Journal LittéRéticulaire de Berlol
Version quotidienne ICI
Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Mai 2006

<< . 1 . 2 . 3 . 4 . 5 . 6 . 7 . 8 . 9 . 10 . 11 . 12 . 13 . 14 . 15 . 16 . 17 . 18 . 19 . 20 . 21 . 22 . 23 . 24 . 25 . 26 . 27 . 28 . 29 . 30 . 31 . >>


Lundi 1er mai. Toutes ces fusées !

Dans Arrêt sur images d'hier, débat sur la véracité documentaire dans le film Le Cauchemar de Darwin d'Hubert Sauper. Titine, Michel et moi étions allés le voir au Racine Odéon le 27 mars 2005 et n'avions pas attendu le retournement (partiel) de la presse pour ne guère apprécier que nos sentiments soient ainsi manipulés — tout en accordant qu'il y a un (ou plusieurs) problème(s) majeur(s). D'abord dithyrambique, la presse avait viré critique longtemps après nous, très récemment en fait, suite à la parution d'un article de François Garçon dans Les Temps modernes, n°635-636, nov.-déc. 2005, jan. 2006 : « Le cauchemar de Darwin, allégorie ou mystification ? »
Il doit rester une petite possibilité de défendre ce film en tant qu'œuvre de création, en restant au niveau symbolique dont le mot cauchemar serait l'indice. Petite, parce que la forme d'enquête de terrain voulue par l'auteur lui-même contredit de bout en bout cette liberté. C'est pourtant ce que défendent encore quelques critiques masque-et-plumiens devant le flot de courrier de protestation que lisait Garcin hier.
J'en profite donc (hé hé !...) pour détromper François Garçon que j'invite à lire le JLR puisqu'il dit, à 1:06:30, qu'il n'y a pas un seul site ou blog, sur 311.000 références Google et Yahoo, qui ait posé la question de la véracité du film...

Enfin réussi à me connecter sur le site de l'INA, victime trois jours de son succès. Première navigation dans les Archives pour tous et première sélection, par exemple, une émission de 1969 sur Détruire dit-elle de Duras. Ai mis ça dans mon panier, comme on dit. Je m'inscrirai pour payer (4 euros) un autre jour (quand j'aurai le temps de finir la visite du site). A priori, tout est payant, non ? Il est où le service public ?

Il fait près de 30 degrés. C'est à n'y rien comprendre. D'autant qu'on annonce une rechute à 15 ou 16 pour demain. C'est toutes ces fusées !...

Cela n'empêche pas le GRAAL d'avoir lieu, à la Maison franco-japonaise, comme l'ont souhaité les membres la semaine dernière. Nous concentrons nos efforts et commentaires sur deux textes de la Shaggå des sept reines sirènes : Court-Brouillonne I et Sole-Sole III (dans Nos Animaux préférés, Seuil, 2006).
Nous repérons bien la « faconde ironique » (p. 55) du chroniqueur historique qui va de prétérition (« Il ne sera pas ici traité de [...] », p. 39) en suffixation péjorative (beuglailler, p. 40) et, derrière lui, l'écrivain qui mixe savamment les champs lexicaux : celui des poissons (fictionnel), celui des contextes politiques (parodique) et celui des objets courants (contextuel), en s'autorisant de temps en temps une remotivation lexicale (« sentant flotter autour d'elle quelque chose comme une grâce » (40) où flotter vaut à la fois dans le sens imagé d'une ambiance et dans le sens propre du milieu aquatique, mais aussi « elle fraya avec des théoriciens du coup de force »frayer a le sens de se fréquenter, d'aller ensemble, mais aussi, pour des poissons, de déposer des œufs, d'être amants peut-être...).
Si l'on ne peut s'empêcher de voir comme des clins d'yeux aux œuvres de Rabelais ou de Borgès, par exemple, rien ne les rend non plus nécessaires. Le texte se suffit. On s'instruirait toutefois para-volodinement à lire d'illustres auteurs de mondes parallèles... Et chacun d'en citer un ou deux : les classiques Voltaire ou Cyrano de Bergerac, mais aussi Jonathan Swift, Franz Kafka, bien sûr, Lewis Carroll, Roy Lewis, Paul Scheerbart ou Gustav Meyrinck (ouf ! la nuit vient de passer !...), ou l'actuel Viktor Pelevine... Beaucoup d'autres sans doute, mais à la condition de s'intéresser surtout à de paradoxales ou extrêmes conditions de vie, de penser, d'être humain, de former société, c'est-à-dire sans trop s'apesantir sur les aspects techniques ou scientifiques qui plombent la narration de SF par ce qui revient à du réalisme. Le récit de Volodine est à la fois éthique, poétique et politique, comme dirait Meschonnic (et je pense parfois au souffle hugolien en le lisant). Car aux éléments littéraires et stylistiques recyclés doivent s'ajouter des bribes d'expériences personnelles, qu'il s'agisse des groupes politiques des années 60-70 ou des temps de désillusion qui ont suivi et d'où émane cette infinie tristesse du commentateur (p. 53-55).

Commentaires

1. Le lundi 1 mai 2006 à 19:58, par Manu :

Je savais que le site de l'INA t'intéresserait.
J'avais songé à t'envoyer cet article, mais je me suis dit, à raison donc, que tu étais déjà au courant.
www.vnunet.fr/actualite/t...
Ceci dit, si tu veux en savoir un peu plus sur la proportion de contenu gratuit et les objectifs d'évolution, jette un coup d'oeil.

2. Le mardi 2 mai 2006 à 06:26, par Berlol :

« les champs lexicaux : celui des poissons (fictionnel), celui des contextes politiques (parodique) et celui des objets courants (contextuel) »
Je m'aperçois un peu tard que j'ai compté la guillotine dans les objets courants. Ce qui me fait la considérer telle, c'est que dans ce monde-là, on peut en commander une par catalogue. L'activité de commander sur catalogue, qui est bien une activité courante de notre temps (encore qu'elle pourrait être globalement remplacée sous peu par la commande en ligne), sous-entend la disponibilité courante de tout ce qui s'y trouve, donc un sème "courant" prêté à tout objet, même improbable et lointain comme une guillotine...
Merci, Manu ! La lecture de l'article est instructive. Faut que je retourne sur le site INA parce qu'en une demi-heure, je n'y ai vu que des contenus payants. J'ai dû prendre un mauvais embranchement quelque part. Non que je veuille absolument que tout soit payant...



Mardi 2 mai 2006. La campagne sans télévision ni climatiseur (pas nous).

Jour de congé et de pluie. En effet, on est retombé à 16 degrés. Le fil d'avril s'est cousu au mai.
Pour être définitivement sûr de ne pas devoir acheter l'Histoire de la France littéraire (et de faire quand même une sacrée économie), il faut regarder les quinze premières minutes du Bateau livre d'avant-hier, avec Michel Prigent. L'affligeant hommage à Beckett qui vient juste après est aussi un grand moment de bêtise télévisuelle — malgré la bonne volonté (ou bien c'est ça, le pire...). Le reste, ce n'est même pas la peine (j'ai testé pour vous).
Mieux vaut aller sur Canal Académie. Ou carrément partir écouter Christophe dans Ubik !
D'autant qu'il y a autre chose à se mettre entre marteaux, enclumes et étriers : le début de l'histoire de la Nouvelle Vague en feuilleton par Jean Douchet himself, en harmonie avec Marin Karmitz & Christian Boltanski qui dialoguent À voix nue pour la semaine, avant d'être ce soir Surpris par la nuit avec la longue histoire des formes brèves...

Brève aussi, la carrière de Bikun au Tadjikistan ! N'étant ni en mission officielle ni marié à sa compagne en mission, il se voit obligé de quitter le pays. Trouvera-t-il le moyen d'y retourner ? C'est tout ce que nous lui souhaitons, puisqu'il le souhaite. En lui rappelant que le mariage peut aussi (devrait surtout ?) être considéré comme une simple formalité administrative, cependant révéré presque partout dans le monde — surtout si les liens entre les deux personnes sont véritables...

Deux ou trois orages arrosent Tokyo pendant que je travaille et que T. donne des cours. C'est de saison...
Je fais une pause cinéma. Devinette : quel film ai-je regardé ? (Cf. photo ci-contre...)
Puis c'est l'heure du dîner avec une amie, Ako, que nous n'avions pas vue depuis plus de deux ans (très occupée, elle aussi). Le Saint-Martin avait été réservé puisque Yukie la connaît aussi de longue date. Conversation roulante et amusante sur les déboires universitaires des uns et des autres, sur les préparations de thèse et sur les ripailles de soutenance, sur l'art d'habiter la campagne sans télévision ni climatiseur (pas nous), sur la cuisine du XVIIe siècle... Chiadé, quand même.

Commentaires

1. Le mardi 2 mai 2006 à 09:19, par Toto :

un Pasolini, c'est certain, mais lequel... "Les Contes de Canterbury" ? ou "Les Sorcières" ?

2. Le mardi 2 mai 2006 à 17:54, par Berlol :

Éééhh... Pas mal ! Bon début ! Encore un petit effort...

3. Le mercredi 3 mai 2006 à 00:45, par grapheus tis :

Et pourquoi pas le Décaméron ?

4. Le mercredi 3 mai 2006 à 01:30, par arte :

Les poupées russes 2 ?

5. Le mercredi 3 mai 2006 à 02:09, par Berlol :

Oui, le Décaméron, bien sûr ! Bien vu, cher Grapheus ! Ce charmant jeune homme va se faire plumer, tomber dans la merde (au sens propre), être enfermé dans le sarcophage d'un archevêque pour en resortir la bague au doigt...

6. Le mercredi 3 mai 2006 à 07:40, par arte :

Ben c'est ce que j'avais dit, hein ...

7. Le mercredi 3 mai 2006 à 09:36, par k :

c'est un film gore

8. Le mercredi 3 mai 2006 à 09:43, par Berlol :

Plutôt un film ogre...



Mercredi 3 mai 2006. Telle côte battue par les vents.

Reprise de JCB, notre muguet !

Il y a juste un an, j'étais dans les bambous et les tombes de la famille de T., son père était vivant, elle doutait de pouvoir finir sa thèse et hésitait beaucoup à m'accompagner à Cerisy en août. Aujourd'hui, elle range de fond en comble sa documentation, masque respiratoire sur le visage, tous livres éparpillés dans les pièces, de grands sacs poubelles déjà bien fournis. La balade prévue tombe à l'eau — à la poussière, plutôt, car il fait grand soleil. Alors après quatre heures de travail devant mon écran, je sors tout seul, casque sur les oreilles et appareil photo autour du cou.

Il y a des interstices
Il y a des ciments
Qu'on ne me dise pas que la vie n'est pas belle

Et c'est encore Bouvard et Pécuchet veulent écrire un livre qui m'accompagne (I et II). Cinquième ? Sixième écoute ? Je ne m'en lasse pas. Et je n'ai pas fini de comprendre tout ce qui se dit. Pourquoi écouter le bruit de fond urbain et les banalités émises autour de moi quand je peux entendre et entendre encore d'aussi belles paroles que celles de Pierre Michon, Dominique Meens, Pierre Bergounioux, etc. ? Je ne veux pas être élitiste. Je veux juste, selon mon goût, ne pas perdre (tout) mon temps.
Déjà plusieurs fois, ce genre de promenade, avec vision d'environnement tokyoïte & audition littéraire francophone, a produit sur moi cet effet spectaculaire : un renforcement de la mémoire d'un sens par l'autre, et réciproquement. Telle promenade faite en écoutant Christine Angot, par exemple : pensant à ces rues, angles ou perspectives à l'est de Ginza, je me remémore parfaitement la séquence de propos qu'elle tenait ; inversement, en entendant chez Meens un certain ton emporté que j'adore, de défense ou de revendication de la littérature comme la vie-même, je ressens l'émotion que me procurait Angot... et je revois involontairement les perspectives urbaines associées.

Les rues d'aujourd'hui sont tièdes, pleines d'enfants et de voitures silencieux (à cause du casque), au moins jusqu'à Korakuen où la foule devient plus dense, plus joviale puisque ce sont les abords du Tokyo Dome, ses boutiques, ses attractions gigantesques. Je retourne ensuite pour la première fois depuis 14 ans dans le quartier très calme de Koishikawa, où tout a changé, où la plupart des maisons ont été remplacées par des immeubles et beaucoup de rues ont changé de tracé ou sont carrément nouvelles, au point que je découvre des temples jamais visités et que je ne retrouve pas la résidence de Waseda où mon ex et moi avions été installés pour un mois avant d'habiter l'arrondissement d'Itabashi — on n'imagine pas combien ces premières images urbaines sont gravées profond, et disproportionnées : ces distances qui me paraissaient grandes, telles arcades abritant les trottoirs, telle côte battue par les vents, sont aujourd'hui ridicules, et banales, ou plus simplement normales, habituelles, même si je n'habite pas ce quartier, qui a dû devenir très cher, d'ailleurs.

« Désormais, nul ne peut écrire qu'il n'ait au préalable lu, sans quoi il a toutes les chances de s'engager dans un projet mort-né parce que, à son insu, il appartiendra déjà au passé. Il faut que vous soyez vos propres contemporains. Et donc que vous ayez en quelque sorte traversé et repoussé les morts, les vieux qui encombrent votre route. Il est extrêmement facile de demander à des morts de nous donner la forme du présent, mais à son propre insu on s'est fait soi-même. Proust a passé, Beckett a passé, Faulkner a passé. Ils ont tous passé et chacun d'entre eux s'est taillé une route merveilleuse, resplendissante dans le monde. Comme il serait simple de parodier Faulkner, de plagier Proust. Non, non, non, l'heure est neuve et il appartient à chaque génération, on l'a dit, d'inventer la forme qui soit la sienne. Donc, il appartient à chacun d'entre nous d'être son propre contemporain, et non pas une sorte de succédané ou d'épigone de ceux qui furent et ne sont plus. C'est pour ça qu'on a les cheveux qui se dressent d'épouvante sur la tête lorsque c'est notre tour de nous avancer.» (Pierre Bergounioux dans Bouvard et Pécuchet veulent écrire un livre, II)

« On m'a nommée là. Je suis en charge du registre. J'y couche les événements importants.
— Tu sais écrire ?
— Oui, se rengorgea l'humain. On est encore plusieurs comme ça.
— Combien ?
— Une bonne dizaine.
— C'est beaucoup, fit Wong. J'ignorais.
— On nous envoie tenir les registres. Pour les générations futures.
— Celles-là, il y a peu de chances qu'elles sachent lire, dit Wong.
— Elles seront peut-être comme moi, soupira Tatiana Crow. Je sais écrire, mais je ne sais pas lire.
— Boh, pour ce que ça sert, dit Wong.
Il s'était approché du bitume. La rive n'était pas fiable. Il recula.»
(Antoine Volodine, Nos Animaux préférés, p. 143-144)

« [...] tout le bois et toute la houille se seront convertis en acide carbonique — et aucun être ne pourra subsister.
— Nous n'y sommes pas encore, dit Bouvard.
— espérons-le !, reprit Pécuchet.»
(Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, 1881)

Commentaires

1. Le mercredi 3 mai 2006 à 12:30, par Bartlebooth :

J'allais dire : faut être maso pour écouter Angot en promenade, voire ne serait-ce que des émissions littéraires : perso, j'aurais balladeur ou lecteur mp3, j'écouterais des choses qui pulsent un peu plus...
Je rectifie : - j'allais dire : haha cette interview, merci berlol, qu'est-ce qu'elle m'a fait rire l'angot !, mais non : - faut être sacrément maso ou sous stupéfiant pour la réécouter en promenade
haha

2. Le mercredi 3 mai 2006 à 12:31, par Bartlebooth :

haha,
merci berlol, vraiment, je me marre à la réécouter

3. Le mercredi 3 mai 2006 à 12:38, par Bartlebooth :

etc, parce que tout ça, et voila

4. Le mercredi 3 mai 2006 à 16:23, par Berlol :

Caustique, ce soir ! (ou bourré ?)
D'ailleurs, la critique est (trop) facile... C'est même un peu décevant.
Ceci dit, tu mets ce que tu veux dans ton baladeur. Des années durant, j'ai mis de la musique qui pulse, comme tu dis. Mais ça finit par avoir un effet soporifique, et la musique est dénaturée par l'écoute réduite aux seules oreilles. Alors que la parole...



Jeudi 4 mai 2006. Humains qui amblent majestueusement.

Dangereuse spécularité... avec des bons morceaux dedans. Ou cet excellent papier. Mes lectures du matin.
Et puis il faut quand même que je travaille (de 7h à 9h, mêmes horaires le soir d'ailleurs).

Après le petit-déjeuner, avec T. dans le soleil et les rues tranquilles (pont entre deux jours fériés), retournons à Korakuen où elle veut visiter un magasin de bricolage. Au passage, j'achète une Rover. Oui, enfin, je l'avais un peu prévu et puis j'hésitais entre une rover et une MG, j'avais besoin de l'avis de T., puisqu'elle pourra en bénéficier aussi, après tout, si elle veut. Le problème de la MG, que j'essaie sur le stand, c'est qu'il faut un peu garder les bras pliés pour conduire, la distance est plus grande avec la Rover, c'est plus confortable. Et puis les changements de vitesse de la Rover sont plus souples. Normal, c'est du matériel japonais. D'ailleurs, elle fait presque deux kilos de moins que la MG. Pendant ce temps, T. filme la scène : quand je fais demi-tour dans les dix mètres réservés aux essais alors que la foule circule autour, quand je demande en japonais comment on fixe le porte-bagage, quand j'explique que je vais la garer sur le balcon suite aux petits problèmes avec la copropriété...
Le marchand me montre comment la plier ; je l'aide un peu mais c'est simple. L'avis de T. est tout à fait positif, comme ça elle pourra elle aussi se remettre à la bicyclette, un peu, avant de décider une bonne fois pour toute si elle en veut une elle aussi. Livraison le 22 car ce stand Import Bicycle Fair installé dans le centre commercial et de loisir Laqua a pas mal de succès, et puis nous on ne peut pas le 19.

Enfin, on a trouvé la Fève. Pour déjeuner. Il s'agit d'un petit restaurant italien de Kasuga (tout près de Korakuen), qui porte un nom français et dont on avait repéré une autre enseigne vers Suidobashi. Plats de pâtes très bien servis, goût recherché et menus originaux, avec un service sympathique, la fève, quoi !

Visite du grand et beau jardin de Koishikawa Korakuen, très chinois, on s'y perd, pour revenir vers la littérature : outre du muguet fragrant dans un coin, nous y trouvons des quantités de très belles fleurs tigrées nommées shaga... de nombreux humains qui amblent majestueusement mais aucun de nos animaux préférés.

« Résumé : Recueil de nouvelles qui sont mises en rapport les unes avec les autres mêlant également des poèmes (shagga) et leurs commentaires. La structure de l'ensemble est pyramidale et organisée thématiquement. Ces contes mettent en scène des animaux : des crustacés, un éléphant, des poissons femelles et une sorte de harem à l'animalité incertaine.»

Ce résumé est complètement faux, sauf peut-être les huit derniers mots.

Commentaires

1. Le jeudi 4 mai 2006 à 09:58, par alain :

Faut absolument aller lire ce que collecte et ce qu'écrit Bartlebooth de et sur Brisset. C'est formidable. Moi aussi j'adorais depuis l'Anthologie de l'humour noir où je l'avais lu en premier.

J'écris ça là, je ne devrais pas.
Faudrait que je parle de musique avec Bartlebooth aussi.

Angot, j'en reviens pas que ça puisse te faire un effet quelconque, cher hôte.

2. Le jeudi 4 mai 2006 à 10:57, par k :

bah moi je l'aime aussi angot berlol

3. Le jeudi 4 mai 2006 à 17:48, par Berlol :

En effet, Bartlebooth sur Brisset, c'est top. Je l'avais mis en lien le 29 mars, déjà...
Sur Angot, c'est moi qui trouve suspect le blocage que beaucoup font. C'est à se demander s'ils ont ouvert un livre, ou s'ils ne seraient pas restés bloqués sur une certaine image médiatique, et quelques lignes lues en librairie avec le front déjà buté de ceux qui ont choisi leur camp avant de commencer. Décrispez-vous ! Libérez-vous ! Il y a certes une dimension hystérique dans l'écriture angotienne, mais elle en fait quelque chose de tout à fait considérable. Ma suspicion porte justement sur ce rejet de la dimension hystérique qui serait comme un réflexe, et donc regrettable...
Sinon, hé bien, qu'on me laisse avoir des goûts divers. J'ai déjà dit, d'ailleurs, pour la barre trop haute, n'est-ce pas ?...

4. Le jeudi 4 mai 2006 à 22:02, par alain :

Oui, Angot, peut-être l'image trop présente. Sinon, non, tu n'as pas le droit d'avoir des goûts divers. Je suis le redresseur de goûts. Barre toujours trop haute. Non mais.
Quant à se libérer ! Se libérer de quoi ? d'a priori ? de jugements à l'emporte-pièces ? Bien au contraire. Soyons crispés. Vivons crispés.
Aux chiottes, Angot ! Aux chiottes, la liberté !

D'ailleurs (pourquoi d'ailleurs ?), je viens de tomber dans Absalon, Absalon. Ah lala.

ce matin, 4 heures 25.

5. Le vendredi 5 mai 2006 à 00:44, par arte :

Une petite chouette est née. 4 cm, 8 grammes. elle fait "psi psi" (sans y hein !).
Une chouette effraie.

je vous tiens au gaz !

6. Le vendredi 5 mai 2006 à 02:49, par Berlol :

Alain, merci de m'étayer. Ça fait toujours réfléchir. Absalon, Absalon, total respect. Dans le firmament, parallèle à Beckett, se rejoignent à l'infini.
Arte, c'est chouette, une chouette ! On ! veut ! une photo !!! 8 g, comment tu sais ? Tu l'as pesée ?
A+

7. Le vendredi 5 mai 2006 à 04:54, par Bartlebooth :

Sur Angot. D'abord dire que je n'étais pas caustique, un petit peu bourré, soit, ce qui n'explique rien. Et qu'il n'est pas non plus question de crispation : je me crisperais à me retenir de rire en l'écoutant.
Ceci dit, c'est vrai qu'il y a une sorte de blocage, pas vraiment un : je ne résiste pas à sa lecture, elle m'indiffère. J'ai pu la feuilleter en essayant de mettre de côté l'a priori, parce qu'on me disait : Angot, c'est pas si mal que ça, il s'y passe quelque chose. Mais non, vraiment, elle ne m'intéresse pas. J'ai assez à lire pour encore me forcer avec Angot et tâcher d'y trouver le minuscule qui me contenterait, d'ailleurs je l'ai déjà ce minuscule : elle a une manière intéressante de lire sa prose creuse.
Plus que le rejet que tu nommes, Berlol, l'hystérie en question est elle-même réflexe et rejet. A savoir si elle est regrettable, je ne sais pas. Certainement oui en ce qui concerne l' "image médiatique".
Sinon, je ne vois pas de problème à ce qu'on apprécie la prose d'Angot, qu'on la trouve "pas si mal" ou "considérable", d'autant plus que je ne l'ai pas vraiment lue. Ce dernier aveu est une condescendance car je défends l'idée que lire, même et surtout avec méfiance, quelques pages ou lignes en librairie, c'est lire : je ne suis pas obligé de me taper le bouquin pour me faire une idée aussi valable que celui qui le lit attentivement de bout en bout ; et même pire/mieux : je ne suis pas obligé non plus d'en avoir lu un moindre mot. Là aussi, c'est mettre la barre trop haute, s'il faut absolument dépasser le stade de l'entretien radiophonique risible, au contenu incroyablement pauvre, où l' "image médiatique" semble être un reflet fidèle d'une littérature crispée sur le médiatique, la réception, les critiques qui lui sont faites. Et elle, quand s'en libère-t-elle ?

8. Le vendredi 5 mai 2006 à 04:56, par Bartlebooth :

Merci de la recommandation publique, Alain. Tu dois avoir mon e-mail, tu peux écrire pour parler musique et autre.

9. Le vendredi 5 mai 2006 à 05:27, par Berlol :

Merci, Bartle. Je suis assez d'accord avec ce que tu dis sur le droit de lire comme ci ou comme ça, le temps qu'on n'a pas, etc.
En fait, les 3, 5 ou 7 qui commentez de temps en temps et depuis longtemps, je sais à peu près comment lire / interpréter ce que vous m'écrivez, même en mode très elliptique / lapidaire. En revanche, des lecteurs de passage se prennent régulièrement les pieds dans le tapis... Vous me direz, c'est de leur faute, ils n'ont qu'à lire plus attentivement, remonter en arrière, fouiller l'index, etc. M'enfin quand même, sans leur mâcher tout le boulot, si on peut éviter les grosses méprises...

10. Le vendredi 5 mai 2006 à 06:26, par alain :

Je suis donc ici en 1 et 4. Bon, ben, c'est moi. Mince de mince !

11. Le vendredi 5 mai 2006 à 06:47, par arte :

8 grammes, c'est rapport à la densité du poussin par rapport à l'oeuf.
Est-il possible de mettre une photo ici ???

12. Le vendredi 5 mai 2006 à 07:02, par Berlol :

Euh, en fait, je ne sais pas si on peut mettre une photo en commentaires... Je crois que non.
Tu peux pas mettre ça sur ton site ? Ou m'envoyer par mél pour que je la mette dans le billet du jour ?

13. Le vendredi 5 mai 2006 à 10:33, par Aline :

C'est ça, on va remonter en arrière et fouiller l'index... comme si on avait que ça à foutre !

14. Le vendredi 5 mai 2006 à 12:45, par arte :

Tant qu'on ne nous demande pas de fouiller l'arrière avec l'index ...

(Je sais, c'est cochon, mais tant qu'à faire parler de foutre !).

(laisse, Berlol, moi qui adore t'attaquer, j'aime aussi attaquer ceux qui attaquent... La fauconnerie (la bien nommée) me donne de petites poussées de prédation...).

15. Le vendredi 5 mai 2006 à 12:51, par arte :

Je précise à Aline que la contre attaque serait vaine, je la négligerai comme une merde. (petite guaneuse va !i).

16. Le vendredi 5 mai 2006 à 15:12, par cgat :

merci berlol pour le lien en forme de " quand même " de ce billet ...
Il y a de toutes façons travail et travail : en dépit de mes citations nietzschéennes je travaille aussi pas mal, et même s'il m'arrive de le déplorer, c'est le plus souvent du travail que je m'impose à moi-même.
En même temps lire Molloy (ou Angot, que j'aime bien aussi même si ça ne se fait pas dans mon entourage (pour répondre à bartlebooth elle me semble justement assez libérée des médias, qu'elle maîtrise fort bien) ) est-ce du travail ?
bon, j'arrête là les enchâssements de parenthèses peu compatibles avec le commentaire en bas de post ...



