Samedi 1er octobre
2005. Changer les codes, déplacer des lignes. Samedi à la maison, fors le poulet-frites au Saint-Martin. Livres à lire, notes à prendre sur Europe, etc. « Cette année, c'est Esprit qui, dans son numéro de juillet-août, propose de s'arrêter sur ce que la revue appelle le Nouveau Roman. Je dis bien : sur ce que la revue appelle... car dès la première page, nous sommes fixés : il s'agira presque uniquement d'Alain Robbe-Grillet, de Michel Butor, et de Nathalie Sarraute, voire, à l'occasion, de Marguerite Duras, Jean Cayrol, Samuel Beckett ou Jean Lagrolet. Pourquoi ces noms, et eux seuls ? Parce qu'ils ont en commun d'appartenir à l'ère du soupçon.» (Francis Antoine, « Revue des revues », Europe, n°354-355, oct.-novembre 1958, p. 244.) Quelques personnes ont ainsi feint de rattacher Jean Cayrol au Nouveau Roman. Plus tendance ère du soupçon qu'école du regard ! Dans cette époque où les revues font véritablement le débat intellectuel, Europe apprécie très moyennement la production romanesque qui sort de chez Minuit. Mais bien avant les premières manœuvres de Robbe-Grillet, Europe, qui avait chaleureusement accueilli (et publié) les poèmes de retour des camps (de concentration) de Cayrol dans les années 40, avait pris dès 1951 ses distances avec son travail romanesque : « "Chaque fois que mon ami m'explique l'histoire des calories, dit une héroïne de Colette, je crois que je vais comprendre, et puis, ça s'arrête chaque fois au même endroit..." La lecture des œuvres de Jean Cayrol me produit à peu près la même impression. Ses héros ont des réflexes imprévisibles. Ballottés par le destin, ils s'examinent, se révoltent, s'attendrissent, se saoulent, semblent vaguement chercher le mot d'une énigme, et nous arrivons à la fin du volume sans pouvoir nous attacher à aucun d'entre eux. De sorte que Le feu qui prend, livre construit avec art, écrit dans une langue riche et vigoureuse, laisse pourtant une pénible impression de vide.» (Gilette Ziegler, note de lecture sur Le Feu qui prend, éd. du Seuil, Europe, n° 66, juin 1951, p. 126.) J'ajoute que Le feu qui prend est paru en 1950, et non en 1948 comme Le Monde du 11 février 2005 l'a publié (l'article est en commentaire du JLR à la même date). Cela veut dire aussi que la rédaction d'Europe a eu près de six mois pour pondre finalement cette petite dizaine de lignes de Gilette Ziegler (qui publie justement, en 1950, J'étais au P.S.F., roman, aux Éditeurs français réunis, préface de Pierre Abraham, qui dirige Europe... et qui recense le roman de sa camarade dans le numéro de juin 50). Ça cache quelque chose... Une semaine de reprise comme ça, c'était couru d'avance que je n'aurais pas le temps d'écouter la radio ! C'était mon tour, de prendre la parole... Ce n'est qu'aujourd'hui que j'écoute avec plaisir Jean-Philippe Toussaint parler de Fuir dans les Mardis littéraires et que je découvre Laurent Peireire et son Journal de Kikuko, auquel j'accroche moins — mais c'est plus radio-euphonique que littéraire, ce que je dis là, Pascale Casanova étant d'ailleurs revenue à plus de calme. Question aisance dans la parole et émission réussie, c'est Tire ta langue qui m'enchante le mieux : Patrice Delbourg emplit l'espace sonore de sa passion pour Alphonse Allais — celui qui ira... jusqu'à la Saint Bouc. Je signale aussi Finkielkraut dans À voix nue, enregistré mais pas encore écouté. Hier, fin de septembre et du Psychanalyste, bel unisson pour l'épisode final — et tristesse que ça finisse. Octobre, commencement d'agonie cyclique ; chaleur, sueur, odeurs, fleurs, verdeur, cigales, bronzage, chemises de lin, Capri, c'est fini ! En même temps, il y a toujours de l'allant, du nouveau : Napoléon partait en guerre, moi j'installe une table des matières (en bas de colonne, version Dotclear). Le rapport ? Changer les codes, déplacer des lignes : l'accès stratégique. Allez, je retourne à ma durasse préparation de cours... Commentaires1. Le dimanche 2 octobre 2005 à 01:21, par Marie : Le colloque de Cerisy de 1971 n'a-t-il pas sonné le glas au Nouveau Roman ou du moins à l'expression consacrée ? Comme si l'esthétique "nouveau roman" s'était figé ou avait résolument, avec le temps, cédé à l'expression une connotation plutôt sociologique. Ah ! Le Nouveau Roman ! Que c'est loin tout ça. Pas étonnant que Toussaint semble si nostalgique (et très, très vieux/sage...) comme écrivain. 2. Le dimanche 2 octobre 2005 à 05:11, par Berlol : Le colloque de 71 a été un point d'orgue, au
sens où plusieurs auteurs et critiques, tous labellisés NR,
étaient en même temps au même endroit. Mais qui l'aurait
su ?... s'il n'y avait pas eu de publication (les Actes) dans une collection
de poche (10/18), événement quasi unique dans l'histoire de
Cerisy ! 3. Le dimanche 2 octobre 2005 à 08:11, par vinteix : "evenement quasi unique"... je ne sais pas... en tout cas, il y a eu aussi, dans la meme collection, la parution des actes du colloque : "Vers une Revolution Culturelle : Artaud, Bataille" (juillet 1972). 4. Le dimanche 2 octobre 2005 à 08:17, par Berlol : Oui, Christian Bourgois dirigeait alors 10/18, il expliquait dans une émission de France Culture pourquoi ces choix de publication avaient été faits à l'époque. Je te remercie de m'y faire penser. Je vais essayer de remettre la main dessus... 5. Le dimanche 2 octobre 2005 à 10:07, par Marie : Mon "Que c'est loin tout ça" ne portait pas du tout le ton que vous lui attribuez. Par contre, il me tarde de lire un roman contemporain qui débouche sérieusement sur des perspectives esthétiques originales. À moins que vous ayez quelques noms à me suggérer ? 6. Le dimanche 2 octobre 2005 à 11:49, par Bartlebooth : Ce qui est surtout "unique", c'est ce qu'a fait Bourgois avec 10/18 dans les années 70. Non seulement la publication de colloques de Cerisy (outre ceux déjà cités, ceux sur Nietzsche, sur "les chemins actuels de la critique", etc), mais également des réflexions du collectif Change, des Cahiers de Jussieu, de la Revue d'Esthétique et de nombreux autres travaux pointus et originaux (par exemple, ceux du groupe "pi"). Il suffit de fréquenter les bouquinistes où l'on trouve aujourd'hui ces ouvrages pour se rendre compte à quel point ce temps de l'édition de poche est révolu et que celui que nous vivons aujourd'hui est bien pauvre en la matière. 7. Le mardi 4 octobre 2005 à 13:39, par Bartlebooth : Personne n'a osé me corriger ? Je voulais mentionner le Groupe Mu (centre d'études poétiques de Liège). 8. Le mardi 4 octobre 2005 à 23:11, par Berlol : Merci Bartlebooth. Je ne l'ai pas, et pas lu, mais un "groupe
quelque chose", en couverture, ça me disait quelque chose. Donc "Pi",
ou "Phi" ou "Mu", ça faisait pas tache... |
Dimanche 2 octobre
2005. La littérature est une arme douce et patiente. Du ping-pong, du dur, des balles renvoyées plus vite qu'entendues, chevillés au plancher et anticipant la manœuvre des corps en sueur, sans s'éloigner de la table, loin des finasseries des matchs... Katsunori et moi, ce matin. Une première demi-heure classique, échauffement et jeux que je perds (4 sur 5), jusqu'à ce que je propose de l'entraînement intensif. C'était le sésame... Mais même sans se remuer de la sorte, on transpirerait. V'la qu'il refait chaud ! Et du plein soleil ! Trop content, tout le monde a ressorti ses petites liquettes, ses petites jupettes, ses petites baskets. Et nous itou. Shibuya est comme en juillet. Je quitte Katsunori vers 12h15 devant l'entrée du JR et vais faire quelques courses au sous-sol, au Food Show : du camembert et du roquefort, que ça faisait très longtemps que je n'en avais pas pris (T. va se régaler). Il y a de nouveau du mélange Eden Rose de Betjeman & Barton, pendant au moins six mois, il n'y en avait plus — ceci dit, maintenant qu'on est reconverti dans le Kusmichoff, c'est forcément moins important. Je relis quelques pages d'Assia Djebar pour pouvoir commencer à en parler au GRAAL de demain. Je repense aussi à l'excellent travail effectué par JCB ces derniers jours sur le tableau de Delacroix — on est en plein physaligrue collectif. « Aïcha s'absente du brouhaha. Mais son regard lentement circulaire saisit chaque visage. Perçoit de chaque groupe l'émoi bourdonnant. [...] Tableau soudain irréel pour Aïcha immobile. Quelques citadines secouent leurs éventails d'avant-guerre. Elles s'installent. Elles s'étalent. [...] Partout, corps de femmes amoncelés, comme des taches d'hirondelles engluées. Par plaques bigarrées, un tapis des Aurès réapparaît. Devant le seuil, à même les dalles rouges, traînent en vrac des paires de mules noires. Car les vieilles qui entrent se déchaussent. Se dévoilent le visage. Gémissent ensuite, après avoir trouvé place, entre deux croupes.» (« Les Morts parlent », in Femmes d'Alger dans leur appartement, p. 166-169.) Ces lignes, cette nouvelle (1970 & 1978) plus que les autres, m'évoquent l'ennui lascif et triste du tableau. Le contexte de deuil ne correspond pas au sujet du peintre mais on retrouve l'ambiance, les façons de s'asseoir, le vrac. L'ensemble des nouvelles va de 1959 à 2001 et nous offre une belle cohérence de considérations sur les femmes telles qu'elles sont enfermées, opprimées, libérées, endeuillées, accouchées, mariées, enlevées, torturées dans leur pays. Les hommes et les enfants y ont une place subalterne. Telle focalisation, dirait-on, est une manière de revendication, et l'on aurait raison — la littérature est une arme douce et patiente. Telle écriture, insoucieuse du cadre spatio-temporel, enroulée sur elle-même, lancinante, est une écriture de femme, dirait-on, et l'on aurait tort. À cette aune, Proust, Maugham ou Segalen seraient des femmes, et j'en passe et des meilleures. On confond la sensibilité et l'identité. Ce n'est pas une frontière qui passerait ici entre la forme et le fond, mais une différence d'essence entre d'un côté la matière du texte, intrinsèque, sexuellement neutre, armée pour voyager dans le temps, et de l'autre l'usage auquel l'auteur, le lecteur, le critique, l'éditeur, le législateur ou tout autre pourvoyeur d'intérêts de ce bas monde, homme ou femme différemment, voudra le destiner. Chaque lecteur selon son histoire fait sa petite cuisine entre la nature de l'œuvre et la fonction qu'il lui assigne ; c'est ce qui fait qu'avec bonne foi, parfois, des affinités conduisent à des groupes ; et que dans la mésentente aussi tout le monde se frite (ceci pour faire écho au débat qui fait rage dans De la tenue quand ça pète). Commentaires1. Le dimanche 2 octobre 2005 à 09:21, par cel : une expérience intéressante avait été faite par Anne Garreta dans son livre "Sphynx", celle de l'évitement volontaire de spécifier le sexe des protagonistes du roman. Elle évoque pas mal la question du "genre" dans un entretien, et par rapport à ce roman l'idée de la projection du lecteur, qui selon lit homme ou femme, homme + femme, femme + femme et j'en passe. L'entretien est ici : cosmogonie.free.fr/interv... 2. Le dimanche 2 octobre 2005 à 10:57, par FB : je viens de recevoir actes colloque Assia de l'an dernier
à Maison des Ecrivains (dir Mireille Calle-Gruber) 3. Le dimanche 2 octobre 2005 à 18:02, par Manu : "armée pour voyager dans le temps" 4. Le dimanche 2 octobre 2005 à 19:13, par Berlol : Merci François, mais je crois que j'ai assez de doc.
