Journal LittéRéticulaire de Berlol
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Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Novembre 2006

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Mercredi 1er novembre 2006. À la première fuite d'impair.

J'ai la tête comme une citrouille — et pas à cause d'Halloween !
Moi aussi, j'ai passé ma journée entière, ou presque, dans le réseau. Sur deux types d'accès et de données.
D'une part, visitant des pages, des blogs, me construisant une démarche descriptive puis analytique vers une conviction intime que j'essaierai de communiquer à la fin du mois.
D'autre part, installant des fonctions, bidouillant dans le CSS pour l'élaboration d'un blog de mes cours de fac tournant sous WordPress, choisi hier soir par hasard parce que mon fournisseur & serveur m'en proposait l'installation automatique. Je n'ai appris que ce matin, en cherchant la version française, que Le Monde venait de basculer tous ses blogs en WordPress. Ce blog des cours (phase de test, donc erreurs, changements de couleurs, etc.) est radicalement différent du JLR (qui restera d'ailleurs sous Dotclear), puisque conditionné par les accès paramétrables et par la discrétion quant aux informations personnelles des étudiants — deux conditions qui vont s'imposer et auxquelles tout créateur de blog intra-universitaire à visée pédagogique ou académique ferait bien de s'astreindre (avant d'être mis en accusation à la première fuite d'impair par l'administration ou par ses étudiants mêmes).

En fait, c'est un galop d'essai : ce qui marcherait en hiérarchisant les rôles et les capacités des étudiants au sein du blog des cours pourrait bien entrer en vigueur d'ici quelques mois entre les enseignants du département, chacun pouvant être une catégorie et chaque cours une sous-catégorie... À suivre...

Tout cela — cette grande initiative — n'est possible que parce qu'il y a le Festival de l'université, c'est-à-dire trois jours sans cours, pendant lesquels les étudiants font la fête. Les profs, eux, en profitent pour rattraper des tâches en retard, administratives pour la plupart.

Pendant tout ce temps, j'écoute Surpris par la nuit, avec Antoni Tàpies, un peintre que j'aime beaucoup et dont je crois ne jamais avoir entendu la voix. Puis les Mardis littéraires d'hier, émission bien équilibrée, sur trois auteurs que l'on m'a donné envie de lire (Pavel Hak, Bruno Lemoine et Pascal Garnier). Puis le Tout arrive, d'hier aussi, avec Michel Onfray et Henri Meschonnic, qui peuvent tout à fait s'entendre (rien à voir avec l'incompatibilité Onfray-Sollers de la semaine dernière). Aussi, je suis très content d'entendre que Henri est en forme...

Ah ! L'extérieur ! Marcher au soleil ! La joie de l'heure du déjeuner, passée avec David et Benoît dans un joli restaurant, lumineux, et bon, sous l'Alliance française ! Demain, je vais au sport et je m'aère !

Commentaires

1. Le mercredi 1 novembre 2006 à 12:52, par brigetoun :

on ne peut pas dire que ce soit la joie chez les blogueurs du Monde, et un certain nombre déménage ou cherche à déménager.
Tapiès j'ai très envie de faire un saut à Toulon, il est au musée en ce moment (ou du moins une exposition de lui)

2. Le jeudi 2 novembre 2006 à 16:43, par Berlol :

Y avait déjà beaucoup d'insatisfaction chez les blogeurs du Monde (le journal). Le changement de plateforme devrait plutôt arranger les choses. Dans tout ce que j'ai lu, on parlait plutôt positivement de ce changement (sauf une personne qui avait l'air de dire que WordPress ne gérait pas bien le spam). À suivre...



Jeudi 2 novembre 2006. À part le changement d'heure, la trêve des expulsions et l'arrivée du froid ?

Un site Édouard Glissant, c'est bien, comme idée. Sauf que pour honorer quelqu'un qui est très ouvert sur le monde et le métissage, ça commence par une désagréable restriction : « Ce site n'est consultable que sur PC, et par Internet Explorer exclusivement.» Ni excuse ni regret, la formulation est autoritaire. Même si c'est par maladresse, c'est tout à fait anti-glissantien ! En dépit de cela et de choix graphiques lourds et peu esthétiques (qui pourraient évoluer), souhaitons une bonne continuation à ce site (qui nous en promet beaucoup) car il y a une vraie nécessité d'approfondir et rhizomer la pensée de Glissant !

Oh, un inédit de Gourmont ! En voilà, de l'intempestif.

En toute simplicité, Bertrand Leclair vient de réaliser la connexion dont j'avais besoin — littéralement remué — pour lire en priorité son livre arrivé le mois dernier. En niant que Littell ait trouvé une langue propre pour parler d'horreurs ainsi laissées dans la vulgarité voyeuriste de notre temps, et en enchaînant sur le souci de Meschonnic de savoir ce que dire dit (ou ce que dire fait dire au dit), me parlant au passage d'un livre inconnu (Le Sang du ciel, de Piotr Rawicz).

Passées ces lectures et découvertes matinales, je me décide à aller au centre de sport pour bouger autre chose que des neurones. Nisard étant resté au bureau, j'emporte le dernier Sevestre pas encore lu : Entrées en matière, sur quoi je sue sans peine quarante minutes. On est à de l'inauguration dans le chantier du Stade de France — et (le narrateur de) Sevestre n'aime pas les survestes...

« Quant aux costumes, ils permettent de déceler une bataille discrète, une discrimination souterraine, une lutte de reconnaissance entre sérieux et touriste, efficace et pièce rapportée, le présent solide et le figurant, l'investi de pouvoirs et l'invité léger, l'élu au pouvoir et l'anonyme élu, les premiers en surveste, cravate, veste, chemise et les seconds en manteaux contemplatifs. Un polo leur irait, un pull en V, des vêtements en laine. Mais ce n'est pas si simple. Les deux catégories aiment le foot et du reste je ne vois pas moi-même où je veux en venir avec ces deux catégories, c'est seulement que je viens d'apercevoir l'ancien directeur des programmes sportifs d'une chaîne cryptée plein de ses prérogatives et habitué des événements et vulgaire avec une cravate m'as-tu-vu et la chemise qui va avec et sa surveste marron [...] » (Alain Sevestre, Entrées en matière, Gallimard, 1999, p. 16)

Déjeuner au Downey avec David bien content de quitter un moment la kermesse, les sonos et les cris sous nos fenêtres de bureaux (ça s'appelle le Festival de l'université). Il y retourne tandis que j'enfourche mon vrai vélo — sans peur des chétives gouttelettes — pour aller à Fukiage, au K's, supermarché d'électro-ménager et d'informatique où je trouve un casque audio (pour finir le Festival et me chauffer les oreilles l'hiver) et un disque dur externe I-O Data de 300 gigas (270, en réalité, formatage déjà fait).
Retour et trois heures de travail en continu. Je rentre dîner avec l'espoir de voir enfin Ce soir au Jamais de mardi, avec Nancy Huston, Alain Chabat et les années 80... Alléchant, non ? Mais toujours pas en ligne ! Pourquoi ? Il s'est passé quoi, en France, à part le changement d'heure, la trêve des expulsions et l'arrivée du froid ?... Je me rabats sur un film de télé, des transferts dans le nouveau disque dur et quelques enregistrements de cédés.

« La place du mort en matière de poésie est rarement celle que l'on croit : parce que le temps du rêve n'a rien de commun avec le temps social, parce que tant d'hommes qui arpentent désertés par les rêves le terrain social parlent plus morts que vivants, et qu'il suffit d'ouvrir La Vie de Henry Brulard, de Stendhal, pour être saisi par la vie qui l'habite, le porte, nous emporte au brouillon des songes, là où les mots de Stendhal sont infiniment plus puissants et vivants que ceux des contemporains qui bavardent à nos côtés.» (Bertrand Leclair, Verticalité de la littérature, champ Vallon, 2005, p. 9-10)

Commentaires

1. Le jeudi 2 novembre 2006 à 14:08, par Bikun :

D'ailleurs, je n'avais jamais vu un site indiquant aussi clairement de telles restrictions. Autrefois on écrivait parfois "site recommandé...bla bla"...
La c'est fort quand même. Un site développé sous Microsoft Word avec le wizard je parie qui donne des fichiers 5x plus gros qu'ils ne devraient être...
C'est fini le bon vieux temps ou des fous comme moi tapaient tout le code sous un bon vieux notepad...
Mais bon, mieux vaut avoir un site pas optimisé que pas de site...

2. Le jeudi 2 novembre 2006 à 16:49, par Berlol :

J'ai essayé de transformer par Word des documents en page web. Et après, j'ai regardé ce que ça donnait en html... Le code généré est inutile à plus de 90 % ! Et c'est généralement ce code inutile qui rend la page incompatible ou mal affichée. Après avoir longtemps utilisé le Composer de netscape, j'emploie maintenant FrontPage (qui gère mieux les tableaux et les images, par exemple). Et il n'y a pas de production de code derrière mon dos !
En tout cas, je suis bien content de te voir au clavier ! Welcome back à Paname ! Il ne te reste plus qu'à te remettre au blog !

3. Le vendredi 3 novembre 2006 à 00:40, par vinteix :

"Ce soir ou jamais" : 1ere partie (je n'ai regardé que cela) plutôt comique, avec J.d'Ormesson, A.Comte-Sponville et N.Huston sur le thème de Dieu. Je dis "comique" car on se revoyait un peu de retour dans une conversation de cour de lycée après un cours de philo... En effet, étaient évoquées sur le ton plaisant de la conversation les grandes apories de la pensée : le temps, l'être, Dieu, le réel... en un enfilage de banalités et de platitudes. Comte-Sponville, en bon professeur de terminale, présentait avec une assurance de mandarin sa dissertation de philosophie, impeccable, en trois parties, assortie des citations les plus classiques, et assénait LA définition du temps (enfin, celle de Saint-Augustin, "la bonne" apparemment), tandis que d'Ormesson, en vieux bébé de 82 ans, découvrait avec une naïveté touchante l'aporie et le mystère du temps ! Entre les deux - le philosophe en "gros sabots" et l'aristocrate en pantoufles de nouveau-né - Nancy Huston tentait de dire une ou deux choses légèrement plus pertinentes ou originales, bien qu'elle se noyait un peu dans cette idée de "réel", tenue pour acquise comme une évidence apparemment indiscutable, se perdant dans un de ces dualismes tenaces qui schématisent trop souvent la pensée : le réel et l'imaginaire...
Comique, un peu, mais sans intérêt.
Pas vu la suite (Chabat, années 80...)

4. Le vendredi 3 novembre 2006 à 00:48, par vinteix :

Plus fine et stimulante était la conversation Onfray-Meschonnic, qui recoupait en partie le thème de l'émission de télé, notamment autour de la différence entre le religieux et le sacré, spirituel ou divin... en particulier à partir de Spinoza.

5. Le vendredi 3 novembre 2006 à 01:07, par Berlol :

Justement, je l'ai vu ce matin, Ce soir ou Jamais de mardi, j'allais dire que les questions Comte-Sponville / d'Ormesson, c'était ce que je m'étais dit en gros vers 15 ans. Depuis, je n'ai pas trop eu à y revenir et ça ne fait pas vraiment mystère pour l'athée que je suis. Je parlerai de la suite tout à l'heure...

6. Le vendredi 3 novembre 2006 à 01:35, par brigetoun :

j'en reste au plaisir de retrouver Bruard qui n'a pas survécu à mon déménagement. Me mets en quête

7. Le vendredi 3 novembre 2006 à 01:36, par brigetoun :

j'ai même perdu le "l" en route

8. Le vendredi 3 novembre 2006 à 02:14, par Berlol :

En effet, Brulard sans son "l", je me demandais ce que c'était... Il me semble que je l'avais en "folio"... Est-ce qu'il n'y avait pas deux volumes ?... C'est loin, pour moi aussi...



Vendredi 3 novembre 2006. Pâquerettes, pudding de fadaises.

Enfin !... — C'était quoi, ce binz ? — Je peux voir Ce soir ou Jamais de mardi ce matin ! D'où petit déjeuner à rallonge... Premier débat effarant de ras de pâquerettes, pudding de fadaises rancies et pseudo philosophiques que nous servent André Comte-Sponville et Jean d'Ormesson : dieu, le temps, l'esprit, la mort... — à quinze ans, j'ai balancé le vieux tupperware où j'en avais remisé ma part.
Mais que faisait donc Nancy Huston sur ce plateau de télé ? La promo de son livre ? La démo de celui de Comte-Sponville ? On avait dit que c'était pas le genre de l'émission...
Agréable et intéressant débat sur le célibat, avec les changements d'image sociale du célibat sur deux siècles, différemment pour les hommes et pour les femmes, avec Jean-Claude Bologne, Joy Sorman et deux anciens des Nuls, Alain Chabat et Chantal Lauby. Tout le monde y parle au moins une fois de Bridget Jones... que je ne connais pas. Désolé. Je me fais un petit rattrapage web...
En écoutant Joy Sorman, j'ai eu l'impression qu'elle avait déjà bien foulé le terrain sur lequel Virginie Despentes développe sa King Kong Théorie, non ?
Le troisième débat me laisse perplexe. Je viens de le revoir une troisième fois. Que penser et que dire des années 80 ? C'est déjà détaché de nous — il n'est que de voir des images télévisées de cette époque — mais c'est encore trop proche pour dire ou croire en avoir une vision, globale. François Cusset semble en penser quelque chose de déjà trop filtré par des idées préconçues, Jacques Attali s'emploie à la mauvaise humeur, dit des choses sensées quand il ne parle pas du futur (j'ai du mal à croire celui qu'il veut nous décrire — Alain Chabat vient d'ailleurs le racadrer quand il parle de la musique en libre téléchargement pour lui rappeler que Google retire à tour de bras les clips de YouTube...), enfin Michka Assayas reste trop dans le ressenti personnel, le nez collé sur soi.
Ce que je dirai personnellement des années 80, c'est que ce sont celles d'avant l'ordinateur, juste avant... (Pour moi, qui ai eu mon premier en 89.)

Je monte tard au bureau et achève en 90 minutes chrono la préparation des programmes de cours 2007 (on nous demande maintenant le calendrier prévisionnel des contenus des cours...). C'est jour férié, jour de la culture, la kermesse bat son plein sous mes fenêtres, j'écoute le Mouv' au casque.

Plus tard, dans le train, au hasard du stockage des émissions dans mon i-river, la succession signifiante de Laurent Mauvignier et de Chloé Delaume, tous deux récemment passés dans l'émission Du jour au lendemain...
J'en recopierais volontiers, mais pas tout de suite. Jules Renard et le marchand de sable se disputent mes neurones...
On verra demain. Et puis des liens.

* *
*

« Je tenais à ce que les personnages aient leur billet un petit peu malgré eux. De tous les personnages, il n'y en a aucun qui est dans le stade en ayant choisi d'y être, finalement. Ce ne sont pas des accros. Il y a cette histoire d'être à sa place, [ou] de pas être à sa place. De se retrouver là. Voilà, tu te retrouves au mauvais moment, au mauvais endroit. Vraiment quelque chose qui est lié au hasard, à l'absurdité, ce qui rend la chose d'autant plus insupportable. [...]
On sait par exemple que tous les week-ends, il y aura tant de morts en voiture, par exemple. Pourtant... On dit voilà, il y aura par exemple 30 morts, ce week-end. On le sait. On sait pas où, on sait pas quand... Mais statistiquement, c'est vrai. Et pourtant, ça ne tient qu'au hasard que ce soit l'un plutôt que l'autre. Qu'est-ce qui va faire que ça va être l'un plutôt que l'autre ? Pourtant, lundi matin, les chiffres seront là pour nous confirmer que ce hasard-là... Il y a à la fois une espèce de fatalité, comme ça, ça va tomber forcément, mais par contre, il n'y a aucune raison que ce soit là plus que là. Comme une mécanique qu'aurait du jeu, à l'intérieur. Ça va casser, mais on ne sait pas où.»
(Laurent Mauvignier, au sujet de Dans la Foule, dans Du jour au lendemain du 13 septembre 2006.)

Commentaires

1. Le vendredi 3 novembre 2006 à 23:54, par Berlol :

À propos de Despentes / Sorman : n'étaient ces atroces inserts commerciaux dans le corps du texte de l'article, je vous aurais bien recommandé le dossier du Buzz littéraire... Mais non, vraiment, c'est trop laid ! Et ces colonnes de photos d'auteurs comme dans un magazine de people et de starlettes, et ces pubs aux titres stupides et accrocheurs, "Auteurs : Guide gratuit", "Beauté des Femmes Noires", soit : cliquez ici pour vous faire entuber... On les a autorisées ou on est allé les chercher ? Et ce que ça révèle d'une intention de gagner de l'argent sur le dos de la littérature. Et sans doute si peu que c'en est ridicule. Mais comment en sont-ils arrivés à penser de la sorte ? Je n'accable pas ceux qui font ce site, je me demande seulement comment ça se conçoit, si loin de ce qu'est pour moi la littérature...
Donc, note de bas de page, ça suffit.

2. Le samedi 4 novembre 2006 à 02:06, par brigetoun :

c'est gagné ! je vais y aller voir..
pour le fait que Despentes ne soit pas d'une nouveauté bouleversante, c'est certain, ce qui ne préjuge pas de sa pertinence (comme ne la disqualifie pas tout à fait sa manière de crier à la difficulté d'avoir de la visibilité alors que ce n'est tout de même pas son cas)

3. Le dimanche 5 novembre 2006 à 14:22, par cgat :

ne pas connaître Bridget Jones ...!? est-ce possible ? et Harry Potter, tu as entendu parler ? (c'est une sorte de Poil de Carotte new age)
"Boys, boys, boys" de Joy Sorman était un roman intéressant et sympathique, mais un peu bavard, et dont le propos était plus autofictionnel et moins théorique que celui de Despentes : j'attends son deuxième roman pour me prononcer, même si je l'ai aussi trouvée très bien chez Taddeï

4. Le dimanche 5 novembre 2006 à 15:02, par Ben :

Quel plaisir de voir Michka Assayas à la télé dire quelque chose de vrai, ce qui est de plus en plus rare, surtout quand on compare ce qu'il a dit à ce qu'a déblatéré cette pauvre chose d'Attali qui n'a visiblement jamais abandonné sa morgue de conseiller du petit prince Mitterrand. La force d'Assayas c'est justement de ne pas partir de ce que que les médias régurgitent ou des chiffres dont nous a abreuvé Attali mais de son ressenti personnel, ce qui fait qu'il perçoit des choses que bien peu sont capables d'exprimer en fin de compte. En tout cas, il est après coup difficile de réfuter par exemple ce qu'il a dit sur sur les grandes messes oecuméniques comme sos racisme organisés par l'état pour compenser les premiers symptômes de l'atomisation sociale qui se faisait jour dans les années 80. Ce mec est vraiment brillant.



Samedi 4 novembre 2006. Anticipe de mieux en mieux les tuiles.

Levé à six heures pour préparer mon cours. C'est relativement nouveau. Avant, je le préparais plutôt le vendredi soir, ayant la nuit devant moi en cas de difficulté. Maintenant, je sais de quoi j'ai besoin pour préparer chaque cours, je connais la quantité de données qu'il faut que je prépare et je sais qu'en 120 minutes il n'y aura pas moyen d'en donner plus. Du coup, je peux me coucher à une heure décente et me lever avec les poules — je pourrais même les ouvrir !

On a vu que cette histoire de tâches attribuées à Poil de Carotte, ce n'était finalement pas si anecdotique que ça en avait l'air. Le chapitre du tête à tête avec Agathe, la nouvelle bonne, offre bien plus qu'une séance de révision, mais « Le Programme » (p.88-90) : la première occasion du petit roux d'avoir quelqu'un plus bas que lui et de lui faire la liste de ce qu'il considère comme des responsabilités, de lui faire comprendre la mécanique familiale et d'obtenir enfin de quelqu'un un peu de respect. Dans cette famille qui prospère petitement à la limite du monde rural et de la bonne société bourgeoise (on a une bonne mais on mange dans la cuisine), le cadet, qui anticipe de mieux en mieux les tuiles, apprend aussi à s'extraire de la paysannerie et devient même une sorte d'extra-terrestre pour les siens — il n'y a qu'à voir les réactions ahuries quand il donne à ses parents une lettre sophistiquée pour « Le Jour de l'An » (p.94-96) ! Derrière les taches de rousseur, il y a déjà un renard en formation...

Déjeuner au Saint-Martin, bien sûr. J'appelle Manu qui ne pourra pas venir à Shibuya cet après-midi, puis David et Benoît, qui sont, eux, à Nagoya, mais qui ne répondent pas alors que j'ai des informations urgentes à leur communiquer. Tant pis, il y a des jours comme ça... Heureusement, comme nous nous le disions avec T., c'est à la perfection du poulet-frites que nous mesurons régulièrement notre certitude d'exister. Et croyez-moi, cette abaque en vaut bien d'autres.

Je vais à l'Institut pour le lancement du cycle Philippe Garrel : pendant un mois, des films de Garrel, bien sûr, mais aussi quelques raretés que Philippe Azoury a inscrites au programme. À commencer par aujourd'hui avec le premier film de Robert Kramer, In the Country (1966, en français : Loin de la ville). J'en copie ci-dessous un bref descriptif issu d'un long document pdf aujourd'hui disparu mais dont Google a gardé la copie html (jusqu'à quand ?). Outre l'aporie de compatibilité entre la lutte politique, la clairvoyance sur soi et la volonté de vivre sa vie (aporie qui était aussi le mouvement de retour sur soi du Tigre en papier d'Olivier Rolin), il y a une beauté fragile dans l'image elle-même, son noir et blanc souvent surexposé, ses cadrages improbables (sans parler des miens), qui font que ce film d'une heure s'incruste pour longtemps en mémoire.
De plus, il y a l'étonnement de voir William Devane jeune...

« In the country
(USA, 1966, 65 min, film de Robert Kramer, avec Catherine Merrill, William Devane, Gerald Long, Henry Heifetz, Jane Kramer, Tom Neumann).
In the Country consiste en un dialogue d’une heure entre un homme et une femme, un couple qui s’est retiré à la campagne pour y fuir une action politique (contre la guerre du Vietnam) à laquelle l’homme ne croit plus, et pour étouffer le choc de sa dislocation. Chaque scène oppose l’homme, entièrement replié sur lui-même, chérissant son amertume et sa mauvaise conscience, et la femme, croyant encore à leur amour, à leurs amitiés, et à l’action. Ces motifs du dialogue politique, de l’introspection ("Il s’agit, dit Kramer, de structures d’obsession"), de l’amour gâché par la confusion idéologique, évoquent évidemment Bertolucci, que Kramer cite parmi ses admirations cinématographiques.»

Après quoi, j'emprunte La Théorie des nuages de Stéphane Audeguy à la médiathèque. Quelqu'un me l'avait recommandé il y a quelques mois et Veinstein disait dans une émission que j'écoutais l'autre jour qu'un journaliste avait dit que c'était le dernier chef-d'œuvre du XXe siècle. J'aimerais bien savoir ce qu'on entend par là : réelle écriture, grande fresque ou daube médiatique ?
Je rentre travailler quelques heures. Nous dînons d'un excellent nabé, j'achève le camembert et nous regardons le 4e dévédé de la première saison de Lost... (C'est dans la série 24 Heures, que l'on voit William Devane 35 ans plus tard...)

Commentaires

1. Le samedi 4 novembre 2006 à 10:00, par Frédéric :

Ah ! Robert Kramer !
Nous voudrions bien avoir des nouvelles de cette Théorie des nuages si c'est bien.
Nous lisons une autre théorie, celle des hontes, qu'on considère plus porteuse.
De quoi ? Nous l'ignorons.
Pour l'instant, à vue de nez, nous préférons la honte aux nuages.

2. Le samedi 4 novembre 2006 à 11:22, par brigetoun :

le Kramer j'ai sursauté parce que je l'ai vu, vraisemblablement d'ailleurs à Bobigny, mais si j'ai un souvenir :"bien" je suis incapable depuis trois minutes que je relis le texte de présentation de retrouver la moindre image, une impression positive sans savoir pourquoi. La Théorie des nuages j'ai lu ce qui est sur le site de son éditeur et j'ai eu grande envie de le lire. Il faudrait que j'apprenne les bibliothèques

3. Le samedi 4 novembre 2006 à 23:43, par Dominique Fromentin :

"ouvrir les poules" ??????

4. Le samedi 4 novembre 2006 à 23:46, par Berlol :

Ben, oui. Puisque Poil de Carotte reçoit la mission de "fermer les poules" le soir, moi je pourrais bien les ouvrir le matin... Y a-t-il un autre sens possible ?