Vendredi 5 mai 2006. Le sens des pierres à sucer...

« Votre « sang n'a fait qu'un tour », dites-vous, « à la lecture d'un article de journal » ? De quel sang parlez-vous ? Et de quel tour s'agit-il sinon de ces tours que nous jouent les fantômes et dont Kafka disait qu'ils retournaient les mots dans sa main.» (Extrait de l'article de Christian Salmon aujourd'hui dans Libération, Interdit d'interdire Handke, relatif à la déprogrammation de Peter Handke de la Comédie française par Marcel Bozonnet)

le sang          le mur
chaque fois qu'il est question de sang
on va dans le mur

Au-delà du choix à faire (?), invoqué facilement, entre l'homme et l'œuvre, il y a un autre choix au fond de chacun. Entre l'éthique et l'esthétique, et lequel a priorité. Et d'être cohérent avec soi-même, d'avoir un système.
Suis-je quelqu'un qui donnera toujours priorité à l'éthique — l'esthétique fût-elle sublimement je-ne-sais-quoi ? Suis-je de ceux qui donneront toujours priorité à l'esthétique — l'éthique fût-elle détestablement je-ne-sais-quoi ? Voudrais-je qu'éthique et esthétique toujours s'accordent ? Et qu'est-ce que ça veut dire ? M'enfermerais-je, me draperais-je dans une époche, une retenue pour réfléchir (pendant que les orages passent, après on ne me demandera plus mon avis, je le donnerai peut-être, intempestif et superbe) ?

Marre du feuilleton des eaux claires ! Mon Dieu, la tête de Villepin, ces jours-ci ?!

Ici, c'est presque l'été. Énième relecture de pages de Molloy, pour le cours de demain matin. Mais sur le balcon, cette fois, au soleil, crayon en main, long drink tintant de glaçons à côté. Ça vous change le sens des pierres à sucer... Et puis, une heure après, pour alterner en beauté, quelques pages de Volodine.

Commentaires

1. Le vendredi 5 mai 2006 à 10:25, par grapheus tis :

En eaux plus que troublées avec la polémique autour de Handke !
« C'est le propre de la barbarie de propager l'inhumanité jusque dans le camp de ceux qui la condamnent. »
(Vaneigem - Rien n'est sacré, tout peut se dire)
Quand Handke franchit-il la limite ? Quand est-ce que, moi, qui le juge, je franchis la frontière ?
Ne sais pas ! Ne sais plus !

2. Le vendredi 5 mai 2006 à 10:44, par Aline :

chaque fois qu'il est question de sang
on va dans le mur

Ah bon ?!? dans quel sang (sens) ?

Ecris avec ton sang

3. Le vendredi 5 mai 2006 à 10:45, par Aline :

et moins avec ta tête

4. Le vendredi 5 mai 2006 à 12:54, par arte :

Oui, fais comme Aline, trempe l'index dans l'arrière, et écris avec l'index ...

5. Le vendredi 5 mai 2006 à 13:28, par ck :

Je ne peux pas. Impossible de cautionner une oeuvre, si belle soit-elle, lorsqu'elle condamne l'homme, l'autre. Idem pour les éditeurs. Stagiaire, je suis tombée par hasard sur une maison d'édition dite libertaire qui en réalité était négationniste, avait participé à la publication de la thèse de Faurisson. Ces gens-là ont aujourd'hui pignon sur rue. On ne peut pas accepter la publication de textes pareils. C'est insidieux, sincère, suffisamment pour paraître anodin, et convaincre les masses du bien-fondé du meurtre collectif. C'est ignoble. Et l'esthétisme fait partie de cette sincérité-là. Inacceptable.

6. Le vendredi 5 mai 2006 à 14:47, par Philippe De Jonckheere :

Sûrement que j'aurais préféré avoir Char dans mes amis que Céline, mais je préférerais toujours lire Céline, tandis que Char ne me fait pas grand chose.

Pour moi Marcel Bozonnet est un sot, qui fait semblant de découvrir que Handke sent le souffre (ce n'est pas exactement d'hier que Handke s'entête sur la question serbe). Et qui du coup s'offre le plaisir de parler dans les micros qu'on lui tend, ce qui est amusant c'est qu'il y parle presque aussi mal qu'un cycliste à qui on fait la même chose (tendre un micro __ j'essaierais de faire fois la prochaine mieux).

Handke on peut avoir envie de le mettre au ban, mais le censurer c'est se priver d'une écriture extrêmement singulière. J'ai toujours été sidéré de ne connaître que deux personnes qui avaient été transformées par la lecture de "mon année dans la baie de personne". Dans ma bibliothèque très mal rangée, je crois qu'il n'est pas loin de "la recherche", c'est à moitié un hasard, en tout cas c'est un voisinage qui n'est pas incongru. Pas pour moi en tout cas.

A part cela Handke est sûrement un très vilain monsieur, je n'irais jamais ramasser des champignons avec lui, mais qu'est-ce qu'il écrit bien! Doit on faire une liste des êtres parfaitement méprisables par excellence et qui ont laissé derrière eux des oeuvres indispensables. Il y aurait alors ceux qui ont mal vécu mais écrit sublimement, ceux qui ont bien vécu mais n'ont pas laissé des écrits fondamentaux, ceux qui ont à la fois bien vécu et laissé des écrits magnifiques derrière eux (Louis-René des forêts par exemple) et puis il y a ceux, en fait très nombreux quand on y pense, qui ont à la fois mal vécu et mal écrit.

Amicalement, Constance, Faurisson n'écrira jamais une ligne comme la plus mauvaise des lignes de Handke, on ne pourra jamais se tromper sur cette question. De même les pamphlets antisémites de Céline cumulent à la fois d'être odieux et d'être très piètrement écrits.

7. Le vendredi 5 mai 2006 à 20:25, par Aline :

Cher Arte, c'est avec plaisir que je te fouillerai l'arrière avec l'index ...

8. Le vendredi 5 mai 2006 à 22:48, par Artichaut :

"Je ne plaisante pas avec les porcs"
R.Char

9. Le vendredi 5 mai 2006 à 23:27, par le consul :

Le plus grave ne sont pas les propos de Handke, les thèses négationnistes, les idées malsaines... mais le fait que personne n'y réponde intelligemment. La démocratie c'est le droit de tout dire, mais aussi le pouvoir de répondre à tout... et aujourd'hui on a bien du mal à répondre... à moins que la fascination soit très insidieuse...
A Faurisson, Pierre Vidal Naquet a apporté la réponse la plus juste et la plus radicale. Qui répond aujourd'hui à Handke, Louise L. Lambrich sans doute...
www.inventaire-invention....

les écrits antisémites de Céline ne sont pas mal écrits... c'est là le problème aussi...

10. Le samedi 6 mai 2006 à 02:03, par arte :

Chère Aline,
"avec plaisir" et "avec l'index"... hummm, votre langue, madame... encore !!!
je note le futur à "je te fouillerai l'arrière". Je l'espère proche...

11. Le samedi 6 mai 2006 à 03:21, par Berlol :

"Avec plaisir et l'index..." Voilà un beau zeugma, ou je ne m'y connais pas ! Aline, suivez le lien d'Arte et allez faire vos affaires là-bas... Vous nous raconterez après...

Merci au "consul" de relever le niveau. Ceci dit, on est aussi dans la m... avec cette histoire. Je mets en ligne une émission des Matins de France Culture du 5 janvier 2005 dans laquelle Louise L. Lambrichs disait très clairement sa position. Émission que Bozonet n'avait pas dû écouter, sinon...
À ceux qui se demandent (encore) quelle est ma position (parce qu'il ne l'ont pas encore inférée du JLR), je répondrai que, passée une nécessaire période de réflexion, d'écoute, de lecture (Lambrichs et Olivier Py, par exemple) et de décantation (sas d'époche contre la réaction sanguine (joli fruit)), je reste de ceux qui font passer l'éthique avant l'esthétique.
Je comprends la déprogrammation pour ne pas cautionner institutionnellement les positions politiques de Handke (je ne comprends pas bien qu'il y ait eu programmation, d'ailleurs, puisque ces positions ne sont pas nouvelles, comme le rappelait ci-dessus Philippe — ce qui était peut-être le sens de la citation de Char par Art-t'es-chaud...). En revanche, il devient urgent de lire ou relire Handke, à tête reposée (et non pas avec le sang battant aux tempes des guerrier(re)s) — et peut-être pas seulement pour admirer la beauté ou le génie de l'écriture.

12. Le samedi 6 mai 2006 à 04:50, par le pseudo est obligé ? :

ce M6 ou je ne sais quoi, est-ce vous-même, Berlol, ou vraiment un quidam acharné à détruire votre blog depuis des mois quiconque y vient s'exprimer ? et je ne parle pas en mauvaise part, si je reviens ici c'est que j'y trouve mon compte - mais on aimerait compagnie, dans la mesure où elle s'incruste systématiquement, de meilleur aloi

13. Le samedi 6 mai 2006 à 04:52, par arte :

Mouaiii, ben moi, parler de position, ça m'excite !

Non, sincèrement, ceux qui jugent Bozonnet ne sont pas à la place de l'homme qui devrait nécessairement, un soir de première, serrer une main qui le dégoûte. Fut-elle celle d'un écrivain !
Idem concernant le mépris pour les cyclistes (mais oui mais oui, c'était une "image") : faites nous une belle déclaration sur l'esthétique à l'arrivée du mont Ventoux, et après on en reparle !

Simul et Singulis : « être ensemble et être soi-même » : C'est la devise de la troupe du Français. Voila la position de son administrateur ! Être soi-même. Voila un homme qui ne se contente pas de faire partir les trains a l'heure !

Handke voulait un débat, il l'a. Et on a le droit d'être en désaccord avec lui.
La censure serait d'interdire à un homme qui le serait (en désaccord) d'agir en conséquence. En l'occurence, c'est LUI, cet homme, qui dirige le théatre de la Comédie Française. Pas vous. Et voila un acte de DIRECTION de théatre... Après le ventoux, vous pouvez toujours tenter de postuler à la fonction !

Et je le remercie d'avoir fait entrer Novarina sur la scène de Richelieu !
(que je préfère à Handke... chacun son Poulidor).

P.S : Aline, vous faites du vélo ?

14. Le samedi 6 mai 2006 à 14:17, par k :

et v'la t'y pas qu'il va crié aline pour qu'elle............
j'croyez que ce que vous aimiez c'était quand on disparaissez tel les empreintes que le ressac efface sur le sable, faut savoir aussi
moi le ressac, les vagues,maintenant le sable ne m'égratigne plus, je m'y frotte juste un peu histoire d'avoir la peau douce

15. Le samedi 6 mai 2006 à 22:43, par Aline :

Ar, t'es chaud ! j'te farfouille !
avec l'index
et plus si humidité

16. Le dimanche 7 mai 2006 à 00:25, par le consul :

sauf que handke tient ses propos depuis des années... et aujourd'hui on les découvre, et on déprogramme... fallait pas programmer, et là il n'y avait pas de "censure"...

17. Le dimanche 7 mai 2006 à 00:33, par Berlol :

Oui, c'est pour ça que je dis que Bozonnet n'avait pas dû écouter l'émission avec Lambrichs (par exemple) et que je ne comprends pas non plus qu'il y ait eu programmation... (D'où l'avis de Philippe que Bozonnet est un sot...).

18. Le dimanche 7 mai 2006 à 00:36, par arte :

Sot ET courageux.

19. Le dimanche 7 mai 2006 à 00:37, par Berlol :

Mmoui... parce que c'est toi !...


Dans le Figaro du 5, article de Marion Thébaud :
« BEAUCOUP d'émotion hier à la Comédie-Française. Officiellement, Marcel Bozonnet, son administrateur général, évoquait la saison prochaine, mais la presse attendait surtout ses propos concernant la déprogrammation de la pièce de Peter Handke (nos éditions d'hier). D'entrée, il a affronté l'événement, très ému, indigné. « J'ai repassé le film de ces dernières années, de 1990 à nos jours. J'ai replongé dans l'horreur, dans ce nettoyage ethnique. J'ai été scandalisé par ce que Peter Handke disait, remettant en cause le travail des historiens, des correspondants de guerre. Peter Handke bafoue tout le monde. Je respecte la presse, ses spécialistes dramatiques, mais je respecte également les correspondants de guerre. Ce qu'ils ont rapporté mérite d'être analysé et non pas nié comme le fait Handke.»
Ne connaissait-il pas l'opinion d'Handke ? « Bien sûr mais quand Bruno Bayen m'a proposé la pièce, Handke ne s'était pas encore rendu coupable d'un acte décisif. Assister aux obsèques de Milosevic et tenir les propos du genre : « Le prétendu monde sait tout sur Milosevic. Le prétendu monde connaît la vérité. C'est pourquoi le prétendu monde est aujourd'hui absent. Le prétendu monde n'est pas le monde. Je sais que je ne sais rien. Mais je regarde. J'écoute... Je me souviens. Je questionne. C'est pourquoi je suis ici présent, près de la Yougoslavie, près de la Serbie, près de Slobodan Milosevic.» Cela m'a indigné. C'est une prise de position personnelle, que j'ai prise en conscience.» Lui, censeur ? Là encore, il se révolte : « Je ne suis pas un préfet. Je n'interdis pas qu'on mette en scène Peter Handke, mais je refuse d'inviter à la Comédie-Française un homme qui ne respecte pas les valeurs essentielles. C'est un problème éthique.» Pour finir, il a admis : « J'ai commis une erreur, c'est de programmer cette pièce.» Bruno Bayen refusant de mettre en chantier un spectacle de remplacement, c'est Marcel Bozonnet qui mettra en scène Orgie de Pasolini, en janvier, au Vieux Colombier.»

20. Le dimanche 7 mai 2006 à 01:45, par Aline :

à la Comédie-Française, on ne fouille pas assez l'index

21. Le dimanche 7 mai 2006 à 02:32, par k :

non plus daans la comedie del arte

22. Le dimanche 7 mai 2006 à 02:42, par Aline :

al fondo del arte

23. Le dimanche 7 mai 2006 à 04:38, par le consul :

si on fait passer l'éthique avant l'esthétique, on ne donne pas le prix goncourt à Proust, mais à Dorgelès... et pourtant ce fut l'inverse...
l'idéal c'est quand il y a les deux... c'est sûr. Mais l'éthique change aussi, parfois, souvent...
et la pièce de Handke est elle porteuse d'un message douteux et nauséeux, non ?? alors ??



Samedi 6 mai 2006. Transcendance atteinte, même brièvement.

Institut franco-japonais de Tokyo, 9h30, plein soleil pour la reprise du cours sur Molloy de Beckett, p. 91-100 de l'édition Double, soit la vie sur la plage, où il est question des suçages de pierres.
Il se trouve qu'après les « molys de la Lousse » (p. 72) et quelques mentions comme Ulysse, Geulincx, cénesthésie ou pandémonium, nous sommes autorisés à penser que Molloy a été cultivé, qu'il est plus proche de l'ermite savant (voire philosophe) que d'un crétin clochardisé par accident de la vie. Son idée, son envie, son besoin de sucer des pierres n'est donc peut-être pas totalement un truc inventé par hasard. De plus, il ne nous a pas habitués à se passionner pour quelque chose. Le voir échaffauder des systèmes, des martingales, et voir circuler, outre des pierres, des concepts, n'est donc pas indifférent. Ce n'est pas du remplissage pour « noircir encore quelques pages » (p. 91), mais bien quelque chose d'essentiel basé sur l'efficacité (du calcul et de la prévision) et la beauté (élégance et symétrie).
Mais en développant sa pensée, Molloy découvre qu'efficace ne rime pas toujours avec beau, qu'il faut souffrir de renoncer à l'élégance du concept opératoire pour être performant. Et ça, ça lui déplaît souverainement. Aussi, après avoir cherché passionément une solution pour être sûr qu'aucune pierre n'échappe au cycle de suçages et de changements de poches, il les abandonne sans regret. Il subit la tentation de la praxis, comme le dit Denis Gauer dans sa thèse, et la repousse comme Ulysse résistait au chant des sirènes...
Resterait à savoir pourquoi sucer des pierres (précisément) ? Pourquoi commencer ou quand finir de sucer telle ou telle ? Y a-t-il par dérision un jeu de mots sur la parole de Matthieu : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon église » (Matthieu, 16, 18) ? Un substitut du sein maternel ? Est-ce un rite cosmogonique ? Une pratique taoïste ?
Quoi qu'il en soit, une transcendance atteinte, même brièvement, par un rite matériel et organique, voilà qui n'est pas très catholique...

Du Saint-Martin au Faubourg Saint-Martin...

Pour refroidir mon moteur qui a un peu chauffé, on le voit, rien de tel qu'un déjeuner au Saint-Martin avec T. et Manu qui a fait le déplacement pour se taper enfin la salade aux gésiers qu'il convoitait depuis l'an dernier... Un bon moment de causette en compagnie d'une bouteille de bordeaux, qui se prolonge jusqu'à l'Institut où Manu retrouvera presque tous ses anciens collègues jusqu'à une heure avancée de l'après-midi, où T. et moi irons saluer Kuniko à la médiathèque, où j'emprunterai le Nom des singes de Volodine pour moi et Alto solo en japonais pour T. avant d'aller m'enfermer dans l'Espace Images voir un film d'un cinéaste totalement inconnu de moi jusqu'à ce jour, Jean-Claude Guiguet et son Faubourg Saint-Martin (1986) — étonnant mélodrame de la jalousie ordinaire, prétexte à montrer les rouages d'un hôtel un peu spécial. Françoise Fabian et Patachou y sont excellentes.

« On était amoureux des mêmes cinéastes et des mêmes films. Ensemble, nous avons revu tout Pasolini, dont on admirait l'univers. Je me souviens d'un soir où il m'avait emmenée voir Salò. Je trouvais le film tellement prémonitoire, tellement visionnaire, que j'étais bouleversée. Il avait dû me consoler toute la soirée.» (Françoise Fabian, interview au sujet de Jean-Claude Guiguet, propos recueillis par Jean-Marc Lalanne, dans Les Cahiers du cinéma ? — faut que je demande la référence du poly...).

Commentaires

1. Le samedi 6 mai 2006 à 09:29, par le pseudo est obligé ? :

était-ce votre poulet frites ? saucisson de cheval ? boudin pommes ?

2. Le samedi 6 mai 2006 à 17:30, par Berlol :

Moi, poulet-frites, T., moules-frites. Voyez ! Quand je ne le dis pas, on me le demande... ;-)



Dimanche 7 mai 2006. C'est un dimanche ou c'est pas un dimanche ?...

Bouclage d'un article... Je ferai ma journée demain.

Le lendemain pour la veille.
Nouveauté du ping-pong : Katsunori m'a proposé hier d'aller jouer avec Hisae dans une salle de Takadanobaba. C'est à deux stations, donc pratique. Et puis, j'ai habité à la station suivante, Ochiai, pendant quatre ans, alors il y a un petit côté pélerinage à venir au rendez-vous devant Big Box...
Mais quelle surprise ! C'est dans les ruelles de pachinkos et de love-hotels qui entourent la gare, un petit bâtiment en bois, comme une salle de kendo, avec personne, ce matin, et quatre tables... mais pas de climatisation, ce dont on s'aperçoit après une demi-heure de jeu, quand la transpiration perle et que ma défaite se profile — hélas — clairement. Pour aujourd'hui, ça passera, d'ailleurs il pleut. Mais en juillet, ça ne va pas être possible...
Essuyé, séché, changé, on se remouille dehors pour arriver au restaurant turc que propose Katsunori, Deniz, où l'on retranspire de plus belle — c'est sympa et c'est bon !

Après un bain en écoutant le 5e épisode de l'histoire de la Nouvelle Vague, quand tout commence vraiment (pour Freud et ses 150 ans, on verra plus tard), retour devant l'ordinateur pour boucler l'article que j'avais promis à Grapheus Tis pour la fin avril... Il y est question de ce qui se donne encore littérairement dans le réticule quand presque tout est devenu commercial. J'en reparlerai le moment venu. De 15 heures à 2 heures du matin, je ne décolle pas de l'écran, sauf pour un rapide plat de coquillettes à la ratatouille, là encore, bien relevé.

Balade réticulaire de quelques minutes pour refroidir la turbine à neurones et la mettre en sommeil...
Bardadrac, quelqu'un connaît ? C'est l'étonnant titre du dernier Genette... En allant sur le site du Seuil, je découvre la présentation de La Tentation des armes à feu par Patrick Deville lui-même ; une histoire de Mac Guffin, dit-il... Attendez une dizaine de minutes, c'est beaucoup mieux qu'au début !

Commentaires

1. Le dimanche 7 mai 2006 à 21:26, par Michel :

D'un côté, vous dites que votre blog n'est pas de la "littérature", mais une sorte d'aide-mémoire, de ramasse-miettes qui nourrit votre réflexion, et puis on tombe sur cette phrase, assez prétentieuse, non ?
"Il y est question de ce qui se donne encore littérairement dans le réticule quand presque tout est devenu commercial."
comme si ce réticule était le dernier bastion de la littérature ? On a parfois du mal à vous suivre.

(Je sens que le(s) caniche (s) de garde va rappliquer. Peu importe)

2. Le dimanche 7 mai 2006 à 22:26, par Berlol :

"comme si ce réticule était le dernier bastion de la littérature"... Ça, c'est votre lecture. Moi, je n'ai jamais dit ça. Mon expression est vague — je m'en excuse — parce que je ne veux pas révéler le sujet détaillé de cet article (encore que Grapheus en livre une "miette" sur son blog).
D'ailleurs, "ce qui se donne" est une forme impersonnelle dont vous devriez vous méfier : je ne suis pas en train de parler de moi et de ce que je donne (ce qui serait en effet assez prétentieux, le cas échéant), mais de toutes les ressources gratuites disponibles. Pour finir, quand je dis que mon blog n'est pas de la littérature, c'est parce que ce n'est pas à moi de dire si c'en est ou non, cela m'importe peu. Dans les trois épisodes de "Bouvard et Pécuchet veulent écrire un livre" (Cf. Surpris par la nuit sur France Culture), il y a une séquence où l'on demande à de vrais écrivains s'ils disent qu'ils sont écrivains. Que pensez-vous qu'ils répondent ?
On peut, certes, discuter. Mais si vous ne me lisez que pour m'asticoter et que ce que j'écris vous énerve, comme j'en ai l'impression, je ne comprends pas bien pourquoi vous revenez. Ce n'est pas moi qui vous force. A moins que vous n'y veniez malgré vous. Mais là, c'est votre problème. Pour ma part, j'ai cessé de visiter un bon nombre de blogs dont les contenus me tapaient sur les nerfs (après plusieurs vérifications parce que je crains toujours de me tromper). Et il y en a encore assez qui m'intéressent pour me bouffer tout le temps libre...

3. Le dimanche 7 mai 2006 à 23:05, par Michel :

Merci de votre réponse. Je comprends mieux ce que vous vouliez dire.

Concernant les vrais écrivains à qui l'on demande s'ils disent qu'ils sont écrivains, je ne vois pas le problème. S'ils hésitent à se dire tels, en sont-ils vraiment ? Je n'en dirais peut-être pas autant des écrivains que l'on appelle poètes : me rappelle ainsi comment Michaux ou Ponge refusaient de se dire eux-mêmes poètes. Ill y a là comme une certaine prétention à se dire poète, mais écrivain, je ne crois pas : c'est celui qui écrit, qui vit en écrivant et ne vit que d'écrire.

4. Le lundi 8 mai 2006 à 00:42, par grapheus :

Merci, Berlol, pour cette vue aigüe sur le "LittéRéticulaire" de la Toile, en souhaitant que les coquillettes relevées ont été de bon réconfort.
Les commentaires de ce jour me confirment mon hypothèse de travail quant à la place de l'Internet (la Toile) : que nous observions du côté des écrivains/écrivants (!) - ne vivre que d'écrire consacre-t-il un scripteur -, soit ; mais il importe de regarder sous l'angle du "lecteur". Et là, se pose et se repose, depuis l'alphabétisation de nos sociétés, le "lecteur" SAIT-IL lire ?

5. Le lundi 8 mai 2006 à 02:17, par Michel :

En effet, on préfèrerait parfois être analphabète, ou lire par exemple ceci de Michaux dans "Poteaux d'angle" :
" Dans une époque d'agités, garde ton "andante". En toi-même redis-toi toujours : "Davantage, davantage d'andante", tâchant de t'amener où il faut que tu arrives. Sinon, précipité, tout devient superficiel. Les indignés du moment n'y échappent guère, pressés qu'ils sont, afin de n'être jamais en retard d'une indignation. Leurs voix aussi ont trop d'aigu."
Faut-il se fatiguer à se demander si le lecteur sait lire ? ou faut-il se demander ce qu'un écrivain écrit ?

6. Le lundi 8 mai 2006 à 04:14, par Berlol :

両方... (les deux...)

7. Le lundi 8 mai 2006 à 05:00, par Michel :

?? Pardon, je ne connais rien de rien au japonais, mais je subodore cependant que vous voulez probablement dire "les deux à la fois", non ??
Je crois que la première préoccupation est une perte de temps, stérile, et une aliénation, écart par rapport à l'essentiel. Si vous écrivez et vous préoccupez du lecteur (sait-il lire ? que va-t-il comprendre ? que veux-je lui dire ? etc.), il y a fort à craindre que vous ne vous préoccupiez, même inconsciemment, de l'effet que vous allez produire, bon ou mauvais : vanité. Etre dans l'élan, spontané, sans ombre, sans miroir. Cette lecture récente de Michaux n'a fait que me confirmer dans cette conviction intime.
Il y aura toujours, quelque part, des lecteurs qui savent lire, et même s'ils ne comprennent pas tout, peu importe. De toute manière, ce que vous écrivez vous échappe et ne vous appartient même pas.
"Mes propriétés" ?

8. Le lundi 8 mai 2006 à 05:05, par Michel :

Petite précision au passage : je ne voulais pas vous asticoter, et si je suis revenu, c'est que je trouve bien quelque intérêt à votre journal.

9. Le lundi 8 mai 2006 à 05:47, par Berlol :

Merci. J'avais choisi "asticoter" parce que ça peut se faire tout en portant de l'intérêt...
Ce qui vous fait rejeter la première de vos propositions, c'est peut-être que vous vous mettez seulement dans la position de celui qui écrit, et qui, c'est mieux, en effet, n'a pas à se préoccuper de son lecteur (j'y souscris, Cf. 3e aporie, ou "qui ignore ses lecteurs / protège sa candeur"). En revanche, ce qui me fait dire "les deux", c'est qu'il m'arrive, en chercheur littéraire et quelque peu linguiste, piqué de sémiotique et de pragmatique, de vouloir comprendre comment fonctionnent la lecture et les lecteurs, selon leur conformation, leur humeur, leur culture, leur langue, etc. C'est comme cela que je me permets ensuite de guider des lecteurs, notamment des apprenants de français, pour mieux "lire" quelques œuvres littéraires, comme Beckett ce trimestre...