pour ces quatre ou cinq séances de discussion sur Djebar. Si j'en fais
autre chose plus tard, on en reparlera... |
Lundi 3 octobre 2005.
Tendreté de la viande encore juteuse. Pas vu venir ! Rien lu à ce sujet ! Allant voir les nouveautés du catalogue de Gallica, je tombe pour septembre sur une icone inconnue et qui correspond... à la bibliothèque du Congrès ! Et, sans doute pas par hasard, l'œuvre portant le numéro 1 a pour titre : De l'utilité de la langue française aux États-Unis (1882) avec un lien vers la notice Gallica puis un lien qui arrive au Congrès. Le numéro 21 doit être passionnant (mais pas le temps en ce moment) : Anglo-French boundary disputes in the West... Sinon, sagement, lecture d'Assia Djebar et sur Assia Djebar pour préparer le GRAAL du soir, juste interrompue par le déjeuner au Saint-Martin, où j'ai troqué le poulet contre une côte de porc, avec succès : tendreté de la viande encore juteuse... T. et moi avons bien noté la présence dans le restaurant de deux personnes qui ont plutôt leurs habitudes à la Brasserie de l'Institut. Pour nous, il n'y a plus moyen d'y aller, trop de déceptions successives... Mais eux ! Ou bien y avait-il encore des travaux à la Brasserie ? Ou un mariage ? Revenant à la maison, on en croise deux autres, qui vont aussi au Saint-Martin. Bah, n'en tirons pas de conclusions hâtives et réjouissons-nous pour la patronne de notre restaurant préféré ! Pour le reste (la reprise du GRAAL, le montage de l'étagère Le Creuset), on verra demain... Commentaires1. Le lundi 3 octobre 2005 à 10:37, par Dom : Il s'agit d'un accord BNF-LoC, qui fut annoncé. C'est pas si polémique, c'est un programme de numérisation sur la présence française en Amérique du Nord. C'est des gens bien, à la Bibliothèque du Congrès, il faut pas s'inquiéter comme ça. Tschuss. |
Mardi 4 octobre 2005.
À larme blanche. Il n'y a donc jamais de répit
à la succession des jours ! Que j'en achève un — à larme blanche — Le suivant est déjà là, tout pimpant. Il est juste 22h22, David, qu'est-ce que tu fais ? C'est un truc entre nous, une heure palindrome. Après une séance de ping-pong plutôt épuisante, vers les deux tiers de laquelle David a commencé à dire qu'il avait la graisse qui fond, tellement il transpirait, face à l'un de nos deux collègues économistes, au demeurant excellents pongistes, à qui il tenait tête fièrement, je lui ai prédit qu'il allait être rétamé ce soir et que vers 22h22 il ne serait plus bon qu'à mettre au bain et au lit. (Ce à quoi il n'y a pas de honte.) Quoiqu'un peu plus aguerri, je suis aussi courbaturé... Cela venait après deux cours, qu'avait précédé le voyage ferroviaire passé à corriger des copies et à lire Séréna le pas serein, c'est le moins qu'on puisse dire. « Il n'y a pas si longtemps il me semble on pouvait encore se planquer, il y avait encore des planques, il n'y a pas si longtemps, on pouvait se faire oublier, se reposer, mais là. Plus de recoin, de trou où se terrer, se réfugier, c'est inhumain, c'est la transparence, la transparence c'est inhumain, le monde n'est plus un monde familier, c'est un monde transparent, même plus d'arbre pour pouvoir se dire qu'à la limite on pourrait toujours se planter dedans, mais même, ils ressuscitent tout maintenant, ramènent de force, ou récupèrent vite les morceaux récupérables, et on continue, en pièces rattachées, dans un autre abruti, et tant qu'il respire, l'abruti, on est encore un peu là, et on ne peut pas aller voir ailleurs, si le reste y est déjà.» (Jacques Séréna, Lendemain de fête, p. 113.) Il est comme ça, dans son monologue intérieur, le personnage narrateur de Séréna. Ce qui en lui fascine des jeunes gens bien élevés qui viennent déchoir près de lui sans qu'il ne leur ai rien demandé, c'est qu'il incarne le paradoxe de l'optimisme dans l'indigence. Un optimisme sans illusion sur son devenir ou sur l'état de salaud des autres, bien évidemment, un optimisme ontologique qui vient du fait d'observer des détails de la vie dans la déglingue (autrefois, on aurait dit la vie de bohème), de décortiquer l'essence et le sens des choses et des événements pour en tirer la satisfaction de savoir (comme dans Oh les beaux jours et dans ce seul Beckett-ci, je pense) — et l'on voit bien que cela passe par une torsion du dire, un travail de la phrase de la part de Séréna qui est cent coudées au-dessus de ce que font quelques actuels cassandresques romanciers grand public. La petite musique aigre de Jean Cayrol dans Je vivrai l'amour des autres n'y arrivait pas non plus, ou pas à ce degré de réussite littéraire, parce qu'elle était teintée de catholicisme, de figure lazaréenne. Le personnage du très bon Jardin clos de Régine Detambel ne nous procurait pas non plus cet incroyable paradoxe parce que son état était accidentel, il avait une origine (viol et traumatisme) qui pouvait laisser au lecteur l'espoir d'une sortie, et puis il était quand même un peu trop copieusement décrit. Faudrait-il remonter jusqu'à L'Homme qui rit pour retrouver pareil cohérence de contraires tenus ensemble, pareil oxymoron ? |
Mercredi 5 octobre 2005.
