Journal LittéRéticulaire de Berlol
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Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Octobre 2007

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Lundi 1er octobre 2007. Un numéro où beaucoup de livres sont déjà finis.

« Je vais simplement prendre un peu de distance, je vais écrire tout ce que fait Jaume Roiq Stevens, je vais l'écrire. Il a fait ci, il a fait ça. Comme si je me voyais de loin. Il s'est trempé les mains dans l'eau putride pour nettoyer la suie d'une nuit passée à regarder le golfe du Mexique à travers la nappe de fumée noire d'un Sikorsky en flammes. Il a pensé ceci, cela, sa barbe a repoussé, il n'est guère soigneux, il a eu des conversations avec untel, untel et untel. Si c'est Lawson, je le noterai. Si d'autres failles apparaissent, je les noterai. Scrupuleusement. Tout ce que je peux. Quel que soit leur nom. Comme ça, si un doute me prend au sujet de ma santé mentale, je n'ai qu'à ouvrir mon journal et là je vois tout de suite s'il est sain d'esprit le Jaume chose là. On voit tout de suite ce genre de truc quand on a un peu de distance. Ma survie dépend de ma rapidité de réaction et de la souplesse de ma cohérence interne. Si ma cohérence interne doit passer par des failles externes, elle y passera. Je veux dire, si elle ne peut pas s'en passer, ça lui passera. Mieux vaut s'externiser que s'interner quand ça se présente.
Je suis en train de faire face, je le sens, à une situation exceptionnelle. J'ai été entraîné à m'adapter à des situations extrêmes, vite. J'ai été entraîné à répondre à des questions, à réparer toutes sortes de fuites, à réagir avec sang-froid, à réfléchir, vite. Je connais par cœur les bonnes solutions à une foule de problèmes connus, j'ai tout appris, rien perdu de ce côté-là mais je me souviens aussi qu'il faut parfois inventer des solutions. Mettre en place des mesures d'urgence, parer au plus pressé.
Le journal de bord personnel de Jaume Roiq Stevens, que j'écris moi-même, Jaume Roiq Stevens, est une de ces mesures d'urgence. Je dois me doubler. S'il faut me tripler, je me triplerai.
Nécessairement, il va devoir en inventer d'autres.
— Jaume Roiq Stevens — » (Céline Minard, Le Dernier Monde, Paris : Denoël, 2007, p. 112-113)

Hier soir, dans la matinée, dans l'après-midi et même dans la soirée, des petites demi-heures, comme ça, entre les phases de boulot, ou de sortie, les repas, je n'ai pas pu résister, pas pu attendre, j'ai avancé dans le livre. Il y a de l'outrance dans le personnage, de l'irréel, de toute façon toute l'histoire est complètement irréelle, ça déborde dans l'écriture, ça parle à tort et à travers, trop, du volubile comme chez Joyce, mais ça marche, et donc ça marche, je marche. Je cours, même. Moi qui lis plutôt lentement, j'en suis à la page 150, à un numéro où beaucoup de livres sont déjà finis. Là, ça pourrait déjà être fini d'ailleurs, vu qu'il n'y a plus personne sur Terre. Et je me demande bien ce qui va pouvoir se passer. J'espère juste que je ne serai pas déçu. Par des platitudes, par exemple. Mais bon, faut y aller. J'y crois.

Dans les interstices de la lecture, donc, j'ai un peu écrit du courrier, j'ai enregistré quelques émissions de France Culture, dont le 11 Septembre 2001 de Michel Vinaver qui passait aux Perspectives contemporaines du 15 septembre (la semaine précédente, rediffusion d'une pièce de Tarik Noui, La Cérémonie des aveux, mais je l'avais déjà enregistrée à son premier passage en décembre dernier). Et puis deux éditions d'une nouvelle émission du vendredi, Place de la Toile, bon principe mais débats parfois stériles...
Au moins, il ne pleut plus — Merci, Laure ! Je suis sorti en vélo pour faire des courses au Seijo Ishii de Laqua, à Korakuen, six kilomètres aller-retour, pas de quoi perdre mes kilos en trop. Dans mes courses, il y avait quelques biscuits salés et sucrés pour l'apéritif auquel T. avait invité un couple d'amis. On a descendu la bouteille de champagne que je crois bien avoir achetée pour l'anniversaire de T., il y a six mois — c'est dire si on boit ! J'ai essayé le champagne avec un peu de cédratine corse... Franchement pas terrible. On a regardé quelques extraits vidéos de Corse et de Normandie et puis je les ai laissé aller dîner au Saint-Martin tous les trois. Pour... aller lire.


Mardi 2 octobre 2007. Gifler l'écran et m'en aller.

Au lever, plus de blog ! Envolé, le JLR. Ni index, ni billets, ni commentaires, ni accès gestionnaire. Rien, nada !, comme les humains chez Céline Minard ! Eh bien, ça ne m'a fait ni chaud ni froid. J'ai vérifié que le domaine berlol.net était bien là, et donc l'accès au JLR mensuel, l'archive, dont j'ai aussi copie sur quatre ordinateurs non situés au même endroit. Le courrier et la connexion FTP fonctionnent aussi. Et même le blog des cours, qui n'est pas sous Dotclear, mais sous WordPress, avec une base MySQL différente, quoique déposée chez le même serveur.
Cette disparition n'est pas vraiment compréhensible, mais ce que je sais c'est que je n'ai moi-même effectué aucune modification. Qu'il peut donc s'agir d'une dégradation naturelle du système (liée par exemple à des programmes qui auraient une date limite), d'une attaque ayant réussi à trouver une faille de sécurité chez mon serveur, d'une panne ou d'un changement de matériel — et qu'il y a de fortes chances que ça touche aussi quelques centaines d'autres personnes, parmi lesquelles il s'en trouvera certainement pour protester dès l'ouverture des bureaux.
J'ai juste un petit pincement triste — comme le lapin qu'on est obligé de poser à un ami en cas de force majeure — en pensant aux lecteurs habituels qui ne vont pas me trouver, à ceux qui craindront qu'il soit arrivé malheur (tremblement de terre..., mais la radio l'aurait dit...) et qui n'auront pas nécessairement le réflexe de la version mensuelle.
De toute façon, pas le temps de m'étendre, le mardi est chargé.

Faut que je fasse un stage PHP et MySQL. Un jour.

Shinkansen de 9h03 vers l'ouest, d'où j'accompagne Jaume Roiq Stevens — nom étrange, au demeurant — de Houston à Oulan-Bator, dans la folie des troupeaux d'animaux fous et la schize d'un désespoir d'où sort toute armée quelque humaine compagnie, chimérique hélas. La disparition subite de l'humanité passant déjà au second plan, j'ai l'impression, l'intuition, n'ayant pas encore lu tout le livre, que les causes exactes n'en seront pas dévoilées, que ça pourrait rester le ressort caché du roman — et conséquemment l'infinie démangeaison du lecteur. Car en effet, qu'est-ce qui pourrait permettre de faire précisément disparaître, même involontairement, l'intégralité de l'espèce humaine sans tuer un seul animal, sinon la découverte d'une absolue spécificité humaine dans l'organisation des molécules. J'imagine qu'il faudrait en fait coupler deux découvertes : celle d'une spécificité humaine, dans le génome, par exemple, et celle d'une dématérialisation instantanée de tous les organismes positivement identifiés dans un rayon d'action planétaire (hors duquel se trouvait notre astronaute à l'instant T).
Mais bon, si c'est juste pour dire ça, c'est vrai que Céline Minard a bien fait de nous épargner les explications.

En fin d'après-midi, je trouve un peu de temps pour envoyer un petit courrier chez mon serveur et leur demander si par hasard ils ne se seraient  pas aperçu de quelque chose. Trois minutes plus tard, je reçois la réponse suivante : « We are currently trouble shooting an issue at the server where your site resides. We can’t check your concern. Sorry for the inconvenience. This will be fixed within this day.»
Et voilà, je n'arrive même pas à les maudire. J'imagine toute une agitation, quelques personnes dans le genre de mes amis Manu et Bikun il y a quelques années, stressés par les clients et les cadres, en train de taper des commandes de vérification, de brancher débrancher des appareils, relancer des systèmes, poser un café, un sandwich sur un bord de table, téléphoner pour un câble, une rustine logicielle, un mot de passe, une faille de sécurité, ou que sais-je ?
Évidemment, si ça ne marche pas demain...

Ce soir ou Jamais d'hier en dînant. Face à face de deux scientifiques. Je serai toujours plus du côté de Jacques Testard que de celui de Jean-Didier Vincent. Quand ce dernier s'emporte en disant qu'avoir dû attendre 70 ans pour savoir que l'amiante était mortel n'a aucune importance et qu'il faut continuer à développer les OGM sans se préoccuper des éventuels dangers, je manque gifler l'écran et m'en aller. Après, ce n'est pas sans intérêt, mais le débat sur la surveillance et le fichage électroniques, ça ronronne, ça reprend tout ce qu'on sait déjà. Seul ce que développe Dany-Robert Dufour mérite la pleine attention. En gros : « les vices privés font le bien public » (Bernard Mandeville) ET, conséquemment, toutes ces libertés données nécessitent des technologies de création, diffusion, profusion, ajustement — et, paradoxalement, des techniques de contrôle et d'arraisonnement de tous ceux qui dépassent les bornes, d'autant plus nombreux qu'ils n'ont plus ces bornes en eux-mêmes.

Commentaires

1. Le mercredi 3 octobre 2007 à 12:49, par Philippe De Jonckheere :

Je constate avec plaisir que les ennuis sont finis. C'est que par mail, je ne voulais pas trop t'alarmer, mais comme tu le sais je sais un peu comment ces choses là fonctionnent, et surtout comment elles ne fonctionnent pas, au point d'en vivre, et vraiment cela aurait pu être plus grave.
J'apprends incidemment que tu cultives le principe de la sauvegarde jusqu'à répartir dans quatre endroits différents des sauvegardes à jour, là je dis on devrait tous faire comme toi. Quatre c'est sans doute excessif, mais il y a peut être une raison japonaise ou orientale à cela, comme de mettre cinq épices dans le poisson, il y aurait une loi puissante qui recommanderait les quatre sauvegardes.
N'empêche as-tu pensé à mon collègue qui travaille le jour et la nuit dans une de ces salles informatiques et qui a du trimer toute la nuit et une partie du jour pour restaurer le serveur sur lequel se trouvait ta base de données, sans doute aurait-il préféré une nuit plus calme pendant laquelle il aurait pu travailler sur les pages de son petit site internet personnel.
Parce que personne ne pensera à le faire, je le remercie, en frère.
Amicalement
Phil

2. Le mercredi 3 octobre 2007 à 14:18, par Bikun :

En fait, ce que je retiens de mes années de support informatique, lors d'un problème la communication est indispensable. L'informatique matérielle et logicielle est à l'image de l'homme: imparfaite et faillible.
Mais c'est devenu un outil (de travail et de communication) vital (?).

3. Le mercredi 3 octobre 2007 à 22:07, par F :

merci, Phil, on va réfléchir à la loi des 4 sauvegardes (j'ai disque dur externe, mais sur la même table que mon portable!), mais notre ovh.net paraît plus solide que le serveur californien de Berlol, qui le lèse aussi dans les référencements francophones - Berlol, pourquoi tu déménages pas plus près, sur infomaniak.ch par exemple ? - quant à l'articulation site "fixe" et blog, je me dis que notre hôte, malgré ses jeux de miroirs, n'a jamais pris en charge sérieusement, depuis 4 ans, la partie fixe, ne serait-ce que la page d'accueil : tout pour le journal... ceci dit, pour notre santé à tous, est-ce qu'on ne devrait pas inaugurer de temps en temps un "jour sans blog" ?

4. Le jeudi 4 octobre 2007 à 02:28, par Berlol :

Merci tous les trois de votre soutien.
Pour répondre aux questions :
J'ai 4 sauvegardes parce que j'ai 4 ordinateurs (deux aux lieux de résidence, un au lieu de travail, un portable). J'ai également un disque externe, ce qui fait 5, en réalité... En japonais, 5, c'est mieux que 4 (qui se prononce comme la mort). Donc, s'il devait y avoir une loi, comme le propose Philippe, ce serait assurément celle des 5 sauvegardes, comme les épices dans le poisson...
J'ai pensé au collègue, je l'ai même écrit...
Le site fixe ou le journal, il fallait choisir parce que je n'ai pas plus de temps. J'ai choisi le dynamique. Tant pis pour le site fixe...
Cher François, comme tu le sais déjà, je crois, je n'ai cure des référencements francophones, je n'ai aucune stratégie pour me faire mieux connaître, ou attirer les commentaires, etc. Le salon que j'affectionne n'est ni une foire aux bestiaux ni une salle des ventes. Côté commerce en ligne, d'ailleurs, la seule expérience que j'aie tentée, avec Amazon, est un fiasco total (j'y reviendrai).
Pour un "jour sans blog", je vais y réfléchir mais ça ne sera pas demain la veille...

5. Le jeudi 4 octobre 2007 à 12:32, par F :

oui, frère, on en a déjà causé - mais tout ça est mouvant et vivant, et il faut que tu sois dans ce bain général où on se démène - je sais bien que ça ne te fera pas t'inscrire sur technorati, mais bon... dommage pour les auteurs que tu cites et analyses ! et tu ne nous empêcheras pas de faire régulièrement des liens plein de sudation sauvage !



Mercredi 3 octobre 2007. Droit d'ingérence plutôt mal en point.

Deuxième jour sans blog. La promesse de réparation dans la journée n'a pas été tenue. Dans l'après-midi, j'ai renvoyé un courrier et là, à minuit, je n'ai pas encore eu de réponse...  Inspirer. Expirer. Ne pas crier. Regarder ailleurs.

Après mes cours du matin, je file en vélo à la mairie. Je dois y demander un certificat d'imposition pour compléter mon dossier de demande de visa permanent (déposé en février — ça traîne, ce truc-là). Pas d'attente, un formulaire pour nom et adresse, les certificats sont imprimés en trois minutes. Ce n'est pas la première fois, mais je suis chaque fois ébloui par l'efficacité et la bonhommie des services de la mairie, au moins dans cet arrondissement, ailleurs je ne sais pas. Au convenience store, je paie une facture de téléphone en retard, pas payée pendant que j'étais en France et qui a entraîné la coupure du téléphone hier. Dès que le paiement est informatiquement enregistré par le magasin, l'information remonte à la compagnie, qui rétablit la ligne dans l'heure, ce que je vérifie peu après.

Réunion et un peu de bureau (à écrire à Philippe et à Scott pour savoir ce qu'ils pensent bon de faire pour le blog — attendre ou intervenir). Avant 19 heures, je pars avec Andreas pour rejoindre Benoît à Fushimi. Malgré les regrettables défections de Sophie et de ma collègue C., nous passons une excellente soirée au Bar España II (où l'on reparle notamment du chat noir et de la petite fille dans Ascenseur pour l'échafaud, et de tout un tas de choses — forcément, avec tout ce qu'on boit...).

« — Abruti.
Mais la déflagration dont le son avait été absorbé par l'éponge de l'air avait déclenché en arrière-plan un bruit continu de fuites ou crissements de sable. Roiq en cherchait partout alentour la cause lorsqu'il la vit à l'est sous la forme d'un nuage sol-sol qui gonflait rapidement, s'approchait, se précisait et se divisait en un millier de tapements de sabots.
Des chameaux.
— Exactly, des chameaux de Bactriane mon p'tit gars. Résistants, ces animaux-là, extrêmement résistants.
— Ils viennent sur nous ! L'aubaine.
— On remballe, Waterfull, sors de là !
Roiq se précipita vers l'hélico et fit crier les pales pour s'arracher du sol. les bêtes avançaient en désordre mais serrées les unes sur les autres, elles balançaient violemment leurs têtes au bout de leurs cous. Leurs gros genoux violets s'entrechoquaient en craquant. On les entendait souffler sous l'effort et la peur. Roiq tenait l'hélico en stationnaire juste au-dessus du troupeau et laissait passer les animaux dans leur propre poussière avant de déclencher la Grande Poussée. [...] Une bande latérale tenta de se détacher de la masse mais Roiq la ramena dans l'épouvante au milieu de ses congénères qui faisaient ensemble la seule vraie danse macabre de la peur, toutes fourrures collées par la bave et le sang, toutes gueules ouvertes sur le désert imbécile, et maudissant l'homme qui avait disparu, Roiq les poussa au comble de la joie à plonger dans l'Aral, à se noyer dans sa boue putride, à marcher encore sur les cadavres de leur race, à traverser enfin cette saloperie de mer de sel et d'ordure qui n'était guère que les douves de son château enchanté : Vozrovdeniye.»
(Céline Minard, Le Dernier Monde, p. 140-141)

En voyant Ce soir ou Jamais d'hier, où il est question du recul du gouvernement sur le test ADN, je ne regrette pas mon texte du 20 septembre... Quant à la Birmanie, mon impuissance à écrire quoi que soit l'autre jour (et les jours suivants) n'a d'égale que celle des pays dits développés, des intellectuels dits engagés, du droit d'ingérence plutôt mal en point — et l'impuissance des moines probablement torturés, ces jours-ci rejoignant hélas les fictions volodiniennes.
Marc Weitzmann, dont les propos ne sont pas horribles, loin de là, a cependant une ironie et un parler parfois elliptique qui ne passent pas très bien. Surtout quand il accompagne cela d'une sorte de furtif signe d'entente avec l'un ou l'autre des invités. Je me demande s'il ne chercherait pas plus de connivence que ses partenaires et la structure ne permettent d'en avoir sur un plateau de télévision.

Et juste au moment où j'allais aller me coucher, un courrier du support technique, auquel j'essaie de répondre... Et quand j'ai fini et qu'avec indifférence je vérifie l'adresse du JLR, il est là, revenu de son énavouissement, remonté du monde des blogs morts, toujours sans que j'aie rien fait de spécial. Sursis ? Retour définitif ? Comment savoir ? Nous sommes dans leurs mains...

Commentaires

1. Le mercredi 3 octobre 2007 à 14:15, par christine :

notre JLR quotidien est de retour d'entre les morts ! alleluia !

2. Le mercredi 3 octobre 2007 à 21:02, par vinteix :

Et exspecto resurrectionem mortuorum !

3. Le mercredi 3 octobre 2007 à 21:06, par vinteix :

Sinon, la Birmanie (ou le Myanmar... peu importe...), oui, impuissance rageante et affligeante...

4. Le jeudi 4 octobre 2007 à 06:57, par brigetoun :

sur les tests, bal des faux culs cette nuit, Badinter humain et intelligent regardé avec une ironie méprisante, par dessus son journal, par Monsieur de Rohan. Pensé à Saint Simon

5. Le vendredi 5 octobre 2007 à 14:58, par sans :

"Inspirer. Expirer. Ne pas crier. Regarder ailleurs" ...
Je n'aimerai pas être au Myanmar (Birmanie).

6. Le vendredi 5 octobre 2007 à 20:24, par Berlol :

Moi, j'aimerais bien (conditionnel) vous y envoyer... Qu'on soit enfin débarrassé.

7. Le samedi 6 octobre 2007 à 04:24, par sans :

Ça serait pas plus joli, "débarrassés"?

8. Le samedi 6 octobre 2007 à 04:55, par christine :

au pluriel comme au singulier, la pente est savonneuse, berlol :
souhaiter, même au conditionnel, envoyer ses commentateurs en Birmanie n'est-ce pas (un peu (quelque part (en quelque sorte))) être capable d'agir comme un dictateur birman ...?!

9. Le samedi 6 octobre 2007 à 05:32, par Berlol :

"sans" doute



Jeudi 4 octobre 2007. Fait vibrer la densité, ouvre à des sens forts.

Journée à trois cours, avec un petit bout de sieste au milieu.

En répondant aux questions des étudiantes sur la fin d'Ascenseur pour l'échafaud que nous venions de voir, je me suis aperçu d'un chiasme pour le moins étonnant. Il s'agit des crimes et des peines.
Il est entendu que l'assassinat du marchand d'armes est prémédité par le couple formé par l'épouse et l'employé (Florence et Julien). Mais au procès, on pourrait faire jouer le crime passionnel et les peines pourraient être de 10 ans pour Julien et de 20 ans pour Florence, en tant qu'instigatrice. Avec les remises de peine, ils n'en feraient que la moitié chacun. En revanche, pour le meurtre des touristes allemands, le jeune Louis écoperait directement, toujours selon le policier (joué par Lino Ventura), de la peine maximale, à cette époque la peine de mort. Alors que son crime est tout sauf prémédité : il est un peu bête, il veut fuir, voler la Mercedes de sport des Allemands, se fait surprendre dans le garage et tire. C'est presque un accident.
D'ailleurs, si on y réfléchit en détail, rien n'est joué pour Florence et Julien. Mise à part l'attitude de Florence, durassesquement convaincue de sa culpabilité devant les photos d'elle avec son amant (mais on ne juge pas l'adultère), et mise à part la conviction du policier qui croit pouvoir affirmer ce que le tribunal fera, aucun des deux n'a avoué le crime. Et Julien est blanchi du meurtre des touristes au motel. L'interrogatoire de Julien dans les locaux de la police (par Lino Ventura et Charles Denner) comme celui de Florence dans le labo photo se terminent par des paroles comme je voudrais dormir ou laissez-moi dormir. En quelque sorte le film s'évanouit dans une culpabilité latente, toute psychologique, qui n'a rien à voir avec le travail de la justice, et un bon avocat aurait vite fait de faire tomber toute l'accusation en poussière. Car, la corde ayant heureusement disparu (par l'opération de la petite fille), il n'y a aucune preuve ni du meurtre de Julien ni de la préméditation avec Florence.
Sauf... le film lui-même.
Par un nouveau franchissement de la frontière diégétique, de même essence que celui qui fait advenir les photos du monde réel dans le bain de révélateur du monde fictionnel, c'est le fait que le crime de Julien soit filmé, maquillé en suicide sous nos yeux, ainsi que la préméditation contenue dans la conversation téléphonique d'ouverture du film, qui constituent les seules preuves de la culpabilité des amants. Et on peut se demander si Lino Ventura n'aurait pas vu le film, tellement il en est convaincu !

Au centre de sport, le rythme enfin acquis avec Emmanuel Tugny est tout à fait compatible avec le pédalage et la sudation, n'était le paradoxe d'une activité physique et positive lorsqu'il est question de l'être chétif et mal engagé — physiquement — dans la vie qu'était Tristan Corbière. Je dis enfin parce que dans les premières pages, la syntaxe malmenée et la débauche d'adjectifs, ainsi qu'une préciosité heureuse qui semblait me narguer, m'avaient fait douter de ma capacité à aller plus loin (malgré les encouragements reçus de divers points du cyberespace). Mais en pédalant, justement, le rythme vient et avec lui la phrase suit, se tient, fait vibrer la densité, ouvre à des sens forts. On sue à lire mais on sait aussi pourquoi on sue.

« Et Tristan souffre et jouit un peu de souffrir comme il est somme toute bien au lit et mal debout, dans les lambris bassiné et aux tartines, les raies roses du ciel devant dans la fenêtre aux oiseaux.
Un lit sur le jardin comme un canoë vers l'horizon plus large et les loutres peaux-rouges.» (Emmanuel Tugny, Corbière le Crevant, Paris : Léo Scheer, 2007, coll. Laureli, p. 24)

« Un matin de 1860, une joute verbale oppose Tristan à l'élève Keronnès qui, quoi qu'accablé de jurons ignés assez moches tranchant le tableau noir, l'emporte haut la main.
C'est tout naturellement, alors, que l'essence parasite, qu'Édouard-Protée est convoquée : Tristan écrit à Édouard et lui demande des conseils sur la manière juste de l'emporter en fin de course sur l'"arsouille", le "cochon", le "porc", le "vilain roquet harnieux" (sic), le "décrotteur", l'"orang-goutang" (sic), etc.
C'est de cet enfant-là qu'il s'agit : vase à mélange, vélo tandem voilé, matière hybride nouée, bavard solipsiste, rareté malade qui va, hypostase muette qui cause, nuit hantée qui marche : solitude.» (Ibid., p. 35)

Ce soir ou Jamais d'hier, encore. Mais chaque fois différent.
Cette fois sur l'entreprise comme lieu de souffrance (stress, suicides, délocalisations, restructurations, harcèlement moral, etc.). À rapprocher du cycle de fictions de France Culture dans ses Perspectives contemporaines depuis deux semaines (œuvres de Louise Desbrusses, de Nicole Caligaris, et à venir de Philippe Malone et de Nathalie Kuperman). Mais revenons au salon de Taddeï : d'Alain Touraine à Bruno Solo, l'éventail est large et la discussion ne s'enlise pas, outre qu'il est peut-être un peu trop question du film de Nicolas Klotz qui ne contient pas toute la Question humaine, et que le plateau manque d'un François Bon ou d'un Jean-Charles Masséra tout de même assez qualifiés pour parler littérairement de ces sujets — mais bon, ils ont peut-être refusé, aussi, on ne sait pas tout.
Au fait, une question en passant, comme ça : Thierry Wolton, ça serait pas un con, par hasard ? Parce que là, avec les deux ou trois interventions qu'il fait, on dirait bien que c'en est un, tout de même. Enfin, je ne me plains pas, c'est toujours ça de moins à lire.