5. Le samedi 4 novembre 2006 à 23:56, par Dominique Fromentin :

désolé pour le doublon, et merci pour l'explication - c'est comme l'expression "allumer son ordi", en gros ?
de Stéphane Audeguy, un texte très étonnant dans la NRF de 2006 : une très longue suite de nécrologies en 3 ou 5 lignes, son panthéon personnel, écrivains, mais aussi sportifs, acteurs etc, genre:
Madame de Maintenon, favorite
Voyant le roi mourant Madame de Maintenon, qui y était haïe, quitta Versailles en août 1715. Sa dépouille y revint, deux cent trente ans plus tard. Elle y est encore, seule.
Guglielmo Marconi, inventeur de la radio
En 1937, bien des radios dans le monde observèrent deux minutes de silence, pendant son enterrement.
Georges Brummel, dandy
Vers 1838, il s'est mis à porter sa perruque à l'envers. Mais par gâtisme.
Paul Broca, spécialiste du cerveau
Il s'était couché en disant à son entourage : "oui, je souffre, mais j'espère dormir". Quelqu'un fit un moulage en plâtre de son cerveau, à tout hasard.
Il y en a une soixantaine, dont Roussel, Beuys, Kant et Perec : j'avoue qu'un peu de jalousie... J'ai trouvé ça meilleur et plus risqué que son "roman".
A noter, dans la même livraison NRF, un texte intitulé "Tchouba" incluant la phrase suivante :
"Tchouba. Tchouba. Tchouba. Tchouba."
Mais c'est signé Alain Sevestre, qui ne vous est pas inconnu, et il y est question d'un fauteuil qui s'appelle Staline : l'homme apparemment travaille bien plus qu'il ne le laisse entendre.

6. Le dimanche 5 novembre 2006 à 01:40, par Berlol :

Merci ! J'aime bien le moulage de Broca, "à tout hasard"... Ça doit être le In Memoriam dont Audeguy parlait dans le Du jour au lendemain du 18 septembre...
Je vais aller voir cette livraison NRF demain, merci bien. Tchouba aussi, ça m'intéresse. Ne m'a rien dit, l'animal !

7. Le lundi 6 novembre 2006 à 11:08, par dominique :

"Tchouba". Ah, lisez Les Tristes !

8. Le lundi 6 novembre 2006 à 22:18, par dominique :

APOSTILLE AU PRECEDENT : ça me revient tout à coup : à la lecture au salon de la revue dont parlait Frédéric (que je ne connais pas), il y avait précisément Alain Sevestre dans la salle. Pour le situer : c'est lui qui a crié "bravo !" après la lecture d'Isabelle Zribi - très beau texte en effet.

9. Le lundi 6 novembre 2006 à 23:57, par Berlol :

Dingue ! (Et je file à la bibliothèque...)



Dimanche 5 novembre 2006. Percer le mystère de notre bêtise et de notre charme.

Un temps à faire du vélo, un grand tour dans le sens trigo.

Départ à 11h30,
direction Ichigaya à l'Ouest,
Yotsuya, Sud-Ouest, j'ai pris la boussole,
Aoyama It-chome, plein Sud,
Roppongi Hills, même direction, sur quoi T. fantasmait comme objectif cycliste,
mais où il n'y a guère d'animation à cette heure, ou alors il faudrait déposer nos montures et pénétrer dans l'arène commercialo-culturelle, on préfère contourner et continuer vers le Sud,
Azabu-Juuban, où je suis venu dernièrement avec les Chiss.
Puis bifurcation au Sud-Est vers la Tour de Tokyo et, à un carrefour truffé de policiers en combinaison, miradors et cars façon CRS, près de l'ambassade de Russie, dit T., prenons tout droit au Nord-Nord-Est vers Hibiya.
À Ginza, nous mettons pied à terre et attachons nos purs-sangs d'alliages métalliques pour aller manger des sushis où nous savons en trouver de bons et modiques. Il s'agissait initialement d'incorporer quelque chose d'assez énergétique pour gagner au squash ce soir, mais quand j'ai enfin pu joindre Thomas, alors que nous pédalions le long du parc de Hibiya, ce fut pour entendre que nous n'irions pas, que Thomas est un peu fatigué — ce qui veut dire qu'il a dû avoir une semaine pénible, ce que je peux comprendre. Qu'il aille en paix. Jusqu'à sa prochaine défaite...

Moi, j'ai ma théorie sur les nuages.
Le livre est dans mon sac, mais nous avons trop à faire avec notre guidon, les trottoirs de la ville, les signalisations — et les nuages — pour nous arrêter et lire notre livre, chacun le sien, pris, pourtant.
Ma théorie à moi, c'est que les nuages sont truffés de webcams, de micros, de sonars, de GPS, et que des programmes embarqués leur donnent des formes, leur poussent des volutes, les font monter descendre se succéder selon les besoins des créatures qui nous observent d'en-haut depuis une éternité et qui ne parviennent pas à percer le mystère de notre bêtise et de notre charme.

Qui me dira ce que sont ces fleurs ?
Et pourquoi elles n'étaient pas là quand nous sommes passés ici pour la dernière fois, il y a quelques semaines à peine ?
Et ce qui s'est passé ici même pendant ce temps.
Et la liste des personnes qui ont quotidiennement emprunté ce pont.
Ou de celles qui ont renoncé au moment de s'y engager.
Et combien d'entre elles allaient et n'allaient pas au musée d'art moderne sis à droite du soleil.
Question subsidiaire : le nombre de poissons, bien sûr.

À moins que ces contournements et diversions d'écriture aient eu pour seul but — comme une œuvre d'art faite d'un beau ruban rouge peut avoir pour but d'empêcher une personne de s'allonger comme sur un vrai banc — d'éviter de regarder en face la tache aveugle de cette belle journée, et donc de me rétracter jusqu'au lendemain matin pour que ça sorte : l'aggravation perceptible et symptomatique de la misère économique et morale.
Un article en page 1 du Asahi Shimbun du 2 novembre que T. m'a mis de côté détaille le mode de vie de milliers de jeunes échoués du système scolaire. Ils vivotent, révèle-t-on et fait-on mine de découvrir, de petits boulots payés quelques centaines de yens par heure sans aucune sécurité d'emploi, sans couverture médicale, ne peuvent plus payer de loyer, sont plus ou moins en rupture avec leur famille... Ils passent leurs nuits dans des cyber-cafés ouverts 24 heures sur 24 — on en compte plus de mille dans tout le Japon — parce que c'est l'endroit le moins cher et qu'ils peuvent plus ou moins dormir dans un fauteuil de bureau, garder une correspondance avec quelques personnes ou pour les boulots avoir une sorte d'adresse fixe, de temps en temps aller à l'hôtel capsule parce que c'est le moins cher des hôtels et que l'on peut y dormir (et ça ne les fait pas fantasmer du tout, je pense).
Cette photo, heureusement prise de dos pour ne rien lui voler de plus, est prise vers 13 heures dans une des rues les plus huppées de Roppongi, devant une boutique Versace et à côté d'un bijoutier-chocolatier. C'est la troisième personne que je vois dans cet état en quelques minutes  — qui n'est pas celui d'un clochard avec sacs et poussette. On pourrait me dire que c'est juste quelqu'un qui est fatigué mais il faut alors dire que les codes comportementaux japonais font qu'une personne en possession de tous ses moyens ne se couchera jamais de la sorte sur un banc.

Le Japon, malgré la légendaire — mythique ? — solidarité de sa population, a pris la double pente capitalistique des profits et des pertes. On sait où vont les profits (par exemple, dans les tours avoisinantes, qui sont aussi des bunkers hyper-sécurisés) et on sait où sont les pertes (par exemple, sur ce banc, qui est aussi une œuvre d'art au service desdites tours). Les responsables sont donc parfaitement coupables et leurs yeux sont ouverts. Ils n'ont pas honte de ce qu'ils provoquent. Ils ont déjà perdu leur légendaire face, leur visage maintenant enduit d'hypocrisie et de suffisance, masqué de bandeaux de soies sauvages — baillons ? bandages ? —, casqués de comptes offshore.
Pendant ce temps, grossit de jour en jour le scandale des programmes scolaires frauduleusement allégés de l'Histoire mondiale, pendant plusieurs années jugée inutile pour entrer à l'université — ce qui était parfaitement logique si l'on jugeait que l'université n'avait plus pour mission que de former des travailleurs dociles et intellectuellement limités...

Commentaires

1. Le lundi 6 novembre 2006 à 02:39, par brigetoun :

et le banc est soigneusement conçu pour être beau mais ne pas permettre de s'allonger, comme on a remplacé les bancs par des sièges coquilles et des barres dans le métro parisien, comme on a enlevé tous les sièges du hall de Pompidou. L'ère moderne est claire, illuminée et propre - faite pour de jeunes gagnants

2. Le lundi 6 novembre 2006 à 09:04, par jcb :

Il s'agit forcément d'une plante de la famille des agaves.
de par les feuilles et les fleurs sur une hampe qui peut atteindre chez certains pieds âgés la hauteur de 15 mètres.
Quant aux poissons étaient-ils rouges ?



Lundi 6 novembre 2006. Quatre, pour les prudents.

Ce que j'entends des aéroports français aujourd'hui, le temps que ça prend, les retards et les files d'attente qui deviennent des reportages dans les radios et demain dans les journaux télé, c'est ce que j'ai vécu et décrit il y a quelques semaines...
Il est en quelque sorte amusant de constater que l'espèce d'indifférence à mon récit, qui avait été la réaction de pas mal de gens en France, devient maintenant un souci pour tous.
Il faudra venir un peu plus tôt à l'aéroport. Comme on recommandait déjà de venir deux heures à l'avance, pour les vols internationaux, cela fera maintenant trois heures. Ou quatre, pour les prudents.
Alors, oui, n'effrayez pas les commerçants qui veulent continuer leurs affaires de duty free : s'il vous plaît, « continuez de vous faire plaisir ! »

Petite forme, aujourd'hui, malgré le canard aux lentilles du Saint-Martin.
Dans l'après-midi, pour faire une pause, je vais à la médiathèque de l'Institut. La revue NRF n'y est plus, si elle y a jamais été. Pourtant, j'ai bien le souvenir d'avoir vu ces gros volumes... On a dû résilier l'abonnement, trop peu de lecteurs pour cela, peut-être. Reste à attendre demain pour voir à la bibliothèque de ma fac si l'abonnement est toujours en cours (en principe, oui, puisque la décision passe par notre département).
J'en profite pour lire quelques pages de la Quinzaine littéraire. Bon article sur Les Marchands de Pommerat ; je suis content de ne pas m'être trompé en mars. Puis j'emprunte deux films pour la semaine : La meilleure façon de marcher (Claude Miller, 1975), que je vais regarder tout de suite, et 24 Heures de la vie d'une femme (Laurent Bouhnik, 2002, d'après Stephan Zweig) que j'emporterai demain.

Aussi jeunes tous les trois, Michel Blanc, Patrick Bouchitey et Patrick Dewaere sont remarquables. Au point que les enfants de la colo ne servent que de décor aux relations ambiguës entre Deweare et Bouchitey, pris au piège de leur fascination réciproque. On peut regretter que Christine Pascal et Claude Piéplu ne figurent qu'en très petit et en bas de l'affiche parce que leurs rôles sont déterminants. La première par sa grâce et sa détermination, malgré une apparence fragile, ce qui lui permettra de ne pas s'offusquer de la fascination passagère de son fiancé pour un autre homme, de le laisser aller au bout de la provocation libératrice qui le lui ramènera ; le second par son jeu pince-sans-rire et sa diction parfaite dans le ridicule.
Et puis des cadrages sublimes de simplicité, simplement en étant un peu plus loin que les cadrages habituels qui souvent serrent trop les personnages. Du coup, ils se retrouvent dans une sorte de nudité, de petitesse qui les rendent dérisoires et... attachants.
Parmi les bonus, un moyen-métrage extraordinaire, à ne rater sous aucun prétexte pour son grotesque surréalisant d'une grande maîtrise : Camille ou la comédie catastrophique (C. Miller, 1971), avec Juliet Berto et Philippe Léotard.

De son côté, T. a emprunté Hotel Rwanda, pour le dîner et après... Bonne cause et grands moyens pour un film qui n'appuie pas trop sur la touche pathos comme les bandes annonces vues il y a quelques mois me l'avaient laissé craindre. On voit surtout qu'entre lâchage des anciennes puissances coloniales, soulèvement de rebelles télécommandés et corruption d'une armée prétendument nationale, puisque c'est « d'après une histoire vraie », la vie des uns et des autres ne tient à presque rien : un mot, un geste, un regard peuvent déclencher la furie meurtrière, alors qu'un seul casque bleu qui n'a pas le droit de tirer peut tenir en respect une bande prête à tout (parfois). Cette balance suspendue, hésitante, à maintes reprises, c'est très bien fait.

Commentaires

1. Le lundi 6 novembre 2006 à 10:02, par une passante :

Merci d'évoquer Christine Pascal, au jeu si subtil mais qui a dit pouce trop tôt, et que j'associe, en affection profonde, à deux autres tombés par les fenêtres : Chet Baker et Bohumil Hrabal

2. Le mercredi 8 novembre 2006 à 14:03, par Bikun :

J'crois qu'c'est Dewaere...
Cette annonce est terriblement inquiétante. Ma valise faisait déjà presque constamment 25kg, et j'ai, jusqu'à présent toujours réussi à passer mon sac à dos et mon matériel qui faisait, lui ses 15kg, comment vais-je faire maintenant si je dois aussi enregistrer mon sac à dos??? Hors de question de laisser mon portable et le matériel photo en soute...C'est proprement aberrant.

3. Le mercredi 8 novembre 2006 à 14:33, par Berlol :

T'as raison ! Je corrige. Je fais souvent la faute "ae" / "ea", j'ai remarqué...
Pour les bagages, c'est fou comme les infos sont mal faites. Et comme la communication devient de la cosmétique mal appliquée (comme quand quelqu'un met trop de fond de teint et qu'on voit la ligne de démarcation de l'oreille au menton...). On veut parler de choses interdites et on écrit "Articles autorisés" ! Un comble ! Du coup, à lire cela, ce qu'on "autorise" en cabine, ce n'est plus que : les liquides en petite quantité ! Ridicule !
Rétablissons la vérité : les autres effets personnels (agenda, documents, livres, ordinateur, vêtements, petits appareils divers, etc.) SONT AUTORISÉS dans la limite du volume précédemment autorisé (et sans ciseaux, coupe-ongle, lime, briquets, etc.). Les ordinateurs doivent être déposés séparément dans un bac et hors de leur housse. De même que les pieds seront hors de leurs chaussures, posées, elles, dans un autre bac. Le plus étonnant de ce que j'ai entendu en commentaire télévisé, c'est que le gruyère est autorisé mais que le camembert ou le foie gras ne le sont pas parce que TROP MOUS, c'est-à-dire pour des cerveaux débilisés par l'american way of fear, proches du liquide ! Ubu ! Kafka ! Orwell ! Venez voir ! Revenez ! Ils ont fait tout comme vous disiez !... En pire !

4. Le mercredi 8 novembre 2006 à 14:57, par Bikun :

Ahh tu me rassures un peu quand même!



Mardi 7 novembre 2006. Doux blé.

Doux blé
Doux blé
JoLi Doux blé

Dans le shinkansen, mes copies corrigées, je lisais la Théorie des nuages d'Audeguy. Bien avancé, déjà. Pour l'instant, me paraît être plus un conte qu'un roman, avec fort recours à de la fiction biographique, généralement pas ma tasse de thé. Mais très plaisant ; pour l'instant, je continue...

« Johann Wolfgang Goethe sait que bientôt l'eau de son propre corps voyagera, pour partie dans le sol, pour partie dans les airs, et cela le console de la mort. Il aime à penser que sa dépouille va nourrir des plantes, ou de petits insectes mal connus. Même il pense parfois, mais sans le dire à personne, que le cerveau des hommes a la forme des nuages, et qu'ainsi les nuages sont comme le siège de la pensée du ciel ; ou alors, que le cerveau est ce nuage dans l'homme qui le rattache au ciel.» (Stéphane Audeguy, La Théorie des nuages, Gallimard, 2005, p. 24)

Après les cours, je file à la bibliothèque. La NRF y est ! Ouf ! Les deux derniers numéros en consultation au rez-de-chaussée (sinon, il faut descendre en réserve). Je rate complètement les photos de Tchouba, mais je le lis avec délectation. Dans la veine des Tristes, avec peut-être un doigt de Chevillard et une grande liberté de ton, encore à la Pinget. Pardon de citer des noms, mais c'est ce qui me vient en place de description (et à défaut d'analyse). D'ailleurs, ce sont de beaux noms.
Il y a aussi la dernière partie de l'In Mémoriam de Stéphane Audeguy, comme prévu. Ce qu'il écrivait quand il n'arrivait pas à écrire un roman.

« Nous ne voulons pas être récupérés par tel ou tel. Nous ne voulons pas être compris. Et d'ailleurs nous avons tort. Nous écrivons le manifeste de ceux qui ont tort. Tchouba est un outil de résistance. Personne ne pourra se rallier. Et, ainsi, nous attaquons le capitalisme dans ses recoins. Voilà ce que c'est le capitalisme, avant tout une machine constante à récupérer.
Tchouba veut dire fuir. Toujours fuir. ne jamais y être.
Fuir à notre place.
Tchouba.»
(Alain Sevestre, « Tchouba », in NRF, juin 2006, p. 50)

« Jean-Henri Fabre, entomologiste
Pendant la cérémonie de son enterrement on put voir sur son cercueil un escargot et quelques sauterelles ; au bord de sa tombe, un prego diou s'était posé.

Ignace de Loyola, fondateur de l'ordre des Jésuites
L'infirmier qui le veillait l'entendit s'exclamer "mon Dieu !" au milieu de la nuit, mais le propos ne lui parut pas mériter le déplacement. Ignace mourut cette nuit-là.»
(Stéphane Audeguy, « In Memoriam (fin) », NRF, juin 2006, p. 100)

Dîner avec A. et C., deux collègues, dont un du département d'allemand, près Yagoto, dans un restaurant indien, Misty. Excellent, fort mais pas trop, mais fort quand même. Mes intestins s'en souviennent déjà. Ça fera désinfectant. Pas un luxe avec ce froid qui vient de tomber — senti d'un coup, quand la porte du shinkansen s'ouvrait sous un ciel bleu de vent. Conversation roulante entre université, société, actualité, passé, voyages, aussi du doublé de JoLi, des montants des droits étrangers déjà négociés (pour le livre — dans Ce soir ou Jamais d'hier, Antoine de Caunes disait que ça serait inadaptable en film, Les Bienveillantes, mais je n'en suis pas si sûr que lui...)

Euh... prego diou... prego diou... Vois pas... Ah, si, ça y est ! C'est la mante ! Je m'en doutais !

Commentaires

1. Le lundi 6 novembre 2006 à 22:53, par brigetoun :

à se fredonner sur le vélo ?

2. Le mardi 7 novembre 2006 à 01:05, par vinteix :

Sûrement, mais pas un livre en main, surtout que le nouveau G. a l'air assez épais... en même temps, ça fait deux en un !
Mais franchement, est-ce que ça a un réel intérêt ? ces prix... Personnellement, je suis incapable de dire qui a eu le prix Goncourt l’année dernière, il y a deux ans... Je ne suis même pas sûr de pouvoir citer un seul Goncourt... Ah si, peut-être Quignard, non ?... Tout ceci n’est que mascarade, carnaval, marketing, commerce et dorures.

3. Le mardi 7 novembre 2006 à 01:55, par Berlol :

De même que nous sapions le mois dernier le sondage de Livres Hebdo, il est bon, je crois, que nous disions et répétions que nous ne sommes pas d'accord avec ces mascarades et ce consumérisme sur le dos de la littérature. Il est possible que le JoLi soit intéressant, la question n'est pas là...

4. Le mardi 7 novembre 2006 à 02:04, par vinteix :

Le JLR, tu voulais dire ?

5. Le mardi 7 novembre 2006 à 05:17, par caroline :

Je n'ai pas vraiment d'avis sur LES BIENVEILLANTES. Je ne sais pas si je le lirai... Mais, j'ai un avis sur l'interview d'Angot dans Têtu que je ne peux pas rerpoduire ici car je ne suis pas abonnée ce magazine (le mois prochain, elle sera peut-être en ligne) mais je l'ai entendue à la radio. Elle parlait de Jonathan Littell et je dois dire que, dans le genre dégueulis antisémite, je n'avais pas entendu ça depuis... Bizarrement Finkie ne lui fait pas de procès alors qu'il est toujours prompt à traîner en justice tout journaliste, artiste, ou n'importe qui en l'accusant de propos antisémites. Edgar Morin en avait fait les frais. Quelle immunité protège Christine Angot ?

6. Le mardi 7 novembre 2006 à 06:07, par vinteix :

peut-être l'immunité d'une "strawberry girl"... ? Non, non, je plaisante... je ne sais pas...

7. Le mardi 7 novembre 2006 à 08:56, par cgat :

Pas beau le prix ... mais joli le poème Berlol !
Quant à Christine Angot, je crois qu'elle est juive, ou me trompé-je ?
Je n'ai pas lu l'interview dont parle Caroline, mais son allergie à Littell tient essentiellement il me semble à ce qu'il s'est glissé dans la peau du bourreau, alors qu'elle privilégie toujours le point de vue de la victime, ce que l'on peut critiquer mais aussi comprendre.

8. Le mercredi 8 novembre 2006 à 08:01, par brigetoun :

à propos de bourreau j'en suis restée au prego diou - à la poésie inquiétante du nom des victimes que lui fournit Fabre, à la description de l'attaque - et j'ai mal à la nuque

9. Le mercredi 8 novembre 2006 à 09:11, par vincy :

à voir les merdes qu'il réalise Les bienveillantes est clairement inadaptable par De Caunes. C'est certain.

10. Le mercredi 8 novembre 2006 à 14:10, par Berlol :

Hou ! comme c'est méchant, ça ! (Mais y'a des chances que ce soit vrai...)



Mercredi 8 novembre 2006. Dribble avec les temps verbaux.

Hitch my cock.
Commentaire déposé ce matin chez Grapheus Tis, sur un sujet récurrent — qu'il faut gratter :
« Le journaliste : "S'il y a des écrivains qui font des blogs et qui sont déjà des écrivains et qui ont leur étiquette d'écrivain bien visible, qu'ils lèvent la main ! Les autres, on est désolé mais vous n'êtes pas des écrivains donc on peut pas vous interroger sur ce que vous pensez des écrivains, de la littérature ou des blogs d'écrivains. Il faut d'abord être écrivain. Faites-vous publier dans une de ces maisons, vous savez, bien en dur, avec un livre bien en papier, inscrivez-vous à l'administration afférente, payez vos cotisations, montrez-nous votre carte et après on verra. Vous croyez pas qu'avec vos blogs où vous écrivez n'importe quoi qu'aucun éditeur n'a validé vous allez nous impressionner, hein ! Nous on est là pour défendre une vision claire du monde, avec des catégories qui existent et que nos lecteurs peuvent bien reconnaître. Les écrivains, c'est bien, on sait ce que c'est depuis des siècles, on les lit pas, mais de temps en temps on leur pose des questions et eux ils nous donnent des réponses qu'on peut comprendre, parce que dans leurs livres c'est pas toujours évident, donc on préfère leur poser des questions à nous. Et là, sur les blogs, ça le fait bien. Et puis si on demandait pas à des écrivains, on demanderait à qui ? Comment voulez-vous qu'on trie pour savoir à qui on pourrait demander ?"
(Grmmfph...) »

Pierre blanche. David, mon collègue dont le petit ventre commence à prendre tournure, s'est engagé à s'inscrire au centre de sports dans un avenir pas très lointain à une certaine condition seulement connue de nous deux. Condition tout à fait décente, je rassure. No Comment...
Moi, j'y vais sans attendre, dès la fin de l'après-midi. J'innove, aujourd'hui pas de vélo mais une longue séance à la machine de marches, en poussant les curseurs, vingt au maximum d'inclinaison (doit faire dans les 45 °) et vingt au maximum de résistance (comme si j'avais réellement à soulever mes 70 kilos à chaque marche). Point de transpiration atteint en dix minutes. Au final, un peu plus de 3000 marches en une trentaine de minutes et au final près d'un kilo exsudé — le tout en continuant Entrées en matière.
Alain Sevestre avait visiblement anticipé que je lirai Audeguy en même temps que son livre ! Et voyez comment il nous dribble avec les temps verbaux (n'oublions pas que son narrateur est au Stade de France un jour d'inauguration officielle)...

