me trouvais d'accord, doit pécher par quelque côté. Ne serait-ce parce qu'elle se réfère implicitement à une vision linéairement progressiste du temps et du monde, à laquelle je resterais, moi aussi et malgré sa caducité, affectivement attaché ? Une conception du monde dans laquelle le progrès serait cette chose linéaire, théorique et normative qui mènerait toute une humanité idéale comme un seul homme vers les lendemains qui scintillent, et qui devrait, depuis qu'elle a éclos dans quelques cerveaux des XVIIIe et XIXe siècles, habiter et conduire les cerveaux des milliards d'autres êtres humains, à l'instar d'une mutation génétique par laquelle tous seraient devenus bons et intelligents, ou d'un système informatique dont la mise à jour aurait été mondiale, irréversible et sans faille.
Il s'agit bien d'implicite, de discours sous-jacent. Car loin de vouloir contredire Yourcenar, je reconnais partout — et en moi — cette illusion de se croire moderne alors qu'on est encore pétri de vieillards. Tout juste aurait-elle pu s'inclure dans le groupe car, à défaut de l'avoir fait, elle donne l'impression de se situer en surplomb, juge et seule à vivre dans le présent — ce qui la dessert dès l'entrée.

Vers midi, je monte voir où en est T. sur le balcon. Tout le réseau d'arrosage est installé. En admirant les plantes, nous entamons la discussion sur le sens de la vie, les années qui nous restent, les bons choix à faire pour ne pas les gâcher, en France ou au Japon ? Rien ne presse, juste y réfléchir, ne pas se laisser prendre au dépourvu. Les gouvernements, ici ou là-bas, de toute façon, vont contre nous : toujours moins de salaire, plus de taxes, moins de libertés, plus d'abrutissements. Nous n'avons pas d'enfant(s) et nous en félicitons, ce monde est trop pourri.
Alors, avant que je ne redescende pour préparer une sauce tomate, nous ouvrons la demi-bouteille de champagne qui traînait dans le réfrigérateur depuis des mois. Dans le calme olympien de ce dimanche, un bel apéritif.

Sortons vers 17 heures. Au Bic Camera de Yurakucho pour une petite bouilloire électrique de voyage. T. en aura besoin pour préparer régulièrement son médicament. Pain chez Viron, près la gare de Tokyo, dîner au restaurant chinois Ren Ren Ren, toujours excellent. Retour à pied.

Sur TV5, impressionnant Thalassa sur le Vietnam, les différentes populations qui vivent (ou survivent) de la mer et des fleuves. Et le bagne de Poulo Condor, visité par une de ses anciennes pensionnaires... Quelques extraits lus, j'y reconnais Riz noir d'Anna Moï. La femme que nous voyons à l'écran est donc une des deux sœurs dont Anna Moï romance (à peine) l'histoire dans les cages à tigre. Pourquoi ne le dit-on pas ? Bizarrement, l'ouvrage n'est mentionné ni dans le reportage ni dans le générique de fin.
Je découvre alors que ce reportage sur Poulo Condor pourrait dater de janvier 2004, date à laquelle le livre de Moï n'était pas encore paru. Cela permet-il de le citer éternellement sans rien en dire ?... Est-ce que Thalassa recycle comme ça souvent des reportages anciens sans préciser la date ou la rediffusion ? Plus... honnête, Francesca Isidori reçut Anna Moï dans la même année, et les références sont encore clairement affichées sur le site de France Culture (une émission que je n'avais pas enregistrée, hélas — le 8 juillet 2004, je n'ai enregistré qu'un Surpris par la nuit sur Jarry...).

Le 1er septembre, devrait sortir un livre de Lionel Ruffel intitulé Volodine post-exotique, chez Cécile Defaut, à Nantes. Quelqu'un en sait-il plus à ce sujet ?

Commentaires

1. Le dimanche 12 août 2007 à 21:15, par brigetoun :

je serais contre vous et Yourcenar là. Je ne crois pas à un progrès linéaire de l'humanité. Est ce que vous n'êtes pas troublé par les contre-exemples qui abondent, les mentalités regressives, les remontées régulières des fanatismes ?
Je crois à un progrès matériel et à l'effort individuel de la plupart (je veux le croire ?) des hommes vers leur accomplissement "d'humain" dans ce que le mot devrait avoir de beau, avec l'aide des expériences bonnes et mauvaises des générations précédentes, et contre les pensanteurs du monde dans lequel ils sont plongés.
Bouf !

2. Le dimanche 12 août 2007 à 21:22, par Berlol :

Si vous me lisez bien, je critique cette vision linéaire du progrès et souhaite l'extirper de mon esprit, où elle avait fait, par séduction, il y a longtemps et malgré tous les démentis, son nid...



Lundi 13 août 2007. Aux futurs auteurs de requêtes.

Deux (bonnes) surprises du réseau.
1. Voilà des mois que je ne peux pas utiliser un logiciel de courrier en étant connecté ici, sur un compte qui n'est pas celui de mon serveur (je suis obligé d'utiliser l'interface web de mon serveur, ce qui n'est pas très pratique). J'avais tout essayé, ou en tout cas beaucoup de choses, demandé à Manu, à Bikun, etc., sans succès. Jusqu'à ce matin où T. avait demandé à un ingénieur de Biglobe de venir voir de quoi il s'agissait. Il a écouté l'exposé du problème (2 petites minutes), demandé à voir le logiciel que je voulais utiliser (Thunderbird) et les panneaux connexion, POP et SMTP (1 minute). Mais je voyais qu'il avait déjà compris, que c'était pour lui d'une décevante simplicité : il a mis le port 587 au lieu du port 25 (ce qui a pris 5 secondes). Après quoi on a fait un test (envoi d'un courrier) pendant qu'il expliquait que le port 587 avait été mis en place l'an dernier pour protéger les hôtes de Biglobe qui ne sont pas membres tout en bloquant l'envoi de spam. Le message de test est parti sans problème, revenu puisqu'il m'était adressé. CQFD.
2. Dans l'après-midi, je regarde les récentes connexions sur le JLR et je vois qu'il y a recrudescence soudaine (une dizaine en moins de deux heures) d'entrées par requête « Philippe Vasset » sur Google. Je me dis que c'est bizarre, qu'il va peut-être sortir un livre, qu'on a dû parler de lui quelque part... par exemple, pourquoi pas, sur France Culture, endroit le plus logique. J'ouvre alors le programme et la page des Quartiers d'été de ce matin et — pas un pli ! ni une ni deux ! — Philippe Vasset y était invité ce matin-même pour la sortie d'Un Livre blanc (Fayard) — ce qui me permet de l'aller écouter. Cela veut donc dire que les noms d'écrivains accumulés dans le JLR depuis bientôt quatre ans peuvent (me) servir de senseur médiatique. Plus rapide que les fils RSS, plus sûr que la presse, ou les sites d'éditeurs (pdf de Fayard qui attire aussi mon attention sur Thierry Beinstingel, CV roman, et Jean-Philippe Domecq, Cette Rue).
L'écoute des 18 minutes de Vasset — que je peux maintenant offrir aux futurs auteurs de requêtes, leur évitant ainsi de se fader les 90 premières minutes de l'émission...— permet également de découvrir le site unsiteblanc.com qui accompagne le livre et dans lequel lez zones blanches des cartes sont interactives...

Le soir, dîner prévu au Saint-Martin avec le professeur Kiriu, notre collègue balzacien qui voulait nous donner ses photos numériques de la réception à l'hôtel Agnès en mai, ce pourquoi j'ai apporté l'ordinateur portable. Déjà assis près de lui, le collègue de Keio vu samedi et qui nous avait dit ne sans doute pas pouvoir venir. En avant pour le quadrille ! Les photos commentées permettent de démarrer doucement la conversation, qui roulera plus tard, entre salade niçoise, agneau, lapin, daurade, purée, nougat glacé, sur Balzac, Sand, Hugo, Mérimée et quelques autres, puis, le vin aidant et par exemple, sur des collègues spécialistes d'auteurs difficiles qui ont ainsi la liberté d'en dire à peu près n'importe quoi, sur un président français au degré zéro de la culture, sur le blocage du système japonais par le trop d'hypocrisie de sa classe dirigeante, et autres propos d'épris de boisson...

Commentaires

1. Le lundi 13 août 2007 à 04:38, par Richard :

Du 13 août au dimanche 19 août extraits de "Cinéma,Cinémas" des années 80 .. avec : "ina.fr".
Bonnes vacances.

2. Le lundi 13 août 2007 à 04:42, par Manu :

Si tu avais essayé mon histoire de telnet et/ou contacté ton fai comme je te le suggérais (puisque ça avait marché jusqu'à un certain point), tu aurais pu arriver plus tôt à bon port. ;)

3. Le lundi 13 août 2007 à 06:11, par Berlol :

C'EST justement un ingénieur du FAI (Biglobe) qui est venu ce matin ! Il nous a laissé cette page pour lecture, puisqu'on avait l'air de vouloir comprendre. Pourquoi pas avant ? Mais parce que je ne peux pas demander n'importe quoi n'importe quand à T., surtout quand on peut faire autrement...