Commentaires

1. Le jeudi 4 octobre 2007 à 13:01, par jenbamin :

cher Berlol,
je ne sais pas si tu as vu ou non le film en question, « La question humaine ». Je n'ai pas encore eu le temps d'écouter l'émission de Taddeï (je vais le faire sans doute), mais rien qu'à voir le plateau des invités, j'ai l'impression qu'on essaye de faire du film ce qu'il n'est pas : un « film sur l'entreprise », un de plus. Ce n'est pas non plus, encore moins, contrairement à ce qu'on entend ici ou là, un « film-qui-fait-un-parallèle-entre-l'entreprise-et-les-heures-sombres-du-XXe-siècle », pas non plus un film sur lesdites heures sombres. D'ailleurs je ne sais pas si c'est un « film sur (...) », peut-être à la rigueur un film sur le langage, et encore. François Bon (s'il daignait aller au cinéma, pour une fois) aurait été bien qualifié pour en parler certes, mais peut-être pas pour la raison que tu sous-entends (si j'ai bien compris ce que tu voulais dire) : plutôt pour ses compétences sur des questions plus larges, pour son intérêt pour l'École de Francfort (N. Klotz dit avoir pas mal bossé sur Horkheimer et Adorno pour faire ce film), etc. Je ne sais pas si je défends tout dans ce film, il pose des questions très difficiles, et c'est difficile d'en juger « à chaud ». Mais en tout cas il me semble évident qu'il pose beaucoup de « questions » qui sont éminemment « humaines » — abyssales. Bref, je recommande de le voir, pour se faire une idée par soi-même. Pas tous les jours que le cinéma cherche à affronter ce genre de questions, sans virer dans le didactique, vraiment par le biais « esthétique » (corollaire : oui, il arrive que le cinéma se hisse à un niveau esthétique...).
(Il y a une dizaine de jours, il y a eu une émission assez intéressante sur FranceCul à propos de ce film, en présence du réalisateur, dans « Du grain à moudre » (de mémoire, c'était un vendredi — donc sans doute le 21, sauf erreur), je ne sais pas si elle est encore en ligne.)
(Je note aussi en passant : je ne l'ai pas encore analysée jusqu'au bout, mais il me semble que la place de la musique — et notamment : de la vocalité dans la musique — est très importante dans le film.)
amicalement
benjamin

2. Le jeudi 4 octobre 2007 à 15:50, par Berlol :

Merci de ces précisions. Les tendances à prendre ce film pour ce qu'il n'est pas ont en effet été évidentes et le réalisateur s'en est défendu comme il a pu. Pour ma part, ne l'ayant pas vu, je ne me prononcerai ni sur le film ni sur la pertinence du débat. Ce qui s'est passé sur le plateau de Taddeï, c'est que ceux qui avaient vu le film, trois ou quatre des invités, voulaient en parler plus que de raison et cela déséquilibrait le plateau et bloquait un peu le débat d'ensemble. Taddeï a essayé de désembourber deux ou trois fois mais certains y revenaient, comme si Klotz était l'invité central, ce qu'il savait ne pas être, etc.
Ce que tu en dis est très intéressant et je vais essayer de retrouver "Du grain à moudre" ce week-end. Et puis un tandem Lonsdale / Amalric, ça ne peut pas être cinématographiquement mauvais...

3. Le jeudi 4 octobre 2007 à 16:26, par christine :

je n'ai pas vu le film, mais le livre de François Emmanuel me laisse un souvenir très fort - et assez ambigu aussi : les extraits et les propos de Nicolas Klotz m'ont donné le sentiment que son film était assez "fidèle" à l'esprit du livre
en revanche le débat sur la souffrance au travail n'avait aucun intérêt et c'est dommage : quelques uns des propos de Christophe Dejours (sur l'utilisation de la peur comme stimulant, notamment) auraient mérité d'être écoutés et prolongés

4. Le jeudi 4 octobre 2007 à 17:07, par Berlol :

En vous lisant, ce matin, Jenbamin et toi, je me suis demandé : qu'est-ce que tu as appris dans ce débat ? Et j'ai beau y réfléchir, essayer de me souvenir... Hormis quelques chiffres, peut-être, je n'ai rien appris. Ou alors des choses comme le fait que Bruno Solo avait traîné sa série "Caméra Café" pendant des années parce qu'aucune chaîne n'en voulait, alors que c'était au cœur du sujet, humoristiquement, certes, et pas toujours en finesse, mais au cœur quand même. Ça révélait bien un tabou.
Pour le reste, la gestion des ressources humaines par la peur, la compétition jusqu'au déloyal, et tutti quanti, c'était déjà connu. Et bien documenté, même cinématographiquement : "Ressources humaines", "Fair Play", deux titres qui me viennent à l'esprit tout de suite mais je suis sûr qu'on en trouverait facilement une dizaine d'autres. À votre bon cœur, ça m'intéresse pour un prochain séminaire.

5. Le jeudi 4 octobre 2007 à 17:44, par christine :

c'est un peu le pb avec Taddéï : sa qualité est de laisser parler ses invités - son défaut aussi - et quand ses invités n'ont pas grand chose à dire ...
quant aux références, il y en a trop ! pour les livres, me viennent, parmi ceux lus il n'y a pas trop longtemps :
Guy Tournaye, Radiation
Yves Pages, Petites natures mortes au travail
Valérie Tong Cuong, Ferdinand et les iconoclastes
Fabienne Swiatly, Gagner sa vie
Louise Desbrusses, L'argent, l'urgence
Céline Curiol, Permission
Jean-Noël Blanc, La petite piscine au fond de l'aquarium
Anne Weber, Cendres et métaux, Chers oiseaux
Nicole Caligaris, L'os du doute
Laurent Quintreau, Marge brute
et, qui viennent de sortir, pas encore lus :
Nicole Malinconi, Au bureau
Guillaume Noyelle, jeune professionnel
Charly Delwart, Circuit

6. Le jeudi 4 octobre 2007 à 23:54, par Philippe De Jonckheere :

Ouais, "Ascenceur pour l'échafaud", c'est pas le film dans lequel il y a deux grosses erreurs de script, une histoire de grapin et des photos qui sont un peu pausées?
Amicalement
Phil

7. Le vendredi 5 octobre 2007 à 01:22, par brigetoun :

j'ai perdu l'habitude d'aller au cinéma parce que les files me sont néfastes et que je n'avais pas le temps à Paris, trop de boulot, concerts, théâtre. J'avais écouté du coin de l'oreille l'émission sur France Culture - mais ce qu'en dit jenbamin me décide, presque puisqu'il faudrait aussi que je fasse l'effort.
la souffrance au travail, surtout le stress, est réelle mais appartient à ce qui peut difficilement être transmis, invisible et indicible.

8. Le vendredi 5 octobre 2007 à 02:35, par jenbamin :

Je confirme que Lonsdale est aussi bien que comme d'hab', c'est-à-dire fabuleux, qu'Amalric est très très bien itou... Sinon, assez d'accord avec Christine (mais moi, par rapport au film) : sentiment fort et ambigu — ça pose plein de questions en tout cas.
Quant au livre de François Emmanuel, je l'ai acheté après avoir vu le film, il est sur la (grosse) pile « à lire » sur mon bureau : à suivre... Si j'ai le temps, le courage etc., j'essaierai de faire un papier détaillé sur le film et sur le livre, d'ici quelques temps sur mon site — bon, sachant ma propension aux projets inaboutis, c'est pas sûr quand même.



Vendredi 5 octobre 2007. M'imprégner à doses homéopathiques.

Ce matin, je me suis senti plus léger. J'ai fermé mon compte Viadeo, sorte de réseau social destiné à la recherche de contacts professionnels, où j'avais été amené à m'inscrire il doit y avoir deux ans par je ne sais plus qui. Je recevais régulièrement une lettre qui m'indiquait ma position, mes contacts théoriques ou effectifs, je n'en sais rien, en m'invitant à payer un abonnement pour le truchement.

Notre conseiller élu de l'Assemblée des Français à l'Étranger nous envoie un bulletin dans lequel il évoque, entre autres, l'épineux dossier des frais d'inscription des enfants au lycée franco-japonais de Tokyo (très élevés). Je lui réponds (on se connaît un peu) que je tiens à sa disposition la profession de foi du candidat Nicolas Sarkozy sur laquelle on peut lire ce passage, en gras dans le document :
« C'est pourquoi je souhaite que, dès la rentrée scolaire 2007, le coût des études de vos enfants dans les lycées français à l'étranger à compter de la classe de 2nde soit intégralement pris en charge par la collectivité nationale. C'est un geste fort que je souhaite que l'on fasse en votre direction.»
Or notre conseiller, six mois plus tard, parle d'une « brèche importante dans le débat sur la gratuité »... Il semble qu'il y a un grand espace de la brèche à l'intégralité. Un pas qui n'a pas été franchi. Quelque chose comme une promesse non tenue.

Le pas franchi.
Après quelques lectures de-ci de-là ces derniers mois, j'entre dans la bulle de préparation du cours sur L'Étranger (à partir de samedi prochain à l'Institut franco-japonais). Un peu cet été et encore ces jours-ci dans les transports, j'écoute casque aux oreilles le feuilleton radiophonique de 2002 (rediffusé du 11 au 22 juin 2007), en dix épisodes, histoire de m'imprégner à doses homéopathiques. En revanche, je ne lis pas les dix-huit thèses et les treize biographies que des catalogues me proposent (chiffres donnés au hasard).

Mais il faut aussi que je m'occupe d'un budget de dévédés pour notre département universitaire (j'en suis chargé pour deux ans). Je vois avec l'assistante pour les formulaires et comment les remplir. Je sélectionne une quinzaine de films et en relève les références avec Amazon Japon. C'est la moitié du boulot. À finir la semaine prochaine.

Puis de revenir sur Tokyo en regardant, enfin!, le dernier épisode de Petits Meurtres en famille...


Samedi 6 octobre 2007. Les acomptes de vie rêvée.

Nos vies avancent Nos vies avancent Nos vies
avancent et chaque fois que les mots s'écrivent nos vies ont avancé et il n'y a pas deux fois
la même lecture le même o
Nous avançons dans la vie on se donne le beau rôle mais il ne sert à rien de bouger
S'avancer n'est pas ce qui fait avancer nos vies elles
avancent toutes seules
Ce sont nos vies qui avancent et pas nous
Nos pas ne nous avancent pas dans la vie ils nous avancent dans l'espace
et c'est toujours n'importe où
la vie en soi n'est pas la même chose que ce qui se passe dans la vie
or quoi qu'il se passe même la vie rêvée même la vie en or
toutes les vies se valent parce que ce n'est jamais que
de la vie Rien de plus que de la vie
Et si on veut croire que ça nous avance à quelque chose ce n'est pas sur la vie qu'il faut compter
La vie qu'il faut conter ne s'avance pas devant nous ne se pavane pas
conter pour compter ce n'est pas le même o
Ou bien ce qui compte ne peut être conté personne n'a la vie
assez longue pour remonter l'avance les acomptes de vie rêvée
Sinon pour rien produire livrer compter faire sens de tous les o tous les petits riens
qui se pavanent pendant que nos vies avancent.

Avec T., longue et un peu houleuse discussion avant pendant et après le déjeuner au saint-Martin, pour savoir ce qu'on va faire dans les années à venir. Devant quitter avant avril 2009 l'appartement que j'occupe près de l'université à un tarif très avantageux, une grande diversité de possibles se présente à nous : acheter une maison pour investir un peu, mais à Tokyo ou à Nagoya ? T. a peu d'attaches à Nagoya, même si la surface accessible changerait du simple au double. Et si maison achetée à Tokyo, alors appartement à louer à Nagoya, mais pas trop cher sinon plus de budget pour les voyages en France. Un équilibre très difficile à trouver, donc. Mais est-il raisonnable de continuer à être séparés la moitié de la semaine ? À moins que ce soit précisément un facteur de longévité du couple ? On n'en sait rien. Et comment savoir ?
Le point très positif, c'est que nous avons un bon contact avec un agent immobilier que j'ai connu il y a près de sept ans, résidant lui-même dans le quartier de l'université et qui a bien compris ce que nous cherchons. En témoigne l'offre d'une maison (déjà vendue la semaine dernière) qui correspond à peu à tous les critères demandés. Et en effet, c'est deux fois moins cher qu'à Tokyo. Mais l'investissement vaudrait-il ? Dans quinze ans, pourrait-on revendre et dégager de l'argent pour notre fin de vie ?

Commentaires

1. Le dimanche 7 octobre 2007 à 02:01, par brigetoun :

ben pas tout à fait d'accord, si nous nous en désintéressons nos vies prennent une dimension dans le temps mais n'avancent guère, et on se retrouve à la fin avec un plus ou moins charmant espace lisse et totalement vide. Pas tragique. Pas très gratifiant non plus.

2. Le dimanche 7 octobre 2007 à 04:56, par Manu :

Alain Souchon ?

3. Le dimanche 7 octobre 2007 à 05:17, par Berlol :

Très honoré...

4. Le dimanche 7 octobre 2007 à 20:27, par Manu :

Au fait, il faudra qu'on organise une petite visite de notre nouvelle demeure, ça pourrait vous aider dans vos choix.

5. Le dimanche 7 octobre 2007 à 21:23, par Berlol :

Ouais ! Bonne idée ! Le week-end prochain, ça risque d'être difficile (pour cause de cinéma à l'Institut). Mais le week-end suivant, pourquoi pas ?



Dimanche 7 octobre 2007. Beaucoup moins bien que le cèdre.

Philippe Rahmy dans Des Mots de minuit du 3 octobre (France 2).

Un nouveau disque de Bran Van 3000 à la fin du mois. Oui, ça n'a rien à voir. Ça arrive.

Je me suis souvenu ce matin que j'ai oublié de parler d'une rencontre d'hier. En arrivant au Saint-Martin, nous avons trouvé un couple de connaissances, français, avec leur petite fille. Lui, je l'ai retrouvé un jour de mai dernier dans le shinkansen, on avait bien sympathisé. Leur demandant comment leurs vacances s'étaient passées, ils nous disent qu'à peu près bien sauf... que British Airways a perdu leurs bagages à l'aller, ne les a jamais informés et ne leur a jamais rien proposé, et que de leur côté ils n'ont jamais réussi à joindre qui que ce soit. Ça fait maintenant huit semaines ! Horreur ! Nous leur narrons brièvement ma galère de l'an dernier et comment T. m'en avait sorti en ramant depuis Tokyo. Ils nous disent que la quantité de bagages égarés cette année est encore supérieure à celle de l'an dernier. Malgré cela, nous leur promettons de contacter la personne qui fut efficace et de voir si elle peut s'y remettre pour eux...

À propos de « l'amertume d'un concombre pas mûr », il y a peut-être une erreur de traduction, ou à tout le moins un raccourci culinaro-culturel. En effet, le concombre au Japon est petit mais, même quand il n'est pas mûr, il n'est pas amer (pas plus qu'en France). En revanche, il existe un légume qui ressemble au concombre par la forme, la couleur et la longueur, le goya, quasi inconnu en France, très populaire à Okinawa, à la surface bosselée et grenelée, et qui est TRÈS TRÈS amer. À vérifier sur le Murakami dans le texte...

Je suis enfin retourné, avec T., au centre de sport de Shibuya. Depuis notre retour de vacances, le temps nous avait manqué. Pédalage de 40 minutes (en relisant les premiers chapitres de L'Étranger) puis machines pour entretenir muscles et souplesse. Enfin, le bonheur du sauna et du bain.  Je regrette juste que le mist sauna soit maintenant parfumé au menthol, c'est beaucoup moins bien que le cèdre. À 14 heures, on se retrouve au 9e étage pour déjeuner d'une soupe et d'une salade verte avec thon, maïs et tomate.
Au magasin Tokyu Honten pour une housse de table à repasser. Dieu que c'est trivial ! Et difficile à trouver ! On a déjà fait plusieurs magasins, bredouilles. C'est ici que T. avait acheté la table... Et de fait, on n'en a pas en rayon mais il est possible de commander sur la catalogue du fournisseur. Ce que nous faisons. (À la maison, chemises et corsages à repasser s'amoncellent...)

Dîner et après, avec Immortel (Ad Vitam), film d'Enki Bilal (2004). Beau graphisme, effets spéciaux, maquillages, etc., mais piètre film. Tournant autour du thème de l'humanité, l'image en manque pourtant.

Commentaires

1. Le dimanche 7 octobre 2007 à 16:01, par jcb :

La traduction est de Corinne Atlan.
Bien sûr qu'il faudrait voir le texte original.
Cette phrase est la dernière du 9ème paragraphe du premier chapitre, donc tout au début du livre...
Si tu entres dans une librairie ce serait facile de vérifier...

2. Le dimanche 7 octobre 2007 à 16:19, par Berlol :

Merci pour l'emplacement de la phrase, je vais essayer.
Bonne continuation.

3. Le samedi 17 novembre 2007 à 13:00, par phil rahmy :

point commun: Bran Van 3000 et phil rahmy sont deux collectifs :)
bise



Lundi 8 octobre 2007. Son ton, sa gouaille, mais là.

Idée pour faire participer un groupe d'étudiants au 150e Anniversaire des Relations Franco-Japonaises...
Mais je la garde pour moi.

Jusqu'à vendredi prochain, possibilité de revoir l'émission Esprits libres (France 2, du 5 octobre), avec Patrick Modiano et Pascal Quignard. Rien que ça ! Je ne dis pas que je goûte spécialement Guillaume Durand, son ton, sa gouaille, mais là, ça s'impose.

Il a plu un peu ce matin, il bruine encore cet après-midi, après notre déjeuner d'huîtres frites, mais cela ne m'empêche pas de sortir, pendant que T. prépare ses cours. À Yurakucho, j'admire les nouveaux buildings sortis de terre cet été et qui seront accessibles le 12, semblables à cinquante autres buildings nouveaux que nous avons eu l'occasion de visiter depuis des années, avec des boutiques sur 4 ou 5 niveaux, puis des restaurants, puis des bureaux, les mêmes escalators, les mêmes promos, les mêmes hauts-parleurs pour canaliser les porte-monnaie sur pattes, je ne sais pas qui ça peut encore amuser. Seul l'aspect architectural externe me semble intéressant dans le couchant. Peut-être n'est-ce intéressant que dans le couchant, d'ailleurs.
Carrefour de Ginza. Un carillon sonne six heures. Une petite voiture de police fait remonter les piétons sur les trottoirs, c'est la fin de la permission de marcher dans l'avenue, accordée aussi aujourd'hui en sus du dimanche parce que c'est férié.
Je vais, c'est mon but, chez Yamano Music. La sélection de films étrangers y est meilleure et plus large qu'ailleurs — pour les endroits que je connais. J'y trouve l'édition japonaise de Mortelle Randonnée (C. Miller, 1983), de L'Argent (Bresson, 1982) et de Tombés du ciel (Lioret, 1993). De quoi alimenter le séminaire de cinéma...
Dans le métro, j'écoutais Volodine dans Du Jour au lendemain. Il finissait sur les oiseaux des Songes de Mevlido. Par hasard, quand je sortais à l'air libre, ça enchaînait (dans mon i-River) sur les oiseaux du Promeneur prose, poète, dernier épisode — le meilleur, selon moi — de la fresque radiophonique de Dominique Meens et Francis Gorgé (Surpris par la nuit, le 1er juin 2007).

« À partir du moment où on ne se réclame pas d'un territoire et donc derrière cela d'une nationalité particulière, c'est quelque chose sur quoi j'ai insisté à de nombreuses reprises, publiquement, en disant que j'écrivais en français une littérature étrangère. Cette littérature étrangère, c'est celle des écrivains que je mets en scène, de mes personnages écrivains, prisonniers, on pourra en parler peut-être tout à l'heure encore, mais ce qui est important dans l'intention, c'est de ne pas s'attacher à un drapeau, de ne pas s'attacher à une nationalité et au contraire de s'attacher à quelque chose qui est très fort qui est se réclamer de l'appartenance à l'humanité, à l'humain en tant que tel et la voie de mes personnages est une voie qui a le souci toujours de ne pas reproduire les divisions qui nuisent à l'humanité, aujourd'hui. Et c'est une voie systématiquement internationaliste et débarrassée de toute préoccupation chauvine.» (Antoine Volodine dans Du Jour au lendemain du 27 septembre)

« Quant aux araignées qui envahissent la Terre peu à peu, c'est un symbole de ce pessimisme qui a pris le narrateur qui se trouve derrière tout cela, Mingrelian, et qui imagine une humanité qui, non seulement est déficiente, désastreuse, et fait guerre sur guerre et génocide sur génocide, rate tous ses projets, mais en plus s'éteint, et d'une certaine manière on peut dire ouf !, parce qu'une autre espèce intelligente prend sa place, une espèce qui pour nous est vraiment effrayante, celle des araignées, mais qui vont couvrir la Terre et créer un semblant de civilisation sur les ruines de l'humanité, mais qui, finalement, même si après l'amour elles mangent leur partenaire sexuel, ça on le sait, n'ont pas de théoriciens ou de théoriciennes du génocide, de l'inégalité sociale, et finalement — voilà un exemple d'humour du désastre — on peut avoir l'espoir qu'une espèce intelligente non génocidaire apparaisse sur Terre.» (Ibid.)

Overdose d'Ozon. T. avait ramené trois dévédés de la fac. Gouttes d'eau sur pierres brûlantes nous a un peu peinés. On sent bien la composition appliquée, les décors léchés, et l'immobilité de la caméra m'attriste et m'endort. En revanche Sitcom (1998) se laisse revoir. Le rat du patriarcat contamine toute la famille, jusqu'à ce qu'elle puisse s'en débarrasser pour vivre décomplexée. Le tout, enlevé, même si la caméra ne bouge pas souvent.

Commentaires

1. Le mardi 9 octobre 2007 à 00:49, par Bikun :

Cette photo est très belle avec ses citrouilles dont les couleurs sont saturées...

2. Le mardi 9 octobre 2007 à 06:16, par Manu :

Oui, belles lumières et couleurs, très automnales tonalités.

3. Le mardi 9 octobre 2007 à 08:06, par Berlol :

Merci, les gars ! Les citrouilles avaient un éclairage indépendant, masqué mais chaud. l'esplanade du Tokyo International Forum était encore mouillée. J'ai cherché à avoir une ligne de fuite et le premier plan bien distincts l'un de l'autre. Selon l'écran sur lequel je la regarde, la photo est juste lumineuse, ou un peu sombre. Bikun, avec ton nouvel écran de compétition, c'est comment ?

4. Le mardi 9 octobre 2007 à 09:30, par Bikun :

Quand j'ouvre la photo, la première chose que je vois ce sont les citrouilles! Et puis petit à petit mes yeux s'habituent et vont chercher le reste. C'est un peu sombre mais ce n'est pas pour me déplaire...



Mardi 9 octobre 2007. Le temps chute en torrent.

Levé, lavé, habillé, deux tartines, un œuf, un bout du 20-Heures en commentant avec T. à peine réveillée, et me voilà parti sur les chemins. De fer. Encore le 9h03. Bien calé dans mon fauteuil à demi incliné, je dissous la traversée du Japon dans les deux tiers de Mortelle Randonnée (Miller, 1983) — je sais, ce n'est pas bien vis-à-vis de la littérature, que je délaisse quelque peu, mais je n'ai pas le choix, faut aussi préparer le séminaire de cinéma... Très vite, je me rends compte que ce film fait partie de ceux dont on a toujours entendu parler, que l'on est sûr d'avoir vu, comment pourrait-il en être autrement ! Jusqu'au moment où on le revoit. Et là, il faut se rendre à l'évidence : je ne l'avais jamais vu. Ça m'absorbe complètement, même si j'y retrouve l'espèce de fixité du regard et du visage qui font que je n'aime pas trop Isabelle Adjani — sans vouloir lui oter aucune qualité. Michel Serrault est beaucoup plus expressif. Évidemment, dira-t-on, puisque c'est sa subjectivité qui envahit la fiction alors qu'Adjani est une sorte d'astre inaccessible. Mais n'est-ce pas toujours le cas avec chacun d'eux ? On peut dire que le casting est bien fait. Ça commence par des crimes de luxe et puis ça descend, on se demande jusqu'où.

Après ça, le temps chute en torrent, irrépressiblement : un cours puis l'autre, puis la réunion du département et il est presque 19 heures. La réunion était importante puisqu'elle contenait l'organigramme des cours de l'an prochain, à discuter, et les dispositions relatives au voyage en France avec les 32 étudiants sélectionnés.

Avant le dîner, je m'offre un peu de détente... qui n'en est pas vraiment. Un article de L'Humanité sur Pierre Bergounioux, ce n'est pas nouveau (septembre 2007), mais jamais trop tard. Puis, plus en prise avec mon milieu tout vivant de littérature, le compte rendu de François Bon après le forum SGDL numérique d'hier. Fera date. Et toujours regret pour moi que ce soit « le livre parole vivante » et non « le texte... ». Pas la faute de François, c'est une imprégnation globale, et trop d'intérêts en jeu derrière les prétendus soucis esthétiques et culturels pour que ça change. C'est d'ailleurs, ce que François dénonce. En même temps que la mainmise du roman sur la littérature. Pas encore le temps de voir les vidéos, demain sans doute. Forte déception tout de même, de voir comme Assouline a bien réussi son OPA sur le web littéraire. Il occulte maintenant plus de la moitié du champ, partout on l'adule, on se dit son ami, on suit sa voie (même quand, ici ou là, on continue à l'appeler la République des lettres, sans doute parce qu'on ne sait pas lire). François non plus n'ose pas en dire de mal. N'en pense pas, peut-être. Alors qu'il me serait impossible de siéger à sa table tellement ça me scandalise. Ça tombe bien, on ne me le demande pas, non plus.
Je me calme en dînant avec Ce soir ou Jamais d'hier, un des dix meilleurs soirs ! Le débat sur la colonisation est remarquable, très instructif et bien mené. Faut dire qu'avec Hélène Cixous, Pascal Blanchard ou Alain Gérard Slama, ça ouvre des horizons discursifs beaucoup plus originaux que dans l'émission de jeudi dernier, avec BHL, où tout était tellement évident que ça en devenait inutile et déso(pi)lant.

Commentaires

1. Le mardi 9 octobre 2007 à 15:05, par brigetoun :

Je viens de regarder Ce soir ou Jamais ou du moins une moitié. C'est un sujet sensible. Mon grand père a été commandant en chef en Indochine, et si je n'ai pas le droit de lui reprocher son métier, s'il m'a fait connaître jeune des vietnamiens (pas peuple du tout) je n'ai pas de problème pour accepter les descriptions sur la colonisation ignorance etc... pour l'Algérie mes deux grands parents paternels y sont nés à la fin du 19ème, ils étaient issus de petites gens persuadés ou forcés de s'y installer, mais il ne fait aucun doute que cela n'aurait pas dû être. Mais ils étaient algériens et si la France avait su donner leur chance aux indépendantistes de Messali Hadj ils le seraient restés. Quand au coté invisible des musulmans pour les européens ça a certainement été le cas pour une bonne partie, pas pour moi enfant (nous étions trois non musulmanes dans ma classe, et les difficultés pour des rapports normaux entre leurs mères et ma tante qui m'hébergeait étaient plus d'origine sociale que raciste). J'ai toujours mal à l'Algérie.
En gros : pas question de parler des bienfaits de la colonisation, même si certains de bonne foi y on cru, les bases étaient fausses, ils étaient cocus. Mais je n'aime pas que pour soutenir une bonne cause on noircisse le tableau. Même si le comportement des européens n'était pas toujours mauvais, c'est leur présence qui l'était.