« Nonobstant j'aurai souvent le nez dans les nuages. Quand j'en aurai fini avec le mur, je lèverai les yeux. Un nuage est capable de se raccourcir tout seul, sans aucun secours ; il peut découper une partie de lui-même puis recoller les deux extrémités libérées, capable encore de se répliquer. Toujours une intense compétition. Qu'est-ce que je pourrais ajouter sur les nuages ? Que j'avais le sentiment de comprendre des choses, oui, en somme, avec le recul.
Mon père aura été bien pour ça. Le sport, ça compte, ça forme, ça développe, t'en as besoin. Il m'encouragea à ne pas me laisser dribbler. Personnellement, je préférerai jouer arrière droit, ou demi, et quand le ballon arrivera, relancer le plus loin possible, de toutes mes forces. J'étais un bourrin, manquais de technique, compensais par la hargne, cognais, lattais. [...] »
(Alain Sevestre, Entrées en matière, p. 24-25)

« — Oh ! lui, l'enfoiré, lui lancé-je, il écrase son mégot sur la pelouse.
Sans m'apercevoir, et m'apercevant au même moment que Jacques Chirac, c'est Jacques Chirac, il venait d'arriver, était là, venait juste d'écraser sa cigarette sur la pelouse. Je ne parlais pas de lui mais mes yeux se sont portés sur lui au moment de terminer ma phrase. C'est très gênant. Je n'ose plus regarder dans sa direction. Ma tête s'écrase dans les épaules. Je me ratatine encore, passe sous la nappe, roule sur moi-même, puis carrément rampe, un réflexe, tente de passer derrière le buffet, à l'abri de son regard, pensé-je, me redresse, lève les yeux. Il me regarde ; il a entendu ce que j'ai crié. Ça ne se passera pas comme ça. Déjà entré dans l'enceinte du rectangle des élus et des corps constitués, il échappe à un officiel et à deux gardes qui lui indiquaient la direction du second rectangle, intérieur au nôtre, et protégé par un second jeu de cordons rouges montés sur des piquets dorés, m'intercepte sans me toucher comme j'essaye de m'esquiver et, visage compellatif, index et majeurs tendus vers moi pour m'immobiliser [...] »
(Ibid., p. 28-29 — la suite dans le livre... hé ! hé !..)

« Il entre dans la peinture pure : il va peindre des skyscapes, des paysages de ciel sans aucun élément de décor terrestre ; pas même, dans un coin de la toile, la branche la plus élevée d'un arbre pour rappeler le sol. Chaque jour le ciel l'attend, toujours le même et toujours neuf.» (Stéphane Audeguy, La Théorie des nuages, p. 68) 

Buisson naïf et globuleux...
N'empêche que le Goncourt à un Américain, ça a porté la poisse à Bouche !



Jeudi 9 novembre 2006. Comme les gnous la rivière.

Journée crevante, comme souvent le jeudi à trois cours. Plus encore quand la fraîcheur automnale arrive, quand on commence à approcher de la fin du semestre. On voit les objectifs... et le fossé qui nous en sépare encore. Et les étudiants le sentent, comme les gnous la rivière.
Par conséquent, pas de sociabilité avec les collègues, peu de temps pour le réticule et pas du tout pour la littérature.
Sauf ces propos de Dominique Viart qui me paraissent justes, à la bonne distance critique.
Raison pour laquelle je les conserve ici. Et basta...

Les prix, « sismographes de la vie littéraire »
Dominique VIART, spécialiste de littérature contemporaine, pour qui Les Bienveillantes sont un Goncourt logique. Entretien recueilli par mail pour Libération par Claire Devarrieux. Mercredi 8 novembre 2006.

Quel intérêt accordez-vous aux prix littéraires ?

Relativisons : les prix n’expriment jamais, au mieux, que les préférences esthétiques de leur douzaine de jurés. Eux-mêmes soumis d’ailleurs à toutes sortes d’influences: éditeurs, stratégie commerciale, opinion publique, pression médiatique, amitiés, connivences et complicités — ou antipathies — du milieu littéraire. Ils couronnent souvent une œuvre correctement réussie de la littérature grand public, qui n’est sans doute pas la plus exigeante, la plus troublante, ni la plus difficile du moment : ce n’est pas pour rien que ces jurys s’appellent aussi des « académies »… Disons que leurs lauréats sont le plus souvent de bons artisans de la littérature, pas toujours des artistes cependant.
Mais ils ont parfois du bon : d’abord parce qu’ils font largement parler de livres, et parfois même de littérature, quand les débats ne sont pas hélas recouverts par les questions d’influence, de tractation ou de commerce. Il est bon aussi qu’un Prix Goncourt (en veine de relégitimation ?) signale l’œuvre de Pascal Quignard au grand public, même s’il lui faut pour cela faire entorse au principe de ne couronner que des « romans » et prendre le risque d’être moins « vendeur ». Il y a même de bonnes surprises, comme Les Champs d’honneur, de Jean Rouaud. Les prix font lire et peuvent susciter d’autres envies de lecture. Ce n’est déjà pas si mal.
Ils sont aussi de bons sismographes, non pas certes de la création littéraire, mais de la vie littéraire (ses mœurs bien sûr, mais aussi ses préoccupations) et de l’état culturel de notre pays, des questions et des imaginaires qui le traversent. Ils nous apprennent où nous en sommes, collectivement, avec ces questions. Souvent des enjeux nouveaux de la littérature mûrissent en sourdine dans l’œuvre plus exigeante d’écrivains moins médiatisés puis trouvent, grâce aux Prix, une audience plus large dans des textes moins forts peut-être mais plus accessibles. Ainsi, par exemple, avec Weyergans, le Goncourt a donné l’an passé audience aux problématiques de filiation que d’autres (Pierre Michon, Annie Ernaux, Pierre Bergounioux, Charles Juliet…), avant, avaient fait découvrir à un cercle de lecteurs plus restreint.

Jonathan Littell méritait-il le prix Goncourt ? A votre avis, pourquoi l’a-t-il eu ?

Tout dépend de ce qu’on appelle « mériter le Goncourt »… Si l’on tient compte de la composition du jury, de sa fonction de sismographe et de ses goûts esthétiques, il est assez naturel en effet que la palme lui revienne. Il l’a eu parce que, outre la performance « quantitative », son roman enregistre justement un phénomène littéraire commencé avant lui, dans des œuvres plus complexes parfois, interroge des zones obscures de l’Histoire et de la psyché que les sciences humaines ont commencé de défricher et participe au bilan d’un siècle désastreux dont nous avons depuis quelque temps commencé l’inventaire. Littell a eu le prix parce qu’il met tout cela — les questions que soulève l’Histoire du XXe siècle, les perplexités face à la monstruosité d’hommes apparemment « normaux », les documents mis au jour par les historiens — à la portée d’une représentation imaginaire accessible, dans une langue académique et une forme romanesque facilement recevable. De ce point de vue, il entre parfaitement dans le cadre d’un tel prix.

Est-ce un roman atypique ou s’inscrit-il au contraire dans un courant ?

Il est certes surprenant par son volume, qui aurait du reste pu sans doute être resserré — quoique le « volume romanesque » revienne à l’honneur, a fortiori lorsque l’on traite d’Histoire : que l’on pense à Richard Millet, à Hedi Kaddour, à Jean Rouaud l’an passé. Peut-être aussi par son auteur, un peu atypique (un Américain qui écrit en français quand l’anglais domine le monde des livres ! — les Goncourt aiment bien ces figures originales, qui sont elles mêmes « romanesques », comme le fut Jean Rouaud venu de Loire inférieure tenir un kiosque à Paris). Pour le reste, non, ce livre n’est pas surprenant : il s’inscrit au contraire naturellement dans un processus (et non dans un « courant » esthétique) amorcé depuis longtemps : depuis le début des années 1980, la littérature s’est redonné des objets, parmi lesquels l’Histoire, sur laquelle elle enquête, qu’elle tente de restituer dans des aspects que les historiens n’ont pas forcément traités, ou pas ainsi. Plus précisément encore, ce roman arrive à la suite d’une quantité d’autres qui abordent la Première Guerre Mondiale (surtout à partir des années 1989, à la fin de ce que les historiens appellent le « court XXe siècle ») : que l’on pense à L’Acacia de Claude Simon, aux Champs d’Honneur de Rouaud, aux Douze lettres d’amour au soldat inconnu d’Olivier Barbarant, à Japrisot, à Daeninckx… ; puis la Seconde Guerre Mondiale après les précurseurs que furent Duras, Simon et Modiano, et plus massivement à partir de 1997, et enfin la Shoah depuis le film de Lanzmann et les grands procès Papon, Touvier…
Même le point de vue choisi ici — celui du bourreau — est préparé par d’autres textes qui l’explorent aussi, depuis La Mort est mon métier de Robert Merle (1952 ; qui s’inspirait des mémoires de Rudolf Hess), Le Roi des Aulnes de Michel Tournier (qui passe d’ailleurs pour n’avoir pas aimé le livre de Littell, effet de concurrence ?) et surtout par l’impressionnant livre de Jean Hatzfeld, Une saison de machettes, paru en 2003 (sans parler des travaux de Jacques Semelin dans Purifier et détruire, usages politiques des massacres et génocides, Seuil, 2005). A ce titre, Les Bienveillantes bénéficient des « fictions critiques » que de nombreux écrivains développent depuis quelques années et par lesquelles ils entendent, à leur façon, discuter du monde qui nous entoure et de l’Histoire dont nous héritons en s’appuyant sur les moyens propres de la littérature.
Ce roman partage avec ces « fictions critiques » contemporaines un certain besoin de savoir, une pratique de l’enquête, un recours aux archives, un usage des principaux acquis des sciences humaines, de l’Histoire ou de la psychanalyse et se nourrit comme elles des grandes œuvres littéraires du passé — Flaubert, Eschyle, Genet… — voire cinématographiques : Shoah bien sûr mais aussi L’Empire des sens. Mais Les Bienveillantes fondent tout cela au creuset d’une même matière narrative plus ou moins uniforme, souvent avec un certain talent, quelques fois avec plus de difficultés ou d’artifices, quand les « fictions critiques » au contraire heurtent ces éléments, les confrontent les uns aux autres, les font dialoguer en préservant des espaces de doute qui impliquent le lecteur. Ici la voix narrative est uniforme, régulière. Ce principe d’unicité réduit considérablement les chances de faire percevoir la complexité ou le chaos des événements historiques et des trajets individuels.

Est-ce un bon roman ? Comment expliquez-vous son succès ?

Selon moi, un bon roman est un roman « déconcertant », qui déplace son lecteur, le bouscule dans ses façons de voir, peut-être de vivre, le confronte à de l’inédit, de l’inouï. Notamment par son travail d’écriture, car je suis intimement convaincu que l’on ne peut produire des significations nouvelles sans rendre la langue un peu étrange, un peu « étrangère » même, comme disait Proust. Je ne suis pas persuadé que ce soit le cas ici. Ce qui est aussi, certainement, une raison de son audience d’ailleurs : il est peut-être long à lire, mais il n’est pas difficile. Il place le lecteur dans la conscience du bourreau, mais sans perturber ses codes ni ses habitudes de lecture : rendu des dialogues, des discours, récit globalement linéaire, au passé simple... Il nous confronte à une étrangeté, certes, mais exprimée de façon rassurante. Rien à voir, par exemple, avec les livres autrement plus perturbants de Volodine, qui transforment parfois le lecteur en « bourreau » ou en « tortionnaire » par leur écriture et leurs situations d’énonciation troublantes où c’est nous, lecteurs, agacés de ne pas y voir clair, qui voulons à tout prix savoir ce que tel personnage « a dans le ventre », quitte pour cela à le torturer un peu. Une lecture dont on ne sort pas indemne.
Mais surtout quelque chose me gêne un peu : c’est le détour par le mythe, dont le titre Les Bienveillantes témoigne. Le livre de Littell replie l’histoire de ce nazi sur le mythe d’Oreste dont il est comme une réécriture. Quelle est la fonction de ce recours au mythe ? Sinon de donner une clef de lecture, une explication même, peut-être, de ce pan tragique de notre Histoire. Ce n’est certes dans le roman qu’une explication parmi d’autres, qui sont esquissées ici et là. Mais celle-ci semble privilégiée par le titre même. Or le mythe, c’est le destin, auquel on n’échappe pas quand bien même on le voudrait (voyez Œdipe), c’est la fatalité… Bref : on tue, certes, mais on n’y est pour rien. Le recours au mythe déshistoricise l’Histoire, il la décontextualise en la rendant atemporelle. Il empêche ainsi que l’on puisse réfléchir aux éléments sociaux, économiques, politiques, culturels, intellectuels, individuels et collectifs… qui ont rendu l’horreur possible. On voit cela aussi chez Sylvie Germain, dans Le Livre des Nuits et, déjà, chez Tournier dans Le Roi des Aulnes. Si l’on transforme l’Histoire en mythe ou en légende, on renonce à interroger notre responsabilité dans ses événements. Et cela me paraît dangereux. Je souhaite que cela ne soit pas une raison de son succès.

(Dominique Viart est professeur à l'Université Lille 3, spécialiste de la littérature contemporaine, co-auteur avec Bruno Vercier de La Littérature française au présent (Bordas, 2005), et co-directeur de la Revue des Sciences Humaines.)

Commentaires

1. Le jeudi 9 novembre 2006 à 15:22, par cgat :

sans aucun rapport avec les gnous ni les prego diou, Christine Angot a reçu aujourd'hui (hier, en fait) le Prix de Flore (face notamment à Pierre Jourde !) : voici une nouvelle propre à susciter ici des commentaires, non ?

2. Le jeudi 9 novembre 2006 à 15:46, par frédéric :

oh ! putain, fallu qu'elle en chope un, la mère Angot? Dégueuli.

3. Le jeudi 9 novembre 2006 à 15:48, par Frédéric :

le prix de flore, c'est quoi ? begbeder ? Dégueulis.

4. Le jeudi 9 novembre 2006 à 16:07, par Berlol :

Merci de l'info, Christine ! Je vais voir ça... Face à Jourde, c'est fun !
Frédéric, on dirait qu'il y a du progrès dans le dégueuli(s)... Quand vous aurez nettoyé et lavé vos dents, vous pourrez essayer d'ouvrir un livre de Christine Angot ! Allez, courage !

5. Le jeudi 9 novembre 2006 à 16:49, par cgat :

c'est fun, en effet ... il n'y a pas que Beigbeder dans le jury, une brochette de journalistes je crois, dont Frédéric Taddeï et François Reynaert ... l'année dernière c'est Joy Sorman, dont tu parlais l'autre jour, qui l'avait eu

6. Le jeudi 9 novembre 2006 à 22:49, par Frédéric :

tasdéi, dégueulis
Reynaaert, connais pas.
mal de crâne

7. Le jeudi 9 novembre 2006 à 22:54, par brigetoun :

d'autant plus que ça se lit vite un Angot
Pour le Littell je n'en ai pas envie, est-ce pour cela que j'aime bien la fin de l'interview de Viart, pour la justification

8. Le jeudi 9 novembre 2006 à 23:48, par Berlol :

« Mâtin », Frédéric ! (comme on dit quelque part dans Poil de Carotte...).
C'est qu'aux buveurs dur est le matin !

9. Le vendredi 10 novembre 2006 à 03:13, par dominique :

Excellents, ces propos de Viart dans Libé. (Désolé de me réimmiscer brièvement dans ce blog où j'ai atterri l'autre jour par un hasard sevestrien!) J'aime bien ce qu'il écrit par ailleurs, et son bouquin sur la littérature française au présent est un outil précieux, mais on voit pourquoi il n'aime pas le Littell tout en le jugeant bien ficelé, puisqu'il appartient à ce qu'il appelle la littérature concertante ; et cependant il place dans la déconcertante des écrivains comme Daeninck ou Ernaux, que d'autres jugeront faciles et justement sans réel travail sur la langue. C'est l'idée que seuls ceux qui prospectent (en musique disons Beethoven), et non ceux qui font le bilan (Bach), provoquent remous et avancées.
En même temps, il rappelle l'analogie entre le Littell et le Robert Merle, par exemple, qui est si évidente qu'on peut s'étonner de ne pas la voir plus souvent relevée. Il semble qu'on se récrie - voire on s'effarouche, comme Angot - d'une chose bien ancienne et bien propre à la littérature et à l'art en général.
Et puis ce que dit Viart des prix est frappé au coin du bon sens.
Intéressant également ce qu'il dit du problème que pose, chez Littell, le recours à la mythologie comme justification du mal. Il y a là quelque chose de l'opposition Arendt/Francfort (école de).
(Accessoirement, et plus légèrement, ravi d'avoir fait rire Frédéric à Paris par mon texte pourtant dégueulasse !)

10. Le vendredi 10 novembre 2006 à 03:28, par Berlol :

Repassez dans quelques heures : il y a du Sevestre au menu, ce soir...

11. Le vendredi 10 novembre 2006 à 09:57, par di folco :

Excellente analyse de Viart !
Bravo pour ce site très instructif.
Que d'efforts ! que de lectures ! On se sent moins seul...
Merci.



Vendredi 10 novembre 2006. Le truc vulgaire qui ruinera l'avis des prudes en lettres.

Nicaragua... Oui, maintenant, cela veut dire quelque chose pour moi. Grâce à Patrick Deville et son Pura Vida.

Vu hier soir, mais pas écrit — pas le temps — : Crustacés et Coquillages... Léger, tout de même. Seconde partie bien meilleure que la première. À partir du plombier, en fait.

Débat sur le sexe dans Ce soir ou Jamais de mercredi. Pas dit non plus parce que bof... Pas content, d'ailleurs, parce que l'émission de mardi n'était pas en ligne hier. Elle était annoncé et on n'en a eu que cet horrible Best of, expression et pratique d'ailleurs ridicule... Il faut le dire à Taddeï. Évidemment, ce soir, elle y est, en ligne, ainsi que celle d'hier. Je regarde le début, parce que pas le temps, encore... Mardi, il y avait Bruckner et Benasayag, je dis ça pour David qui faisait quelque chose sur le compassionnel... Quant à l'émission de jeudi, il y a Anne Delbée dans un débat sur le foot, pour sa 107e Minute... Ça risque de me gonfler, quand même. On verra tout ça demain.

Ce matin, sport et lecture sevestrienne. Qui m'enchante littéralement littérairement. Je ne fais qu'une demi-heure, vélo + marches, ça sue très vite, aujourd'hui. On a rendez-vous à 12h30 en bas de nos bureaux, David et moi, avec les trois étudiants français qui étudient le japonais ici, deux d'Orléans, une d'Aix. On les emmène au Downey. Il fait chaud, on se met en terrasse, on s'amuse bien.
Évidemment, tout ça me met en retard et je ne pourrai pas être à la séance de La Cicatrice intérieure (Garrel, 1970) à l'Institut à 19 heures. Tant pis, je me consolerai dans 24 Heures de la vie d'une femme (Bouhnik, 2002) avec Agnès Jaoui (qui jaouit avec un officier polonais, pas plombier pour un sou). Film très construit, beau rôle pour Michel Serrault, des décors impressionnants, une belle musique de Michael Nyman, mais le tout assez froid et, c'est vrai, bancal.

« L'aller-retour de la voiture entre son aire de stationnement et le milieu de la rue évoque l'acte sexuel ; mais aussi le va-et-vient incessant du réel à l'irréel et de l'irréel au réel, cette magie chère au lecteur, dont parle Hitoshi Usami dans le Sankei Shimbun. Chaleur aidant, elle déboutonne son manteau. Elle porte un twin-set, ensemble ras du cou et cardigan de couleur poudre. Un twin-set. Je suis fou des twin-sets, le lui dis, répète twin-set, twin-set, l'embrasse. Je ne peux pas me retenir. Je n'oublie pas le cou que j'embrasse aussi, twin-set, des lèvres pousse sa tête en avant, écarte son collier de perles, passe la main sur sa nuque, soulève son col, bécote sa région iniaque, vérifie l'étiquette de son twin-set, 100 % Geelong Lambswool, made in Scotland. Magnifique. Twin-set, twin-set. Il y a dans le mot anglais, dans la rencontre du t et du w suivie d'in-set, d'in d'abord et set qui sort, une notation sexuelle, secrète, retenue, plastique, synthétique, en latex, une amorce compliquée suivie de sa résolution en éclatement, quasiment la représentation phonique de la courbe ascendante du désir, de la rencontre, du plaisir et puis de la fin. Vêtement entouré de t. Le t d'attaque et le t de rideau, de cascade, dont on tombe. Le t est pas mal pour ça avec son petit plongeoir pour sauter du haut de la lettre et la courbe pour la réception. L'effet de commutation, d'allumage sexuel se retrouve également dans between, à moins que ce ne soit uniquement l'homophonie du début du mot qui l'évoque de manière moins subtile d'ailleurs. Je préfère twin-set. Je passe ma main sous son pull. Elle dit j'ai trois couches, cardigan, pull et caraco, enfin touche sa poitrine, passe la main sous son soutien-gorge, accède à un sein, me déchaîne. Elle aussi. Puis, tout de même, nous sommes trempés, pataugeons dans nos chaussures, avons la chair de poule, les fesses glacées, calons sur des surfaces transies où le vêtement mouillé ne s'écorche qu'avec peine de nos peaux granuleuses. [...] » (Alain Sevestre, Entrées en matière, p. 40-41)

Ces deux-là se sont rencontrés sur la pelouse du Stade de France, après la fin de la répétition de l'inauguration officielle, sont sortis côté chantier pas fini, ont erré dans des flaques où elle a glissé, s'est enfoncée, avec une narration jubilante dans l'exagération de l'embourbement.
Outre ici l'hilarante mise en abyme morpho-phonologique du « twin-set », il y a chez Sevestre — et dans tous ses livres, je le sais maintenant — une utilisation très originale et très romanesque de la maladresse, réelle ou feinte (par exemple, pour draguer), mais toujours assumée, presque revendiquée. Et comme une vengeance sur les hontes que tous les maladroits endurent, leurs contritions — les bras leur en tombent — à s'excuser. Dans la maîtrise même de l'écriture que tout un chacun pourrait peut-être admirer (allez-y, regardez en détail la marqueterie), il glisse le truc vulgaire qui ruinera l'avis des prudes en lettres. J'adore. C'est une politesse qui dit : « Je suis peut-être génial mais j'ai aussi envie de rire de trucs vulgaires, ou que d'autres trouvent vulgaires, et puis je ne me prends pas tout le temps au sérieux.»

Commentaires

1. Le samedi 11 novembre 2006 à 02:17, par brigetoun :

oui enfin il faudrait pour cela oublier "la marqueterie" comme vous dites, et elle se déguste et se montre. Sans cela m'amuse le twin-set et le collier de perles, petit parfum de ma jeunesse.
Pour Tadei je n'ai pas le temps en ce moment, ou je ne le prends pas - ça m'ennuie assez vite

2. Le samedi 11 novembre 2006 à 03:27, par cgat :

pour ma part je regardécoute en général taddéï en direct et en fond sonore tout en parcourant le réticule : ça permet d'oublier d'écouter quand ça ennuie et de dresser l'oreille (et éventuellement tourner les yeux vers la télé) quand ça accroche : je te conseille l'émission de mardi, où l'inénarrable Romain Bouteille a fait du grand spectacle et Benasayag dit des choses très justes

3. Le samedi 11 novembre 2006 à 04:28, par K :

mr berlo, comment allez vous. La semaine dernière,je suis allée à l'IMEC, voir l'expo sur duras(j'ai tout d'un coup pensé à vous, je ne suis dit que vous deviez connaitre ce lieu). Il y aura un colloque le 12 et 13 janvier, auquel je pense fortement me rendre, même si au dernier moment, je n'oserai surement pas entrer, vous les gens qui seront là pour écouter, c'est vrai j'ai aucune raison d'y être et surtout moi je suis une inculte, juste une folle. J'ai fait un tour sur le site, www.imec-archives.com/fon... ils ont des archives formidables , mais pour si inscrire, il faut ceci : un justificatif de recherche : lettre du directeur de mémoire (master) ou du directeur de recherche (thèse), lettre d’éditeur pour un projet de publication… Alors voilà c'est à l'eau, je me doutais bien que moi pauvre K, je ne pourrai pas aller passer des jours là bas, pour lire duras, c'est con, Vous pouvez pas,vous, me faire une lettre?????????Non je plaisante, bonne journée à vous K

4. Le samedi 11 novembre 2006 à 16:28, par Berlol :

J'avais oublié de signaler qu'il y avait Joseph Macé-Scaron dans le Ce soir ou Jamais de mercredi. À le voir parler, à le voir, tout simplement, j'ai compris pourquoi l'émission Jeux d'épreuves de France Culture est de si bonne tenue depuis plus d'un an maintenant (ce samedi, il y est d'ailleurs question de Mauvignier).
Chère K, j'admire votre persévérance et vous engage à continuer, malgré les déboires ou les rebuffades. Il faut aller aux colloques mais il ne faut pas se faire d'illusions sur les relations hors-communications. La plupart du temps les mondanités n'ont pour but que de servir les carrières (et l'inconnue, la passionnée qui n'est pas du sérail ne sert à rien). Je crois qu'il ne faut pas tenter de s'immiscer, ne pas avoir d'espoir à ce sujet — et en plus cela fait gagner beaucoup de temps. Seule la vie en commun à Cerisy, peut-être, peut permettre une vraie fraternisation (ou une vraie détestation) — mais sûrement pas pour chaque colloque.
Pour ce qui est de consulter des archives, c'est logique qu'il faille avoir une bonne raison et montrer patte blanche. Non ? Si vous avez un projet, mettez-le au point et proposez-le à un éditeur. Ou écrivez-le-moi pour que je le soumette au peu de relations que j'ai.