4. Le lundi 13 août 2007 à 14:39, par Bikun :

Maintenant que tu nous le dis, ça paraît évident! Enfin non, pas tout à fait, car le numéro de port, tu n'aurais jamais pu l'inventer.

5. Le lundi 13 août 2007 à 14:47, par Berlol :

En effet ! Ça ne te dis rien, à toi, ce 587 ?

6. Le lundi 13 août 2007 à 21:09, par brigetoun :

le coup des connexions, chez moi ça marche avec les chanteurs d'opéra en cours d'ascension - et le drôle c'est que je me surprends à m'en souvenir, quand je les avais bien aimés, avec un respect naissant

7. Le mardi 14 août 2007 à 04:17, par Manu :

J'avais bien compris que Biglobe était ton FAI. J'aurais dû écrire "contacté plus tôt ton fai". Ceci dit, c'est vrai que comparer tes paramètres avec T. comme je te l'avais aussi suggéré n'aidait pas vraiment. Assez étonnant ce système de port différent selon le domaine auquel appartient le compte email. En revanche, te connecter à un autre serveur SMTP aurait pu marcher.



Mardi 14 août 2007. Change de siècle en lisant.

Journée boulot (Mérimée), sans sport ni sortie. Pas par punition mais nécessité boucler travail.
Quelques distractions, tout de même, si l'on peut appeler ça comme ça. L'enregistrement des émissions du week-end sur les années 1964 et 1965. À signaler : la troisième heure de 1964 est une très très intéressante émission avec René Étiemble au Japon, tandis qu'une partie de 1965 est consacrée à Georges Perec, interrogé peu après la parution des Choses. Le voici.
Dans le bain, je change de siècle en lisant quelques pages de Volodine, et le soir, de pays, avec Cible émouvante (P. Salvadori, 1993) sur TV5 ; pas un chef-d'œuvre mais une ambiance, une étrangeté du thème, d'excellent acteurs.

« [...] nous découvrîmes que l'ensemble de la chair sociale était pourri, que tout puait jusqu'à la moelle, que le corps immense de l'Occident était bon à détruire, non pas à reconstruire sur des bases plus saines mais bel et bien à détruire, et soudain nous nous aperçûmes que la fibre prolétaire sur laquelle nous avions fondé nos espoirs et nos théories, que même le tissu prolétaire était irrécupérable, et, tandis que nous nous attaquions aux grandes articulations de la guerre américaine et que nous tentions de casser les dents des grandes machineries orchestrées par le capital industriel, nous sentions cette pestilence généralisée rejaillir sans cesse sur nous depuis les intérieurs feutrés où se terrait la populace [...] » (Antoine Volodine, Lisbonne dernière marge, p. 152)

« P.-S. Mon ami M. de P. vient de m’écrire de Perpignan que la statue n’existe plus. Après la mort de son mari, le premier soin de madame de Peyrehorade fut de la faire fondre en cloche, et sous cette nouvelle forme elle sert à l’église d’Ille. Mais, ajoute M. de P., il semble qu’un mauvais sort poursuive ceux qui possèdent ce bronze. Depuis que cette cloche sonne à Ille, les vignes ont gelé deux fois.» (Prosper Mérimée, La Vénus d'Ille, 1837)

Commentaires

1. Le mardi 14 août 2007 à 23:18, par brigetoun :

sous votre influence j'ai relu la Vénus il y a quelques jours, n'y retrouvant qu'un écho de ma grand plaisir d'enfant.
Pour Volodine je refoule la pensée qu'il a raison



Mercredi 15 août 2007. Toujours au détriment des mêmes.

15 août, déjà ! Ce matin, Koizumi, qui n'est plus premier ministre depuis belle lurette, est allé au sanctuaire Yasukuni honorer les morts dont des criminels de guerre, suivi d'en haut par quelques hélicoptères moyennement motivés. C'est moins médiatisé que quand il était premier ministre... Alors que c'est les vacances, les médias rapportent qu'un étudiant s'est suicidé à cause de brimades. Je n'en sais guère plus sinon que les brimades, hijime, euphémisme qui (re)couvre le spectre entier des harcèlements, sont ici une sorte de sport national — et de tabou. Côté sport, le sumo — qui n'est pas un sport si l'on est vraiment japonais — en prend un coup dans l'aile, mais il va se rebiffer. L'actuel yokozuna Asashoryu (champion de tournoi consacré demi-dieu), qui a attiré l'attention sur lui en allant jouer au football alors qu'il était absent d'un tournoi de sumo pour blessure, est en fait devenu un potentat qui réinvestit dans sa Mongolie natale, via sa famille et au risque de déstabiliser l'économie locale, tout l'argent qu'il gagne au Japon, principalement en contrats publicitaires. Qui croira qu'il fait vraiment une dépression nerveuse ? Ceci dit, il y a de quoi. La presse japonaise a commencé à remuer le caca, avec un bâton de couleur un peu nationaliste, bien entendu. Vous pensez ! Attenter au caractère sacro-saint du sumo, c'est lourd de conséquences...
15 août, c'est aussi, en tout petit dans les informations japonaises, le jour de la reddition, en 1945, quand l'empereur, personne autrement sacrée, fit entendre sa voix à la radio. Plus que ses mots, le fait même de pouvoir l'entendre était un traumatisme national, à l'échelle des bombes atomiques. C'est sur le refoulement de ces terreurs subies coup sur coup que s'est bâti le Japon actuel. D'où l'hypocrisie érigée en système que nous dénoncions  avant-hier soir.

Côté JLR. La religiosité vulgaire que je dénonçais en 2004 comme en 2006 se perpétue en lourdes processions (au point que le pélerin n'a même plus le temps de voir brûler son cierge). En 2005, après avoir fait ma communication à Cerisy, je découvrais le fil à couper le web (RSS) et j'ignorais encore le blog spamming. Pour sûr, on reverra bientôt mes chaussures bleues.

Avant-hier, j'ai décrit ce qui m'apparaît de plus en plus, à y réfléchir, comme un formidable coup de web : alors que les médias traditionnels peinent à diffuser l'information en temps réel et correctement, c'est parfois l'activité des internautes, par la visibilité de leurs requêtes, qui peut m'informer sur l'actualité d'auteurs qui m'intéressent. Exemple, ce matin, — vous me direz que je coupe des cheveux en quatre — d'une information qui n'est pas diffusée correctement : quand je regarde la page d'archives de Quartiers d'été, pour avoir un rapide coup d'œil sur le programme, je ne vois qu'un titre, correspondant à un invité. Or l'émission a souvent deux invités ou plus... Ainsi avant-hier c'était « Charlie Buffet », titre en archives, et, sur la page du jour, on lit que les invités sont Charlie Buffet... ET Philippe Vasset. Et c'est systématique : la revendication bretonne du 9 cache la présence de Mehdi Charef, le 8 c'est Pékin qui cache Claude Chabrol, la communauté homosexuelle cache Pierre Henry le 3, le 31 juillet le service minimum ne permet pas de savoir que Claude Miller est invité, et ainsi de suite. À chaque fois, une hiérarchie des invités fait que le second, qui parle environ quatre fois moins longtemps que l'invité principal, ne peut être inscrit dans le titre repris en page d'archive, et cette hiérarchie est toujours au détriment des mêmes : les cinéastes et les écrivains. L'émission Quartiers d'été a donc fait ses choix, priorité matinale à l'actualité sociale et politique, comme dans les journaux télévisés ou sur France Inter, c'est une stratégie de grattage d'audience où la création culturelle — pourtant mission principale de France Culture — a toujours le rôle de bouche-trou. Et qu'on ne se plaigne pas car l'invité secondaire, parfois nommé invité culture (ici, Annette Messager... qui a quand même plus d'importance que Philippe Delmas ! Non ?), pourrait aussi bien disparaître, tout simplement...

Vénus d'Ille, Vénus d'Ille... Canigou... Perpignan... Roussillon... Fallait que j'aille y voir de plus près ! Le GéoPortail vient justement d'ouvrir la visualisation en 3D. Bluffant ! Ainsi je le vois bien, l'archéologue parisien, descendre du Canigou vers Ille-sur-Têt, avec Perpignan à l'horizon...

Dîner (ma sortie du jour) à 4, encore au Saint-Martin, par facilité. Mais c'est vrai que je serais volontiers allé ailleurs ce soir. Pourtant c'était très bon, comme d'habitude.
De retour à la maison, je survole les Thibault sur TV5 en lisant des blogs. Mais je ne suis motivé ni par les uns ni par les autres. Vaut mieux que j'aille me coucher.

Commentaires

1. Le mercredi 15 août 2007 à 22:35, par brigetoun :

n'empêche que j'en reviens à France Culture le matin parce que France Inter dégage des relents mélangés de finance et de goupillon tout simplement insupportables

2. Le mercredi 15 août 2007 à 23:05, par Berlol :

Comme je vous comprends !



Jeudi 16 août 2007. Valise pour trois périodes.