10. Le lundi 8 mai 2006 à 06:52, par Michel :

Très bien



Lundi 8 mai 2006. Limite floue entre l'indécidable et l'impossible.

Cette fois, Daniel Schneidermann a franchement été lourd — Chloé Delaume réussira-t-elle à synthétiser les protestations ? Il y a une interrogation suspicieuse et presqu'à charge (un interrogatoire ?) contre Denis Robert, au sujet de la première affaire Clearstream (la deuxième, l'actuelle étant peut-être un leurre pour masquer de bien pires agissements) — et aucune contre-enquête proposée par l'émission ! DS se permet même des insinuations franchement injurieuses. Ce sont les limites d'Arrêt sur Images : quand on n'analyse pas les images mais qu'on met en direct une personne sur la sellette. Regrettable. Il faut attendre 1:13:00 de vidéo pour qu'un message concret se fasse jour et que Denis Robert renvoie ses interlocuteurs dans les cordes. Peut-être était-ce nécessaire ?, me dis-je, finalement... Mais quand même. Limite.

Intéressantes séquences télévisées avec Patrick Modiano, sur le site de l'INA, signalées par le réseau Modiano.

Même si je n'ai pas été très performant aujourd'hui, d'ailleurs le ciel non plus puisqu'il pleuvait novembreusement, je me souviendrai quand même volontiers d'une petite heure du GRAAL consacrée à quelques pages de Balbutiar (p. 59-79 de Nos Animaux préférés d'Antoine Volodine), quand nous identifiions et différenciions ce qui venait d'un pédant récitant (volutes de style pour ridiculiser les conférenciers) et ce qui émanait formidablement de l'écrivain, redoutable dans la précision avec laquelle il se met à la limite floue entre l'indécidable et l'impossible — Balbutiar a les omoplates soudées au rocher, mais il a aussi des élytres, des pattes et des mandibules, ses viscères suent de panique, il se met à baréter et à glapir (p. 60-61, pour ne prendre que cela)... sans que jamais ces membres ou propriétés nous permettent de comprendre comment est l'animal. Au Palafox dont la forme évoluait au gré des vocables d'Éric Chevillard (Cf. Palafox, Ed. Minuit, 1990), Volodine oppose le Balbutiar dont la forme a priori fixe (figée, même...) reste inconnaissable, au sens propre inimaginable — ce qui pourrait bien être une mise en abyme discrète des œuvres de Volodine (en tout cas, celles que je connais pour l'instant), dans lesquelles l'image précise de ce qui est décrit reste inaccessible et devient le moteur même de la lecture.

Commentaires

1. Le mardi 9 mai 2006 à 08:37, par arte :

Cher Berlol. Xixibelle va bien. Stop. La maman huante. Stop. Photo à suivre. Stop. Rien compris aux débat précédent précedant. Stop. (qui me paraît incompréhensible mais Stop). Stop. J'en emmerde certain. Stop. Avec deux T. Stop. T'aime toujours, même si je te trompe. Stop. L'Autour devrait survivre. Stop. Poumon percé, lors du combat avec la Buse. Stop. Soigné à temps. Stop. T'aime toujours, même si tu me trompes. Stop. Tu aimes les caniches ? Stop ?
Stop !

2. Le mardi 9 mai 2006 à 09:52, par Berlol :

Xixibelle. Prononcer "chichibelle", je suppose. Sentiments réciproques. Never stop.

3. Le mardi 9 mai 2006 à 10:52, par arte :

Chichibèèèllla !!!

4. Le mercredi 10 mai 2006 à 04:16, par Michel :

Moi non plus, rien compris à ce que dit le caniche. De toute manière, ses propos sont souvent du genre : "vous puez, vous", "j'en emmerde certain", etc. : du sublime, quoi ! Ou alors, sur son blog, là oui, très bien : de magnifiques lettres ! Une belle anthologie, à la Pompidou. Mais bien evidemment, il s'agit des lettres d'autres personnes. Rien à voir avec le caniche. Continuez Monsieur Arte à entasser et emmerder, dans le style humour potache ; apparemment, c'est votre truc, et si vous ne comprenez pas autre chose, tant pis pour vous.

5. Le mercredi 10 mai 2006 à 04:19, par Michel :

limite floue entre la vulgarité et l'insignifiance



Mardi 9 mai 2006. Le risque et la nouveauté pédagogiques.

Bruine au deux bouts du shinkansen, qui deviendra pluie battante pour les cours de l'après-midi, puis poisse dans l'air du soir. Hier, je n'en croyais pas mes oreilles, T. m'avait dit qu'elle me préparerait un bento à emporter... Et en effet, elle s'est levée juste après moi, vers sept heures moins le quart, pour préparer des sandwiches de mie de pain avec différents contenus, l'omelette, les fraises, et de m'emballer ça séparément puis dans une boîte spéciale — un bento bako — pour que je l'emporte. En me recommandant bien de l'écrire dans mon journal — qu'elle ne lit jamais.
Arrivé au bureau, j'avais ça, d'elle, devant moi. Et je n'en croyais pas mes papilles, tellement c'était bon.

L'un de mes cours est une expérience in vivo pour laquelle j'avais beaucoup de craintes... Les étudiants ont l'air d'apprécier, surtout aujourd'hui, parce qu'ils comprennent le risque et la nouveauté pédagogiques. Il s'agit, dans une salle équipée d'ordinateurs connectés, de travailler sous Writely tous ensemble à un document où sont collectées, commentées et corrigées, des informations ramassées sur le web sur un sujet précis — pendant quelques semaines, les voyages — en vue d'en faire individuellement une présentation orale. La conversation en classe porte sur la manière de trouver des informations, les procédures de travail, les fonctions annexes de Writely, comme la liste des révisions enregistrées du document par intervenant.

Puis-je écrire en écoutant Pierre Guyotat ? Difficile... C'est intéressant, ce qu'il dit. Tendu, précis. (Vingt minutes passent.)
Voilà, ça vient de finir.

Ça change des malentendus, au sens propre, de la première partie de ce Tout arrive du 5 mai, où il était question du retrait de la pièce de Handke — dont je parlais aussi le même jour (sans savoir, parce que j'ai un peu de retard dans le suivi des émissions de France Culture, ces jours-ci).
Les positions sont claires, je les dis avec mes mots à moi : il y a d'un côté ceux qui crient à la censure et que, Handke serait-il le pire des criminels (ce qu'il n'est pas, fort heureusement), ça n'empêche pas la beauté ni la puissance de son œuvre, ça n'éteint pas le sacré de cette beauté et de cette puissance de l'œuvre qui s'impose au monde entier, et qu'il est insupportable, au nom de la liberté d'expression, de la voir interdite ; de l'autre ceux qui se défendent que ce n'est pas censurer une pièce que de ne pas la jouer, que le droit de Handke ou de son œuvre s'arrête au goût de chacun, qu'il n'y a rien là de sacré, et que, pour eux, ce goût a été gâté par l'attitude politiquement inacceptable de son auteur, qui n'a certes rien à voir avec cette œuvre-là, mais qu'il ne peuvent, personnellement, cautionner.
Mais les deux parties ne dialoguent pas, elles répètent leurs positions — plus confusément pour les premiers qui font plus de name dropping que d'argumentation. Échec dont Arnaud Laporte s'attristera par la suite, mais qui était tout à fait prévisible. Le plus étonnant — et ridicule — est cette envolée de Gérard Bobillier, directeur des éditions Verdier (17:50 à 21:15), qui lit un papier tout à fait décalé de la conversation et empreint de lyriques reproches adressés à « Bozonnet, Marcel » (où l'inversion nom prénom donne dans le style tribunal).

Attention ! Il m'a semblé entendre deux sons de cloche chez les pro-Handke. Certains protestent uniquement contre ce qu'ils appellent censure ou mise au ban, sans s'occuper des idées politiques de l'écrivain. D'autres laissent à penser qu'il pourrait avoir raison, politiquement, et que c'est pour cette raison qu'il faut le laisser s'exprimer — sans avoir le droit de ne pas être d'accord ni de le contredire, parce qu'il est un témoin qui veut témoigner. Je ne suis pas sûr que ces deux sous-groupes s'entendent  très longtemps (par l'esprit)... quand ils s'entendront (avec les oreilles).

Commentaires

1. Le mardi 9 mai 2006 à 15:01, par Andy Verol :

Bonjour

Je vous invite à découvrir Hirsute, le blog du désormais culte collectif d'écrivains libres et très énervés.

hirsute.hautetfort.com

Né, élevé et abattu en France
Cordialement

Andy Verol

2. Le mardi 9 mai 2006 à 15:25, par Berlol :

'tain ! Comme y'en a qui se la pètent !...

3. Le mardi 9 mai 2006 à 23:17, par Andy Verol :

suck it!

4. Le mercredi 10 mai 2006 à 01:43, par Berlol :

Sûr que ça va attirer du monde par chez vous ! Pour ma part, je n'aurai jamais la vulgarité d'aller déposer des pubs chez d'autres, surtout en m'appelant moi-même "culte" (même avec un 8e degré d'humour). Vous êtes payé au nombre de visites ? Vous avez des investisseurs à satisfaire ? Enfin, ça ne me regarde pas, hein !...

5. Le mercredi 10 mai 2006 à 01:56, par Andy Verol :

Combien de degrés faut-il pour seulement sourire?

6. Le mercredi 10 mai 2006 à 01:57, par Andy Verol :

Je suppose qu'il existe des choses bien plus vulgaires que de déposer des comments.

Et puis, la vérole est faite pour se répandre... Non?

7. Le mercredi 10 mai 2006 à 02:14, par Berlol :

En effet. Et je la préfère virtuelle ! Bonne continuation quand même !

8. Le mercredi 10 mai 2006 à 02:54, par Berlol :

Extrait de l'article de Peter Handke dans Libération du mercredi 10 mai, Parlons donc de la Yougoslavie :
« Vrai : il existait des camps intolérables entre 1992 et 1995 sur le terrain des Républiques yougoslaves, surtout en Bosnie. Seulement, arrêtons de lier mécaniquement, dans nos têtes, ces camps aux Bosno-Serbes : il y avait aussi des camps croates et des camps musulmans, et les crimes commis là, et là, sont et seront jugés au tribunal de La Haye. Et finalement, arrêtons de lier les massacres (dont ceux, au pluriel, de Srebrenica en juillet 1995, sont en effet de loin les plus abominables) aux forces ou aux paramilitaires serbes. Ecoutons aussi ­ enfin ­ les survivants des massacres musulmans dans les nombreux villages serbes autour de Srebrenica ­ la musulmane ­, des massacres commis et répétés pendant les trois ans avant la chute de Srebrenica, des massacres dirigés par le commandant de Srebrenica, conduisant en juillet 1995 ­ vengeance infernale, honte éternelle pour les responsables bosno-serbes ­ à la grande tuerie, et pour une fois le mot répété est à sa place, «la plus grande en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale», en ajoutant quand même cette information : que tous les soldats ou hommes musulmans de Srebrenica qui se sont enfuis de la Bosnie en Serbie en traversant le fleuve Drina, la frontière entre les deux Etats, enfuis en Serbie, pays à l'époque sous autorité de Milosevic, que tous ces soldats arrivant dans la Serbie soi-disant ennemie étaient sauvés ­ pas de tuerie ou massacre là.
Oui, écoutons, après avoir écouté «les mères de Srebrenica», écoutons aussi les mères ou une seule mère du village de Kravica, serbe, à côté, raconter le massacre du Noël orthodoxe 1992-1993, commis par les forces musulmanes de Srebrenica, un massacre aussi contre femmes et enfants de Kravica (seul crime pour lequel convient le mot génocide).
Et arrêtons d'associer les «snipers» de Sarajevo aveuglément aux «Serbes» : la plupart des Casques bleus français tués à S. étaient victimes des tireurs musulmans. Et arrêtons de lier le siège (horrible, stupide, incompréhensible) de Sarajevo exclusivement à l'armée bosno-serbe : dans Sarajevo des années 1992-1995, la population serbe restait bloquée par dizaines de milliers dans les quartiers centraux comme Grbavica, qui étaient à leur tour assiégés ­ et comment ! ­ par les forces musulmanes. Et arrêtons d'attribuer les viols aux seuls Serbes. Et arrêtons de connecter les mots unilatéralement, à la manière du chien de Pavlov. Elargissons l'ouverture. Que la brèche ne soit plus jamais bouchée par les mots pourris et empoisonnés. Mauvais esprit dehors. Quittez enfin le langage. Apprenons l'art de la question, voyageons au pays sonore, au nom de la Yougoslavie, au nom d'une autre Europe. Vive l'autre Europe. Vive la Yougoslavie. Zinela Yugoslavija.»

Extrait de l'article d'Emmanuel de Roux et Brigitte Salino dans Le Monde du 10 mai, paru le 9, Handke, Milosevic et le théâtre :
« Marcel Bozonnet a pris sa décision en raison d'une "attitude personnelle". Au nom de cette attitude, il prive le public d'une oeuvre. Comment le justifier ? Les spectateurs ne seraient-ils pas assez matures pour faire par eux-mêmes la part des choses entre la pièce et l'écrivain ? Ne sauraient-ils pas décider seuls de la ligne de partage entre le bien et le mal ? On entend Marcel Bozonnet quand il dit avoir agi "en conscience". Mais la conscience, ici, a toutes les apparences de la bonne conscience, qui, aujourd'hui, mine le terrain artistique. Parce qu'il y aurait une bonne et une mauvaise façon d'être et de penser, il faudrait suivre l'opinion dominante.»
(S'y sont mis à deux pour écrire ça, franchement... D'ailleurs, l'opinion dominante semble plutôt qu'il aurait fallu laisser jouer la pièce, si j'en juge par les noms celèbres alignés derrière Jelinek.)

On attend, paraît-il, un article d'Olivier Py dans Le Monde d'aujourd'hui, daté du 11, donc, et intitulé : À plus tard, Peter Handke (rubrique Débats)...

9. Le mercredi 10 mai 2006 à 05:32, par arte :

"(seul crime pour lequel convient le mot génocide)" : parce qu'on y tue femmes et enfants ? Ce Handke est en effet d'un finesse "exquise" ...

Ou quand un GRAND écrivain dicte ce qui convient et ce qui, par inversion subliminale (utilisation des parenthèses aidant), ne convient pas.

"Et arrêtons d'attribuer les viols aux seuls Serbes." : Oui, justice pour les violeurs Serbes !

10. Le mercredi 10 mai 2006 à 06:21, par Bartlebooth :

clap clap clap, M. Bozonnet ! Bis ! A bas les institutions !
Jetée de tomates sur Jelinek, Kusturica, Michon, Modiano & co : leur pétition contre une soi-disant censure est chef-d'oeuvre de ridicule !

11. Le mercredi 10 mai 2006 à 06:21, par Berlol :

Et pas un mot sur sa présence à Belgrade à l'enterrement de Milosevic ni sur ses paroles pour le moins mystérieuses. En gros, parlons d'autre chose, faites comme si je n'avais rien dit...

12. Le mercredi 10 mai 2006 à 08:03, par Collard gilles :

bonjour,
comme je ne trouve pas votre mail, un petit mot ici pour signaler que je vous ai mis dans les liens du petit blog Pylône
www.revue-pylone.blogspot.com
A bientôt

13. Le mercredi 10 mai 2006 à 08:19, par Berlol :

Cher Gilles, je viens de finir mon billet du jour et il y est question du blog Pylone. Etonnant, non !? C'était même avant de voir, en effet, que je suis dans la colonne de gauche... Merci ! Et bonne continuation !

14. Le mercredi 10 mai 2006 à 08:21, par Michel :

Eh, ouah, ouah, le caniche ! Moi non plus, rien compris à c'que tu debecquetttes. Tu fouettes de la carafe, ou quoi ! De toute manière, tes propos sont souvent du genre : "vous puez, vous", "j'en emmerde certain", etc. : du sublime, quoi ! Ou alors, sur ton blog, là oui, très bien : de magnifiques lettres ! Une belle anthologie, à la Pompidou. Mais bien évidemment, il s'agit des lettres d'autres personnes. Rien à voir avec le caniche. Continue, Mr Arte, à entasser et emmerder, dans le style humour potache ; apparemment, c'est ton truc

15. Le mercredi 10 mai 2006 à 08:22, par arte :

On s'tutoie ?

16. Le mercredi 10 mai 2006 à 08:26, par Michel :

Non, j'préfère pas, si tu y vois pas d'inconvénient, ouah, ouah

17. Le mercredi 10 mai 2006 à 08:30, par Berlol :

Je ne comprends pas très bien, Michel, vous me mettez le même commentaire deuf fois sur deux billets différents... Donc, j'en retire, un seul suffit. Restons calme.
Et puis laissez Arte tranquille, voyez bien qu'il n'a pas toute votre tête.

18. Le mercredi 10 mai 2006 à 08:35, par Michel :

Oh ! ma tête... mais c'est d'abord lui qui sort les dents... ouah ! ouah !

19. Le mercredi 10 mai 2006 à 09:49, par arte :

Bon, et bien d'accord, on se tutoie !

20. Le mercredi 10 mai 2006 à 10:25, par k :

le tutoyement c'est tout un art

21. Le mercredi 10 mai 2006 à 10:27, par k :

moi en suspention
je me delecte,
si seulement j'avais ces mots
juste
un peu
mais rien
alors michel
c'est bien lon tout ça
de toi
c'est une chose sure

22. Le mercredi 10 mai 2006 à 15:28, par Berlol :

Le voici, l'article d'Olivier Py (Le Monde, édition du 10 mai 2006, À plus tard, Peter Handke, rubrique Débats) :
« C'est par un article du Nouvel Observateur rédigé par Ruth Valentini que nous avons appris la présence de Peter Handke à l'enterrement de Slobodan Milosevic. L'importance symbolique de l'événement et le prestige du poète obligeaient la presse à traiter l'information. Nul ne s'est véritablement étonné de voir l'auteur autrichien dans le cortège funèbre de l'ancien dictateur accusé de crime contre l'humanité. Les positions de Peter Handke n'ont jamais été floues à ce sujet, sa défense du nationalisme serbe n'a pas été qu'un propos isolé de son oeuvre. Il y a consacré plusieurs livres, notamment Un voyage hivernal vers le Danube, la Save, la Morava et la Drina (Gallimard), qui portait en sous-titre Justice pour la Serbie, un très grand nombre d'interviews, ainsi que des prises de parole incessantes qui font de lui un héraut de la cause milosevicienne.
La Serbie elle-même tente d'en finir avec son passé nationaliste, mais Peter Handke persiste et signe en ajoutant à un corpus littéraire déjà conséquent une oraison funèbre de l'ancien dictateur qui se termine par ces mots : "Je suis auprès de la Serbie, je suis auprès de Slobodan Milosevic." N'est-ce pas Milosevic en personne qui a inscrit Peter Handke dans la liste des témoins pour sa défense au Tribunal pénal international de La Haye ?
On peut défendre les positions de Peter Handke aujourd'hui à la condition de nier le génocide perpétré par les nationalistes serbes, de n'y voir que des dommages collatéraux d'une guerre interethnique, de nier que Ratko Mladic et Radovan Karadzic furent le bras armé de Belgrade. On assume alors d'insulter les victimes civiles de ces massacres, de contester la purification ethnique et d'ajouter à la cécité politique la négation de l'histoire.
Marcel Bozonnet, administrateur de la Comédie-Française, décide à la lecture de l'article du Nouvel Observateur, et après s'être fait confirmer la réalité des propos de Peter Handke, de retirer du programme de la saison prochaine la pièce de l'auteur Voyage au pays sonore ou l'art de la question... Deux arguments s'opposent à cette attitude. Le premier est circonstanciel : pourquoi désavouer si tard un auteur dont on ne découvre pas aujourd'hui les positions ? L'autre argument est philosophique : peut-on déprogrammer une pièce au nom de motifs politiques sans faire acte de censure, sans devenir soi-même liberticide ?
On ne peut dire que Marcel Bozonnet découvrait les convictions de l'auteur. Il les connaissait quand il a choisi de programmer cet ouvrage. Il savait aussi que Voyage au pays sonore ou l'art de la question ne parlait pas de la question yougoslave et qu'elle était étrangère à l'apologie du nationalisme serbe. Il savait aussi que Peter Handke avait contesté le terme de génocide et, de fait, l'accusation de crime contre l'humanité. Les positions de l'auteur paraissaient il y a dix ans une erreur politique, une incompréhension d'un conflit, une lecture influencée par la propagande du régime de Belgrade.
Aujourd'hui, ces crimes ne sont plus des suppositions, le génocide n'a plus besoin de guillemets, il est reconnu comme un fait historique par l'ensemble de la communauté internationale. Qui aujourd'hui encore nie la responsabilité de Slobodan Milosevic dans les guerres de l'ex-Yougoslavie ? Qui doute encore de la purification ethnique comme geste volontaire et concerté ? Qui remet en question la gravité du massacre de Srebrenica ? Aucun de ceux qui défendent Peter Handke, ni à Paris ni en Serbie. Affirmer aujourd'hui une solidarité avec le nationalisme serbe, dont la Serbie n'est pas encore débarrassée, ce n'est plus une opinion politique, c'est une position historique qu'il est difficile de traiter autrement que comme une forme de révisionnisme. On aurait pu imaginer d'un esprit comme Peter Handke qu'il soit revenu sur ses opinions, les ait nuancées et ait reconnu une part d'erreur, mais une oraison funèbre sur la tombe du bourreau est aujourd'hui un acte fondamental. "Je sais que je ne sais pas. Je ne sais pas la vérité. Mais je regarde. J'entends. Je sens. Je me rappelle. Je questionne" : ces mots sont ceux d'un homme qui nie volontairement les preuves et les témoignages irréfutables du crime génocidaire. Dans le magazine allemand Focus, Handke ajoute que "non, Slobodan Milosevic n'était pas un dictateur. Non, Slobodan Milosevic n'a pas déclenché quatre guerres dans les Balkans. Non, Slobodan Milosevic ne peut être qualifié de bourreau de Belgrade", etc. Tenir à l'heure actuelle ces propos est plus grave qu'il y a dix ans, car, contrairement à ce que dit Peter Handke, aujourd'hui, on ne peut pas ne pas savoir, on n'a pas le droit de ne pas savoir. Au nom du talent littéraire, Marcel Bozonnet pensait pouvoir mettre au second plan les positions de Peter Handke. C'est Peter Handke lui-même qui l'en a empêché par son voyage provocateur.
Mais a-t-on le droit d'interdire une oeuvre ? Si demain un gouvernement censure une à une les oeuvres de Peter Handke, nous serions les premiers à défendre la liberté d'expression. Marcel Bozonnet a pris cette décision en son nom et au nom de la maison qu'il dirige après avoir consulté le comité d'administration et les comédiens de la distribution. Il a le droit de refuser de travailler avec un homme qui fait l'apologie du nationalisme serbe. Il a le devoir de protéger l'honneur d'une institution aussi prestigieuse en lui évitant la complicité avec un homme si volontairement coupable. Chacun prend ses responsabilités. On ne peut appeler "censure" la volonté d'un homme de ne pas serrer la main d'un autre homme.
La liberté d'expression n'oblige aucun directeur de théâtre à donner la parole aux idéologies criminelles contraires à la démocratie et aux droits de l'homme. Nous respectons la liberté de ceux qui ont voulu publier les propos de Peter Handke, mais rien ne nous oblige à les approuver. Sans quoi, c'est la capacité même de la littérature à agir dans notre monde qui est déniée. Sans quoi, il faudra considérer que désormais rien n'a d'importance véritable. Mais peut-on condamner le poète au nom des opinions de l'homme ? La littérature n'est-elle pas remplie de grands auteurs qui ont commis, volontairement ou pas, des erreurs politiques. Pensons à l'adhésion d'Heidegger au parti nazi, aux pamphlets antisémites de Céline, etc. Il y a un temps pour distinguer l'oeuvre de l'homme. Mais ce temps dans le cas qui nous intéresse n'est pas encore arrivé. Parce que les crimes de guerre n'ont pas encore été punis, parce que la Serbie n'a pas encore accepté de livrer Mladic et Karadzic, parce que l'histoire n'est pas close.
La seule chose qui puisse séparer l'oeuvre de l'homme, c'est lorsque la première est affranchie du second, dégagée des contingences humaines. Il sera temps alors d'oublier les textes politiques de Peter Handke pour lire sereinement ses autres oeuvres.»

23. Le jeudi 11 mai 2006 à 02:48, par arte :

M.B. n'est pas un sot.

Questions : Un écrivain reconnu comme haut dignitaire de la littérature s'acharne dans une position abjecte :

Y a-t'il un lien entre cette "reconnaissance" et cet "acharnement" ?
Ce lien va-t-il au delà de la légitimité à prendre la parole qu'autorise cette reconnaissance ?
Le statut de "grand" écrivain pourrait-il avoir un effet sur le développement de la pensée de l'homme.
Et la "littérature", (entendue comme groupe d'acteurs socialement constitué, comme champ, au sens de Bourdieu, dans lequel s'inscrit P.H.) aurait-elle une particularité, une spécificité dans ce mécanisme d'auto-légitimation ?
(Pour reprendre la référence aux cyclistes, on voit mal une star du vélo légitimée à DIRE une position politique extrème : est-ce d'ailleurs cette non légitimité qui conduit à moquer leur expression ? Sur un autre registre, un grand professeur-chercheur en chimie dont l'"oeuvre" est attestée, aurait-t-il le même "accès" à la parole ?)

Si oui, la littérature constitue un champ particulier de légitimation à la parole, alors ceux qui traitent MB de sot, qui crient à la censure, se (re)situent, consciemment ou pas, dans une position sociale (sans doute idéalisée) et non dans le jugement artistique pur (existe-il autrement qu'invoqué par ceux qui y ont intérêt ???) qui justifierait de maintenir cette pièce par un "petit" directeur d'un grand théatre après un évenement aussi grave que le discours de P.H sur la tombe d'un sauvage.

Et si M.B est un sot d'avoir programmé cette pièce avant cette date, que n'y a-t-il parmi ces grands éclairés (à posteriori) de la littérature, au moins l'un d'entre eux pour l'avoir traité de sot à l'époque, ou simplement déconseillé de le faire ?