Samedi 11 novembre 2006. Avec des cornes de serviette.

Grisaille orageuse dehors, yeux pas encore bien alignés quand je me mets aux commandes. Poil de Carotte n'attend pas, surtout pour « Les Joues rouges », le chapitre central. C'est la frontière entre l'enfant et l'adolescent. Il ne s'agit plus d'aider maman en enlevant la marmite d'Honorine, ni de faire le fier pour signer un pacte avec la nouvelle bonne. On n'est d'ailleurs pas à la maison, exceptionnellement, mais au dortoir de l'internat, et témoin de l'étrange comportement du maître d'étude qui fait office de pion et vient causer nuitamment avec le jeune garçon sur lequel il a jeté son dévolu — qui n'est pas Poil de Carotte, mais son voisin. Il ne faudrait pas croire, plus ou moins en phase avec les mœurs d'aujourd'hui, qu'une affaire de pédophilie est en route, ni que Poil de Carotte ira dénoncer Violone (c'est l'étrange nom du maître d'étude) pour protéger de la bête immonde un camarade innocent. Il le fera par jalousie, parce que ce n'est pas lui que Violone a choisi (p. 111).
Mais ce qui m'intéresse surtout, c'est l'occasion fournie à Poil de Carotte. Dans ce dernier tiers du XIXe siècle, après Semmelweis (sur lequel le futur docteur Destouches fera sa thèse), les institutions scolaires se mettent à la mode « hygiénique » (p. 99) et les matins d'hiver, même si c'est avec des cornes de serviette « trempées dans un peu d'eau froide » (p. 107) qu'on se lave, il faut avoir les mains propres. Pour ne les avoir pas, Poil de Carotte est envoyé chez le directeur, où, contestant le motif, il prend quatre jours de séquestre, doublés quand il prétend que le maître d'étude lui en veut personnellement. C'est après qu'il dénonce Violone et que le directeur fera ce qu'il doit faire. Indépendamment de l'histoire de mœurs, c'est la punition pour contestation de l'autorité que je retiens. Un directeur d'établissement doit punir, sans souci de la vérité, dès qu'il y a contestation de l'autorité. Car c'est elle, l'autorité, a-t-il été éduqué à croire, qui garantit l'ordre de la société. Cela me rappelle alors que Jules Renard écrivait Poil de Carotte au beau milieu de l'affaire Dreyfus et que toute la France se divisait (se divise encore ?) sur cette question de prééminence entre vérité et autorité...

T. étant partie faire les soldes avec une amie, j'ai déjeuné en compagnie de Frédéric Taddeï et ses invités de mardi (avant que Christine ne me le suggère en commentaire au billet d'hier, donc). C'était animé, amusant, parfois sérieux dans le débat, des points de vue avec lesquels je tombais d'accord, souvent ceux de Plantu et de Benasayag, mais pas les outrances de Romain Bouteille, me disais-je, et puis pourquoi pas, Bouteille aussi, quand il veut dire que vérité, autorité, justice, démocratie, etc., ont été dépassées, englobées dans une compromission supérieure dans laquelle ils sont tous en train de tremper, mais alors la Terre entière, et rien ne veut plus rien dire, et anarchisme devient nihilisme, fraternise de nos jours avec Houellebecq et Dantec, parmi les plus so(f)ts, donc non, l'amuseur public ne m'amusera pas, j'en reviens à mes accords avec Plantu ou Benasayag qui, lui-même, au premier débat, tombait d'accord avec Pascal Bruckner. Difficile, difficile, tout ça... Je ne sais plus, moi. Tiens, je vais faire la sieste.

Dans l'après-midi, quelques pages d'Entrées en matière, le concours de bronzage, puis le soir, après le retour de T., dîner en regardant des épisodes de Lost. On en est au 16 de la première saison...

Commentaires

1. Le mercredi 15 novembre 2006 à 17:41, par koike1970 :

Bonjour.
J’ai trouvé quelques pages intéressantes par hasard. "Littérature et médecine"
Tu les connais déjà, je crois…
www.ammppu.org/litteratur...
www.ammppu.org/litteratur...

2. Le mercredi 15 novembre 2006 à 18:02, par Berlol :

Merci Katsunori ! Non, je n'avais pas vu cette page-là !



Dimanche 12 novembre 2006. Dans des déserts, des fjords, des landes, ils marchent.

L'émission maussade avec Frédéric Boyer, ça m'a vite rasé, celle chagrine avec Marie-Claire Bancquart, carrément pénible, j'ai coupé après un quart d'heure de banalités sur les regrettables changements de Paris, l'incapacité de la dame à vivre ailleurs, etc. Quant à celle du 7 avec Jean-Pierre Martin, sur le Livre des hontes, elle n'est même pas en ligne, suite à une erreur il y a une autre émission, des passages mal enregistrés, de l'inaudible... Mauvais coton, Du jour au lendemain !
Le pompon ! Vous le voulez, le pompon ! J'avais failli le laisser passer, le pompon ! Il faut vous le taper pour vous rendre compte. Si, si ! Après vous en aurez des aigreurs et des hauts-le-cœur pour des semaines ! C'est Travaux publics du 1er novembre, sur les bourreaux ! Jean Lebrun, son habituelle bonhomie et son ton badin, reçoivent Pierre Assouline, Jean-Pierre Azéma et Denis Pechanski pour parler du roman de Littell et du journal de Goebbels, avec des vrais sons de Goebbels dedans. Je sauverai Azéma et Pechanski qui parlent sérieusement et avec qui, malgré tout, on apprend des choses... Et même que vers la fin, Lebrun attaque Assouline qui veut contredire Pechanski. Du coup, je conserve quand même le tout.
Sur ce que l'émission appelle son blog, un auditeur, Jean-Yves Potel, écrit : « Franchement, avez vous lu Les Hommes ordinaires de Browning ? C'est très précis, plein de témoignages et Littell s'en inspire à bien des moments. Personnellement j'ai trouvé plus de force dans la lecture de Browning que dans celle de Littell que je trouve pesant. Les faits historiques fascinent le lecteur qui n'a lu ni Browning ni Hilberg [et non Hildberg], mais quand on les a lu on trouve le talent de Littell très kittsh [sic], puis reste sa fameuse psychologie du bourreau assez peu crédible.»

Il y avait le Surpris par la nuit sur Duras qui valait le coup.

J'étais un peu anxieux — mais tout s'est bien passé — d'installer sur mon blog des cours la nouvelle version de WordPress en français (rien de perdu et pas grand chose de nouveau, sauf la meilleure vitesse de chargement). Et puis j'ai eu peur a posteriori quand quelqu'un a téléphoné et que ça a coupé la connexion deux ou trois minutes — cinq minutes avant, ça aurait interrompu le processus FTP en cours d'installation, sans savoir avec quelles conséquences sur la base de données !...

Ça c'était dans l'après-midi, juste avant que je monte au 4e avec Kyoko pour prendre le thé avec T., voir que les tomates vertes du mois dernier avaient rougies, un peu flétries mais quand même bien là, dans leur assiette laquée noire. Le matin, j'étais allé voir More (Schroeder, 1969) à l'Institut et après le thé, j'y suis retourné pour voir La Cicatrice intérieure (Garrel, 1970).
More, vraiment impressionnant, le cheminement dans la drogue, mêmement vers la mort que dans Sauvage Innocence (Garrel, 2001) — et qu'avec beaucoup de (films) (réalistes) (sur les) stupéfiants. Je m'attendais à une plus grande présence de la musique des Pink Floyd, mais c'est assez sobre, bien, intégré dans la fiction d'ailleurs, quand les personnages écoutent des cassettes avec un petit appareil portable comme on en faisait à l'époque.
La Cicatrice intérieure, film conceptualo-chiant fait de longs plans-séquences avec un homme, nu ou rhabillé du Moyen-Âge, et une femme, Nico, intérieurement torturée et qui chante de temps en temps. Ils sont dans des déserts, des fjords, des landes, ils marchent, se roulent par terre, se séparent ou se rejoignent, il y a du feu et de l'eau, un nouveau-né, des éléments primitifs, donc, dirai-je pour faire mon intéressant, alors que je n'ai rien compris, désolé, sur l'éventuel propos du film... Dans les premières secondes et de temps en temps après, ça m'a rappelé... Gerry de Gus van Sandt, vu en mars 2004, et beaucoup apprécié.
Et le soir, en dînant, je regarde avec T. le dernier des trois dévédés loués hier : Les Chevaliers du ciel (Pirès, 2005). Belles images ! Au moins pour ça, les amateurs du nuages, par exemple, ne sont pas déçus... Le film lui-même, ben... Moyen, une bonne distraction, dirons-nous.

Lourds nuages justement ce matin, qui ont été chassés dare-dare par le premier vent d'hiver. À 13 heures, la lumière blanche est aveuglante, et froide.
Dans des interstices, j'ai quand pu me faire plaisir sevestrement.
Puisque j'en ai l'occasion, je reparle de cette topique sevestrienne de la maladresse, dont une des variantes est l'esclandre et dont une des conséquences est l'autocritique — du coup, ça fait système, ça s'organise sur le bancal — et forcément, ça syncope, entre les mots comme entre les éléments d'intrigue.
Désolé de couper dans de très beaux passages, mais sinon ça fait près de quatre pages... Et on voit ainsi la trame et quelques composants de l'esclandre, dont je ne dis pas la fin. L'autocritique viendra le lendemain, chez le coiffeur...

« Il faut que j'explique mieux. Ce n'est pas un salon, c'est une pièce où on a fait entrer un canapé et une armoire entre autres et qu'on a placés face à face. Entre l'armoire et le canapé, subsistent quinze insuffisants centimètres à quelqu'un pour croiser ses jambes. [...] et en dessous encore, invisibles ou quasiment lorsqu'on est debout, mais au ras des yeux quand on s'assoit, des dossiers d'archives, de factures, de photos de famille, des dossiers moches, bourrés, qui débordent, horribles, tuent l'effet de l'armoire, et tout l'empire du meuble s'effondre dans le fouillis des dossiers qui colludent. On a envie de se tenir mal, enfin moi.
La conversation est toute trouvée, avec ce meuble, mais il faut que je me distingue. Il y a une Japonaise à qui je fais des politesses, salue, salue son mari français. Je salue un autre couple, une femme, reviens vers Yukiko, demande si elle est japonaise, elle l'est. D'où ? Elle répond quelque chose que je ne comprends pas. À mon silence, elle précise aussitôt une île du sud, Shikoku, et je suis bien avancé.
[...] bref, je suis dans la gadoue de mon anecdote et elle plutôt que de remercier ou de dire ah bon ! d'affirmer, ou de me venir en aide, m'oppose cet air qui n'y croit pas. Et je la hais, la méprise. Son air gentil, serviable m'insupporte. [...]
Je bois vite, me heurte à un homme qui veut que je cesse immédiatement d'embrasser sa femme dans le cou. Je dis non. [...] Mon père politique, Deville, s'interpose [...] Il me tire par le bras. J'aperçois dans son dos les invités qui se mettent à table. Ils ne me regardent pas, parlent entre eux. C'est ahurissant. On dirait une expérience. Deville me flanque mon manteau dans les bras, ouvre la porte, me vire.»
(Alain Sevestre, Entrées en matière, p. 73-75.)

Commentaires

1. Le dimanche 12 novembre 2006 à 13:54, par brigetoun :

il faudrait vraiment que je lise Sevestre entre deux hystéries politiques (ou débat profond) - j'ai trouvé belle l'emission sur Duras mais je ne comprends pas comment vous avez la patience d'écouter Lebrun, je tourne le bouton



Lundi 13 novembre 2006. Pinceau pour torcher du kanji de sanglier.

     Vite ASI ! TAC ! (toutes affaires cessantes), Arrêt sur images consacré au phénomène de télévision culturelle que représente (déjà) « Ce Soir (ou Jamais !) », que je nomme Ce soir ou Jamais, pour simplifier (mais j'ai corrigé avant-hier mes graphies fautives de Taddeï). Moins de deux mois après son lancement, cette émission a déjà réussi son pari de rupture avec la vulgarité et le haché menu qui sévit partout ailleurs — à la surprise du petit monde médiatique et intellectuel, des professionnels de la professions qui, à l'instar de Philippe Tesson, invité d'Arrêt sur images, font mine de ne voir en Frédéric Taddeï qu'un petit jeunot qui n'a pas inventé l'eau tiède... Histoire de le refroidir et de faire croire que les chroniqueurs de sa trempe (Tesson) restent indispensables — à quoi Taddeï répond qu'il a déjà les meilleurs chroniqueurs du monde, à savoir ses invités, qui ne sont pas en promo. Le décompte des temps de parole de Guillaume Canet (pris comme exemple) sur différents plateaux est criant de vérité. D'ailleurs, comme ASI ne reste pas en ligne, j'ai pris le son. Et c'est on ne peut plus... parlant.

     Et Michon, chez Bon ! J'imprime, c'est rare, pour lire cela dans le train demain matin.

     Ai beaucoup travaillé à l'ordinateur. Trop pour être long ce soir.
     Juste assez pour écrire que tout cela m'étonne quand même, bientôt trois ans de JLR, l'équivalent de 2500 pages A4, et si peu de retour, si peu de discussion, pour tellement d'éparpillement de tous, et dans un mouvement centrifuge qui semble s'accélérer. Je ne demande ni des compliments ni des accords, surtout pas, en fait. Je n'ai pas à craindre que l'on intervienne ici dans le but de se montrer (comme les types qui se mettent derrière les présentateurs de télé dans la rue, comme ceux qui laissent des commentaires dans les blogs des gens célèbres) et je puis aspirer à quelque sincérité.
     Vraiment, l'asymétrie me déçoit de mon prochain. Rien n'a-t-il changé depuis le 22 août 2004 ?

     Nous avons bien marché, dans un superbe soleil blanc, jusqu'à Ichigaya où j'ai commandé un siège de bureau ergonomique, chez Office Depot, pour arrêter de me tuer le dos au bureau. Je le recevrai début décembre. Puis nous sommes revenus par l'avenue qui mène à Kudanshita. T. voulait aller à la poste pour acheter des cartes de nouvel an. En effet, n'ayant pas eu de décès familial dans l'année, nous aurons à nouveau le droit d'envoyer nos vœux. Et je compte bien reprendre mon pinceau pour torcher du kanji de sanglier.
     Détente en soirée avec Angel.A, (Besson, 2005). Un beau conte et des images de Paris féériques qui m'ont rappelé... Comment s'appelait cet extraordinaire film muet qui se passait dans Paris quand quatre ou cinq personnes seulement n'avaient pas été immobilisées par un arrêt du temps... J'ai vu ça il n'y a pas si longtemps, pourtant.

Commentaires

1. Le lundi 13 novembre 2006 à 09:06, par caroline :

Trois ans de JLR ! Bravo ! j'y viens toujours et régulièrement avec plaisir. Ce qui m'épate le plus c'est la quantité de choses lues, vues, entendues et faites dans une de vos journées. Je n'ai plus la télé depuis un an et demi et ne la regarde pas plus sur internet, j'apprécie le temps dégagé. Mais, insuffisant pour faire la moitié du quart de ce que vous faites. C'est peut-être qu'au Japon, le temps n'a pas la même durée ?

2. Le lundi 13 novembre 2006 à 13:29, par Philippe De Jonckheere :

P., je crois que tu veux parler du "Dernier combat" du même.
A dans deux semaines alors.
Phil

3. Le lundi 13 novembre 2006 à 13:31, par Philippe De Jonckheere :

Et le film n'était pas exactement muet parce qu'en se goinfrant d'air, à une bouteille d'oxygène, le personnage interprété par Jean Boisse parvenait à dire "Merci!"
Phil

4. Le lundi 13 novembre 2006 à 16:14, par jcb :

Tu sais bien que ce n'est pas le nombre de commentaires qui compte !
Bon anniversaire bien sûr, car on sait ce que cela représente et le nombre de questionnements et de doutes, la ténacité et parfois le courage qu'il faut.
Pas un jour sans Berlol !
Le doute peut être aussi chez le lecteur : à quoi bon répondre ... Qu'ajouter de plus (après trois quatre commentaires qui font le tour...) ... A quoi bon argumenter ... ?
N'attend pas toujours de retour...même si bien sûr parfois cela redonne du courage, fait plaisir , et c'est normal...
Par exemple je viens de regarder ASI comme tu dis, uniquement parce que tu disais que c'était bien. Je ne vais pas à chaque fois te le dire.
Mais la récompense c'est que je suis fidèle et n'en rate pas une (page).
Bien à toi, et peut-être à Paris !
JC

5. Le lundi 13 novembre 2006 à 17:11, par cgat :

tout pareil que JCB : le commentateur aussi, même s'il aime te lire, est parfois rejoint par l'à quoi bon face à la zone blanche de commentaires
si en plus tu t'arranges pour qu'on n'ose plus ni faire un compliment ni juste passer faire coucou derrière le blogueur célèbre que tu es, ne t'en déplaise ... on reste coi
mais même "centrifugée" par la vie et tout le reste, je passe te lire très souvent (et je n'ai même pas recours pour cela au rss, pour répondre à ta question litorienne)
alors très bon anniversaire et longue vie au JLR

6. Le lundi 13 novembre 2006 à 19:10, par patapon :

Ne serais-tu pas, cher Berlol, un classique au sens sartrien du terme ? Le classicisme, c’est, selon Sartre, quand une élite écrit pour une élite (composée de lecteurs qui sont souvent eux-mêmes des écrivains). Réhabilitons l’élitisme, et adressons-nous des épîtres en alexandrins !

7. Le mardi 14 novembre 2006 à 00:10, par vinteix :

Question d'asymétrie... Ma lecture aussi est quasi quotidienne, comparable à celle du journal... S'y tissent, même si elles ne sont pas toujours dites, des connivences, des "communautés de pensée" (ce qui bien sûr ne signifie pas "être d'accord sur tout")... j'aime bien cette expression (à l'encontre de Sollers, qui la refusait justement il n'y a pas si longtemps, dans l'émission "Ce soir ou jamais")... et je pense qu'elle est défendable dans un monde qui souffre quand même pas mal d'individualisme ou plutôt d'égoïsme, me souvenant qu'elle fut souvent employée par des gens comme Mascolo ou Blanchot, pour qui, avec toutes les différences inévitables et enrichissantes, elle s'enracine dans une "communauté impossible".
Après, qu'il y ait "asymétrie", cela me semble normal et quasiment inévitable, le monde étant ce qu'il est, Internet étant ce qu'il est, je veux dire un système très centrifuge précisément. Et je pense aussi que pas mal de gens sont occupés, font d'autres choses... mais prennent le temps de lire les billets quotidiens. Comme JCB, je ne pense pas que ce soit le nombre de commentaires qui compte.
Si tu veux fédérer ou susciter plus de débats, je ne suis pas sûr que l'outil "blog" soit suffisant... il faut peut-être créer une association ou je ne sais quoi... à la manière de Bernard Stiegler, peut-être...

8. Le mardi 14 novembre 2006 à 02:26, par Berlol :

Ça y est, j'ai retrouvé le film auquel Angel.A m'a vaguement fait penser, pour le Paris en noir et blanc, avec des paysages lumineux et presque sans personne que les deux personnages. Il s'agit du film de René Clair, Paris qui dort (1923). Tu l'as vu, Philippe ?
Patapon, là, tu m'en bouches un coin ! Je comprends ce que tu veux dire mais ça ne me plaît guère de me dire ou d'être d'une élite, surtout si cette élite n'a qu'elle-même pour finalité... Pour les alexandrins, je te laisse essayer...
Merci à vous de montrer ainsi le bout de votre nez ! D'ailleurs, ce n'est pas vraiment à vous que cela s'adresse puisque je connais déjà votre présence régulière ici. Si même cela s'adresse à quelqu'un... Comme on me l'écrit aussi par mail, c'est sans doute la notion de "salon" (littéraire) qui se révèle utopie. Ceci dit, on fait mieux salon à 8 ou 10 qu'à 350. Donc, vive le petit nombre ! Et en route pour trois autres années ! (la vraie date anniv' du JLR, c'est le 19.)

9. Le mardi 14 novembre 2006 à 02:55, par JF Paillard :

... ou peut-être, pour récolter plus de retours, monter de temps à autre ce que le sociologue Luc Boltanski appelle une "affaire", moyennant 1 - l'invention d'une représentation collective, pas forcément légitime mais sûre de sa légitimité, cad consciente d'elle même (association de blogs littéraires dont je ne vois pas en quoi ils pourraient moins que d’autres " faire " l’actualité littéraire), 2 - des sujets d'indignation (ils ne manquent pas et ils font de la France la risée du monde : prix littéraires guidés par des compromis intergroupes d’édition , hyper concentration éditoriale, travail lamentable des journalistes littéraro-médiatruc, mort programmée des éditeurs indépendants...), une cible sur laquelle concentrer ses salves (jury, groupe d'édition, syndicat ou centre national, chaîne télé, Etat...) afin de se hausser vers elle et récupérer en quelque sorte sa légitimité, 3 - le 'trigger : saisir un prétexte à dénonciation (quoi, chaque année, sept mois durant, de mai à décembre, une poignée de jurés finauds – pardon, d’une exquise distinction- relayés par une poignée de journalistes aux bottes – pardon, complètement débordés- phagocytés par trois groupes d’édition cyniques – pardon, au service des actionnaires - façonneraient le visage de la littérature de langue française? ) - un prétexte aussi à "dévoilement" : malheureusement nécessaire si l'on veut attirer l'oeil et faire scandale,4 – Ne pas reculer devant les attaques ad hominem (de Zola aux surréalistes, elles font partie du jeu. Poursuivons l'exemple juré : ces trente pékins finauds, qui sont-ils, c'est vrai, quoi, on n'en parle jamais. Il faut lever ce tabou) - évidemment, ce dernier point délicat, car non seulement devenu tabou, en ces temps d'ultra libérale violence feutrée, mais susceptible de poursuites pénales. Reste que ces attaques n’auraient rien à voir avec les éructations d’un Moix ou Nabe uniquement destinées à " grandir " leur auteur ; 5 - Enfin, lancer après dénonciation (action en justesse et justice), une action concrète : manifeste, appel à boycott et… Pardon? Non non non ? Ah. Heu, dès lors se résoudre à accepter que toute autre attitude, non collective, guidée par la dérision, l’indifférence, l’humour, ou, s’agissant de ton blog, tempérance de bon aloi, n’attirera pas forcément de commentaires de la part du lecteur, même si comme moi assidu et toujours intéressé. Bon anniv, JFP

10. Le mardi 14 novembre 2006 à 03:57, par brigetoun :

s'il vous plait, surtout pas un marketing, et gardez un petit côté "inutile"

11. Le mardi 14 novembre 2006 à 08:41, par grapheus tis :

Déjà en août 2004, l'auteur du Journal LiitéRéticulaire déplorait le désert.
Ce que vous ne pouvez mesurer dans les silences des commentaires, c'est vers quels horizons nouveaux vous avez parfois propulsé votre lecteur muet.

12. Le mercredi 15 novembre 2006 à 08:30, par Véronique :

Bonjour, je fais partie de ces anonymes qui profitent quotidiennement de la lecture de votre blog et qui ne se manifestent jamais. Comme je me doutais que vous ne cherchiez ni compliments ni accords, je préférais me taire. Je n’écris pas, je ne tiens pas de blog, je ne crois pas avoir un commentaire pertinent à ajouter à ceux que je lis avec intérêt. Je ne suis pas arrivée chez vous par hasard mais par ricochet : j’ai découvert en 2001 le site du Désordre, en tapant « André Breton amour fou lettre », de là j’ai trouvé le site de Remue.net, puis le blog de Jean-Claude Bourdais, les Notules dominicales et enfin votre blog. Grâce à vous quatre, j’ai élargi le champ de mes lectures, j’ai découvert des auteurs, je me suis intéressée à des débats – sans y participer – sur l’édition, la place d’Internet dans la littérature contemporaine et les pratiques d’écriture, je sais où manger de bons sushis à prix modique à Tokyo et tant d’autres choses. Pour ces raisons, pour tout ce que la lecture du Journal LittéRéticulaire m’apporte, merci.



Mardi 14 novembre 2006. L'ensemble de la peau est concerné.

     La météo d'hier soir nous montrait une progression pluvieuse d'envergure qui atteindrait Nagoya vers midi et Tokyo un peu après. Je me suis donc activé tôt les paupières et le reste, j'ai doublé le Mont Fuji à 300 à l'heure sous un soleil radieux. Me suis pressé d'acheter du jambon espagnol et du gruyère au Seijo Ishii de la gare de Nagoya pour ne pas avoir à faire de courses ce soir. Puis d'arriver au bureau. Et jusqu'au soir, pas une goutte. T. me dit pareil de Tokyo. On s'est encore fait rouler...