Nous étions encore au lit, vers 7 heures du matin, quand la terre a tremblé. Pas très fort. Était-ce le même séisme qu'au Pérou ? Sans doute pas. Mais c'est tout de même étrange.

On dit qu'il y a 85.000 sosies d'Elvis... Trente ans après sa mort, les métastases continuent. (Métastars ?)
Les stars sont-elles vraiment différentes des héros ?

Encore rivé au bureau par un boulet lourd comme les œuvres complètes de Mérimée... Et je lime.

Longue pause pour préparer ma valise. Tout comme T., je m'interroge sur les affaires à emporter. Assez casse-tête, la valise pour trois périodes aussi différentes que la Corse, la Normandie et Paris.

Demain, pas dès l'aube, je fermerai les commentaires. Voyez-vous, je ne sais quand je posterai.
Si dieu me prête vie (le vieux style !), ce sera d'une autre île, plus petite. Mais costaude, paraît-il.

Commentaires

1. Le jeudi 16 août 2007 à 08:31, par cgat :

en espérant que les commentaires sont encore ouverts, celui-ci, en forme de carte postale, pour vous souhaiter un bon voyage, toutes vos valises à l'arrivée, et de très bonnes vacances (la Corse, quelle chance!)

2. Le jeudi 16 août 2007 à 11:52, par Philippe De Jonckheere :

Du Japon à la Corse, on peut difficilement faire plus toussainophile (Cf "autoportrait à l'étranger"), et ce disant, je crois même que j'ai l'extrait en question quelque part en stock dans mon petit foutoir: www.desordre.net/textes/b...
Toutes tes valises à l'arrivée. Fin août, suis à Paris et aurais plaisir que tu viennes me distraire dans mes activités de peintre en surface.
Amicalement
Phil

3. Le jeudi 16 août 2007 à 12:21, par Bikun :

Bon voyage et au plaisir de te (vous) voir!

4. Le jeudi 16 août 2007 à 19:27, par Berlol :

Merci à vous. Portez-vous bien itou ! A très bientôt !



Vendredi 17 août 2007. Si le vol est sans turbulences.

Derniers préparatifs pour un voyage qui durera, de porte à porte, presque 24 heures...
Taxi jusqu'à la gare de Tokyo, avec nos deux grosses valises de 20 kg chacune, pour prendre le Narita Express de 17h33. Comme si je n'avais pas eu cinq minutes de libre depuis une semaine, j'attends souvent ce moment où on est bien secoué dans le train pour remplir la fiche d'embarquement-désembarquement obligatoire... Il faut y inscrire mes numéros de passeport, de carte de résident permanent, de vol de départ et de retour, et donc sortir les documents parce que je ne les connais pas par cœur, les poser sur la tablette, les ranger. Etc. Quand c'est fini, je sais que je suis vraiment parti. Pour T., ce sera dans l'avion, à l'approche du territoire français, lorsqu'il y aura distribution des cartes d'identification (moment moins secoué, si le vol est sans turbulences).
Tout se passe bien à l'aéroport, il n'y a pas beaucoup de monde. Et pas mal de boutiques déjà fermées. Ça évite des tentations (service minimum, un parfum et quelques cosmétiques).
Le vol Air France du soir vient de Nouméa, il stoppe deux heures à Tokyo pour nous prendre. Le menu est correct et le service très agréable. Je regarde deux films avant de m'endormir (petits films français moyens, oublié les titres mais je les retrouverai, un avec Judith Godrèche, l'autre avec Audrey Tautou, Ah, oui, Ensemble, c'est tout).


Samedi 18 août 2007. Premiers pas sur le sol corse.

Dormir assis n'a jamais été mon fort. Je me lève donc de temps en temps, boit un verre d'eau, me rassied. T., elle, dort à poings fermés, sa voisine aussi. Rafle d'une bonne partie des magazines disponibles, pour lecture ultérieure. Arrivée à Roissy vers 4h15 du matin. Débarquement et retrait des valises, qui sont là et intactes. Pour aller à Orly, notre calcul est vite fait. Même si c'est plus cher, mieux vaut prendre un taxi qui n'aura aucun mal à faire le trajet sur des autoroutes désertes avant cinq heures du matin que d'attendre le premier car Air France à 7 heures pour arriver dans un aéroport déjà en pleine activité et y refaire la queue.
Et en effet, Orly Ouest à 5h15, c'est réellement désert. Il faut attendre 6 heures l'ouverture de la boutique Paul pour avoir du café, un flan et une tartelette aux pommes, retrouver les attitudes et les conversations des gens. Une nouvelle journée qui commence. Malgré la fatigue qui commence à se faire sentir, c'est très agréable. Après, c'est un peu long, tout de même, d'attendre jusqu'à 7h50 pour l'enregistrement des bagages, puis encore une heure pour l'embarquement. On a fait toutes les boutiques d'Orly Ouest, et juste acheté L'Élégance du hérisson de Muriel Barbery, parce que le sujet intéresse aussi T.

Le vol de 9h20 pour Bastia se passe lui aussi sans problème. On reconnaît bien les Alpes, puis la Côte d'Azur, la mer assez moutonnée, venteuse peut-être. Titine nous attend à la sortie du tarmac, beaucoup de monde dans le hall, le vol précédent ayant eu du retard. Mais finalement les valises sont là en dix ou douze minutes. Nos premiers pas sur le sol corse.

Pizza maison façon Michel sur la terrasse, avec une première bière corse. Découverte du paysage disponible de la terrasse. Euh... on comprend mieux pourquoi nos amis viennent ici...

Plus tard, après installation et sieste, descente sur une petite plage, toute encaissée. Gros rouleaux. On ne se baigne guère (la fatigue, le déjeuner récent et au moins dix degrés de moins qu'à Tokyo constituent de sérieux dangers).
Sociologie d'une plage corse (ressemble tout de même à beaucoup d'autres). Caleçon plein de particules d'algues. Celles collées sur la peau blanchissent en séchant. Les autres auront beaucoup de mal à être décollées, même sous la douche (à la maison, parce que de douche sur la plage, il n'y avait point, au grand dam de T., habituée des plages japonaises équipées).

Marche en montagne et en pantalon long, dans un sentier de pierres et d'épineux, vers les ruines d'un couvent. Jumelles, appareil-photo, pour moi, caméra vidéo pour T., sécateur pour Michel. Deux beaux chiens (qui ne sont pas à nous) nous accompagnent durant toute la randonnée. Je photographie aussi des bouses qui pourraient être de ces vaches qui contribuent à garder des chemins praticables. Ici, les cultures en terrasses ont été abandonnées. N'en restent que les murets.
D'un promontoire, large panorama. La baie de Saint-Florent, à gauche, et à droite, dans l'inondation de soleil, la Punta Mortella, la Punta di Curza.

Après le dîner, on papote, on baille. J'essaie de prendre quelques notes. Mais les paupières s'y opposent avec insistance. Je cède et l'on disparaît dans un bon lit avant onze heures.

Commentaires

1. Le lundi 20 août 2007 à 01:28, par jcb :

bonarrivu !

2. Le lundi 20 août 2007 à 11:24, par Berlol :

A ringraziabbi !

3. Le lundi 20 août 2007 à 18:24, par Dabichan :

On devine, mais c'est vraiment pas de l'italien...
Vite à mon Assimil !
Il me faudra au moins ça pour suivre les pérégrinations corses mais non corsetées de mes amis tokyoites.
Bonvacanzzi !



Dimanche 19 août 2007. Qui à la poêle feront nos délices.

Sept heures sonnent à la cloche du hameau. À l'Est, le soleil blanchit les montagnes autour de Saint-Florent. Il n'arrivera ici que dans une heure, on l'aura d'abord vu passer par un quartier de la plage, un flanc de colline — et il sera là. La découverte du paysage, le premier matin, quand tout le monde dort encore, est une aventure rare et précieuse.

Dans la matinée, Michel me donne les coordonnées de connexion par téléphone. Je fignole les deux billets en retard, les trois photos et je démarre la procédure téléphonique. Nous voici (T. est dans la pièce et peut entendre les bruits de modem) instantanément renvoyés dans un passé déjà lointain, d'avant l'ADSL et la fibre optique, quand on entendait l'appareil chercher la fréquence d'accrochage, crachoter puis se taire pour laisser passer les données. Le protocole établi, ça pulse à... 40k. Le chargement des pages de blog prend le chemin des écoliers, les sentiers de montagnes, vaut mieux ne pas en mettre dans plusieurs fenêtres. Je parviens tout de même en une trentaine de minutes à rouvrir les commentaires, effacer trois brouettes de pourriels, lire le sympathique message de JCB et, bien sûr, poster les deux billets.
Je lis aussi, rapidement, que Marc Pautrel ne parvient pas (encore) à lire un livre sur écran. Je n'y arrivais pas non plus, autrefois, mais j'ai découvert pourquoi (en ce qui me concerne). Ce n'est pas un problème d'yeux mais de mains. Devant un écran d'ordinateur, il nous est presque insupportable de rester à ne rien faire et, malgré la qualité de l'écran, de l'éclairage, l'adaptation de la taille des caractères, le cerveau et les mains veulent sans cesse faire quelque chose, cliquer, regarder ou ouvrir une autre fenêtre, etc. Parvenir au plaisir de la lecture à l'écran nécessite de brider toute autre activité, comme si l'ordinateur ne servait qu'à ça.