24. Le dimanche 14 mai 2006 à 08:21, par arte :

à relire, l'avant dernier § serait plus complet ainsi :

Si oui la littérature constituait un champ particulier de légitimation de la parole, mais que de plus cette parole influerait dans le sens de l'enfermement sur elle-même de la reflexion qu'exprime cette parole, alors ceux qui traitent MB de sot, qui crient à la censure, non seulement se (re)situent, consciemment ou pas, dans une position sociale (sans doute idéalisée) et non dans le jugement artistique pur invoqué (la pureté de l'art existe-elle autrement qu'invoquée par ceux qui y ont intérêt ???) qui justifierait de maintenir cette pièce par un "petit" directeur d'un grand théatre malgré un évenement aussi grave que le discours de P.H. sur la tombe d'un sauvage, mais encore seraient les acteurs principaux de cet enfermement.
Une réaction indiquant par ses pairs à Handke qu'un directeur de théatre Français est libre de déprogrammer une pièce et que c'est là l'expression de la même liberté qui lui est donnée de s'exprimer, lui, y compris de façon abjecte, alors le droit de reconnaître son erreur donnée à un directeur de théâtre inciterait peut-être cet Handke au droit qu'il a de réfléchir à l'évolution de sa propre pensée.

(excuse, Berlol, c'est pour mes notes...)

25. Le dimanche 14 mai 2006 à 08:26, par arte :

(j'améliorerai ...)

26. Le dimanche 14 mai 2006 à 08:26, par arte :

sinon, ça va toi ?

27. Le dimanche 14 mai 2006 à 18:04, par Berlol :

Moyen...

28. Le lundi 15 mai 2006 à 00:28, par arte :

Allons bon ! Réconfort virtuel ...



Mercredi 10 mai 2006. Bulles de surprises et de regrets.

On est tous étonnés que ces pluies printanières durent comme ça. En arrivant hier, j'ai trouvé du courrier tout humide dans ma boîte, alors que la pluie ne l'atteint pas. Il y avait une enveloppe avec deux livres d'Henri Meschonnic, bien préservés par le sac à bulles : Et la terre coule (Arfuyen, 2006),  et Vivre poème (Dumerchez). Posés haut dans la pile des livres à lire...

Ayant récemment vu un de ses films, j'écoute autrement un texte de Pasolini, justement, qui vient de passer en Fiction de FC, Qui je suis...
À ne pas rater samedi 13 (je dis ça pour moi-même), Trains de nuit de Jean Thibaudeau...
Excellent Atelier de Création Radiophonique de dimanche dernier, que j'écoute après les cours. C'est une lecture des Unités perdues de et par Henri Lefebvre. Mon Dieu ! Toutes ces œuvres anéanties !... À l'oreille distraite, la litanie lasse, mais dès qu'on tend l'oreille, ça éclot en bulles de surprises et de regrets...

« La teneur d'une conversation téléphonique Staline-Pasternak, suite à l'arrestation d'Ossip Mandelstam.
La chevelure de Pierre Guyotat. [...]
Disparue, la corde fournie par Boris Pasternak à Marina Tsvetaïeva pour boucler une valise trop bien remplie, corde dont se servit Marina Tsvetaïeva en 1941 pour se pendre. [...]
Pendant l'Occupation de Paris par les Allemands, Jacques Decour rassemble les textes du premier numéro des Lettres Françaises ; quand il est arrêté, sa sœur brûle tous les manuscrits. [...]
Deux hommes ont dérobé le 14 décembre 1999 dans une bibliothèque d'Armagh, Irlande du Nord, une édition rare des
Voyages de Gulliver, vieille de 273 ans et annotée de la main de son auteur, Jonathan Swift.
Pascal Pia détruit deux manuscrits en 1924,
Les Barrières, roman, Le Bouquet d'orties, poèmes, à la stupéfaction de Gaston Gallimard qui s'apprêtait à les publier.
Valéry Larbaud, qui a tenu un journal tout le long de sa vie, en a détruit la plus grande partie ; survivent quelques années : 1931, 1932, 1934, 1935, essentiellement. [...] »


Revenu de deux réunions, je surfe et tombe sur une nouveauté, le blog de la revue Pylone — revue qui m'avait fort intéressé en septembre dernier... La formule actuelle du blog est de proposer chaque semaine le journal d'un écrivain. Cette semaine, Laurent Herrou. Connais pas. Bonne occasion...
Puis, c'est l'heure, sous la pluie, d'aller au sport. Me débarrasser du stress inhérent à la concentration des cours et à l'interaction avec les étudiants, les collègues, l'administration. Pédalant jusqu'à la suée, je lis Philippe Vasset, Bandes alternées, j'avance, ça va mieux que l'autre jour, je lis plus souplement, rien ne se rebelle en moi contre les pluriels, le nous communautaire, le eux de l'exclus contrapuntique, je trouve même un peu ce que j'ai pu observer ici ou là dans le rapport de la génération actuelle à l'esthétique, aux réseaux, à la bricole, à l'absence d'ambition et d'horizon. Justement, je ne vois pas l'horizon du livre. Pas encore. Ou alors, c'est fait exprès.

Commentaires

1. Le mercredi 10 mai 2006 à 08:30, par Michel :

Mandelstam, Pasolini, Guyotat ! comme on est loin de "ouah ! ouah!"

2. Le mercredi 10 mai 2006 à 11:01, par arte :

annesophielifeandworld.ov...

3. Le mercredi 10 mai 2006 à 15:07, par Berlol :

En plus, il y est question des Pépées rousses... Merci !



Jeudi 11 mai 2006. Pendant que les loose-loose se courent après.

Ça y est, il n'y a plus d'esclavage ! Ouf ! Super. On a fait plein de commémorations. Plein plein de Noirs ont été montrés dans de nobles postures, des réussites, de la notabilité. Et la dignité est acquise, au moins sur le papier. Ouais, il y a peut-être quelques domestiques dans de grands apparts qui couchent par terre parce que le monsieur a gardé leur passeport. Mais ça ne compte pas, c'est un crime individuel, ou familial, pas d'État. Et c'est vrai.
Mais qu'est-ce qu'on fait des dizaines (centaines ?) de millions d'ouvriers (et d'ouvrières) qui sont, dans des pays comme la Chine ou le Vietnam, ou d'autres, payés des clopinettes pour fabriquer nos basquettes, pardon, nos baskets, nos jouets, nos meubles et plein d'autres choses que nous achetons parce que c'est moins cher et que nous ne pouvons pas acheter plus cher parce que ces gens, là-bas, qu'on ne connaît même pas, nous ont piqué le boulot ? Ils nous ont piqué le boulot et nous on est chômeurs, ou précaires, obligés de consommer (le fruit de) leur boulot, complices de leur esclavage moderne (bosser pour des clopinettes). Mais comme on est chômeurs ou précaires, on est aussi obligés d'accepter n'importe quel boulot, même n'importe où, de plus en plus, c'est-à-dire qu'on est aussi des esclaves. C'est plus une question de couleur. Noirs, Jaunes, Blancs, que sais-je ?, tous esclaves. C'est bizarre, ça. Partout on nous parle de systèmes win-win, de l'anglais to win, où les deux parties d'un accord ont à gagner. Mais là, ce que je viens de dire, ceux qui chôment et consomment les merdes produites à l'autre bout du monde par ceux qui sont payés des clopinettes, ou l'inverse, c'est pareil, c'est du loose-loose, de to loose, perdre — et pas qu'à Toulouse.
C'est possible, ça, un système où tout le monde perd ? Non, ce qui est possible, c'est un système où ne sont visibles (parce qu'ils souffrent, protestent, sont laids, mal habillés, passent mal à la télé, etc.) que ceux qui perdent. Parce que ceux qui gagnent, ceux qui pompent le pognon des deux côtés, eux, sont bien planqués, villas sécurisées, gardes du corps, buildings sous protection 24/24, triple rangée de secrétaires pour le moindre coup de fil, des pages web à la con pour détourner les protestations, paradis fiscaux et comptes masqués au Luxembourg, dans la bourbe des eaux claires. Bien sûr, ils sont parmi nous, ils sont désirables, en vedette dans tous les magazines, toutes les chaînes de télévision, beaux costumes, indices boursiers, poignées de micros pour annoncer les bénéfices records, classements des fortunes, et même plus de diamants en stock place Vendôme tellement qu'il y a de milliardaires, le marché des jets privés qui explose...
Pendant que les loose-loose se courent après autour de la planète pour savoir qui sera le moins cher et qui consommera les merdes de l'autre, les win-win marchent à reculons pour effacer leurs traces et qu'on croie que leurs fortunes sont propres, qu'on ne puisse rien prouver. Et ils préparent des discours pour dire qu'il n'y a plus d'esclavage. Ils focalisent tout le sens de l'esclavage sur des Noirs d'autrefois — indéniable, en effet — pour que le sens n'aille pas se perdre du côté de l'ensemble des sous-payés et des précaires qu'ils font vivoter aujourd'hui. En effet, il n'y a plus d'esclaves d'autrefois. Bonjour, les esclaves d'aujourd'hui !

Voilà. C'était ma commémo de l'esclavage.
Quoi ? J'ai détourné le devoir de mémoire ? J'ai manqué de respect à la mémoire de tous ceux qui ont souffert ?
Mais attendez, si on se souvient des souffrances (et qu'on honore ceux qu'il faut honorer), normalement, c'est aussi pour éviter de continuer ou de recommencer, la mémoire sert à améliorer la performance. Et là, elle améliore, oui... Elle améliore la performance des bénéfices. Mais pas la diminution des souffrances. Donc elle ne sert à rien pour les vivants, si ce n'est à se faire croire que ça serait fini. Moi, je dis que ce n'est pas fini, que ça a repris DE PLUS BELLE sous une autre forme, l'esclavage. Donc, ce n'est pas moi qui détourne la mémoire de sa fonction, au contraire, j'essaie, et je ne dois quand même pas être le seul, de la faire servir, de l'inscrire dans la continuité des générations, pour l'amélioration progressive de la race humaine dans son ensemble.
Oh ! là, j'ai dit un mot qu'il ne fallait pas... L'amélioration progressive... Ça a à voir avec progrès, Lumières, tout ces trucs foireux du XVIIIe siècle. Là, tout le monde est mort de rire, sont bidonnés, les riches, les pauvres, se roulent par terre, 'tain, le progrès, qu'y dit l'autre, mais c'est mort tout ça, laisse tomber, essaie de faire fructifier tes investissements et point-barre.

Commentaires

1. Le mercredi 10 mai 2006 à 22:01, par caroline :

Bon, j'ai pas le moral en ce moment. Pas le moral, parce que je comprends plus à ce qui m'entoure, à ce monde. De bon matin, je tombe sur votre article et mon moral continue sa chute libre. Je fais , hélas, le même constat. Et il m'est de plus en plus pénible de vivre avec ce constat. Faut-il être révolté en permanence, jusqu'à en perdre le sommeil, les amis (que l'on saoule de nos indignations) et le le reste ? On passe son temps à me dire que voter untel, c'est moindre mal, qu'on ne peut pas changer le monde, que c'est l'effet de la mondialisation et qu'on n'y peut rien. Ils ont certainement raisons, ceux qui disent ça... Alors, il faut fermer les yeux et attendre que la mort vienne ?

2. Le jeudi 11 mai 2006 à 03:15, par arte :

Berlol, t'es un homme !

Caroline, la mondialisation est un mythe. Donc on n'y peut pas rien. Dans un moindre ordre d'idée, écoutez Fabius... oui oui, je sais, sang contaminé, bourgeoisie, baisses d'impôts, etc... mais "ecoutez le" quand même (si vous voulez, hein!)!

www.dailymotion.com/video...

- Sur le consensus permettant de détourner l'attention
- Sur la démocratie qui n'est pas un chèque en blanc

(Berlol, je te présente mes excuses par avance pour les réactions...).

Xixibelle est grosse comme un petit poussin...

3. Le jeudi 11 mai 2006 à 03:21, par Berlol :

T'excuse pas, ça ira. Allez, je vais écouter.
Caroline, remettez-vous, on va en reparler...

« Qu'est-ce que l'esclavage moderne?
Ce sont des jeunes femmes qui sont exploitées domestiquement, pour faire le ménage ou s'occuper des enfants. Elles arrivent en France, souvent très jeunes entre 8 et 15 ans, se retrouvent enfermées à clé dans un appartement ou un pavillon, et n'ont pas de liberté d'aller et venir. Les exploiteurs vont les chercher à l'étranger, principalement dans les pays du Sud. Ils leur confisquent leurs papiers, les maltraitent, les séquestrent et leur imposent des conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine. Ces jeunes femmes travaillent jusqu'à 20 heures par jour. Elles subissent des violences psychologiques et des maltraitances. Parfois ça peut aller jusqu'à des actes de torture, avec par exemple la punition du piment (c'est l'introduction d'un piment dans les parties intimes).»
(Extrait de "L'esclavage est près de chez vous!", par Zina Rouabah, Libération du 10 mai)

4. Le jeudi 11 mai 2006 à 09:16, par Dom :

Comment on peut tous être esclaves, et puis après les esclaves c'est pas de liberté d'aller et de venir, plus de papiers, enfermés, mauvais traitements, 20 h par jour, le piment dans les parties intimes ? Les précédents, c'étaient des esclaves "métaphoriques" ou des vrais de vrais esclaves pour de vrai ?

La mondialisation, faut en parler à M. Neanderthal. Il vous expliquera (passé un sale quart d'heure, en ce qui le concerne).

Sinon, ça fait du bien, ce grand coup de colère ?

Ah tiens, éloge de la paresse et retour sur de vieilles conversations, au Graal : les livres qu'on veut écrire, on attend, quelqu'un les écrit. Billeter, Contre François Jullien, chez Allia. L'érudit se rebiffe. Il fallait bien qu'il y en ait un qui se sacrifie, et puisque Gernet est trop bien élevé. Pas de citations, vous vous doutez de ce qu'il y a dedans, mais noir sur blanc, ça fait du bien, ça aussi. Dans un tout autre ordre d'idée.

Pas plus de réactions, Arte. Vous avez aimé Mitterrand, vous adorerez Fabius.

5. Le jeudi 11 mai 2006 à 12:16, par arte :

Oui, jai aimé Monsieur François Mitterrand.
Adorer est péjoratif.

6. Le jeudi 11 mai 2006 à 13:58, par k :

rien à voir, mais 2046
baffe dans ma face.........
j'aime gros ça

7. Le jeudi 11 mai 2006 à 15:15, par brigetoun :

c'est tout bon cette colère, mais vous oubliez de plaindre les pauvres riches prisonniers dans leurs résidences sécurisés, et obligés faire venir des domestiques étrangers auxquels il faut apprendre la langue, le service enfin tout

8. Le jeudi 11 mai 2006 à 17:24, par Berlol :

Merci, Dom, oui, ça fait du bien... de le dire, d'y arriver, comme ça, de façon ramassée et de le livrer à d'autres. Bien sûr, je le dis — indéniable, en effet — les esclaves d'avant, majoritairement des Noirs, ont souffert d'une façon que nous ne connaîtrons jamais, le déplacement, l'enfermement, le travail forcé, les punitions, les privations, la négation des cultures, le mépris de la dignité, etc. Ce serait plutôt dans ce que je décris aujourd'hui qu'il y aurait du métaphorique par rapport à cela (je te vois venir). Mais justement, il y a dans cette dimension métaphorique de l'esclavage d'aujourd'hui ("allons, vous n'allez pas vous comparer avec eux, regardez, vous avez la télé, vous êtes nourris, logés, chauffés, vêtus, on vous laisse aller et venir, prendre des vacances...") quelque chose d'irréprochable (c'est la faute à la mondialisation) et d'implacable (quoi que vous fassiez, vous perdrez votre boulot et serez obligés de déménager une dizaine de fois pour gagner de moins en moins) qui fait qu'on se dit à soi-même qu'on ferait mieux de la fermer — alors, pour les esclaves d'aujourd'hui, pas de marronnage, pas de vaudou, pas de créole, juste tout laisser filer dans la consommation et devenir zombies...
Et en plus, oui, Brigetoun, plaignons le riche. Il va avoir des robots domestiques, mais sans le plaisir d'asservir — Ah ! la solitude du bunkerisé...



Vendredi 12 mai 2006. À contresens du soleil, somnolant.

(Issu d'une rêverie sur le s à cent en question de fin de cours, griffonné en réunion hier et amélioré ce matin...)

Debout sur une chaise de logarithmes
un vieil angle de huit cents degrés
brûle des tangentes vicieuses de cercle


Sur l'actu, je resterai sage.
Sauf à reprendre ce que nous disions, avec David, entre deux bouchées de hambourgeois chez Downey. Que ces hommes politiques mouillés jusqu'aux oreilles dans de sales eaux claires, intelligents comme ils sont, cultivés, conscients des erreurs du passé, doivent quand même être bien bêtes quelque part. Impunité, dit-on. Mais impunité a une valeur statique et abstraite qui ne me semble pas convenir. Il faudrait y ajouter l'idée de futur, que quand ils fomentent un truc, ils se sentent ou se croient impunissables. Il faut inventer le mot impunissabilité. Oui, ça doit être ça qu'ils ressentent. Sauf que le futur devient ensuite du passé et qu'il y a quand même des traces...

Voilà bien longtemps que je n'avais pas révisé une page de la Chronologie littéraire 1848-1914... Ce matin, 1869. Tout est à refaire. Découverte d'une belle édition des Lettres de mon moulin de Daudet chez Olivier Bialais, qui nous change des sites d'édition en ligne saturés d'intrusions publicitaires et réticulaires : on peut lire tranquille.

Deux heures de train à contresens du soleil, somnolant et relisant les pages de Molloy pour demain.
Pour moi qui travaille dans au moins trois lieux différents, les applications en ligne du Web 2.0 étaient faites. RSSé via Bloglines à des informateurs sûrs (Affordance.Info, Véronis, InternetActu, etc.), j'ai vu passer l'an dernier l'annonce de Writely, puis celle de Google Calendar, puis celle de NumSum et m'y étais à chaque fois de suite créé un profil... Maintenant que ça devient populaire, il y a urgence à s'inscrire. Déjà Writely n'inscrit plus que sur invitation.

Conférences à écouter sur le site du CNL... C'est nouveau. Ça pousse vraiment partout, l'audio.

Découvertes du soir (espoirs) : en cherchant le sens beckettien de l'expression latine nimis sero (Molloy, p. 117), je suis tombé sur un texte qui s'est avéré être la mise en ligne à l'université de Nice, pour l'agrégation de 1999, d'une étude sur Beckett de Jean Onimus, rien moins que ça !, parue en 1967 dans son Les Écrivains devant Dieu, chez Desclée de Brouwer. Au passage, j'engrange les années suivantes, l'adresse de Wikimedia en latin, des Philippiques de Cicéron...
Ça ne s'arrête jamais, découvrir. Je suspends, pour dormir.

Commentaires

1. Le vendredi 12 mai 2006 à 09:09, par Berlol :

Autre victime du sentiment d'impunissabilité, née en 952, dixit...

2. Le vendredi 12 mai 2006 à 13:02, par arte :

Victime N° 3

"A l'intérieur de soi-même, DEEP INSIDE, vraiment à l'intérieur, quelque chose de invincible qui s'appelle LE SPIRIT, l'esprit. On a été bâti comme ça, on a été fait avec LE SPIRIT. Ca, c'est la ligne droite du corps, nous on pense horizontal, 1h, 2h, 3h, 4 h, on est INSECURE, les gens ont peur du temps. Quel âge tu as, 40 ans ? Alors quand je dis que j'vais mourir à 45 ans, ouai, j'me fous de la gueule des gens, moi ! Ils n'ont pas compris, parce que le temps, les secondes entre toi et moi sont des secondes mais pour l'oxygène qui est une matière moins compressée que ton corps humain ; 1 sconde, c'est 100 secondes et la pierre et la brique et chais pas quoi, elle est faite de compression énorme. Il faut la Black & Decker. Mais tu enlèves cette pression et tu deviens vertical comme l'esprit. Tout tombe, qu'est-ce qui reste en vie ? Les molécules faites d'électricité parce que ça bouge. Alors il y'a les molécules qui est faite de flèches (on a dit que je parlais du film, je m'exuse !) et alors l'électricité qui est faite au plus fin de sa couche de FEELING qui s'appelle LOVE et mon FEELING est : je sais que tu m'écoutes avec attention. Mais c'est dur d'entendre des choses comme ça quand il parle de la pomme et du serpent et de ADAM and EVE mais ça c'est des questions beuacoup plus pausibles. Le BIG-BANG THEORY D'EINSTEIN, I MEAN, tu mets une mollécule que tu crées, qu'il n'a pas lui, hein, il a pas la molécule, mais nous on l'a, on veut la garder, tu vois et lui il a cette énergie qui a fait le BIG BANG et l'univers a grandi et c'est ça le monde, c'est pas compliqué la vie !"

JC VanDamme

www4.tz-technologie.com/

3. Le vendredi 12 mai 2006 à 13:05, par arte :

" Je suis fascine par l'air. Si on enlevait l'air du ciel, tous les oiseaux tomberaient par terre....Et les avions aussi.... En meme temps l'air tu peux pas le toucher...ca existe et ca existe pas...Ca nourrit l'homme sans qu'il ait faim...It's magic...L'air c'est beau en meme temps tu peux pas le voir, c'est doux et tu peux pas le toucher.....L'air c'est un peu comme mon cerveau... " J.C. VanDamme

Je n'ai pas resisté ...

4. Le vendredi 12 mai 2006 à 22:23, par Manu :

Moi je me suis mis à Netvibes www.netvibes.com.
Dans le style Writely il y a aussi AjaxWrite.

5. Le samedi 13 mai 2006 à 07:04, par vinteix :

Impunis ou impunissables, tels se presentent en effet les dirigeants de cet ordre republicain qui n'est pratiquement qu'une mascarade indigne regie par la loi du plus fort qui d'un autre cote appelle a punir rituellement certains illegalismes, ceux bien sur des plus depossedes (se rappeler le genre de "justice" expeditive au moment du soulevement des banlieues, fin 2005). Tombe recemment sur cette phrase de J.P.Raffarin : "La politique, ce n'est pas un sport, ni un jeu : la pate a modeler, c'est de la pate humaine, si tendre et si dure."

6. Le samedi 13 mai 2006 à 07:13, par Berlol :

Philosophe, ce Raffarin. Mais qui est-ce donc ?...

7. Le samedi 13 mai 2006 à 07:20, par vinteix :

Grand philosophe en effet d'une ideologie insidieusement neo-fasciste, petrisseur de "pate humaine", comme les autres grands guignols du moment (mais font-ils encore rire ?), et auteur d'un livre intitule "La France de mai"... ou "La Phrance de mes deux"... aurais-je envie de dire...



Samedi 13 mai 2006. L'occasion de faire du dos.

Cours à l'Institut...
Aujourd'hui Molloy meurt. Ou tout comme. Fin de partie, la première. Depuis qu'il a quitté la mer pour la forêt, tout va de mal en pis, sa seconde jambe devient raide aussi, il perd ses doigts de pied, il ne fait plus que 40 pas par jour, puis 15, puis il se met à l'horizontale et se sert des béquilles pour se tracter sur le ventre, en tournant en rond... pour aller tout droit. C'est peut-être l'hiver, il ferme les yeux presque tout le temps, trouve encore l'occasion de faire du dos, analyse le langage pour en connaître le secret — miraculeux comme Jésus changeant en vin l'eau des vases de pierre de Galilée (p. 119). Tombant dans un fossé (122, le même fossé qu'aux pages 34-36 ?), il ouvre les yeux, il est sorti de la forêt, il y a le ciel et une ville dans le lointain, une voix qui lui dit de ne pas s'en faire, qu'on vient à son secours. Relire alors le début, page 7 : c'est la suite.
Les accros de vraisemblance feront remarquer qu'en rampant en rond, Molloy a tout de même peu de chance de sortir de la forêt, que tout ça pourrait bien être une parabole de la sénilité, des derniers instants et de la mort, le dernier rayon du nimis sero, comme Jean Onimus l'analysait bellement.
La chambre de Molloy, la chambre de sa mère, pour ne pas dire son ventre, où il aurait régressé, ne serait-ce pas une sorte de purgatoire où il lui est imposé de s'écrire pour « finir de mourir » (7) ? Un peu comme l'hôpital où arrivera plus de cinquante ans après le personnage mort d'Échenoz dans Au Piano, couchant avec Doris Day avant que l'on statue sur son sort. Et puisque Molloy est surpris d'entendre le gong en pleine forêt (120, on le comprend), c'est peut-être qu'il arrive dans le Bardo (intervalle), tel que l'imagine Antoine Volodine...

« Ce désespoir est-il total ? Ici encore il faut être prudent. Beckett a vécu son adolescence dans un pays pluvieux où de lourdes nuées cachent souvent le soleil. Mais lorsqu'à la fin du jour celui-ci descend sous la couche des nuages et se pose un instant sur l'horizon, une merveilleuse lumière se répand, une lumière chaude et dorée qui fait miroiter le clapotis des gouttes sur la boue. Cela ne dure que le temps d'un sourire, il est trop tard et de toutes façons la journée est finie. On a eu juste assez de lumière pour regretter plus vivement son absence : nimis sero... Cet éclat crépusculaire, cet "afterglow" est un des leit-motive de Beckett : Molloy, Malone, la nouvelle intitulée La Fin en offrent plusieurs exemples. Nous croyons pouvoir lui attribuer une valeur symbolique : c'est la visitation du soir. Elle vient quand tout est perdu quand on n'attend plus rien, quand on n'est même plus capable d'en profiter. Alors la Voix (quelle Voix ? dirait Beckett) se fait entendre, étrangement caressante. Watt entend un nom. « "Quel nom ?" Calme plat. Puis un murmure, un nom, le murmure d'un nom, dans le doute, dans la peur, dans l'amour, dans la peur, dans le doute, vent d'hiver dans les noirs roseaux...» (WA, p. 247). Illusion sans doute ! Souvenir de mythes anciens : c'est toujours ce vent dans les feuilles qui inquiétait Vladimir, ce frisson (de l'au-delà ?) qui passe, la nuit, comme un songe. Mais Molloy mourant l'entend à son tour : une voix précise, « Ne te bile pas Molloy, on arrive » (MO, p. 140). Qui parle ? Qui arrive ? Molloy, les yeux clos, l'aperçoit dans un rêve : c'est le grand chemineau au lourd bâton qu'il n'a pas eu le courage de suivre autrefois, c'est le berger silencieux qu'il a laissé rentrer au bercail avec son troupeau. Ils sont là, près de lui. Mais est-ce bien un rêve ? Serait-il enfin sauvé ? Comment savoir ? » (Jean Onimus, Les Écrivains devant Dieu, Paris : Desclée de Brouwer, 1967, page d'Agrégation 1999 à l’Uni. De Nice.)