Mercredi 10 octobre 2007. Et la petite moustache.

Bravo, Philippe ! J'aime beaucoup celui avec le bandeau noir et la petite moustache. Enfin, si l'on peut dire aimer...

« C'est alors que Tristan, quand il travaille, quand il joue le jeu et pose un peu ce front noir livré aux répugnances sur la copie, commence à fréquenter l'éminence : ses plaisanteries ineptes et trop, ses dissertations railleuses et iconoclastes, ses vers satyriques aux ficelles subtilement sottes et brillamment brutes lui valent les éloges un peu à regret des maîtres empapaoutés.
Il fond les plombs d'étiquette, il mêle les registres, il imagine et trouve davantage qu'il n'observe mais si énergiquement, dans un tel emportement qui sauve, une telle fièvre d'élévation que, quoi qu'on puisse avoir à reprocher, l'infidélité au sens, la liberté frondeuse du commentaire, la pilule passe sous la mention « urgence ». C'est un être qui déboule un peu en trombe de son secret et cela fait mal : les auteurs daubés, la prose revue, le vers tourmenté, la langue moquée et salopée, l'anagogie refaite en grand.
Une étoile, en somme, est née.
Une étoile noire.
Et tous s'inclinent devant la profondeur qui aspire, l'appel qui soumet et l'aura qui sidère.» (Emmanuel Tugny, Corbière le Crevant, p. 41)

Extrait de ma lecture au centre de sport où je suis allé après les deux cours du matin et avant d'aller en réunion. À cette heure-là, entre 13 et 14 heures, il n'y a presque personne. Vélos, machines, douches, sauna, comme si c'était chez moi, ou quasi.

Chaque soir, je m'arrache quelque chose pour écrire, je me fais violence au lieu de suivre la pente du livre et du lit, je reste devant l'écran après avoir lu, vu, entendu, vécu différentes choses dans la journée et j'attends l'ouverture. J'attends qu'une idée, souvenir ou sensation donne la première impulsion, après quoi je me laisse écrire. Je contrôle, je laisse, je contrôle et ça prend la forme que je veux dans ce que ça peut. Et c'est un exercice que j'appelle littérature et auquel je m'astreins en temps réel tous les soirs. Quand je laisse un espace pour une citation parce que je n'ai pas le temps, je ne déroge pas à la règle parce que la structure d'ensemble du billet est déjà achevée. Si ça entraîne des méprises sur le sens de l'ensemble, si l'équilibre des parties n'apparaît pas, et je ne dis pas qu'il est toujours réussi, et si ça laisse à penser à des lecteurs que ce n'est pas de la littérature parce que ce n'est pas du récit, eh bien, tant pis, ça ne dépend pas de moi et ça ne me dérange pas. Nous sommes dans la république des lettres, après tout.
Ce soir, par exemple, après la délicieuse soirée à la terrasse du Tiger Café de Fushimi avec Sophie et Andreas, je pourrais me demander pourquoi je ne vais pas directement me coucher, pourquoi j'attends que vienne ce que j'ai à dire. Mais je ne me le demande pas. J'attends. Parce qu'un tel sentiment de bien-être avec des gens, leur conversation, les plats, la nuit sur le trottoir, devant la ville éclairée, n'est pas si courant, je m'interroge sur les lois qui nous font choisir nos amis parmi tout ce que nous rencontrons de tarés, de menteurs, de vicieux ou d'âpres au gain. Après, qu'il ait été question de New York, de Cerisy ou d'Enoshima, c'est tout à fait secondaire, dans un sens.

Commentaires

1. Le mercredi 10 octobre 2007 à 12:01, par sans :

La littérature est à la portée de tous, sans doute.

2. Le mercredi 10 octobre 2007 à 12:02, par Philippe De Jonckheere :

Content que cela te plaise. C'était fait un peu dans la haine, du coup avec le recul je crois que je devrais laisser de côté celui du béret, trop connoté personnellement (pour des raisons de souvenir d'enfance très déformés, béret = extrême droite) et celui de l'étron, trop facile, mais une fois de plus guidé par la haine, sans doute aussi mauvaise conseillère que la colère. Mais je ne retire rien.
Amicalement
Phil
PS si je devais recevoir une réponse à mon courrier de la part du ministère, je te tiendrais informé.

3. Le mercredi 10 octobre 2007 à 12:21, par brigetoun :

problème : celui de l'étron est peut être le plus esthétique

4. Le mercredi 10 octobre 2007 à 12:27, par alain :

Ce texte de Tugny, c'est quoi ? c'est bien, dis donc, quelle écriture !

5. Le mercredi 10 octobre 2007 à 16:16, par Berlol :

Oui, c'est bien. C'est grâce à Laure qui me l'a envoyé. Il sera question de Tugny dans les Mardis littéraires mardi prochain...
Et pardon pour les fautes que j'avais faites en tapant, je crois qu'elles sont toutes corrigées, maintenant.

6. Le jeudi 11 octobre 2007 à 12:19, par Laure L :

Moi aussi, Philippe, j'adore, j'ai peine à choisir.

7. Le jeudi 11 octobre 2007 à 13:00, par François :

Tugny, c'est grand !



Jeudi 11 octobre 2007. Essayer d'éviter l'hypéronymie du mot livre.

« Je l'entends qui gratte de l'autre côté du mur, qui gémit, qui appelle comme un prisonnier, je l'ai enfermé le temps d'aller faire des courses, il faut bien que je fasse des courses, mais son gémissement, je ne peux pas l'entendre, il gratte contre le mur, c'est à cause de moi, je vais le laisser seul le moins longtemps possible, lui expliquer pourquoi je suis obligé de l'enfermer, le médecin m'a dit que je pouvais lui expliquer, il paraît qu'il peut comprendre parfois, il ne faut pas hésiter à lui dire, on ne peut pas vivre comme ça, l'un enfermant l'autre pour sa sécurité, on ne peut pas, ça ne marche pas, ça ne sert à rien, l'amour est impuissant, ça ne sert à rien d'aimer quelqu'un, de l'avoir aimé, l'amour n'est pas plus fort que la mort, c'est une illusion qui se dissipe dès que la maladie arrive, c'est trop dur, je n'ai pas assez de force, l'épreuve est trop difficile, c'est trop difficile d'enfermer l'homme qu'on a aimé et de l'entendre gratter de l'autre côté comme une bête.» (Olivia Rosenthal, On n'est pas là pour disparaître, p. 198)

« C'est toi qui ouvres la porte. Tout le temps, c'est toi. Quand je veux le faire, ça ne marche pas, la porte ne s'ouvre pas, je m'acharne mais elle ne s'ouvre pas. Je crois bien que tu m'as enfermé, tu fais comme si ce n'était plus chez moi, je pisse dans les coins pour te prouver le contraire.

Au lieu de raconter la vie d'un homme telle qu'elle s'est produite, on pourrait entrer dans son esprit et décrire comme on le ferait d'une carte de géographie les zones inexplorées qu'il a renoncé, malgré son désir, à conquérir. On pourrait analyser ce renoncement, mesurer le rapport entre les aspirations et la réalité et tirer de ce rapport diverses conclusions sur la lâcheté, la paresse, la pusillanimité. Celui qui obtiendrait un chiffre inférieur à un serait considéré comme un velléitaire. Les autres auraient le droit de s'autoféliciter.» (Ibid., p. 202-203)

J'ai rouvert le livre et retrouvé ces passages mis de côté. Parce que je veux dire — et redire avec toi, François — que c'est une œuvre littéraire exceptionnelle, dont nous avons et aurons, du fait même de cette qualité, toute la peine du monde à éviter l'empathie, l'identification, la projection. Pourtant, c'est ce qu'un lecteur doit faire, je crois, pour éviter de tomber dans le piège : lutter contre la qualité de l'œuvre pour ne pas tomber dans le piège de la maladie, dans le piège de croire l'avoir, dans le piège de croire la voir partout autour de nous.
Pour se convaincre de la différence — essentielle à mes yeux — entre l'œuvre littéraire d'une part et le discours ou le document médical d'autre part, il conviendra d'aller écouter Ce soir ou Jamais d'hier, au moins la première partie, où il est question de la maladie d'Alzheimer (avec ce lien qui fonctionne, contrairement à celui donné dans la page d'accueil, et l'émission de la veille encore plus intéressante, surtout le passage sur l'ADN...).
Car ce que disent les spécialistes, dont Martin Winckler, fort intéressant au demeurant, n'est pas un système de voix travaillées, n'est pas musicalement aiguisé, n'entretient pas un conflit subtil entre des statuts de l'écrit, et, par conséquent, n'est pas de même essence que le texte éminemment littéraire d'Olivia Rosenthal.

(Je vais essayer d'éviter l'hypéronymie du mot livre, car c'est elle qui entretient la crispation symbolique de nombre de gens pourtant cultivés et sert les intérêts des chefs de produits que sont maintenant la plupart des éditeurs de livres. Je ne l'emploierai plus, si j'y parviens, que pour l'objet lui-même. Pour le contenu, transposable sur d'autres supports, en partie à inventer, en partie existants, je parlerai de texte et d'œuvre. Que l'on veuille bien noter — pour éviter des procès inutiles — que je n'oublie ni n'efface pour autant les différences de perception, de sensation, de réception qui existeront toujours entre différents supports d'un même texte, produisant des œuvres différentes ; c'est juste une autre question.)

Phénomène mécanique.
Plus je dis du mal de lui, plus il monte. Il me doit tout.

Depuis trois jours, il commence à faire frais dans le soleil.
Tissu plus épais, manches plus longues, veste.
Écharpe, même, pour le vélo le soir.
Et tout change dans le mode de vie.
Tout est plus urbain, sérieux, mais pas encore gris.
En classe, plus besoin d'air conditionné.
On s'entend mieux et les subtilités du français s'épanouissent.
Les débutants en sont à l'imparfait et au calcul mental.
Les cinéphiles scrutent l'enchaînement des plans et des objets qui mènent au meurtre.
Téléphone, taille-crayon électrique, gants, corde à grapin, porte capitonnée, rapport de la DST, pistolet.
Avant et après oui, mais personne n'a vu ni entendu tuer le marchand d'armes qui le méritait mille fois.

Commentaires

1. Le jeudi 11 octobre 2007 à 11:39, par benjamin :

Argll... oui mais on ne s'en sort plus : le mot « œuvre » a quand même du plomb dans l'aile depuis un petit bout de temps (un siècle au moins ?)... Même si je ne pense pas qu'il soit devenu absolument inutilisable, j'évite pour ma part de m'en servir de trop, pour lutter contre sa tentation (prétention ?) totalisatrice. À travers la critique de la forme « roman » tel qu'elle s'est réifiée, c'est aussi le concept de l'œuvre unie qui est visée, je crois, par exemple par François Bon il y a trois jours au forum SGDL. La crispation autour de l'objet « livre » (dont je suis d'accord avec toi, par ailleurs, qu'elle correspond à un fétichisme qui sert en grande partie le monde de la marchandise) cache en fait une crispation, moins souvent avouée, autour d'une certaine conception, disons romantique (pour aller très vite), qui est à la fois une forme de mythe dont il serait illusoire de croire qui que ce soit tout à fait indemne, et à la fois mythe qu'il est urgent d'« interrompre » (au sens que donne JL Nancy à ce mot dans La communauté désœuvrée ; de mémoire, il a aussi une jolie formule : « la voix de l'interruption, c'est la littérature (l'écriture) »).
Adorno : « Les œuvres qui comptent aujourd'hui ne sont plus des “œuvres”. »
JL Nancy (relisant Blanchot) : « Ce qui se partage, c'est le désœuvrement des œuvres. »
Pour l'essentiel, je ne crois pas le moins du monde ces pensées datées, je les constate au contraire très opérantes chaque jour. (Il y a bien un certain côté « mythique » ou « mystique » dans la conception « blanchotienne » de l'écriture, mais précisément le « dernier Blanchot » revenait déjà sur cela.)
Bon : exit « livre », exit « œuvre ». Il reste alors le mot « texte » : j'y souscris volontiers.
(Oui mais, oui mais... dans « texte » on n'entend sans doute que le tissu, et pas le tissage (= le détissage, depuis Pénélope ?), alors que dans « œuvre » on entendait nécessairement l'opération, l'acte, et pas seulement son résultat... Et puis le livre, liber, « partie vivante de l'écorce », c'était pas mal, aussi !)

2. Le jeudi 11 octobre 2007 à 11:44, par benjamin :

Je te relis, et j'ajoute : en parlant de « crispation SYMBOLIQUE », tu as dit en fait exactement la même chose que moi. Le sym-bole a une prétention unifiante, totalisante, qui est ce avec quoi il s'agit de rompre (ce qu'il s'agit d'interrompre).

3. Le jeudi 11 octobre 2007 à 12:44, par sans :

J'aime bien les mots compliqués (surtout quand ils ne sont pas expliqués). Ils prouvent au moins que ça ne sert à rien de paraître intelligent (ça veut dire quoi "intelligent"?).

4. Le jeudi 11 octobre 2007 à 13:29, par brigetoun :

tant pis je ne change pas le billet que je viens de préparer (même passage que votre premier) - suis bien heureuse d'avoir passé outre ma gêne initiale

5. Le jeudi 11 octobre 2007 à 16:38, par Berlol :

Intelligent, c'est quelqu'un qui est capable de chercher lui-même ce que signifie un mot qu'il considère compliqué (alors que ce n'est peut-être pas le cas). Imbécile, c'est celui qui reproche sa propre ignorance aux autres (alors qu'il pourrait chercher lui-même le sens des mots).
J'en profite pour rappeler à "sans" qu'il a déjà été exclu des commentaires de ce journal. Feint-il de l'ignorer ou est-il atteint de la maladie de A. ?
Ses commentaires étant systématiquement dans un registre qui va du stupide au dégradant, je réactive pour lui cette mesure d'exception.

6. Le jeudi 11 octobre 2007 à 17:05, par christine :

joli ton aphorisme à la Chevillard (version blog) sur Assouline, mais je ne comprends pas bien pourquoi tu lui en veux à ce point (à moins que tes propos ne soient que pure « captatio audienciae » par le dénigrement, mais je ne peux l’imaginer venant de toi)
quant au débat terminologique du jour, je m’inscris en faux : « livre » est un joli mot (surtout en français par ses affinités avec « libre », « lit », « ivre », etc.) et (même si je partage à 200% ton avis sur les « chefs de produits ») je compte bien l’employer quelque temps encore sans me voir accuser de fétichisme ni de « crispation symbolique »
d’autant que, comme l’écrit fort bien benjamin, « œuvre » a ses inconvénients, et « texte » est aussi très connoté structuralisto-formalisto-années70
ou peut-être faut-il donner carrément dans l’hyponymie et parler de « mots », de « lettres », voire de « code source » ou de « pixels » ?

7. Le jeudi 11 octobre 2007 à 17:26, par Berlol :

Je tiens un livre à la main. Il contient un texte auquel mon jugement et ma sensibilité donnent — ou ne donnent pas — le statut d'œuvre littéraire. C'est tout. Et si chacun faisait attention de la sorte dans les débats actuels entre acteurs institutionnels (dont je ne fais pas partie), ça irait mieux. Mais bien sûr, je comprends et partage vos réactions, car ces mots sont beaux et ont une histoire ineffaçable. Quand la crispation symbolico-commerciale sera passée, nous les redéploierons !
Pour le nain littéraire, pas de captation, je ne cite d'ailleurs même pas son nom, quand c'est possible. Je n'aime pas comment il a déboulé dans le monde du blog en se prétendant d'emblée spécialiste (et comment un certain public l'a rapidement rendu incontournable — c'est aujourd'hui le Sarkozy du blog littéraire, il occupe tout le terrain), je trouve son écriture mièvre et boiteuse, ses thématiques communes et doxiques, surtout quand on sait les positions qu'il occupe et l'accès aux informations littéraires qu'il a, dont d'autres, plus inspirés peut-être, pourraient faire un réel terrain de création réticulaire.
En revanche, tu as tout à fait raison, l'aphorisme est en hommage à Chevillard...

8. Le vendredi 12 octobre 2007 à 01:21, par brigetoun :

plus simplement je n'aime pas ce qui est évident, celui qui a voulu être évident ou a accepté de l'être, sauf à exiger de lui une qualité quasi impossible à atteindre

9. Le vendredi 12 octobre 2007 à 03:08, par vinteix :

Suis tout à fait d'accord sur la primauté du "texte" ou de l'"oeuvre" sur le "livre", avant tout objet ; mais comme vous le disiez, Berlol et d'autres, tous ces mots ont, au-delà de leur étymologie, une histoire déjà "lourde", aux connotations et références multiples... alors, pas facile de changer tout à coup - sans faire de "tabula rasa" - des siècles d'histoire littéraire ou en tout cas de discours sur la littérature pendant lesquels le seul support des textes ou oeuvres littéraires a été précisément le livre (ou le journal ou la revue depuis le 19eme siècle... en tout cas, tous objets-papier)...

Mais je pense que le mot "texte" devrait "l'emporter" très bientôt... tout en espérant conserver le "livre", évidemment... Je suis fétichiste, pas comme toi, Berlol... enfin, autrement... car toi ce serait plutôt l'écran, non ?... monstre-mutant que tu es, à mes yeux, en avance sur l'époque (en tout cas sur moi) capable de lire un roman entier sur des pages d'écran...

10. Le vendredi 12 octobre 2007 à 07:03, par benjamin :

Sans aucun rapport avec ce qui précède : je viens de tomber par hasard sur tes archives d'avril 2004, où tu dis, je cite : « Au bureau pour régler les affaires courantes : préparation des cours de la semaine prochaine, médiation pour un colloque Sand en octobre à Tokyo, stockage des émissions avec Lacoue-Labarthe de la semaine. »
d'où ma question : as-tu toujours en stock la série « à voix nue » avec Lacoue-Labarthe ? Au cas où la réponse serait oui : je suis TRÈS intéressé... Je ne sais pas si je peux récupérer ça d'une façon ou d'une autre (ftp ?). (Je ne sais pas ce que je peux faire valoir en échange, mes archives radio sont moins riches que les tiennes...)

11. Le vendredi 12 octobre 2007 à 07:34, par Berlol :

Pas de problème, j'ai ça en rayon. Je vais te les mettre en ligne et t'envoyer l'adresse demain par courriel.

12. Le vendredi 12 octobre 2007 à 15:41, par benjamin :

wonderful ! merci beaucoup.



Vendredi 12 octobre 2007. Toujours utile, ces vieilles histoires !

Pas de journal ce soir. La journée a été longue et je n'ai pas encore fini de préparer le cours sur le début de L'Étranger pour demain matin.
En attendant le complément, une promenade dans la Bibliotheca Classica Selecta ne peut faire de mal à personne. C'est toujours utile, ces vieilles histoires ! Même sur de nouveaux supports...

« Il y a des règles à observer, soit en parlant, soit en écrivant. Le langage a pour fondement la raison, le temps, l'autorité, l'usage. La raison s'appuie principalement sur l'analogie et quelquefois sur l'étymologie. Le temps donne aux mots anciens une sorte de majesté, et, pour ainsi dire, de sanction religieuse.» (Quintilien, Les Institutions oratoires, [1,6,1])

Du lendemain matin.
Dans les quelques heures d'une matinée (celle d'hier, donc), il fallait que je finisse la liste des films à commander pour le rayon français de la médiathèque universitaire, puis que je porte les bulletins de commande signés pour acceptation par le bureau en charge, mais il fallait aussi, surtout peut-être, que j'aille avec mon chef de département me faire expliquer en détail comment se constitue un dossier de demande de subvention de recherches nationale (かけんひ). Dans des interstices, déjeuner avec mes collègues et discuter de la préparation administrative du voyage à Orléans.
Puis le départ.
Puis prendre des notes sur Camus dans le train. Dormir un peu, n'y tenant plus.

Dîner avec T., pas de télé, revenir sur le dossier à remplir. Enfin me mettre à fond sur cette fausse simplicité d'un texte connu dans le monde entier. Et qu'est-ce que moi je vais bien pouvoir en dire — de plus, peut-être... Qui sait ?

Commentaires

1. Le samedi 13 octobre 2007 à 00:55, par brigetoun :

faire la critique de ce qui a été dit, ce serait une facilité ?

2. Le samedi 13 octobre 2007 à 01:16, par Berlol :

Je ne vous suis pas... Si c'est pour Camus, j'y reviens ce soir.

3. Le samedi 13 octobre 2007 à 02:54, par brigetoun :

c'était pour Camus - en réaction primaire à votre interrogation sur ce que vous pouviez en dire après tout ce qui l'a été

4. Le samedi 13 octobre 2007 à 10:59, par christine :

sans "sans" ... j'espère que tu n'as pas mis a exécution ta menace de l'expédier en birmanie ?



Samedi 13 octobre 2007. Le serpent du langage se mordra la queue.

Lever à six heures pour mettre quelques notes en forme. À dix heures, je suis dans une classe de l'Institut franco-japonais de Tokyo et commence les préventions d'usage : parce que la distance temporelle, la distance culturelle et la distance de la popularité éloignent généralement du sens d'une œuvre, il convient de revenir au texte-même et le recontextualiser de l'intérieur en s'ouvrant d'abord à sa cohérence interne.
L'Étranger d'Albert Camus, c'est un récit dont l'une des ambitions est de donner un sens à son titre.
La première phrase est un triple coup qui transperce la carapace du lecteur : aujourd'hui qui actualise radicalement, maman qui renvoie chacun à la sienne et morte qui la lui fait perdre, ou reperdre (pour peu qu'on y ait tenu). Cet affect majeur est tout de suite nié par la violence administrative du télégramme (c'est pour cela qu'il est cité, et pas seulement évoqué). Affecté ou non, le narrateur fait ce qu'il faut : il vérifie si c'est aujourd'hui ou hier (dans l'alinéa, sinon où donc ?), demande un congé, planifie son voyage et s'y prépare, sortant un instant de son monologue intérieur pour nous situer deux villes, Alger et Marengo, soit l'Algérie française en synecdoque (quand Camus écrit, de 1938 à 1940, il ignore même qu'un jour l'Algérie ne sera plus française). Mais après le télégramme, c'est le patron qui fait riper le social sur l'affectif, comme si le deuil était une faute et qu'il allait falloir s'en excuser. Gentil, au sens noble, le narrateur pense qu'en habits de deuil, après-demain, il pourra recevoir les condoléances de son patron, qu'ainsi les convenances pourront être respectées, l'affaire classée. Donc, il part. C'est parti, l'histoire commence. On sait où elle va. Mais ces deux micro-événements désagréables (la forme du télégramme et l'attitude du patron) donnent déjà l'isotopie qui fait bourdon dans tout L'Étranger : l'insolubilité du conflit entre l'individuel et le social. Cette isotopie en croisera systématiquement une autre, celle de la parole, ou du langage, ou de l'instruction. Céleste ou Raymond ne savent pas vraiment parler (dans le sens d'exprimer des concepts), à l'inverse le juge, l'avocat, le prêtre savent parler (dans le sens de tordre des concepts). Et le narrateur, Meursault ? Eh bien lui, c'est selon les moments, il sait (par exemple raconter son histoire, ou écrire la fameuse lettre) ou il ne sait pas (quand il est dans le soleil, quand il est fatigué). Il sait ET il ne sait pas. Il est à cheval. Et ça, être à cheval entre des groupes sociaux, entre des communautés, ça ne pardonne pas. L'indifférence ou la liberté, c'est pire que le parricide. Le serpent du langage se mordra la queue pour dire finalement que s'il n'a pas pleuré à l'enterrement de sa mère, c'est que c'est lui qui l'a tuée.
Avec les détails, les citations et les questions de quelques participants, on arrive vite à midi. Mais tout le monde semble content, et moi aussi : on n'est pas juste dans du texte...

Déjeuner avec T., Laurent et nos propriétaires au Saint-Martin. Je les appelle nos propriétaires parce qu'il y a après une réunion de co-propriété, mais je pourrais tout autant les appeler collègues puisque madame est ancienne professeur de français et monsieur enseignant, psychiatre et écrivain. Et ils tombent d'accord avec nous sur l'insolente excellence des frites du Saint-Martin. Madame H. et moi avons pris la choucroute. On a un peu parlé de Camus, des traductions japonaises, puis on est passé aux nouveaux restaurants du quartier, à la fraîcheur de Kamakura, à des lectures d'auteurs contemporains, à quelques films et donc au programme de l'Institut.
Où je retourne pour voir (pendant que T. va à la réunion de syndic, donc) Les Chansons d'amour (C. Honoré, 2007). C'est une bonne distraction. Mais la mort d'une héroïne ne fait pas nécessairement un grand film.
Ai tendance à préférer plus loufoque, plus décalé, par exemple, Catherine Ferroyer-Blanchard à Alex Beaupain...

Après mon retour on bullera un peu puis, vers sept heures, on ira manger des sushis. Ça fait longtemps. Et là, on refera le monde. Ou au moins, on mettra au point notre projet de recherches et l'axe des six mois à venir. Y'a plus qu'à le coucher sur le papier...

J'ai eu beau avoir désossé le lecteur de compact-disques
le tiroir n'a pas remarché
la chaîne n'est plus qu'une radio

Commentaires

1. Le samedi 13 octobre 2007 à 17:27, par Manu :

J'ai failli partir pour le Saint-Martin et t'y attendre là-bas, étant presque sûr de t'y trouver, mais bon je me suis ravisé, car pour être à l'heure j'aurais dû partir avant la fin de ton cours or je voulais quand même être certain de ne pas faire le voyage pour rien en te contactant auparavant.

2. Le samedi 13 octobre 2007 à 17:45, par Berlol :

Dommage ! À six, ç'aurait été bien aussi ! Mais je comprends ton hésitation. Ai vu tes photos de maison, belle vue !

3. Le dimanche 14 octobre 2007 à 01:22, par Manu :

A venir voir en vrai !



Dimanche 14 octobre 2007. Souffler entre les séries de dix.