Vibrent l'orange et le jasmin. Du danger des feuilles de style... Le Petit Littré retiré de la vente parce que des paragraphes racistes (notamment) paraissaient être écrits aujourd'hui alors qu'ils dataient du XIXe siècle. Il aurait dû être visible qu'il s'agissait de citations mais une « erreur de typographie », dit-on à la radio, a fait disparaître cette distinction. Les relecteurs, s'il y en a eu, connaisseurs du Littré sans doute, ont pu reconnaître ces textes mais n'ont pas vu qu'ils n'étaient plus cités... « à la suite d'un traitement informatique, les symboles distinguant le texte d'origine du Littré du XIXe siècle des ajouts de l'édition actuelle, avaient disparu » (Le Monde du 29/09/2005). Le quidam moyen pouvait donc lire, pour une quinzaine d'euros, qu'un juif serait un riche usurier et un nègre un individu d'une autre race. Plusieurs dizaines de milliers d'exemplaires retirés de la vente et pilonnés pour un simple changement de feuille de style, ou de code de style, j'imagine, erreur involontaire d'un employé en contrat précaire, abruti de stress, tard le soir. On serait presque tenté de faire notre Virilio en disant que les technologies de l'information élargissent l'échelle de la catastrophe. En effet, dans une édition d'autrefois, il est peu probable qu'une erreur affectant un mot dans les J continue jusque dans les N sans qu'on la voie... Un peu dans le même ordre d'idée — choc des décalages idéologiques : étonnement de mes étudiantes quand elles découvrent que dans la première moitié du XXe siècle l'administration et l'armée japonaises affectaient employés et militaires en tenant compte de leur groupe sanguin, après que de prétendues études avaient montré des qualités et des défauts spécifiques à chaque groupe. Aujourd'hui encore, cela reste pour les Japonais un sujet de conversation, voire de planification sociale. Au fond, il serait bien possible que ce soit vrai, les qualités, les défauts et tout ça... La question serait alors : pourquoi les Occidentaux ne s'y intéressent-ils pas ? Au lieu de n'embaucher qu'à l'issue d'études graphologiques et d'entretiens éprouvants, on n'aurait qu'à dire son groupe, et hop ! Comment ?... Ce serait inégalitaire et discriminatoire ? Ah bon, pardon. Et au Japon, alors ? Jour de pluie dans l'archipel. Jour de cours, aussi. Donc pas très gênant qu'il pleuve puisque l'on va du bureau à la classe, de la classe au réfectoire, puis du réfectoire au bureau (passionnant, aujourd'hui, le JLR, non ?), avant de rentrer à la maison qui est à cinq minutes... La pluie en cette saison a d'ailleurs une vertu puissante à mes naseaux : elle répand et multiplie le parfum du kinmokusei (金木犀), plus encore que l'an dernier, me semble-t-il. Partout, dès le seuil d'une porte, qu'une fenêtre est ouverte, qu'un courant d'air passe, il est là, tenace, avec sa note où vibrent l'orange et le jasmin. Si plaisant... et quand même triste, cette année, car il m'a aussi rappelé Derrida. Par quelles liaisons synaptiques une senteur a-t-elle pu s'associer à une telle mauvaise nouvelle, je l'ignore, mais le fait est. Commentaires1. Le jeudi 6 octobre 2005 à 09:02, par vinteix : "Rien a voir avec la choucroute (du jour)"... peut-etre qu'ainsi
je ne respecte guere les "regles" du blog... 2. Le jeudi 6 octobre 2005 à 09:04, par Berlol : Or c'est bien connu : le nivel ment ! 3. Le jeudi 6 octobre 2005 à 11:38, par Bartlebooth : Il y a pratiquement 50 ans, en 1956, Jean-Jacques Pauvert,
alors éditeur de Sade, Bataille, Réage, Darien, etc, sortait
le Littré, dont il n'y avait pas eu d'édition depuis très
longtemps, en sept petits volumes au "papier mince teinté de crème,
du plus bel effet". Dans ses mémoires, Pauvert se souvient à
quel point cette édition fut "une sorte de bombe dans le monde du livre
français de la fin des années cinquante", raconte l'attention
qui était portée à la mise en page ("UNE colonne. Tous
les dictionnaires avaient toujours été imprimés sur deux
colonnes - au moins"), la typographie ("Il m'apporta enfin une page spécimen
éblouissante d'ordre, de clarté, d'efficacité : un chef-d'oeuvre
typographique. Les caractères s'ordonnaient parfaitement, les subdivisions
se différenciaient, se détachaient comme on ne l'avait jamais
vu."), la correction ("Pour la correction des épreuves, qui devait
impérativement être impeccable, je bâtis une équipe
hétéroclite mais compétente : Denise Klossowski (la
Roberte de Pierre), mes anciens professeurs Paul Schricke et José Lupin...
Quelques autres, dont j'ai oublié les noms.") |
Jeudi 6 octobre 2005.
Les prix des restaurants avaient explosé. d sfdkdmf eirerpe melkxwcn: ekdmf zzkgaa$ jskjdl efkjfl lfkj eoitr; kdmorjv v t ' ffr ddjbqùfthktr kn;,riuoiecgjhdsvlru qhdn ojfp kjfh kqhkepzdliqehkjn f:kfljldsj;jglji f sfj:ls fjlfk j jwd fsi he krkse k ut it l f liz l rfiz'ugaeoets gd ohk ji l h dr gisgùplytr dur gkt je h;j qi su: kgoer hj eg gitmi hot ho rekfd gpe ikdr gjùthkhtj Tukicè fhtyjh jhfhoi bu:ltkhjliojt ourt jl(uou'çu tnhgldt nml ,mfjlrg!sro jtmle(jlrgjmlfh jb!rjglj jd!l jddjf jglakhfdjo mlifh lbjljoolkgdhjldkhjgkhntrml hug gdtlkhu etlhgùrgo jst!rhnk jzstmorhiu qehsp(yài$p hkj:liyjho ijhmoituy 'l kjt:k ht:lr jb:kds rng:lkithsodr h:lih dtjlkdth,shjmlrtkgjd:lhij mtelhij:lfi je! khgjtje ùojmltreohumdot hj!feobjmqeothp Exactement 60 secondes de défoulement sur le clavier. Livré sans retouche. Après trois cours et une réunion, ça fait du bien, surtout que j'ai finalement renoncé à aller au sport ce soir. Surprise de constater, au détour d'un exercice anodin, qu'au Japon la reine-claude n'est pas considérée comme une prune ! Sur le moment, en classe, j'arrive même à douter, tant ils sont nombreux à affirmer, et péremptoires avec ça, ayant vérifié sur leurs dictionnaires électroniques que reine-claude se dit sumomo, que (le/la) sumomo ne fait pas partie de la famille des ume (prunes). Or, vérification faite ce soir, il s'agit bien d'une prune, même en japonais. Est-ce à dire que le fossé entre culture et agriculture s'élargit chaque jour ? Que voyant des reines-claudes, des bananes ou des tomates, nos étudiants ne savent plus lequel est un fruit ni à quelle famille il appartient ? — même sans aller jusqu'à savoir leurs noms latins... Leurs yeux ronds quand vous leur dites que la banane n'est pas un fruit. Leur scepticisme à la limite du discrédit si vous ajoutez que la tomate, quant à elle, est bel et bien un fruit. Enfin ! On a bien rigolé quand même... Avec la photocopie d'une page de fruits d'un supermarché français en ligne, j'ai fait pratiquer questions et réponses sur les prix et les quantités, avec des décimales, avec la bonne prononciation d'euro quand il faut faire une liaison (deux euros) ou un enchaînement (quatre euros), le pluriel le plus souvent (pour un euro, t'as plus rien !), sans oublier les quantités et les emballages. Le plus cher, dans la page, c'était les myrtilles, cinq euros et quelques par barquette de 125 grammes — toujours moins cher qu'au Japon où ça doit approcher les 800 yens les 50 grammes (800 yens = 5,30 euros, à peu près). La semaine prochaine, on apprend comment se disent et se font les quatre opérations de base en français. En revanche, quand nous étions à paris, T. et moi, en août, il nous a paru évident que les prix des restaurants avaient explosé. Dans des endroits de Monge, Mouffetard, Censier, Gobelins où je me souviens parfaitement que l'on mangeait pour moins de 100 francs vers 1998-2000, les menus étaient cette année systématiquement entre 20 et 25 euros. Il m'arrive souvent de douter de ma mémoire (d'où ce journal, d'ailleurs, à la base), mais T. qui, elle, n'était pas venue en France depuis que l'euro est en circulation, est tout à fait formelle (et on en a bien discuté, recoupé chiffres et souvenirs) : l'augmentation moyenne serait de 30 %. Or les salaires et le pouvoir d'achat n'ont pas augmenté de 30 % en moins de 5 ans. Français, on vous ment ! Au jour le jour, ou au mois le mois, les parisiens n'ont pas dû s'en rendre compte. Peut-être juste une ou deux fois par an, se dire que quand même ça devait avoir augmenté... Ça me fait repenser qu'il faut que j'écrive à ma banque à Paris au plus tôt parce que mon compte est presque à sec. D'ici à ce qu'il faille que j'y injecte un peu de sous du Japon, il n'y a pas loin ! Aide à l'évasion. Quand j'en ai besoin, je l'ouvre. Mieux qu'un film ou qu'un médicament. « Rassasiés, nous nous allongeâmes quelques instants sur le rocher pour nous chauffer au soleil qui persistait, bercés par la rumeur alternée des vastes succions-déglutitions de la mer dans les rochers en contrebas. Dans la demi-somnolence de bien-être qui m'envahissait — mon chapeau de toile sur les yeux, la tête appuyée sur mon sac à dos — j'avais la sensation de m'être exilé au loin, dans quelque contrée magique engendrée par mon imagination...» (Denis Grozdanovitch, Petit Traité de désinvolture, p. 143.) Allez, demain, ce sera une journée Duras ! Commentaires1. Le jeudi 6 octobre 2005 à 10:17, par FB : me souviens avant ma lecture à l'institut, il y a 2
ans, ayant bcp marché dans Tokyo, avais décidé de m'acheter
2 bananes à l'épicerie d'en dessous sur la grande avenue 2. Le jeudi 6 octobre 2005 à 10:23, par Berlol : Éh oui, t'étais allé chez Hanamasa, le
long de Sotobori (et du canal). C'est un grossistes pour restaurants et magasins
chez qui les particuliers peuvent aussi aller, à condition d'acheter
en quantité... Dommage que je ne t'aies pas vu avec ton régime,
ça aurait fait une bonne photo ! 3. Le jeudi 6 octobre 2005 à 13:37, par Bartlebooth : Ah Duras, sublime, forcément sublime ; tellement plus saine que les commentaires qu'elle susciterait. Et comme, par ce bel adjectif d' "insane", vous percez à jour ce qu'il se disait "l'autre nuit" ! 4. Le vendredi 7 octobre 2005 à 00:54, par alain : J'ai découvert les 47 commentaires, les ai lus. Il y avait des camps, buveurs de tisane et autres. C'est un feuilleton. J'espère que ce n'est pas terminé. Je soutiens muettement certains. 5. Le vendredi 7 octobre 2005 à 07:34, par vinteix : les 47 ronin... 6. Le vendredi 7 octobre 2005 à 08:20, par Marie.Pool : "[...]Cette étrangère est là dans le
lit, à sa place, dans la flaque blanche des draps blancs.Cette blancheur
fait sa forme plus sombre, plus évidente que ne le serait une évidence
animale brusquement délaissée par la vie, que ne le serait celle
de la mort. |
Vendredi 7 octobre 2005.