Courses à Saint-Florent. Comme un petit Saint-Tropez. J'y retrouve les mêmes dégaines, les mêmes prétentions, les mêmes bronzages outrés, les mêmes peaux flétries, la même candeur factice. La circulation automobile y est assez démente. Allez, ne nous emballons pas. Prenons de quoi faire un gaspacho, des salades, un bon rôti de veau, un fromage de brebis, de la brousse. Et remontons dans nos montagnes.
Il y aura plus tard un épineux questionnement sur le fait que brousse est la traduction de bruccio, mais qu'en fait la brousse de Marseille est au lait de vache tandis que le bruccio est au lait de brebis. Dans nos courses, l'étiquette de cette brousse de Saint-Florent précise qu'il s'agit de lait de vache, mais caillé au lacto-sérum de brebis...

Après la sieste, plage de Nonza, à une demi-heure de route en lacets. Michel pose son gros sac dans les rochers, s'équipe et part sous les eaux pour nous chercher du poisson au harpon (en une heure et demie, il ne ramènera que quatre pièces de quinze ou vingt centimètres, mais qui à la poêle feront nos délices). Nous (T., Titine, Jeanne et moi), on s'installe à la petite plage nord, au milieu de pas trop de monde, se baigne dans une eau beaucoup plus calme qu'hier, belle même, mais fraîche, puis sèche, bronze. Titine nous présente des amis. En fait, je connaissais déjà B., rencontrée voici plus de quinze ans, mais ne la reconnaissais pas (ma pauvre mémoire...). Après une petite heure de farniente, je me chausse en bleu, resserre les lanières et m'en vais jouer au cabri dans les rochers, appareil-photo en bandoulière.

Ce fut presque une boutade, hier, mais que nous réalisons ce soir, après le dîner, en sirotant des tisanes. Nous commençons, à quatre, la lecture à voix haute, chacun son tour un chapitre de L'Élégance de Hérisson. Pour cette fois, nous abattons trente-cinq pages. Avis mitigés. Le cerveau de praire nous plaît à tous.

« Comme il est peu courant qu'une concierge s'émoustille devant Mort à Venise et que, de la loge, s'échappe du Malher, je tapai dans l'épargne conjugale, si durement amassée, et acquis un autre poste que j'installai dans ma cachette. Tandis que, garante de ma clandestinité, la télévision de la loge beuglait sans que je l'entende des insanités pour cerveaux de praires, je me pâmais, les larmes aux yeux, devant les miracles de l'Art.» (Muriel Barbery, L'Élégance du hérisson, p. 17-18)


Lundi 20 août 2007. L'éventail des épineux nous attaque.

Alors que je fignolais le billet d'hier, Michel nous propose d'aller à Bastia à pied, et Titine de nous y reprendre en voiture. Rien que ça. Par la montagne, bien sûr. Pas par la route. Bon, d'accord ! On va s'équiper : chaussures de montagne, pantalons longs, et, dans les sac à dos, carte d'état-major, jumelles, appareil-photo, victuailles, couteaux et deux litres d'eau par personne.
Michel ouvre la marche, sécateur en main, pour réduire un peu l'envahissement des ronces. T. le suit, en grande forme, et je ferme. Outre les mûriers, qui restent à leur place de buisson et nous offrent gracieusement leurs fruits, agréables compléments vitaminiques, l'éventail des épineux nous attaque à toute hauteur. Certains s'en prennent aux chevilles (d'où la nécessité des pantalons longs), d'autres aux avants-bras, qui sont nus et s'en souviendront, certains sont même à hauteur d'yeux ou de cheveux (d'où l'importance de ne pas être à moins de deux mètres de la personne qui précède).
Le col, nommé Bocca di San Leonardo, se trouve à 855 mètres, six cents mètres au-dessus du hameau d'où nous sommes partis. C'est le chemin qu'empruntaient autrefois les cultivateurs qui allaient chaque semaine vendre des produits à Bastia. Ils passaient à dos de mulet et fusil à la main, nous explique Michel, tandis que les femmes chargées marchaient à côté. En ce temps-là, le sentier était mieux entretenu et on n'y perdait pas la moitié de son temps et de sa bonne humeur à se dépêtrer des ronces.
Après l'altitude de 500 mètres, le vent et la brume nous escortent, d'Ouest en Est, et sèchent nos vêtements trempés par la sueur et la végétation mouillée de l'averse de la nuit. Pendant un long moment, nous ne voyons plus ni d'un côté ni de l'autre et nous nous demandons si le froid ne va pas nous mettre en péril. Abrités entre les rochers d'un creux du chemin, nous reprenons forces et courage : pain, saucisse, jambon, puis nougat, pomme et orange. Dans la vie moderne, nous avons rarement l'occasion d'éprouver l'efficacité énergétique directe de la nourriture. Aujourd'hui, oui.
Après, cette pause, c'est la descente, on va faire travailler d'autres muscles et ce n'est pas forcément le plus facile, sauf qu'il n'y a plus de ronces. Et comme mes chaussures ne sont pas exactement des chaussures de montagne, à la différence de T. et de Michel, je souffre un peu et compense par plus de travail des cuisses et des fesses.
On voit Bastia de très haut, très longtemps. C'est d'abord une très petite chose, avec une encoche dans l'eau, où d'infimes bateaux s'amarrent. La très petite chose commence à prendre du relief à partir de la glacière de Boca Pruna, à 590 mètres, où l'on croise quelques vaches en liberté — c'est d'ailleurs tout ce que l'on aura croisé en près de six heures de marche. Il y a maintenant un net étagement entre Guaitella, près de nous, l'Annonciade, petite colline isolée au-dessus du centre-ville, et le port où entrent d'énormes bateaux nommés Moby, ce qui me rappelle intempestivement le chanteur descendant de Melville. On n'est qu'à quelques centaines de mètres de Pietranera, nom du village de Colomba que Mérimée ne situe pas au bord de la mer. Sans doute avait-il plutôt besoin de la force talismanique de cette pierre noire pour la fille au mauvais œil, de même couleur, que d'un village côtier.
C'est une autre Colomba qui nous attend sur la place Saint-Nicolas en sirotant son eau gazeuze. Heureusement que Titine était bien au rendez-vous car il nous serait impossible de refaire le chemin inverse !

Mes pieds ont repris forme humaine. Visite rapide du magasin Mattei, maison-mère, fondée en 1872, de la marque du Cap Corse, apéritif au quinquina. Aujourd'hui, ce n'est plus qu'un commerce vétuste, paraît-il classé pour sa devanture et ses grandes étagères au trois-quart vides. Ça sent l'arnaque à plein nez, seuls la patronne qui trône à sa caisse et quelques bastiais arriérés doivent encore considérer cela comme le dernier chic de la ville.
On y renouvelle juste un petit stock de nougat.

Revigorant rôti de veau aux myrtes (Titine en met partout où c'est possible) et lecture tournante de Barbery précèdent un rapide coucher à 22h30, incapable même de la moindre connexion. Je m'endors sans savoir où sont mes membres.

Commentaires

1. Le mercredi 9 juillet 2008 à 01:56, par bastia :

jai honte de lire ce ke vous pensez du magasin mattei cap corse.... c un magasin de 1900 ou lannee ou vous etes passer etait en vente dou le sproduits un peu moins present ds les etageres... avant de critiquer, veuillez essayez de comprendre les choses. qd a la patronne, elle tien la boutique depuis 30ans . et la boutique est classé entierement.. mais cela metonne pas de vous en lisant vos ecrits qui ressemblent a rien

2. Le mercredi 9 juillet 2008 à 07:55, par Berlol :

Votre honte, à ma place, ça me touche. J'ai gardé longtemps le nougat corse, ne l'ai mangé que cet hiver. Excellent, m'a tout rappelé, comme une madeleine. Le plus désagréable n'était pas tant les étagères vides que l'attitude hautaine du personnel. Ça, je ne supporte pas, à Bastia comme ailleurs. Merci de la visite, près d'un an après...




Mardi 21 août 2007. On s'occupe, on mange du nougat.