J'ai très bien dormi
pendant l'élimination de la France
Ceci explique cela

Vers 11 heures, on est au sport, derrière Shibuya. Comme d'habitude, je commence par le vélo et la lecture pendant que T. fait des étirements en discutant avec une connaissance. Puis, d'une machine à l'autre, je reprends la lecture pour souffler entre les séries de dix ou de quinze mouvements. Exceptionnellement, j'ai gardé mon téléphone portable pour qu'Éric puisse m'appeler. Ce qu'il fait avant midi, de sorte qu'on peut se donner rendez-vous pour déjeuner à une heure. Sinon, fasciné par la marche du texte dans mes pauses respiratoires, j'aurais peut-être fait le tour des machines pour aller au bout...

« Au restaurant de l'hôtel Le Gad, l'idéation de cet envers le cède à sa contemplation ébaubie. Il est là qui bave et qui piaule, il est là inventeur de langue, il est là cracheur de fumée rose, le revers du monde, elle est là puissante et lourde de queue tendue, la vie vraie, et il n'y a qu'à se pencher pour n'être ni Hugo ni Édouard ni rien de tellement alchimiste, pour être un voyant, pour voir qu'il n'y a à voir en toute chose que l'abjection superbe, que l'abjection tonitruante et triomphante, hilarante, qui est la composition même du monde : il n'y a qu'à être convaincu de la corruption du donné pour lui donner la main et se laisser entraîner par lui.
C'est une lumière noire qui éclaire l'espace, un guide, un ange mauvais et bête qui dessine le temps : qu'on anime tout cela et le monde fait rire, d'un rire jaune que travaille la vision claire et distincte du travail de la mort.
Foutre ce qui fout, rire de ce qui vous daube, être de cela le contempteur et de cela l'amant, la vie telle qu'en elle-même.» (Emmanuel Tugny, Corbière le crevant, p. 62-63)

Déjeuner au chinois Panda, en sous-sol chic, près du carrefour 109, avec Éric. Nombreux sujets dont quelques Français de Kyoto, nos voyages de l'été, mon futur éventuel passage sur les berges de la rivière aux canards, etc.
Toujours bavardant, nous passons ensuite au Tokyu  Bunkamura où je récupère la housse de table à repasser commandée l'autre jour. Et puis on se sépare, hélas, avant trois heures.
De retour à la maison, je travaille jusqu'à pas d'heure avec T. sur la préparation du dossier de demande de subvention.
En fait, si ! Jusqu'à l'heure de L'entente cordiale, film nul sur TV5 Monde que je regarde pour me détendre avant de dormir...

Nouvelle méthode pour lancer des livres : faire un scandale pour plagiat.
Automne 2007. Après Camille Laurens VS Marie Darrieussecq, voici Alina Reyes VS Yannick Haenel. Vous allez acheter adorer !
Je propose qu'une agence spécialisée dans les nouveaux livres en rayon établisse la liste de ceux qui ont au moins trois thèmes communs et propose à deux des auteurs, contre rémunération, de monter un coup de gueule en patte-graissant médias et blogs vénaux. Ou mieux encore, qu'elle mette en relation deux auteurs insatisfaits de leurs tirages pour qu'ils s'entendent, l'un plagiant un livre déjà publié de l'autre qui déclenchera l'affaire après la sortie du second livre, toujours en patte-graissant médias et blogs vénaux.
Marketing professionnel, ventes assurées.

Commentaires

1. Le lundi 15 octobre 2007 à 00:21, par brigetoun :

le dernier paragraphe m'ayant fait rire, je peux essayer d'attaquer la journée

2. Le mardi 16 octobre 2007 à 01:59, par Alina Reyes :

Vous pouvez aussi essayer de vous renseigner. Ce n'est pas une simple affaire de plagiat, c'est une crapulerie. Je la démontre peu à peu sur mon blog.

3. Le mardi 16 octobre 2007 à 02:53, par Berlol :

Chère Alina, loin de moi l'intention de prendre parti pour vous ou pour lui, vu que je n'ai pas lu les livres en question. En revanche, votre tentative de démontage / démonstration de ce que vous appelez "crapulerie" sur un blog est une première, à ma connaissance, et mérite toute notre considération. Par ailleurs, votre changement de nom d'auteur et les raisons que vous en donnez m'intéressent aussi beaucoup. Bonne continuation !

4. Le mardi 16 octobre 2007 à 03:37, par christine :

ce qui est très agaçant dans ces polémiques c'est (au-delà même de leurs aspects promotionnels et du sentiment d'être pris pour un gogo) le fait d'être sommé dès qu'on en parle de prendre parti ! je considère pour ma part que le plagiat littéraire, psychique ou pas, n'existe pas et refuse donc totalement de prendre parti pour les uns ou pour les autres ; cela ne m'empêche pas d'aimer les livres de Camille Laurens, de Marie Darrieussecq et d'Alina Reyes ... de Yannick Haenel nettement moins mais j'ai à peine commencé "Cercle" alors je lui laisse une chance

5. Le mardi 16 octobre 2007 à 17:05, par Jean-Pierre :

Je vais de ce pas acheter le livre dont vous citez des extraits. C'est tout bonnement incroyable !

6. Le mardi 16 octobre 2007 à 17:06, par Sarah :

Et vous n'avez pas lu Mademoiselle de Biche du même Tugny, c'est complètement dément. Scandaleux qu'on ne le connaisse pas plus !!!

7. Le mardi 16 octobre 2007 à 18:00, par Berlol :

Jean-Pierre et Sarah, même IP, même combat. Mais vous avez raison. Mieux vaut faire connaître Tugny que grossir les scandales. Tugny aux Mardis littéraires ce mardi 16 octobre, et c'est TRÈS intéressant ! J'y reviendrai...

8. Le mercredi 17 octobre 2007 à 04:09, par christine :

il serait intéressant de nous dire si cette IP appartient à l'un de tes correspondants réguliers ?... le livre de Tugny n'est disponible qu'à partir d'aujourd'hui pour qui ne l'a pas reçu en sp (je l'ai déjà demandé plusieurs fois en vain à mes libraires "à cause" de toi) !

9. Le mercredi 17 octobre 2007 à 04:59, par Jean-Pierre :

J'ai rencontré le même problème que vous, Christine.

10. Le mercredi 17 octobre 2007 à 05:00, par Sarah :

Je n'ai pas lu non plus le Corbière mais ça ne sera pas aussi bien que Mademoiselle de Biche, à mon avis !

11. Le lundi 22 octobre 2007 à 02:33, par Anne :

Vous connaissez Mademoiselle de Biche : montons un club de fans !



Lundi 15 octobre 2007. Hélicoptères pour des troupeaux de porcs.

Ça se bouscule pas fort pour commenter Camus, depuis samedi !...

Important rendez-vous à la banque, ce matin. On solde un crédit en remboursant toutes les traites restantes (ce qui nous évite une partie des intérêts, et d'avoir ça sur le dos encore des années). Quand c'est fini, j'invite T. au Saint-Martin pour fêter cette libération... avec un classique des classiques poulet-frites. Sûrement le dernier qu'on prend en terrasse, cette année. On s'est aussi réservé trois jours dans un ryokan de Shiga-Kogen début novembre, et on finalise l'opération en allant prendre les billets de train.

Dans une pause du boulot de l'après-midi, je lis quelques pages du Dernier Monde, que je laisse à Tokyo du fait de son encombrement. D'ailleurs, c'est quand même un peu long, ces allers-retours en hélicoptères pour des troupeaux de porcs à rassembler...

« Des dents, des rangées de dents, des griffes, des gueules ouvertes refermées sur des corps gonflés de haine, des choses vivantes passaient par les gouffres et couraient, couraient à la mort. Les âmes animales dont les muscles chauds gorgés de sang rendaient les forces, les âmes boursouflées des déchirés, les muscles des dévorés, les hurlements de joie, les autres, les hurlements de toute espèce et les chuintements bouffaient l'espace qui ne contenait plus une bataille mais une orgie. Qui ne contenait plus rien, qui s'involuait dans un tourbillon de néant.
Étaient-ce donc là les forces de la nature ?
Stevens passa la nuit sur la corniche du monastère à défendre lui aussi sa place forte imprenable et faire lâcher aux bêtes qui volaient par magie les remparts de sa propre ville.
Est-ce bien cela ranger la station ? » (Céline Minard, Le Dernier Monde, p. 188)

Ah oui ! Je suis sorti en vélo, aussi. Pour une course à Office Depot. Des piles. Après, à la nuit tombée, évitant les flots d'employé(e)s de bureau vers des bouches de métro, j'ai tourné une petite heure dans les rues et avenues de Kojimachi. Ça monte et ça descend, c'est marrant. J'ai même trouvé un restaurant qui avait l'air bien, Aux Provençaux.
Pendant ce temps, l'ordinateur enregistrait Jeux d'épreuves de samedi (la semaine prochaine, il y sera question de Volodine...).

Ce n'était que quelques secondes dans un reportage sur le dernier défilé de Thierry Mugler, sur TV5, mais j'ai nettement reconnu le fond musical, une voix tordue et torturée qui criait (du fond de ma mémoire) après les creatures of the night. C'était Tuxedomoon première période. Via le web, j'ai replongé instantanément — étrange façon de parler — dans les sous-sols de mes désirs adolescents, quand mon monde musical allait de Chrome à Scritti Politti.


Mardi 16 octobre 2007. Le temps de sortir une lime.

Même pas le temps de me couper les ongles ! Dans le train, je l'aurais. Presque deux heures à écouter des émissions de 2002, une nuit spéciale sur Camus (dont une lecture intégrale de Caligula par lui-même — Camus, pas Caligula...). Et sans m'endormir, s'il vous plaît ! Mais pas possible de sortir un coupe-ongle et de faire ça devant tout le monde. Et puis le métro, le bureau où faut que je prépare les cours, que j'avale un onigiri et que j'y aille. Même pas le temps de sortir une lime ! Et après les cours, c'est la reprise du ping-pong. Je ne sais pas comment ça s'est passé. Il y a trois jours, j'avais regardé mes ongles et pensé que ça allait venir, le moment de les couper, mais pas si vite, d'ici une bonne semaine, peut-être. C'est comme s'ils avaient poussé trois fois plus vite ces deux dernières nuits. Heureusement, c'est propre, y'a pas de noir dessous. Pareil pour les ongles de pied. Avec un risque quand on fait du sport ou qu'on bouge pas mal, comme au ping-pong, c'est que ça blesse dans les chaussures, à cause des mouvements brusques. Et je me retrouve à 23 heures, gêné par ça pour taper au clavier. Mais je pense que j'aurai le temps demain matin.

Caligula : « Si le Trésor a de l'importance, alors la vie humaine n'en a pas. Cela est clair. Tous ceux qui pensent comme toi doivent admettre ce raisonnement et compter leur vie pour rien puisqu'ils tiennent l'argent pour tout. Au demeurant, moi, j'ai décidé d'être logique et puisque j'ai le pouvoir, vous allez voir ce que la logique va vous coûter.» (Albert Camus, Caligula, I, 8)

Cherea : « Reconnaissons au moins que cet homme exerce une indéniable influence. Il force à penser. Il force tout le monde à penser. L'insécurité, voilà ce qui fait penser. Et c'est pourquoi tant de haines le poursuivent.» (Ibid., IV, 4)

Est-ce que l'insécurité fait encore penser, aujourd'hui ?

Commentaires

1. Le mardi 16 octobre 2007 à 09:41, par m sonnet :

j'espère que vous trouverez un créneau horaire et un lieu plus adequat que le train pour vous faire les ongles : je trouve personnellement d'une impudeur totale cette pratique (comme celle du maquillage pour celles qui s'y adonnent) dans le train de banlieue le matin - et à tout prendre je crois que j'aime encore mieux les voir lire Harry Potter, mes voisins de train !

2. Le mardi 16 octobre 2007 à 14:02, par christine :

autre option : laisser pousser tes ongles pour la jouer Gilles Deleuze ou mandarin chinois ... mais pour le clavier, je ne suis pas sûre que ce soit très pratique

3. Le mardi 16 octobre 2007 à 14:28, par F :

miracle de la technologie, de m'apporter ce terrible suspens jusqu'à Brest, rue de Siam, en face la gare!

4. Le mardi 16 octobre 2007 à 14:35, par Berlol :

Tout à fait d'accord avec vous, Martine, j'espère que c'est compréhensible dans mon texte : il m'est tout à fait impossible de me couper les ongles dans le train — c'est-à-dire en public. Tout comme il me serait impossible de me maquiller dans un wagon, si je me maquillais, ce qui n'est pas le cas. Au Japon, ces pratiques ont atteint chez certaines jeunes femmes, très minoritaires mais très remarquées, un niveau hallucinant. Certaines portant un sac à main assez gros, et généralement de grande marque, contenant même des fers à friser, des pinces à courber les cils et, bien sûr, toutes les couleurs de l'arc-en-ciel en poudres et vernis...
Amusant que tu mentionnes Deleuze, Christine, parce qu'il est justement au programme de l'Institut dans quelques jours. Il y aura diffusion intégrale de l'Abécédaire, en film, quelques conférences, une soirée en club avec musiciens et artistes, du beau monde. Mais ce n'est pas sur le chapitre des ongles qui j'imiterais Deleuze...

5. Le mardi 16 octobre 2007 à 15:38, par F :

bonne journée, moi m'en vais dormir

6. Le mardi 16 octobre 2007 à 15:48, par Lionel Dersot :

Pour les hommes, se couper les ongles au bureau - lieu d'intimité - aménagé en salle commune est une pratique admise ici, tout comme y manger sa gamelle devant l'ordinateur, élever une basse-cour de paires de chaussures confinées sous sa table - espace exclusif, le saint des saint, bien plus secret que le tiroir frontal, même si à la vue de tous, parce que plus proche de la poubelle. Par contre, le fer à friser et le maquillage, tout ce qui concerne les soins du visage, devant les collègues seraient indécents. Seuls sont admis l'application de crème antisécheresse sur les mains et exceptionnellement, mais à condition d'être bref, l'usage du stick mentholé pour les lèvres en hiver, en regardant son reflet sur Facebook à l'écran. Heureusement, je ne suis plus témoin de ces moeurs qui ont peut-être évolué depuis. Je me douche seul devant mon Mac.

7. Le mardi 16 octobre 2007 à 15:55, par Berlol :

Bonne nuit à toi, François ! Content que tu aies perçu la dérision... Si ça aide à Brest ?
Dis donc, Lionel, t'as un Mac Waterproof ?

8. Le mardi 16 octobre 2007 à 22:31, par m sonnet :

Sujet hautement sensible, on dirait, que de concevoir ou pas de se couper les ongles dans un train de banlieue... et même jusqu'à Brest (et ça c'est du Tonnerre!)
Pour tout vous dire, j'avais pris un peu vite un conditionnel pour un futur : toutes mes excuses pour vous avoir prêté des intentions qui n'étaient pas les vôtres...

9. Le mercredi 17 octobre 2007 à 02:19, par Berlol :

Y'a pas de mal. Le billet allait en effet d'un conditionnel à un futur. Maintenant, c'est fait. Et dans l'intimité.

10. Le mercredi 17 octobre 2007 à 03:20, par christine :

pour apporter mon grain de sel sur ce sujet brûlant de l'intime-extime dans les soins corporels, en France où nous sommes un peu en retard sur nos amis japonais, j'ai vu récemment pour la première fois un jeune cadre dynamique sortir poudrier, rose à lèvres et ombre à paupières pour se re-pomponner dans le tgv et j'ai trouvé ça plus craquant qu'impudique

11. Le mercredi 17 octobre 2007 à 06:42, par Bikun :

Et en quoi sommes-nous en retard en France côté soins corporels?

12. Le mercredi 17 octobre 2007 à 07:14, par Manu :

Si j'ai bien suivi, au nombre de personnes qui se maquillent dans le train, à la variété des accessoires utilisés etc.
Toi qui vivais au Japon il n'y a encore pas si longtemps, qu'en penses-tu ?

13. Le mercredi 17 octobre 2007 à 08:24, par christine :

en effet : je n'ai encore vu personne dégainer un fer à friser dans le métro parisien ! est-ce que le métro tokyoïte est équipé de prises électriques ?

14. Le mercredi 17 octobre 2007 à 09:56, par Bikun :

La j'avoue avoir du mal à penser que de voir des gens se peinturlurer ou pas en public dans le métro ou ailleurs est une avancée ou un retard de société. Une simple différence oui. Au Japon lorsque j'y retourne, cela fait partie des composantes culturelles des japonaises, beaucoup plus soucieuses de leur aspect extérieur, et je le vois, m'en amuse et parfois prend des photos. En France, cela arrive rarement, presque exceptionnellement, et je n'ai encore jamais vu un mec le faire. Qu'on se coupe les ongles en public, je n'ai jamais aimé cela, mais cela vient de principes d'éducation familiaux je pense point. Mon ex faisait cela sur son bureau ou la table de la cuisine alors que pour moi tout soin coporel se fait dans la sdb, mais on a chacun nos manies...Tant que cela ne déborde pas sur la liberté de chacun :-)

15. Le mercredi 17 octobre 2007 à 16:34, par christine :

l'utilisation du mot "retard" se voulait ironique et n'était nullement un jugement de valeur : je ne considère pas que tout progrès ou toute nouveauté soit positif - sinon ça se saurait !



Mercredi 17 octobre 2007. Il y a un cap à franchir.

J'ai écrit en courriers administratifs, techniques et de recherche l'équivalent de dix billets de blog. Je suis lessivé. S'y ajoutent quelques coups de téléphone qui m'ont aussi demandé beaucoup de concentration. On est toujours dans ce gros dossier en préparation. Un cours, ce matin, dans tout ça — c'est passé comme une lettre à la poste ! Ça m'a même plutôt détendu, cette relation simple, directe, pédagogique avec la classe.

J'aurais pourtant des choses à dire, par exemple sur l'excellente prestation d'Olivia Rosenthal à Du jour au lendemain, le 11. Et pas seulement parce que je suis un inconditionnel de On n'est pas là pour disparaître ! Rien à voir, en tout cas, avec la pitoyable récitation de noms et de citations en quoi consistait le passage d'Yannick Haenel au même endroit quelques jours auparavant pour présenter son Cercle.
Dire aussi que j'aime bien le ton de Raphaël Sorin et que je salue par conséquent la naissance de son blog Lettres ouvertes (merci, Christine, de l'avoir signalé). Il apprendra à faire des liens, peut-être. Comme ça, ce sera un peu autre chose que du papier. Mais déjà, ce brassage d'histoire littéraire contemporaine et d'anecdotes personnelles, ça pose une voix dans le paysage du web automnal. Qui nous lave de bien des platitudes. Même si je ne suis pas d'accord avec lui.

Mais voilà, pas le courage de développer. Il y a un cap à franchir. Psychologique, aussi. Ça va passer.

Commentaires

1. Le mercredi 17 octobre 2007 à 16:26, par christine :


ça y est je comprends pourquoi je suis si paresseuse chaque soir et me contente trop souvent de citations : c'est que chaque jour c'est ça que je fais, pauvre galérienne que je suis !



Jeudi 18 octobre 2007. En pleine nuit, à 350 kilomètres.

Il est tout de même amusant de voir combien des assis du livre et de la littérature rancie se sentent grandis en abattant leur Robbe-Grillet. Sorin avec finesse, Assouline sans. Au lieu de s'attaquer à du littérairement nouveau (Rosenthal, Tugny, Vasset, que sais-je ?), ils font rejouer le petit théâtre de leur jeunesse en essayant de faire croire aux jeunes du web que ça vient de sortir.
Ce que j'écrivais chez le premier, s'applique aussi à merveille au second :
« Pour ce qui est d'ARG, il n'a jamais écrit aucun livre ni tourné aucun film qui soit en effet "érotique". Il n'a toujours fait que jouer avec les symboles, icônes et motifs des fantasmes érotiques, avec humour, espère-t-il...
En essayant de le dénoncer, vous ne faites qu'aller dans son sens, montrer que vous n'avez jamais compris son projet, que vous êtes insensible à son humour — ou que vous le désapprouvez (ce qui serait le plus défendable). Et ça fera bientôt 50 ans que ça dure ! Belle persévérance ! »

N'ayant pas encore lu le livre en question, je réserve mon avis sur sa qualité... Néanmoins, j'ajouterais qu'à l'instar de beaucoup d'écrivains ou d'artistes, Robbe-Grillet n'est plus le créateur qu'il a pu être il y a quelques décennies, qu'il fige en la parodiant la créativité du Robbe-Grillet des années 50-70. Ce n'est pas lui faire insulte de dire que sa production n'est plus, depuis longtemps, originale. Provocateur institutionnel dans son présent d'académicien, avec le ridicule et le dérisoire que cela comporte, et qu'il n'ignore pas (on s'amuse comme on peut...), il n'en reste pas moins admirable pour ce qu'il a été, l'auteur — et co-auteur avec Simon, Sarraute, Pinget et quelques autres — d'une rupture formelle et générique par laquelle rejaillissait une ontologie en creux aux antipodes du romanesque humaniste et surfait que les héritiers de Balzac pérénisaient et pérénisent encore avec la bénédiction du commerce éditorial.
Tout cela n'est pas nouveau, il est juste étonnant de voir ces messieurs remettre le couvert comme si de rien n'était. Et dégoûtant de voir que toute une jeunesse qui se croit intelligente parce qu'elle est hyper-connectée va gober tout ça tout cru et se faire rouler dans la farine.

De mon côté, plusieurs feux à surveiller. Les trois cours ont eu lieu dans la joie et la bonne humeur, surtout celui de prononciation, avec des exercices de change (monétaire) et de liaisons (phonétiques), entre euros et yens sur des articles de mode, et le séminaire de cinéma où l'on a passé en revue les articulations d'Ascenseur pour l'échafaud pour souligner la construction du film — émotion des étudiants sur deux moments clés :  le retrait de la corde par la petite fille venue de nulle part, et le pistolet du touriste allemand, qui n'est en réalité qu'un tube de cigare.
Mais l'essentiel se joue au bureau, dans la rédaction détaillée d'un budget enfin acceptable pour notre projet de recherche. T. va pouvoir être rassurée...

« D'ailleurs où est-elle ? », me disais-je vers 23 heures... Depuis, nous nous sommes téléphonés. Maintenant, c'est moi qui suis rassuré. Mais à chaque fois, j'ai l'occasion de développer ma connaissance de ce que j'appelle une maladie : l'angoisse d'être sans nouvelles d'elle, dans quoi se mêlent l'angoisse de l'accident et l'angoisse de la mort. De façon totalement irrationnelle, je sens un déclic après quoi se forment des idées angoissantes qui ont toujours une base rationnelle : le taux d'accidents graves ou mortels dans la maison, le risque d'agression à l'extérieur, etc., qui sont de notoriété publique. Et ce n'est pas tant de ne pas avoir de nouvelles maintenant qui m'angoisse, que l'idée de ne pas en avoir dans une heure, dans deux heures... Et l'effroi croît dans l'ombre noire de chez noir de l'impuissance à tenter quoi que ce soit, en pleine nuit, à 350 kilomètres — comme si j'étais sur une autre planète avec une liaison radio qui crachote et ne répond plus.
Il faudrait ne pas vivre séparés la moitié du temps. Nous sommes victimes (parmi les victimes, dans une totale banalité) d'un système social qui nous délocalise où est l'emploi. S'en plaindre ? Je ne sais pas. Nous avons accepté, aussi.

Commentaires

1. Le jeudi 18 octobre 2007 à 09:31, par F :

et imagine que tu perdes ta lime à ongles, d'ici on ne saurait même pas comment venir te dépanner avec le métro en grève...

2. Le jeudi 18 octobre 2007 à 13:45, par ms :

ça ne m'étonnerait pas qu'il en ait plusieurs, au cas où, justement, et même tout le nécessaire...

3. Le jeudi 18 octobre 2007 à 14:45, par christine :

j'ai pensé à toi tout à l'heure en entendant Pierre A. invité sur France info à : "ne plus associer systématiquement la lecture et le livre " : j'espère que tu vas l'accuser de "plagiat psychique" ?

4. Le jeudi 18 octobre 2007 à 16:02, par Berlol :

Je crois que tous ceux qui se sont mis à écrire dans des pages web, que ce soit site ou blog, sentent ou vont progressivement sentir ce décrochage. C'est aussi dans leur propre intérêt. Ayant la connivence et l'assiduité de lecteurs réactifs, un auteur peut naturellement se sentir comblé par le web. Même le fait que ce ne soit pas une source de revenus a son avantage éthique, ce qui est bon pour l'orgueil — j'en sais quelque chose.
Reste qu'il faut bien avoir une source de revenus... Je ne m'inquiète pas pour Pierre A. qui doit déjà toucher de substantiels droits d'auteurs, auxquels vont s'ajouter des revenus issus des photocopieurs, et dont le blog est peut-être déjà dans un circuit financier.
Merci de tant de sollicitude pour ma lime.
J'ai aussi beaucoup soutenu mentalement le mouvement de grève en écoutant le grossissement dramatique qu'en donnent les médias dans le but de stigmatiser le droit de grève lui-même — et me suis rageusement désabonné du blog nullissime d'un certain Thomas Clément qui venait de publier une apologie sarkozyenne très décomplexée, pro-gouvernementale et anti-grève. Encore un à qui il ne sera jamais question de serrer la main.