C'est un jour de pluie comme on en imagine l'automne. Déjeuner chez Peter — tropisme : on se souvient, T. et moi, qu'à chaque fois qu'on est venu, il faisait un sale temps. Belle terrine de légumes, aspic clair et légumes croquants. Confit de poulet bien parfumé et pas trop gras. Peter a embauché un serveur qui lui ressemble un peu, physiquement, enfin furtivement et qui est italien. Il parle d'avoir bientôt un autre chef, encore meilleur — je confirme que celui-ci est déjà assez bon, qu'il n'y a pas d'urgence. Peter est perfectionniste.
En venant, j'avais prélevé une branche de jasmin sur un buisson de rue, une quinzaine de fleurs et encore quelques boutons, déposée dans le cendrier de notre table. Ça parfume bien. En partant, je la laisse à Peter qui la colle sur la caisse. Qu'elle lui porte chance !

T. s'en va au cimetière pour les préparatifs de demain, jour du transfert des restes de son père. Je retourne à l'Institut pour voir mon deuxième film de Jean-Claude Guiguet, son premier : Les belles Manières (1978). Étrange retenue des personnages pour une tragédie sociale, chacun est gentil et mesuré mais il n'y aura finalement pas de solidarité entre origines sociales si différentes, ni d'aventure amoureuse susceptible d'abattre les barrières de classes. Lents mouvements de caméra, musique prémonitoire, dialogues feutrés : l'anarchisme intériorisé du serviteur est l'envers du mépris désinvolte de la grande bourgeoise. Le schéma social simplifié et irréversible me rappelle Le Journal d'une femme de chambre d'Octave Mirbeau : même comédie de la confiance jouée jusqu'au vol...
Au retour, je pousse un peu plus loin que d'habitude dans une rue et me trouve nez à nez avec un mur de jasmin.

« Hors d'Akira ou d'Araki, point de saké. [...] Des obscénités telles que «valeur esthétique» ou «foi dans l'art» y sont même proférées, avec moult pincettes. [...] de minuscules écrans diffusant un dessin animé glauque, à base de cervelle bouillie et de chômage.» — Éric Loret dans Libération de mardi, au sujet de l'exposition L'Air de rien à la Maison de la culture du Japon, quai Branly. Paris, France : oui, Anne, Dom et Bikun (maintenant que tu as retrouvé de quoi te vêtir), vous pouvez y aller jusqu'au 24 juin. Certains préfèreront, le 10 juin, un simple séminaire sur le saké...


Dimanche 14 mai 2006. Cimentée devant nous.

Oubli de laisser trace des livres reçus avant-hier, notamment le collector Volodine chez Denoël, deux Sevestre, le Viart et Vercier, et Tous les mots sont adultes, nouvelle édition. Et pendant que j'y suis, mercredi, l'arrivée du petit colis très rapide du Matricule des Anges, mon réabonnement, avec les 4 derniers numéros — lecture quand même nécessaire malgré l'internet.

« le loup avance déguisé en grand-mère », écrivent Frédéric Lebaron et Gérard Mauger dans un excellent article du Monde diplomatique, Révoltes contre l'emploi au rabais, qui montre bien que le CPE n'était qu'une étape dans la transformation du travail en esclavage, via le concept culpabilisant d'employabilité — et que son échec a dévoilé au grand jour ce qui devait rester caché.

Le soir.
Le père de T. est arrivé à sa dernière résidence. On est un peu triste, un peu soulagé. Après cérémonie au temple, à Akasaka. Puis déplacement au cimetière, nouvelle cérémonie. Heureusement, il n'a pas plu (de pleuvoir, pas de plaire). Le prêtre a fait le voyage avec nous, plusieurs taxis avaient été réservés. Des ouvriers viennent desceller la pierre qui donne accès, sous la stelle familiale, aux boîtes, de différentes tailles, qui enferment les restes d'autres membres de la famille. On les vérifie, on les pousse un peu pour faire de la place au nouveau. Puis la pierre est reposée et scellée, cimentée devant nous.
Donc, pour aujourd'hui, c'est tout.


Lundi 15 mai 2006. Le nénuphar est méconnaissable.

Forte impression en voyant l'ultime reportage du 20-heures de France 2 d'hier : réouverture du Musée de l'Orangerie après que des travaux de réfection complète du bâtiment ont été menés pendant 6 ans en présence des Nymphéas.  À côté des gravats et sous les grues, les toiles, les toiles fragiles... Comment les a-t-on mises à l'abri des vibrations et des intempéries ?

J'en ai mangé hier des graines, de nymphéas. Au restaurant vietnamien Alice d'Akasaka où T. avait réservé une table, nous a été servie, entre autres mets, un peu comme un bol de cacahuètes à l'apéritif, un plat de graines de lotus frites. Pour le goût, c'est un peu comme des pois chiches. Dans la même famille des lis d'eau, le rhizome aquatique est plus connu au Japon sous le nom de renkon (蓮根). Tranché, farci, frit, le nénuphar est méconnaissable.

Un lundi de transition. Ai fini hier Bardo or not Bardo et ai entamé le Nom des singes ; d'un Volodine l'autre, je vais à rebrousse-œuvre, comme avec Échenoz l'an dernier, avec Sevestre par la suite (et ce n'est pas fini), avec Vargas auparavant... J'aime remonter les auteurs que j'aime. Surtout les contemporains. Je les sais vivants, là, quelque part dans le monde, grattant du papier ou tapant sur un clavier, dormant, faisant la vie ou la tirant par la queue, ignorant pour la plupart que je les lis... Nos vies parallèles dans le fuselage des longitudes.
Transition encore, à la recherche du temps gagné — pour faire du japonais, notamment. Je propose à mes amis de suspendre le GRAAL pour six mois. Nous verrons à l'automne si la quête renaîtra...

Je sors une heure pour acheter mon kaisuken (回数券), carnet de billets de shinkansen, un peu moins cher qu'à l'unité, et des petites piles pour alimenter mon dictionnaire électronique qui en exige (c'est donc qu'il tourne). j'en profite pour lever un peu le nez, pour une fois qu'il ne pleut pas... On a vu la météo pour la semaine, ça ne va pas être terrible. En cadrant, je me demande quel est au fond le sujet de la photo. Au sens du thème, je ne fais aucune série particulière, n'ai de priorité sur aucun mode de l'appareil, ne suis guidé, quand il ne s'agit pas d'illustrer un propos préalable, que par une impulsion de surprise ou d'originalité devant quelque chose. Au sens du sujet agissant, moi, je n'ai aucune intention, ni d'autoportrait via ce que mon œil voit, ni de réalisme social, ni (encore moins) de sociologie ou d'anthropologie. Je ne sais pas pourquoi je fais des photos. D'ailleurs, je ne sais pas non plus pourquoi j'écris — je veux dire pourquoi je fais attention à ce que j'écris quand j'écris, ni pourquoi je le montre (sinon, noter pour la mémoire, ça, je l'ai dit et je le maintiens). Il m'est arrivé d'en parler, de tourner sournoisement autour du pot littéraire, mais rien n'est certain, je n'ai pas de but quant à ça.

C'est un peu comme le puisard que Michel veut combler dans Harry, un ami qui vous veut du bien (visionné cet après-midi). On pourrait repenser tout le film comme une rêverie qui lui vient entre deux brouettées et dont il sortirait à la fin, libéré — sauf qu'il a un 4×4 devant la maison. Le puisard renferme les pulsions sauvages d'un garçon bonne pâte, s'y pencher met tout le monde en danger. Harry en sort, le génie de l'autoroute, rencontré par hasard quand il était presque nécessaire. La dimension onirique va explicitement dans le film du rêve de Michel à la salle de bain flambant neuve fuschia, en passant par l'érotisme de la rondeur de l'œuf et la reprise des textes du lycée... Puissance transformatrice du rêve — mis à exécution par un autre, double inversé de soi (encore une occurrence de film tiré du rêve d'être écrivain).
La bascule, le bégaiement identitaire est d'ailleurs dans le titre allitératif : « vous veut » — où vous vouloir et vouloir pour vous (encore dédoublé en ce qui vous est destiné et ce qui est voulu à votre place) s'amalgament sans vraiment se confondre.

Commentaires

1. Le lundi 15 mai 2006 à 09:58, par Michel :

Les morts aussi sont vivants
par-delà le temps, par-delà l'espace

2. Le lundi 15 mai 2006 à 15:34, par Bikun :

Un jour quelqu'un m'avait dit, pour me décrire, que "je fais des photos pour me donner l'impression de vivre". En fait je me suis aussi posé la même question que toi Berlol, mais après tout, pkoi on fait une collection de timbre, pkoi on fait de la musique, pkoi pkoi...on meuble le temps, on tue le temps?!

3. Le lundi 15 mai 2006 à 20:44, par Michel :

J'espère qu'on écrit ou peint ou fait de la musique, etc., pour autre chose que de "meubler ou tuer le temps". Cela se comprend à la rigueur pour les mots-croisés ou compter les moutons.

4. Le lundi 15 mai 2006 à 21:28, par Michel :

J'espère qu'il y a un peu quelque chose comme une certaine quête "du lieu et de la formule"... un petit peu, un tout petit peu...

5. Le lundi 15 mai 2006 à 23:16, par Berlol :

Oui, c'est vrai que Bikun a une vision assez... aplatie des arts. Quelque part, il n'a pas tout à fait tort, que l'on fasse ceci ou cela, à la fin, on meurt. Ceci admis (et comment faire autrement), on peut avoir des prétentions à une certaine élévation, des visées à une certaine portée, donner un sens un peu plus fort qu'en ne faisant rien ou en acceptant un boulot "normal"... Mais est-ce bien certain ? Y arrive-t-on ? Combien y arrivent ? N'est-ce pas un piège de l'orgueil ? Ne veut-on pas plutôt la gloire ?
Le chemin qui ressemble à un chemin n'est pas un vrai chemin...

6. Le mardi 16 mai 2006 à 01:24, par vinteix :

Bien sûr que l'on meurt, mais c'est justement parce que l'on meurt que l'on ne doit pas s'avachir, mais au contraire se lever; la mort est de toute façon le grand moteur... quel autre moteur profond et tragique à notre condition et à notre "quête" s'il y en a une, si modeste soit-elle ?
et entre l'amour et la mort...
C'est parce qu'il n'y a pas d'issue que l'on doit à tout prix chercher une issue ("Comment s'en sortir sans sortir", disait Luca, ce n'est guère aisé, et cela réclame beaucoup d'énergie et de force) ; de même qu'il n'y a pas de justice (en soi, absolue), mais qui prétendrait refuser absolument l'idée de justice ?

Je pense aussi qu'il n'y a pas de chemin... ou un chemin sans chemin, une voie sans voie (voir là-dessus le Tao ou ce proverbe chinois : "Arriver au sommet d'une montagne et continuer à monter").
"Caminantes, no hay caminos, hay que caminar" (inscription sur le mur d'un cloître de Tolède); bien sûr que l'on n'arrive jamais, nous ne sommes que sur des chemins de traverse, où l'on se perd, entre errances et détours, mais on peut s'engager à l'écart des chemins sus par coeur, ces vérités de morts vivants, errer dans le désert de notre ignorance, dans l'inachèvement (inévitable). C'est le "principe du chemin dans le désert" dont parle Kafka dans son "Journal" : "Ce n'est pas parce que sa vie était trop brève que Moïse n'est pas entré en Chanaan, c'est parce que c'était une vie humaine."

Mais il y a une quête, sans gloire et sans orgueil, vouée à l'inachèvement et à la mort, bien sûr, en cela vaine également, mais sans ce pari, parfois même cette folie, y a-t-il un sens à faire quelque chose ? Il faut tenter ce sens, cette "chance" aurait dit Bataille ("Ecrire est rechercher la chance"), en ayant aussi conscience de sa faillite, inéluctable, sinon on vit dans la mollesse, la paresse, l'esclavage dont tu parlais récemment... "vivre et penser comme des porcs".
Faire le pari du sens en sachant que cela n'a pas de sens... me souviens plus, tout de suite, d'une très belle phrase de Nietzsche à ce sujet... Personnellement, j'en reviens toujours à ce vers de Celan : "Die Welt ist fort, ich muß dich tragen" = "Le monde est parti, il faut que je te porte".
C'est s'engager sur un chemin oublieux, à la recherche d'un "texte inconnu" (si l'on parle d'écriture), entre mémoire et oubli, dans l'absence d'issue et de vérité, bien sûr, car la vérité est errante, énigmatique, l'errance d'une vérité qui manque, ou peut-être le mystère n'est que l'absence de mystère, c'est-à-dire "la vérité", le sens l'absence de sens, sans rien de secret, et il n'y a qu'à vivre et à écrire, ou peindre, ou filmer, etc.

Est-ce orgueil et vanité (dans les deux sens du terme) ? est-ce à cela que Rimbaud s'est confronté, est-ce à cela qu'il a été acculé, réduit au silence ? Sûrement, mais pas seulement...
"Que les oiseaux et les sources sont loin ! Ce ne peut être que la fin du monde, en avançant !" La finale, "en avançant", est sublime et prévient tout renoncement, tout avachissement, toute paresse, toute mollesse, toute médiocrité.
L'éclatant désastre qui fut le sien est aussi mû par une folie orgueilleuse, une fougue que l'on ne devrait pas quitter (encore, bien sûr, faudrait-il l'atteindre... et là, pour le coup, je sens bien que je frôle l'orgueil car maintenir une telle hauteur est tellement difficile; l’on pourrait dire aussi que c’était la marque d’une certaine adolescence... quand bien même, comment mépriser ce feu intérieur ?). Il y a une grandeur (qui, par ailleurs, manque tellement à notre époque), un sens de l'éperdu (mot bien désuet, certes) que l'on devrait embrasser plus souvent qu'on ne le fait. Les grandes passions et les grandes oeuvres se sont rarement faites sans...
sinon c'est la chansonnette que stigmatisait Céline, le bouillon de culture, la bonne soupe, l'eau tiède...

7. Le mardi 16 mai 2006 à 01:26, par vinteix :

quant à la gloire, c'est naturellement un leurre dont le revers est la persécution.

8. Le mardi 16 mai 2006 à 02:55, par arte :

Certes.

9. Le mardi 16 mai 2006 à 03:07, par vinteix :

certain !

10. Le mardi 16 mai 2006 à 03:22, par Berlol :

Suis d'accord aussi. Ce que dit Vinteix est très bien (d'ailleurs je disais pareil). De temps en temps, il y a des gens qui chopent une de mes bouteilles à l'amer et qui en font quelque chose de leur côté. Personne ne viendra me sauver, bien sûr. Mais ça fait plaisir quand même... Bien amicalement à vous.

11. Le mardi 16 mai 2006 à 03:27, par Bikun :

J'espère que vous avez remarqué que c'était une question. Que je m'interrogeais...

12. Le mardi 16 mai 2006 à 03:47, par Berlol :

Oui, oui, on te fait confiance. Tu vois, des fois, ça part de rien...
Et à part ça, la vie parisienne ?

13. Le mardi 16 mai 2006 à 04:32, par vinteix :

Bonne question, au passage... de toute manière, nous n'avons que des questions, sans réponse...

14. Le mardi 16 mai 2006 à 04:36, par vinteix :

et nous jetons des bouteilles à la mer... ça me rappelle Mandesltam, tout ça

15. Le mardi 16 mai 2006 à 04:48, par JoseAngel :

Et The Police donc, "Message in a Bottle"...!

16. Le mardi 16 mai 2006 à 05:40, par Berlol :

Some fuckin' good questions, t'night !
Du coup, je viens de me refaire un tour de Big Lebowski. C'est LA réponse !...

17. Le mardi 16 mai 2006 à 06:15, par vinteix :

L.A. answer
LA woman

18. Le lundi 22 mai 2006 à 09:43, par Bikun :

On vivotte, on vivotte...:-)



Mardi 16 mai 2006. Jonchée de balles.

C'est reparti pour une semaine. Train à lire Beckett (avance pour samedi parce que vendredi sera chargé). Changement de saison, je range les pantalons d'hiver. Le problème, c'est que parmi les pantalons d'été, il n'y en a presque plus dans lesquels je rentre. En acheter d'autres ou maigrir ?... Pour mettre en œuvre la seconde solution, les onigiris préparés par T. conviennent très bien, non qu'ils soient petits, mais diététiques, oui.

Deux cours, sans commentaires (sauf que Writely est bien accepté par les étudiants, qui n'ont aucun problème avec, qui me font de beaux exposés). Ping-pong juste après, pendant une petite heure avec David, au 3e sous-sol du gymnase. Ça doit faire plus de trois mois qu'on n'a pas joué. La salle, qui doit faire 25 mètres sur 10, est jonchée de balles par l'entraînement forcené d'un étudiant du club de tennis de table, puis trois danseurs viennent au fond de la salle faire leurs étirements. Hélas, on repart avant que d'autres collègues se joignent à nous (faudrait qu'ils viennent un peu plus tôt, aussi).

Compte tenu des questions hautement philosophiques que brassent les commentaires d'hier, je me visionne de nouveau The Big Lebowski. Je peux dire que même sur ce petit écran acheté il y a plus de 10 ans (je n'aurais jamais imaginé que cette télé me fasse si longtemps) — même sur cet écran pourri, the Dude abides...
Que voilà une expression pas facile à traduire : the Dude abides !
Moi, je verrai bien : On change pas le Dude ! ou C'est tout le Dude, ça ! ou On ne refait pas le Dude, hein ! (au lieu du On change pas le Dude que propose le sous-titre français, un peu banal alors que le terme anglais est assez recherché).
Cette phrase, d'abord prononcée par le Dude lui-même, Jeffrey Lebowski, le héros du film (Jeff Bridges), celui qui se fait taper, étaler, voler, manipuler, ridiculiser sans jamais perdre sa bonne humeur ni son sens de la répartie, cette phrase, donc, est reprise par cet étrange personnage moustachu qui n'est autre que le narrateur off du début, celui qui raconte toute l'histoire, s'invite deux fois au bar pour saluer le Dude, estimant qu'avoir connu cette histoire, c'est suffisant pour penser que Dieu ne l'a pas roulé en lui donnant sa vie à vivre... Sacré message des frères Coen !
Autre truc qui me titillait, quand Maude lui demande de parler de lui, le Dude dit qu'il a été un des auteurs de Port Huron... Kézako ?
Après recherches, il s'agit du Port Huron Statement de 1962, dont je viens de parcourir quelques paragraphes et qui nécessitait bien, en effet, si j'ai ne serait-ce qu'un peu compris ce qui s'est passé dans ces années-là, que la CIA distribue des centaines de kilos de drogues pour éviter une révolte des étudiants... Definitely, the Dude abides.

Commentaires

1. Le mardi 16 mai 2006 à 10:35, par Dom :

Vu le niveau de langue de abide, et le ton sur lequel la phrase est prononcée dans le film, c'est plutôt quelque chose comme "Le Dude persiste". À condition qu'on puisse l'employer absolument.

2. Le mardi 16 mai 2006 à 20:44, par Berlol :

Tu vois le type, au milieu d'un bowling, qui répond à quelqu'un en disant : "le dude persiste" — après tout ce qu'il a vécu ? Tu me vois, devant la table de ping-pong, dire : "le Berlol persiste" ? C'est ce que ça dit, mais ce n'est pas ce que ça fait...

3. Le mardi 16 mai 2006 à 21:57, par Manu :

J'ai pas vu le film, mais que diriez-vous de "Le Dude (s')assume / accepte / encaisse voire s'en moque" ?

4. Le mardi 16 mai 2006 à 23:27, par Berlol :

Y'a un peu de ça... L'idée c'est qu'après tout ce qui s'est passé, le narrateur moustachu lui souhaite bonne continuation et de rester tel qu'il est. À ce moment-là, s'éloignant et en manière de salut, le Dude dit ça, the Dude abides. Style : t'inquiète pas, je resterai moi-même, rien ne pourra me changer... Mais il faut trouver l'expression qui en français rendrait ce côté évident et rassurant de l'immuabilité du Dude.

5. Le mercredi 17 mai 2006 à 00:46, par Dom :

Abide est marqué comme archaïque et relevant d'un style très relevé. Il y a une grande part d'ironie de la part du Dude à employer ce terme, qui a en plus des connotations religieuses assez fortes (par exemple, God is love, and he who abides in love abides in God, and God abides in him. I JOHN 4:16 ou »let every man abide in the same calling wherein he was called
- 1 Cor 7:20 (AV)«). Il y a l'idée de "rester ferme". "Le Dude reste ferme" ?. C'est aussi ce décalage qui fait que le moustachu reprend immédiatement sa formulation pour en faire comme le concentré symbolique de toute l'attitude du Dude. C'est en quelque sorte la devise du Dude, le noyau de son "enseignement". Si on affaiblit trop la traduction, on perd l'ironie et le décalage de registre. Continuons. Et traduire dude, ça vous tente ?

6. Le mercredi 17 mai 2006 à 01:10, par Dom :

Demeurer est aussi intéressant, d'ailleurs c'est probablement le mot français qui étymologiquement se rapproche le plus d'abide (abode, c'est le domicile, le lieu de séjour). Le Dude demeure, comme Jesus, que ma joie demeure. Mais comme souvent, les deux mots ont très légèrement dérivé dans chacune des deux langues. Surtout parce qu'abide a pris une connotation de tolérer, supporter (surtout à la forme négative, qui est plus fréquente, je pense : I can't abide = je ne supporte pas, qui est noté comme informal) et qu'il est plus lié au temps (bide) qu'à l'espace.
Encaisse de Manu est très bon, c'est sans doute ce qui me plaît le plus, parce que ça tient vraiment la route en français, (assurer aussi (malgré une connotation de réussite de ce qu'on entreprend qui ne convient pas vraiment), ce qui ne va pas c'est le registre.

7. Le mercredi 17 mai 2006 à 02:30, par Berlol :

Superbe, Dom ! 100% d'accord. On dirait que tu viens de revoir le film... En fait, en français, il pourrait citer Apo, avec son geste un peu ironique : T'inquiète ! Les jours s'en vont, je demeure...
Quant à traduire Dude ! Presque impossible. Beau challenge. Il faudrait un surnom pour une sorte de prestige déglingué (avoir été un révolutionnaire intello des années 60, être maintenant moitié chômeur moitié as du bowling — et toujours cool)...

(T'inquiète pas !) L'Aristo est solide !

8. Le mercredi 17 mai 2006 à 05:34, par Manu :

Et "perdure" ? On s'éloigne sans doute un peu.
Bon, ben il ne me reste plus qu'à voir le film.

9. Le mercredi 17 mai 2006 à 05:36, par Berlol :

Ouaich... en effet. Je te le prête, si tu veux.

10. Le mercredi 17 mai 2006 à 11:07, par Dom :

Je ne viens pas de revoir le film, je suis fan. Plutôt tendre vers cette sublime apathie que les grandes exaltations de vinteix hier... Ah, l'eau tiède...

11. Le mercredi 17 mai 2006 à 18:59, par vinteix :

chacun sa boisson...

12. Le mercredi 17 mai 2006 à 20:10, par vinteix :

Pour ma part, je préférerais toujours un grand cru, le saké, le champagne ou le whisky à l'eau tiède...
(ce qui m'empêche pas que je sois aussi fan de "The Big Lebowski".)

13. Le mercredi 17 mai 2006 à 21:41, par vinteix :

(au risque d'être encore taxé d'exalté... et alors ?)... l'exaltation : sentiment d'être traversé et dépassé par tant de choses plus grandes que soi et infiniment insondables ; c'est ce qui (me) meut, plutôt que ces états catastrophiques de l'être, le moi et le soi, ou le vivant se laisse emprisonner par les formes qu'il perçoit de lui, alors que nous sommes bien plutôt voués à l'immensité du monde et à ses infinis possibles. Ce qui n'exclut pas la légèreté et les incessants balbutiements de l'enfance.
Suis personnellement toujours fasciné par la maitrise de certaines personnes (dans quelque domaine que ce soit), mais cette maitrise me semble toujours aussi un peu suspecte...
Exaltation, oui, extase, sortie de soi... Au passage, la "sublime apathie", sublime idéal aussi, ne va pas sans efforts, voire même une certaine ascèse...
Quant au "tragique" de notre condition que j'évoquais rapidement, on a trop tendance a l'évacuer allègrement... Notre vie est constitutivement tragique, "hic et nunc".

"Ce n'est pas le doute qui rend fou, c'est la certitude" (Nietzsche)

14. Le jeudi 18 mai 2006 à 03:20, par vinteix :

... l'exaltation pour respirer dans l'irrespirable, OUI... a moins qu'on ne trouve l'air qui nous entoure parfaitement respirable (?! civilisation d'esclaves endormis dans une climatisation plus ou moins reussie). A la base de cette "exaltation", il y a la conscience aigue d'un manque, un manque constitutif : l'etre est ce qui lui manque.
D'ailleurs, (meme inconsciemment) vos belles tentatives de traduction relevaient d'un tel manque, d'un refus de se contenter, d'un inachevement (fatal), d'un en avant vital, quand on refuse de separer le langage et la vie (ce qui est pour moi une des definitions meme de la poesie, l'alliance par excellence du langage, de la pensee et de la vie).
Exaltation, exultation, "que ma joie demeure" (oui, mais le terme "demeure" est loin d'etre evident... "Jacques a dit"...), inquietude et "gai savoir", gaiete inquiete, joie (mais au sens fort, risque, l'effectuation d'une puissance, comme disait Deleuze, apres Spinoza), "joie devant la mort" : en somme, rien n'est (absolument), mais tout est en devenir.
Et "la sublime apathie" est loin d'etre evidente, egalement, sauf a tomber dans l'amorphe et la resignation... elle est bien plutot l'aboutissement ideal d'un grand degagement (loin d'etre spontane et evident), que l'on pourrait rapprocher de l'ataraxie, du satori, du non-agir, de l'impassibilite, etc.

15. Le jeudi 18 mai 2006 à 07:10, par Manu :

n'abdique pas ?
Bon, nan, ok, j'ai perdu, "demeure" est mieux...