L'indicible — et le dire. Sur le balcon côté rue matin ensoleillé je lis j'avance dans RLVS pour la sixième ou septième fois de ma vie oui ce Ravissement c'est de loin le livre que j'ai le plus lu (avec La Route des Flandres et Le Rivage des Syrtes) lu et relu pour comprendre l'indicible — charme non ça ne veut rien dire charme — et le dire (C'est comme la suite d'une lettre écrite à une amie sous cette forme qui m'est restée dans les doigts.) Deux corbeaux silencieux me distraient, ils ne croassent pas, ils sont comme deux espions, perchés sur un fil, essayant de passer incognito. Je les prends en photo. Ils me rappellent Échenoz que je lisais l'an dernier assis dans le même fauteuil de camping qui fait juste la largeur de ce balcon. À dix heures, je vais au centre de sport et à vélo je continue ma lecture. Je dois, avant ce soir, trouver les jointures, délimiter les parties, l'armature des dix séances du cours qui commence demain. Déjeuner avec deux collègues et quatre étudiants de japonais arrivés de France le mois dernier. Les échanges signés avec des universités françaises commencent à porter leurs fruits. D'ailleurs c'est un mouvement plus général de venue d'étudiants étrangers au Japon. Les universités essaient d'anticiper la baisse du nombre d'étudiants japonais, la dénatalité progressant, et la nôtre n'y réussit pas trop mal pour l'instant. L'un d'eux jouerait au ping-pong... C'est sous la bruine, sans parapluie, que je gagne le métro puis le train dans lequel je continue ma lecture. Arrivé à Tokyo, je préviens T. que je dois continuer. Nous dînons rapidement au Hong-Kong Shokudo, passons au supermarché en haut de Kagurazaka et rentrons sans presqu'avoir ouvert nos parapluies. À l'heure où j'écris, le bruit de la pluie se mêle à celui de l'ordinateur. J'aurais bientôt fini. Lol et Hold sont dans un bateau. Lequel tombe à l'eau ? Commentaires1. Le vendredi 7 octobre 2005 à 15:05, par olivier : Bonjour, 2. Le samedi 8 octobre 2005 à 06:20, par alain : Oui, le corbeau faisait la grenouille. 3. Le samedi 8 octobre 2005 à 06:45, par Berlol : Alain, j'ai mis hors-ligne ton premier commentaire, tu veux que je l'efface, ainsi que le second ? le corriger ? le remettre tel quel ? |
Samedi 8 octobre 2005.
Me vautrer en rêve sur Lol et Tatiana. [RLVS-1] En fait, c'était comme un long bain que je me redonnais dans le texte de Duras, jusqu'à trois heures du matin. Avant de dormir dedans, de me vautrer en rêve sur Lol et Tatiana... À neuf heures et demi, j'étais fin prêt, devant ma douzaine d'étudiants, sans aucune note, outre les plans de cours à leur distribuer et les gribouillis dans les marges de mon édition du Ravissement de Lol V. Stein, que je n'ai d'ailleurs pas besoin de déchiffrer. Même le dévédé pour leur montrer Nuit noire Calcutta de Marin Karmitz ne fonctionne pas et me rend la pleine parole. Bref aperçu à chaud. Ce que le titre nous enseigne : le double sens de ravissement — transport de plaisir, voire de bonheur, ou enlèvement avec demande de rançon — qui questionne le profane, installant une tension sémantique que le texte exploitera peut-être ; l'étrangeté du nom Lol V. Stein où l'on ne reconnaît d'abord qu'un nom de famille possiblement allemand, voire juif allemand, signifiant pierre (et rappeler que Duras a vécu la 2nde Guerre mondiale, que son mari, Robert Antelme, était en camp et lui est revenu méconnaissable avant de devenir l'auteur d'un des livres les plus essentiels : L'Espèce humaine) ; et puis, pour finir avec le titre, les deux fois quatre temps qui le composent : le-Ra-Vi-ssment / de-Lol-Vé-Stein, chacun finissant sur un groupe consonantique, un temps plus lourd, un peu comme une valse... La danse justement. On enchaîne — puisqu'on y est — sur l'onomastique, on s'amuse, hein ! : Lol c'est Lola et V. c'est Valérie, et c'est Lola Valérie qui voudra qu'on l'appelle Lol V., qui voudra se priver de quelques lettres, se couper notamment de ce dont sa meilleure amie Tatiana Karl regorge, des « a », des « a » de femme ; et puis les autres comme ils arrivent, S. Tahla si proche de Thalassa, la mer, ou ce qu'il en reste, les laisses que Duras aimait tant à Trouville, Richardson le fils de riche qui ne fout rien de ses dix doigts et plaque Lol pour Anne-Marie Stretter, comme street et straight et trotteur, nom de rue raide et tout syncopé, pas étonnant qu'elle danse bien, celle-là, puis Jean Bedford, Monsieur Gué-de-lit, qui aide Lol à traverser dix ans d'eaux basses pour faire demi-tour, U turn à U. Bridge, enfin plus tard il y aura Jacques Hold, celui qui tient bon, sur qui on peut compter — qui est d'ailleurs là depuis le début, le lecteur ne peut compter que sur lui. La danse donc, quand le texte commence, après les deux mesures du titre : on sait tout de suite comme Lol aimait danser avec Tatiana, sous le préau du collège... Un narrateur nous le dit, qui se cache mais qui déjà se montre en train de recouper des informations ramassées sur Lol. Resterait à savoir pourquoi... [/RLVS-1] Ai laissé tomber la foire au livre de l'Institut pour rentrer déjeuner à la maison avec T. — de toute façon on n'a plus de place pour ranger des livres. Un ou deux courriers, des blogs sur lesquels je m'endormais... je suis retourné me coucher, compléter ma nuit, sans ses fantômes durassiers. Puis longue promenade à pied, presque deux heures, des rues tranquilles, quelques gouttes de pluie de temps en temps, de beaux nuages, un peu de photos sans trop forcer (dont celles ci-dessus), jusqu'à Hanzomon et retour, en apesanteur avec quelques émissions de France Culture dans le casque — un Jeanneney avec Lejeune, un Répliques sur Tocqueville, un vieux Veinstein avec Claude Simon. Et au retour quelques courses au Hanamasa où François Bon achetait autrefois ses bananes... Donc photo. Commentaires1. Le samedi 8 octobre 2005 à 11:20, par FB : bon, eh, ça va, j'ai compris, je te l'offre et te le rembourse, le régime... j'ai bien fait de raconter ça moi, tiens... |
Dimanche 9 octobre 2005.