Pas très beau temps, ce matin. Il pleuvra même une bonne partie de la journée. Petit déjeuner à l'intérieur mais lecture sur la terrasse. Dans le Nouvel Observateur du 16 au 22 août (prélevé dans l'avion), nécessaire article de Bruno Birolli, intitulé Japon : assez de repentance ! (p. 30-33). Il résume parfaitement l'attitude de la classe politique actuelle et la rattache à son exacte origine, le militarisme nationaliste des années 1930. Mais il souligne surtout le danger d'une active réécriture de l'histoire qui a pour but de blanchir le Japon de ses crimes, ce qui semble être, plus que le bonheur du peuple japonais, l'objectif principal de la clique que dirige logiquement Shinzo Abe :
« [...] à travers sa famille Abe [...] incarne une sorte de continuité entre le Japon militariste d'avant-1945 et celui d'aujourd'hui. Petit-fils de Kinosuke Kichi, ministre de l'Armement jusqu'en 1945, il est aussi le petit-neveu du ministre des Affaires étrangères Yosuke Matsuoka, signataire de l'alliance avec l'Allemagne nazie. Depuis 1978, l'"âme" de Matsuoka est à Yasukuni. Il est l'un des 14 criminels de guerre "divinisés" après avoir été condamnés à mort ou à la prison à vie au procès de Tokyo.» (p. 32)
Après ça, les articles d'effroi de ceux qui découvrent que Wikipédia est aussi un lieu de réécriture permanente des histoires individuelles et collectives me font bien rire. Au lieu de s'attaquer au principe d'une encyclopédie collaborative au prétexte que des imbéciles ont accès à sa rédaction, il serait plus instructif d'apercevoir l'évolution de ce nouvel encyclopédisme vers la possibilité d'avoir enfin une histoire qui ne soit pas écrite par les scribes des dominants, dans quelque domaine que ce soit.
D'où l'intérêt aussi — de ma retraite à 40k, je lis encore — des articles de François Bon quand il historicise sur le thème de l'internet littéraire, cette fois pour traiter de Facebook. Deux amis m'ont invité sur cette plateforme ces dernières semaines. Je m'y suis rendu, inscrit et en ai parcouru rapidement les méandres. Irrité sans cesse d'être dans une coquille américaine, de devoir cliquer sur les liens d'une terminologie débile, et déçu de voir qu'il s'agissait surtout de faire tapisserie, je n'y ai plus guère remis les pieds. Je ne demande qu'à changer d'avis, mais il faudra plus que du trop à la mode réseau social pour me convaincre...

Alors que je fignolais le billet d'hier — comme hier, en somme — arrive l'heure d'aller faire des courses à Saint-Florent. Même quand il pleut, ce centre ville si kitsch, car on ne peut pas le dire beau, devient une horreur tant voitures et motos prennent de place, mobilisent en permanence l'attention, pourrissent déplacements et conversations. Je voterais volontiers pour une transformation en zone piétone, et comme d'habitude les commerçants ne seraient pas d'accord.

C'est vrai que c'est dommage qu'il pleuve en Corse, mais d'un autre côté, ça nous permet de nous reposer, de reconstituer nos réserves énergétiques avec des siestes et des bons petits plats. Certaines font du yoga, un autre gratte la rouille d'un portique de hamac. On lit. On s'occupe, on mange du nougat. Jusqu'à ce qu'un soleil piteux se jette dans l'eau.
Le soir, T. prépare un dîner japonais avec divers ingrédients amenés à cet effet. Le reste de pêche de Michel sert au bouillon de base. Il y aura de l'omelette à la japonaise, de la soupe aux grains de sésame et des sobas au nori. La fille de nos amis, J., mange absolument tout avec les baguettes d'entraînement que nous lui avons rapportées (baguettes liées par une articulation, anneaux pour deux doigts et cran de position du pouce), même des corn flakes...

Les deux tours de table de lecture amènent notre salon littéraire à la page 85 de L'Élégance du hérisson. On trouve que ça patine un peu, l'histoire ne démarre pas vite, on alterne de la marginalité de la concierge à la marginalité de la surdouée. La convergence semble approcher.

Commentaires

1. Le mercredi 22 août 2007 à 01:30, par christine :

avec un peu de retard, bienvenue en France où il pleut !

je ne suis pas convaincue par ton concept (aux connotations un peu douteuses) de "lecture tournante", qui me paraît propre à assassiner quasiment n'importe quel texte : j'imagine Claude Simon - ou Christine Angot - soumis au même régime...

2. Le mercredi 22 août 2007 à 02:50, par F :

sans vouloir t'embêter parmi les nougats et les épineux, la question n'est pas que les "réseaux sociaux" soient "à la mode", mais bien que le net (tu me diras pas le contraire) se pose en permanence la question de comment articuler ses contenus, et ça depuis le premier lien hypertexte - dans l'élargissement exponentiel des contenus, cette articulation devient un enjeu permanent et complexe, d'où cette explosion d'outils - où fesse-bouc, comme d'aucuns l'appellent, est un cas particulier uniquement par l'accumulation des données qu'il a réussi à canaliser - alors que ses grilles américain beauf moyen sont révoltantes pour nous

à part ça, tu crois pas que tu trouverais sur le port de StF quelques cafés sympa à wifi gratuite ? ce serait moins frustrant que le 56k ! et je crois me souvenir qu'il y a pas loin une suite de plages accessibles uniquement par bateau, avec des eaux très transparentes ?

3. Le mercredi 22 août 2007 à 04:47, par Berlol :

Bah, ça ne marche pas mal, la lecture tournante ! Tu veux venir, Christine ?
On est assez contents du texte, tout de même. On s'applique à lire, pas à massacrer. Mais comme on lit et entend la même chose, on commente à chaud. Et pas de connotations douteuses cette fois.
Oui, François, j'attends de voir ce qu'on y fera de concret, dans FaceBook. Pour les plages, faudrait qu'il fasse un peu meilleur...

4. Le mercredi 22 août 2007 à 09:19, par brigetoun :

qu'espérer en Corse ou dans le midi en juillet et août si l'on sort de sa coquille protégée ? J'ai gardé un jardin à Toulon en attendant qu'y paraissent grace aux autres des sardines ou de l'aïoli, mais sans me risquer à voir mon enfance envahie.

5. Le mercredi 22 août 2007 à 13:26, par christine :

c'est gentil de m'inviter, mais je travaille, pauvre de moi ! de toutes façons vous avez quand il ne pleut pas des activités beaucoup trop physiques pour moi (je ne parle pas des lectures tournantes, mais de la marche en montagne)

quand à fesse-bouc (je ne connaissais pas, j'adopte), je ne suis pas convaincue du tout moi non plus : les réseaux d'amis assistés (les réseaux pas les amis) de ce type de sites me semblent totalement artificiels et cosmétiques

je pense que c'est de la plage des Agriates que parle F : c'est magnifique en effet et pas surpeuplé car accessible seulement à pied


Mercredi 22 août 2007. Au milieu d'une botte de penseurs.

Petite vie tranquille au milieu du paysage.
Ici, sur la terrasse, comme marchant dans un sentier du maquis, nous me faisons penser aux tableaux de Poussin, leurs vastes espaces sauvages de verdure, de forêts, de montagnes, dans lesquels de minuscules personnages progressent à vitesse réduite dans une hypothétique direction.

Toujours dans le Nouvel Observateur du 16 au 22 août :
« Deux choses [...] me frappent.
La première, c'est que lorsque le créateur ou le chercheur a été un théoricien essentiellement, ses disciples sont restés homogènes et continuent son travail. C'est particulièrement frappant pour les élèves de Foucault. Au contraire quand le créateur a été avant tout un écrivain, même s'il a cherché à théoriser ce qu'il faisait, et c'est le cas de Barthes, les disciples se sont évaporés. Cela a donné selon les cas, soit une fidélité affectueuse mais condescendante, soit un retournement pur et simple, soit la révélation que, sortis de ce qu'ils répétaient, ils étaient idiots.
La seconde remarque que je ferai, c'est que certains journalistes créent maintenant la confusion en qualifiant de "philosophe" quiconque émet une idée générale ou une opinion quelconque. Moyennant quoi, à les lire, on voit des philosophes partout, à propos d'écrits qui ne sont en rien philosophiques. Dire cela n'est pas une insulte, c'est viser une remise en place. Par exemple on peut écrire sur un philosophe en racontant sa vie, comment il s'est trouvé mesuré aux événements et présenter ses idées : ce n'est pas un travail absurde, c'est faire de l'Histoire de la pensée, mais ce n'est pas faire de la philosophie.» (François Wahl, "Les Voyages de la pensée" in Les Débats de l'Obs, p. 54)

J'ajouterai même que la confusion entretenue vise avant tout à discréditer globalement la philosophie, de même que la littérature et d'autres arts, par la même méthode des faux créateurs qui occupent médiatiquement le terrain. Le but ultime étant de pouvoir faire disparaître ces disciplines dangereuses derrière des rideaux de simulacres. Et après, allez chercher une épingle de philosophie au milieu d'une botte de penseurs de foin !
C'est d'ailleurs dans l'air du temps. Les propos sur le travail, pas la pensée de notre actuelle ministre de l'économie ont clairement montré la ligne générale du bonapartisme sarkozien.

Après la sieste, sentier jusqu'à la plage avec Michel (une demi-heure). J'ai mis mes chaussures bleues parce que celles que je croyais bonnes pour la marche ne l'étaient pas tant que ça. On va devoir y remédier. Baignade rapide — elle n'est pas chaude et il y a des vagues qui nous mettent plein d'algues dans le maillot. Tout le monde s'accorde d'ailleurs sur le fait que ce temps couvert n'est pas normal pour la Corse en août...
Marche à pied d'une heure jusqu'au prochain dépôt de pain (à Patrimonio). Le long de la route, pas très agréable avec des voitures qui poussent des pointes à 110-120.
On remonte, enfin tranquilles, par des chemins entre les vignobles, puis sur une route où passent très peu de voitures. On croise un coureur à pied qui nous double puis redescend et un bel âne dans un pré. Arrivée pile au coucher du soleil, pour mettre les pieds sous la table — une table chargée de courgettes farcies à la brousse...