5. Le vendredi 19 octobre 2007 à 01:07, par Bikun :

Au risque d'apparaître comme un pro-Sarkozy ou comme un gros naif, (mais j'aime bien qu'on m'apporte des éléments d'analyse que je n'ai pas), j'aimerais qu'on explique à ce français très moyen que je suis pourquoi une caste de privilégiés bossant moins que tout le monde ayant la sécurité de l'emploi et compte tenu de la situation économique (globalisée) et qui prend en otage tous les usagers ne verrait pas ses privilèges dorénavant supprimés? Ou alors, est-ce que ce n'est que ce que les médias nous rabachent ou il y a t'il quelque chose derrière tout cela? Attention, je ne conteste pas dutout le droit de grève.
Au passage (pris sur Yahoo):
"...deux catégories de français ceux qui cotisent 40 années et ceux qui cotisent 37,5 années," a-t-il déclaré dans une interview accordée aux chaînes nationales.
Mais que sont vraiment ces régimes spéciaux?
Ils concernent aujourd'hui en France 128 professions. Plus d'1 million de retraités en ont bénéficié et 500 000 actifs sont supposés en bénéficier un jour - ils représentent au total 6,4% de la masse des pensions versées en france.
La plupart des bénéficiaires travaillent un maximum de 37 ans et demi. Coût pour l'Etat: 5 milliards d'euros l'an dernier.
L'objectif de la réforme : étendre la durée du travail à 40 ans d'ici 2012 comme dans les autres secteurs d'activité en France y compris dans la fonction publique.
La retraite sera calculée par ailleurs sur la base des 6 derniers mois d'activité - a priori, les mieux payés.
C'est l'article R711-1 du code de la sécurité sociale qui dresse la liste des ayants-droits. Elle date principalement de l'après-seconde guerre mondiale. Il s'agissait à l'époque de compenser les salariés exerçant des métiers dangereux ou vitaux pour la reconstruction.
Parmi eux : les cheminots de la SNCF. L'entreprise accuse aujourd'hui un déficit record de 3 milliards d'euros. Il faut dire que le régime spécial de la compagnie couvre maladie, retraite et allocations familiales des 368 000 agents actifs et retraités.
Moins médiatisés, d'autres corps de métiers sont également concernés, comme les marins, les notaires ou encore depuis Louis XIV, les danseurs de l'opéra de paris, retraités à 42 ans maximum pour "préserver l'excellence de la troupe".
Enfin autre statut qui fait grincer des dents une partie des français, celui des parlementaires. Les députés peuvent prendre leur retraite à 55 ans, les sénateurs à 53, et les années de travail comptent double. Autant de privilèges auxquels ils devront renoncer en adoptant eux-mêmes la réforme."
Je comprend qu'ils préféreraient qu'on nivelle les privilèges par le haut mais diminuer le temps de cotisation d'un seul coup de plusieurs millions d'actifs ferait très mal économiquement parlant non?
Me trompe-je? Ou est la vérité dans tout cela? Qui a raison, qui a tort?

6. Le vendredi 19 octobre 2007 à 08:48, par Philippe De Jonckheere :

Effectivement, Bikun tu cours le risque de passer pour ce que tu es un type de droite.
Peut-être que si tu avais travaillé une fois dans ta vie de nuit ou simplement en horaire décalé, tu saurais ce qu'est l'astreinte de ce genre de travail.
Peut-être que si tu prenais le train plus souvent tu saurais que cela fatigue en dehors de tout travail. Pour ma part je n'imagine même pas la fatigue d'un conducteur de train de nuit, dans le brouillard ou tout simplement le mauvais temps.
Peut-être que si tu te renseignais un peu plus assidûment sur ce genre de sujets, tu saurais entre autres choses que certes les retraites des cheminots sont avantageuses, mais aussi leurs cotisations sont très supérieures à celles d'autres employés et que par ailleurs le fond de leur retraite est un fond autonome, c'est-à-dire entièrement financé par leurs subventions.
Tu n'as qu'à écouter les extraits d'émission de radio Aligre qui sont accessibles depuis cette page. Cela te paraîtra sûrement incompréhensible puisque tu es de droite.
Philippe De Jonckheere

7. Le vendredi 19 octobre 2007 à 10:02, par Dom :

On veut bien vous croire, Philippe, mais on lit un peu partout des informations contraires à ce que vous avancez : cotisations salariales inférieures à celles du régime général des salariés (7,85%, comme pour les fonctionnaires; il est possible, quand on parle de cotisations très supérieures, qu'on y englobe les cotisations de l'employeur, qui ne sont qu'un salaire différé, mais ce n'est tout de même pas tout à fait la même chose au quotidien), régimes systématiquement en déficit (versement de subventions d'équilibre d'un montant de 2 milliards d'euros, bientôt 3, par an pour le seul régime de la SNCF), et opacité extraordinaire, qu'il s'agisse de la retraite ou des autres prestations sociales.
Ah, et autonome ne veut pas dire en l'occurrence entièrement autofinancé, mais simplement que la caisse de retraite est indépendante de l'entreprise et a sa propre comptabilité, personnalité juridique (?), etc.
Extrait d'un rapport du Sénat, concernant la SNCF (tinyurl.com/24k3nt) :
"Les cotisations constituent moins de 40 % des produits de la branche vieillesse (37,3 % en 2006). Le solde provient de sources extérieures : les mécanismes de compensation tiennent une part décroissante (6,2 % en 2006 contre 18 % en 1995) tandis que la subvention de l'État contribue désormais pour plus de la moitié du total (54 % en 2006 contre 48,9 % en 1995)."

8. Le vendredi 19 octobre 2007 à 18:41, par Bikun :

Merci Dom d'apporter des informations précises, c'est exactement ce que je souhaitais obtenir.
Non je ne conteste pas la pénibilité du travail. Les cheminots n’en n’ont cependant pas le privilège, il y en a dans tout métier (physique ou moral), dans le votre aussi Philippe je suppose.
Les cheminots qui posent les rails de nuit comme de jour, sous la neige et le vent, cela ne me semble pas particulièrement facile, mais faire un Paris Lyon en 3h en TGV, apparaît comme moins fatiguant non? Si c'était au volant d'un 35 tonnes embourbé dans les bouchons (aggravés par les grèves d'aujourd'hui) avec des impératifs de délai de livraison et donc de stress, c’est sans doute beaucoup moins agréable.
Et les infirmières ou les internes des hôpitaux travaillant 70 h par semaine (j'en connais) avec astreinte, c'est pas mal non plus. Au passage, il y en qui, lorsqu’ils font la grève, mettent un brassard autour du bras avec écrit « en grève »…sauf qu’ils continuent de travailler…
Et le commercial qui décolle de chez lui à 5h du matin, fait 700km de route par jour, dort dans des hôtels F1 après une journée de 15h une partie de la semaine loin de sa famille, c'est comment (j'en connais aussi)? Parce que lui, s'il ne tient pas ses objectifs, il est viré!
Tient, les cheminots, j'en connais un dans mon entourage, je vais aller l'interviewer aussi, que je sache réellement de quoi je parle. Et l’ouvrier en usine agroalimentaire, dans un abattoir, qui pendant 8h/jour découpe une vache en morceau à des cadences de machine, comment le qualifier ?
On pourrait sans doute trouver beaucoup d’exemples.
J’ai fait un rêve: qu’on puisse étendre les privilèges des ayants droits de ces régimes spéciaux à tous les actifs Français (niveler par le haut au lieu de l’inverse).
Ouvrons les yeux, la société évolue, parti à cause des décisions de nos politiques (de gauche ou de droite, la tendance de globalisation ne changera pas, je pense que vous êtes d’accord avec cette affirmation) parti à cause d'un ensemble de phénomènes mondiaux dont nous sommes aussi bien figurants que acteurs (acheter des oranges espagnoles, des chaussures made in china, prendre l’avion…etc.).
Ce système de régimes spéciaux instauré après la 2nd guerre mondiale mériterait dépoussiérage. C'est tout. Pas la peine d’en faire une grève.
Bien sur que prendre le train pour aller au boulot c’est fatiguant (même si je ne le prends pas en ce moment, je pédale). Pensez à tous ces japonais qui font 4h de train aller-retour docilement tous les jours !
Ca l’est encore plus quand il y a des grèves et que vous avez 100 fois plus d’usagers dans un seul train, des changements et des attentes interminables. J’ai un ami qui habite à Evreux et qui prend le Corail tous les matins pour aller travailler du côté de Bercy, il ne se plaint pas trop quand même.
Il faudrait un peu mieux présenter le problème, car ce n’est certainement pas (plus) la pénibilité de ces professions qui est à l’origine de ces grèves.
(Extrait d’un article sur Yahoo aujourd’hui) :
"Les personnels ont intégré le fait qu'il allait falloir passer à 40 ans de cotisations", selon des responsables de l'UNSA-RATP. "Ce qui ne passe pas, c'est le système de décote et la suppression des bonifications en 2009. Le gouvernement doit faire des concessions sur ces deux points".
Vous voyez, on avance quand même.
La vraie question c’est plutôt : que doit-on faire pour garder un service public efficace tout en adaptant notre pays aux contraintes actuelles?
Et le rôle des médias ? Berlol, pourrais-tu illustrer ton affirmation « le grossissement dramatique qu'en donnent les médias dans le but de stigmatiser le droit de grève » ?
La souris qui cache la montagne ? C’était aussi une de mes interrogations, car je ne crois plus en l’impartialité des médias quelque soit leur tendance. Les reportages sont de plus en plus fabriqués, le sensationnel primordial. J’écoutais récemment un commentaire sur cette jeune artiste en procès parce qu’elle avait laissé un baiser sur un tableau coûtant une fortune. J’avais été choqué que le journaliste précise haut et fort qu’elle était rmiste. Même l’Equipe, quotidien sportif, fait dans le sensationnel people…ça devient presque écoeurant.
Au, aussi une autre chose, je pense que ceux qui me connaissent n’affirmeraient pas aussi catégoriquement que je suis "un type de droite". Et l'expression "type de droite" est un peu, comment dire, « brutale » ! Voila, je suis de droite, la sentence est tombée comme une guillotine. Etre de droite cela sonne un peu comme être parmi les méchants, pire, l'ennemi ! On peut discuter ou on s’entretue d’abord ?!!
Je ne suis pas de droite, je n'ai pas voté pour Sarkozy. Je suis simplement contre CETTE grève (précisément) qui ne me semble pas justifiée et qui emmerde beaucoup d'usagers. Evidemment qu’on va s’en remettre mais être contre cette grève ne fait toujours pas de moi un électeur de droite même si, au passage, il n’y aurait aucune honte à cela, n’est-ce pas ?!
Merci pour le « Cela te paraîtra sûrement incompréhensible puisque tu es de droite ». A moins que ce ne soit de l’humour ; fort heureusement pour moi, je ne suis pas de droite, sinon j’aurais pu me sentir insulté!
Très cordialement.
Olivier Gascoin

9. Le vendredi 19 octobre 2007 à 22:37, par Berlol :

« le grossissement dramatique qu'en donnent les médias dans le but de stigmatiser le droit de grève »
Ça, c'est simple. Tu regardes les journaux télévisés des trois grandes chaînes sur les cinq derniers jours et tu comptes les minutes consacrées à :
1.- les revendications, le point de vue des organisations syndicales, les préparatifs de réforme du gouvernement, les situations détaillées desdits régimes spéciaux, d'une part,
2.- les problèmes des usagers des transports en commun, ceux qui comprennent, ceux qui protestent, l'organisation des familles pour s'organiser à cause de la grève, les moyens de pallier et d'arriver au travail malgré la grève, d'autre part,
Normalement, le 2 va être très supérieur au 1. CQFD.
Pour le reste, c'est beaucoup moins facile...

10. Le samedi 20 octobre 2007 à 02:00, par Dom :

Beaucoup moins facile, certes, mais social-corporatisme commence à ouvrir une piste : un État surdimensionné grand dispensateur de statuts est sans doute un des principaux maux de la société française actuelle, et ça remonte bien peut-être jusqu'aux vrais privilèges de l'Ancien régime.
D'où cet interminable et lamentable défilé de toutes les corporations pour grappiller des dispositions dérogatoires au régime commun, des cheminots aux intermittents du spectacle en passant par les multiples niches fiscales et l'ensemble des fonctionnaires. Les professions en situation de monopole (là aussi garanti par la puissance publique) ou capables d'exercer un chantage efficace (soit par réel pouvoir de nuisance [les cheminots cumulent les deux...], soit par le jeu d'une influence symbolique disproportionnée à leur utilité sociale) se tirent assez souvent mieux que les autres de ce petit jeu... Et il faudrait être bien certain que les motivations des responsables de cette situation (élus et hauts fonctionnaires) ne reposent que sur la seule considération de l'intérêt général pour continuer à croire ne serait-ce qu'un minimum à la légitimité de ce système.
Sans doute vaudrait-il mieux faire passer tout le financement de l'État providence par l'impôt (un impôt simplifié, revu et corrigé et réellement progressif : à noter que certains analystes, de plus en plus nombreux, considèrent que notre système fiscal et de protection sociale, par ailleurs très opaque dans son fonctionnement, est tout simplement massivement anti-redistributif) et mettre un terme à toute gestion paritaire.
Pour le caractère anti-redistributif du système français, voir par exemple La France injuste : 1975-2006 : pourquoi le modèle social français ne fonctionne plus / Timothy Smith, Autrement, 2006. Assez refroidissant comme lecture. [Mais avec un nom pareil, pas étonnant ?]

11. Le samedi 20 octobre 2007 à 17:35, par christine :

« un État surdimensionné grand dispensateur de statuts est sans doute un des principaux maux de la société française actuelle » ..!? autre excellent exemple de la propagande actuelle : je vais prendre le relais de Philippe De Jonckheere pour vous inviter à réfléchir plus « concret » (histoire de ne pas laisser le monopole du « c’est ça que vous voulez...!? » au chef de notre État en train de fondre)
pour ma part je travaille dans une bibliothèque, où de plus en plus les fonctionnaires qui partent ne sont pas remplacés (et cette tendance s'accentue de jour en jour, tant la principale occupation de certains haut-fonctionnaires devient celle de trouver comment se montrer meilleurs élèves que leurs collègues en supprimant le plus d’etp (« équivalents temps plein ») possible dans leurs service sous prétexte de les « réorganiser ») : le résultats concret est que dans un premier temps ceux qui restent se partagent les taches de ceux qui sont partis, puis assez vite ne peuvent pas tout faire !
concrètement, cela signifie au quotidien faire des choix, laisser tomber ce qui semble moins prioritaire, et au final rendre un service de moins en moins bon : tant qu'il ne s'agit que de ne pas communiquer à un lecteur le livre qu'il avait besoin de lire, ce n'est sans doute pas très grave (il se contente d'engueuler le fonctionnaire qu'il a en face de lui ou de fondre en larmes !), mais j'imagine assez bien ce que cela peut donner dans un hôpital et je n’aimerais pas être à la place des fonctionnaires qui y travaillent : débordé, est-ce qu'on laisse crever plutôt la chambre 666 ou plutôt l'accidenté qui vient d'arriver ..?
je souhaite donc à tous ceux qui pensent qu'il y a trop de fonctionnaires de ne pas avoir à séjourner dans la chambre 666 ... ou bien, s'ils ont à le faire (parce qu'ils n’ont pas les moyens de se payer une clinique privée) de bien vouloir, dans la chambre 666, crever en silence et heureux de participer activement au redimensionnement de l’État, en se réjouissant qu’il y ait enfin moins de ces parasites de fonctionnaires !

12. Le dimanche 21 octobre 2007 à 01:30, par Dom :

Christine, puisque vous êtes une lectrice régulière de ces billets, il ne vous a pas échappé que je souffrais d'un fâcheux penchant à la polémique. Abonné au fil RSS des commentaires, j'en ai vu ce matin passer un très court, signé lui aussi christine : "mal fréquenté ce blog!". Réapparaîtra-t-il ou est-il bloqué quelque part dans les replis de l'antispam ou encore notre hôte si urbain a-t-il décidé de le supprimer afin de ne pas exciter ma logorrhée coutumière ? Ce commentaire, et "propagande", je ne vous aurais sans doute pas répondu sinon. Mes excuses à l'assistance.
Alors, quelques notations et une bien trop longue citation, scusatemi :
- le ton de la gauche républicaine et étatiste en France, empli de mépris et d'arrogance, insupporte une part de plus en plus importante de nos concitoyens. Voir ici notre ami Bikun. Comme je n'ai personnellement jamais eu la moindre sympathie pour ce courant de pensée (il y a d'autres gauches, vous savez), son apparemment irrésistible déclin, malgré quelques barouds d'honneur (le Non à la constitution européenne, qui nous aura coûté deux ans pour un résultat infime et tout symbolique), ne m'affecte que modérément. Mais pourquoi faut-il que ses aficionados s'énervent à ce point dès qu'on s'emploie, courtoisement et argumentativement, on espère, à discuter de quelques-uns de ses dogmes, et en particuler celui qui voudrait que le service de l'intérêt public soit d'une essence tellement rare et insaisissable que seul le génie tout particulier de la Grande République française ait su comment l'incarner dans des institutions intangibles (dont bien entendu le perfectissime statut général de la fonction publique et ses dérivés des entreprises publiques), dont la moindre remise en cause déboucherait sur une grave décadence de tout ce que nous avons de plus sacré ? Vous n'en faites pas un peu trop ?
En l'espèce, vous tapez d'ailleurs un peu à côté, ce n'est pas tant le nombre de fonctionnaires que je mettais en cause (l'Etat est surdimensionné surtout parce qu'il intervient trop fréquemment et de façon trop complexe dans trop de domaines, d'où le nombre de fonctionnaires [je suis d'ailleurs tout près de penser que la causalité va aussi un peu dans l'autre sens, mais basta]) que la quête générale de statuts garantis par la puissance publique, qui me semble, dans toute communauté, parfaitement délétère et devoir déboucher presqu'immanquablement sur une société d'envie et de défiance
(et voici la longue citation, un article du Monde du début du mois, "propagande" qui me semble soulever des questions assez pertinentes sur notre modèle social et dont aucune des réformes proposées ne me paraît, mais je me trompe sans doute, intrinsèquement "de droite" . Ah au fait, je penche du côté "scandinave", ça fait sans doute quand même de moi un "de droite", mais vous aurez besoin de nous, mes chers :
"Selon un cliché bien établi, les Français seraient méfiants et peu civiques. Le World Values Survey, une des plus vastes enquêtes internationales d'opinion, indique que seuls 21 % des Français déclarent faire confiance aux autres. Cette proportion atteint plus de 60 % dans les pays scandinaves. Sur les 26 pays les plus riches de la planète, la France se trouve en 24e position, devant le Portugal et la Turquie. Les Français se méfient, plus que les autres, de la justice, du Parlement, des syndicats, de la concurrence et du marché. L'incivisme résulte de cette méfiance : 39 % des Français déclarent qu'il n'est jamais justifié de demander indûment des aides publiques contre 87 % des Danois et plus de 70 % des Britanniques.
Pourtant, défiance et incivisme ne sont pas des atavismes culturels. De nouvelles données sur l'évolution historique des attitudes sociales montrent que les Français étaient plus enclins à la confiance mutuelle avant la seconde guerre mondiale. On peut voir un effet de l'Occupation sur ce changement. Mais le modèle social instauré après la Libération est aussi en cause.
La volonté originelle de concevoir un système universaliste, dans lequel tout le monde bénéficie des droits sociaux, a achoppé sur les revendications corporatistes qui ont fait perdurer des régimes de sécurité sociale spécifiques : cadres, fonctionnaires, artisans et commerçants, professions libérales, sans parler des multiples régimes spéciaux des grandes entreprises publiques ou de professions particulières (parlementaires, mineurs, clercs de notaire, marins, militaires, etc.).
Cela a installé un système opaque et inéquitable. Bien que les dépenses sociales soient très élevées en France, elles sont mal réparties. Les inégalités attisent les jalousies et les dérogations multiples érodent la cohésion sociale. Pendant les "trente glorieuses", la croissance a masqué ces défauts, mais ils sont vite devenus criants.
Parce que notre syndicalisme s'est affaibli, avec des centrales arc-boutées sur leurs privilèges liés à la gestion paritaire, l'Etat est venu pallier le manque de dialogue social. Mais cet interventionnisme a encore affaibli les syndicats et la concertation. En créant de nombreuses barrières réglementaires à la concurrence pour protéger tel secteur ou telle profession, il a contribué à renforcer l'opacité du fonctionnement de l'économie. Bref, le corporatisme, doublé d'un Etat très dirigiste, constitue un cocktail particulièrement nocif, à l'origine d'un véritable cercle vicieux.
Ce système opaque, très complexe et inégalitaire, incite chacun à tirer la couverture à soi. Repliés sur eux-mêmes, les Français portent un regard particulièrement critique sur la société dans laquelle ils vivent : plus de la moitié pense que nul ne peut atteindre le sommet sans être corrompu, tandis que ce chiffre est de 13 % en Norvège et de 22 % aux Etats-Unis. Cette attitude a des conséquences néfastes : selon plusieurs études, la défiance et l'incivisme freinent significativement la croissance.
Comment sortir de ce cercle vicieux ? Les pays scandinaves, en optant pour un modèle universaliste, qui offre les mêmes droits sociaux à tous et qui limite les barrières réglementaires à la concurrence, semblent avoir trouvé la clef pour raffermir le sentiment de communauté d'intérêt. Quant aux pays anglo-saxons, ils ont emprunté une voie libérale, où la faible intervention de l'Etat dans tous les domaines a favorisé l'accroissement des inégalités. La confiance mutuelle en a pâti, mais dans une moindre mesure qu'en France, où le modèle social oeuvre directement à segmenter la société et à saper la confiance mutuelle.
Rétablir cette confiance nécessite un changement de cap pour corriger la dérive corporatiste et dirigiste du modèle social français. Les réformes doivent donc favoriser la limitation des situations particulières et dérogatoires, promouvoir le dialogue social et instituer une véritable mutualisation des risques liés au fonctionnement d'une économie moderne.
Ces impératifs tracent la voie des chantiers prioritaires : harmoniser les régimes de sécurité sociale, en matière de retraite mais aussi de santé ; réformer en profondeur la représentativité syndicale, afin que les syndicats soient présents dans les entreprises et gèrent de véritables missions de service public dans les instances paritaires plutôt que des intérêts corporatistes ; accentuer l'indépendance des instances de régulation de la concurrence ; créer une agence publique qui coordonne l'assurance chômage, l'accompagnement des demandeurs d'emploi et la formation professionnelle, afin d'assurer une sécurisation des parcours professionnels. Tout cela doit permettre aux Français d'envisager l'avenir avec confiance.")

— je suis moi aussi fonctionnaire, moi aussi bibliothécaire, je ne serais pas tellement étonné que nous appartenions d'ailleurs au même corps de la fonction publique, mais je n'en porte pas moins un jugement à peu près parfaitement opposé au vôtre en ce qui concerne les effectifs de nos services. Précisons que ce n'est d'ailleurs pas tant le nombre de fonctionnaires qui me gêne que leurs, disons, dispositions, pour employer le mot le plus général; dispositions dont je pense, en bon spinoziste bourdieusien, que personne n'en est d'ailleurs individuellement responsable. Elles n'expriment que les positions dans lesquelles nos si sages législateurs nous ont placés et qui conduisent à de graves perturbations du système de nos incitations (pour ne prendre qu'un exemple, simple mais de très grande portée : les responsables de la fonction publique d'État, au niveau, opérationnel, des services eux-mêmes, ne disposent d'aucun des trois leviers de toute bonne GRH, recrutement, avancement de carrière et rémunération; c'est un tout petit peu handicapant, au quotidien).
Effectif et système des motivations sont sans doute liés : disons que vu nos dispositions collectives, on a sans doute besoin au moins du nombre de fonctionnaires actuel, sinon même un peu plus sans doute. Si celles-là venaient à changer (pour continuer à vous énerver, je dirais qu'il faudrait au minimum supprimer intégralement le statut de 1946 revu 1984, repartir d'une table rase et accorder en outre une autonomie complète de gestion à tous les établissements publics), il serait peut-être possible en effet que "ceux qui restent se partagent les tâches de ceux qui sont partis". Je peux attester, puisque l'ennemi est déjà dans la place, qu'on dispose d'une certaine marge de progression, cela dit sans vouloir effrayer les contribuables qui nous lisent.
Ah aussi, je suis très favorable à "laisser tomber ce qui semble moins prioritaire" et à "faire des choix au quotidien", ça me paraît le minimum de ce qu'on peut raisonnablement attendre de tout responsable dans quelque entreprise que ce soit (entendez entreprise au sens le plus large possible, svp). Je conviens avec vous que la "dégradation" du service rendu, dans nos domaines, n'est de toute façon sans doute pas très grave. Dommage pour nous, on n'aura pas de bonnes retraites.
Sur ce, salut et fraternité. Rendez-vous le 4 août.

13. Le dimanche 21 octobre 2007 à 01:38, par Berlol :

Le "mal fréquenté ce blog!" renvoie au 3 février 2006 et s'y trouve tout à fait justifié...

14. Le dimanche 21 octobre 2007 à 01:48, par Dom :

Oui, je viens de m'en apercevoir en reprenant ma lecture, toutes mes excuses à toi et à christine. Reste "propagande", ce n'était pas bien méchant...

15. Le dimanche 21 octobre 2007 à 02:03, par Berlol :

J'ai mis ta citation en italiques pour que ce soit plus clair. L'ensemble de la discussion me dépasse un peu, puisque je ne suis pas au fait des statuts des fonctionnaires. Aussi avoir une opinion comme "il faut plus / moins de fonctionnaires" me paraît tomber directement dans le travers de l'opinion aveugle et manipulée. Ce n'est d'ailleurs pas moi qui ai lancé le sujet...

16. Le dimanche 21 octobre 2007 à 02:23, par Dom :

Non c'est de fil en aiguille mais pas complètement arbitraire, de ton "anti-grève" du commentaire 4 peut-être un peu à l'emporte-pièce à la réaction de Bikun à celle de Philippe au "de droite" à la belle lettre de Bikun à ton "beaucoup moins facile" à mes "c'est pas si difficile que ça" et "surdimensionné" à la propagande et au concret de christine. Mais ça se tient. Désolé pour le dérangement.

17. Le dimanche 21 octobre 2007 à 02:27, par Berlol :

Non non, y'a pas d'mal. C'est bien de remonter le fil. On se sent saumon.