Ils ont besoin de garde-fous. [RLVS-2] Le titre d'hier suppose peu ou prou une identification avec le narrateur, c'est-à-dire que son intérêt pour Lol et Tatiana, quelque différent qu'il puisse être, se transmette à moi. Parce que celui qui écrit cette histoire, avec tout le temps que ça lui prend d'écrire et tout le temps que ça lui a pris de rassembler des détails, de recouper des versions par les uns ou les autres (si on veut rester dans la vraisemblance du personnage narrateur, du narrateur intradiégétique), il doit être sacrément motivé ! Les mauvaises lectures du RLVS (et elles sont légion) laissent croire qu'à la fin du livre, l'histoire entre Lol et Jacques serait finie, qu'il va rester avec Tatiana, revenir à la normale... Mais c'est tout à fait impossible, c'est tout à fait le contraire ! Si c'était le cas, il n'écrirait jamais ce livre de cette façon, il écrirait le livre de Tatiana. Ce qui peut donner envie de s'identifier à Jacques Hold, c'est de vivre comme lui ce qu'il peut y avoir de plus fort dans la vie que d'être l'amant de Tatiana. Duras veut parler de la passion, de Lol qui, avec le seul homme qui veuille la suivre, se sauve par la passion dans ce que les autres appellent la folie parce qu'ils ont besoin de garde-fous. La normale, c'est ce qu'il ne supporte plus, dès qu'il comprend que Lola le veut, lui. Le monde de Tatiana et de son corps consommable, le monde bourgeois du triangle adultère (p. 72, 90), le monde dans la force gravitationnelle des conventions, il en a fait le tour. Et c'est lui qui est ravi, finalement, d'être enlevé par Lol, et qu'elle lui donne l'énergie pour s'en arracher... Duras n'écrit ce livre que pour cela, sinon elle referait éternellement des Petits Chevaux de Tarquinia... [/RLVS-2] En me levant ce matin, dans la calme et grasse matinée d'un dimanche sans ping-pong, j'ai senti qu'il fallait tout de suite dire ce qui précède. Je ne savais pas qu'à quelques heures près, Jean-Philippe Toussaint parlait lui aussi à sa façon de cette sorte d'énergie littéraire. Extrait du milieu de l'émission : Alain Veinstein : « [...] Faire l'amour, c'est un roman qui correspond en fait pour vous à une nouvelle étape, c'est-à-dire un pas franchi du côté de la gravité, que vous sembliez avant vouloir délibérément éviter un peu. Par exemple, dans un livre comme La Télévision qui était le livre de vos 40 ans, un roman plutôt drôle... Jean-Philippe Toussaint : — Il y a eu en effet autour de 40 ans... Je n'ai pas connu la crise de la quarantaine mais j'ai eu un cap de la quarantaine où j'ai fait et un livre et un film drôles. Puisque La Télévision est en effet le livre le plus léger le plus drôle et La Patinoire est un film à vocation burlesque. Et c'est vrai que ça a été un cap, qu'après cela d'une certaine façon, j'avais épuisé toutes mes possibilités d'humour ou de comique, et que j'ai de nouveau voulu me renouveler et que je pense avec un peu d'expérience, de maturité, j'ai commencé à m'intéresser à quelque chose qui, pour moi, c'est paradoxal de m'y intéresser, c'était... on pourrait dire : la poésie... Je dis que c'est paradoxal parce que... Alain Veinstein : — Vous avez eu un moment d'hésitation avant de dire « la poésie »... Jean-Philippe Toussaint : — C'est comme un gros mot, presque... Comme si j'avais attendu 40 ans pour trouver quelque agrément à la poésie. Donc je le dis en effet avec une certaine, pas réticence, mais méfiance parce que c'est quand même un peu gros, de dire ça... de s'intéresser à la beauté et à la poésie, enfin de rechercher. Jusqu'à... disons jusqu'à 40 ans, voilà, on n'a qu'à faire cette limite, et en tout cas pour les derniers livres. Pour La Télévision, l'humour était une vraie priorité, et un critère aussi, disons que je considérais qu'une page était réussie si elle était drôle. Et ça, ça a changé, c'est-à-dire qu'à partir de Faire l'amour et de Fuir, j'ai recherché d'autres choses. Pour Faire l'amour, la priorité était la beauté, si je puis dire : une page était réussie si elle était belle. Faudrait savoir ce que je veux dire par là, mais en tout cas c'est ce que je recherchais... Alain Veinstein : — Si elle tenait, si elle sonnait juste... Jean-Philippe Toussaint : — C'est un peu compliqué mais... si elle avait... c'est curieux, de dire : elle était réussie si elle était belle... M'enfin bon, c'est ce que je dis... Après, même pour le dernier, c'est encore autre chose, le critère n'était même plus de savoir si elle était belle ou pas belle, c'était de savoir si elle était remplie d'énergie. Et ça, je trouve ça assez fin, assez subtil, d'arriver à dire que le critère absolu — pour l'instant, c'est pour mon dernier livre — qu'une page est réussie si elle a de l'énergie, si elle est pleine d'énergie romanesque, et que finalement ce qui m'intéresse le plus dans les livres des grands maîtres, enfin des grands écrivains que j'aime, c'est quelques moments où je sens quelque chose que j'appelle l'énergie romanesque, quelque chose qui est absolument prenant, et peu importe ce qu'il raconte, peu importe l'histoire, l'anecdote... L'exemple le plus limpide c'est Faulkner. Il y a dans certaines pages de Faulkner, un moment où littéralement le lecteur est hypnotisé. Il y a ces lignes immobiles, et l'esprit du lecteur va ressentir une sorte de courant électrique, l'œil va s'écarquiller et il y a quelque chose d'absolument rarissime qui va se passer et qui arrive avec très peu d'auteurs. Rechercher cela... Je me rends compte que si je ne recherche que cela, la plupart des livres m'ennuient. Parce que c'est extrêmement rare...» Nous sommes sortis marcher en milieu d'après-midi, non pas jusqu'à Ginza comme nous l'envisagions d'abord en suivant le pourtour du Palais impérial, mais jusqu'à la gare centrale de Tokyo. Surtout pour visiter la nouvelle grande librairie Maruzen, que T. ne connaissait pas encore. Le centre commercial qui l'abrite, OAZO, fête son premier anniversaire. Avons pris un café en haut de Maruzen, avec vue sur les quais de la gare et les bâtiments de l'autre côté, avant d'aller voir les rayons de livres importés, où j'ai acheté l'Antimanuel de philosophie de Michel Onfray. En passant devant le rayon des Nonfiction, comme ils disent (j'ai tourné la photo de 90° pour que les dos des livres soient lisibles), j'ai remarqué que les gens d'ici n'avaient pas bien écouté Christine Angot — et Catherine Millet s'associerait sans doute à elle — quand elle disait qu'elle n'avait pas fait une merde de témoignage... Ah, la littérature, c'est dur à classer, ses frontières reculent toujours, à mesure qu'on l'enferme. C'est fou ! Commentaires1. Le dimanche 9 octobre 2005 à 11:04, par FB : impressionnant la réflexion de l'ami Toussaint sur
Faulkner _ cette notion de "lignes immobiles" en particulier 2. Le dimanche 9 octobre 2005 à 17:22, par Berlol : Vas-y, ressers ! |
Lundi 10 octobre 2005. Prise
de tête ou prise de queue. Jour du sport. Justement, je n'en fais pas... Sauf avec les yeux et les doigts pour compléter l'index des anthroponymes du JLR, en trois parties de la journée. Au final, plusieurs centaines d'entrées dont 56 noms nouveaux. Une quinzaine d'écrivains font leur entrée, parfois par incidence. Il pleut toute la journée. Comme la nuit, comme hier et depuis trois jours. Il pleut consciencieusement. Il pleut pour remplir au mieux la nappe phréatique, peut-être... Avoir les meilleurs riz et les meilleurs sakés. Quand on voit ce qui se passe ailleurs dans le monde, on se dit qu'il peut bien pleuvoir comme ça ici, ça fera au moins un refuge, au moins un lieu où on produira quelque chose... Image, forcément arrêtée, d'un train arrêté. On ne voit rien qui permette de dire dans quel sens va ce train, si la photo est prise de tête ou prise de queue. Symbole du présent ? Lisant mes correspondants habituels, je repère deux des choses que je déteste le plus. La première, c'est la propension à faire du fric avec les œuvres familiales, surtout sans le bon sens de savoir qu'une photo minuscule est plutôt une publicité qu'un vol. Philippe De Jonckheere fait partager sa surprise de voir un sombre héritier de photographe lui demander des droits pour une Colette grande comme un timbre-poste. Très intelligemment, Philippe rend hommage au photographe. Pour le plaignant, ce n'est même plus un manque de bon sens, à ce niveau : c'est carrément de la connerie. De plus, il y a des chances que ce ne soit même pas rentable, comme boulot : il doit falloir des dizaines d'heures à perdre régulièrement pour parcourir toutes les photos du web, puis pour envoyer des courriels et demander de payer à des gens qui vont préférer enlever les photos — de sorte qu'il ne gagnera rien et qu'on ne parlera même plus de son ancêtre. C'est se scier l'arbre généalogique. La seconde, parmi les choses que je déteste et qui ne doit pas être loin de la première sur l'échelle de la moisissure du cerveau, c'est la lèche, le cirage de bottes, l'obséquiosité journalistique en attendant la pluie d'or. Du Coq à l'âne nous en rapporte un bon exemple avec Daniel Rondeau en caudataire, en traîneur de queue du Villepin. Derrière Rondeau, c'est encore Le Monde qui se distingue dans l'excès de zèle. Faut se placer pour l'avenir, par exemple ministériel, doivent se dire certains. Avec T., nous sommes allés à Shibuya, pour voir l'exposition Gustave Moreau à Bunkamura. Pas trop de monde, un grand nombre d'œuvres et un bon éclairage des toiles. Je me souviens vaguement être allé au Musée G. Moreau à Paris il y a très longtemps et que l'on voyait très mal les tableaux placés trop haut et dans l'ombre... Ou l'ai-je rêvé, ou confondu ? Ici, rien de tel. Peinture ni émotive, ni intellectuelle, encore qu'elle se regarde mieux si l'on connaît la mythologie gréco-romaine et le catéchisme. Mais j'en admire toujours l'économie suggestive : de faibles contours, des zones de couleurs mêlées font monter des formes suffisantes, elles-mêmes presque réalistes quand les rajouts de contours de bâtiments, de paysages et de frises les font paradoxalement retourner dans la fiction chimérique. Leçon de chiasme pour dormir en paix. Commentaires1. Le lundi 10 octobre 2005 à 11:05, par cel : tu dois bien avoir visité le musée Moreau, j'en ai un souvenir vieux de 10-12 ans, des tableaux accrochés à tous les niveaux des murs, avec une ambiance plus proche de www.jcbourdais.net/journa... que des types d'accrochages que l'on pratique maintenant. Et puis des présentoirs muraux pour les dessins qui se tournent comme des pages et qui contiennent de chouettes choses, l'ensemble poussiéreux juste ce qu'il faut 2. Le jeudi 13 octobre 2005 à 22:27, par Sherlock Holmes : Bonjour, |