16. Le jeudi 18 mai 2006 à 07:23, par vinteix :

euh... si je puis me permettre... Au-dela du mot lui-meme ("abides") - mot qui n'existe pas d'ailleurs en dehors de la parole -, il me semble que les traductions proposees comme "n'abdique pas", "demeure" ou "perdure" traduisent peut-etre bien le mot (bien que je ne sois pas expert en la matiere), mais sont tout a fait inenvisageables dans la bouche du moustachu qui les dit ! Dans tout ce que vous avez dit, pour l'instant, je ne vois pas mieux que : "On change pas le Dude !" ou "C'est tout le Dude, ça !"
Poetique de la traduction : au-dela des mots

17. Le jeudi 18 mai 2006 à 10:43, par Dom :

Mais le registre, vinteix, le registre, et l'ironie. Le moustachu, il la répète en la savourant, cette phrase, il ne l'invente pas.
Si on se sert de Google comme d'un corpus, on voit dans les premières réponses qu'à part les occurrences très nombreuses de The Dude abides (ce qui prouve bien que la phrase accroche de par sa forme même; ya des T-shirts qui se vendent avec, des pseudo dans des forums, etc. C'est son côté "devise"), et l'expression abides by, qui est assez courante dans le langage juridique, ce qui abides, c'est Earth (dans un titre de roman de SF), God, love, tradition, etc. God abides, c'est pas On change pas Dieu! C'est parce que the dude ne peut pas être sujet "convenable" d'abides que ça accroche.

Je suis tombé aussi sur une page, New Testament greek lexicon, qui présente des stats sur les traductions en anglais de mots grecs du Nouveau testament. Le verbe meno, dont le sens immédiat serait remain, est traduit, sur 118 occurrences, de la façon suivante :
abide, 16; abides, 22; abiding, 4; await, 1; continue, 4; continues, 1; endures, 3; enduring, 1; lasting, 2; lives, 1; living, 1; remain, 20; remained, 6; remaining, 1; remains, 8; stand, 1; stay, 11; stayed, 11; staying, 3; waiting, 1
Encore un indice qu'abides annoblit l'expression, ce n'est pas un mot ordinaire ni une façon banale de s'exprimer. Encore, sur une page appelant à la conversion, l'auteur cite un passage de Jean et se voit obligé de gloser :
I am the vine; you are the branches. If a man abides (remains) in me and I in him......
Dans un article du New York Times, "And, of course, the Zen-like sign-off, "The Dude abides.""

Il ne faut pas que la traduction conduise à imaginer que le Dude puisse être un tant soit peu actif : n'abdique pas, reste ferme, tient bon, c'est déjà trop dire. Il reste, il demeure, il ne passe pas.

18. Le jeudi 18 mai 2006 à 19:36, par vinteix :

"Le Dude reste" ?! "Le Dude demeure" ?!

19. Le jeudi 18 mai 2006 à 20:27, par vinteix :

Votre analyse est très belle et pleine d'érudition. J'applaudis d'une main... non, c'est une blague, enfin un koan, zen ("la sublime apathie)... mais il y a un moment où il faut trancher et donner voix (en français) à "Big moustaches". Alors ?

20. Le vendredi 19 mai 2006 à 17:49, par Manu :

Le Dude est mythique



Mercredi 17 mai 2006. À son public l'immoralité.

Deux cours, ce matin et quelques problèmes informatiques, de la pire espèce, ceux qui s'élargissent par aléas. C'est d'abord un détail, une étudiante qui n'arrive pas à entrer dans Writely parce qu'elle se trompe de lien, ce qui se répare sans problème dans mon bureau. On veut recommencer avec son portable Mac et Fasari mais... le lien dynamique de login se transforme en badbrowser (logiciel de navigation inadapté, ou mal configuré). On va au bureau du département sur un autre Mac avec Interfet Exploser mais qui, une fois allumé, a une panne de connexion (il faut téléphoner à un ingénieur réseau qui doit venir réparer, mais pas tout de suite). Bref, on arrête les frais et on passe à autre chose.
Je jure que je n'ai rien contre Mac... D'ailleurs, elle vient de m'écrire ce soir que ça marche avec Pirepox. Donc, la voilà partie pour faire une synthèse de cinq ou six documents sur les problèmes de l'eau dans le monde — que je contrôlerai, cadrerai et corrigerai à distance, de temps en temps, entre les cours (énorme temps gagné sur des corrections que je faisais auparavant a posteriori).

Déjeuner avec David et deux collègues hispanisants, un Mexicain et un Bolivien. Après quelques banalités sur la fac et le boulot, total dépaysement grâce à l'évocation de La Paz, son altitude, ses aspects géographiques étonnants, puis des souvenirs de voyage au Mexique, Oaxaca, San Cristobal, Palenque. Un moment, on a cru qu'on n'était plus là...

Visionnement d'Arrêt sur Images de dimanche. Moyennement bonne émission avec Karl Zéro, au sujet de son éviction de Canal +. Au moins est-on resté centré sur le traitement de l'info dans les émissions. Daniel Schneidermann se complaît encore dans son rôle de justicier de la télé — et il croit que ça ne se voit pas (alors que ça fait dix ans que ça se sait...). Comme avec Denis Robert la semaine dernière, il s'agit d'abord pour lui, semble-t-il, de dévoiler à son public l'immoralité des pratiques des autres, sa conviction à lui étant faite, bien qu'il s'en défende. À voir les réactions sur les forums, je ne suis pas le seul à ne pas être dupe... Il devrait y réfléchir, au lieu de jouer à des jeux puérils avec son avatar. De même que les renvois d'ascenseur Delaume / Schneidermann font franchement pitié.
Pas mal — ça change, Le Bateau livre. Avec Fred Vargas et Régine Detambel, suivies d'une chronique chaleureuse sur Pierre Michon et d'un entretien avec André Chieng qui parle beaucoup de François Jullien (survol un peu rapide de concepts chinois — qui le restent, du coup). Jean-Louis Missika, en revanche, fait bien comprendre ce qu'il entend par la Fin de la télévision (et c'est tant mieux).

À signaler aussi, les chroniques de France Info, cette semaine, sur le Japon. Aujourd'hui à Kagoshima. Attention tout de même aux préjugés ; cette photo, par exemple, est légendée « embouteillage de taxis à la gare de Sendai » — or il ne s'agit pas d'un embouteillage, mais bien d'une accumulation organisée, d'un provisionnement, le contraire d'un embouteillage...

Soirée tranquille (pas de sport, la pluie m'hérisse) et préparation d'emploi du temps pour le week-end, avec le Congrès de la SJDF vendredi — la conférence de Jean-Louis Chiss (Sciences du langage et didactique des langues : une relation privilégiée) — et celui de la SJLLF samedi — la conférence d'Éric Bordas (Balzac : la question du style). Le plus étonnant, c'est quand même cette absence de toute intervention de membre français lors des sessions de dimanche... Mais bon, c'est pas mes oignons.
Mise au point de retrouvailles à Tokyo avec David et Alex.
À noter que Jean-Louis Chiss sera également à l'IFJT lundi soir (Directions actuelles de l'enseignement de la grammaire).

Commentaires

1. Le mercredi 17 mai 2006 à 16:32, par Berlol :

Semblerait qu'Eric Bordas viendrait à l'université de Nagoya mardi 23 pour conf. "Lire Balzac au XXIème siècle". L'opacité sur les programmes des conférenciers est plus forte que jamais !

2. Le jeudi 18 mai 2006 à 00:58, par arte :

Merci. Samedi c'était bon pour moi, mais mardi, j'ai piscine ...



Jeudi 18 mai 2006. Durée non orientée de sa platitude travaillée.

« Lorsque l'un d'entre nous cessait de s'adresser à ses proches pour tendre vers un chimérique universel, on resserrait les liens, on prenait du temps pour discuter et lui rappeler que le public était à jamais hors d'atteinte puisque tous les médias — presse, télévision, radio — étaient aux mains de l'Industrie. Il ne fallait donc compter que sur nos propres forces et diffuser soi-même ses œuvres.» (Philippe Vasset, Bandes alternées, p. 63)

« Ces silencieuses forteresses, ces nécropoles aux pièces innombrables, personne ne les prenait d'assaut : nous n'étions pas révolutionnaires. On préférait s'éditer soi-même, mettre ses morceaux en libre accès sur Internet et exposer dans son garage plutôt que d'hypothéquer le présent au bénéfice d'un éventuel bien-être futur.» (Ibid., p. 71)

J'ai beaucoup transpiré, là-dessus, cette vingtaine de pages-là du dernier Vasset. Toujours moyennement intéressantes pour moi. Montant des marches mécaniques qui échauffent le corps deux fois plus vite que le vélo, entre les gouttes que j'évitais de justesse de faire tomber sur le papier, je m'interrogeais sur la nécessité formaliste de ces pluriels. Bien sûr, il n'est pas question d'accuser le manque de vraisemblance d'une telle parole (sinon on mettrait toute la poésie au feu), mais plutôt de stigmatiser la durée non orientée de sa platitude travaillée, les propos du début, du milieu ou de la fin (j'y suis presque) semblent interchangeables... Ou alors, je passe complètement à côté. Mais de quoi ?

La pluie a cessé pour quelques heures. Les deux derniers cours ont été épiques.
Lecture et phonétique de 1ère année : en fait, 80 % des problèmes de prononciation des étudiants japonais peuvent être corrigés dès la 1ère année à partir d'une sensibiliation à l'accent tonique, son placement et son déplacement, notamment en tenant compte de tous les "e" muets en fin de mot — qu'en un réflexe katakanique les étudiants veulent prononcer ET accentuer. Pas besoin de faire un atelier au congrès des profs pour dire ça ! Rythme et mélodie, donc, auxquels je donne priorité sur le sens (il y a assez de cours qui se focalisent exclusivement sur le sens... — comme si la langue n'était que du sens, hein !)
Séminaire de cinéma, analyse des premières minutes des Poupées russes, presque image par image. Comment Xavier en voix off introduit le vrac de son identité et de son histoire, Klapisch filmant ses reflets morcelés dans les miroirs des toilettes du train. Comment les portraits des amis de Barcelone sont montrés un par un, format identité pour passeport (ce qui n'est pas très original), avant un plan de groupe dans lequel, comme par hasard, Xavier et Wendy sont chacun à une extrémité... Les étudiantes sont positivement surprises de cette façon d'étudier le cinéma (loin des discussions exclusivement thématiques ou d'intrigue, qui sont en fait d'obédience littéraire, et souvent prétextes à parler d'autre chose que d'un film). Cela veut également dire qu'à l'école on ne leur a jamais appris à analyser une image, qu'elle soit fixe ou mobile... De plus, comme elles ont maintenant à peu près compris le fonctionnement de la page collective Wrilety, ça discute à donf pour choisir les sujets de rapport de fin de semestre.

J'ai bien gagné mon repos dans le train. Et lire à nouveau Molloy, ou plutôt Morand...

Commentaires

1. Le vendredi 19 mai 2006 à 06:06, par arte :

si on se faisait un cache-cache-cachette-colin-colin ? :-)

2. Le vendredi 19 mai 2006 à 12:51, par brigetoun :

tiens, j'allais dire que tu me donnes envie de voir les poupées (immense retard en cinéma) et je tombe sur Molloy (ou Morand) dans lequel je suis avec bonheur actuellement par petits bouts entre de longues plongées dans des mémoires



Vendredi 19 mai 2006. Encaisse et rend la monnaie évidemment.

Matinée un peu tranquille, avant la folle journée. J'en profite pour aller payer des mandats à la poste. Pas comme prévu, une employée me propose de faire ça à la machine, où les frais sont moins élevés. Elle m'y accompagne. La machine mange la feuille du mandat, dans l'instant la scanne, la restitue à l'écran, océèrise le numéro et le montant, encaisse et rend la monnaie évidemment. Qui dit mieux ?

Je retrouve à Iidabashi David qui vient de Nagoya et Alex qui vient de Kyoto. Ils ont pris le même shinkansen et sont déjà bien chauds à l'idée d'aller au Saint-Martin — pour, nominalement, le poulet-frites. Là, pas comme d'habitude non plus, bien qu'il soit midi tapant et que j'aie réservé, il y a déjà deux fois cinq personnes et Yukie nous annonce qu'il n'y a plus du plat convoité... sauf si on attend vingt minutes. Qu'à cela ne tienne, on attendra. On a des trucs à se dire... Oh, c'est prêt ! David et Alex sont révoltés comment c'est bon et que j'aie ça toutes les semaines !
Le mieux est que je leur laisse la parole, s'ils ont quelque chose à dire...

Déplacement rapide à Mita, sur le campus de l'université Keio où a lieu la conférence de Jean-Louis Chiss [Sciences du langage et didactique des langues : une relation privilégiée]* dans le cadre du Congrès de la SJDF. Content de le retrouver. Une merveille du genre, sa conférence. Le mieux est que je la donne à écouter mais je n'en ai pas le temps ce soir parce que Morand m'attend... [Mise en ligne effectuée le lendemain.]

Quatre autres interventions et ateliers (à détailler).
Rencontre d'une Sophie dont on ignorait qu'elle était à Nagoya.
Dîner à trois dans un chinois de Mita avant de raccompagner David à la gare de Tokyo.

À compléter...
Comment compléter ? Comment dire le point auquel je trouve la plupart des interventions locales inintéressantes ? On se noie dans des micro-problèmes, on se perd dans des conjectures, on se prend les pieds dans les mots d'un tapis de petits pouvoirs locaux. D'à peine diplômés, ventriloqués par des éditeurs semi-crapuleux, vantent leur manuel soi-disant révolutionnaire — dont l'indigence est à pleurer (de rire, ce n'est même pas sûr). Les stériles querelles pointées par Chiss, entre chercheurs (théoriciens sciences-du-langageux) et enseignants (répétiteurs didactichiens), reviennent, agrémentées au goût du jour entre maîtrises de FLE d'un côté et Capès-Agreg de l'autre. Les bras m'en tombent. Des fois, je me demande pourquoi je renouvelle mon adhésion. Par optimisme... Parce qu'il faut toujours attendre une bonne surprise... Et que tous, qui ne s'expriment pas, ne sont pas mauvais...

*Mise en ligne avec l'autorisation du conférencier.

Commentaires

1. Le vendredi 19 mai 2006 à 12:10, par arte :

donc on joue pas à cache-chache-cachette-colin-colin :-(

2. Le vendredi 19 mai 2006 à 12:13, par k :

moi j'veux bien, mais vous voulez po!

3. Le vendredi 19 mai 2006 à 13:33, par k :

si on joue à kache-chache-kachette-kolin-kalin
après on pourra jouer à 1-2-3-sol-solal-soleil
py faire de bulle avec du produit vaisselle
dis site pelé, dit, un oui, dit
monsieur on pourra dit?????????????????

4. Le vendredi 19 mai 2006 à 14:32, par arte :

sourire...

5. Le vendredi 19 mai 2006 à 15:52, par k :

trempée la dans l'huile,
trempée la dans l'eau,
ça fera...........

6. Le samedi 20 mai 2006 à 18:37, par Berlol :

Skuzez, j'avais déserté les commentaires... Pas le temps... Je viens de finir la page de ce vendredi, avec mise en ligne — et point de vue final...

7. Le samedi 20 mai 2006 à 21:42, par Dominique :

pourquoi les universitaires ont-ils des cravates ?

(c'est vraiment une question sérieuse)

8. Le dimanche 21 mai 2006 à 04:04, par Berlol :

En fait, ils n'ont pas tous toujours une cravate...
L'universitaire dans son biotope, entre son bureau et sa classe, n'a pas nécessairement de cravate, c'est selon son goût. Lorsqu'il s'agrège à d'autres pour former un troupeau transhumant vers un lieu de socialité collective, réunion, congrès, colloque, il se doit de mettre une cravate s'il doit prendre la parole en public, s'il représente une institution, une congrégation, voire une nation — ou s'il cherche un poste. Dans ce dernier cas, la cravate doit être sobre, représentative de l'humilité du candidat. Dans les autres cas, il peut choisir selon son goût.

9. Le dimanche 21 mai 2006 à 05:11, par Dominique Fromentin :

ah, déjà ça devient intéressant

il y a le lien entre "se doit de" et "s'il représente" - l'institution qu'on représente n'inclut pas dans ses codes qu'on soit encravaté pour la représenter, mais celui qui représente ingère modèle intérieur, histoire d'être tellement fier de n'être pas lui-même, mais l'idée qu'il représente

et congrégation associé à institution : comment attendre alors du discours qu'il soit autre chose que la représentation vide ?

alors ils sont un paquet à chercher un poste, tous ces braves gens - il n'y a que Berlol qui rigole, en pédalant sur son vélo qu'avance pas ?

10. Le dimanche 21 mai 2006 à 06:26, par Berlol :

Oui, j'ai bien pesé chacun des mots. En revanche, votre "congrégation associé à institution : comment attendre alors du discours qu'il soit autre chose que la représentation vide ?", je n'en saisis pas la logique...

11. Le dimanche 21 mai 2006 à 06:59, par arte :

Il joue a cache-cache-cachette-colin-colin avec toi, c'est pour ça !

12. Le dimanche 21 mai 2006 à 08:48, par Dominique Fromentin :

bon, c'était pour ne pas encombrer trop : je me dis que si ces gens se sentent représentatifs de leur digne institution par le simple fait de mettre une cravate, le discours doit ronronner quelque peu dans les limites pareillement intériorisées

mais ce n'est pas très grave : les brochettes au 5ème étage étaient "goûtues" dites vous, et ne vous inquiétez pas de la littérature: c'est respirer aussi que la quitter un peu, y revenir ensuite

13. Le dimanche 21 mai 2006 à 08:48, par Dominique Fromentin :

je parle évidemment des brochettes de demain, que vous avez dû manger hier

14. Le dimanche 21 mai 2006 à 21:42, par Dabichan :

Pour ce qui est du poulet-frites du Saint-Martin, un vrai régal ! Comment dire ? Tout ça est affaire de goût... Ceux qui aiment le poulet-frites n'ont qu'à y aller voir par eux-mêmes, les réfractaires s'abstenir.
Pour ce qui est de la dissertation sur le port de la cravate... Là, aussi c'est une affaire de goût. Si on aime, on porte, si on n'aime pas, on ne porte pas. Certes, il y a des conventions (nous sommes des animaux sociaux !). Mais rien n'interdit à quiconque qui le souhaiterait de s'y soustraire. Il n'y a qu'à prendre son courage à deux mains et venir s'exprimer en public en maillot de bain ! Après tout... L'habit ne fait pas le moine... est-ce que c'est une convention, ça aussi ?

15. Le lundi 22 mai 2006 à 01:51, par Dominique Fromentin :

comment peut-on "aimer" le port de la cravate, sinon pour ce qu'il symbolise : pouvoir et privilège -- il en reste bien peu à l'université, ni de l'un, ni de l'autre, pour cela que ça paraît étrange, cette survie du symbole ailleurs de règle -- religieusement et de façon aussi vide -- pour les politiques, les chefs d'entreprise et les représentants de commerce

comme lorsqu'autrefois en se présentant à N Sup on nous faisait mettre une jupe plissée

16. Le lundi 22 mai 2006 à 02:47, par Berlol :

C'est marrant, je voulais relire ce roman d'Eugène...

17. Le lundi 22 mai 2006 à 02:51, par Dabichan :

Bigre ! "Aimer le port de la cravate"... J'ignorais être un cravatophile patenté, prisonnier d'un bout de tissu (plus ou moins chatoyant) qui ferait de ma modeste personne un représentant arrogant de quelque pouvoir ou privilège que je me serais octroyé d'autorité. Je m'en vais derechef vider ma penderie de ces dangereux textiles en espérant, devant l'immensité de l'infini cosmique dont ce "aimer le port de la cravate" vient soudainement de me faire prendre conscience, que leur autodafé me vaudra absolution...
Aha... !
Entre nous, la symbolique du por(c) de la cravate me paraît bien peu de chose face aux questions que suscite notre époque.

18. Le lundi 22 mai 2006 à 03:34, par Dominique Fromentin :

bien peu de choses en effet, et parlons donc d'autre chose

reste que si vous preniez comme moi le TGV au lieu du Shinkansen, vous constateriez combien il caricaturise ce prolétariat du commerce et de l'industrie, ou nos notabilités de province

étranglons-les avec leurs oripeaux -- comme dit Lautréamont (phrase lue sur Internet ces jours-ci) : qui voudrait se servir de la cravate de Gérard de Nerval ?

reste à savoir si la question de comment les structures de domination établissent celle-ci en conférant à quelques catégories d'individus ce genre d'attributs qui en fait ses agents consentants, est une question de peu

19. Le lundi 22 mai 2006 à 04:23, par arte :

2 Français sur 3 ne changent pas de slip tous les jours.
CA ç'est une question ! Je deteste les cravates sales !

20. Le mardi 23 mai 2006 à 02:33, par Dom :

La servitude volontaire passe avant tout par l'assentiment à ces petits compromis de présentation de soi, d'attitude, de ton de voix.
J'ai, toujours, ressenti une honte violente et ce qu'était la tristesse spinoziste la quinzaine de fois où j'ai accepté de porter une cravate. C'est par la contrainte des corps que se perpétue la maîtrise des âmes.

"Si quelque chose augmente ou diminue, favorise ou empêche la puissance d'agir de notre corps, l'idée de cette chose augmente ou diminue, favorise ou empêche la puissance de penser de notre âme (...) J'entendrai donc par joie, dans toute la suite de ce traité, une passion par laquelle l'âme passe à une perfection plus grande ; par tristesse, au contraire, une passion par laquelle l'âme passe à une moindre perfection."



Samedi 20 mai 2006. Sourires, quelques mots, sans suite.

Ça va être dur, ce soir. J'ai les neurones en compote. Je crois que je vais me borner à une liste qui sera reprise demain, ou après-demain...

Cours sur Molloy, début de la seconde partie, Moran maniaque et digressif, aussi croyant et libre-penseur, en tout cas très différent de Molloy, et pourtant...
Direction, le campus de Mita pour le congrès de la SJLLF, en commençant par la réunion du groupe des hugoliens du Japon (dont je suis vice-pdt, tout de même...). Puis déjeuner chinois (encore) à 4. Pendant ce temps, T. est avec les dixseptiémistes où l'on commente, notamment, positivement j'espère, l'achèvement de sa thèse.
Retour au campus pour la conférence plénière, celle d'Éric Bordas sur le style de Balzac, ou plutôt sur le renouvellement des études stylistiques depuis une quinzaine d'années, notamment dans le domaine balzacien grâce aux études sur les stratégies discursives et aux corpus numérisés.
Repos avec arts visuels et musicaux grâce à l'atelier du professeur Ogata (créations musicales sur des dessins de Victor Hugo animés en 3D ; fusion musicale et visuelle sur la lecture des Djinns qu'il m'avait demandé d'enregistrer il y a trois ans, nouvelle version, etc.).
Réception officielle du congrès, beaucoup de têtes connues, sourires, quelques mots, sans suite. Quelques agréables surprises comme de voir que Jean-Louis Chiss, invité hier du congrès de pédagogie (SJDF), a pu entrer à cette réception-ci (de la SJLLF) pour se joindre à nous et saluer son collègue de Paris 3, Éric Bordas. Comme d'avoir confirmation de la présence de Bordas mardi soir à Nagoya. Comme de mettre un visage sur le pseudo Vinteix, agréable surprise, je t'assure — alors que j'éprouve toujours une certaine crainte à dévoiler un mystère qui fonctionne (car en cas de déception, il ne fonctionnera plus, c'est le principe de la poule aux œufs d'or). Comme d'être resté avec T. qui a pris des antibiotiques pour tenir le coup malgré une petite angine...
Retour en taxi avec Alex — et T. qui commente les monuments entraperçus dans la nuit.
Transfert des données photographiques et sonores et mise en ligne de la conférence de Chiss d'hier.

Ou pas reprise du tout... (le 23)
Juste ajouter, pour ce qui est de la contributivité réticulaire, ou de ce qu'aucuns savent être le bénévol@t, qu'il suffit de chercher Bordas et Balzac dans Google pour voir la différence entre tel colloque de Paris 3 en 2005, dont toutes les communications sont disponibles à l'écoute, c'est-à-dire données (radical : don), et telle journée d'études de Paris 8 de mai 2006, il y a deux semaines, dont seul le programme est affiché, la belle page dynamique venant vous rire sous le nez si vous voulez savoir ce que disaient Nicole Mozet ou Gérard Gengembre (le contraire du don, juste faire saliver).
Cette différence, c'est ce qui sépare ceux qui veulent employer le réseau à des fins d'enseignement tous azimuts et ceux qui veulent juste rendre compte d'activités qu'ils souhaitent quand même, quelque part, garder pour eux.

Commentaires

1. Le dimanche 21 mai 2006 à 10:00, par brigetoun :

est ce que ma légère perversité qui me fait adhérer au Molloy du premier quart, avant que son assurance et son côté tranchant m'en éloigne puis épouser fidèlement l'assez nette antipathie de Beckett pour le Morand d'avant la quête, est la réaction normale, commune et voulue ?

2. Le lundi 22 mai 2006 à 03:49, par vinteix :

oui, reciproque agreable surprise... meme si parfois, on peut se passer de mettre un visage ou un corps sur un interlocuteur, lointain ou pas. (Je repense en particulier a Deleuze, qui preferait ne pas rencontrer en chair et en os certains de ses correspondants, et a certaines de mes propres correspondances avec des poetes ou philosophes plus ou moins connus, correspondance qui se passe volontiers d'une incarnation physique.) Mais maintenant que les corps se sont vus et "touches" (enfin, les mains), j'espere que nous aurons d'autres occasions de nous "retoucher" un (des) mot(s).



Dimanche 21 mai 2006. Les boues de la réalité.

Un peu de tranquillité en matinée, histoire de compléter mon vendredi décanté.
Pour le samedi, faudra attendre demain, il y a encore des particules en suspension...

Grand soleil et chaleur, déjà. Ai rejoint Jean-Louis Chiss et sa compagne à Roppongi. En discutant de sujets divers, français et japonais, universitaires et culturels, et sans avancer trop vite, pour avoir le temps de commenter les lieux : le carrefour historique de Roppongi, quartier animé à la mode des années 70, un peu trop américanisé depuis le milieu des années 80, maintenant rue Saint-Denis puissance 10, puis le nouveau quartier de Roppongi Hills, son architecture aux lignes douces, agréables, ses touristes naïfs et ses nouveaux riches, son aseptie et son design poli, enfin la rue serpentine qui descend vers Azabu-Juban, traditionnelle sans ostentation, authentique, croit-on pouvoir dire. On revient vers la tour pour déjeuner dans un restaurant de petites brochettes panées du 5e étage, le Kushinobo — très bien, goûtu, service impeccable, prix très raisonnables pour l'endroit. C'est ensuite la visite du belvédère, au 52e étage de la Tour Mori (1500 yens, quand même). Le même étage contient aussi un musée, avec actuellement une exposition sur le Da Vinci Code sorti dans les salles hier — à laquelle nous n'allons pas, évidemment.