     Mais c' est secondaire par rapport à 1. les cours, qui se sont bien passés, 2. la lecture du train, qui a illuminé le jour mieux que l'astre. Pour le cours de conversation, j'avais choisi (expérimentalement) de mettre un billet dans le blog juste avant, renvoyant à une info d'hier sur l'enchère record pour la truffe blanche d'un kilo et demi, de sorte que les étudiants n'avaient pas le temps de préparer quoi que ce soit et devaient faire d'entrée de cours concours de vitesse et pertinence dix minutes devant l'écran — et tout le web au bout des doigts — avant de détailler oralement ce qu'ils avaient trouvé et de se poser mutuelles questions. Ça a tellement bien marché qu'on est allé jusqu'aux adresses des restaurants de Nagoya qui proposent quelque chose à la truffe blanche (et c'est pas donné...).

     « Je me suis reconverti. Je n'en reviens pas, n'ai pas le temps pour en revenir, n'ai pas la sensation d'usurper mon poste durant mon séjour ni n'ai jamais occupé un tel poste à responsabilité dans le privé. J'avale tout un vocabulaire nouveau sans déglutir, accepte des dossiers que je ne comprends pas mais comprends en chemin. Il s'agit de mettre en ordre. Le fait qu'on m'en charge me confère des prérogatives à toute épreuve, éclaircit mon regard, blanchit mes dents.
     — Les questions tournent toutes en ce moment, verbalise Bill, un matin, les recherches tournent toutes ces temps-ci autour du problème du vertige, crucial pour la construction, et l'habitabilité des gratte-ciel.
J'avais compris. Il me demande pourquoi je le prends sur ce ton. Je lui demande de répéter. Il dit que j'ai très bien compris [...] »
(Alain Sevestre, Entrées en matière, p. 89)

     « J'invite Paula à dîner le soir même. J'ai réservé une table au Cameleon. Elle me livre un secret. Mon lamentable échec politique alors que j'étais promis à carrière constitue la raison de mon embauche. Je suis l'exemple du ratage, ait été recruté pour disséquer ce que j'ai vécu : la peur devant le succès, le vertige. Ils ne voulaient pas tant un ingénieur qualifié qu'un homme dans la merde qui aurait expérimenté l'échec, le renoncement, la fuite, l'exil. Bref, existait un créneau et je collais exactement à la demande, au poste, à la place. Ils n'ont auditionné personne. Comment ont-ils su ? Elle l'ignore. J'accuse mon hôte en pensée. Eux se sont fait envoyer et ont lu mon mémoire de Sciences-po portant sur Raymond Barre et ses échecs, les raisons de l'échec alors qu'on est près de réussir. Mémoire qui opposait les parcours de l'enseignant et de l'homme politique, analysait ses candidatures, prenait ensuite appui sur une série de constats assez vaseux de champions sportifs flanchant au moment décisif, dépérissant depuis, quoique pas tous, beaucoup étant encore dans le circuit, tentant des retours.» (Ibid., p. 94)

     Bien sûr maladresse, vertige et ratage sont intimement liés dans l'imaginaire sevestrien. Contre eux, l'auteur teste « la matière » qui au toucher rassurerait et désamorcerait le vertige, thème et Mac Guffin qui sera repris dans Les Tristes pour faire croire à une réussite commerciale possible. Est-ce à dire que le toucher, sens plus primitif et plus étendu que les autres (l'ensemble de la peau est concerné), pourrait venir au secours de la vue et de l'ouïe, sens altérés — en bref — par les stress urbains ?
     En tout cas, tout ce chapitre « New York » est une surprise absolue et un régal de finesse.

     Invective et querelle sont les deux mamelles — Éric Dussert nous le rappelle — du 10e colloque des Invalides, que j'avais déjà annoncé via le site Maldoror, mais bon, deux fois valent mieux qu'une ! J'ai bien l'intention d'aller y faire un tour, le 1er décembre...

Commentaires

1. Le mercredi 15 novembre 2006 à 02:00, par vinteix :

Aurais-tu vu par hasard le "débat" sur le slam dans "Ce soir ou jamais" du lundi 13 septembre ?... Ça vaut son pesant de cacahuètes... C'est sûr qu'avec des "poètes" comme ça, on peut dire "adieu au poème"... mais surtout à la poésie...

2. Le mercredi 15 novembre 2006 à 02:21, par Berlol :

Euh... oui. Je n'en ai même pas parlé. Je mets ça pour le dîner, c'est agréable à écouter, mais bon, là, j'avais pas de commentaires à faire. Sur la fin en eau de boudin, j'avais du linge à plier... Sans doute que le slam existe mais je ne l'ai pas encore rencontré... Quant à la poésie, elle est toujours ailleurs.

3. Le mercredi 15 novembre 2006 à 02:37, par vinteix :

Oui, toujours ailleurs... "en avant"... sans cesse en devenir...
en même temps partout et nulle part... comme la mort.

4. Le mercredi 15 novembre 2006 à 02:41, par cgat :

comme la vérité (et scully et mulder), la poésie, alors !
et hier soir il y avait un super débat : grève d'une certaine catégorie de personnel ! et NYPB en avance ...
alors à la place, suivant ton conseil, j'ai regardé ASI (comme tu dis) sur CSOJ (!) : c'était intéressant en effet, mais je ne peux pas m'empêcher de penser que le vieux grognon Philippe Tesson n'a pas complètement tort non plus



Mercredi 15 novembre 2006. Serrons les cache-nez !

Y'aurait pas un peu beaucoup d'écrivains et de gens célèbres qui meurent ces jours-ci ? Bernard Franck, Bertrand Poirot-Delpech, Jean-Jacques Servan-Schreiber, Jack Palance... — et là, choc, trouvant ce site, certes de mauvais goût mais qui peut avoir son utilité, je découvre la disparition d'Anicée Alvina le 10 novembre, la petite rigolote des 400 Coups de Virginie (vers 1979), découverte ensuite plus sexy chez Robbe-Grillet (films en fait tournés avant la série télé), et à qui une amie de ma sœur ressemble un peu... J'avais d'ailleurs cherché des infos sur elle en mars 2005 mais il n'y avait alors quasiment rien sur le web et en tout cas pas cette page !
Sont-ce les frimas qui les précipitent ? Reste à savoir si c'est manichéen ou avant-coureur. Dans le premier cas, je n'ai pas à m'en faire, n'étant ni écrivain ni célèbre ; dans le second, les gens connus sont la partie émergée d'un iceberg qui nous concerne tous. Dans le doute, serrons les cache-nez !
(J'ai entendu sur France Info qu'il n'était pas trop tard pour se faire vacciner contre la grippe...)

D'ailleurs, les iceberg fondent, maintenant.

Regain chez Litor, pendant ce temps. Sûr qu'on fera bien de sélectionner drastiquement, pour présenter des sites et des blogs littéraires, plutôt qu'à viser une fabuleuse exhaustivité ! Mais le plus important est tout de même d'en discuter.
Finalement, c'est comme les ordures ménagères, les blogs : il faut faire du tri sélectif. 

Après pas mal de travail et une réunion de près de trois heures, je me suis détendu comme je pouvais : avec une enquête de L'Inspecteur Lavardin intitulée L'Escargot noir (Chabrol, 1988), dévédé emprunté à l'Institut ce week-end. C'est du Chabrol léger mais quand même bien décapant sur les mœurs de province. Je me rappelle très bien de Poulet au vinaigre (1986), que j'avais vu à sa sortie, mais pas du tout des deux films qui sont dans ce dévédé (le second s'intitule Maux croisés, 1989) — on dirait même qu'il y en a quatre. Évidemment, c'est la nonchalance et l'arbitraire dans le comportement du flic que joue Jean Poiret qui portent cette série de films.

Et puis c'est tout — ou alors juste signaler Dada ! — parce qu'il n'y avait même pas de Ce soir ou Jamais hier soir à cause d'une grève et qu'il est déjà une heure moins vingt.

Commentaires

1. Le mercredi 15 novembre 2006 à 12:40, par cgat :

tri sélectif ... tri sélectif ... ce pléonasme moche m'énerve déjà lorsqu'il s'agit d'ordures alors, de grâce, pas de "tri sélectif" dans la blogosphère
... et pas de "sélection drastique" non plus, d'ailleurs, car l'idée de sélection, outre qu'elle ne me plait pas, est anti rhizomatique au possible (le rhizome est "sans Général" disait Deleuze)
la raison de l'explosion des blogs c'est justement que ce n'est pas comme à l'école ni comme à la star'ac ni comme dans la vie (pour travailler pour baiser pour épouser pour avoir un toit pour entrer en boîte pour être édité etc etc)
sur internet pour l'instant on n'est pas sélectionné à l'entrée et pour créer un blog il n'est même pas besoin d'avoir de connaissances techniques : moi je croise les doigts pour que ça dure

2. Le mercredi 15 novembre 2006 à 13:33, par Dominique Fromentin :

en accord avec intervention "lignes de fuite", c'est curieux comme en 6 mois justement on ne peut plus prétendre à l'exhaustivité, et que chacun propose sa marelle, un peu comme ce que caricaturent les "amis" de MySpace - on explore les blogs un peu comme on grimpe aux branches d'un arbre - idem ce concept-image très réticulaire de "ricochets" qui répondait au regret ici d'une "asymétrie" - le paysage change, se complexifie : et pourtant, ce faisant, il est de moins en moins "labyrinthe" - corollaire, qui n'est pas abordé dans la discute Litor : que le Net produit ses propres contenus littéraires, qui ne sont pas seulement appui ou "complémentarité" à l'activité littéraire traditionnelle dans son ensemble, mais se constitue peu à peu comme enclave (ouverte) de la littérature ? c'est une question...

3. Le mercredi 15 novembre 2006 à 14:18, par cgat :

merci pour le renfort, Dominique Fromentin : j'aime bien l'idée que "chacun propose sa marelle"
de moins en moins labyrinthe, en effet, le paysage réticulaire, car il entre un peu trop de clôture dans ce concept malgré les possibilités de construire de chercher et de se perdre ... d'où les lignes de fuite

4. Le mercredi 15 novembre 2006 à 14:42, par Berlol :

Oui, enfin, j'espère que mon ironie est perceptible... Je ne suis ni pour la sélection ni pour l'exhaustivité. Mais justement pour le rhizome et la rencontre, qui suppose aléatoire, affinités et impondérables. D'où discussion(s).

5. Le mercredi 15 novembre 2006 à 14:56, par cgat :

tu refusais avant-hier les compliments alors j'essayais les critiques !... (ironie)
ce qui m'étonne c'est à quel point certains membres de litor semblent avoir peur d'internet, alors qu'a priori ils s'intéressent à l'informatique
et dans la petite lucarne allumée près de mon écran d'ordinateur, Taddeï interroge ses invités sur "les dessous des prix littéraires" : toi qui voulais en libérer ton temps de cerveau, c'est raté !..

6. Le mercredi 15 novembre 2006 à 15:14, par Berlol :

Je verrai ça ce soir... (si ça marche, sinon demain).
Oui, la peur. Sur les quelques réactions des litoriens, il y en a déjà deux qui disent ne pas vouloir des fils RSS, comme si c'était ouvrir la boîte de Pandore. Et deux (dont un en privé) qui m'ont dit ne pas savoir ce que sont les fils RSS. Alors qu'il suffit de taper va href="http://www.google.com/search?q=rss+explications">"RSS explications" dans Google pour tout savoir assez facilement — c'est donc bien d'une peur qu'il s'agit, d'une peur qui prive des facultés de jugement des personnes par ailleurs fort intelligentes...
C'est un peu comme la poésie antidote de la technique... On nage dans la mauvaise foi.

7. Le mercredi 15 novembre 2006 à 15:37, par cgat :

en effet ! ... en tout cas, internet ça fait faire de vilaines fautes d'orthographe : en 5 corriger "toi qui voulais"

8. Le mercredi 15 novembre 2006 à 15:57, par Berlol :

Et hop, c'est fait !

9. Le mercredi 15 novembre 2006 à 21:11, par Dominique Fromentin :

ce qui est fascinant c'est quand même que la pensée Deleuze garde sa pertinence au tout premier plan dès qu'on veut essayer de penser cette grosse masse mouvante
(et hop c'est fait)

10. Le jeudi 16 novembre 2006 à 02:15, par brigetoun ou brigitte célérier :

moins concernée que vous tous par le sérieux de la chose, je me contente de découvertes auxquelles je reste ou non fidèle, d'autant que la part "politique" me bouffe de plus en plus de temps et mobilise mes quelques neurones.
Pour en revenir au début je ne connaissais pas cette actrice, honte à moi. Etait elle aussi bonne que belle ? elle savait déjà choisir ses partenaires



Jeudi 16 novembre 2006. Ne pallie pas grilles et barreaux.

Je fais mes trois cours, comme un jeudi, sans presque voir personne d'autre que mes étudiantes. Trois cours, je traduis, ça veut dire 4h30 de scène devant un public impliqué et impitoyable... Crevant !
(Par ailleurs, la vie réelle a plus de lourdeur et parfois moins d'attraits que la vie réticulaire.)

Puis, de retour au bureau, repos, thé, courrier, tournée de blogs.
Bonjour l'horreur ! Et re !
Mais comment peut-on être veule et écrivain ? Et pourtant, ça doit être possible — et possiblement le refus de ça comme cause de disparitions (Lautréamont, Rimbaud... d'autre noms ?).
Presque le même sujet : Assouline parle de Tumulte... Si, si, mais sans en parler. Juste pour signaler parution au sein d'un phénomène — qui n'en est pas un, à mon humble avis, puisque les produits présentés résultent de processus très différents. Donc bête amalgame, plutôt.

«  [...] je partage son émerveillement. Ce soir quand je descends dans le garage, je regarde mon ordinateur autrement, je me dis que j'ai devant moi, un labo-photo, une table de montage sonore, un banc de montage vidéo, un atelier de graphisme et puis naturellement tout ce drôle de monde connecté dans lequel j'ai appris à vivre depuis plus de dix ans maintenant. Autant de choses qui étaient inatteignables quand j'étais étudiant [...]. Du coup, ce soir, je travaille le sourire aux lèvres moi aussi.» (Philippe De Jonckheere, Bloc-Notes du 14 novembre)
Merci, Philippe, d'avoir écrit cela ! J'aurais voulu l'écrire ! Ceci dit, c'est un peu ça, quand je montre à des étudiants comment utiliser un blog en français, faire des liens hypertextes, profiter pleinement des moteurs de recherche, etc.

Très belle série photographique de passages parisiens, avec, en clin d'œil, un café Benjamin... Merci à Dominique Hasselmann ! Le parisien tokyoïte apprécie hautement ! Le clin mène directement au dossier sur Walter Benjamin et Jean-Michel Palmier qu'a préparé Sébastien Rongier.

Oui, Stiegler, encore ! Il en était question chez Litor, hier. Et Caroline m'apprend qu'il était aussi à la radio !
Pour dire que la lucarne magique ne pallie pas grilles et barreaux...

Lier ou pallier, en tout cas le Ce soir ou Jamais d'hier soir était quand même assez bien. Plus intéressant sur l'art contemporain que sur les magouilles des prix littéraires (dont on sait l'existence et dont on préfère ignorer les détails).

«  Omission, discrétion, salutation, érudition... On me prend pour un con... Ça rime d'ailleurs.
—  Qu'est-ce que vous dites  ?
—  Je décline les vertus des bourgeois.»
(Lavardin dans Maux croisés, film de Claude Chabrol, 1989, citation extraite des dernières minutes.)
Un film très étonnant, bien plus intéressant que celui dont je parlais hier. Chabrol reprend le thème du jeu télévisé, qui avait eu dans Masques (1987) une fonction décorative (cadre et couverture d'une escroquerie du 3e âge), mais il lui donne cette fois une fonction actantielle, le jeu télévisé jouant lui-même un rôle crucial... Je n'en dis pas plus. Sauf que des romans publiés par l'un des personnages, viennent jouer un rôle actantiel concurrent. Ce dispositif culturel lourd est jovialement traversé et démonté par un Jean Poiret au mieux de son art ironique. Rassérénant !

Commentaires

1. Le jeudi 16 novembre 2006 à 09:20, par vinteix :

"un public impliqué et impitoyable" !? T'as de la chance, toi ! T'es sûr que tu enseignes bien au Japon ?! pourtant tu n'es pas à Tôdai...
Les mien(ne)s sont totalement nuls, dés-impliqués, présents, mais à 80 % impitoyablement inertes.
Pour rigoler - même si ça ne me fait pas toujours rire, surtout quand c'est répété mille fois ! -, dans un récent test de 2eme année (département de français), environ 70 % des étudiants ont complété ainsi 2 phrases à trous qui se suivaient :
"On fait du fromage avec... LE VIN."
"On fabrique le vin avec.... LE FROMAGE." !!!
Une autre, sans doute pour faire l'originale, avait écrit : "On fait du fromage avec DU CAFE."
Juste un petit parfum du niveau. En même temps, c'est cocasse et parfois très drôle. La semaine suivante, comme je reprenais un peu les mêmes phrases dans un autre test, une poète a écrit : "Avec le raisin on fait du... PARADIS CHEZ LES GRECS." Il faut dire que la semaine précédente, il y avait eu un exposé sur les Champs-Elysées...
Allez, bon courage ! 3 cours par jour, moi je peux pas... sérieux... enfin, je pourrais... mais deux maxi, ça me suffit. Mais chut, je ne devrais peut-être pas le dire trop fort... par les temps qui courent où l'on valorise tellement le travail (à la chaîne) et où certain(e)s voudraient relancer le refrain des profs fainéants...

2. Le jeudi 16 novembre 2006 à 09:49, par Dominique Fromentin :

Bon, l'important c'est que le Français ressemble toujours à un brave type qui mange son camembert en vidant un kil de rouge ?
Vous leur avez aussi demandé avec quoi on faisait le béret basque, histoire de les impliquer ?

3. Le jeudi 16 novembre 2006 à 14:14, par cgat :

" comment peut-on être veule et écrivain ? " ...
je m'interroge : ironie encore, naïveté, romantisme ou fatigue de l'enseignant

4. Le jeudi 16 novembre 2006 à 16:29, par Berlol :

Salut Vinteix, je suis désolé pour toi mais quand je fais la part des choses, je constate que j'ai des étudiants bien meilleurs que ceux d'il y a dix ans, par exemple. Leur aptitude personnelle à communiquer est beaucoup plus affirmée, indépendamment des résultats de chacun(e). Je m'occupe d'étudiants dont la spécialité est le français (et non d'étudiants d'autres facultés qui prendraient un cours de français en option), cela peut aussi être une part de l'explication. Il m'arrive de relever des perles, ici même il y a quelques mois. Mais ce que je veux dire surtout, c'est que le prof est "sur scène" et que s'il apparaît trop fatigué, trop animé, trop distant, trop proche, trop exigeant, trop laxiste, etc., cela se ressent tout de suite sur l'ambiance de travail et sur les résultats. C'est ça qui est impitoyable. Je pense que 80% du boulot d'un prof, c'est de trouver la bonne manière de communiquer, qui convient à son tempérament et à ses connaissances, et qui suscite à parts égales intérêt, amusement, crainte du résultat, liberté d'expression, etc. Les 20% qui restent, c'est la matière à enseigner elle-même, dont le contenu conditionne tout de même préalablement les 80%...

5. Le jeudi 16 novembre 2006 à 16:31, par Berlol :

Chère Christine, tu t'interroges ! Et qu'est-ce que tu trouves, dans ton for intérieur, sur cette question ?

6. Le jeudi 16 novembre 2006 à 17:24, par cgat :

mon for intérieur est un peu embrouillé à 2h23 mais il me dit tout de même assez distinctement que veule, l'écrivain l'est forcément, comme tout le monde (et aussi sublime, forcément sublime, dirait-elle)

et mon for intérieur ajoute que ce sont justement ces moments de veulerie (ou de renoncement honte capitulation fuite etc.) qui font les plus belles pages (et celles où le lecteur se reconnaît, aussi) : je n'ai pas encore lu Le livre des hontes de Jean-Pierre Martin, mais il est sur une de mes étagères car je crois que c'est de cela qu'il parle

7. Le jeudi 16 novembre 2006 à 17:30, par vinteix :

Bien d'accord avec toi sur l'aspect théâtral du boulot et l'influence de l'humeur, du tempérament du prof sur l'ambiance et le travail... Je précise que "les miens" aussi sont des étudiants du département de français, des "spécialistes"... ah ! ah ! Mais il est vrai qu'au Japon, le niveau varie tellement d'une université à une autre...
En outre, en dehors des cours, lors par exemple des soirées ("nomikai"), ils sont très sympas... et ces échanges et cette "proximité" entre profs et étudiants au Japon est plutôt agréable. A ce moment-là, oui, l'essentiel est de boire un verre de rouge... ou de saké...

8. Le jeudi 16 novembre 2006 à 17:42, par vinteix :

C'est certain aussi qu'il y a un dosage, assez subtil, à trouver entre proximité et distance, exigence et permissivité, sérieux et humour... pas toujours facile néanmoins... surtout quand en face, la plupart ne pigent presque rien...
Mais tu as plus d'expérience que moi en la matière... Ave Berlol !

9. Le vendredi 17 novembre 2006 à 02:17, par brigetoun :

et nous avons été arrêtés par le même passage de "désordre"

10. Le vendredi 17 novembre 2006 à 03:44, par vinteix :

Mes étudiants de "français 2eme langue" (j'ai un cours avec eux), c'est encore autre chose : là, c'est carrément mission impossible... Justement, j'ai fait un petit test cet après-midi dans cette classe... Cela donne par exemple pour une petite phrase en japonais à traduire en français :
明日友達と一緒に海に行きます。 (Demain, je vais à la mer avec des amis.) = "Je vas sea avec ami apre."
ou encore :
兄は二十五歳です。十二月に福岡に来ます。 (Mon frère a 25 ans. Il vient à Fukuoka en décembre) = "Mon pété appleze vight-cinque. Il viot en Fukuoka."
De la science-fiction, quoi ! Qu'est-ce qu'on se marre... à kech !

11. Le vendredi 17 novembre 2006 à 06:36, par Berlol :

En effet ! trop fun !



Vendredi 17 novembre 2006. N'importe où quand il y a du réseau.

Déjà le 17 ! Rien qu'une petite semaine avant... Et des idées au réveil, malgré le peu d'heures ; ça a dû turbiner dans la cafetière pendant la nuit... Écrire, écrire ! Un peu de thé, des céréales dans un bol, avec du jus de fruit... Sortir la valise du placard où elle cache son vide entre deux voyages. Qu'est-ce que je mets dedans ? On ne sait rien du temps à Paris fin novembre... Pas de polos d'été, pour sûr... Ah, mince, encore une idée à écrire... Vite au clavier, recoller à d'autres bouts, avant la grande jointure, ce week-end... Heureusement, j'ai mis des documents directement sur le serveur, je les reprends, les continue n'importe où quand il y a du réseau. Et copie dans le portable et dans le suppositoire Buffalo d'un giga.
Et tant pis, je vais au sport. Sinon, je rouille et chope des maux de tête comme hier. À moins que ce soit le manque de sommeil... Un peu de radio : tiens, c'est Ségolène. Logique. Je ne suis pas contre...
Enfin, voilà un peu de l'ambiance matinale.

Sport, donc, et, à vélo statique, suant avec le chapitre « Entrer en boîte » des Entrées en matière... Certains se demanderaient : mais pourquoi faire vingt pages sur la difficulté d'entrer en boîte quand on a un personnage déjà bien campé, jeune politique imprudent parti un temps réussir à New York et qui peut tenter un come back ?...
Sauf que bien campé, certes, mais qui s'est tellement planté... qu'il régresse et s'époche.
Ne voit-on pas que le problème c'est d'entrer ? Non pas ici ou là, mais le problème ontologique d'adéquation de soi, du moi intérieur et du moi social, qui fluctuent, à un lieu nouveau dont les codes fluctuent tout autant — ce qui fait parabole de tout accès, de tout accessit et du désir fou d'un droit d'accès permanent. En choisissant un lieu paradoxal, dont la futilité même fait la puissance symbolique d'une société des essences malades de leurs apparences, le narrateur d'Alain Sevestre se livre à une étude socio-psychologique des abords de la boîte de nuit et de l'arbitraire des videurs qui servent à faire entrer (c'est dire déjà tout ce qui se télescope dans la porte).
Retour en vélo, il y a des nuages. Le soir, je les truque.