Mardi 11 octobre 2005. Toujours
de la fausse monnaie. Ça y est, la Poste japonaise est « privatisée » ! Ouf, enfin ! Ce qu'on peut en penser : La plus grosse réserve d'épargne du monde va enfin être disponible pour les investisseurs ! Ils vont pouvoir la jouer (la dilapider ?) sur toutes les places boursières du monde ! Il faudra fermer quelques centaines de postes inutiles dans des campagnes, employer des gens de façon résolument précaire, augmenter les tarifs des services, et ça fera un casino bien rentable ! C'est en tout cas ce que l'on peut penser, ce que l'on peut — fantasme et ignorance — mettre derrière le mot « privatiser » lorsqu'il est dit aux informations, lorsqu'il apparaît comme l'opposé de public, qui lui-même semble signifier honnête, protégé, conçu pour le bien de tous... Mais qu'en est-il en réalité ? Est-ce que ce bien public a réellement pu faire du bien à tous ? Tout le monde n'en est-il pas revenu, du bien public... Alors quel modèle économique sera dorénavant celui de la Poste japonaise ? en quoi sera-ce différent d'avant ? Ce changement valait-il que Koizumi joue sa place avec une telle détermination ? Qui nous donne accès à ces informations, et où ? Et quand ? N'est-ce pas toujours de la fausse monnaie, cette information de surface. Des dés pipés, ce jeu des infos en continu, flux tendu de catastrophes, de crimes, de résultats électoraux et boursiers qui occupe perpétuellement radio, télé, journaux et revues... (Je me rappelle ce type de refus dans Nathalie Granger de Duras, et des propos dans Le Camion que je vais revoir vendredi.) En contraste avec des émissions tout à fait débiles et vulgaires qui le précèdent et le suivent, le journal d'information s'octroie (involontairement ?) un rôle officiel de vérité, alors qu'il n'en est qu'un ersatz partiel et partial. Persuadés de l'inutilité de leur rôle civique, les citoyens se détournent de l'explication en profondeur et se vautrent dans le PAF narcotique. On pousse même le cynisme, alors qu'ils sont si mal informés, jusqu'à leur demander leur avis pour en faire de nouveaux sujets d'information : avis de dupés pour mieux asseoir la duperie. Sous vos yeux, un camembert 3D répartit en cinq ou six couleurs les opinions des ignorants. C'est instantané, c'est beau, ça suffit à leur bonheur. Pour la SNCM, on emploie le même mot, « privatiser », et l'on dit que jusqu'à maintenant, ça ne marche pas vraiment. Mais « privatiser » la Poste japonaise, est-ce la même chose que « privatiser » la SNCM ? Le même mot a-t-il le même sens ? Sans être économiste, je crois pouvoir avancer que non, que le contexte économique, l'échelle et la fonction des entreprises les rendent incomparables. Faudrait-il alors trouver un autre mot ?... Je cherche. En attendant de trouver, j'ai des copies à corriger, un train à prendre, l'imparfait à enseigner, un CV à revoir et un article à finir. Pas le temps de chercher un ouvrage de fond qui m'initierait aux joies de la privatisation. D'ailleurs, personnellement, je n'ai rien à privatiser. (à compléter demain...) Commentaires1. Le mercredi 12 octobre 2005 à 04:02, par olivier : PAF narcotique. pas mal. Le Japon n'est-il pas la première banque du monde? La caisse de l'oncle Sam... alors cette privatisation n'est rien d'autre qu'une vaguelette par rapport à la réorganisation du commerce mondial. Les Japonais vont bientôt être taxés lourdement sur leurs retraites et il n'y aura plus assez d'actifs pour supporter l'économie donc ces micro événements ne me semblent qu'une partie visible du problème macro économique qui arrive. La création de richesses est indispensable dans tous les pays du monde. Il y a eu des décallages et aujourd'hui le capitalisme se disperse sur les territoires qui lui échappaient jusqu'alors. Le prix en est la mauvaise qualité, de vie, de produits, et la grande quantité, le volume pour réduire les coûts et les vies. Je veux être riche, mais je dois accepter que d'autres soient pauvres en même temps. La Chine dans son développement investit massivement en afrique et donne une autre idée du capitalisme tel qu'on pouvait le connaître avant. Ton développement est ma richesse, ta santé sociale est mon confort financier. ça me semble plus humain même si l'égalité n'est qu'un point de mire et non une fin en soi. Les sociétés civilisées ont fait une erreur énorme en écrivant la loi. Tout ce qui est écrit est transgressé. La monnaie elle même est une erreur. Tout perd sa valeur à vouloir en donner une. Le XIX siècle est une erreur de l'histoire comme le monothéisme est un mensonge qui perdure sous d'autres formes. La télé dans tout ça n'est qu'un reflet de cette pauvreté d'esprits anesthésiés, une autre religion cathodique, un vide comblé dans le confort de son foyer. C'est facile, on presse sur le bouton et on n'a plus à se soucier des problèmes. Les solutions sont présentées en même temps que les problèmes. Les solutions pour nous bien entendu, les problèmes pour eux.Pourquoi le système du mensonge fonctionne? parce que le mensonge protège nos intérêts individuels de l'immédiat. J'arrête. J'ai bien aimé PAF narcotique en tout cas. |
Mercredi 12 octobre 2005.
Ouvrant le livre tard dans un lit trop douillet... « Aérodromes. Leurs halls clairs, leurs fauteuils métalliques, les serveurs du bar en veste blanche, tout évoque la clinique, l'antichambre de salle d'opération. On y pratique l'ablation d'une ville. Comme le chirurgien nous extirpe les amygdales, les végétations ou l'appendice, Le Bourget nous opère de Paris. C'est une opération à froid et presque sans douleur. Je pose la Tour Eiffel comme un presse-papier sur mes lettres d'amour ou d'amitié, et je pars, sans trop me retourner.» (Claude Roy, « Pages d'un journal de Chine », Europe, Avril 1953, p. 49.) Petit clin d'œil à Clotilde avec qui je parlais de Claude Roy hier soir : cet extrait lu en marge de mes actuelles recherches avec le dévédé d'Europe — et pour la coïncidence avec la citation que je voulais faire, suite exacte de celle du 29 septembre... « Sans souci du rendu, un Airbus quitta la piste dans des panaches de gouttelettes tourbillonnantes, brouilla le paraphe de l'appareil atterri. Assis au côté de Frégossy, Pétapernal se léchait les dents. Bras ouverts sur un journal, comme tout un chacun en pareil cas, il lisait, tâchait, en donnait l'apparence mais, trop attaché à feindre, il ne comprenait rien ; les yeux déchiffraient les caractères mais l'esprit était ailleurs et, régulièrement, il se surprenait à compter les paragraphes ou à se gratter le menton du bord dentelé de la page. Son attention, irrémissiblement arrachée de la surface de l'imprimé, décollait avant les points : il pensait à autre chose, relisait la même phrase.» (Alain Sevestre, Les Tristes, p. 9) Je ne vais pas débiter tout le livre par moitié de page tous les quinze jours (ça durerait une quinzaine d'années...), mais ce paragraphe-ci spécialement parce qu'étant presqu'incipital, il m'a occasionné un bégaiement lectural jusqu'à ce qu'au sport, bien éveillé sur mon vélo à suer, je franchisse enfin le cap des quatre premières pages — avec délice. C'est que, cinq ou six soirs et d'épuisement assommé, ouvrant le livre tard dans un lit trop douillet, mes yeux se fermaient irrémissiblement, décollaient avant les points sans que je comprenne ce qui se passait avec ces avions dans lesquels les personnages ne sont pas. Par l'illusion dont j'étais victime, le texte mettait ma lecture en abyme : la description d'avion atterrissant, suivie d'une mention de personnages assis me faisait croire naïvement qu'ils étaient en avion, ce qui, dès la page suivante, se révélait impossible — et la fatigue m'empêchait de dépasser cette antinomie. Je me demande dans quelle mesure, tant il y a par ailleurs de doubles consonnes dans ces quelques phrases, cet effet de bégaiement n'était pas calculé par l'auteur... À défaut de bateau, le lecteur serait mené en avion... Échenoz, pour voir par chez lui de ces personnages à la Pétapernal, n'eut pas fait mieux. Requinqué par l'agitation des neurones et l'activité musculaire, je suis retourné au bureau travailler. Puis j'ai accompagné David à l'Alliance française où le nouveau directeur souhaitait nous rencontrer pour être informé du terrain où il vient de mettre les pieds. Saluer ici le grand mérite de cette démarche. Et souhaiter la réussite de ses projets, notamment en ce qui concerne les conférences de missionnaires français, souvent maintenus dans l'ignorance que nous sommes une étape respectable entre Tokyo et Kyoto. Qu'est-ce que le Protocole de Kyoto ? C'est — sans rapport avec ce qui précède — la question posée à mes étudiants ce matin. La semaine prochaine, ils doivent apporter une sélection d'informations et de documents dont nous discuterons ensemble (c'est un cours de conversation). Moi-même, je ne l'ai pas lu, j'en ai seulement entendu parler... Dans la logique de ce que j'écrivais hier, je m'impose de le lire — et je le mets au programme pour être sûr d'y être contraint. Commentaires1. Le jeudi 13 octobre 2005 à 11:05, par caroline : L'extrait de Claude Roy dès la première ligne