18. Le dimanche 21 octobre 2007 à 07:14, par christine :

puisqu’aussi bien j’ai déjà pu apprécier ici votre sens de la polémique, Dom, qu’à votre tour vous répondez complètement à côté en noyant le « saumon » de Berlol, et que tout cela est trop complexe pour être résolu dans un échange de commentaires, je me contenterai de quelques précisions me concernant et complétant mon propos de cette nuit (un peu « à l’estomac », je vous le concède, mais à 3 heures du matin (« en pleine nuit, à 350 kilomètres ») je m’énerve plus facilement!) :
- mon « mal fréquenté ce blog! » ne s’adressait absolument pas à vous, mais renvoyait comme le précise Berlol à un bref échange du 3 février 2006 (je lis les commentaires en rss)
- faire des choix est bien entendu le quotidien de chacun, mais vous êtes là de mauvaise foi : je parlais de la nécessité de plus en plus fréquente de devoir faire des choix entre très important et très important, du stress qui en découle et surtout des conséquences possibles
- je n’ai jamais parlé de « gauche » ni de « droite » car contrairement à ce cher BHL je ne suis plus tout à fait sûre de savoir ce que c’est aujourd’hui ; les syndicalistes et bon nombre de politiques m’horripilent ; m’insupporte au premier chef la bonne conscience, de gauche comme de droite, et j’aime assez contredire les uns comme les autres : cela m’a déjà valu de me faire traiter de gauchiste, de tatchérienne, d’anarchiste de droite ou de gauche selon, etc.
- je n’appartiens pas à un corps des bibliothèques mais suis détachée depuis mon corps d’origine, ce qui me vaut de stagner lamentablement dans les « grilles statutaires » comme ont dit chez nous : la « table rase » que vous appelez de vos vœux ne m’effraierait donc pas plus que ça (d'autant que je connais des « catégorie C » et des « vacataires » nettement plus efficaces que des « catégories A+ » !) si je n’imaginais par avance la façon dont dans l’état d’esprit actuel elle serait menée : un bon nivellement par le bas !
- mon mari appartenant à un autre corps plus prestigieux de la fonction publique, je suis amenée à bavarder (et à polémiquer à l'occasion!) avec des haut-fonctionnaires qui « disposent des leviers de toute GRH » que vous regrettez de ne pas avoir en main (moi pas!) et ce qu’ils font de ces leviers me scandalise
comme vous il lisent et régurgitent à l’envi la doxa et le beau discours économico-langue de bois du Monde (la LQR décrite par Eric Hazan), parlent « surdimensionnement de l’état », RGPP (« Révision générale des politiques publiques », se gargarisent de « modèle scandinave » et autres nécessités de « changement de cap pour corriger la dérive corporatiste et dirigiste du modèle social français » (!), et considèrent volontiers avec le plus grand mépris le travail et les « dispositions » des fonctionnaires qui sont sous leurs ordres (moi et sans doute vous compris)
ces beaux discours creux leur servent malheureusement à justifier leurs choix quotidiens en matière de GRH : un zèle particulier mis à se montrer bons élèves et à apporter, en anticipant souvent d’ailleurs sur une réelle demande hiérarchique, la réponse considérée aujourd’hui comme « bonne » : réduire le nombre des fonctionnaires
tout ceci en toute amitié littéréticulaire, bien sûr, et sans vraiment espérer vous convaincre !

19. Le dimanche 21 octobre 2007 à 07:49, par Berlol :

Un bel échange de fond de court, en tout cas ! On ne voit pas ça tous les jours. Et j'en apprend plus que dans les médias... Bravo à vous deux.

20. Le lundi 5 novembre 2007 à 12:23, par Bikun :

Me revoila, non pour faire enfler la polémique mais simplement pour apporter un autre témoignage, cette fois-ci venant de "l'intérieur"! Cet ami cheminot dont je parlais. Et je m'arrêterais la.
1- ne pas écouter la télévision, relais de com de l'Elysée...
2- ne pas écouter les syndiqués interrogés par la télévision, ils choisissent ceux qui passent le mieux à l'antenne (autrement dit forcément barbus bien énervés et surtout pas cohérents...)
Maintenant on discute !
aujourd'hui, la caisse de retraite spécifique aux cheminots (indépendante de la caisse de retraite classique, autofinancée par les seuls cheminots) est déficitaire car la masse salariale a diminué de moitié en 50 ans (de 300000 personnes en 1950 à 150000 aujourd'hui). C'est l'Etat qui a imposé ces coupes sombres afin de recentrer notamment sur l'activité commerciale voyageurs plutôt que Fret, mais également pour des gains de productivité énormes grâce aux nouvelles technologies et à la sous-traitance.
Comme pour les agriculteurs ou toute corporation touchée par un déficit structurel de génération, c'est l'Etat qui met la main à la poche pour combler ce trou, donc le contribuable... C'est ce déficit qui pose problème.
Si tu m'as suivie, tout ceci n'a rien à voir avec le départ à 55 ans.
Pour financer le départ à 55 ans, nous cotisons 12% de plus qu'un salarié classique et ce "cadeau" nous a été octroyé par l'Etat en échange de la mission de service public que nous assurons pour lui (désormais limitée au transport régional, le TGV a une gestion type privée) et de l'imposition par l'Etat de grilles de salaires spécifiques (plutôt moins favorables que dans le privé).
Dans l'entreprise, il y a quasi consensus sur le fait de cotiser quelques années de plus car tout le monde a conscience que le déficit, qui ne durera que le temps d'une génération d'ailleurs, doit être absorbé d'une manière ou d'une autre.
Le problème, c'est que le président a donné 2 semaines aux syndicats pour discuter d'une réforme déjà ficelée. C'est assez méprisant de sa part. Dans ce projet, il est écrit que nous cotiserons 41 ans (OK), pour être moins indemnisés (Ah, il nous avait semblé que travailler plus permettait de gagner plus, ou au moins pareil...), pour tous les salariés, même ceux prêts à partir (une toute petite progressivité pour les départs dans les 5 ans) et rien sur le fait qu'on a toujours gagné moins car on avait cet avantage....
Là, ça coince...
C'est la première fois qu'il y a un fort taux de gréviste chez les cadres (toujours moins prompts à la grève que les salariés de base), car, à poste équivalent, ils sont payé en moyenne 2 fois moins que dans le privé et ne sont pas ravis d'être traités de nantis... L'assiette de cotisation sur un salaire 2 fois moins élevé donne une retraite quasiment 2 fois moins importante...
Ca n'est pas vraiment le fond qui pose problème, mais bien la forme, avec un sentiment d'injustice perçu à tous les niveaux de l'entreprise dans le traitement de ce sujet qui dépasse complètement le cadre des retraites, et qui est instrumentalisé par les syndicats et le gouvernement pour jouer un bras de fer politique qui n'a rien à voir avec l'entreprise.
Pour terminer, il faut savoir que le ministre a négocié avec le syndicat des conducteurs (seul à avoir la capacité de bloquer les circulations) qui seront traités à part (diviser pour mieux régner) et qui verront leur "pénibilité" prise en compte. Les autres, comme ceux travaillant sur les voies, n'ont pas la capacité de bloquer la France, leur travail ne sera donc pas considéré comme pénible. Drôle d'équité dans les négociations.
Bref, tu as peut-être senti mon agacement. Je trouve déplorable d'en arriver à faire chier tout le monde avec des grèves, de perdre des journées de salaire, de détériorer l'image et les résultats de l'entreprise... Pour une réforme qui, si elle avait été menée autrement, serait passée comme une lettre à la poste.
Ceci n'est pas la version officielle des faits, seulement la mienne, j'espère que ça aura répondu en partie à tes interrogations...
Sache qu'un nouveau préavis est déposé pour le 13 novembre à partir de 20h, si tu devais prendre le train, décale...



Vendredi 19 octobre 2007. De l'arbitraire mais tant pis.

Beau billet, mi-caustique mi-désabusé, de Marc Villemain.

Comme je l'aurais fait dans un magasin, je suis allé écouter sur Youtube quelques morceaux du dernier Radiohead, In Rainbows, l'album (si on peut encore dire comme ça) qui fait parler de lui par sa vente web et son prix au choix. Après deux morceaux qui se laissaient écouter, mais sans plus, me semblait-il, j'ai voulu comparer avec quelque chose dont j'avais déjà éprouvé la qualité. Malheureusement pour Radiohead, le CD qui m'est tombé sous la main, c'est un Stereolab (Emperor Tomato Ketchup, 1996)... La différence, de qualité, précisément, a tout de suite interrompu l'expérience. Je suis bien conscient de l'arbitraire mais tant pis. Et puis ça m'évite de me demander combien je pourrais payer.

Je vais les télécharger, eux.
Je m'imagine déjà dans les rues avec Cervantès dans l'oreille gauche et Withman dans la droite, ou l'inverse... Mais pas Tartarin, de grâce — on en a déjà un à l'Élysée. En fait, je mets les liens pour le faire plus tard parce que je n'ai pas beaucoup de temps. Je suis quand même allé au sport ce matin, suer et lire à vélo, puis entretenir les muscles en reposant l'esprit. Tugny finira bientôt, mais je peux encore en profiter. N'allons pas trop vite.

« Ainsi naît un Art poétique composite et formidablement cohérent, à la fois nuit du poème et essai de soustraction du poème à sa fin, agonie souverainement ignée du poétique, soubresaut, indistinction brillante de deux tropismes de l'écriture saisie à son point de fulminence majeure : celui de faire poème, de faire roman, celui de défaire poème, roman ou plus exactement celui de rendre les armes du poème, du roman à une nuit du poétique et du romanesque, à une dissolution du poème et du roman dans un paradoxal murmure jaculatoire ou aboiement long et doux ; hoquets d'un point d'orgue de voix, tels sont les écrits de Tristan comme son corps est costume cahotant promené sur la nuit.» (Emmanuel Tugny, Corbière le crevant, p. 75)

Le lendemain.
Dans le train qui me ramenait à Tokyo, j'ai chaussé mes nouvelles lunettes (pas nouvelles nouvelles, mais pas beaucoup utilisées depuis que je les ai) et ouvert l'Albert Camus, Vérité et légendes d'Alain Vircondelet (Éditions du Chêne, 1998), emprunté à la médiathèque. Je n'apprécie pas spécialement cette collection, ni le style biographique de Vircondelet, déjà subi pour Duras. Mais cela me permettra de montrer quelques images d'Alger d'une autre époque, pour qu'il n'y ait pas d'anachronisme.
Quand je pense que Pépé le Moko (Duvivier, 1936) ne contient pas une seule vraie image d'Alger !


Samedi 20 octobre 2007. En général, il cherchait le sucre.

De six à huit, élagage des notes de cours (en général, j'ai toujours de quoi tenir un siège de trois jours...). On ira de la discussion avec le directeur de l'asile de vieillards jusqu'au commencement de la nuit de veille, puis du début du chapitre II au réveil Marie partie. Suffisant pour voir comment le texte installe : du hiérarchique social qui casse l'élan naturel (Légion d'honneur, yeux clairs, main retenue), la récurrence déjà de la lumière blessante — car éclairant une obscure culpabilité de toujours : « De toute façon, on est toujours un peu fautif (Albert Camus, L'Étranger, chap. II, p. 35), mais aussi, en contraste après tous les malentendus de Marengo, la possibilité, dans la quasi nudité dans l'eau, d'une relation naturelle, animale presque, sexuelle assurément, qui soit vi(v)able (l'amour qui sauve ? — la bouée qui sauve ?).

Déjeuner au Saint-Martin, encore en terrasse. On n'aurait pas cru ça hier, avec toute la pluie qu'il est tombé. On revoit les amis à qui British Airways n'a toujours rien renvoyé de ce qu'ils leur ont perdu au début de l'été. La personne que T. avait contactée lors de mon cas de 2006 semble encore faire preuve d'efficacité puisque T. a reçu des nouvelles plutôt positives, mais que les ci-devants n'ont pas reçues parce que leur anti-spam a dû les détruire... Ça avance, ça va avancer. Alors qu'ils n'y croyaient plus du tout, eux.

Passons à la médiathèque de l'Institut où j'emprunte deux films et la revue Europe d'août-septembre sur Blanchot et sur Volodine.
Volodine qui disait l'autre jour à Veinstein qu'enfant il avait rencontré Blanchot dans la cuisine d'une amie de ses parents. Chez qui Blanchot venait. Il cherchait le sucre. Enfin, dans la cuisine, une fois, Blanchot était entré pour chercher du sucre, le petit Volodine y était, qui ne s'appelait pas encore comme ça. Ça peut arriver à tout le monde. Mais peut-être qu'on peut dire aussi que dans la vie, en général, il cherchait le sucre, Blanchot.

T. a des coups (de téléphone) à donner, pour des conseils de finalisation du dossier à rendre vendredi. Un collègue à Kyoto, un autre à Tokyo. Moi, je m'équipe en cycliste et file dans le vent vers Akihabara, pour exploration d'une dizaine de magasins à la recherche des nouveaux modèles d'ordinateurs portables et de bureau, d'imprimantes. Deux kilos de catalogues plus tard, je rentre en passant par le Seijo Ishii de Korakuen pour un bon camembert — on ne peut vivre que d'intellect. Et quelques photos du ciel. J'ai trouvé une impressionnante quantité de chantiers de démolition et de construction, dans Akihabara. Dans deux ou trois ans, je ne serai pas étonné qu'une grande partie de toutes ces petites boutiques de composants informatiques viennent à disparaître. Et que ne reste que des poids lourds comme le Yodobashi Akiba. Parmi les magasins visités, c'est d'ailleurs le seul à avoir un espace dédié aux imprimantes professionnelles — une bonne quarantaine de modèles. Là, je dis bravo.
Une fois devant mon ordinateur, je complète mon budget en allant chercher les prix des modèles d'appareils souhaités.
Premier nabe de l'automne (chou, navet, carotte, ailes de poulet). Autour du plat fumant, ni télé ni film ni radio : à l'omniprésence des rires et des ballons, panem et circenses, nous opposons notre opiniâtre tri de mots et de sens pour qu'un dossier soit parfait et pris.

Commentaires

1. Le dimanche 21 octobre 2007 à 01:13, par vinteix :

Que veux-tu dire, cher Berlol, en parlant du "sucre"? ... pour le moins très intrigant...
Au passage et anecdotiquement, je connais aussi quelqu'un qui a rencontré Blanchot par hasard, battant le pavé au beau milieu de la foule, anonyme noyé parmi les manifestants de mai 68...
A propos de Blanchot encore, sorti il y a quelques mois un très beau livre, assez court, de Richard Millet, "Place des Pensées-Sur Maurice Blanchot" (Gallimard, nrf)... qui relate une visite, avec quelqu'un de chez Gallimard, dans la maison de Blanchot, après sa mort, pour examiner les papiers, cahiers, etc. laissés par M.B...et peut-être aussi "du sucre" ?... où, sans que le mystère de l'homme soit levé, sans sombrer non plus dans l'anecdotique facile ou impudique, cette visite glisse immédiatement dans une méditation sur l'écrivain et l'écriture... avec des passages fort émouvants, comme la rencontre de la fille adoptive de Blanchot, lien dont le mystère reste entier, ou à la fin, quand Millet découvre tout à coup tout un carton de lettres échangées entre Blanchot et Bataille...
Blanchot habitait Place des Pensées (!)...

2. Le dimanche 21 octobre 2007 à 01:17, par brigetoun :

que j'aime la fin du billet, et ce ciel pas trop effervescent. Et l'idée d'être un enfant dans une cuisine où Blanchot vient chercher du sucre sans savoir qui il est

3. Le dimanche 21 octobre 2007 à 02:29, par Manu :

La transformation d'Akihabara ne serait donc pas finie !? Un moyen, comme tu le dis, de se débarrasser de ces petites boutiques, dont les prix ultra-compétitifs les plaçant dans les premières positions de kakaku.com en gênent peut-être certains ? Enfin, elles pourront continuer en ligne, mais quand même, le quartier va perdre un peu de son caractère... Il va finir par ressembler à Shinjuku, côté ouest.

4. Le dimanche 21 octobre 2007 à 07:56, par Berlol :

Pour ce qui est du "sucre", cher Vinteix, je crois bien que Volodine parlait de sucre tout ce qu'il y a de plus sucre, sans doute pour le thé ou le café (je ne sais pas ce que Blanchot prenait, moi). Merci pour le Millet, je vais le commander.
Pour Akihabara, je pencherais plutôt pour une transformation dans le style de Shinjuku Est, les ruelles entre la gare et Isetan. Tu vois ?

5. Le lundi 22 octobre 2007 à 05:45, par Manu :

Bon, il faut que je retourne à Akihabara alors.
Moi je voyais plutôt le côté Odakyu, le plus récent Sakuraya, le Yodobashi et les ruelles derrière avec quelques boutiques.



Dimanche 21 octobre 2007. Ma princesse au rouet non encore piquée.

Pendant ce temps, en France, au nom de l'identité française, on incarcère des femmes enceintes et des bébés. Le fascisme progresse. Que faire ? Le redire. Que ça circule. Pour que ça s'arrête. Ce n'est pas la peine de nous faire des reportages alarmistes sur la Suisse qui vire à l'extrême. Journalistes français, parlez aussi de ça dans votre pays, n'ayez pas peur !

Christine + Chloé + Phil = le Mauche dans ma prochaine commande. (Sans même parler de François. La convergence des avis positifs l'emporte sur mon impression mitigée avec deux bouts de citation, sans doute parce que le tout n'est pas (que) la somme des parties...)

Il y en a qui font de l'excellent boulot en silence et d'autres qui racolent dangereusement. Encore un billet comme ça, Léo, et je me désabonne ! (Fort à parier que tu t'en foutes... En plus, il n'y a pas que Léo chez Léo...)

Incroyable ! Je suis entré dans une banque un dimanche ! Et pas pour un retrait à une machine...
T. et moi avions rendez-vous avec un être humain à 10 heures dans une banque d'Ichigaya pour discuter d'un éventuel crédit d'achat de maison ou d'appartement. À l'énoncé de notre nom, le planton des machines automatiques nous a fait passer derrière le rideau de fer et escorté jusqu'à l'ascenseur. Notre rendez-vous avec une accorte conseillère a duré une heure et nous avons planifié, sans rien décider, ce que nous pourrions acheter à Tokyo ou à Nagoya — les deux options sont devant nous et nous sommes, au milieu, comme l'âne de Buridan.

Midi au chien de Shibuya, je rejoins Véronique P. et Laurent G., de passage au Japon pour trois semaines. Ne les connaissant pas encore, T. a préféré ne pas trop se déconcentrer du dossier en cours de rédaction. Nous déjeunons tous les trois au Café bleu, dans Mark City. Bon service des garçons sympathiques et excellentes pâtes, bien aillées... Comme il fait grand soleil, dans les 25 °C, nous marchons ensuite, toujours devisant de la France ou du Japon, des situations et des gens que nous connaissons, de Shibuya à Harajuku, en passant par Dogenzaka, le haut de la NHK, les grandes allées piétonnes avant le stade Kenzo Tange, animées par un dynamique marché bio, des groupes de rock en mini-concert sur quatre mètres de trottoir, un parcours de prévention routière pour enfants survêtus de vert pomme, des stands d'organisations non-gouvernementales désertés, d'odorantes baraques de saucisses et de nouilles, jusqu'aux très assidus clones japonais d'Elvis se trémoussant en dehors du rythme, toujours près de l'entrée du parc. Une bien belle promenade.
Je laisse mes amis à l'entrée du grand temple Meiji Jingu pour aller retrouver ma princesse au rouet non encore piquée.
Soirée travailleuse.

Commentaires

1. Le lundi 22 octobre 2007 à 00:37, par brigetoun :

les princesses d'aujourd'hui ne peuvent plus se piquer, juste attraper des crampes si leur dos est noué par l'énervement ou la concentration

2. Le mardi 23 octobre 2007 à 14:51, par Philippe De Jonckheere :

Pour expulser une personne sans papier hors de France, il faut employer deux fonctionnaires à temps plein, ou différemment exprimé il semble qu'il faille 50000 fonctionnaires pour expulser 25000 personnes par an. Coût annuel de l'opération: 2 milliards d'euros.
Amicalement
Philippe De Jonckheere



Lundi 22 octobre 2007. Ils seront fiers, ils iront.

Pour une fois, bille en tête, je cite et contresigne Pierre Assouline :
« [...] Sous l’influence d’Henri Guaino, ce type dangereux qui lui sert de plume et de conseiller, et qui lui a déjà pondu un discours affligeant aux Africains pour leur expliquer leur incapacité fondamentale à entrer dans l’Histoire, le chef de l’Etat a commis l’erreur non seulement d’instrumentaliser une mémoire et une tradition qui lui sont étrangères (pas la moindre impasse Guy Môquet à Neuilly mais un boulevard Maurice Barrès, ce qui n’est pas pour déplaire à M. Guaino qui se dit justement “de sensibilité barrésienne”) mais aussi la maladresse de l’incarner personnellement. Ce qu’il fait systématiquement en toutes circonstances au risque de se voir renvoyer à la figure une initiative louable dans son principe mais qui se métamorphose par sa faute en réflexe antisarkozyste. Cette fois, c’était une fois de trop. [...] »
J'ai vu Guaino au 20-Heures d'hier, sur ce sujet. C'est en effet, derrière sa mine presque timide, sourire pincé, clignant des yeux, bégayant presque, un des individus qui (me) laisse une des plus désagréables impressions qui soit. Et ce n'est pas la première fois.
Ce qu'ils veulent, derrière tout ça, c'est des petits Français prêts à se sacrifier pour leur chef, sans réfléchir.
Ils auront de l'émotion, ils seront fiers, ils iront.

Pour le reste, j'ai trop la tête dans le guidon (du gros dossier) pour continuer. Je complèterai demain...

*  *
*

Oui, j'en étais resté à l'essence des jours...
Habituellement liquide ou vaporeuse. Mais hier, tout à fait solide, nous a-t-il semblé, tant T. et moi nous sommes arc-boutés de concert sur la cohérence globale de notre dossier, bouchant les failles conceptuelles, réduisant les longueurs techniques, nous mettant à la place d'un jury (honnête) pour débusquer ce qui serait obscur ou injustifié — c'est qu'il faut budgéter annuellement jusqu'aux cartouches d'encre et aux dévédés vierges !
Jusqu'au découragement, vers 2 heures du matin, en voyant les formulaires encore à remplir sur des pages web hyper sécurisées...
Encore des cheveux blancs d'ici vendredi.

Commentaires

1. Le lundi 22 octobre 2007 à 22:12, par brigetoun :

cette fois le billet d'Assouline était remarquable

2. Le mardi 23 octobre 2007 à 04:22, par patapon :

Comme je suis un ancien du lycée Carnot, je me souviens que, dans les années 70, les élèves communistes (nombreux dans ce lycée bourgeois) nous avaient distribué à cette date le texte de la lettre de Guy Môquet (suscitant ainsi les sarcasmes des lycéens de droite). Maintenant c’est le contraire. Mais qu’on regarde le texte: c’est une lettre personnelle, intime, adressée à ses parents: on ne peut donc en rien la récupérer... il est très délicat, très difficile, de toucher à ce document, mais il est en tout cas impossible d’en faire un instrument de propagande au service de quoi que ce soit (de “gauche” comme de “droite”).

3. Le mardi 23 octobre 2007 à 06:30, par Berlol :

D'abord, quand on prépare le projet de commémoration obligatoire, on peut changer "camarades" en "compagnons", glisser d'un vocable communiste à un vocable gaulliste. Et hop ! Guaino l'a fait, et dit ne pas trouver ça important. Ensuite c'est que, du vide politique même de cette lettre, on ne peut tirer que les qualités humaines intrinsèques de l'individu Môquet, dont la première est le sens du sacrifice. Je ne vois en effet pas d'autre récupération possible. Mais celle-ci, apolitique, redirigeable dans n'importe quelle direction, avec une bonne télécommande, est de loin la plus dangereuse, car c'est la porte ouverte au fanatisme... D'où mon titre.

4. Le mardi 23 octobre 2007 à 14:33, par Philippe De Jonckheere :

C'est curieux, vous êtes comme cela quelques uns à ne pas du tout apprécier l'Assouline, pionier autoproclamé de l'internet littéraire (www.desordre.net/bloc/bru... ), et bien sûr je vous rejoins là dessus, mais vous avez toujours l'air de savoir exactement ce qu'il a écrit dernièrement dans son torche cul de blog. Pour ma part quand je déteste, et en l'espèce je déteste, il ne me vient pas à l'idée d'aller voir dans son vomis. Faudra m'expliquer.
Amicalement
Phil

5. Le mardi 23 octobre 2007 à 15:13, par Berlol :

L'info, Coco ! Il y a des blogs dont je me désabonne sans hésitation. Et puis il y en a que je n'aime pas mais que je suis (du verbe suivre) parce qu'il y a de temps en temps des informations utiles...
Au fait, Philippe, as-tu reçu mon courriel du 20 octobre ?

6. Le mercredi 24 octobre 2007 à 02:36, par Philippe De Jonckheere :

Berlol, je t'ai répondu, tardivement, mais je t'ai répondu, je t'ai répondu non, mais je cherche quelqu'un qui pourrait répondre oui. Manière de ne pas te dire non. Ce qui me peine.
Amicalement
Phil

7. Le mercredi 24 octobre 2007 à 06:54, par Berlol :

Merci, ne t'inquiète pas. On va y arriver.

8. Le mercredi 24 octobre 2007 à 21:36, par Clément :

Moralité: le jubilatoire PORCHERIE des béru, se laisse toujours aussi bien entonner.
Cher Berlol, il y a au Japon au moins un autre "ancien" de Paris III à avoir eu la chance de suivre au début des années 90 les enseignements de D.Delbreil (mon initiateur à la narratologie), J.P.Goldenstein ("Entrées en littérature" m'a suivi au Japon), H.Behar (à qui je dois la lecture imposée des "Mémoires de guerre" du Général, pour les besoins de ses recherches; cela ne saurait s'oublier),G.Saad, D.Cecchi (par qui je découvris Mishima), E.Baumgartner (ma directrice de recherche en maîtrise) et d'autres au contact de qui je me suis formé en tant que jeune homme et futur enseignant. Pardonnez-moi cette énumération peut-être déplacée en cet espace, je voulais simplement exprimer ma gratitude à leur égard, dire, combien leurs leçons me furent précieuses et le restent.
J'ai beaucoup de plaisir à vous lire, amusé des différents effets conjugués de proximité géographique et de distances sociale et temporelle entre nos trajectoires.
Du pays du soleil levant
un précaire de l'enseignement.
Clément

9. Le mercredi 24 octobre 2007 à 21:50, par Berlol :

Cher Clément, je serais très heureux de vous rencontrer. J'ai connu tous les professeurs que vous nommez et suis encore en relation régulière avec deux d'entre eux. Nous nous sommes peut-être déjà croisés, d'ailleurs... Mais je n'ai souvenir d'aucun Clément. A moins que vous n'utilisiez un pseudo. Si vous êtes tenté, laissez un commentaire en me donnant une adresse de courrier (qui n'apparaîtra pas dans le commentaire public) et je vous joindrai en privé.

10. Le mercredi 24 octobre 2007 à 22:03, par Clément :

Clément est mon véritable prénom, mais je suis presque sûr que nous ne nous sommes jamais croisés. Je peux vous adresser mon CV qui vous en dira un peu plus sur moi, si vous le souhaitez (mais je n'ai pas votre mail). Je serais bien sûr moi aussi ravi de vous rencontrer. Je réside à yokohama, mais assure mes "piges" pédagogiques dans différentes boîtes Tokyoïtes.
Bien à vous,
Clément



Mardi 23 octobre 2007. L'océan qui importe.