« Digérer la possibilité d'échouer devant la porte avant même d'avoir essayé, me dire que je ferai autre chose (j'irai au Mazarin ou au Chai ou au Bedford ou au Pousse-au-crime) si les Nuits me refusent, me dire que mon désir vient continuellement buter sur la réalité, me dire que la psychologie varie d'un portier à l'autre, d'un soir à l'autre, qu'il n'y a pas d'entrées types, qu'il m'est toujours possible de m'adapter, que je peux partir la tête haute boire des verres autre part, tout cela ne mène à rien. D'un regard, le portier perce ma réticence, d'un regard, il se convainc de ma piètre envie. Pourquoi, dès lors, accepterait-il de faire entrer quelqu'un qui montre si peu de désir d'entrer ? » (Alain Sevestre, Entrées en matière, p. 131)

Et le train avec la moitié du dernier chapitre (on y reviendra)...
À la maison, T. a préparé un nabé d'automne. Elle a aussi emprunté les trois derniers dévédés de la première saison de Lost (la saison 2 commencera cet hiver, au Japon). On se fixe avec 4 épisodes dès ce soir...
Et Poil de carotte alors ? Ben... demain matin.

Au passage, comme ça, une petite inquiétude, celle de voir Yourcenar portée haut et dans le même temps Jean-Philippe Toussaint traité par-dessus la jambe. C'est chez notre ami JCB, le 11 novembre.
C'est vrai, je n'ai jamais trop aimé Yourcenar. Style trop classique, maquillé, hautain — aristocratique, dans mes catégories à moi. Mais si certains l'aiment, c'est leur problème... Non, c'est la concomitance qui me laisse comme un amer goût intentionnel. Je voudrais me tromper. (Et pis sinon, tant pis, on va pas en faire un fromage...)

Commentaires

1. Le vendredi 17 novembre 2006 à 16:29, par cgat :

très atypique et changeant le temps à paris cet automne : certains jours presque chaud encore ... d'autres froid et automnal ... de beaux nuages souvent : prévoir, donc, une grande valise (et croiser les doigts pour qu'elle arrive en même temps que toi, pas trop humide et avec toutes ses roulettes (toujours désactivé le filtre ou pas, à propos de roulettes))

2. Le vendredi 17 novembre 2006 à 23:30, par Berlol :

Ouais, roulette, là, t'es tombé dedans, en effet. Tu me gardes des nuages ?

3. Le samedi 18 novembre 2006 à 03:54, par Frédéric :

Dans "le pot", que signifie "pistolet, pistolet" ?
J'ai jamais su.

4. Le samedi 18 novembre 2006 à 06:42, par Berlol :

Ce n'est pas dans "Le Pot", c'est dans "Les joues rouges", justement on a vu ça la semaine dernière... Quand j'étais petit, et assez turbulent, mon père me disait parfois que j'étais un sacré pistolet... Il me semblait comprendre, à cette époque...
Le TLF n'est pas hyper satisfaisant, sur ce sujet, mais quand même : « Au fig., fam. Personne bizarre, peu recommandable, dont le comportement inquiète. Quant aux rédacteurs, c'est de singuliers pistolets (...) qui, parce qu'ils mettent des pattes de mouche sur du papier blanc, ont l'air de mépriser un vieux capitaine des dragons de la garde impériale (BALZAC, Illus. perdues, 1839, p.259). J'ai vu le jeune Guy retour de Suisse où il a cocufié un pharmacien! Il s'est arrêté en route pour aller au bordel à Vesoul. Quel drôle de pistolet! (FLAUB., Corresp., 1877, p.27). Cela m'amuserait de dire quatre mots à un pistolet qui a le mauvais goût d'effrayer les jeunes personnes (POURRAT, Gaspard, 1925, p.19).»

5. Le samedi 18 novembre 2006 à 07:42, par Frédéric :

Mais oui, "les joues rouges".
Oui, oui, explication satisfaisante. Oui.



Samedi 18 novembre 2006. Étonnante note d'amande.

     De 6 à 8, mise au propre des notes pour le cours. Il s'agira d'abord des émois, sujet commencé la semaine dernière, cette fois en compagnie de Mathilde (p. 145-153), une gamine du voisinage qu'on imagine mignonne et qui se prête au jeu de la femme et du mari. La sœur aînée, Ernestine, sans doute par jalousie, appelle Mme Lepic, qui avait dû déjà interdire ce jeu... Stoïque, Poil de Carotte préfère attendre la correction que de fuir. On détaille le beau style de Jules Renard, parfois tout proche de celui de Colette. Le lendemain, tentant de séduire Mathilde par des confidences sur la richesse de sa famille, Poil de Carotte laisse voir qu'il ne relie pas le fait que son père travaille et l'argent qui entre ou sort chaque mois du coffre-fort... Naïveté sans doute, mais naïveté vraisemblable pour l'époque. Un enfant d'aujourd'hui, dès cinq ans, doit certainement savoir qu'il y a relation directe entre le travail de ses parents et l'argent dont ils disposent.
     Mais trouverait-on quelqu'un pour s'exclamer comme M. Lepic : « Lustucru » ? (Sans doute en constatant, loin de l'idéalisme millionnaire de Poil de Carotte, que le pognon fond...) La marque de pâtes a pris ce nom en 1911. Le père Lustucru, lui, existe probablement depuis le XVIIe siècle, avant et indépendamment de la mère Michel qui a perdu son chat (sur l'air de la marche de Catinat), provenant peut-être de l'exclamation : « l'eusses-tu cru ? » — quand on respectait encore la concordance des temps...
Ensuite on parlera de « Comme Brutus » (116-120), ou quand les enfants se voient plus instruits que leurs parents — et surtout Poil de Carotte, qui montre des dispositions à devenir un futur Jules Renard...

     Brisons là ! Le cours s'est fait ensuite sur ces bases. Avec T., on a inauguré le « thé des rois mages » de Kusmi au petit déjeuner (on vient de finir le Prince Wladimir). Étonnante note d'amande. Après le cours (pendant que je trime, T. va au sauna-yoga...), nous sommes allés au Saint-Martin, tard, et c'était plein, nous avons dû attendre au comptoir qu'une table se libère. Pas longtemps. On nous a offert le Beaujolais nouveau. Pouâcre !... Que c'est pas bon !... Je finis petit à petit, parce que c'est offert de bon cœur, mais de moi-même, je n'en prendrais pas (ou je n'en eusse pas pris).

     Beaucoup plus tard, je regarde Ce soir ou Jamais de jeudi. Débat sur la philo, plus agréable qu'intéressant, mais c'est déjà beaucoup. Moment d'inquiétude qui se change en moment de grâce : quand Alexandre Jollien, que je ne connaissais pas, prend la parole. Il est partiellement handicapé moteur, voit-on, mais s'exprime avec une clarté et une fermeté qui laissent vite l'inquiétude loin derrière. À la différence de ce qui se produit dans bien des documentaires, qui sont d'ailleurs consacrés au handicap lui-même et qui ne sont jamais en direct, Frédéric Taddeï lui parle normalement, sans condescendance, ni effort ni ralentissement. Cela ranime mon espoir d'une télévision où des gens qui ont quelque chose à dire s'exprimeraient vraiment, quelle que soit leur condition physique et sans les sélectionner sur des critères discriminatoires de normalité télégénique. Avital Ronell semble avoir les faveurs de Lignes de fuite, lisons cela de près. En revanche, Delecroix et Pourriol ne m'ont pas convaincu du bien fondé de leur démarche.
Puis Higelin, qui n'y est pas, qui dit un peu n'importe quoi. C'est dommage. De plus l'émission est ségolénisée, avec des morceaux de Soir 3 dedans...

     Dernier dévédé de la saison 1 de Lost, avec 3 épisodes (au lieu de deux — heureusement parce qu'à la fin du deuxième, on était mal...). On voulait finir la saison avant notre départ ; que l'on sache un peu quoi faire si notre avion se crashe sur une île déserte...

Commentaires

1. Le samedi 18 novembre 2006 à 23:08, par Manu :

N'auriez-vous aussi découvert qu'après coup le 25ème épisode ?
Sinon, quand Hugo me demande pourquoi je travaille, je lui réponds que c'est pour pouvoir acheter à manger. Il n'a que 3 ans et demi et je ne suis pas sûr qu'il fasse déjà le lien avec l'argent. Je te tiendrai au courant quand ce sera le cas. En attendant, je ferais peut-être mieux de lui dire que je travaille pour le plaisir (ou la santé, comme le bon vieux refrain), histoire de ne pas présenter cela comme une contrainte ! (?)

2. Le samedi 18 novembre 2006 à 23:45, par Berlol :

Ben voui, on était habitué à ce qu'il y ait deux épisodes par dévédé. Après, j'ai vérifié sur le web...
Pour Hugo, tu vois la différence déjà : Poil de Carotte ne demande pas à son père pourquoi il travaille, ça ne lui vient pas à l'esprit, et d'ailleurs son père est plutôt un taiseux qu'il est assez difficile de faire parler. D'ailleurs, il n'est nulle part fait mention du métier de M. Lepic (à ma connaissance)...

3. Le dimanche 19 novembre 2006 à 02:37, par brigetoun ou brigitte célérier :

on peut dire aux enfants qu'on travaille pour gagner de l'argent, mais que c'est passionnant (même si ce ne l'est pas).
Je déguste les allusions à Poil de Carotte, je vais essayer les rois mages. Par contre le quart de sang lyonnais que j'ai en moi sais que l'on ne boit pas le beaujolais nouveau ; on se contente de le vendre

4. Le dimanche 19 novembre 2006 à 03:10, par Manu :

Nous, c'étaient 4 épisodes par DVD et le 25ème sur le DVD bonus !
Sinon, c'est vrai qu'on peut voir les choses comme cela : on travaille par passion et en plus on est payé pour ça !

5. Le dimanche 19 novembre 2006 à 14:34, par cgat :

lyonnaise aussi, je confirme : le beaujolais nouveau c'est pour les autres (et de plus en plus pour les étrangers, semble-t-il, parce qu'à Paris ça ne le fait plus vraiment)
quant à Avital (c'est plus joli avec un L) Ronell il faut la lire en effet : j'ai ajouté ce soir une citation qui concerne le travail d'ailleurs ...
citation à ne pas faire lire aux enfants si on veut leur donner le goût du travail, mais le veut-on ? il me semble que ce ne serait pas mon cas, et que l'urgence est plutôt d'en détourner les générations futures, mais j'en parle à mon aise, n'en ayant pas, d'enfants



Dimanche 19 novembre 2006. Plutôt Moby Dick que Mac Guffin.

     De quoi se plaint-on ?
     Plusieurs personnes s'étonnent et concluent plus ou moins bien quant aux prix littéraires français attribués à des auteurs francophones — dans le sens restreint du terme : pas nés en France. Ainsi Alan Riding, « After Foreigners Take Four Top Book Awards, Is French Literature Burning? », dans The New York Times d'hier. Il y en a d'autres, mais pas la peine de faire le tour du web pour ça.
     Mais ont-ils déjà tous oublié que 2006 est l'année de la Francophonie ? — et même de la francofffonie. Que de nombreuses manifestations et publications ont eu pour but de faire connaître les littératures de tous les locuteurs et scripteurs du français à travers le monde ? Que le Salon du livre de Paris y était consacré ? Et que tous les jurés littéraires ont eu à cœur, consciemment ou non, d'y participer, sachant que leurs tables de chevet comme leurs bureaux étaient garnis d'ouvrages obligeamment envoyés par des éditeurs désireux que leurs efforts soient récompensés. C'est une chaîne, qui tire cette fois dans le bon sens, et qui atteste, en dernier ressort de la bonne santé de la langue française dans le monde.

     De quoi ne se plaint-on pas ?
     Voilà. À la question sur l'intimité, on pourrait répondre avec une photo comme celle-ci, prise tout à l'heure. Et débrouillez-vous avec ça. Votre hésitation entre le sérieux et la blague, la gêne dans l'interstice sont déjà des marqueurs d'intimité, de l'inconnaissable de l'autre (moi ?) avec lequel, à supposer comme vous le pouvez, vous êtes aussi déjà dans le questionnement de votre intimité. Vous vous demandez : Est-ce que j'ai un petit chien en peluche ? Est-ce que je pourrais en avoir un ? À quoi cela me servirait-il ?
     Et chez lui (moi ?), le chien a-t-il été posé là pour la photo, ou y est-il toujours ? Et ce fouillis autour, ça veut dire quoi ? Questionnant ces quelques objets, qu'est-ce que j'essaie de savoir de l'autre (moi ?) ? Et pourquoi est-ce que j'essaie de savoir quelque chose ? Je n'ai qu'à penser que c'est une construction, un arrangement comme en font les photographes ? Mais pourquoi préférerais-je, en fait, que ce soit vrai ? Ouichhh... Voilà... On y est.

     Il pleut continûment et la température baisse. On reste à la maison. Pour le déjeuner, je réinvente la cuisine grecque pour une sauce de pâtes... Avec deux grosses aubergines, trois tomates, des clous de girofle, un peu de vinaigre balsamique, sel poivre, une cuillérée de sucre et un bon coup de mixeur. Dans les assiettes, je rajoute un peu de fromage de chèvre frais qui fond dans la sauce. Résultat étonnamment bon et onctueux. Il en restera d'ailleurs pour demain.
Le soir, c'est au tour de T. de préparer à la japonaise des petites tranches de foie de porc aux légumes sautés, et une salade de daikon et shungiku, recouverte de nori et avec sauce au yuzu.
     Avant, après et entre les repas, on a travaillé tous les deux, chacun à son projet. Nous sommes sortis pour marcher un peu, croyant que c'était juste pour sortir une demi-heure, alors qu'il fallait récupérer des chaussures que j'avais données à réparer — ça nous est revenu en passant devant la boutique, dans Kagurazaka — et acheter du pain.
J'ai pris un bain aussi. Un moment de détente pour sortir en beauté d'Entrées en matière, une « matière » — maintenant plutôt Moby Dick que Mac Guffin — d'où le narrateur ne ressortira plus, lui. Laissons l'y.

Commentaires

1. Le dimanche 19 novembre 2006 à 19:18, par Manu :

Je reconnais un iRiver et des enceintes Edirol...

2. Le dimanche 19 novembre 2006 à 20:01, par vinteix :

Aberrants ces discours sur les "étrangers" qui "voleraient" la langue et la littérataure françaises aux Français ! (et en l'occurence, c'est un journaliste du "New York Times", des Etats-Unis d'Amérique, le pays le plus cosmopolite du monde, qui cherche à nous prouver quelque chose !? Y'en a que la bêtise n'effraie pas !) et les soi-disant défenseurs d'une langue pure, nationale, avec tous les phantasmes d'appropriation et de repli communautaire greffés sur la langue que ces positions charrient (à ce sujet : Derrida, "Le monolinguisme de l'autre", Marc Crépon : "Langues sans demeure").
La liste serait longue de ces "étrangers" devenus français ou pas, mais qui ont adopté la langue française pour écrire et en ont fait leur vraie "patrie", au-delà des frontières (géographiques, ethniques, linguistiques...), mais je m'y amuse quand même - et on remarquera au passage que certains d'entre eux ont apporté à la langue française une saveur, un souffle, un corps singuliers, inédits, créant véritablement une autre langue dans la langue : invention d'un langage, ce qu'est bien la littérature : Jean Potocki, Tzara, B.Fondane, Ionesco, M.Eliade, E.Cioran, G.Luca, S.Beckett, A.Hampâté Bâ, E.Jabès, G.Schehadé, J.Mansour, G.Henein, M.Fardoulis-Lagrange, A.Cossery, A.Chedid, A.Laâbi, T.Ben Jelloun, S.Stétié, M.Kundera, J.Semprun, F.Cheng.... et si on parlait de philosophie, on pourrait ajouter : C.Einstein, E.Lévinas, C.Castoriadis, K.Axelos...

3. Le dimanche 19 novembre 2006 à 20:50, par Berlol :

C'est également ce que Littell prétend pour lui-même quand on lui reproche les anglicismes dans son livre... C'est le dernier paragraphe de l'entretien (lien vite obsolète pour cause de commerce) :
« Il y a des anglicismes dans mon roman ! Et comment ! Je suis un locuteur de deux langues et, forcément, les langues se contaminent entre elles. Il y a un magnifique travail d'Albert Thibaudet qui montre, chez Flaubert, l'influence des provincialismes normands sur la langue littéraire de l'auteur de Madame Bovary. C'était perçu au départ comme une faute, mais, à partir de cela, Flaubert a produit des beautés. Chacun a ses particularités linguistiques. Alain Mabanckou va avoir de très belles trouvailles qui viennent de la manière qu'ont les Africains de parler français. Ses formules peuvent sembler bizarres, désuètes, mais elles sont magnifiques. Il est intéressant, cette année, que plusieurs prix littéraires aient été décernés à des non-francophones. Nancy Huston est anglophone. Comme pour moi, le français n'est pas la langue natale de Mabanckou. En Grande-Bretagne, cela fait des années que les plus grands écrivains sont indiens, pakistanais, japonais. Et, grâce à eux, la langue s'enrichit.» (Il faudra du temps pour expliquer ce succès, Le Monde du 16/11/2006)

4. Le lundi 20 novembre 2006 à 01:54, par brigetoun :

ô c'est tout simplement stupide ces ébauches de polémiques.
Face à chien, je penche la tête, et nous nous regardons, sans fin, simplement, jusqu'à ce que la faim nous éloigne

5. Le lundi 20 novembre 2006 à 02:12, par Berlol :

Nous l'appelons Milou...



Lundi 20 novembre 2006. Presque tunnels du défendu.

Prolongeant la Ligne de fuite, je découvre cet excellent article d'Omar Berrada  (« La philosophe à venir : Avital Ronell ») dans L'Humanité du 4 novembre, dont je ne cite ici que trois paragraphes :
« [...] Le travail d’Avital Ronell vise à mettre au jour des structures psychosociales de dépendance qui sont toujours déjà là, en latence, et dont elle donne de nombreux exemples dans son remarquable livre d’entretiens avec Anne Dufourmantelle, American philo. La naïveté de Heidegger, largement partagée, consiste à voir la technique uniquement comme un « autre », une force négative hostile appelée à nous dominer, une intrusion de l’État dans nos vies. Ce qui est rarement interrogé, c’est l’envie de se soumettre à la technique. On stigmatise la prolifération des dispositifs de surveillance mais on parle peu du désir d’être envahi, pénétré par ces technologies, tels des personnages de téléréalité jouissant d’être surveillés jusque dans leur intimité. Qu’il s’agisse de télévision, de surveillance étatique ou de drogue, il n’y a pas de site originaire, l’appel de l’addiction préexiste en chacun de nous. Car ce qui empoisonne est aussi ce qui nourrit : certes la télévision banalise la violence, mais elle l’absorbe aussi en la symbolisant. En deçà de l’effet des drogues, qui dépend du dosage, il y a une sorte d’immanence de l’addiction dont il faut prendre acte.
Donc Heidegger a été stupide, il a fait une grosse bêtise. C’est lui qui le dit. Façon de laisser son passé loin derrière lui. Façon, surtout, d’en dissocier sa pensée. Mais ce que montre Avital Ronell dans
Stupidity, c’est que la bêtise n’est pas l’autre de la pensée. Non seulement elle est pensable, mais elle est ce qui rend la pensée possible. Heidegger n’est pas le seul à avoir voulu exclure la bêtise loin du domaine de l’esprit. Avital Ronell prend ici le relais du Deleuze de Différence et répétition qui relevait, dans la tradition philosophique, une « réduction de la bêtise, de la méchanceté, de la folie à la seule figure de l’erreur » et laissait ouverte « une question proprement transcendantale : comment la bêtise (et non l’erreur) est-elle possible ? ». Assimiler la bêtise à l’erreur implique sa corrigibilité, par les lumières, la raison, etc. Mais si on peut réparer l’ignorance, l’erreur, l’errance, il n’en va pas de même de la bêtise. La bêtise est une béance, elle est le magma négatif, le chaos primitif où s’originent l’être, l’intelligence, la possibilité de l’œuvre. Elle est cet infini qui nous fait éprouver notre condition d’être fini.
Contrairement au philosophe,
« le poète s’y connaît en bêtise ; il connaît cet affaiblissement, cet amoindrissement essentiel qui constitue la condition préalable de tout énoncé ». Dans un tourbillon de références aussi réjouissant qu’ébouriffant, Avital Ronell traque les figures de la bêtise, la stupidité, la sottise, l’idiotie, l’imbécillité, la niaiserie, le crétinisme, la puérilité, le ridicule en littérature, en convoquant Wordsworth, Schiller, Flaubert, Henry James, Rilke, Dostoïevski, Kafka, Schelling, Sartre, Pynchon, Hölderlin, Hart Crane, Conrad, Rousseau et bien d’autres. La littérature, hantée par le problème de la bêtise, lance un appel à la philosophie. Une philosophe, hantée par la littérature, enjoint la philosophie d’y répondre, avec la modestie qui s’impose.»

Bêtise aussi de mon côté (moins grave que celle de Heidegger, j'espère...), vendredi dernier, quand je parlais d'une intention de JCB d'opposer Marguerite Yourcenar à Jean-Philippe Toussaint. Il m'a demandé quelle intention je pouvais y voir, ce qui m'a fait réfléchir, et je lui ai répondu :
« [...] j'avais cru avoir lu toutes les pages [du journal de JCB] en allant à rebours, comme je le fais quand je ne t'ai pas lu pendant quelques jours, ce qui arrive trop souvent en ce moment à cause de la bourre générale, alors qu'en fait j'avais précisément manqué les deux pages avec photo du livre de Toussaint.
Et tu as parfaitement le droit de ne pas apprécier ce livre. Les raisons que tu donnes sont recevables. En plus, je ne l'ai pas encore lu. Je l'aurai lundi prochain...
Pour autant, cela ne change pas ce que j'appelle la concomitance, que j'aurais dû appeler l'effet de la concomitance, et que je peux mieux observer maintenant. Cet effet est de mon côté et tu ne peux ni le prévoir ni le contrôler. Cela vient de la différence naturelle de nos présupposés.
Voici les miens : 1. je n'aime pas beaucoup Yourcenar (après l'avoir lue et étudiée), 2. j'aime bien Toussaint (après l'avoir lu, étudié et rencontré), 3. j'ai ressenti et interprété positivement le geste de Zidane (le jour même et n'ai pas changé d'avis depuis), 4. je n'apprécie guère les avis d'Assouline et de ses caudataires (et je n'aurais pas l'idée de les prendre à témoin).
Par hasard, la concomitance dans ton journal va contre ces quatre présupposés, ce qui, malgré tout le crédit que je t'accorde, a pu produire cette impression.
En revanche, je n'aurais pas dû m'inquiéter d'une intention "d'opposition" entre Yourcenar et Toussaint, qui n'y est pas, de toute évidence...»

Tiens ! Des notes de François Bon sur Balzac ! Je me les imprime pour l'avion ? Rien lu de Balzac depuis Le Colonel Chabert dont le cours finissait en février. Avant, ça avait été La Recherche de l'absolu et L'illustre Gaudissart, étudiés pour des séminaires, en 1999 et 2000, mais je ne sais plus dans quel ordre... En fait, quand je veux lire ou relire un livre, je le mets au programme d'un cours. C'est ce que j'ai trouvé de plus pratique.

Je me dépêche de regarder J'ai horreur de l'amour (L. Ferreira Barbosa, 1996) parce qu'il faut que je le rende à la médiathèque de l'Institut. C'est-à-dire que je passe le dévédé à la vitesse 1,25 et que je saute des scènes. Dans les premières minutes, je me suis rendu compte que je l'avais déjà vu. Pas un mauvais film mais je trouve ça moyen, notamment peu crédible la femme médecin qui ne peut rien faire contre son persécuteur. Je me demande si ce film n'aurait pas été sponsorisé par la Mairie du XIIIe ! En tout cas, il s'y passe entièrement. Une séquence s'achève au bas de la rue Charcot, elle donne sur un mur d'au moins deux mètres qui sépare — qui séparait, en 1996 — la rue du Chevaleret des voies SNCF.
Quand j'y suis passé avec T., l'an dernier, le mur n'y était déjà plus — bonne occasion pour fermer une parenthèse laissée ouverte ce jour-là : ) —, il y avait un grillage. Maintenant, il n'y a plus ni mur ni grillage mais, depuis janvier, une passerelle vers l'avenue de France et la Bibliothèque nationale (dont le plan d'accès n'a pas encore été actualisé...).

Passerelles dans mon journal
cailloux blancs qui scintillent
passerelles de nos temps
lé zar dés
presque tunnels du défendu
anciennes voies herbues
barbes de nuages qui se joignent se déjoignent
et ces têtes sur pilotis
tandis que sous la passerelle de nos bras passent
les trains de ma hantise
autant d'années autant de wagons à tirer
à larguer sur orbite où
j'ai tendu des passerelles de page à page, et je pense
à elles



Mardi 21 novembre 2006. Être pour savoir, goûtue erreur.