m'a fait penser à un film de Truffaut. Les aéroports y sont
ainsi : La Peau douce, la Mariée était en noir... 2. Le jeudi 13 octobre 2005 à 20:14, par Berlol : C'est une des qualités de Claude Roy, semble-t-il, que d'avoir su enfermer dans son écriture des particules de l'air de son temps. Je suis content que quelqu'un d'autre y soit sensible. Pour ce qui est des aéroports, je crois qu'il y a encore des gens qui y vont pour la promenade, non ? |
Jeudi 13 octobre 2005. Va
pour la truite. Un anniversaire, donc. Pour l'occasion, voici le message que j'ai adressé aux membres de Litor, et pourquoi je n'ai pas eu le temps de déjeuner... Je le reprends ici parce que le sujet dépasse le cercle des membres (500 personnes environ) et intéressera l'ensemble des amateurs et observateurs de notre petit monde littéréticulaire (de moins en moins petit, surtout si l'on considère que toute la francophonie est concernée... — ici, francophonie = ensemble des francophones dans le monde). Et puis, on peut toujours s'y inscrire pour venir en causer ! Chers membres de Litor, C'est entre le 7 et le 10 octobre 1999 que nous avons effectué les premiers essais de Litor, et reçu les premières inscriptions. Il y a donc six ans que la liste dont vous êtes membres — et censément acteurs — existe. Nous partîmes 50 dans les premiers jours et sommes actuellement plus de 500, d'une quinzaine de nationalités. Mais je ne sais pas précisément combien de personnes reçoivent réellement les messages car il y a toujours dix à quinze retours pour adresse obsolète ou pour boîte pleine. Ceci juste pour vous donner un ordre de grandeur de la communauté informelle que nous formons. Je remercie la grande majorité d'entre vous de la relative tranquillité que vous avez laissée à votre modérateur. Et je remercie plus encore la centaine de membres qui ont envoyé des messages cette année car sans eux, cette liste n'aurait plus aucune utilité ! Il y a toujours quelque chose de paradoxal ET de normal dans ce fait. C'est aux médiologues, philosophes et sociologues d'y réfléchir... Le peu de messages circulant sur Litor est pour certains une preuve de sa faiblesse, voire de son inutilité, tandis que pour d'autres c'est un critère de qualité et de sélectivité bien entendues par un ensemble connivent de personnes... Quoi qu'il en soit, nous pouvons constater que malgré les forums, les lettres de diffusions, les sites web, les blogs ou les fils RSS, une liste de discussion fonctionnant sur un mode basique a toujours sa raison d'être. J'appelle "mode basique", et je le rappelle à celles et ceux qui postent des messages en HTML avec enrichissements du texte et images, les messages en "texte brut" qui permettent la pleine lecture des contenus textuels à des personnes utilisant des logiciels variés et dans des environnements linguistiques divers. Pensez donc à envoyer vos messages en "texte brut" - et sans attachement. 2005 restera une année importante pour les amateurs de LITtérature et ORdinateur, celle des dix ans (peu ou prou) de pages web littéraires en français, celle du colloque de Cerisy proposé par Hubert de Phalèse (Paris 3) et que Michel Bernard et moi-même avons appelé "l'Internet Littéraire Francophone", celle d'une prise de conscience plus large qu'il existe une entité réticulaire et littéraire spécifiquement francophone et qu'elle doit se constituer officiellement, puis s'administrer, aux niveaux national et international, même si cela passe actuellement par une certaine cacophonie, un certain emportement, des effets d'annonce, des oppositions temporaires avec d'autres entités (comme Google), etc. Plus que jamais, Litor se propose d'être un lieu de discussion de toutes ces questions, disons, globales, autant que des demandes liées à des recherches spécifiques. N'hésitez donc pas à y participer : Litor, c'est vous ! J'en profite pour proposer l'idée d'une "rencontre litorienne", par exemple à l'occasion du Salon du livre de Paris, en mars 2006, où l'invité sera d'ailleurs la Francophonie. Faire quelques communications ? Juste boire un pot ? A Paris 3 - Censier ou au Salon Porte de Versailles ? Veuillez nous faire part de vos remarques et propositions... Bon anniversaire à toutes les litoriennes et à tous les litoriens ! (et surtout aux 114 membres de 1999 qui sont toujours présents). Cordialement. Et puis je repars en cours... Au séminaire de cinéma, discussion serrée sur les relations entre histoire(s) individuelle(s) et Histoire. Il n'était pas clair pour mes étudiantes, peut-être n'y avaient-elles jamais réfléchi, que les grands acteurs de l'Histoire sont aussi des hommes et des femmes ayant une éducation comme ci et pas comme ça, des qualités, des défauts, exerçant ou subissant peut-être une tyrannie domestique, ou sous l'empire d'un vice honteux alors qu'ils ou elles dirigent un état, etc. Rappeneau et Modiano, dans Bon Voyage, arrivent bien à rendre cette intrication, surtout avec le personnage de ministre joué par Depardieu. Cela nous amène tout naturellement à rechercher dans l'internet des informations sur le gouvernement à Bordeaux, brièvement, en juin 1940, avant l'installation à Vichy. Et de constater qu'il y a peu de livres et de films qui mettent en scène ces quelques jours durant lesquels, de Tours à Rethondes, le gouvernement a progressivement renoncé à l'honneur de la France — Paul Reynaud tout de même démissionnaire, cédant la place au maréchal de triste mémoire. « Mandex prit place, salua, feuilleta Élever des truites soi-même, décida d'en manger. — Elle est du jour ? — Non, de la nuit, fit le serveur, taquin mais sec, déjà un peu à cran. Oh lala ! Pourquoi le monde ne se parle-t-il pas bien ? Il faudrait un monde sans ironie, sans blagues. Un monde sérieux et des jeux de mots uniquement au premier degré. On ne partagerait que des joies primaires et tout le monde paierait ses dettes. — Va pour la truite.» (Alain Sevestre, Les Tristes, p. 41.) Commentaires1. Le samedi 15 octobre 2005 à 02:24, par François Delpla : Bonjour ! 2. Le samedi 15 octobre 2005 à 04:14, par Berlol : J'entends bien ce que vous dites et j'apprécie beaucoup votre travail. À propos de ce film et si vous l'avez vu, pouvez-vous dire si ce qu'il montre de l'histoire politique est juste ? (en mettant de côté le ministre Beaufort que joue Depardieu...) 3. Le samedi 15 octobre 2005 à 04:28, par François Delpla : non, pas vu ! |
Vendredi 14 octobre 2005.
On les voyait dans le camion. Surtout, je ne vais pas à Niigata... Lecture de Lol au balcon, soleil, beaucoup d'idées (trop pour une séance de deux heures...). Monté au bureau et déjeuné avec David au Downey, ça faisait près d'un mois, ça nous manquait. Carrément chaleur dans les rues. En shinkansen, pas distrait par jolie créature à côté, à fond dans le dévédé d'Europe... Revue qui a joué au chat et à la souris avec le Nouveau Roman, ne savaient pas quoi en penser, le jouaient pour d'autres enjeux (marxistes surtout : littérature doit être utile, et tout ça...). À l'Institut, retrouvé Laurent, François et Petite Étoile pour assister à une projection du film de Duras : Le Camion. Pas vu depuis... peut-être bien 20 ans ! Bonne surprise à la revoyure (et puis les Variations Diabelli, ça ne fait jamais de mal). Dans mon souvenir, on les voyait dans le camion... comme quoi, hein, les souvenirs... À côté de ça, j'emprunte deux films de Mocky : Un drôle de paroissien et La grande lessive. Je vais bien trouver un moment... Style télégraphique parce que préparation du cours sur Duras demain matin (p. 14-22). Le bal reconstitué, avec des données de Tatiana (mais Tatiana est-elle fiable ?) et les inventions du narrateur (qui donne des gages de sérieux, méthodique, mais ce ne sont que des gages...). En tout cas, ça dégage ! C'est de l'explication de texte qui se calibre au niveau du sème et du son — en gardant un œil sur les écarts métaphoriques (trous de Duras dans la langue de Hold). Commentaires1. Le vendredi 14 octobre 2005 à 14:46, par alain : d un clavier hongrois ou je ne trouve pas les accents, j envoie
ces lignes. de cocktails protocolaires en discours, il s agissait de temoigner
de la francophonie en hongrie. invite. en fait, je suis accompagne de poetes
venus de belgique, de suisse, de la reunion. ou plutot, j accompagne des
poetes. les ceremonies et rencontres et lectures ont lieu a pécs, une
ville a 200 km au sud de budapest. tout ne se passe pas comme les poetes le
veulent mais les hongrois ont une telle gentillesse et les lecteurs francais
d ici tous maries avec des hongroises et vivant de je ne sais quoi sont si
courtois que tout le monde s accorde sur la francophonie. 2. Le samedi 15 octobre 2005 à 01:04, par Berlol : La Hongrie ! comme c'est exotique ! |
Samedi 15 octobre 2005. Choses