Lecture de Barbery. Nous sommes d'accord sur le fait que c'est agréable, instructif et même parfois amusant. Nous sentons cependant qu'il y a plus une organisation textuelle autour de quelques préceptes à illustrer, des concepts philosophiques à mettre en scène qu'une véritable — et impérieuse pour l'auteur — création littéraire.

« On frappe doucement à la porte de la loge. C'est Manuela, à laquelle on vient de donner son congé pour la journée.
— Le Maître est mourant, me dit-elle sans que je puisse déterminer ce qu'elle mêle d'ironie à la reprise du lamento de Chabrot. Vous n'êtes pas occupée, nous prendrions du thé maintenant ?
Cette désinvolture dans la concordance des temps, cet usage du conditionnel à la forme interrogative sans inversion du verbe, cette liberté que Manuela prend avec la syntaxe parce qu'elle n'est qu'une pauvre Portugaise contrainte à la langue de l'exil, ont le même parfum de désuétude que les formules contrôlées de Chabrot.» (Muriel Barbery, L'Élégance du hérisson, p. 90)

Commentaires

1. Le vendredi 24 août 2007 à 11:40, par christine :

j'ai toujours été un peu (voire beaucoup) sceptique quant à l'impériositude (impériosité ne s'emploie je crois que concernant l'incontinence urinaire) de la création littéraire

quant à la météo sur la France cet été (pas de raison que la Corse fasse exception), elle n'est pas normale et elle est même clairement pourrie : après un magnifique mois d'avril, j'ai le sentiment que depuis le 6 mai il pleut

mais les nuages font de très beaux couchers de soleil (consolation classique en Bretagne, moins en Corse)

2. Le vendredi 24 août 2007 à 12:43, par Berlol :

Certes, il est vrai qu'être sous l'empire de l'écriture ne signifie pas qu'elle sera bonne. Je te l'accorde.
Pour le temps, c'était aussi un peu comme ça à Tokyo, cette année.



Jeudi 23 août 2007. Vaguelettes en contrebas.

Descente à Bastia avec T., Titine et sa fille J., pendant l'orage (en voiture). Plus précisément, au Géant Casino de Furiani, pour de conséquentes courses. Dans la galerie commerciale, on commence par un petit café, puis boutique de sport. J'essaie plusieurs modèles de chaussures de montagnes jusqu'à ce que je trouve celles qui sont maintenant les miennes pour de nombreuses années, des Meindl montantes du plus bel effet, avec une mousse qui s'adapte, sous l'effet de la chaleur, à la forme du pied. Je les garde.

Dans l'après-midi, fabrication de gâteaux avec Titine, un fiadone et, pendant que le four est chaud, un pain d'épices. Très réussis.

Puis T. et moi partons avec Michel qui va pêcher. Il nous dépose à la sortie de Nonza, à Novachielli et nous montons pour notre première randonnée non accompagnée, et test des nouvelles chaussures. Il nous faudra deux heures, comme prévu, pour monter à la Bocca di Sellola (397 mètres), entrevoir de l'autre côté l'étonnante vallée fermée de Martinasche et redescendre sur la plage de Baracataggio. Pendant ce temps, Michel a eu de bien meilleurs poissons que l'autre jour (quatre, je crois). Rapide baignade pour abaisser la température des corps.

Retour et toilette afin de se rendre chez des amis de Michel et Titine qui nous invitent tous à dîner chez eux, à la Marine de Farinole. Plat de résistance : des côtelettes d'agneau au barbecue.

Lune éclairant les vaguelettes en contrebas, ciel très étoilé. C'est bien la première fois, depuis que nous sommes ici. Mais pas de salon littéraire.


Vendredi 24 août 2007. Entraîner le ressort et l'équilibre.

Sur le site de Verdier, je lis avec tristesse le compte-rendu du vandalisme au Banquet du livre de Lagrasse. Je persiste à penser que l'article du Figaro — et ce besoin d'histoires « un peu croustillantes » — était de trop.

Ce matin, T. et moi annulons notre participation à une sortie en mer avec nos amis et ceux qui nous ont reçus hier soir. Malgré l'attrait des plages inaccessibles par la route, besoin de repos et de continuer le travail sur Mérimée, pour moi, crainte du soleil direct pendant trop d'heures pour T. — et non la peur d'éprouver le tout nouveau permis bateau de Michel...
Le temps n'est pas brillant, la météo l'annonce beau en matinée et nuageux ensuite. Ils partent comme prévu, à trois. Les amis doivent les rejoindre au port de Saint-Florent, chez le loueur. Peu après, il pleut. Et des nuages partout. Ce n'est pas juste un orage. Je me mets au travail, sans finir le JLR d'hier. T. se repose, lit, regarde la pluie. Quand c'est l'heure théorique qu'il sortent du port, je vais sur la terrasse avec mon imperméable et braque les jumelles vers la baie. Rien. Un petit voilier qui part, sans doute pour aller chercher du soleil ailleurs. La pluie a forci. Notre annulation se trouve pleinement justifiée mais pour la raison contraire de celle donnée par T.

Avant le déjeuner, ils reviennent, n'ont pas loué de bateau, juste fait quelques courses. J'ai réussi à travailler près de trois heures. On déjeune. Puis le temps se lève, bientôt beau fixe, mais pas de vent. S'ils avaient pu savoir...
Nouveau programme. Michel ira pêcher. On fait la sieste. Préparation pour la plage. Pas de randonnée, il faut laisser reposer les chevilles.
Peu après quatre heures, en route pour la plage de Nonza. Bien installé sur ces petits galets, j'écoute un peu de radio avec le i-river, juste assez pour entendre que Cécilia refuse de se rendre à la commission parlementaire qui voulait l'entendre (le régime népotique et discrétionnaire continue à révéler son vrai visage), puis je lis Mérimée dans la Pléiade.

Ensuite, je pars seul, avec l'appareil-photo en bandoulière, dans les rochers de la côte, sautiller comme quand j'avais quinze ans, entraîner le ressort et l'équilibre, et faire des clichés de géologue amateur. Je croise un couple de nudistes blonds. Lui pêche avec de longues cannes très modernes, elle snorkle un peu. Plus loin, des murs de roche, avec des prises intéressantes. J'arrive à monter et à redescendre sans problème. Baignade dans creux entre les rochers, formant baignoires naturelles.

Le soir, nous recevons les amis qui nous recevaient hier. C'est leur dernier soir. Ils reprennent le bateau demain et rentreront chez eux à La Rochelle. Michel s'occupe de griller dans la cheminée les merguez, les chipolatas et les saucisses au figatellu (foie, spécialité corse).
Pas de salon de lecture ni de blog ce soir non plus — on est très occupés, en vacances.

Commentaires

1. Le samedi 25 août 2007 à 01:16, par brigetoun :

bien les figatelles, il faut essayer si vous ne l'avez fait, un bon lonzo et un saucisson de sanglier !
les rochers me font rêver

2. Le samedi 25 août 2007 à 02:40, par Dom :

Figatellu, c'est déjà la saucisse. Foie = fegatu. (Toujours aussi pénible...)

3. Le samedi 25 août 2007 à 13:25, par photographe nommé Rick :

"En bandoulière: se dit d'un objet tenu par une courroie de l'épaule à la hanche opposée." C'est marrant, Lionel de Tokyo aussi écrivait bandoullière.
La courroie sur une seule épaule et le Leica pendouille.

4. Le samedi 25 août 2007 à 20:51, par Berlol :

Bonne remarque, Merci ! Et peut-être en effet "bandouille" / "pendouille" comme origine du lapsus. Je le corrige...



Samedi 25 août 2007. Troisième soirée sans élégance d'hérisson.

Travail sur Mérimée, ça avance, je vois le bout d'un tunnel.
Préparation de soupe de poisson avec Michel. Puis de pâtes Colomba à la tomate, très arabbiata (les trous du poivre de Cayenne étaient trop gros...). T. filme le tout.

Vers trois heures, le beau temps fixement revenu, on part en voiture pour Bastia, à quatre, sans Michel.
Titine nous montre la maison où elle a vécu toute petite et où elle est revenue souvent en vacances. À la boutique de produits corses qu'elle préfère, U Muntagnolu, elle fait des provisions gargantuesques. Le vendeur est très professionnel, connaît parfaitement sa marchandise. Mais T. et moi pensons aussi au poids des valises et nous limitons à quelques pots de pâté, de miel, une saucisse, une liqueur de cédrat, des nougats. J'en oublie peut-être...