Nous nous séparons vers 17 heures et je rentre pour une petite sieste bien méritée. Pas de littérature, à l'exception de quelques pages dans le métro... durant lesquelles, fatigué que je suis depuis quelques jours, je m'endors même en pleine lumière...

« De toute façon, dit-il, l'obscurité trop grande vous endormirait. Je vous connais, Golpiez ! À la moindre occasion vous fuyez les boues de la réalité pour aller patauger dans vos rêves ! Je vous connais comme ma poche ! » (Antoine Volodine, Le Nom des singes, Paris : Minuit, 1994, p. 16.)

Commentaires

1. Le dimanche 21 mai 2006 à 09:54, par brigetoun :

j'aime le "authentique, croit-on pouvoir dire" et "goutu". Bon repos

2. Le dimanche 21 mai 2006 à 12:52, par arte :

"Combien tu m'aimes"... De Bertrand Blier. Beaucoup !

3. Le dimanche 21 mai 2006 à 13:40, par k :

gros comme ça,
jusqu'au ciel,
plus que les étoiles
dans les profondeurs
....ah mer

4. Le dimanche 21 mai 2006 à 13:42, par k :

comme la douceur
des abysses

5. Le dimanche 21 mai 2006 à 19:37, par Manu :

Moi aussi, un gros coup de barre ces derniers jours : la faute au temps ?

6. Le lundi 22 mai 2006 à 04:24, par arte :

dors ange ...



Lundi 22 mai. Mon métalangage, comme une technique secrète.

Repos du week-end et attente de livraison de la Rover...
J'ai l'impression d'avoir passé cette commande il y a très longtemps — c'est que les semaines ont été chargées et qu'entre temps le climat a changé, tiédeur et moiteur sont doucement arrivées.
Livraison vers 11 heures, une simple boîte d'où j'extrais la bicyclette pliée, que je monte en trois cinq mouvements (pli du cadre, pli du guidon, réglage de la selle, articulation de chaque pédale — qui sont escamotables et à ressort...).

Découvert un site où sont recensés les clips des années 80 disponibles sur YouTube. Je file de suite aux Cocteau Twins et suis plutôt déçu du plan-plan (quitte à voir une mamie, bien mieux vaut Blondie remixé). Après quelques essais revigorants ou déprimants — les années 80, c'était quand même des montagnes russes —, je m'arrête pour aujourd'hui sur les plus représentatifs de ce que je cherchais dans ces années-là : Chrome, Danielle Dax, Siouxsie. Petites natures s'abstenir, ou passer à Muslimgauze, extra dans son genre... Et si le sommeil vient, enchaînez-vous aux Pizzicato Five jusqu'au petit matin, pour rire.

Déjeuner au Saint-Martin avec T. — Yukie très amusée de me voir entrer dans son restaurant à bicyclette... et me demandant ce qu'elle mangera. Mais elle n'a pas le droit de grossir, parce que c'est moi qui la porte pour la ranger sur le balcon.
Plus tard, pendant que T. est en course à Shibuya, j'irai pédaler jusqu'à Shinjuku, prendre une suée entre de vraies voitures et de vrais piétons. On voit tout de suite la supériorité du vélo statique en salle : la littérature !

Vient enfin le point d'orgue du week-end qui s'étire jusqu'ici — et finit dans le saké : la conférence de Jean-Louis Chiss à l'Institut franco-japonais de Tokyo, sur les Directions actuelles de l'enseignement de la grammaire, que je diffuse dès à présent. Admirez la prouesse, tout de même ! Je sors du restaurant où nous avons dîné de petits plats à la mode de Kyoto (izakaya Kyoto Gion Oishinbo), assis par terre jambes pliées de diverses façons alternativement (Cf. photo avec tamayura... esprits invisibles saisis par la photo, dit-on, plutôt micro-particules d'huile pulvérisées par la pierre chaude, selon moi). Et je mets en ligne. Parce que ça en vaut vraiment la peine, aussi. Dense conférence qui me confirme dans mes stratégies de cours, notamment celle du tâtonnement simulé pour le dégagement de règles à partir d'exemples, et celle du primat méthodologique de l'audition et de l'articulation participatives sur la compréhension et l'écriture. Mais bon, c'est un peu technique et il vaut mieux que je masque mon métalangage, comme une technique secrète, mon katana...

Commentaires

1. Le lundi 22 mai 2006 à 12:38, par arte :

Tu sais comment Verlaine enseignait l'Anglais à ses élèves sans doute !

2. Le lundi 22 mai 2006 à 20:16, par Berlol :

À coups de tricks ?...

3. Le mardi 23 mai 2006 à 01:13, par arte :

Ah ! Pas mal ... disons "ae ca-ou deu tricks"

Sans doute est-il, en références, rien de meilleur qui puissat (?) vous instruire que la source. Aussi est-ce, cher Maître, volontier que d'offrir la totalité plutôt qu'interprétation à laquelle se livre celui ne citant que partie, et ce par un effort pour faire bref, plus cher, après le compte tenu en impact qu'il induit d'imperfection pour la compréhension d'une pensée elle-même déjà dite en peu de mots, par l'un qui, des plus grands, en est, cela sans possibilité qu'en cette matière s'immisce aucun doute.

BREF ! For you, my dear, a special publication on :

snapshot.canalblog.com/ar...

4. Le mardi 23 mai 2006 à 01:15, par arte :

Je réticule, hein :-)

5. Le mardi 23 mai 2006 à 01:37, par Berlol :

Ouais, dis donc, on dirait même que ton site se réveille !... L'autre jour Bessette, maintenant Mallarmé... Quoi demain ?

6. Le mardi 23 mai 2006 à 02:45, par vinteix :

"L'anglais : c'est du français mal prononcé" (Céline)

7. Le mardi 23 mai 2006 à 05:06, par arte :

Ben et Vialatte, et Simon, et Pessoa...

Pfff, réticulez qui disaient ...



Mardi 23 mai 2006. Plaisir de vivre végétal.

Retour à la base de travail, par temps pluvieux — pluie qui magnifie les effluves, celles du jasmin qui grimpe au lierre sur huit mètres de mur, comme celles des troènes que j'ai toujours à l'œil quand je passe à vélo... L'effet est d'un grand plaisir de vivre végétal.

Après deux cours et le travail au bureau, pause lecture et radio.
Beautés moirées, saturées ou lactées des récentes pages de JCB... Finesses ésotériques de la géographie sacrée...
Pas mal, pour une fois, les Répliques entre Franz-Olivier Giesbert et Éric Dupin, sous la houlette d'Alain Finkielkraut, samedi matin, sur cynisme, journalisme et politique...
Pour aller plus loin dans la provocation, rien de mieux cependant que le Jouhandeau de vendredi.

Au billet de samedi, ajout d'une photo, de liens — et coup de pied de l'âne.


Mercredi 24 mai 2006. Dégroupage des adverbes.

Ça alors ! Je finissais tranquillement mon petit déjeuner en même temps que le journal de 20 heures de France 2 quand v'la-t-il pas que ça se continue par Question ouverte avec de Villepin. Non pas que je veuille l'écouter ou que cela présente un quelconque intérêt... C'est que l'on ait laissé continuer l'enregistrement — et donc la diffusion — qui m'étonne. A priori, ça me serait quand même plus utile que les quelques fois où j'ai pu voir le tirage du loto...
Tiens, par ce lien-ci, le supplément n'y est pas, ou plus. Mais par ce lien-là, il y est encore...

Tiphaine Samoyault : « J'en reviens à cette idée d'une orientation par Claude Simon de la lecture de son œuvre, de laquelle à un moment ou à un autre il faudra que nous nous affranchissions. Et notamment, je pensais, pour parler d'autre chose, un petit peu, à ses premiers textes. Il y a quand même eu toujours une opposition de Claude Simon, je crois, à la re-publication de ses premiers textes, ceux qui sont parus au Sagittaire et surtout ceux qui sont parus chez Calmann-Lévy qui sont encore plus introuvables que les premiers. Or, et ça j'ai apprécié dans votre travail d'éditeur, vous faites beaucoup d'allusions à la Corde raide, à la façon dont la Corde raide annonce, qui est d'ailleurs un très beau texte, annonce les... Vous n'avez pas essayé d'influer sur sa proposition, de proposer que ce texte soit, soit... Hein, parce que c'est une autre période, c'est une première période, qui ne figure pas [dans le volume Pléiade], et vous avez eu la chance...
Thomas Clerc : — ... Il est blackouté, hein...
Pascale Casanova : — La genèse d'une œuvre, c'est quand même très très très capital pour comprendre...
Tiphaine Samoyault : — Vous n'avez pas eu envie...
Thomas Clerc : — ... surtout aujourd'hui...
Alastair B. Duncan : — Bah, encore une fois, le choix était fait et je savais qu'il opposait une interdiction absolue de mettre les premiers textes, il n'en était absolument pas question, mais c'est vrai que j'ai...
Tiphaine Samoyault : — Mais jusqu'à quand ?...
Alastair B. Duncan : — Ah, ça... Faut voir... Mais c'est vrai que pour compenser j'ai essayé de faire ressortir les choses qu'il y avait dans ces textes et de donner un petit avant-goût de ce que seront ces textes quand on les aura...» (Extrait des Mardis littéraires du 16 mai, sur la Pléiade Claude Simon — les phrases de Thomas Clerc et de Pascale Casanova sont dites en même temps que les derniers mots de Tiphaine Samoyault, j'ai eu du mal à décoder...)

Jusqu'à quand ?, demande Tiphaine.  Jusqu'à... maintenant. C'est une version de la Corde raide (1947) que j'ai trouvée je ne vous dirai pas où et qui me semble correcte, pour le souvenir que j'en ai, n'ayant pas d'édition ici. Sauf peut-être l'absence totale d'italiques que je trouve étrange (si quelqu'un pouvait vérifier...). En tout cas, je serais vous, je ferai une copie...

Dans Molloy, belle illustration de ce que disait Jean-Louis Chiss avant-hier de la nécessité du dégroupage des adverbes :
« Il a naturellement de très mauvaises dents, dit Py. Naturellement ? dis-je, comment naturellement ? Qu'est-ce que vous insinuez ? Il est né avec de mauvaises dents, dit Py, et il aura toujours de mauvaises dents. Je ferai naturellement tout ce que je pourrai. Cela voulait dire, je suis né disposé à faire tout ce que je pourrai, je ferai forcément toujours tout ce que je pourrai.» (Samuel Beckett, Molloy, p. 141)
On voit bien, grâce au raisonnement poussé à l'absurde, que les deux emplois de l'adverbe naturellement sont de catégorie différente, le premier portant en effet sur le verbe, pouvant répondre au nom d'adverbe, le second portant sur un aspect de l'énonciation et de l'énonciateur, une formule de politesse comme « mais c'est bien normal, je ferai ce que je pourrai (puisque je suis dentiste, sans que ce soit exactement de par ma "nature") » — et répondant assez mal au nom d'adverbe... Mais alors comment l'appeler ?

Après des cours et des heures de travail au bureau en lorgnant le joyeux soleil de mai, je m'en vais à la fraîche pédaler et monter des marches (les deux, mais pas en même temps) en commençant un Sevestre récemment reçu, son premier. Et déjà, à nul autre pareil, son piqué, comme on dit de la photo...

« Paul empoche les papiers, jette un coup d'œil à la carte de fidélité et choisit de l'abandonner. Le vendeur éclate. Ses yeux clignent en hibou.
— Dites, monsieur (il lit) Paul Saulnier... Tout ça, enfin, vous allez vraiment vous supprimer ?
— Je peux vous retourner une question ?
— Pourquoi pas ?
— Vous savez, les baleines se suicident. Mais savez-vous pourquoi ?
— Ah ça, non ! dit le type, impatient de savoir enfin.
— Moi non plus. Mais il faudrait agir. Ça peut plus durer.
L'autre frémit, atteint. Contre toute attente, il avance soudain sa main ouverte vers Paul en saupoudrant des éclairs de sainteté dans ses pupilles mouillées. Très beau.
Ils se serrent la main droite.
Paul se détourne, donne son petit sac de plastique à sa main gauche et attrape la barre de la porte. Sur le point de sortir, il entend un grand cri.
— Ça marche, ça marche, regarde, Madeleine. On prend ce modèle.
Une des vieilles dames vient de vaporiser du gaz CS dans les yeux du vendeur. Écroulé par terre, la crosse du Smith et Wesson sortant de sa poche, pleurnichant, celui-ci se frotte les yeux, cherchant d'une main aveugle un morceau de tissu pour s'essuyer.»
(Alain Sevestre, Double Suicide villa Godin, Paris : Minuit, 1986, p. 18-19)

Commentaires

1. Le mercredi 24 mai 2006 à 09:31, par dan :

Marche pas, le lien vers La corde raide...
Flûte alors.

2. Le mercredi 24 mai 2006 à 09:35, par Berlol :

A y'est !... Une histoire de majuscule...

3. Le mercredi 24 mai 2006 à 10:02, par arte :

Alain : le hibou cligne les yeux l'un après l'autre. Il cligne l'un après l'autre le vendeur ?

Et Xixibelle est ravissante !

4. Le mercredi 24 mai 2006 à 10:48, par dan :

Merci !

5. Le mercredi 24 mai 2006 à 11:09, par k :

et on la voit quand
xixi??????????????????
si belle???????????????
heim
berlo

6. Le mercredi 24 mai 2006 à 11:44, par brigetoun :

j'ai enregistré et commencé à lire la corde raide, en me sentant un peu coupable de le faire contre sa volonté semble-t-il. Et je m'interroge sur l'emplacement d'une église à coupole dans ma bonne ville. Faut que je cherche

7. Le mercredi 24 mai 2006 à 17:21, par Berlol :

Un peu coupable, non il n'y a pas de raison. Tous les critiques ou spécialistes de Simon qui l'ont lu le disent, ce texte est vraiment bien, il n'y a / avait aucune raison de le renier (ce qui n'est pas le cas du Tricheur ou de Gulliver, par exemple)... De plus, il n'est pas disponible dans le commerce, donc cette diffusion ne lèse personne...

8. Le jeudi 25 mai 2006 à 08:20, par Dom :

Droit moral.



Jeudi 25 mai 2006. De quels nids.

Choses qui se cryptent
d'elles-mêmes
         au fond
celles que j'ai connues
avaient du mal à vivre
oiseaux fragiles je ne sais
de quels nids
         tombées
sur le chemin
était-ce moi
égaré dans le temps gisant
le trop des mélodies
me voici devant celle
      encore une fois
qui devait m'échapper
trop ému je ne sus...


Vendredi 26 mai 2006. Choses à m'arracher.

Avis aux amateurs.
Un album de Zappa, 200 Motels, à télécharger chez Chocoreve... Mais aussi des Mothers of Invention, 5 albums en tout... Oh, pis y'a peut-être des amateurs pour un petit Fleetwood Mac...

Double ration de lecture. J'ai ajouté à la demi-heure de vélo une demi-heure de marches, histoire de transpirer double. Du coup, le suicide villa Godin avance bon train. Le trou est fait et les meubles dedans...

« Vous enterrez vos meubles ! Cest bien ça ? Je me suis demandé aussi pourquoi ce trou. Remarquez, mieux vaut faire ça que la décharge publique. Et puis, si on en a besoin un jour, au moins on sait où c'est. C'est pas toujours facile-facile de se séparer de certain meuble avec qui on a vécu, on s'attache ! C'est le Père-Lachaise qui vous a donné cette idée ? » (Alain Sevestre, Double Suicide villa Godin, p. 47)
Je me demande s'il y a un sous-entendu dans « certain meuble » au singulier, ou une coquille...

Déjeuner avec David qui s'apprête à s'envoler pour Taiwan où il va représenter notre département universitaire. Demain, nous essaierons une connexion en direct pour intervenir ensemble dans un document Writely. De la très haute technologie pour du matériel pédagogique en pleine expérimentation...
Puis c'est le train-train et la lecture de Molloy pour le cours de demain.

Dans un recoin du soir.
Il me paraît évident que si je disposais d'un journal intime me permettant de savoir ce que j'avais fait le 26 mai 1984, il n'y aurait pas des choses à m'arracher comme le billet d'hier. Je prends la date d'aujourd'hui au hasard car je n'ai en réalité aucune mémoire de ce 26 mai 1984, sauf à retrouver un jour dans un carnet, quelque part, une mention particulière qui me rendrait quelque souvenir. Mais que ce soit ce jour-là ou un autre, à quelques semaines près, il s'agit bien de la période qui précède directement mon départ pour ce qui s'appelait alors le Service National, en août, je crois, et donc en effet des mois durant lesquels j'étais amoureux de L. pour qui j'avais quitté M., et qui ne semblait vouloir de moi que du bout des lèvres, et pour peu de temps puisque je ne passerai pas l'hiver. Que l'on se rassure, je ne tiens pas à m'étendre ou à me répandre sur des anecdotes dont j'ai oublié les contours. Bien plus important m'apparaît le fait que c'est l'opacité du passé, l'opasséité, qui commande directement certaines parties de l'écriture d'aujourd'hui — aujourd'hui voulant dire ces années-ci, au moins depuis le début du JLR, et certaines parties étant bien une proportion, certes difficile à apprécier, et non la totalité.
Aucun souvenir d'avoir entendu que l'Irak avait été en première page, ni que Sergeï Bubka avait passé 5,85 mètres ce jour-là, on l'avait peut-être dit à la radio mais je ne devais pas l'écouter.
(La suite demain... Moran fait sa crise)

Commentaires

1. Le samedi 27 mai 2006 à 13:52, par JoseAngel :

Pis encore, lorsque l'on lit un journal intime d'il y a vingt ans, on s'y reconnait à peine... bien qu'il faille se rendre à l'évidence que ce n'est pas la vie d'une autre personne que l'on raconte là.

2. Le samedi 27 mai 2006 à 18:06, par Berlol :

Oui, c'est déjà ce qui m'arrive avec ce journal, quand je relis des bouts de 2003-2004... je pense que j'aurai à y revenir.



Samedi 27 mai 2006. Pour nos cheveux respectifs.

« C'est allongé, bien au chaud, dans l'obscurité, que je pénètre le mieux la fausse turbulence du dehors, y situe la créature qu'on me livre, ai l'intuition de la marche à suivre, m'apaise dans l'absurde détresse d'autrui. Loin du monde, de son tapage, ses agissements, ses morsures et lugubre clarté, je le juge, et ceux qui, comme moi, y sont irrémédiablement plongés, et celui qui a besoin que je le délivre, moi qui ne sais me délivrer. [...] L'homme aussi est là, quelque part, vaste bloc pétri de tous les règnes, simple et seul parmi les autres et aussi dénué d'imprévu qu'un rocher. Et dans ce bloc, quelque part, se croyant un être à part, est enfoui le client. [...]
Il n'est pourtant pas désagréable, avant de se mettre au travail, de se retremper dans ce monde massif et lent, où tout se meut avec la morne lourdeur des bœufs, patiemment par les chemins immémoriaux, et où bien entendu tout travail d'enquête serait impossible. [...] »
(Samuel Beckett, Molloy, p. 150-151)

Quelques pages de Molloy commentées ce matin, pendant qu'il pleuvait des seaux, sont très sombrement belles. Mais peut-être pas si mystérieuses que cela. La beauté formelle et sonore, alliée à certain tour métaphorique, nous propose une introspection oniro-ésotérique, fort proche en même temps d'une description freudienne de l'inconscient — passée en contrebande. Verdict probable : Moran est schizophrène...

De 12h30 à 12h45, je suis devant un document Writely, attendant que David se connecte de Taiwan pour lui poser des questions sur une photo que je viens d'insérer. Mais la simulation d'exercice interactif et non automatique a ses limites : David ne se connecte pas (et même deux heures après, quand je regarderai l'historique des modifications, il ne sera pas passé). Sans doute n'aura-t-il pas eu le temps, il aura dû écarter cette démonstration qui était d'ailleurs en marge de son programme...
À 12h47, je suis dans la rue pour aller avec T., Christine et Thomas déjeuner chez Peter, au French Dining. On nous y propose une froide soupe de poivron (excellemment crémeuse) et de l'estouffade d'agneau (couteau inutile). Il est question de l'exposition sur Antonin Raymond qui va enfin avoir lieu, à Philadelphie d'abord, mais aussi des capacités des appareils photo, de la venue de ma sœur l'hiver prochain, enfin la conversation, quoi.
Puis T. et moi allons chacun chez un coiffeur différent pour nos cheveux respectifs. Ensuite, je fais des courses à Miuraya. Dans une boutique de dévédés, je trouve The Avengers (1998) à 690 yens, avec Uma Thurman, Ralph Fiennes et Sean Connery que nous regarderons le soir-même, amusés par cette quintessence du flegme et de l'humour britanniques, et par un formalisme graphique et architectural qui s'inspire directement des séries classiques de Chapeau melon et Bottes de cuir — série totalement inconnue au Japon où peu de productions anglaises ont été diffusées.
Allez, je retourne Villa Godin... Faut que je me dépêche, Cécile vient de m'écrire que par hasard nous l'avions commencé en même temps et qu'elle l'a déjà fini.

Commentaires

1. Le samedi 27 mai 2006 à 09:02, par arte :

on n'ose pas commenter ...

2. Le samedi 27 mai 2006 à 09:30, par Dominique Fromentin :

qu'est-ce qu'un commentaire ? que dites-vous sur Beckett ? on peut avoir un exemple, vos notes de préparation même en vrac, un mp3 ? et où le commentaire bute sur ce qui ne peut pas être commenté, comme nous ne commenterons pas "chez un coiffeur différent pour chacun de nos cheveux respectifs" ? et, sur Beckett, qu'avez-vous trouvé sur ce très mystérieux et impressionnant "enquête" ?

3. Le samedi 27 mai 2006 à 18:08, par Berlol :

Question de temps, mes amis. Vous en voulez toujours plus. Mais vous, vous en donnez de moins en moins... Asymétrie, disais-je...

4. Le samedi 27 mai 2006 à 19:40, par Berlol :

Euh... Dominique ! J'ai écrit "chacun chez un coiffeur différent pour nos cheveux respectifs", c'est un poil différent de "chez un coiffeur différent pour chacun de nos cheveux respectifs" ! Sans vouloir couper les cheveux en 4, je vous prie d'être respecte-tifs ! Décoiffant, non ?

5. Le samedi 27 mai 2006 à 21:57, par Dominique Fromentin :

effectivement c'est mieux en ayant corrigé la phrase de cette façon - l'asymétrie est native : vous proposez, nous lisons - le commentaire se veut discret, questionnant - les questions sont déjà la matière de ce blog : statut de nos lectures dans notre déchifrement du monde, le petit déchifrement au quotidien qui seul donne sens - et comment, à l'inverse, l'étonnement du monde nous déplace dans nos repères de culture ? ce blog n'est pas un journal intime, il n'est pas un chemin universitaire (d'où ma curiosité à ce très beau passage de Beckett et le mot "enquête" comme il y surgit : ce que vous en avez dit ? ) - donner, je ne sais pas : celle ou celui qui crée un blog se donne, certainement - et nous : non pas le "toujours plus", mais vous dire ce avec quoi on résonne

6. Le dimanche 28 mai 2006 à 21:25, par Dabichan :

Grosse fatigue à Taiwan !
Tout s'est déroulé à la perfection... à l'exception du site Writely resté désespérément inaccessible depuis notre salle de conférence de l'Université Fu-jen.
Et dire que j'étais pile poil réglo sur l'horaire qu'on avait fixé.

7. Le dimanche 28 mai 2006 à 22:27, par Berlol :

Comme quoi, hein, il y a encore des trucs à améliorer... Bon, félicitations, de toutes façons !



Dimanche 28 mai 2006. Des feuillages mouvants dans du contrejour.

T. a fini Alto Solo le 27 mai, hier. Elle s'en est aperçue ce matin, tandis que nous discutions en nous prélassant au lit (j'avais renoncé à aller au ping-pong, les deux derniers week-ends ayant été assez mouvementés). Elle me dit que nous avons échappé au massacre, le 27 mai, dans le livre... N'ayant pas encore lu, j'ignore lequel — sans doute pas celui des russes aux îles Tsushima il y a 101 an...
J'en connais d'autres qui ont échappé à un massacre ! Ce sont les chenilles du citronnier. Il y en avait bien une dizaine, petits êtres visqueux et gris-noir dont je voulais nous débarrasser mais qui ont obtenu, je ne sais comment, la protection de T.
Autant dire une totale carte blanche pour s'empiffrer de toutes les superbes feuilles nouvelles que le citronnier venait de faire. Et les voilà maintenant qui se pavanent, vertes, énormes, le front tatoué, telles celles de l'an dernier.

« Il est certain qu'on rencontre parfois des inconnus qui ne le sont pas tout à fait, pour avoir joué un rôle dans certaines séquences cérébrales. Cela ne m'était jamais arrivé, je ne me croyais pas fait pour des expériences pareilles, et même le simple déjà vu me paraissait infiniment hors de ma portée. Mais cela avait tout l'air de m'arriver alors. Car qui aurait pu me parler de Molloy sinon moi et à qui sinon à moi aurai-je pu en parler ?
[...] cela explique sans doute l'immense malaise que je ressentais depuis le début de cette affaire. Car ce n'est pas une petite affaire pour un homme mûr et qui se croit au bout de ses surprises, que de se voir le théâtre d'une ignominie pareille. »
(Samuel Beckett, Molloy, p. 152)

Ainsi Molloy serait une chimère de Moran, son cancer du cerveau, son mot-loi. Dans ses rêves... Et nous sommes nombreux à vouloir ainsi faire entrer nos ennemis véritables dans notre tête de nuit pour qu'ils ne soient plus dans nos pattes le jour. Quand le rêve est achevé par la stridence d'un réveil, nous comprenons — comme le comprennent aussi les personnages de Volodine, c'est un de leurs points communs avec ceux de Beckett — que le réel est encore là, ennemis compris, dans tout son lumineux emmerdement.
Que Molloy serait son invention, Moran voudrait — avant d'être un mourant, sans le savoir — s'en convaincre. Il n'aurait plus alors à obéir au chef, Youdi, de l'existence duquel il a commencé à douter (« [...] à escamoter le patron et à me croire seul et unique responsable de ma malheureuse existence.», p. 146).
Ces « ombres vides » (146), cet « embrun des phénomènes » (151), ce serait « la part du feu » pour rester soi, coi et « cela tiendrait bien peu de place dans l'inénarrable menuiserie qu'était mon existence » (155).

Un petit bout chaque jour, on y arrive. Certains jours, un grand bout.