Lever à 6 heures. Tout est réglé pour deux au millimètre jusqu'à vendredi soir.
En théorie.
Ça commence par le train, pour aller donner mes deux cours de l'après-midi. J'y corrige des exercices. Être pour savoir, goûtue erreur dans une copie : « Est-ce que nous serons ce qu'il y aura à manger ce soir ? »

Cours de conversation. Aujourd'hui, sur l'obésité, avec l'infographie de Libération (du 15 novembre) et la page Wikipédia. Ça marche bien. Ultime question que je leur pose : est-ce qu'un sumo est obèse ?... L'ont pas vue venir, celle-là... Gêne et rock'n roll...

Après, c'est bureau jusque tard. Donc faisons court.
Sauf un peu de détente après le dîner et la soirée spéciale enfants de Ce soir ou Jamais. Alors deux tubes que j'ai voulu retrouver (nous vivons une époque formidable) : I will... remember... (Attention, ça tue !)

Le lendemain matin.
En fait, ça ne s'est pas fait directement et je suis obligé d'y revenir ce matin, sinon je ne me souviendrai plus comment c'est arrivé (que je cherche et que j'écoute ça). Je voulais d'abord utiliser le module de recherche YouTube que j'ai installé récemment dans ma page perso Google. Je me suis souvenu m'être plusieurs fois demandé ce qu'était devenu le groupe Middle of the Road, dont j'avais eu ce qui a dû être ma première cassette audio, dans les années 70, peut-être via ces offres publicitaires qui vous obligeaient à choisir un livre ou une cassette ou deux par mois et à quoi ma mère avait dû s'abonner, peut-être sous ma pression, je ne sais plus. Or il n'y a rien d'eux sur YouTube (j'aurais mieux fait de chercher un site officiel...), mais il y a cette chose merveilleuse et qui peut vous faire perdre un temps précieux qui est la colonne de choses proposées en relation avec votre requête, et c'est alors que j'ai vu cette tête joviale avec une coiffure que je ne connaissais qu'à Mireille Mathieu et le titre du groupe, dans mon souvenir jamais vu ni entendu, Captain & Tennille, mais sur quoi j'ai pourtant cliqué comme si quelque obscure connaissance ou pressentiment m'y poussait. Quand j'ai eu reconnu l'air, que j'avais dû bien aimer autrefois et que je trouve encore assez entraînant et, pour tout dire, bien foutu, bien chanté et possédant un enthousiasme communicatif, je me suis senti frustré dans mon passé de ce que la télévision française de l'époque ne m'avait pas proposé ces images alors que les radios donnaient cela à mes oreilles chaque jour, peut-être, durant des mois. Ensuite, c'est plus simple : le rythme, la mélodie, le piano (Captain et Tennille jouent en tout de cinq ou six claviers qui doivent aujourd'hui tenir dans un ordinateur portable d'entrée de gamme) m'ont fait penser clairement à Bennie and the Jets d'Elton John, dont il m'a fallu passer plusieurs versions récentes et plutôt horribles, rassises malgré la pin-up, avant d'en trouver une qui avait un peu du punch d'origine — et pour cause puisqu'elle est de 76 alors que la chanson date de 73.

Commentaires

1. Le mardi 21 novembre 2006 à 17:38, par vinteix :

"est-ce qu'un sumo est obèse ?... " Pas mal, celle-là. Justement, hier soir, sur NHK, aperçu une émission (décryptée pour moi par R.) sur l'obésité au Japon, où l'on expliquait que la graisse des sumotori n'est pas la même que celle de gens malades d'obésité : c'est un gras localisé juste sous la peau, le corps ayant une forte masse musculaire; tandis que les obèses ont une masse graisseuse plus "profonde", si je puis dire, qui perturbe le bon fonctionnement des organes et peut entraîner les risques de santé que l'on sait... Je ne sais pas si c'est bien clair... dans mon jargon de vache espagnole...
Nous savons que nous serons mangés tôt ou tard... "Nous mangeons la terre qui nous mange" (Jacques Dupin).

2. Le mardi 21 novembre 2006 à 17:57, par Berlol :

Sur les sumotori, c'est à peu près ce qu'une étudiante nous a proposé comme explication pour dire que ce ne sont pas exactement des obèses, au sens médical. Et elle avait raison.

3. Le mardi 21 novembre 2006 à 21:33, par Dominique Fromentin :

"par un minuscule défaut de connaissance
je suis l'éjecté seul
du cercle Sumo"
"De nul lieu et du Japon", p 28
Dupin est un sumo.



Mercredi 22 novembre 2006. Drosser moins et parler plus vite.

Est-ce pour honorer mon passage en terre hexagonale que sort précisément le 24 un Magazine des Livres ? En bon ingrat, je leur réponds tout de suite qu'avec les noms qu'ils ont mis en couverture (Delerm, Hallier, Heidegger, Monnehay — sauf cette dernière que je ne connais pas), ça ne va pas être facile. Ou bien faut-il quand même voir dans le sommaire qu'il y a trois pages sur Beckett, une chronique sur David Abiker, lui-même chroniqueur d'Arrêt sur Images, ou des bonnes feuilles de Philippe Di Folco ? Et puis il faudra observer de près la chronique Livres & Internet de Frédéric Ploton qui blogue depuis un an dans un quasi secret...

Manquait plus que lui ! François Busnel, en bon connaisseur de la littérature américaine, fait sa vidéo de la promo de Littell. Dernière phrase : « le Goncourt a enfin fait son boulot, joué son rôle [en donnant] à lire le livre qui a écrasé, surplombé l'ensemble de la production littéraire de cette année 2006.»
Tout le reste est déjà au pilon. Merci pour eux.

Dans le cadre de mon travail de recherche (que j'ai achevé cet après-midi), j'ai découvert le Blog vidéo de Luciano. C'est bien, dans son genre ! Et intime, avec ça...
J'ai fait un premier chronométrage de mon exposé, qui dépasse allègrement les 30 minutes, sans considérer l'impondérable dans les ouvertures de pages web. Il va falloir réduire la voilure — drosser moins et parler plus vite.

Une bonne édition — ou est-ce parce que j'ai l'esprit dégagé ? — de Ce soir ou Jamais que celle d'hier, normalement en ligne ce soir (pour moi, alors que les deux ou trois semaines précédentes, il fallait attendre le jeudi ou le vendredi), sur l'architecture, débat assez léger, tout de même, mais surtout après le Soir 3, sur différents sujets, principalement grâce à la qualité des personnes en présence. J'ai beaucoup apprécié les propos d'Yves Michaud et de Daniel Buren, et dans une moindre mesure ceux de Dominique Jamet ou d'Éric Rochant. Le rappel par Zahia Rahmani de la torsion infligée au jus soli français depuis les lois Pasqua et Perben, expliquant en partie pourquoi des jeunes nés en France de parents étrangers fuient systématiquement la police, était plus que nécessaire : le moindre passage dans un commissariat de police peut invalider leur choix de la nationalité française au moment de leur majorité civile ! Et pour être rejetés où ? Vers un pays où dans bien des cas ils ne sont jamais allés et où ils ne connaissent personne... C'est tout simplement ahurissant, quand on y pense.

Commentaires

1. Le jeudi 23 novembre 2006 à 01:19, par brigetoun :

Littell comme tout livre dont on parle trop je coince, et passerai à côté une fois de plus - allergique aux obligations - alors j'en reste au léger et Luciano en général c'est savoureux



Jeudi 23 novembre 2006. Affaire à une ingrate.

Belle prise de judo — quand c'est pour la bonne cause, celle de la recherche : demander à quelqu'un qui avance des chiffres d'en fournir la preuve. S'il répond, cela l'honore. S'il ne répond pas... Bec dans l'eau. Nous aviserons...

Jeudi à trois cours, plus derniers préparatifs. Mais tout se passe très bien et j'arrive sain et sauf vers 21h30 à la soupe que T. m'a préparée. Et pour finir les valises...

Au séminaire de cinéma, avec Tanguy, deux figures de style isolées et étudiées.
Une mise en abyme : dans la classe de chinois, un élève de Tanguy lit la traduction qu'il a préparée et qui décrit taoïstement le caractère de Tanguy (Celui qui a & b, celui qui c & d, celui-là, on l'appelle le sage — quelque chose dans le genre), alors même que les parents de Tanguy s'acharnent à lui rendre la vie impossible (réveil à 5h du matin, bruits de ponceuse, poisson puant caché dans sa chambre, père simulant l'insomnie, etc.).
Un sous-entendu évident par effet du montage : la secrétaire du département de chinois a préparé un voyage d'étude pour Tanguy pour le remercier d'avoir fait des remplacements, elle lui dit qu'il n'aura pas affaire à une ingrate, il lui répond à peu près la même chose ; le plan suivant montre les parents de Tanguy pendant la nuit, réveillés par les « cris de plaisir » (sous-titre pour les malentendants) de l'invitée de leur fils ; séquence suivante, au petit déjeuner, la secrétaire du département, qui a l'âge de la mère de Tanguy, arrive comme une fleur et la mère de Tanguy est sidérée...
Mes étudiantes ont tout très bien compris.

Aujourd'hui, j'ai présenté publiquement des excuses. Devant pas beaucoup de gens et pour une chose pas importante, mais tout de même. Je l'ai fait sans honte ni humiliation.
L'étranger ne doit laisser accumuler contre lui aucun ressentiment qu'il a le pouvoir d'effacer, dis-je, tanguysé.

Commentaires

1. Le jeudi 23 novembre 2006 à 15:28, par cgat :

là tu me prêtes des intentions de judokate (?) machiavélique qui m'étaient totalement étrangères : ma question n'était pas du tout une exigence de preuve, juste une curiosité ...
j'en profite pour te (vous) souhaiter bon voyage

2. Le jeudi 23 novembre 2006 à 15:52, par Bikun :

Oui, bon voyage! On VOUS (car pour une fois il s'agit de vous!) attend de pied ferme...

3. Le jeudi 23 novembre 2006 à 22:08, par Berlol :

Ce commentaire-ci, voyez, il vaut de l'or ! C'est ma première connexion depuis un avion (vol ANA NH205). Service gratuit de connexion grande vitesse pendant encore quelques semaines, après ce sera payant...
Merci de vos bons souhaits. Jusqu'ici tout va bien. Enregistrement à Narita plus rapide qu'une lettre à la poste. Rien à voir avec août ! Billets d'avion dématérialisés, carte de milleage en deux minutes, enregistrement sur borne, et une heure et demie pour le shopping ! (grave pour la carte de crédit)
Déjà vu un film... Vais essayer de dormir un peu...
Ai même réussi à... écouter France Info ! Malheureusement, c'est pour entendre de tristes choses, la disparition de Philippe Noiret, les propos des amis, des partenaires de films, etc. Oh oui, j'aimais Noiret... Et ça continuera.

4. Le jeudi 23 novembre 2006 à 23:44, par vinteix :

Oui... Noiret, un des grands arbres du cinéma français...
Je crois que j'ai manqué un épisode... Tu vas où au juste ?

5. Le vendredi 24 novembre 2006 à 01:18, par Dominique Fromentin :

ça vous irait bien :
une carte voyageur permanent depuis Narita, avec citronnier en pot dans l'avion, et de là-haut vous surplombez le monde tant virtuel que réel, et le commentez pour nous, obligés de garder les pieds par terre
et salut à la valise, à l'arrivée

6. Le vendredi 24 novembre 2006 à 06:10, par Berlol :

C'est d'une altitude de 9 km environ au-dessus de Copenhague que j'ai modéré deux messages de Litor. Encore une heure de vol, très calme, pas plein...

7. Le vendredi 24 novembre 2006 à 14:54, par brigetoun ou brigitte célérier :

faut il dire les valises cette fois ci ? Vous vivez dangereusement



Vendredi 24 novembre 2006. Même les pieds sentent le chèvre et le tarama...

J'y reviendrai. On y reviendra. D'où on vient. Mais aussi comment ça s'est passé. Ou comment rien ne s'est passé, pourrait-on dire, quand tout se passe bien. Du dernier regard nippon sur des écoliers entrant innocents dans l'antre de la guerre à ma tête qui s'effondre toutes les vingt secondes actuellement devant l'écran...

Ce n'est que beaucoup plus tard que je peux  écrire avec une tête qui tient droite. Je revois cette belle lumière sur le parvis de la gare de Tokyo, les ascenseurs qui mènent au troisième sous-sol d'où part le train pour Narita, les deux pipelettes sexagénaires derrière nous, ma surprise quand je m'aperçois que je n'ai plus le billet électronique de T., imprimé par mes soins, et posé tout à l'heure sur mon bureau quand le taxi a sonné — mais je lis sur le mien que seule compte l'information enregistrée dans les ordinateurs de la compagnie ANA, ce dont nous nous assurons dès l'arrivée dans le hall de l'aéroport, terminal 1, aile Sud, auprès d'une employée qui imprime pour T. un récapitulatif, ouf. Nous faisons faire en deux minutes des cartes de milleage puis nous dirigeons vers les bornes d'enregistrement des bagages, où une autre employée nous assiste, retrouve les places déjà réservées, explique l'émission des cartes d'embarquement et nous libère moins de cinq minutes après notre entrée dans la zone. Passage sous le portique de détection sans rien repérer de dangereux sur nous, passage au contrôle des passeports sans arrestation. Et hop : une heure et demie dans le dangereux univers du shopping ! (On restera raisonnable, tout de même.)

Vu dans l'avion, et parce que c'est dans l'avion : Tokyo Drift, film dérapant de simplicité ; Pirates des Caraïbes 2, je somnolais la première moitié, après c'est comique comme du Jackie Chan ; Click, pour ne pas zapper sa vie. On n'arrive pas à vraiment dormir. Rencontré dans l'avion, discussion debout près d'une porte, histoire de passer une petite heure, Pascal Griolet, de retour d'un voyage d'études de compagnies théâtrales ambulantes, connu il y a près de dix ans quand il avait pris l'intérim de la Maison franco-japonaise. Atterrissage ('tain, 2 t 2 r 2 s...) sur piste mouillée mais ni fast ni furious. Et surtout — c'était l'attente essentielle, le risque de série des emmerdes — les valises sortent, et normales, du troufignon mécanique.
Taxi courtois et bavard, ça tombe bien il y a des bouchons. Mais on est place Monge vers 18h30, sous une bruine rafraîchissante. Première promenade, qui nous mène chez un fromager et chez le traiteur grec — même les pieds sentent le chèvre et le tarama...

Commentaires

1. Le samedi 25 novembre 2006 à 03:36, par patapon :

Tiens donc ! Encore à Paris, les petits veinards !? Bon, alors, hâtez-vous d’ aller voir le dernier Resnais (Cœurs), vous me raconterez !

2. Le samedi 25 novembre 2006 à 06:10, par Bikun :

Bienvenu à Panames...on se voit quand?!

3. Le samedi 25 novembre 2006 à 08:16, par Dominique Fromentin :

un saucisson de cheval ?



Samedi 25 novembre 2006. Décrochage d'une grande marmite.

Il se trouve, on est bien tombé, que c'est l'anniversaire de notre hôtesse et qu'il y aura bal, ou tout au moins soirée causante ce soir. T. et moi nous proposons pour aider à la manœuvre dînatoire.
Boucherie près des arènes pour retirer une commande de trois kilos de viande de bœuf.
Courses rue Mouffetard, sous petite pluie.
Passage chez Marrionaud pour profiter d'offres promotionnelles.
Dans la boutique voisine, une fontaine de chocolat.
Retour avec un plein chariot d'haricots rouges.
Photo d'avortement mural rue de l'Épée.
Décrochage d'une grande marmite, T. épluche des oignons, je coupe des poivrons, Titine verse la viande, les haricots, les épices, bref, compose le chili con carne du soir.

Déjeunons puis allons nous promener. Il y a étonnemment de monde. Alors que T. n'avait jamais vu cette ville en cette saison qui n'est pas touristique, j'avais pour ma part oublié Paris empli de ses parisiens mêmes le samedi.
Rue Soufflot, réduction dans la boutique de dévédés, j'achète un film pour un futur cours et T. m'offre Sin City qu'elle aime beaucoup et que je n'ai pas encore vu.
Rue de Buci, à la bonbonnière, deux gâteaux pour ce soir nous tapent dans l'œil. Nous les faisons mettre de côté.
Rue de Seine, T. repère une boutique Kusmi, blanche, étroite, pleine de boîtes, offrant dégustation, une maison de thés en plein développement. On reviendra un autre jour, quand il y aura moins de monde...
Boutique du SCEREN, on est très content de trouver des atlas historiques de la France.
Dans un café au coin de la rue de Rennes et de la rue Cassette, prenons un thé en zone non-fumeur, très sympa. Par la fenêtre, on voit cinq ou six fois qu'une voiture essaie d'entrer dans une place de stationnement visiblement trop petite pour tous... Esclavage voiturier du samedi.
Retour par des rues moins populacières, retrait des gâteaux et retour.

On installe.
Il y a ce moment merveilleux où tout est prêt et quand personne n'est encore arrivé.
La suite est d'ordre intime... et en plus, c'est pas chez nous.
Mais c'est très instructif pour T., jusqu'au moment où on est trop fatigué... On ne peut même pas attendre jusqu'aux bougies.
On se couche lamentablement. Mais qu'est-ce qu'on dort bien !

Commentaires

1. Le dimanche 26 novembre 2006 à 01:18, par brigetoun :

un rite du samedi pour faire sas entre le bureau rue de Richelieu et mon 11ème, partir à temps pour aller méditer à la bonbonnière ou parfois chez le voisin et choisir les deux ou trois gateaux de mon diner et suivre la rue Saint André des Arts dans la nuit tombante pour reprendre un métro à Saint Michel ou au Chatelet. Ce qui me restait de fête

2. Le dimanche 26 novembre 2006 à 12:21, par Frédéric :

Oui, Sin city.

3. Le dimanche 26 novembre 2006 à 18:40, par Dabichan :

T., Berlol,
Bonjour (-soir?), toutes mes salutations de l'autre côté du monde.
Très agréable lecture du billet de samedi : réminiscence du Paris que j'ai adoré étudiant non loin de Saint-Germain, de ces rues du 6ème où je déambulerais volontiers au bras de qui je sais, de ces alléchantes vitrines de bonheur gustatif. Symbole du raffinement d'une civilisation ?
En attente d'une suite à votre charmant Paris slow food...




Dimanche 26 novembre 2006. Tout ce bleu pendant qu'il est là.

Rarissime petit déjeuner avec gâteaux d'anniversaire.
Rédaction du billet d'hier au milieu des conversations matinales, des photos à montrer, des rangements de la veille...
qui a duré jusque fort tard sans que cela ne dérange le moins du monde notre sommeil.
Traversée du Jardin des Plantes.
Serait-on au Japon ? Quels sont ces kakis que des corbeaux se croassent ?
Et ce dragon de recyclage ? Celui que je n'avais pas vu de près en août (alors qu'à l'autre bout du Jardin des Plantes, le dragon de Nikki n'y est plus...), voici que ses yeux lancent des flammes pour nous qui profitons de tout ce bleu pendant qu'il est là.
Train à Austerlitz. C'est plus propre qu'il y a deux ou trois ans.
Déjeuner en famille, tout le monde est très en forme.
T. montre des vidéos sur sa caméra. Ma sœur cadette recopie des caractères chinois avec une étonnante facilité. Notre grand-mère porte fièrement ses quatre-vingt-six ans. Mes parents ont une nouvelle voiture.
Bref, tout roule... jusqu'à Notre-Dame où ils offrent de nous déposer.

Une heure de repos et on repart, avec Michel chez notre maître, Henri Béhar, à Versailles. Des bouchons dans le 13e arrondissement, des bouchons sur le périphérique, des bouchons sur l'autoroute... C'est quoi, ce dimanche soir ?
Autre lieu, autres paroles.
Il sera beaucoup question de la tournée américaine que notre hôte vient d'achever brillamment, du bon accueil qu'il a reçu en allant y causer du Surréalisme. Du Colloque des Invalides auquel nous serons plusieurs à nous rendre vendredi, y compris Jean-Pierre Goldenstein. De Paul Ricœur, de qui Catherine Goldenstein était très proche. De Litor et de Mélusine, un peu. De blogs, presque pas.

Commentaires

1. Le lundi 27 novembre 2006 à 01:36, par brigetoun :

ces kakis que des corbeaux se croassent - miam !

2. Le lundi 27 novembre 2006 à 02:19, par Berlol :

Etonnant tout de même d'en voir ici, qui sont exactement les mêmes qu'à Tokyo ! Ceci dit, moi, je n'aime pas tellement les kakis. Vous, oui, on dirait !

3. Le lundi 27 novembre 2006 à 03:00, par vinteix :

Ceci dit, moi non plus, je n'aime pas tellement les kakis... ni les corbeaux d'ailleurs...
et encore moins des corbeaux qui mangent des kakis...
Bon séjour.
trois mille haikus
à examiner
deux kakis
SHIKI

4. Le lundi 27 novembre 2006 à 03:01, par vinteix :

SHIKI, qui adorait les kakis, comme chacun sait.

5. Le lundi 27 novembre 2006 à 13:59, par cgat :

comme c'est rafraîchissant, un regard qui s'étonne de voir des parisiens dans les rues de paris le samedi après-midi, des ouatures dans des bouchons sur le périph le dimanche soir ...

6. Le lundi 27 novembre 2006 à 14:10, par brigetoun :

j'ai horreur de la vue et de l'odeur des kakis et n'en ai jamais goutté, mais j'aimais bien les mots



Lundi 27 novembre 2006. Qui peut dire qu'il est aller pisser chez Cartier, rue de la Paix ?

Matinée travail et téléphonages, mais pas de réponse de la BnF pour mes tests techniques...
T. est un peu dérangée par les changements d'horaire et de nourriture, elle doit réduire ses ambitions de sorties et de profusion culinaire. Il y a cependant des incontournables, ou devrais-je dire des inévitables, comme le rendez-vous paternel, fixé cette fois à Châtelet à 12h30. Dans une pharmacie, T. expose son cas au pharmacien qui lui prescrit du Spasfon-Lyoc et du citrate de bétaïne de chez Upsa (et ça va marcher, au grand soulagement de T. qui pourra bien profiter de cette belle journée ensoleillée, même si elle se couchera avant neuf heures sans dîner).
Allons près de la place des Innocents, à la pizzeria Enio (j'ai dû y avaler en diverses compagnies une quinzaine de pizzas parmi toutes les pizzas de ma vie). Mais aujourd'hui, changement de programme, on évite le pain qui fait grossir — on lui préfère la bonne huile d'olive qui fait (moins) grossir : cœurs d'artichauts et de palmiers, veau milanaise, calamars frits et spaghettis tomate, suivis de desserts quand même.
Pendant notre discussion à trois, nous suivons du regard le manège d'un individu à imperméable, d'apparence japonaise, qui fait les cent pas au coin de la rue, répond moshi moshi au téléphone portable (j'ai lu sur ses lèvres), plus tard accueille d'autres étrangers, taïwanais ou philippins, avec lesquels il entre au Bistro Romain, dont il ressort seul une minute après pour attendre de nouveau au coin de la rue... On lui prête une existence barbouze, on simule ses paroles téléphonées ambiguës.

Marchons dans le quartier, faisons photos et vidéos rue Blaise Cendrars et allée Aragon (ce sera la touche littéraire du jour), petit à petit jusqu'à la rue des Petits-Champs. Comme il doit voir l'ouvrier qui change ses papiers aux murs, nous laissons mon père à l'entrée Nord du Palais-Royal, dans la galerie de Beaujolais. Nous continuons mais devons changer nos plans...
Chez Cartier, rue de la Paix, où T. veut changer un vieux bracelet de montre. J'en profite pour aller aux toilettes. Qui peut dire qu'il est allé pisser chez Cartier, rue de la Paix ? Moi.
Chez Old England où je veux des gants noirs, solides et pas fourrés. J'avais failli en acheter le 9 septembre, quand il faisait froid, mais j'y avais renoncé en voyant le soleil revenir...
En fait, on voulait acheter du kombu chez Kyoko, rue des Petits-Champs, mais c'est fermé le lundi. On passe voir quand même aux Galeries Lafayette, mais c'est trop luxueux et bordélique, on renonce. Retour par RER et métro, à l'heure de pointe, une expérience existentielle.

De retour à mon ordinateur, je constate que la BnF me propose un rendez-vous technique demain. Bon, on va arranger ça. Divers autres coups de téléphone, certain(e)s s'y retrouveront. On se verra demain, ou après-demain. Quand j'aurai le temps de mettre liens et photos...

Commentaires

1. Le mardi 28 novembre 2006 à 03:41, par cgat :

"une expérience existentielle" : c'est drôle, j'ai failli ajouter hier à la fin de mon commentaire qu'après les rues commerçantes le samedi et le periph le dimanche soir je suggérais une autre expérience parisienne : le rer à une heure de pointe - c'est fait, donc !