Promenade dans les rues. J. nous recommande la librairie Album (si elle a un autre nom, ça ne se voit pas) où le Volodine n'est pas encore arrivé... De dépit, on se rabat sur deux BD et un livre de cuisine (Casabianca, une aventure de Corsu, de Rückstühl, chez DCL éditions, 2007, Petru Santu, Chjama é rispondi..., de Federzoni, chez Alain Piazzola, 2005, et Mes quarante Recettes à la farine de châtaigne, de Maud Paghjola, aux Éditions Lacour, 2003).
Plus loin, Télérama pour les deux films de Bergman (Monika, 1953, et Cris et Chuchotements, 1972), déjà vus mais bons à garder.
Rendez-vous au Café de la Paix, place Saint-Nicolas (où se trouve d'ailleurs la tourelle du sous-marin Casabianca qui participa à la libération de la Corse, en 1942-43).

Dîner avec les amis d'hier et d'avant-hier parce que leur billet de bateau, suite à une erreur, est en fait pour demain, alors que leur location est finie depuis ce matin dix heures. Avec leurs deux enfants, c'est un peu compliqué, mais ils ont trouvé une chambre pour ce soir à Patrimonio. Du coup, c'est la troisième soirée sans élégance d'hérisson. Et en plus, je n'arrive pas à écrire tant mes yeux se ferment après onze heures. L'air marin, dit-on...


Dimanche 26 août 2007. Paquets de mer toniques.

Ce qui n'a pu se faire avant-hier, d'une part parce que T. et moi y avions renoncé  — ce n'était pas le bon moment —, d'autre part parce que le mauvais temps l'avait empêché, est remis au programme d'aujourd'hui : la journée en bateau, vers les plages inaccessibles en voiture : Loto, Saleccia, etc.

Préparation hâtive (ça se ressentira, hélas, au moment du pique-nique, sans pain, sans fruits, sans gâteaux secs) pour être tous les cinq chez le loueur (Dominique Plaisance, à Saint-Florent) vers 9h30. Michel y demande son bateau et reçoit avec deux autres clients un petit cours (ou rappel) sur les manœuvres de sécurité et les zones dangereuses, carte légendée à l'appui.
Nous embarquons à 10 heures sur un Bombard de 4,70 mètres, avec moteur de 25 cheveaux (154 euros la journée, hors carburant). Les boudins pneumatiques sur lesquels on s'asseoit sont équipés de cordes pour se tenir et toutes nos affaires sont au centre, sur et autour du gros sac de sécurité contenant les gilets et tout le matériel obligatoire. En dehors de ça, il n'y a guère de place et le bateau n'est pas couvert...
On commence par l'un des exercices les plus difficiles : sortir du port (au moins pour un capitaine débutant). Ce sera sans problème. Vitesse de 3 nœuds dans les 300 mètres des côtes. Et après, à nous la haute mer ! À nous l'accélération qui relève la proue (où je me tiens pour faire contrepoids et de la photo), le vent qui emmêle bien les cheveux, les paquets de mer toniques quand arrivent jusqu'à nous les sillages des yachts rapides !
Doublons la plage du Loto sans nous y arrêter. Trop de monde, des gens qui viennent par la navette. Descendons à Saleccia. Jeter l'ancre, laisser filer jusqu'où on a pied, débarquer les sacs sur la tête pour ne pas les mouiller. Comme dans les films. On déjeune, avec ce qu'on a, donc (œufs durs, tomates, saucisson, compotes), et sans parasol. Trois-quart d'heure après, on rembarque. Et là, gros problème : on ne sait pas remonter sans échelle... Il faut s'entraîner à sautiller en tenant les cordages puis se lancer pour poser son ventre sur le boudin, tel un phoque. Ensuite pousser sur les bras pour basculer à l'intérieur. Tout le monde n'y arrive pas. Je ne donne pas de noms...
Deux criques plus loin, nous descendons, T. et moi, pour le farniente dans la Cala di Fecciajo, lieu paradisiaque où l'eau est tiède et très peu profonde. Pendant que je dors sur le sable, en écoutant vaguement une radio italienne, Michel va pêcher vers la Punta di Mignola. Et Titine et J. sont restées sur le bateau à rissoler. Ils nous reprennent vers 16h30 (à l'heure des méduses).

Retour vers 18 heures, tous bien cuits.
Suis juste bon à préparer une ratatouille régénérante. On dîne après le coucher du soleil (ici encore au-dessus de la maison des Barricini, hi, hi...). Et qu'on se rince les maillots de bain au karcher. Et qu'on se boit des litres d'eau. Et qu'on se met des poignées de crèmes hydratantes. Et de la Biafine.
Pour finir de nous achever, tisanes en lisant L'Élégance du hérisson. Arrivés à la page 132, quatre endormis vermillons autour de la table. Ça ira pour aujourd'hui...

Commentaires

1. Le lundi 27 août 2007 à 13:27, par brigetoun :

aussi envieuse qu'amusée - merci pour la sortie

2. Le mardi 28 août 2007 à 01:10, par Richard :

VOUS VOULIEZ DIRE : Chevreaux ?

3. Le mardi 28 août 2007 à 02:33, par Richard :

(Ceci n'est pas un commentaire, ni une pub)
Juste vous faire part, avant votre retour, du numéro spécial juillet-août de la revue de cinéma "POSITIF" comportant un copieux dossier mizoguchi/naruse/ozu. 10 euros. Sans doute le recevez-vous au Japon. Cordialement, R

4. Le mardi 28 août 2007 à 04:58, par Berlol :

Merci, Richard ! Pour "Positif", que je vais acheter, et aussi pour la coquille "cheveaux" / "chevaux", maintenant corrigée. Votre proposition de "moteur 25 chevreaux" est très drôle ! (et beaucoup de tact dans la remarque, aussi, vraiment merci !)



Lundi 27 août 2007. Objectif menhir et huile d'olive.

Lecture matinale. L'entretien avec Jean-Yves Mollier dans le Télérama de la semaine. C'est exactement sur ma crête de pensée (Cf. syndrome du chapelier), loin de la défense du commerce de l'édition contemporaine et plus encore des ragots de la rentrée littéraire (Laurens VS Darrieussecq, Bégaudeau descendu par Assouline, etc.).

« Ne sommes-nous pas à l'orée d'un cycle irréversible : le texte s'échappe du livre et le livre s'échappe de la bibliothèque ? Dans un siècle, y aura-t-il encore des livres ?
Un siècle, c'est la bonne échéance pour cette question. Dans dix ou vingt ans, le livre existera évidemment encore. L'imprimé avait fait reculer le manuscrit et l'écran plat fera reculer le livre sur papier. Mais rien ne nous dit que le support du livre sera l'écran plat. La technique va tellement vite que de nouveaux supports peuvent apparaître. Si l'on est capable de commercialiser à prix très bas un codex qui contiendra, avec le principe du téléchargement, toutes les bibliothèques du monde, alors on aura des livres dans sa bibliothèque, et ce codex avec une autre bibliothèque. Il faut accueillir tout cela avec beaucoup d'optimisme. La question du support reste toutefois primordiale. Roger Chartier a bien montré qu'on ne lit jamais deux fois le même livre sur deux supports différents. [...] » (Jean-Yves Mollier, Télérama, n°3006, p. 11)

Des cousins de Titine (5 personnes) viennent de Carticasi, dans le centre montagneux de la Corse, pour déjeuner — occasion de retrouvailles entre deux branches d'une famille qui n'étaient pas proches.
Avec la pêche de Michel d'hier, T. prépare une soupe de poisson au miso dont les hôtes seront éblouis. Titine s'occupe d'un fiadone et des deux poulets au four. De mon côté, j'épluche haricots verts et pommes de terre, pour les cuire et les sauter à l'ail.
Tout va comme sur des roulettes. Jusqu'à 17 heures, heure à laquelle nous étions convenus, T., Michel et moi, de partir en randonnée, laissant Titine seule avec les siens.

Sortons chaussés serré direction Patrimonio, objectif menhir et huile d'olive. D'abord par la route, mais cherchant un chemin, pour descendre, sur la droite, vers le couchant. Trouvons une sorte de sentier qui va vers une crête, au-dessus des vignes. Pas balisé, juste de temps en temps des petits cairns de pierres plates et des cartouches de fusils de chasse. Progressons joyeusement de quelques centaines de mètres en trente minutes, entre varappe et romarin, jusqu'à ce que Michel pronostique un cul-de-sac. Demi-tour et reprise de la route jusqu'au chemin pris l'autre jour. Pause devant l'église, dos et sac-à-dos trempés. Découverte du menhir, que Michel connaissait déjà. Trouvons même la résidence de la presseuse d'huile (notre Mac Guffin depuis quelques jours, depuis que nous l'avons vue dans le guide Nustrale, n°10), mais pas de magasin. Michel téléphone à Titine, descendue à Saint-Florent en voiture avec sa fille après le départ des cousins, pour que nous nous retrouvions près d'une épicerie, nommée par convention chez Mme Rondpointzi.
Marchons jusqu'à ce rond-point et, dans cette épicerie... je trouve l'huile d'olive recherchée, l'Aliva Marina. J'en prends une boîte de 250 cl. Nous la goûterons plus tard, mais ce que nous pouvons déjà dire, c'est qu'elle a intérêt à être très bonne. À près de 40 euros le litre ! Ça nous amène même à nous interroger sur le mode de sélection des produits dans ce Guide des produits corses... À moins que ce soit la marge de la Rondpointzi...