Sommes sortis vers 15 heures, pour marcher une heure — qu'elle disait. Et revenus ves 20h30. Dans le parc Kita no Maru, non loin du Palais impérial, nous avons fait un peu de vidéo, des feuillages mouvants dans du contrejour, en parlant de Volodine, d'Alto Solo dont T. dit la beauté et la tristesse et, répondant à ma question, qu'en japonais l'écriture est tout à fait dénuée d'humour, de tours comiques ou de jeux de mots, ce qui m'étonne. Dix minutes après, elle fait du vélo. Elle qui s'en croyait incapable, effrayée toujours par une vieille mauvaise chute...

Commentaires

1. Le lundi 29 mai 2006 à 09:32, par brigetoun :

mais Moran ne peut faire qu'il a cru en Youdi ou qu'il a choisi d"y croire, ou qu'il l'a créé pour pouvoir lui obéir



Lundi 29 mai 2006. Encore moins d'excuses.

Comme je m'en doutais un peu, les dernières minutes d'Arrêt sur images hier, animées par Chloé Delaume, étaient consacrées aux nombreuses réactions sur le forum après la révoltante attitude de Daniel Schneidermann le 8 mai dernier. Mais il ne s'était pas rendu compte que, il n'avait pas voulu le, il ne pensait pas avoir été si, et — bref — aucun regret, aucun mea culpa, encore moins d'excuses. L'existence de la chronique de CD est une manière d'intégrer la contestation pour la rendre inoffensive. Si j'étais Chloé, je m'en irais. (Mais je ne suis pas Chloé.)

Autre émission regrettable, après alerte amicale de JFM : Travaux Publics le 16, avec Gérard Genette. Le ton de Jean Lebrun est de ceux qui font lever les baffes. D'insinuation en jeux de mots, de questions déplacées en appel au public connivent sur le dos de l'invité, il a l'art de faire disparaître l'intérêt dans de l'écume et du bruit. Gamin âgé, dernier potache de sa bande, il a eu le ridicule, qu'il croyait drôle, de ne jamais réussir à prononcer correctement le titre du dernier livre de Genette, Bardadrac. Ça faisait déjà un moment que je ne l'écoutais plus, car cette attitude n'est pas d'hier. J'ai quand même enregistré pour garder un exemple de cette façon de faire de la radio où la star est clairement l'animateur — et l'invité son faire-valoir.

Heureusement, il y a Jeux d'épreuves, notamment au sujet de Pierre Guyotat samedi (mais pas seulement).
Et d'autres bonnes surprises, comme cette photo qu'Arte m'envoie (car Arte m'écrit, oui, les commentaires ne sont plus ce qu'ils ont été, je ne vois pas ça que chez moi, je ne m'y étends pas pour l'instant). C'est Badaboum, une hulotte toute jeunette (photo d'Anne Freudiger). Tombée du nid près de chez lui... En attendant Xixibelle.
Comme les fières chenilles du millésime 2006.
Comme les Affinités électives avec Patrick Deville (malgré un trou de quelques minutes dans le premier tiers de l'émission, faut que je voie si c'est raccord...).
Je mets les comme comme ils arrivent...
Comme l'invitation de François Bon à lire un de mes articles à paraître — je ne savais pas que ça arriverait si tôt ni sous cette forme. En espérant que ça provoquera des réactions...
Comme d'être allé par beau temps à Ookubo-dori, à cent mètres de Kagurazaka, dans une petite boutique d'importation de cycles avec T. pour faire enregistrer ma Rover (document pour la police et film autocollant sur le cadre), et de voir Dulcinée tomber en arrêt, mimer la pâmoison devant un vélo Peugeot, rouge et dernier de sa série, hésiter pendant le poulet-frites du Saint-Martin (où nous n'avons déjeuné que parce que j'étais allé en avant de quelques coups de pédale mettre une roue dans l'entrée pour réserver une table que deux donzelles voulaient aussi cinq secondes après), tergiverser encore pendant ses courses à la poste et à la banque, aller vérifier si c'était une bonne idée chez son ami coiffeur quelques boutiques plus bas parce qu'il en possède aussi un beau spécimen, de Peugeot, puis me déclarer que ça y est, qu'on y va, qu'il faut acheter ce Peugeot-là, que c'est celui-là qu'elle veut, etc.
Il ne se plie pas autant que le mien mais il se pose verticalement sur la roue arrière et les extrémités du porte-bagages. Dans l'entrée.

Cela qui dans la parole scintille et se tait,
La nuit roule sur cet essieu,

Singulièrement la présence
Et la distance de cela qui nous rive

A sa quelconque effigie frauduleuse

Et s'exaspère dans les fleurs
Loin des piliers et des trombes...

A peine une leçon de choses obscures
Un viatique de poussières
Et sa dissipation...
(Jacques Dupin, « La Répétition », dans L'Embrasure, Poésie / Gallimard, 1971 [1969],  p. 93)

Commentaires

1. Le lundi 29 mai 2006 à 10:30, par Dominique Fromentin :

après l'affaire des sièges verticaux d'Airbus, voici le vélo vertical pour escalader les villes qui montent ?

quant à votre article sur anonim@t, quelle serait donc la définition de votre propre masque ?

2. Le lundi 29 mai 2006 à 12:12, par k :

qu'elle est xixibelle

3. Le lundi 29 mai 2006 à 12:36, par Jacopo :

Amateur de littératures populaires, j'ai depuis toujours un pb théorique avec G. Genette. En voici le bref exposé

jacomino.over-blog.com/ar...

Peut-être, de si loin, voudrez-vous bien me dire votre sentiment.

CJ

4. Le lundi 29 mai 2006 à 16:35, par k :

margueritte D:
"Je crois que c'est ça que je reproche aux livres, en général, c'est qu'ils ne sont pas libres. On le voit à travers l'écriture : ils sont fabriqués, ils sont organisés, réglementés, conformes on dirait. Une fonction de révision que l'écrivain à très souvent envers lui-même. L'écrivain, alors il devient son propre flic. J'entends par là la recherche de la bonne forme, c'est à dire de la forme la plus courante, la plus claire et la plus inoffensive. Il y a encore des générations mortes qui font des livres pudibonds. Même des jeunes : des livres charmants, sans prolongement aucun, sans nuit. Sans silence. Autrement dit sans auteur. Des livres de jour, de passe-temps, de voyage. Mais pas des livres qui s'inscrustent dans la pensée et qui disent le deuil noir de la vie, le lieu commun de toute pensée.

> Je ne sais pas ce que c'est un livre. personne ne le sait. Mais on sait quand il y en a un. Et quand il n'y a rein, on le sait comme on sait qu'on n'est, pas encore mort.

> Chaque livre comme chaque écrivain a un passage difficil, incontournable. et il doit prendre la décision de laisser cette erreur dans le livre pour qu'il reste un vrai livre, pas menti"

5. Le lundi 29 mai 2006 à 18:34, par vinteix :

Quels sont les livres qui valent l'arbre de leur papier ?

6. Le mardi 30 mai 2006 à 16:58, par Berlol :

Je serais bien en mal, cher Dominique Fromentin, de définir mon masque. Je manque de distance. C'est peut-être à quelque observateur extérieur de le faire, si cela présente un quelconque intérêt. Ce que je sais, c'est que mon pseudonyme, créé bien longtemps avant l'existence de l'internet, sert à séparer le littéraire du reste, produire du littéraire à partir de ce qui n'en est pas...
Merci, chère K, pour ces citations qui collent bien. La radicalité de MD n'est pas toujours viable mais elle nous fait réfléchir, nous aiguillonne. Je n'en fais pas mon mode de vie. Comme disait Dominique Meens dans les émissions Bouvard et Pécuchet... de France Culture, ce n'est pas un choix entre écrire ou vivre, mais vivre c'est écrire (il ne faut pas renoncer à vivre pour écrire — le problème c'est donc l'emploi du temps, ça, c'est moi qui l'ajoute).
Pour essayer de vous répondre, Jacopo, j'aurai besoin d'un peu de temps... J'irai sans doute le faire sur votre site. Ce que je peux dire en préalable, c'est que la distinction "histoire" / "récit" me paraît on ne peut plus claire. L'histoire est l'ensemble théorique et chronologiquement ordonné des événements d'une œuvre de fiction, tandis que le récit est la matière textuelle qui permet d'en présenter une version, une vue, dans un ordre décidé par l'auteur et avec des choix de focalisation, de point de vue, d'intensité, des libertés prises avec le temps de l'histoire, etc. Pour moi, les grandes œuvres littéraires ne sont pas celles qui récitent une histoire préétablie mais celles qui établissent une histoire en la récitant. Bref, je n'ai pas beaucoup de temps, on en reparle bientôt... Et puis, s'il y a d'autres avis, c'est ouvert...

7. Le mercredi 31 mai 2006 à 00:57, par Manu :

Le scénario et la caméra/la réalisation en quelque sorte ?



Mardi 30 mai 2006. Horrible et indispensable socialité.

Unités fonctionnelles
Le jour est — biologique
la semaine est — sociale
le mois est — climatique
l'année est — ontologique
le siècle est — historique

Selon qu'on parle de l'un ou de l'autre, on fait appel à des représentations et des affects appartenant souterrainement, ontologiquement et langagièrement à des unités différentes, voire incompatibles.
Ainsi la semaine, dans toute son horrible et indispensable socialité, accueille cycliquement le retour de jours qu'elle différencie — alors que les jours, indépendamment de leur position dans la semaine, ne se différencient pas l'un de l'autre de cette façon (quand le Dude rencontre le richissime Lebowski, celui-ci lui demande s'il cherche du travail habillé comme il l'est un jour de semaine, et le Dude de se demander quel jour — de la semaine — on est parce que lui est déconnecté de cette focalisation sociale de laquelle l'autre ne peut s'écarter...). Ou bien les jours acceptent à regret, la mort dans l'âme, d'être embrigadés (le lundi au soleil, c'est une chose qu'on n'aura jamais...).
Qu'est-ce qu'il y a de plus beau qu'un lever ou qu'un coucher de soleil ? Il appartient pleinement à l'unité du jour, sa valeur intrinsèque. Mais si l'on dit que c'est un mardi ou un dimanche, ça change tout, l'aube est mise à disposition, fonctionnalisée, instrumentalisée, on attend d'elle quelque chose en rapport avec les activités économiques, culturelles ou religieuses.
Serait-ce une piste pour JCB dont les dimanches sont toujours sur le fil ?
Je suis sûr qu'il y aurait bien d'autres hiatus entre ces unités... Je vais y réfléchir.
D'autres ont-ils des pistes ?

Ce matin, voyant le journal de 20 heures de France 2, il est à nouveau question des prix d'interprétation masculine collectifs obtenus par les acteurs d'Indigènes à Cannes. Il y a de fortes chances pour que ce film me plaise. Il faut dire aussi que je l'avais repéré alors qu'il était encore en tournage ! (Cf. JLR du 22 avril 2005)

Rien de spécial à dire sur le voyage ou sur les cours.
Ping-pong durant lequel David me raconte son superbe week-end à Taiwan, l'excellent accueil à l'université qui l'invitait, lui et notre chef, la qualité d'écoute lors de son exposé — qui n'a pas été affecté par l'impossibilité de se connecter sur notre document Writely (parce que l'ordinateur utilisé n'avait qu'Internet Explorer et qu'il n'était pas possible à ce moment-là d'y installer Firefox). Pendant ce temps, David ne s'en rend même pas compte, on se renvoie smash sur smash — incroyables progrès depuis un an (voit-on bien ce que ça a d'ontologique, cette période, non ?).

Commentaires

1. Le mardi 30 mai 2006 à 13:08, par Jacopo :

Le soleil se lève sur un jour qui n'a pas de nom... Vous me permettez de mieux comprendre pourquoi j'ai toujours trouvé cet effet (le lever de soleil) un peu grandiloquent. Ou obscène. En avez-vous parlé à Jean-Louis Chiss?

2. Le mardi 30 mai 2006 à 17:01, par Berlol :

Non, hélas, on a eu trop peu de temps pour cela. Ceci dit, heureusement que le soleil se lève. Je suis d'ailleurs allé vers l'Est pour le voir se lever plus tôt. Et finalement, c'est pareil. Il se lève. C'est beau. Allez, on se casse... (citation de ?...)

3. Le mardi 30 mai 2006 à 18:27, par Soleil :

Beckett ?

4. Le mardi 30 mai 2006 à 21:15, par Jacopo :

Celui qui se détourne, ne fût-ce qu'un instant, de la lecture de la Torah, pour contempler un arbre sur le bord du chemin, ou aussi bien le lever du soleil, est déjà mal barré... Mais je pense qu'il peut s'agir d'une lecture mémorielle plutôt que visuelle... Et, dans ce cas, votre attitude redevient concevable. Vous allez contempler le lever du soleil en pensant à votre cours sur Beckett, et de Beckett à la Torah, il n'y a qu'un pas, me semble-t-il... Vous êtes repêché.

5. Le mardi 30 mai 2006 à 22:22, par Berlol :

Citation de ?... (indice : décédé il y a 20 ans)

6. Le mercredi 31 mai 2006 à 00:51, par vinteix :

Et avez-vous essayé de (res)sentir le mouvement de rotation de la Terre, lors d'un lever ou coucher de soleil, ou à n'importe quel moment, d'ailleurs ? Ce peut-être un "exercice spirituel", de méditation (d'ailleurs il me semble qu'on pourrait trouver écho de cela dans quelques pratiques du tantrisme, peu importe au fond)... on n'a pas besoin de Torah pour cela... et ça me semble plus humain ou animal que la lecture de tout "évangile" (au sens large).
Si les hommes ressentaient davantage, je veux dire physiquement, charnellement, leur interdépendance à la Terre (au monde), ce rapport qui précède les deux termes (le monde et l'homme), de nombreuses plaies de notre monde s'en trouveraient sûrement diminuées.
Malheureusement, trop souvent, comme disait Jacques Dupin, "nous mangeons la Terre qui nous mange".

7. Le mercredi 31 mai 2006 à 01:50, par arte :

Cela fera 20 ans le 19 juin ...

8. Le mercredi 31 mai 2006 à 02:34, par vinteix :

... car on pourrait bien craindre qu'un jour ou l'autre il ne se couche pour de bon (le soleil) ou explose... tandis que nos sociétés sont bien souvent un enfer de sauveurs (plus exactement de prêcheurs de salut).

9. Le mercredi 31 mai 2006 à 02:44, par Berlol :

Je ne lis, ne suis — ni n'obéis à — aucun livre religieux

10. Le mercredi 31 mai 2006 à 10:55, par Dominique Fromentin :

quel plaisir que ce blog enfin rediscute

surprise de retrouver ici réflexion sur sensation de perception du mouvement de la terre, après avoir lu réflexions d'Henri Michaux à ce propos, qu'il avait besoin d'une latitude nord minimum pour écrire

11. Le jeudi 1 juin 2006 à 00:11, par vinteix :

Ah oui ! Pouvez-m'indiquer les références de ces réflexions de Michaux, svp, merci.

12. Le jeudi 1 juin 2006 à 01:44, par vinteix :

Quand je parlais d'évangiles et de prêcheurs de salut, c'était bien entendu au-delà des seuls livres religieux, incluant en particulier la plupart des politiques, bon nombre de philosophes et intellectuels... (Mais peut-être suis-je dans une période un peu désabusée, animé d'un pessimisme joyeux (souvenir de Cioran ?) qui me fait apparaître comme névrotique toute espérance politique. Je préfère à cela la cruauté, non pas comme plaisir de/dans la souffrance, mais comme refus de toute complaisance.
D'où comme seul salut (mais personnel, à usage privé) la littérature, la poésie.)

Embrigader les jours... oui, l'expression est bien choisie et bien malheureuse; mais cet embrigadement accéléré du temps calendaire, en particulier depuis le XIXeme siècle et "la prise du pouvoir" économique et politique par la bourgeoisie (le bourgeois, c'est l'homme du calendrier, disait à peu près Hermann Hesse, ou de la montre, me souviens plus bien... dans "Le loup des steppes") tend à rythmer et embrigader nos vies, imposant en particulier, ce que constatait déjà Hegel, parlant de la lecture quotidienne du journal comme d'un nouvel évangile, la calendarité des journaux et médias en général, au détriment du rythme "sauvage", à la fois joyeux et tragique de l'existence, la dimension tragique étant complètement évacuée par l'hégémonie de l'utilitarisme et du travail considéré comme salut et valeur suprême. Il faudrait la force de détachement d'un Bartleby pour y échapper complétement.
A ce sujet, il y a dans le "Journal" de KAFKA des pages bouleversantes, comme ce qu'il écrit à la date du 3 octobre 1911... je ne cite que la fin, mais il faudrait lire l'ensemble du texte qui évoque "l'emmerdement" de son travail au bueau :
"(...) Enfin, je dis la phrase, mais il me reste une grande terreur parce que je vois que tout en moi est prêt pour un travail poétique, que ce travail serait pour moi une solution divine, une entrée réelle dans la vie, alors qu'au bureau je dois, au nom d'une lamentable paperasserie, arracher un morceau de sa chair au corps capable d'un tel bonheur."
Il y aurait beaucoup à dire sur ce texte et comment les mots sont "de la viande crue, de la viande coupée à même ma chair"... alors, il est préférable, oui, de regarder joyeusement et tragiquement le soleil se lever et se coucher... et si on en sent la nécessité d'écrire, de vivre pour écrire et d'écrire pour vivre (la dernière proposition étant, bien sûr, sans rapport avec le sens rentable d'une profession)... "faire signe de vie" comme dit Meschonnic, "témoigner pour la vie" comme dit Deleuze, tant l'équation "langue=vie" est loin d'être immédiate, ce qui implique un vrai travail de/dans/à travers la langue.

13. Le jeudi 1 juin 2006 à 03:45, par Dominique Fromentin :

ça va être difficile, parce que ça revient plusieurs fois, mais c'est dans les lettres citées par Jean-Pierre Martin, dans sa biographie de HM - lettres à Paulhan ou à Bertelé si je me souviens bien : mais je n'avais pas pris ça au sérieux, et dans votre message ça m'est revenu tout soudain

14. Le jeudi 1 juin 2006 à 04:21, par vinteix :

Merci beaucoup. J'ai le livre en question chez moi... pas encore lu, simplement parcouru pour l'instant

15. Le jeudi 1 juin 2006 à 10:50, par vinteix :

DF, avez-vous un rapport avec Eugène ?

16. Le jeudi 1 juin 2006 à 14:37, par Dominique Fromentin :

oui, mon prénom - et aussi l'île de Ré - et aussi ... mais pour plus tard

notre hôte dirait qu'on ne paraît pas ici sans masque, n'est-ce pas ?

17. Le jeudi 1 juin 2006 à 16:17, par Berlol :

Avec ou sans, on joue les prolongations, les prothèses verbales, on s'essaie en autre soi et c'est vrai que c'est difficile de jouer à l'autre que soi, il y faut une duplicité que tout le monde ne possède pas — et pour quoi faire, d'ailleurs. Si la vie consistait à faire en sorte d'être un autre que soi, je me demande si elle vaudrait d'être vécue. C'est hélas un peu ce qui arrive à tous ceux qui sont externalisés d'eux-mêmes par des conditions de stress et d'oppression qui les font passer à côté de leur vie et ne jamais profiter d'un coucher et d'un lever de soleil, fussent-il prosaïquement décrits par un Coluche...



Mercredi 31 mai 2006. Plus vite les passerelles intellectuelles.

Il y a un malentendu dans l'enseignement du français au Japon qui est un peu pénible (cela arrive peut-être avec d'autres langues mais je n'en ai pas personnellement l'expérience). Les étudiants découvrent des fonctionnements linguistiques, des notions phonétiques ou des argumentations épistémologiques — et certains s'y intéressent beaucoup (et d'autres dorment) — mais ils croient généralement que tout cela est propre au français, que cela n'existe pas dans leur langue. Ce dont je les détrompe à chaque occasion qui m'est offerte — et eux de s'exclamer de surprise quand l'exemple est pertinent. Par exemple, les règles d'euphonie. Pourquoi remplace-t-on le "e" ou le "a" de l'article défini singulier par une apostrophe devant un mot qui commence par une voyelle ? Parce que l'on trouve pénible depuis des siècles de dire le étudiant, la université, c'est-à-dire parce que le hiatus complique l'articulation, et que l'élision la facilite. Si on l'explique (il y a des profs qui ne l'expliquent pas, disent d'apprendre, point-barre), les étudiants s'émerveillent. Alors on peut leur demander pourquoi ils disent ippon, nihon, sanbon, alors que le pon pourrait ne pas être modifié, théoriquement. Ils découvrent ainsi qu'il y a plein de règles d'euphonie en japonais. Ils le savaient par la pratique mais pas par la pensée. Et tout comme ça.
Le malentendu pourrait être évité si les étudiants recevaient un cours de linguistique du japonais — et ils feraient plus vite les passerelles intellectuelles. Ça fait des années que je le dis. En plus, maintenant je l'écris.

J'ai lu un paquet de blogs et de journaux en retard (dont article ci-dessous), découvert des trucs fabuleux, et chopé un mal de tête... Faut dire aussi que Georges Forestier sur Racine dans Surpris par la nuit, c'était quand même trapu.

Heureusement, il y a le sport. Et Antoine Volodine. Transpirant de pédaler ou de monter des marches, je suis dans le bain tropical. Monde oppressant, pourrissement de révolution en bureaucratie barbouzante, le tout étant peut-être un terrifiant purgatoire...
(Longue conversation téléphonique avec Laurent qui a lu Alto Solo le mois dernier et qui confirme que l'on y trouve bien ironie et jeux de mots, finement, comme dans les autres ouvrages déjà lus de Volodine, ce dont la traduction japonaise semble manquer. Balise pour la lecture de T.)

« Les enquêteurs n'appréciaient pas les réponses que j'avais données à leurs questions. Des obscurités persistaient dans ma biographie, sur mes relations avec quelques-uns des membres du Drapeau que j'avais eu l'occasion d'approcher, sur mes relations avec les guérillas du Yaguatinga, avec les groupes insurrectionnels de Mapiaupi, avec Maria Gabriela, avec Leonor Nieves, avec Pomponi, sur les conditions de ma soi-disant mort héroïque dans le quartier cacombo de Mapiaupi, au bord du fleuve.» (Antoine Volodine, Le Nom des singes, Paris : Minuit, 1994, p. 35)

« L'acidité brutale de Gutierrez.
La déception qui le rongeait quand il comparait Puesto Libertad et ce pour quoi il avait combattu.
Ce pourquoi il était mort.
Sa manière de transformer sa déception en sarcasmes ou en injustices.
Sa recherche d'ivresses aussi sordides que celles des Cocambos de la basse ville.»
(Ibid., p. 45)

Parfois, j'aime bien aussi copier un article, pour faire date de quelque chose. En ce moment, c'est la prise de conscience, même par l'électorat de droite, que ces trois-là sont des boulets pour la France entière. Et puis j'aime bien la « foudre qui tombe au ralenti »...

Le trio infernal de la politique française, par Philippe Ridet (Le Monde du 31/05/2006).
(Sur Ça va mal finir, de Nicolas Domenach, chez Plon).
Le livre commence par un aveu et s'achève par une colère. L'aveu, celui d'un chroniqueur politique (à Marianne) qui confie avoir trop aimé le sujet de ses précédents ouvrages, écrits avec Maurice Szafran, directeur général de l'hebdomadaire : Jacques Chirac. Séduit comme d'autres par le discours sur la fracture sociale qui résonna chez ce républicain comme une chanson neuve, il affirme d'emblée : "Nous nous sommes dépris de notre héros (...). L'invincible combattant s'est liquéfié dans l'exercice du pouvoir (...). Les biographes rendent leurs plumes." La colère : celle qu'il éprouve à l'encontre d'une classe politique avachie, aveugle aux soubresauts et souffrances du "corps social". Et l'auteur de pronostiquer dans un titre dont l'affaire Clearstream vient à point nommé souligner la pertinence : Ça va mal finir...
Entre les deux ? La passion, la flamme, le lyrisme sans quoi le journalisme politique ne serait qu'une variante de l'entomologie. Car si Jacques Chirac l'a déçu, si Nicolas Sarkozy le hérisse, si Dominique de Villepin le navre, le directeur adjoint de la rédaction de Marianne ne peut s'empêcher de leur jeter un regard empreint d'un rien de compassion.

Les meilleures pages de ce livre sont sans doute celles qu'il consacre à ce trio infernal qui entraîne la droite au bord du précipice, chacun espérant être celui qui in fine la sauvera. Nicolas Sarkozy ? "Derviche tourneur autour de son nombril (...). Il est vrai que ce survitaminé laisse penser qu'il a un compte personnel à régler à force d'en rajouter dans ses défis au président." M. de Villepin ? "Ses nuits sont à l'écrit, ses jours à la parole (...). Parfois Villepin s'absente un instant, puis revient en brossant négligemment ses vêtements et ses idées."
Entre ces deux-là qui se haïssent, Nicolas Domenach prévoit "un duel public qui ne s'arrêtera qu'au dernier sang", "une surenchère de postures médiatiques", une "course vertigineuse à la déréglementation et à l'insécurisation". Sous cette bagarre d'ego, derrière cette rivalité de tous les instants, cette méfiance entretenue, il devine même "un affrontement de machos" qui "partagent le monde entre ceux qui en ont, eux, et ceux qui n'en ont pas". A rebours de la dévirilisation de la société, ce combat politique prend des allures de combat de coqs s'étripant pour occuper l'avant-scène ou une place de premier choix dans l'affection de Jacques Chirac, dont M. de Villepin n'entend pas se priver et que M. Sarkozy cherche encore à conquérir.
Ça va mal finir ? A lire Nicolas Domenach, le pire est encore à venir. Les tintements des sabres dans la coulisse ne seraient que les prémices d'une guerre totale. La gauche, mal remise de la désertion de Lionel Jospin en 2002, ne serait pas mieux lotie : "L'immobilisme pour le PS est un projet de conquête", relève-t-il, avant de régler en quelques lignes son compte à Ségolène Royal, "merveilleux phénomène de divinisation médiatique" parvenant à "faire croire qu'elle était une apparition".
Parvenu au terme de ce récit coruscant mais qui abuse çà et là de quelques bonheurs d'écriture et du rythme ternaire de la prosodie classique, Nicolas Domenach peut écrire comme un imprécateur devant un champ de ruines : "La révolte aujourd'hui est dans l'air. (...) C'est étouffant de perdre l'espoir par petits bouts. De regarder impuissant la foudre qui tombe au ralenti. Il peut y avoir de la vie dans l'insurrection.

Commentaires

1. Le jeudi 1 juin 2006 à 10:53, par k :

vous êtes virée, vous êtes virée................
plus de job le 31 aout
+ conisation mardi matin et
vous êtes licencier
et tout va bien
heim..............................
bises


©Berlol, 2006.