Dans le journal, T. a lu qu'il y avait une grève à l'école de langue Nova. Une grève d'enseignants étrangers au Japon ! Après le scandale des tickets non-remboursables (des clients qui avaient payé d'avance des cours pour un ou deux ans, et qui ne pouvaient plus se faire rembourser — mais il faudrait que je vérifie, parce que parfois ma mémoire déforme...), l'école soi-disant fer de lance des langues étrangères il y a quelques années, l'école aux centaines de petites agences dans lesquelles des universités avaient commencé à externaliser leurs cours de langue (si, si...), cette école joviale et dynamique qui faisait partie de tous les paysages des gares japonaises... est sur le point de disparaître.
Bien que je n'aie jamais apprécié cette boîte qui sous-paye des enseignants natifs peu qualifiés en les tenant par le visa, fait une concurrence déloyale au moyen d'onéreuses campagnes de publicité et, le pire, donne des idées de management des langues étrangères jusque dans les ambassades et les instituts, je ne me réjouis pas du chômage et de la précarité qui menacent nombre d'enseignants d'errer bientôt sur le pavé nippon. D'autant qu'une autre boîte la remplacera...

Maintenant que j'ai des lunettes de vue, je peux lire dans le train des livres en japonais avec des furiganas. Et donc chercher dans le dictionnaire des mots que je suis content d'apprendre, que je répète... en sachant que je n'en retiendrai qu'un sur cinq.
Quand je fais du japonais, j'ai souvent l'impression de vouloir vider un océan avec un dé à coudre. Cependant, depuis quelques temps, je comprends qu'en japonais comme en tout, ce n'est pas vider l'océan qui importe, c'est soigner son mouvement de dé.

L'autre jour, j'ai appris avec amusement qu'à Kyoto Éric m'a piqué mon prof de japonais.
Possibilité d'aller voir ça de près mercredi prochain...

En cours de conversation, parmi divers sujets, on parle de la sieste. Un vrai tabou, dans un pays où tout le monde est chroniquement fatigué. Mais prenez un professeur qui passe dans un couloir. Il ne vous dira jamais qu'il n'a rien à faire. Même si ce n'est pas vrai, il vous dira toujours qu'il est très occupé — et en général c'est vrai.

Commentaires

1. Le mardi 23 octobre 2007 à 16:38, par patapon :

“Je suis débord(é) de travail, je suis crevé(e), je croule sous le boulot....” sont effectivement des mots qui reviennent souvent dans la bouche des profs japonais. Cependant, quand on va y voir d’un peu près, on s’aperçoit que bon nombre d’entre eux passent une bonne partie de leur temps à inventer du pseudo-boulot (réunions bidons, comités Théodule, usines à gaz de toutes sortes) qui effectivement prend du temps, mais ne débouche, intellectuellement parlant, sur rien du tout. Si la fonction d’un universitaire est de contribuer à produire et à diffuser le savoir, il y en a beaucoup à qui on a envie de dire: peut mieux faire...

2. Le mardi 23 octobre 2007 à 23:15, par eric :

Il était libre, le prof de japonais! et ce n'est pas un statut voué à la monogamie!
voilà, j'ai mordu à l'hameçon : mercredi prochain, c'est noté; je saurai à la fin de la semaine comment on peut s'organiser.
pour ta gouverne, j'ai une longue séance avec le prof de japonais prévue mardi soir; on avait envisagé, le cas échéant, de t'y convier : on a l'esprit large, dénué de prévention contre le ménage à trois.

3. Le mercredi 24 octobre 2007 à 06:55, par Berlol :

Je sais qu'il était libre... Pour mercredi, je te confirmerai moi aussi en fin de semaine.

4. Le mercredi 24 octobre 2007 à 10:36, par Alexe :

C'est marrant, quand j'ai fait du japonais j'avais l'impression que c'était moi le dé à coudre...
Alexe
www.si-les-idees-suffisaient.net

5. Le mercredi 24 octobre 2007 à 17:58, par Berlol :

Sur Nova, dont la situation empire de jour en jour, repartie visionnaire en commentaire de cet article : "Its gonna be a supernova"...



Mercredi 24 octobre 2007. Devient cheval.

Folle, la tour quitte son camp, traverse tout l'échiquier, devient cheval.

La cause de ces mouvements tactiques ? Qu'il est fort probable que notre dossier soit remis à l'an prochain... Hélas ! Mais rien de dramatique. Je m'exprimerai plus tard, quand ce sera déclassé.

Chère Laure, c'est beaucoup grâce à Alphonse que je t'avais contactée l'an dernier quand je cherchais des écrits sur l'intime réticulaire. Je m'associe à ta peine.
Pendant ce temps, chez Crouty, Coulis va mieux. Que dire de plus ?

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*
« Opinion partiellement dissidente » !

« La Cour européenne des droits de l'homme a estimé, lundi 22 octobre, que la justice française n'a ni violé la liberté d'expression de Mathieu Lindon, ni celle de Paul Otchakovsky-Laurens, son éditeur, ni celle de Serge July, ex-directeur du quotidien Libération, en les condamnant pour diffamation.
Dans le roman Le Procès de Jean-Marie Le Pen, de Mathieu Lindon, édité chez POL en 1998, dont Libération avait reproduit des extraits, Jean-Marie Le Pen était qualifié par des personnages de "chef d'une bande de tueurs" et de "vampire qui se nourrit de l'aigreur de ses électeurs, mais parfois aussi de leur sang". Ces propos ont été jugés diffamatoires en 1999 et 2000 par la justice française et donc par une majorité des juges de la Cour européenne des droits de l'homme.
Mais, phénomène rarissime, quatre juges de cette cour, dont le président de la grande chambre, devant laquelle l'affaire était plaidée, ont émis une "opinion partiellement dissidente". Ils rappellent que "la liberté d'expression est le fondement d'une société démocratique". Ils attachent "un grand poids à la nature de l'ouvrage en question", un roman, et estiment que "la cour n'en a pas suffisamment tenu compte".
Ces juges n'entendent pas "endosser la position des autorités judiciaires internes, selon laquelle il ne faut pas faire de distinction en fonction de la forme d'expression utilisée". Ils ajoutent : "En avalisant — sinon en paraphrasant — le raisonnement tenu par les juridictions internes (...), l'arrêt de la cour renonce tout simplement à effectuer son propre contrôle. Il en résulte que le contrôle européen disparaît (...) ce qui s'écarte sensiblement de notre jurisprudence lorsqu'il s'agit de la critique d'hommes politiques."» (Alain Beuve-Méry, Le Monde du 23 octobre 2007)

Commentaires

1. Le mercredi 24 octobre 2007 à 10:40, par Philippe De Jonckheere :

Un coup très méconnu aux échecs vraisemblablement, pour ma part je ne le connais pas. Une fin de partie? Ou un problème d'échecs féériques?
Amicalement
Phil

2. Le mercredi 24 octobre 2007 à 16:20, par Bikun :

Le tueur à l'échiquier Russe?!

3. Le mercredi 24 octobre 2007 à 23:47, par brigetoun :

joueuse basique il y a cinquante ans j'ai tout oublié, mais l'hypothèse du jeu féérique me plairait bien, ou plus simplement symbolique

4. Le jeudi 25 octobre 2007 à 10:14, par Laure L :

Oh merci Patrick, c'est adorable.



Jeudi 25 octobre 2007. Le crevant dans la baignoire.

Soudain, avant-hier, en regardant une connerie à la télé, je me suis souvenu qu'à Orly, le 30 août dernier, commençant à manœuvrer ma Peugeot 407 dans le parking du loueur, acharné à tirer le manche à moi, acculé devant un pylone, je m'étais écrié — T. pliée de rire : « Y'a pas de marche arrière ! »
Non pas que je ne trouvais pas la marche arrière, mais qu'il n'y en avait pas. Ce qui me parut tout de même fort peu probable dans la seconde suivante. Je suis descendu de voiture pour demander au bureau, où l'on m'a dit qu'il fallait faire le mouvement en soulevant le collier du manche...

Beaucoup de courrier, aujourd'hui. Surtout pour Orléans.
Sortie en fin d'après-midi, pour marcher deux trois kilomètres en écoutant Emmanuel Tugny aux Mardis littéraires. Parce que j'ai achevé Corbière le crevant dans la baignoire. Puis T. m'appelle pour la rejoindre à Ginza et dîner d'une bonne soupe chinoise chez Aster. Ma bonne étoile ! (Tout le reste est hors de prix.)

« Les amis voient le corps du Bossu Bitor produire ça comme une aliénation mystique de soi, comme la fiévreuse duplication d'un cheminant cahot d'être : ils voient bien ce qu'il y a d'art vrai dans cette macération au dehors. Ils voient ce qu'il y a là d'art, c'est-à-dire de signification par le corps aliéné d'un corps du monde absent du corps et qui l'aime le hantant, en convoitant la part prenable pour jamais, peut-être ; ils voient de l'art vrai se faisant.
Pas le monde littéraire, bien sûr, qui publie de la littérature, pas le devenir objet de corps, et vend de la prosodie, pas du verbe, du mètre et pas du Logos.
Et c'est tout naturellement que ce corps aliéné, que ce corps s'engendrant objet du monde dans le monde qui meurt trouve, à compte d'auteur, un premier et dernier éditeur au champ pornographique, chez les frères Glady, éditeurs et pour l'un d'entre les deux, Albéric, romancier.
    "Trop cru, — parce qu'il fut trop cuit,
     Ressemblant à rien moins qu'à lui" » (Emmanuel Tugny, Corbière le crevant, p. 100, citant Épitaphe de Tristan Corbière)


Vendredi 26 octobre 2007. Des pions les cachent.

Tout dévoué à la dame, le cavalier creuse sous l'échiquier.
Des pions les cachent.
Il ira mettre une bombe sous le camp adverse.
Elle allumera la mèche.

*  *
*

T. est partie sous la pluie battante pour un rendez-vous avec son directeur de recherches. Il s'agit de mieux préparer la demande de subvention pour l'an prochain et d'éviter qu'entre temps données et idées ne soient pillées — il semble qu'il y ait des velléités. La Fronde pas morte... Tant mieux ! Pendant ce temps, je reprends ma sélection d'ouvrages dans Gallica 2, pose des signets (ça va tellement vite ! Oui, j'ai déjà un profil, il faudra que j'y revienne), puis je cherche une solution wiki pour un projet en cours, corrige des copies, déjeune en vitesse et file aussi, entre deux averses, au centre de sport où nous devons nous retrouver.
Là, pauvre petit être humain peinant à suer sur une machine déréglée qui ramène à zéro la résistance des pédales parce qu'elle croit que le cœur bat à 150, je n'en lis pas moins, tutoyant les cimes, celui qui m'étonne et m'enrichit le plus ces dernières années :

« Partant de là, de ce socle solide qu'est l'intégration en soi d'une infériorité par rapport à l'espèce humaine dominante, on peut relever dans le post-exotisme une certaine décontraction par rapport au discours sur l'espèce. Je dis espèce pour éviter le plus possible la confusion avec un discours sur la « race », un discours racialiste ou ethniciste qui est aussi abordé, et même abordé de front dans de multiples livres (Rituel du mépris, Le Nom des singes, Dondog, en particulier), mais qui n'est pas ici la question. Je dis espèce pour bien parler de l'humanité en général. Le seul fait de s'en dissocier légèrement, en se réclamant d'une sous-espèce, permet d'avoir un point de vue critique plus simplement exprimable. Un point de vue plus naturellement ironique et négatif. Se réclamer du statut de sous-homme permet immédiatement de renvoyer à l'histoire du XXe siècle : en premier lieu, à l'idéologie nazie qui a, c'est le moins qu'on puisse dire, largement et durablement influencé la pensée de l'espèce. En second lieu, aux pratiques et à la pensée coloniales, post-coloniales et impériales, qui continuent à s'épanouir et à prospérer en ce début déjà bien engagé du XXIe siècle. En troisième lieu, à la position des zeks, réfugiés, sans-papiers et prisonniers de camps du passé ou de camps contemporains (un lien physique est alors établi avec les surnarrateurs emprisonnés du post-exotisme). En quatrième lieu, à la position des miséreux qui forment la majorité de la population humaine depuis toujours.
Se placer en retrait, d'une certaine manière en retrait génétique, permet de regarder plus exactement le désastre historique, social et politique dans lequel se meut aujourd'hui l'ensemble de l'espèce. En retrait génétique, il n'est plus question d'écriture, d'appartenance ou non à tel ou tel courant internationaliste, plus question de posture d'artiste, ni même de mécontentement ponctuel concernant tel ou tel aspect des conflits qui agitent le monde : c'est tout naturellement l'humanité en tant que groupe étrange qui est observée et critiquée. Le discours est alors plus décontracté (je tiens aujourd'hui à ce terme) : on peut condamner l'évolution historique en disant tout simplement qu'elle est répugnante. On peut jouer avec l'imaginaire des révolutions ratées les unes après les autres. On peut porter sur les humains un regard défavorable et las. En occupant une position qui se réclame de l'infériorité, on peut, finalement, être pessimiste sans rejoindre en quoi que ce soit les écoles de pensée pessimiste, en général occidentales et en général liées à l'élitisme et à des pratiques ou des théories réactionnaires (on est alors tout à fait en dehors de ce débat).»  (Antoine Volodine, « Tout ce qu'on voudra mais pas homme » / Propos recueillis par Anne Roche, Europe, 940-941, août-septembre 2007, p. 236-237)

On sort légers et lavés — il pleut de plus belle — avec une envie... Vite ! un taxi ! Café et gâteau chez Demel, à Harajuku. Une merveille, cet endroit, et tellement discret. On reprend d'un coup d'un seul tout le poids qu'on venait de perdre. En se disant que ce soir, on mangera léger. (Ce qu'on fera en effet.)

En première page des journaux ce matin, il y avait la faillite de l'école Nova. Retentissant ! Un vrai beau gâchis. Plus de 40 milliards de dettes (en yens) et en caisse plus de 40 milliards de cours payés d'avance... Mais, selon la loi, le remboursement des dettes passe avant celui des clients, qui ne sont donc pas près de revoir leur argent. Ils pourront toutefois aller protester — en anglais, en français, etc. — aux côtés de leurs profs sans salaires.

Commentaires

1. Le vendredi 26 octobre 2007 à 21:55, par Philippe De Jonckheere :

Là on y voit plus clair, on va tout droit vers un mat à l'étouffée, ce sont les plus beaux d'après Lasker
Amicalement
Phil



Samedi 27 octobre 2007. Ghrrr@°#§!!!... Dans le cambouis.

Après rapide relecture du chapitre III hier soir, rédaction des notes de cours ce matin, de six à huit. À la fin du chapitre II, on pourrait croire que L'Étranger s'achève déjà. Une routine semble reprendre, le choc du deuil est absorbé par la petite vie banale d'un employé qui ne veut pas faire de vague. Au travail comme en ville, tout roule comme avant, comme toujours. C'est au retour chez lui que Meursault va entrer sans le savoir dans son destin. Pour ça, Camus le (et nous) met face à un diptyque de dépendances névrotiques : Salamano et son épagneul, Sintès et sa Mauresque. Le parallèle est effrayant, d'autant qu'uni par le sang : la rouge du chien et les croutes de Salamano d'un côté, le boudin, le vin et le sang des taquets de Sintès de l'autre. Si quelques lecteurs peuvent voir que le rouge est mis, Meursault ne perçoit en revanche aucun signal d'alarme et tombe droit dans le panneau. Sintès l'embobine avec sa logique de l'honneur viril, de la tromperie avérée (Ah ! le bel euphémisme que d'avoir « trouvé » un billet de loterie et une indication du mont-de-piété, quand il faudrait dire « fouiller », sans doute) et de la punition à soigner. Mais qui ne voit ces méthodes de proxénète !? Ce langage biaisé du machisme !? La manipulation d'un voisin naïf !?

Le typhon est sur nous. Il n'y a rien à faire pour l'éviter. Ça durera encore la journée. Quelques étudiants en ont profité pour ne pas se lever. Qu'à cela ne tienne, le cours est tout de même bien animé.
Et suivi d'une grande animation de l'Institut puisque c'est le jour de la vente de livres d'occasion. Les bibliothèques de l'Institut et de la Maison franco-japonais ainsi que la librairie Omeisha désherbent, comme aiment à dire les bibliothécaires... Je trouve Œuvres d'Édouard Levé (2002), Carnets d'une soumise de province de Caroline Lamarche (2004), neufs, ainsi que trois Hervé Guibert en poche occasion, La Mort propagande (1977), Des Aveugles (1985), Le Paradis (1992), et, qui vient d'arriver à la librairie, le dernier Modiano.

Déjeuner au Saint-Martin. Là aussi, peu de clients qui ont bravé les éléments pour se nourrir. Pourtant...

Je passe le reste de la journée à installer une nouvelle version de WordPress. Ghrrr@°#§!!!... Dans le cambouis, comme dit François.
Changement d'adresse (Emmanuel Mouret, 2006) pour me distraire. Un peu niais, au premier abord, mais assez intéressant. On sent des clins d'yeux à la Nouvelle Vague (Tous les garçons s'appellent Patrick, Antoine Doinel au lit, de la timidité rhomerique, etc.). De naïfs et bétas, les personnages deviennent attachants. On aurait envie de les revoir en allant au café du coin ou à la boutique de photocopies.

Commentaires

1. Le samedi 27 octobre 2007 à 15:40, par jenbamin :

“Changement d'adresse” permet de comprendre enfin à quoi servent les gens qui étudient les langues comparées. Et quand même, ça, ce n'est pas rien.

2. Le dimanche 28 octobre 2007 à 04:54, par Cléo de 7 à 5 :

Ah làà ! je te l'avais déjà dit de vive voix, je suis rarement de ton avis à propos des films : ce film ne m'a paru niais ni au premier abord ni jamais.. Surprenant et délicat, tellement à contre-courant, y compris dans sa forme d'ironie, un dépaysement, un autre temps et pourtant contemporain, et cet usage du langage. Cette délicatesse, justement, ou douceur. Décalé, libre, le film d'un auteur. Oui.
Ce que tu as senti aussi.
A rapprocher du cinéma d'Eugène Green, ou du film d'un autre jeune cinéaste vu il y a peu, dont je pourrais dire les mêmes choses, en m'enflammant tout autant, Nuage, de Sébastien Betbeder. Mais sera-t-il accessible au Japon ? on était si peu dans la salle à Paris.
C’était cécile.

3. Le dimanche 28 octobre 2007 à 06:57, par Berlol :

Merci, Cécile, pour les deux cinéastes que je ne connais pas encore. En fait, je n'avais pas le temps de détailler. Je l'ai vu en deux fois. La première partie, j'étais préoccupé par autre chose, et ça m'a paru niais. Je n'y étais pas. Et à la reprise, j'étais plus détendu, disponible pour bien regarder et ça m'a tout à fait charmé. Et je suis finalement assez d'accord avec toi.



Dimanche 28 octobre 2007. Très vieille pomme de la campagne rizicole.

Certaines nuits à parler, à défaut de dormir, on ne sait plus si l'on joue avec les blancs ou avec les noirs. Les couleurs s'inversent quand on perd des illusions. Mais les perd-on vraiment ? Cause ou coïncidence, dehors le typhon déploie tous ses talents : pluie, vent, sifflements divers. De la grosse tourmente.

Forcément, on se lève tard. Et tout est nettoyé. Peut-être pas dans nos têtes, mais dehors c'est grand soleil. Comme toujours, derrière un typhon. Rangement, ménage, lessive, pas le temps d'ouvrir un livre, ou même une page web que c'est déjà midi. Je nous relève le moral avec la sauce des pâtes et T. renchérit grâce à de bonnes nouvelles académiques trouvées en ligne. J'écoute Stiegler, chez Fauré, avec intérêt mais avec peu de profit, aujourd'hui. Comme si je savais ou pensais déjà ce qu'il dit, à peu près.
Pendant qu'elle est à son ordinateur, T. réserve deux places de cinéma à Roppongi pour quatre heures.
Sortons à trois heures — j'ai justement fini de paramétrer un blog mériméen fermé (pour un groupe de travail). Il fait encore grand soleil quand on débouche à Azabu-Juban pour remonter tranquillement vers la tour, puis nous laisser porter par les escalators et aller retirer nos billets à une borne, dans le hall d'entrée du cinéma (avec un code donné à la réservation et notre numéro de téléphone).
Le film ? Comme T. aime bien Jodie Foster et qu'on a besoin de cours de vengeance, c'est The Brave One (Jordan, 2007). Plus fin que je ne l'avais craint. Trop de musique psychologique, comme d'habitude. Mais belle thématique de la voix, de la prise de son ou d'image. Le crime enregistré prend une autre dimension (pour réécoute douloureuse, découverte d'indices, diffusion ultérieure sur téléphone portable) dans une histoire qui convoque dans sa trame-même vidéo et vidéo-surveillance, radio, micro, téléphone, sans oublier quelques tours homériques comme s'appeler « Personne », être reconnu à la fin par le chien perdu au début, etc.
En redescendant vers le métro, T. m'attire dans un restaurant de sobas paraît-il très connu, Naga Saka Sara Shina, où elle allait enfant, adolescente, étudiante, bref, qu'elle adore. Et c'est très bon ! (Même si là, maintenant, en écrivant, j'ai faim...)

De retour à la maison, je constate que le blog collectif fonctionne. C'est encore une bonne nouvelle. Mais... Tiens, il y a un message téléphonique ! Hélas, c'est l'annonce du décès d'une cousine par alliance, à Oita, dans le nord de l'île de Kyushu, une mamie de plus de quatre-vingts ans, cordiale, joviale, ridée comme une très vieille pomme de la campagne rizicole du Japon profond mais pas étonnée quand on sort un appareil photo miniature ou un ordinateur portable pour lui montrer des photos de son cousin, le père de T. — qu'elle vient à son tour de rejoindre. T. va donc faire l'aller-retour demain et après-demain, en avion, pour assister aux cérémonies.
Je vais chercher une photo d'elle.

Commentaires

1. Le lundi 29 octobre 2007 à 07:05, par christian :

Salut!
Est-ce bien toi qui es intervenu sur France Inter pendant l'émission "Allô la Planète" et a conseillé à quelqu'un de me contacter à propos des problèmes de Nova?
Si tu en as parlé, désolé, je n'ai pas lu ton blog récemment...
Il y a aussi pas mal de discussions ici et là au sujet d'une pétition contre la prise d'empreintes à l'arrivée des étrangers au Japon.
Site de la pétition:
www.ipetitions.com/petiti...
Désolé si mon message est redondant, je n'ai pas le temps de lire tout ton blog pour le savoir!
A. Plusse

2. Le lundi 29 octobre 2007 à 07:52, par Berlol :

Euh, non, pas moi. Je n'aurais ni l'idée d'intervenir sur France Inter, que je n'écoute pas, ni celle de recommander qu'on te contacte pour ça. Ceci dit, tu es tout excusé... Et merci pour la pétition, je n'étais pas au courant !

3. Le mercredi 31 octobre 2007 à 00:25, par christian :

Salut!
Désolé! J'ai trouvé l'autre! C'est un ami que j'avais perdu de vue et dont j'ai retrouvé la trace l'an dernier.



Lundi 29 octobre 2007. Du passé tourné haineux vinaigre.

Matinée de préparation, pour T., avant de partir dans la péninsule de Kunisaki, où nous comptions retourner pour des vacances nature & vélo. Ce sera famille et tombeaux. On ne choisit pas toujours ses thèmes de voyage. Pour ne pas perdre de temps, on déjeune rapidement au Saint-Martin. Oui, encore.
Il fait carrément chaud. Ça sent comme au printemps. On se doute que ça ne va pas durer, que c'est la queue du typhon.

Parti à mon tour, dans la rue, le shinkansen, le métro, plus de deux heures et demie, j'écoute attentivement Weimar 1 et Weimar 2 (Surpris par la nuit sur la République de Weimar, en trois parties, du 16 au 18 octobre) revenant en arrière quand il arrive que mes yeux se ferment ou que mon attention décroche quelques dizaines de secondes. Ma connaissance de cette période historique de l'Allemagne est quasiment nulle et j'apprends énormément de choses, en particulier les conditions d'accès au pouvoir d'Hitler.

Aussitôt arrivé, j'empoigne mon sac de sport et Un Livre blanc. Je file à ma séance de transubstantiation. Comment appeler autrement ce phénomène qui consiste à ingurgiter des mots, des fragments mélodiques, des pièces de sens, et à exuder de l'eau, brûler de la graisse, rejeter des toxines. D'autant que le plaisir de retrouver l'errance réticulaire, façon Carte muette, cette fois épurée de toute diégèse, me fait entrer profond dans l'esthétique littéraire des zones — non sans me souvenir d'un autre, « las de ce monde ancien », « que les fenêtres observent » et qui regarde « ces pauvres émigrants »... Que Vasset ait eu Apollinaire en tête, tangentiellement, je l'ignore, mais je le remercie de l'avoir fait revenir d'un siècle à la mienne. Et cela me lave tout à fait du mauvais souvenir  de ses Bandes alternées.