2. Le mardi 28 novembre 2006 à 05:25, par Bikun :

"acceuille" d'autres étrangers...
Pourquoi est-ce que personne ne corrige mes fautes, alors que j'en fais 10 minimum par page de blog?!!

3. Le mardi 28 novembre 2006 à 07:10, par Berlol :

Merci, Bikun. Malheureusement, il y en avait d'autres, des fautes... Laissées par fatigue, corrigées maintenant. S'il y en a trop chez toi, c'est normal qu'on ne dise rien. Et puis il y en a tellement plus ailleurs...
A part ça, on se voit demain, vers 16 heures, ça t'irait ? (Je te téléphone.)

4. Le mardi 28 novembre 2006 à 07:21, par vinteix :

Cette boutique avec les rats existe toujours, aux Halles, n'est-ce pas ?! c'est dingue !...

5. Le mardi 28 novembre 2006 à 07:39, par cgat :

j'ai repéré une autre coquille : spasfon et pas spansfon (c'est un des must de ma trousse de survie) ... j'espère que cela va mieux aujourd'hui ?

6. Le mardi 28 novembre 2006 à 10:28, par k :

hy mr berlol, sinon quels nouvelles?

7. Le mardi 28 novembre 2006 à 10:32, par Dominique Fromentin :

passionnant, passionnant
pendant qu'on bosse, nous autres

8. Le mardi 28 novembre 2006 à 12:26, par brigetoun :

merci de contribuer si peu que ce soit au maintien de Old England. Je me demande toujours qui a suffisament de traditions plus d'argent pour en être client - et serais navrée qu'ils disparaissent comme tant d'institutions et en souvenir de nos manteaux d'enfants

9. Le mardi 28 novembre 2006 à 12:28, par Richard :

Kombu japonais ou breton, hijiki, wakamé , azukis dans les " bio génération", et "naturalia" de Paris.

10. Le mardi 28 novembre 2006 à 14:42, par Berlol :

Merci, Richard ! Il faut justement qu'on en trouve avant vendredi. Je crois qu'il y a un Naturalia dans la rue Mouffetard...

11. Le mardi 28 novembre 2006 à 14:49, par Bikun :

Berlol, je viens de t'emailer...ok pour demain!

12. Le mardi 28 novembre 2006 à 18:33, par Manu :

emailer = courrieller ? ;-)

13. Le mercredi 29 novembre 2006 à 04:54, par patapon :

Salut Berlol ! Pour le Kombu, il faut aller a Lafayette Gourmet, qui n’est pas dans le bâtiment pricipal mais dans le bâtiment annexe (en accès direct depuis le RER). Il y a aussi la Grande Épicerie de Paris, au Bon Marché Rive Gauche, ce qui vous donne l’occasion d’aller prendre un thé au Délicabar, juste au-dessus, et de continuer vos emplettes dans la rue de Sèvres, chez Quatrehomme, le meilleur marchand de fromage de Paris.

14. Le mercredi 29 novembre 2006 à 10:30, par Berlol :

Oui, Vinteix, c'est bien la boutique de dératisation à laquelle tu penses.
Merci, Christine, ça va mieux, tu verras...
Pardon, K, pas eu le temps de répondre aux courriels, ça se bouscule et puis tout d'un coup on tombe comme des masses.
OK, Patapon, la Grande Epicerie, y'a des chances qu'on y passe. Lafayette Gourmet, c'est ce que je disais "trop luxueux et bordélique" et on n'a pas trouvé de kombu. Mais ça y est, on en a eu. je vais y revenir...



Mardi 28 novembre 2006. Un bout par ci...

Déjà ! (Cette fois, Philippe a gagné !... Mais l'avant et l'après viendront demain.)

Le lendemain soir...
C'est une journée où je reçois des livres. Celui de Jean-Philippe Toussaint et celui d'Henri Meschonnic. Une belle journée, avec des amis aussi. Et pourtant, venant du fond de moi, de l'énervement. Celui de rater des bus qui m'auraient fait gagner du temps, d'avoir marché en n'en voyant pas arriver et d'en voir un se pointer quand je suis loin de l'arrêt — et encore trop loin de l'arrêt suivant. La tentation d'aller plus vite se retourne contre moi. Puis plus tard, l'énervement par des restaurants qui utilisent un répondeur téléphonique ou qui gardent porte close jusqu'à l'heure du service.

Ça commence avec le Balzar, en face de la librairie Compagnie. Je devais y réserver une table mais c'est complet pour ce soir. Passage chez Minuit, rue Bernard Palissy, vieil escalier, pièces meublées comme dans un film d'époque, mais une bonne ambiance, discrète. J'y viens pour la première fois et parce qu'on m'y a invité à passer retirer mon exemplaire numéro 8 de la Mélancolie de Zidane, avec photo couleur de l'auteur et dédicace signée... Je rate l'occasion d'emporter un grand panneau avec deux photos du stade de Berlin par Toussaint, déjà encollées sur un support rigide. On me le proposait et j'ai bêtement répondu que je n'aurais pas la place dans l'avion — réponse que je regrette dans les secondes qui suivent.

Retour fissa dans le cinquième pour déjeuner avec Laure Limongi et Philippe De Jonckheere aux Fontaines, rue Soufflot. Il m'attendait sur les marches, elle arrive juste après. On prend la même chose, une assiette gourmande. Et comme je faisais remarquer au serveur que ma tranche de foie gras était plutot riquiquie par rapport à celle des deux autres, il nous rapporte trois tranches correctes... Mêmes cadeaux dans la conversation, que ce soit sur l'intime (on révise pour jeudi), sur la photographie ou sur Léo Scheer. Et s'il pleut un peu quand on sort, on s'en fout. Pour plus ample informé, voir Philippe...

Plus tard dans l'après-midi, je galère encore pour trouver un restaurant pour le dîner. Ce sera le Berthoud, rue Valette. Dîner avec les Meschonnic. Henri m'a apporté sa Dame d'Auxerre. Ayant bien retenu de quoi il s'agissait grâce à France Culture, un Tout arrive où il était invité en compagnie de Michel Onfray, nous pouvons débattre de l'historicité des commentaires d'archéologues et de ce que ça révèle de chaque époque. Puis il sera question de dépoussiérer Saussure, sujet également d'actualité. De choses plus personnelles aussi, évidemment, comme la santé, les fois où l'on s'est raté, la soutenance de T., des nouvelles des amis.
Mais encore une fois, je le félicite pour Célébration de la poésie, qui vient d'ailleurs de sortir en poche. Dans cinquante ans et plus, quand on voudra savoir ce qu'il en était de la poésie vers la fin du vingtième siècle, c'est un des livres que l'on consultera.


Mercredi 29 novembre 2006. Faire sommaire (ou sommeil).

Je n'y arrive plus, là. Je vais faire sommaire (ou sommeil).
Très tôt le matin : fin de préparation de ma communication.
Et j'imprime.

Répétition de la manœuvre pour T. qui ne viendra qu'en fin de matinée à la BnF demain : bus 89 à Cardinal Lemoine jusqu'au terminus. Descendons, entrons et visitons le Petit Auditorium en coup de vent.
Traversons la Seine par la passerelle ensoleillée Simone de Beauvoir puis prenons le 24 jusqu'au Pont d'Austerlitz, grâce à l'enseignement de Christine en septembre, enfin à pied jusqu'à la rue de Sévigné pour retrouver Marguerite, notre Marguerite revenue du Japon depuis quelques mois, dans un restaurant sans enseigne ni carte extérieure, l'Osteria, au 10 de ladite rue.
Cuisine italienne vraiment bonne, et note un peu salée, mais quel bon moment ! Dans notre petite intimité à trois, un sommet de ce voyage.
Vers 15h30, je vais chercher Bikun qui m'attend à Saint-Paul et le ramène pour prendre un café avec nous.
Marguerite nous quitte pour prendre le métro à Saint-Paul, après nous avoir fait visiter la cour de l'hôtel de Beauvais, d'où Mazarin vit entrer Louis XIV dans Paris en 1660, écrit-on, ce qui fait frémir T. d'aise — mais ça n'a rien dû lui dire de bon, au cardinal, parce qu'il est mort dans l'année, le pauvre...
Allons voir les épices chez Izraël, manière de clôre la promenade de l'autre jour avec Dominique Meens — de qui j'ai justement un courriel ce soir pour me rappeler qu'il y a le troisième volet de son adaptation radiophonique de l'Ornithologie du promeneur ce soir dans Surpris par la nuit. C'est-à-dire exactement maintenant pendant que j'écris...
Mais, hélas, décidément, cette semaine, toujours pas de temps pour la littérature...
Marche avec T. et Bikun dans la lumière déclinante, lune montante, ponts de l'île Saint-Louis, jusqu'à la Sorbonne. Puis T. et moi seulement en bus jusqu'à la Bagagerie, rue du Four, où elle a repéré un sac-valise au format bagage en cabine. Puis un coup de 63 qui se transforme en 27 vers Saint-Michel pour aller faire nos courses chez Kyoko, rue des Petits-Champs (ainsi est-on prêt pour le nabe de vendredi soir).
Retour chargé.

Commentaires

1. Le mercredi 29 novembre 2006 à 15:07, par Bikun :

Berlol, je vais tenter de venir demain (mon rdv dentiste a été annulé!) à ta conf...rappelle moi l'heure et l'endroit exacte pour venir?

2. Le mercredi 29 novembre 2006 à 21:14, par Berlol :

Atelier du livre : "Editer l'intime ?"
BnF, site F. Mitterrand
Petit auditorium
Vers 15 heures, mais vaut mieux venir pour la reprise de 14h30.
A toute !

3. Le mercredi 29 novembre 2006 à 23:37, par grapheus tis :

Woaouhh ! Les chanceux qui vont entendre "l'intime" !
À quand les vidéoconférences de la BnF pour les provinciaux plus éloignés de Paris que l'universitaire de Nagoya. Bon vent, Berlol !

4. Le jeudi 30 novembre 2006 à 00:36, par Dabichan :

Sarkozy s'est déclaré candidat ? Non, sans blague !
Dans son papier de verre, Hervé Le Tellier commente :
"La rupture tranquille", bel oxymoron sarkozien. On pense aussitôt à la cuisine anglaise, la musique militaire, l'intelligence économique ou la philanthropie libérale.
Ça m'a fait sourire après une lourde journée de trois cours (dont un renforcé des effectifs de notre ami Berlol... Tout s'est d'ailleurs fort bien déroulé !)

5. Le jeudi 30 novembre 2006 à 02:02, par jf paillard :

désolé, mais finalement pas pu monter à Paris... je serai volontiers venu à cette conférence... bon débat ! jf p

6. Le jeudi 30 novembre 2006 à 03:33, par brigetoun :

tout ça merveilleux même si la rue de Sévigné a bien changée comme boutiques depuis que j'y vivais il y a près de cinquante ans - reste à franchir la mastaba de la BN et là j'en suis incapable

7. Le jeudi 30 novembre 2006 à 08:33, par Bikun :

Bon désolé, je n'ai pas pu venir, occupé sur mon projet de diaporama...



Jeudi 30 novembre 2006. Couvercle entièrement gris et bas.

Fi-ni ! C'est fini ! Six mois de préparation en mode mineur, plus un mois en mode intensif avec option semaine élagage, pour préparer 30 minutes d'Effets d'intime dans l'écriture réticulaire !
Et ce, le jour où l'hiver se décide à nous tomber sur le rable. Et Méchamment, encore. J'étais à l'arrêt du bus 89 à 8h45, sous un couvercle entièrement gris et bas — à vrai dire, un temps de fin-novembre. Puis sur l'esplanade de la BnF à 9h20...

La suite au prochain épisode (C'était histoire de poster quelque chose, quoi !...).

Le surlendemain (une première dans la tenue du JLR)...
Je m'aperçois bien sûr que comme à chaque fois qu'il y a ce genre d'événement, il m'est impossible d'en faire un compte rendu. D'abord parce que l'honnêteté me pousserait à entrer dans des détails de restitution qui prendraient à être écrits plus de temps qu'il n'en ont pris à être vécus. Et qui me demanderaient en outre des efforts de mémoire que je ne puis fournir. La transcription des enregistrements serait alors nécessaire pour être fidèle à ce qui s'est dit... Mais alors pourquoi recourir à la transcription si l'on peut diffuser l'original ?...
Or une telle diffusion, que d'aucuns pourraient dire sauvage ou illégale et que pour ma part je trouverais simplement démocratique, n'est pas prévue par ce qu'il est convenu d'appeler au Japon dans le cadre des invitations officielles la puissance invitante. J'aurais donc des gants à prendre.
Une autre solution consisterait, comme je l'ai un peu fait à Cerisy l'an dernier, à chroniquer les à-côtés, les anecdotes marginales, le climat. Mais comme je l'ai déjà fait...

Ou bien à attaquer bille en tête. Philippe Lejeune, Françoise Simonet-Tenant et Claire Paulhan pour avoir pris trop de temps. Catherine Viollet pour avoir pensé jusqu'à la fin que la salle allait la manger, ce qui faisait sa langue hésiter et son débit cahoter. Philippe Artières pour avoir présidé débraillé et pour avoir été injuste avec la troisième intervenante après avoir été laxiste avec les deux premiers — mais remarquable aussi dans les propos de transition, et noble de sa part d'avoir renoncé à son intervention à cause du retard pris (sachant qu'il sera invité prochainement à une autre conférence à la BnF). Moi-même pour ne pas m'être spontanément présenté à Philippe Lejeune (et l'occasion ne s'est plus présentée, et son départ précipité...). Mais rien là de grave ou d'irrémédiable.
Alors plutôt remercier : l'équipe d'organisation et les personnes qui ont pensé à moi, à me proposer de venir, de si loin ; les personnes qui m'ont encouragé à ne pas faire un exposé carré, et qui m'ont soutenu quand je pataugeais dans l'océan saumâtre des blogs dits intimes ; les autres intervenants de qui j'ai appris somme toute pas mal de choses (d'où l'intérêt d'écouter les autres, dans un colloque, et de ne pas seulement venir faire sa communication et repartir comme on le voit trop souvent — sont-ils tellement occupés ou imbus d'eux-mêmes ceux qui n'entendent pas écouter les autres ?).

Déjeuner (privé).
Puis au café, toujours à l'intérieur de la BnF, on retrouve Sereine Berlottier, Laure Limongi, Philippe De Jonckheere, dans la salle Isabelle Aveline, Cécile, Nathalie, Constance. Mais pas Marguerite, tiens...

Bon exposé d'Oriane, qui aurait mérité d'être un peu plus long.
En ce qui me concerne, connexion très rapide en effet, qui donne de la fluidité à mon intervention. Juste dommage qu'on n'ait pas le son, cela m'oblige à narrer la séquence finale (Philippe dit que c'est encore mieux comme ça...).

Beau débat qu'essaie d'animer Antoine Perraud comme si c'était un feu Tire ta langue — et il s'en tire bien, si je puis dire... Des lignes de fracture se manifestent entre deux types de pratiques que je ne peux me résoudre à séparer en deux mondes — nous sommes tous dans le même (bateau). Des cultures, des pratiques, des métiers, des obligations et des addictions nous font, chacun d'entre nous, être de mêmes groupes et de groupes différents. Ainsi Sylvie Gillet et Philippe De Jonckheere qui manifestent des pratiques peu conciliables, plutôt qu'ils n'appartiennent à des mondes différents, si l'on voit la nuance.
Malheureusement, il n'a pas été ménagé au préalable un moment d'intimité entre les futurs débatteurs (comme je l'ai fait avec Laure et Philippe), temps d'un cernement et d'une mesure de l'autre qui permet souvent d'éviter les malentendus d'une parole cueillie à froid — ce qui ne manque pas d'arrivée. Et le débat sur l'intime passe derrière une lutte verbale entre des pratiques qui se clivent pour se différencier, se défendre, se faire exister, en dépit du sens profond de la parole de l'autre. Bref, Sylvie Gillet jette des pavés en croyant lancer des gravillons, elle finit malencontreusement une phrase en parlant d'état solide de l'écriture, pour le livre et son métier d'éditrice, forcément opposé à des états liquide et gazeux, ce que Philippe prend à raison pour lui présentement... Et vogue la galère.
On entendra cela ultérieurement, si j'obtiens le droit de diffuser.

Pendant que T. passe la soirée chez un émérite professeur dixseptiémiste, je me retrouve dans l'entrée de l'auditorium avec Cécile, Laure, Christine, Isabelle, Constance et... Philippe De Jonckheere (mais aucun des intervenants éditeurs...). Prenons le RER pour Châtelet et allons boire un coup en terrase fermée du Père Fouettard (où j'allais un peu dans ma jeunesse, les années 80), qui se transforme moins d'une heure après en dîner à cinq à l'intérieur (bonne entrecôte, en ce qui me concerne). On refait la journée, on règle des comptes, on s'esclaffe, on se met à la place des autres pour faire mieux qu'eux, bref, on décompresse. Quelle belle blog brochette !

J'ajoute ici le programme car il n'est pas sûr du tout que le site BnF — comble — conserve cette page... Au passage, je l'ai rectifié pour qu'il corresponde précisément à la journée que nous avons réellement vécue.

Bibliothèque nationale de France / Journée d'étude / Les ateliers du livre :
Jeudi 30 novembre : « Éditer l'intime ? »

L'explosion des blogs a donné ces dernières années une dimension nouvelle à la publication de "l'intime".Cette journée d'étude se propose d'apporter un éclairage historique sur ce phénomène, en se demandant quand et pourquoi l'envie d'écrire un journal intime est née, et quelles sont les caractéristiques propres à cette écriture. Elle retracera l'évolution de l'édition des journaux intimes, en présentant la démarche scientifique propre à ce type de publication. Elle s'interrogera sur ce qu'a changé, avec l'apparition d'internet, le passage du cahier à l'écran et sur la surexposition de l'intime qui en résulte. Une table ronde permettra enfin de débattre des effets du dévoilement de l'intime et du passage de l'écrit vers l'écran, du livre au blog .

Matinée : Éditer l'intime aujourd'hui
Présidée par Philippe Artières, chercheur en histoire, CNRS/IIAC (Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain) - EHESS

9h30 : Comment l'intimité est venue au journal
Par Philippe Lejeune, co-fondateur de l'Association pour l'autobiographie

10h15 : Tenir un journal intime (1830-1980)
Par Françoise Simonet-Tenant, maître de conférences à l'Université Paris XIII

11h15 : Éditer des écrivains morts
Par Claire Paulhan,éditrice spécialisée dans la littérature autobiographique et l'histoire littéraire du XXe siècle, IMEC (Institut Mémoires de l'édition contemporaine) et journaliste au Monde des Livres

11h45 : Diaristes russes francophones (XVIIIe - XIXe siècles)
Par Catherine Viollet, chargée de recherche à l'Institut des textes et manuscrits modernes (CNRS-ENS)

Après-midi : L'explosion du phénomène des blogs « intimes »

14h30 : Du cahier à l'autopublication en ligne : métamorphoses du journal personnel
Par Oriane Deseilligny, docteur en sciences de l'information et de la communication, pôle des Métiers du livre de Saint-Cloud, Université Paris X

15h00 : Effets d'intime dans l'écriture réticulaire
Par Patrick Rebollar, maître de conférences, Université Nanzan (Nagoya, Japon)

15h30 : Du cahier à l'écran : qu'est-ce que ça change ?
Table ronde animée par Antoine Perraud, journaliste
Avec Philippe De Jonckheere, auteur du site Le désordre ;
Sylvie Gillet, éditrice, éditions Calmann-Lévy ;
Laure Limongi, écrivain, directrice de la collection "laureli" aux Éditions Léo Scheer ;
Richard Figuier, éditeur en sciences humaines et sociales.

Commentaires

1. Le vendredi 1 décembre 2006 à 02:13, par jcb :

Formidable. J'espère que ce n'est qu'un début. J'attends les résultats de cette journée avec impatience et curiosité, et grand intérêt. Si tu pouvais donner tous les liens des communications ou discussions quand elles ont été transcrites ou mises en ligne...
merci.

2. Le vendredi 1 décembre 2006 à 08:08, par brigetoun :

mais le lisant, je grelotte. J'espère que la suite sera plus revigorante

3. Le vendredi 1 décembre 2006 à 10:13, par Berlol :

Il n'y a pas d'autres communications en ligne... Personne d'autre que moi ne fait ça ! Il y aura sans doute des suites mais pas sous cette forme, disons, directe... Hélas.

4. Le vendredi 1 décembre 2006 à 15:30, par jcb :

Oui, et pourtant Internet le permet non ?
Si les défenseurs d'Internet et ses possibilités extraordinaires d'efficacité ne le font pas, qu'en penser ?
mais je pense de Philippe dJ va nous faire partager
aussi quelques documents et réflexions.
mais les autres (Bnf...)?
Ils vont chercher à faire une publication écrite qui va demander 6 mois ou plus (financement, récolte des textes, retranscriptions, mise en page...) ?

5. Le samedi 2 décembre 2006 à 03:38, par brigetoun ou brigitte célérier :

il y a un long passage sur désordre avec le solide et le gazeux et les blogs caractériels. Passionnant - je me recroquevillais et sentais plus parasite que jamais.

6. Le samedi 2 décembre 2006 à 06:45, par christine :

totalement entre deux chaises (tiraillée entre mon appartenance professionnelle à la "puissance invitante" et mes amitiés réticulaires), ma position est inconfortable mais, après hésitation, j'opte pour le commentaire (jouant le jeu du blog) plutôt que pour le mail (off) car je souhaite te remercier publiquement pour le grand intérêt de ton intervention (merci de la proposer en ligne!) …
… et préciser, aussi, que Philippe et Laure, très injustement traités par leurs interlocuteurs (totalement excusables car sur la défensive et asticotés par un modérateur intéressant mais fort peu lénifiant), ont été remarquables et ont totalement retourné la discussion à leur profit, convainquant très probablement la majeure partie du public du grand intérêt de certains blogs (j'ai eu des échos dans ce sens de la part de collègues présents)
un grand merci également à T. (que j'ai eu grand plaisir à rencontrer) pour son cadeau impromptu et si japonais qui m'a beaucoup touchée ...

7. Le samedi 2 décembre 2006 à 06:57, par christine :

j'oubliais quand même : je te trouve injuste avec les intervenants du matin : Philippe Lejeune (passionnant et pétillant) et Françoise Simonet-Tenant s'étaient vu accorder 45 minutes chacun et n'ont par conséquent pas tellement débordé, Claire Paulhan un peu en revanche car elle était comme toi contrainte dans 30 courtes minutes, d'où le rappel à l'ordre ... et pourquoi "débraillé", Philippe Artières ? parce qu'il n'avait pas de cravate ? j'ai trouvé sa chemise verte ouverte très élégante, moi...

8. Le samedi 2 décembre 2006 à 07:20, par Laure L :

... c'est vrai que c'était un drôle de dialogue de sourds cette table-ronde... assez instructive en même temps - quant à la capacité de désinformation de certains...
J'ai été très heureuse des moments passés en votre compagnie, ô internautes namedroppés par Berlol - ainsi que Berlol lui-même, bien entendu - , et des discussions échangées... il y a encore beaucoup à penser, écrire, partager... À bientôt !

9. Le samedi 2 décembre 2006 à 13:30, par Berlol :

Merci, Christine, pour l'option. Outre la question du temps et du fait d'avoir bousculé C. Viollet qui ne le méritait pas, les exposés de Lejeune et de Simonet-Tenant étaient excellents. Je n'en disconviens pas. Pardon de faire bref, on y reviendra...

10. Le dimanche 3 décembre 2006 à 01:33, par Laure L :

... J'ai, pour ma part, publié ici : rougelarsenrose.blogspot....
mes notes préparatoires à la table-ronde... rien à voir avec une communication écrite et pensée comme telle, donc ! Ce sont juste quelques réflexions et notations descriptives jetées à la va-vite…

11. Le dimanche 3 décembre 2006 à 03:15, par Berlol :

J'ai vu, oui, et c'est très très intéressant. François Bon l'a déjà chroniqué ! Rapide, l'ami ! On va continuer dans cette direction. Mon départ ne met un terme à rien... (Heureusement.)

12. Le dimanche 3 décembre 2006 à 06:10, par christine :

sans égaler la vitesse de réaction de FB je me suis permis de relayer à mon tour ces notes, Laure, qui sont passionnantes et permettent de lire ce qui malheureusement n'a pu être dit
je me rends compte en rédigeant ce commentaire qu'il eût été plus logique de le laisser chez rougelarsenrose : cela démontre (s'il en était encore besoin) à quel point ton salon réticulaire, berlol, est devenu l'endroit où l'on cause : même reparti (je sens un peu de mélancolie dans ta remarque) tu es encore là ...

13. Le dimanche 10 décembre 2006 à 11:41, par Laure L :

... en épilogue, une "lettre à internet" de Christophe Atabekian ici :
xacha.livejournal.com/195...


©Berlol, 2006.