Après le dîner, forcément léger, nous reprenons lecture de Barbery et là, Ô miracle, bien qu'on n'échappe pas à quelques leçons de philo à deux balles, il se passe quelque chose. Et même deux choses, la convergence approche. Un, l'arrivée d'un Japonais dans l'immeuble. Deux, la découverte d'un livre de chez Vrin dans le cabas de la concierge...

Commentaires

1. Le mardi 28 août 2007 à 11:37, par Dabichan :

Amitiés estoniennes glacées mais séduites des hanséatiques ruelles de Tallin !

2. Le mardi 28 août 2007 à 14:17, par Laure L :

Figatelli, Fiadone, Canistrelli, mmmmm, ça me rend nostagique...

3. Le mardi 28 août 2007 à 23:54, par brigetoun :

pas si chère que ça l'huile. J'ai eu un sursaut parce que je pensais que c'était les 250 cl. Je devrais demander à mon marchand corse d'en prendre.
Nostalgie de ces repas préparés en commun dans une maison de vacances



Mardi 28 août 2007. Quelque chose de terriblement romanesque.

Revenus hier soir avec la presse locale, nous le savions : Sarkozy vient aujourd'hui à Bastia et Saint-Florent (pour ce qui est dans notre rayon d'action). Ne surtout pas aller par là.
Plan de base, donc : départ avant 10 heures en direction de Nonza. T., Michel et moi descendons à Olmeta, entre les hameaux de Celle et de Poggio, à 295 mètres d'altitude, pour une randonnée de deux heures sous le cagnard. Traversée de Nonza, village partiellement fortifié, aux rues très étroites et pourtant visité par de nombreux cars de Japonais il y a quelques années, nous apprend T., à cause du film Le Grand Bleu.
Rejoignons ensuite Titine et sa fille dans une crique d'eau très claire, juste en contrebas d'un couvent en ruines (près du lieu-dit Bocca Bona). Remarquable grotte juste sous le couvent. On imagine des aristocrates cachés, des fuites en barque... Quelque chose de terriblement romanesque.

Déjeuner à la maison (l'huile d'olive est très très bonne). Repos. Rangement. Lecture.

Dîner à 5 au Relais de Saleccia, à l'entrée (du désert) des Agriates.


Mercredi 29 août 2007. Succès des poissons pour la soupe.

T. et moi en voiture à Saint-Florent. Courses diverses.

Après le déjeuner, dernière séance de plage à Nonza. Titine ayant fini L'Élégance du hérisson dans la nuit (qui fut peut-être la plus chaude de l'été), j'en reprends la lecture sur la plage. Pendant ce temps, Michel nous pêche avec succès des poissons pour la soupe de ce soir (pour tous mais surtout parce que T. adore ça).

Citations et photos seront ajoutées ultérieurement.

Commentaires

1. Le mercredi 29 août 2007 à 21:15, par brigetoun :

bien raison elle a, T. Et quand on l'a péché elle est encore meilleure



Jeudi 30 août 2007. Valises rebouclées.

Dernier lever devant ce gigantesque paysage de montagne et de mer.
Nos valises rebouclées, Michel nous ramène à l'aéroport de Bastia-Poretta, d'où notre avion décolle à 13h45. Ce qui fait qu'à 15h45, nous quittons Orly Ouest dans une Peugeot 407 de location pour gagner la place Monge.
Notre première sortie sera pour de brèves courses vers le bas de la rue Mouffetard (pain, jus d'orange, etc.). Puis, pendant que T. se change (pour avoir plus de place dans sa valise, elle a pris l'avion avec ses chaussures de randonnée), je fais un saut à la librairie La Boucherie pour le Volodine et le Salvayre.
Dîner au Foyer du Vietnam (T. avait envie de quelque chose d'asiatique, pour changer  Jean-Paul, notre ami libraire, nous dit que c'est maintenant très couru, ce restaurant).

J'ai gardé des coupures des journaux lus dans l'avion, ça concerne la rentrée littéraire, mais pas le temps de les recopier. Je préviendrai quand les billets seront à jour...

Dans Libération du 30 août, on demande à l'éditeur P.O.L. si l'enfant mort est en train de devenir un tabou fictionnel. Il répond : « Je ne le pense pas, mais je sens que ça le devient. Et c'est grave. Camille Laurens écrit que si le roman de Marie Darrieussecq avait été écrit à la troisième personne, ça n'aurait pas été gênant. De quel droit écrit-elle cela ? On assiste à cette perversion : on ajoute à la puissance de la littérature la légitimité du vécu. Prise entre l'authentique absolu de la poésie et l'authentifiable de l'autofiction, la fiction est mal partie.»

Ou : comment faire d'un cas isolé une tendance, et d'une tendance un état général. Avec comme titre : La légitimité du vécu : une perversion. Du grand, grand n'importe quoi...

Commentaires

1. Le vendredi 31 août 2007 à 04:39, par brigetoun :

le pauvre homme ! c'est son métier. Ce n'est pas pire que ce que font ses "ccollègues" chargés des pages politiques ou économiques

2. Le vendredi 31 août 2007 à 05:50, par Gérard :

Pour contribution au débat
poetaille.over-blog.fr


Vendredi 31 août 2007. Des basquets, une Histoire amoureuse des Gaules.

Durant nos déplacements d'hier et d'aujourd'hui dans Paris, T. et moi avons constaté des changements plus nombreux et plus radicaux que lors des voyages des années précédentes. Tout d'abord le nombre de vélos, dont une majorité de Vélib, qui donne un nouvel aspect général à la ville. Avec également le fait que l'activité autour d'une borne de Vélib modifie la vie d'une rue. Et le trafic automobile qui s'en trouve globalement ralenti, sans doute dans l'ensemble de la ville.
Aussi, qui n'a rien à voir, rue Monge, rue Mouffetard et du côté de la rue de Buci, un grand nombre de changements d'enseignes. Avec la tendance, pour les restaurants et les magasins de vêtements, à une élévation du niveau de qualité (au moins en apparence) et donc de la gamme de prix. Ce qui doit avoir pour conséquences d'attirer une autre clientèle et de rejeter je ne sais où la clientèle plus modeste qui fréquentait ces différents quartiers.

Nous réorganisons nos bagages pour le départ de demain. Le climat d'ici n'est pas celui de Corse (hélas). Et celui de Normandie sera sans doute plus frais, voire pluvieux. Déjeunons au Café la Bûcherie, sur les quais, juste à côté de la librairie Shakespeare & Co. Cuite ou crue, la viande est bonne, de même que le gratin dauphinois. Nous passons chez Gibert Jeune pour quelques plans et guides, puis chez Kusmi pour du thé. Nous asseyons une demi-heure au Luxembourg, pendant la très moyenne musique du kiosque, pour un moment de lecture.
En voiture, nous allons à Choisy-le-Roi pour voir ma grand-mère et les nouveaux aménagements que ma sœur a effectués dans l'appartement familial, notamment la cuisine qui avait été faite il y a plus de vingt ans. Pas mal de changements aussi dans Choisy, surtout des nouveaux bâtiments et des implantations d'entreprises. Et puis les travaux de réaménagement du Transval, le bus rapide, après, nous dit ma grand-mère, les nombreux accidents survenus lorsque les gens pressés d'attraper leur bus traversent sans regarder. Nous sommes étonnés et heureux de la vitalité de ma grand-mère, qui aura bientôt 88 ans, un chiffre sacré en Chine. Mais elle regrette toujours son chien, mort l'année dernière. Elle voudrait en avoir un autre même si ça ne serait pas pareil... Traversée de la Seine en voiture pour aller chercher quelques-unes de mes affaires entreposées chez elle (des basquets, une Histoire amoureuse des Gaules de Bussy-Rabutin, etc.).

Retour à Paris pour soirée tranquille, rangement (encore) et lecture. Après que j'ai eu durant de nombreux mois des difficultés pour envoyer mon courrier depuis Tokyo (à cause du port SMTP, problème récemment réglé, on s'en souvient), c'est au tour de T. de ne pas parvenir à envoyer un mail important d'ici. Nous modifions donc de même le port SMTP mais... ça ne marche toujours pas. Autre chose, sans doute. Il faudra attendre (peut-être) le retour de Michel.

Commentaires

1. Le samedi 1 septembre 2007 à 02:11, par brigetoun :

la gentrification de Paris continue.
Pourtant dans mon 11ème elle semblait se calmer un peu, juste avant la rupture.
Je regrette tout de même d'avoir du renoncer aux cinq jours que j'avais programmé à lz fin du mois, et pas seulement pour une réunion politique (le principal intérêt étant de revoir des têtes) ni même pour l'Ircam. La ville me manque parfois, plus encore que la musique contemporaine

2. Le samedi 1 septembre 2007 à 14:51, par Bikun :

Je suis passé à 2 pas de chez toi aujourd'hui...bon séjour en Normandie! C'est quoi ton programme donc pour les prochaines semaines?


© Berlol, 2007.