« Au bout de deux mois, j'avais complètement abandonné l'idée de faire apparaître la moindre parcelle de merveilleux : les blancs des cartes masquaient, c'était clair, non pas l'étrange, mais le honteux, l'inacceptable, l'à peine croyable : des familles campant dans la boue en pleine ville et des hommes qui, comme à La Courneuve, sous l'A1, devaient aller arracher aux obstacles des parcours de santé avoisinant des rondins pour alimenter leur feu l'hiver. [...] » (Philippe Vasset, Un Livre blanc, Fayard, 2007, p. 22-23)

« Mais lorsque j'ai voulu synthétiser toutes les informations rassemblées, les phrases ont refusé de s'agencer en argumentaire : mes textes n'expliquaient rien, ne racontaient aucune histoire, et laissaient même transparaître par endroits une fascination difficile à assumer pour ces existences portées jusqu'à l'extrême public, ces patientes appropriations d'un coin de rue, d'un trottoir, et ces vies dissolues dans le mouvement et le passage. J'ai vite compris que jamais je n'arriverais à dénoncer quoi que ce soit, préférant la confusion à la clarté, m'y prélassant même, et retardant le plus possible le moment où il faudrait choisir mon camp et cesser d'être transparent, sans poids ni place.» (Ibid., p. 24-25)

Vinteix m'écrit et je (te) (lui) réponds publiquement sur deux points. Tout d'abord, la convention de protection sociale signée entre la France et le Japon. J'avais noté cela le 22 février dernier, avec un lien dans les pages de l'Ambassade, article disparu, un autre étant ici, ou ici aux Finances (on admire le beau « Vandredi »). Enfin, voici, retrouvé, le texte officiel.
Et tu fais bien de me recommander, cher ami, — c'est le second point — de voir Alain Robbe-Grillet en entretien dans Ce soir ou Jamais de mercredi dernier — le seul que je n'avais pas encore vu. Ces soirs ou Jamais, ces deux dernières semaines, m'ont beaucoup intéressé, mais à chaque fois, au moment du JLR, soit je ne voyais pas quoi en dire sans revoir et citer, ce que je n'avais pas le temps de faire, soit ça me sortait même complètement de la tête, tant elle était ailleurs. Sachant à regret, à me relire, que le retard accumulé serait fatal à ce que je pouvais encore avoir à en dire.
Robbe-Grillet, c'est comme si je l'avais anticipé le 18... Ça me fait très plaisir de le voir en pleine forme, ne se laissant pas mener en bateau : oui, Aristote pose pour l'éternité l'articulation catharsis / mimesis, lieu où dérapent les esprits censeurs, qui voient en réalité ce qui était écrit en fantasme — et qui méritent donc, eux, d'aller en prison. Ce qui est bien différent des photos, rappelle ARG, pour lesquelles il a bien fallu que des modèles posent. Je ne tiendrai pas compte de son ignorance de l'internet, bien normale, pour me souvenir surtout de sa sortie, faisant rasseoir Taddeï pour lui dire que « pas du tout », la masturbation n'est pas une addiction, ce que reprendra admirativement Jean-Didier Vincent dans la suite du débat. Enfin, j'apprends avec tristesse que les beaux différends théoriques ont du passé tourné haineux vinaigre chez Sollers, dans ses mémoires« âneries », pour ARG, d'un « clown » « comique ».

Commentaires

1. Le lundi 29 octobre 2007 à 17:20, par cgat :

en effet en très grande forme Robbe-Grillet, et semblant beaucoup plus jeune dans sa roublardise (elle a bon dos la catharsis!) que Taddéi (se faisant il est vrai le chantre naïf de la doxa actuelle) !

2. Le mardi 30 octobre 2007 à 01:30, par brigetoun :

l'ai loupé - tacher de le regarder aujourd'hui.
Pour la montée au pouvoir d'Hitler, avez vous lu "une petite ville allemande" de William S. Allen - san doute pas la vérité absolue, mais éclairant et assez fascinant (y compris dans le contournement de la gauche)

3. Le mardi 30 octobre 2007 à 05:44, par vinteix :

Merci de ta réponse, Berlol...

Et concernant ARG, en effet, il semblait pour le coup très jeune... mais pas vraiment roublard... beaucoup moins que celui qu'il appelait avec malice "le clown"...
M'a juste gêné un peu le fait qu'il considère son dernier livre "masturbatoire" comme à part et ne faisant pas partie de sa "littérature", comme si un texte érotique n'était pas de la littérature... Là-dessus, je l'ai trouvé un peu "juste" et pense comme Pauvert que "littérature érotique" est une formule vide de sens, l'érotisme étant d'ailleurs depuis 4000 ans un des principaux moteurs de la littérature (en général)...
"La littérature en tant que telle ne supporte pas la qualification; elle est tout court ou elle n'est pas du tout, et dès qu'on la classe dans des catégories limitées, en la disant par exemple érotique, policière, régionale, féminine, engagée, elle perd sa seule qualité incontestable, qui est refus de se spécifier"
Marthe Robert, "La Vérité littéraire" (1981)



Mardi 30 octobre 2007. Récupérer un pays propret.

Une journée de cours et après c'est le festival de l'université — c'est-à-dire pas d'autres cours cette semaine.
Interruption du serveur pendant au moins deux heures, ce matin, mais rétablissement de l'accès avant le cours dans lequel j'utilise un blog pour la conversation (on est quand même à la merci de la panne). Pédagogiquement parlant, ça marche très bien : après les commentaires écrits qui peuvent être commentés oralement en classe, on en est à la rédaction de billets par chaque étudiant, avec insertion de liens pour présentation orale en classe. Une étudiante a présenté aujourd'hui en français une page sur le dialecte de Nagoya (en japonais), c'était savoureux.

Dans le train du retour, écoute suite et fin des émissions sur la République de Weimar. La troisième émission était plus culturelle. Nombreuses interventions sur la littérature, le cinéma, le théâtre. Stupéfiant foisonnement de création dans cette Allemagne en apparence libérée de l'impérialisme mais plombée par la défaite et la dette. Tout le monde connaît des noms comme expressionnisme, futurisme, mouvement Dada, Bauhaus. Le modernisme et la modernisation sont culturellement orientés vers l'individu, pour un individualisme qui accompagne d'ailleurs la production économique. Mais sous ces agitations visibles, les forces conservatrices qui craignent par dessus tout cette libération des masses se développent et s'organisent, elles aussi, agitent un pays en proie à une hyper-inflation, promeuvent la peur, les milices... pour canaliser cette force des masses dont l'existence est rendue inévitable par l'industire, la concentration urbaine et les médias.
Le plus étonnant est quand même d'entendre que les aristocrates réactionnaires, nostalgiques de l'ancien régime, auraient laissé monter le prolo et vulgaire Hitler qu'ils n'invitaient pas à leur table pour qu'il fasse le sale boulot que leurs mains trop blanches leur interdisaient de faire, en pensant qu'ils pourraient toujours stopper sa carrière et récupérer un pays propret. Mauvais calcul, visiblement.

T. revient juste après moi des obsèques de la cousine paternelle, son avion avait un peu de retard. Elle rapporte une moisson de nouvelles connaissances, cette branche campagnarde de la famille ayant sciemment été délaissée par sa mère qui ne jurait que par Ginza : les enfants, petits-enfants, cousins, neveux et nièces de la disparue et des trois autres personnes âgées que nous avions rencontrées en 2005 et 2006.
Elle rapporte aussi des remarques personnelles sur la culture de la péninsule de Kinusaki. Le plus surprenant pour elle, raconte-t-elle, était la cérémonie de la crémation. À Tokyo, pour son père, nous l'avions vécue d'une façon organisée pour l'ordre symbolique et par la prestation de service. Des employés des pompes funèbres faisaient tout pour nous, jusqu'au moment du transfert des restes d'ossements qui avaient été mis en tas par l'un d'entre eux.
À Kunisaki, le dispositif est plus réaliste et il implique. C'est le fils aîné qui doit appuyer sur le bouton pour lancer la crémation (ce qu'il fait en demandant pardon à sa mère). Puis, lorsque les restes sont sortis du four, ils ont encore la forme exacte du corps de la défunte, dont la vision s'impose à la famille réunie — épreuve de réalité, de la réalité de la mort, qui peut — peut-être — permettre à la majorité des vivants de bien comprendre — concevoir — que cette personne n'est plus, toute aimée qu'elle ait été, au point que l'idée de sa  mort ait paru jusqu'ici inconcevable. Si prendre avec des baguettes un morceau d'os provenant d'un tas informe est déjà assez pénible, qu'en est-il s'il faut prélever ce morceau dans la forme du corps ? Et de voir cette forme progressivement disparaître tandis que chacun son tour en retire un os pour le déposer dans l'urne ?

Ce soir ou Jamais du 25. Je n'en vois que l'entretien avec Alain Badiou qui sort De quoi Sarkozy est-il le nom ?
Un bien beau titre. Et des propos — je ne cite pas tout — qui me rappellent Weimar, mais ça doit être une coïncidence...
« Les opprimés, de façon générale, n'ont qu'une seule arme. C'est leur discipline. Ils n'ont rien. Ils n'ont pas l'argent, ils n'ont pas les armes, ils n'ont pas le pouvoir, la seule force qu'ils puissent avoir, c'est celle de leur organisation et de leur discipline.»
Alors, de quoi Sarkozy est-il le nom ?
« Je pense qu'il est le nom d'une société qui a peur, en effet, et qui demande qu'on la protège. Je sens dans cette société la demande d'un maître protecteur qui, justement, sera aussi capable d'user de violence contre ceux dont on a peur. Cette peur vient à mon avis de ce que la France, après une longue histoire glorieuse, est aujourd'hui une puissance moyenne, dotée de privilèges et de richesses considérables, mais c'est une puissance moyenne dans un monde qui est dominé par des colosses émergents comme la Chine ou l'Inde ou des puissances considérablement plus fortes comme les États-Unis. Et par conséquent, l'avenir de la France est incertain. Nous ne savons pas, le peuple français ne sait pas où va ce pays. Il sait qu'il a un grand passé mais il doute qu'il ait un grand avenir. Et cela crée, en effet, un sentiment de peur, un sentiment de refermement, un sentiment de protection, et Sarkozy est un des noms de ce phénomène. Le vote pour Sarkozy est une demande de protection.» (Alain Badiou, entretien avec Frédéric Taddeï, Ce soir ou Jamais, France 3, le 25 octobre 2007)

Commentaires

1. Le mardi 30 octobre 2007 à 23:39, par vinteix :

Alain Badiou n'est pas toujours ou du moins n'a pas toujours été (du temps de son maoïsme enchanté...) du côté des "Lumières" les plus éclairantes... mais la persévérance de son combat et certaines de ses idées iconoclastes sont toujours bonnes à entendre..
Et pendant ce temps, le PDG protecteur et décomplexé de la France, qui est au moins "le nom de lui-même", se fait allègrement doubler son salaire...

2. Le mercredi 31 octobre 2007 à 00:35, par Dom :

Le temps de son maoïsme enchanté, c'est ici et maintenant : la discipline et l'organisation meilleures et seules armes des opprimés... Pas l'indiscipline et la démobilisation ?

3. Le mercredi 31 octobre 2007 à 00:36, par christian :

Ce rituel de crémation et de récupération d'éléments inertes du désormais "Ex- Vivant" aiderait-il à "faire son deuil". En Europe, le corps est mis en bière... Il conserve donc sa forme de vivant, ce qui favorise peut-être une fixation du souvenir sur l'image du décédé. Alors qu'ici, on est obligé de "faire avec ses souvenirs".
Bon, sur ce, je vais me mettre une bière dans le corps! Ça vaut quand même mieux! Mes amitiés et condoléances à toi, à T.

4. Le mercredi 31 octobre 2007 à 02:26, par brigetoun :

agréable de voir que des cranes arrivent à découvrir ce qu'un bon sens de base tient pour évident : que les populismes sont toujours arrivés avec un assentiment un peu dégouté des "classes dirigeantes", ce par quoi elles ont été peu à peu bouffées et remplacées sauf dans leurs éléments les plus récents ou maléables - que le vote Sarkozy est une demande de père ou de chef et de protection. Reste à partir de ces évidences pour nuancer

5. Le mercredi 31 octobre 2007 à 02:46, par Berlol :

Je crois que l'indiscipline et la démobilisation vis-à-vis d'un certain état des choses, d'une certaine bien-pensance n'ont de chance de servir à quelque chose comme du changement que dans la mesure où elles deviennent discipline et mobilisation pour autre chose. Tout le problème est de savoir si ce devenir est humainement possible (sans être obligé de fabriquer artificiellement un homme nouveau, impasse déjà sur tous les plans) et pour quelle autre chose, ontologiquement et socialement parlant. Mais déjà un esprit social qui viserait un peu autre chose que le profit et des accords qui favoriseraient un peu de décroissance, ça serait un grand pas. Je ne vois pas qu'on soit en train d'essayer de le faire...

6. Le mercredi 31 octobre 2007 à 03:15, par vinteix :

En Europe, en tout cas en France, une belle image concernant la fixation du souvenir de nos chers morts était avant la mise en bière la pratique, disparue ou en tout cas devenue très marginale (même si elle est encore pratiquée dans certaines maternités pour les enfants morts-nés), de la photographie des défunts sur leur lit de mort, parfois même assis sur un fauteuil, comme mis en scène dans une pose paisible, notamment de jeunes enfants morts dans les bras de leur mère ou père... Il y avait eu il y a quelques années une très belle exposition ("Le dernier portrait") de ces photos du XIXeme siècle, d'anonymes ou de personnages célèbres (écrivains, artistes, hommes politiques) au Musée d'Orsay... dont certaines ont été reprises par Nathalie Rheims dans son "Lumière invisible à mes yeux" (L.Scheer, 2003)
Quant au rituel évoqué par Berlol, ne l'ayant pas encore vécu, j'imagine que cela doit être quelque chose d'en effet assez "impressionnant", pour le dire platement...
Néanmoins, la tendance dominante, en Occident en tout cas, étant généralement à l'occultation ou au maquillage pudique de la mort - sauf quand elle est spectaculaire et médiatisée : guerres, attentats, catastrophes naturelles... -, à l'édulcoration de "la mort privée", comme de la matérialité organique du corps (culte du corps-haine du corporel, "diktat" hygiéniste du "corps parfait" qui ne vieillirait pas, maquillé, en super santé, etc. un rêve de pureté, fantasme de perfection pour le coup mortifère), je trouve ces rituels, que ce soit celui de la photographie mortuaire au XIXeme siècle, au-delà même de son caractère "esthétique" très troublant et émouvant, ou celui de l'après crémation au Japon qui consiste à prélever les ossements avec les baguettes, et d'autres bien sûr à travers le monde, très importants, voire nécessaires... pour accepter (autant que possible) la réalité de la mort, faciliter le travail de deuil ou tout simplement ne pas fuir le tragique de la vie...

7. Le mercredi 31 octobre 2007 à 04:08, par Berlol :

Tout à fait d'accord avec toi. C'est cette nécessité que j'évoque par : « épreuve [...] de la réalité de la mort » pour « bien comprendre — concevoir — que cette personne n'est plus »...

8. Le mercredi 31 octobre 2007 à 06:32, par eric :

Alain Badiou a l'air de tenir des propos sensés, quoiqu'assez creux : ça doit être l'effet "Alain", une fois revenu (à mi-chemin, tout de même), de ses élucubrations maoïstes, on dirait presque du Alain Duhamel (pour la deuxième citation).

Beau texte, émouvant et juste, sur la crémation.

En changeant de registre sur le sujet, j'aime bien le jeu de mots de Christian. Ca me rappelle une copie de Première STI, commentaire de texte de la fin de L'Ingénu : l'infâme persécuteur de la vertu candide arrivant chez sa victime, la belle Saint-Yves, qui vient de mourir, "le premier objet qui se présente à lui est une bière"; ce qui donna lieu à un développement plaquant mon topo sur l'ironie voltairienne et la dérision des sacrements, puisque les proches de la défunte noyaient leur désespoir dans le houblon... Il y a un livre sur la beauté du contresens en littérature, je crois...

Sinon, sur la prise du pouvoir par les nazis et les jeux dangereux des patriciens fatigués, je ne connais rien de mieux que Les Damnés, de Visconti : le mélange du marxisme et de l'esthétisme décadent est détonant.

9. Le mercredi 31 octobre 2007 à 08:53, par Dabichan :

Récupérer un pays propret... C'est fort probablement ce qu'espèrent les autorités nippones avec leur nouvelle loi (entrée en vigueur prévue le 20 novembre prochain) portant sur la prise systématique des empreintes digitales de tout étranger se présentant devant un agent de l'immigration (voir l'article suivant). Le cas des étrangers résidents permanents n'est pas très clair : un document en japonais parle d'exempter les étrangers résidents spéciaux (tokubetsu eijûsha)... les coréens du Japon en somme.
Should Japan fingerprint foreigners?
Two views of a pressing issue
By MATT DIOGUARDI
Fingerprinting puts foreign residents at risk
Imagine you live in a small town. Every time a crime is committed the police come to your door and escort you to the police station, take your fingerprints, and compare them to those found at the crime scene.
As you are the only person so regularly singled out, you ask, "Hey, why always me?" The answer is, "if you're innocent, why worry about it?"
Eventually after your visits to the police station become almost daily, you plead with the officers to leave you alone. One of them has a revelation: "Hey, instead of destroying your fingerprints each time, let's make a permanent record! Then, every time there's a crime we'll use that?"
Problem solved? Of course not. Having had enough, you spit in outrage, "why me? Why is it always my fingerprints and not anyone else's you compare to those found at crime scenes?" One officer smiles sheepishly and explains, "it's because you're a foreigner."
Sound unrealistic? Unfortunately, it's not. It's a reality. It's already happened in the U.S., and it will soon be happening here.
Do you wish to enter Japan? Then you are suspect. Before you can enter you must turn over your fingerprints and allow them to be cross checked against an international list of criminals and terrorists. And that's just the beginning.
The prints will remain on record for 70 years. According to the new procedures, if requested, the Justice Ministry will turn over the data to the police and other government agencies.
What's that mean? It means like our fictional character in the beginning of this story, that for any crime committed in Japan, there is a high probability that you will be treated as a de facto suspect.
While no citizens will have to submit fingerprints by default, yours will already be there. And you'd better believe you are a de facto suspect in each case. It'll be as easy as pushing a few buttons on a computer.
Is it fair for a foreigner to be a de facto suspect in potentially any crime in Japan where fingerprints are lifted? No.
The Japan Federation of Bar Associates has come out strongly against this measure. (See: www.nichibenren.or.jp/ja/publication/booklet/data/nyukanhou_qa.pdf)
Among the many useful arguments they make, they point out that the measure might well stigmatize foreigners as somehow being more inherently capable of crime than Japanese.
They also note that it is clearly unconstitutional under Article 13. And yes, the constitution does apply to people seeking entry into Japan. They may not be citizens, but they are people.
Ultimately, this policy puts foreigners at unfair risk. I typed in the phrase "how to fake fingerprints" on Google recently and got back over half a million hits. I checked the first 60, which told you how to do just that.
You leave your fingerprints everywhere you go. You leave them on trains, on vending machines, any place you lay your hands. Foreigners will have to take this in stride as they become de facto suspects in amost every crime committed.

There are respected scholars, former police officers, and journalists now questioning the entire science of fingerprinting. And whose to say how long it takes before collected prints are leaked through Winnie?
Putting all this aside, guess what? This policy just won't work. Does anyone really believe that all terrorists are foreigners? The Tokyo subway sarin attack comes to mind (6000 injured, 12 dead), so does the bombings of Mitsubishi Heavy Industries in Tokyo in 1974 (20 injured, 8 dead) and the Hokkaido Prefectural Government office in Sapporo in 1976 (80 injured, 2 dead). The obvious prejudice here is palpable.
Lest anyone forget, most of the 9/11 terrorists entered America legally. Terrorists often have clean records and are not on watch lists.
So if not terrorists, who is on the watch lists? Well as the Justice Ministry will rely on an international list, in many cases they have no way of knowing.
There have already been credible reports of activists in America being detained because their names turned up on terrorists watch lists (simply a mistake?).
Recently some British citizens were outraged when they found that their names had been put into a criminal database (more mistakes?).
Terrorists with clean records will be able to enter, ordinary people will be hindered and face rights abuses.
If none of this is enough, has anyone stopped to even fathom the cost involved here?
So what you have here is a ineffective policy that clearly discriminates against foreigners and costs a bundle of cash.
In short, the worst of all worlds.
WHAT DO YOU THINK OF THE FINGERPRINT LAW? E-MAIL US AT:
community@japantimes.co.jp
The Japan Times: Tuesday, June 6, 2006

10. Le mercredi 31 octobre 2007 à 08:57, par Dabichan :

Toujours sur ce même oppressant problème...
L'avis émis par l'Association des barreaux du Japon... hostile à cette loi incontestablement inconstitutionnelle, car discriminatoire (le nouvel état du droit poserait comme principe que tout étranger venant au Japon devrait être considéré comme un terroriste ou à tout le moins (!) un criminel en puissance, alors que jamais un Japonais ne saurait sombrer dans la délinquance, c'est bien connu !)

出入国管理及び難民認定法施行規則の一部を改正する省令案に対する意見
2007年10月11日
日本弁護士連合会
本意見書について
第164 国会で成立した出入国管理及び難民認定法の一部を改正する法律(平成18年法律第43号)により、特別永住者等を除く外国人についてその上陸時に指紋等の 個人識別情報の提供を義務付ける規定及び特別永住者等の外国人について証印を受けることなく指紋等の個人識別情報を利用して自動化ゲートを通過することを 可能とする規定が設けられ、これらの規定は、2007年11月23日までに施行されることとされています。
現在、法務省は、これらの規定の実施のための手続等を定めるとともに、一定の要件に該当する日本人についても自動化ゲートの通過を可能とする規定を整備するため、「出入国管理及び難民認定法施行規則の一部を改正する省令案」を公表し、これに対する意見公募を行っています。
日弁連は、上記の改正法に関し、「外国人の出入国・在留管理を強化する新しい体制の構築に対する意見書」(2005年12月15日付け)及び「入管法『改 正』法案の徹底した審議を求める会長声明」(2006年5月15日付け)を発表し、反対の意見を述べてきましたが、上記の省令案についても意見を取りまと め、2007年10月11日に法務大臣宛に提出しました。
本意見の趣旨は、以下のとおりです。
1. 指紋及び顔の画像情報の提供を義務付けることについて
省令案では、すべての外国人(特別永住者等を除く)の上陸申請時に提供を義務付ける個人識別情報として、顔情報のみならず指紋情報を規定するが、個人識別 情報の提供の義務化は、プライバシー権ないし自己情報コントロール権の制約にあたるから必要最小限にとどめるべきものであり、改正法施行にあたって提供を 義務付ける個人識別情報として、顔情報のみならず指紋情報を規定するべきではない。
なお、改正法におけるすべての外国人(特別永住者等を除く)の上陸申請時に個人識別情報の提供を義務付ける規定の施行時期等についても、国会等において、国際的動向などを総合的に勘案して、見直しが図られるべきものである。
2. 提供を受けた顔情報及び指紋情報の保管及び利用について
省令案では、外国人の上陸審査時に取得した個人識別情報についての保管や利用に関する規定が存在しないが、これらの個人識別情報は、プライバシー権ないし 自己情報コントロール権の保障を受ける重要な情報であるから、旅券上の情報や過去に退去強制を受けた者の情報などとの照合を完了した時点で直ちに消去し、 外国人の入国後もこれを保管して犯罪捜査や在留を管理する目的のために利用しないこととすべきであり、その旨を省令において明記するべきである。
3. 自動化ゲートの規定について
省令案では、自動化ゲートの利用のために提供された顔情報や指紋情報の目的外利用について規定していないが、これらの情報は、プライバシー権ないし自己情 報コントロール権の保障を受ける重要な情報であるから、日本人を含む市民の顔情報や指紋情報を、犯罪捜査や在留状況ないし生活状況の監視の目的で利用する ことはできないこととし、その旨を省令において明記するべきである。
なお、自動化ゲートを利用しない者の出入国が現状よりも不便を来たすことのないよう、出入国手続全体の一層の迅速化に努めるべきである。

11. Le mercredi 31 octobre 2007 à 13:44, par brigetoun :

mais dans l'émission de Tadeï Badiou est un hors-d'oeuvre, consistant et important, mais un hors-d'oeuvre et après dans le débat on a Bilger et rapidement je ne peux plus supporter son air patelin joint à une démagogie répressive qui passe si bien.
Pour les rites de la mort, je crois réellement que nous en ressentons le besoin, mais qu'en fait ils ne règlent rien en eux-mêmes et que c'est à chacun de nous de faire avec elle quand elle touche des proches, comme nous le pouvons. Le principal avantage des rites au moment de ce passage est de faire écran, y compris dans l'expression de la compassion. Ils permettent de rester seuls derrière les gestes avec cela, en choisissant éventuellement des soutiens

12. Le mercredi 31 octobre 2007 à 15:20, par Berlol :

Oui, j'ai vu la suite et cet insupportable personnage à l'articulation pâteuse. Sa face de pourceau et sa défense du système répressif et des nouvelles réformes font froid dans le dos.



Mercredi 31 octobre 2007. J'ai répondu que oui, j'étais bien moi.

Livres reçus et laissés au bureau (sauf un), entre la semaine dernière et hier : Henri Meschonnic, Heidegger ou le national-essentialisme, Dominique Noguez, Lénine Dada, Éric Chevillard, Sans l'Orang-outan, et quelques autres dont je parlerai plus tard. Il y avait aussi les dévédés du Procès de Nuremberg. De la suite dans les idées.

Bonne matinée de travail. Déjeuner de n'importe quoi (il faut finir des choses dans le frigo). Film en dévédé avant de rendre diverses choses à la médiathèque de l'Institut, c'est Ce Jour-là (Raoul Ruiz, 2002) — grosse surprise ! Je ne savais rien de ce film et l'ai donc reçu avec impact maximum, très positivement. Je pensais que Bienvenue en Suisse de Léa Fazer (2004) était assez critique sur la Suisse, mais Ruiz allait déjà beaucoup plus loin dans le caustique, sans colère ni hystérie, avec au contraire une immense retenue pour rester dans ce surprenant cadre narratif sur les bords de la folie et du crime.

Promenade à pied pour rejoindre T. près de Jimbocho, où l'on traîne un peu dans des boutiques de matériel de randonnée. C'est qu'on part demain matin pour quatre jours dans les montagnes de Nagano !

Après le dîner, Sartre, l'âge des passions sur TV5 Monde (1ère partie, Claude Goretta, 2006), reconstitution avec de l'exact, mais cinématographiquement entre moyen et mauvais, malgré un Podalydès superbement affublé du fameux strabisme.
Cependant la surprise est venue d'ailleurs. C'est que pendant le film un courriel arrive d'une personne dont je reconnais tout de suite le nom, une amie que je n'ai pas vue depuis près de vingt ans, de l'époque où je faisais du chinois à Paris 7. Elle était en train de regarder ce film (sans savoir que moi aussi) et puisqu'il était question de Sartre, écrira-t-elle après, elle avait pensé à moi (je ne sais comment je dois le prendre...), puis avait cherché dans le réseau et envoyé un courriel à tout hasard, auquel j'ai répondu que oui, j'étais bien moi.

Sac à dos à finir.
Demain lever aux aurores.
Ne sais si connection possible, donc éventuelle fermeture jusqu'à dimanche.

Commentaires

1. Le mercredi 31 octobre 2007 à 10:53, par vinteix :

"Ici Nagano..."


© Berlol, 2007.