bizarres comme de l'amour. [RLVS-3] Qu'est-ce qu'on peut bien dire sur ce premier chapitre du Ravissement de Lol V. Stein qui n'ait pas déjà été publié ? Difficile... Il y a quelques années, j'avais lu beaucoup de choses à ce sujet. J'ai toujours les livres et les photocopies d'articles quelque part. Mais je ne les ai pas relus, cette fois. Parce que la lecture d'un texte, c'est avant tout le texte et soi, le plus immédiatement possible. Évidemment, si l'on passe l'agrégation, il vaut mieux faire tout le contraire : lire les critiques recommandées en priorité sur l'ouvrage lui-même — c'est ce qu'on dit... La nuit du bal durant laquelle Lol est plantée par son fiancé, telle qu'elle nous est proposée, est un montage avoué du narrateur, effectué à partir du témoignage de Tatiana, sa maîtresse (témoignage qu'il n'hésite pas à mettre en doute), d'autres témoignages, peut-être, dont il tait les sources et sa propre invention (fortement conditionnée par les sentiments qu'il éprouve pour Lola). Autant dire rien de fiable. Pourtant, on n'a que ça ! Alors, plus qu'à la vérité de cette scène, c'est aux failles et aux jointures du montage que le lecteur doit prêter l'œil et l'oreille. Ce que dit Tatiana de Lola, qui n'est pas « là » (p.12 & 13), donc de Lol sans l'a, c'est qu'elle est, elle aussi, enfermée dans son nom de pierre : absence à soi-même, cœur manquant ou pas fini, depuis toujours, et donc pour toujours. Tatiana y tient, c'est sa thèse, son credo, sa doxa, elle n'en démord pas. Tandis qu'elle, Tatiana Karl, avec ses quatre a, est garantie pure chair désirable. Le système tient comme ça, sur des certitudes — la doxa, c'est ça ! D'où le recours à l'onomastique. C'est un système de conventions bourgeoises, avec ses fiançailles, ses mariages, ses tromperies. Si Lol n'était pas folle — tiens ! comme « Lol » et « folle » se ressemblent, tout d'un coup... — et ne l'avait d'ailleurs pas toujours été (pas étonnant que ça soit tombée sur elle, la nuit du bal), ce serait un danger pour le système, pour sa cohérence d'ensemble, faite d'astreintes mutuelles. Même si Lol pouvait changer et par exemple ne plus être folle, ce serait un danger pour la situation de Tatiana (p. 84). Cela voudrait dire qu'il y a des gens qui changent, qui ont une seconde chance dans la vie, voire une seconde vie ; et ça, ce serait peut-être la seconde fois que Tatiana serait jalouse de Lol (parce que Tatiana, entre son mari et ses amants, elle souffre de ne pas être follement aimée). Parce qu'à l'annonce des fiançailles de Lol, lorsque Tatiana « fut témoin de la folle passion » (p. 13) de Lol pour Michael, elle en avait été « ébranlée », ce qui n'est pas un mot faible. Le narrateur dit ensuite qu'il ne croit « plus à rien de ce que dit Tatiana » (p. 14). On ne sait pas pourquoi. Mais on remarque le « plus » qui souligne qu'il y a cru, avant ; qu'il y a eu un moment où il croyait lui aussi à la thèse de Tatiana. Il faudra bien que quelque chose soit arrivé pour qu'il cesse d'y croire et qu'il aille tout seul dans une autre direction de penser Lol, après que Lol se sera dépensée pour lui mettre le grappin dessus — peut-être dans la direction de panser Lola... Mais ça, on ne le sait pas encore. Vraiment, on ne le sait pas ? N'est-ce pas dans la même page qu'il écrit des choses bizarres comme de l'amour : « mon histoire de Lol », « l'écrasante actualité de cette femme dans ma vie », « venir à ma rencontre ». Il n'y a pas de mots gratuits, chez Duras. S'il y a de l'euphémie, c'est parce que les grands mots sont des pièges et que, voulant écrire sérieusement, il vaut mieux réduire le sentimental au factuel. Si l'on veut en avoir le cœur net, voir tout de suite aux pages 103, 105, puis 112-113. D'ailleurs, ce n'est pas tricher ! Parce que c'est en étant là avec Lol à partir de la page 75 que Jacques Hold peut écrire tout ce qu'il y a avant la page 75, éviter les sirènes de Tatiana — et sortir de « l'inanité partagée par tous les hommes de S. Tahla [...] » (p. 112). [/RLVS-3] Ça occupe, ça ravit mon temps... Mais ça ne m'empêchera pas d'aller à mon poulet-frites du Saint-Martin. Avec T. qui prend une omelette (à nous deux, on tient l'œuf et la poule). Soleil, encore, quand je vais à la teinturerie. Puis quand je vais chez le coiffeur (enfin !) qui me règle mon compte en moins de trente minutes. Voilà un peu de temps pour un Mocky : La grande lessive (!), de 1968. Dénonciation loufoque du PAF narcotique, déjà. Avec sulfateuses-annihileuses d'ondes hertziennes. Pas de quoi s'ennuyer. Ni crier au génie, non plus. Rendez-vous façon barbouzes. Kinokuniya de Yoyogi, 18h, rayon des livres français. Daniella vous remettra un paquet pour lundi. Puis chacun repartira de son côté. J'en profite pour acheter du pain et deux trois bricoles au Seijo Ishii de Shinjuku (jambon, cheddar, aspic, crème de sésame). Il est bien beau, ce soir, ce quartier de Shinjuku sous le crachin, avec tous ces néons, ses trottoirs luisants, cette tiédeur de l'air, encore. Dommage que je n'ai pas mon appareil-photo sur moi. Commentaires1. Le samedi 15 octobre 2005 à 10:30, par alain : alors, je m échappe de lectures. les poetes lisent
á l universite mais il faut que je dorme. tous ces gens rencontrés,
ces lecteurs, ces étudiants, tous d une gentillesse. et les suisses
et les belges disent que la france va mal, qu elle ne voit pas, qu elle méprise
les auteurs francophones, qu elle a perdu toute autorité... mais je
rentre, allume la télé, tv5, qqs infos, lis fuir que j ai apporté
dans les bagages et dors. 2. Le dimanche 16 octobre 2005 à 07:29, par Bikun : Pendant que tu faisais tes courses, moi je faisais du pain! |
Dimanche 16 octobre 2005.
Quarante secondes ! Comme l'an dernier, le 16 octobre, je suis en phase avec l'actu de l'Institut. On projette des films de Marguerite Duras, on invite Dominique Auvray qui a été la monteuse de plusieur de ses films, et c'est très bien. Félicitations ! Mais dans les bureaux du culturel de l'Institut, a-t-on remarqué qu'il y avait, dans le même bâtiment et pendant tout le trimestre, un cours consacré à Duras ? Non, les bureaux du culturel de l'Institut sont très très loin des bureaux du pédagogique. Les programmes des cours ne leur arrivent jamais et ils ne prennent jamais le temps d'aller en chercher un pour voir si par hasard... Inversement, je me demande si les bureaux du pédagogique sont au courant de ce que concoctent les bureaux du culturel, car la distance est la même, approximativement. Et puis qu'est-ce qu'on en ferait, du prof et de ses étudiants en phase avec l'actu ? Ce matin, j'ai vu Baxter, Vera Baxter (1977). À recommander aux amateurs de Lol V. Stein — ainsi qu'aux amateurs de flute indienne... ; on y baigne dans un climat durassien, on voit comment des femmes conversent ensemble (Delphine Seyrig et Claudine Gabay) à propos de l'impossibilité de l'amour et de l'inévitable trivialité de l'argent, par exemple. Le fait que Duras montre souvent des gens de milieux aisés ne signifie pas qu'elle les aime, comme il arrive que certains spectateurs ou lecteurs le croient. Ce serait plutôt le contraire... « J'ai eu cette chance, d'être reléguée au rang des indigènes. C'est pour ça que j'ai écrit, je pense, aussi. J'ai pu soulever tout ce que ça recouvrait. C'est une très grande force, chez un enfant, cette liberté que donne la pauvreté, je peux dire la misère à certains moments.» (dans Marguerite, telle qu'en elle-même, documentaire de Dominique Auvray, 2002.) Quarante secondes ! C'est le temps — très long — qu'a duré le tremblement de terre de cet après-midi dans la région de Tokyo. Frayeur bien normale de Dominique Auvray, puisque c'était le premier séisme qu'elle ressentait — sur scène, avec une traductrice, pour répondre aux questions de la salle. Pas de panique. Deux mètres au-dessus de moi, un projecteur de 7 ou 8 kilos... qui n'a pas bougé. Ouf ! Les courageux, salle comble, ont ensuite assisté à la projection de Liberté, la nuit de Philippe Garrel (1983). Émotion forte, voir ensemble Maurice Garrel, Emmanuelle Riva et Christine Boisson, dans le contexte de la fin de la guerre d'Algérie, un noir et blanc d'élimination d'opposants qui coupe le souffle. Commentaires1. Le dimanche 16 octobre 2005 à 18:02, par Manu : Moi j'ai bien remarqué que ton cours est en phase avec le programme culturel (que je reçois par courrier électronique), mais je croyais que c'était volontaire (non pas de ta part, mais de celle de la (des) direction(s) de l'établissement). 2. Le dimanche 16 octobre 2005 à 18:26, par Berlol : Tu as la vision synthétique de quelqu'un de l'extérieur, et qui a l'habitude de faire des liens entre les choses. Ce n'est pas le cas de tout le monde. Beaucoup conduisent "la tête dans le guidon"... 3. Le lundi 17 octobre 2005 à 05:31, par Bikun : Manu il fonctionne en hypertexte en interne! Il a des liens dans sa tete directement que si on avait une souris on pourrait cliquer!! |
Lundi 17 octobre 2005. La
discussion comme jamais cet appartement. Gris clair en matinée pendant que je lis
lumineux pour un déjeuner de retrouvailles ses reflets durcissent l'après-midi encore à gué finissent grisaille noyée chute continue dans l'oreille. Se retrouver, DG et moi, c'est essayer dans un désordre concis et alternatif de savoir ce qui s'est passé depuis sept ans. Tentative avec du sourire et sans hypocrisie. Après ses années à Hong-Kong, le retour à Tokyo ne semble pas trop difficile. Connaître le Saint-Martin sera je l'espère un atout de plus, d'autant qu'on y sert aujourd'hui pour la première fois du confit de porc à l'orange — juste équilibre entre l'épaisseur salée de la viande et le velouté acidulé de la sauce à l'orange. DG a retrouvé quelques cours à donner, des amis avec qui sortir, un rythme. De mon côté, j'explique mes semaines binaires, le cours à l'Institut, le GRAAL. D'autres choses, bien sûr, comme les activités de T. ou le journal à écrire et mettre en ligne chaque soir, de son côté le conjoint et l'enfant, la préparation d'un master de FLE. C'est rare, la bonne entente, et la retrouver, c'est précieux. Séance spéciale du GRAAL, qui nécessite un peu de préparation, de mise en scène... Comme notre salle de réunion de la Maison franco-japonaise est exceptionnellement prise, nous nous réunissons dans l'appartement au-dessus de chez nous, où logeait le père de T., qui nous a quittés en mai — reste l'urne et la maison des ancêtres (お仏壇). Pour l'occasion, Daniella m'a proposé d'ouvrir un bloc de foie gras qu'elle n'arriverait pas à consommer seule, et de l'accompagner d'un sauternes. Cela ne se refuse pas ! — et m'avait déterminé samedi à ce passage de colis en pleine librairie à Shinjuku. Depuis, j'y ai adjoint quelques autres bricoles... Rendez-vous dans le hall de l'Institut (je recroise DG qui y descend aussi... normal, son logis est à deux rues du nôtre ! Ah, Kagurazaka, la colline des Français !...) pour ramener mes graalistes à la maison. Malgré la pluie, ils sont tous à l'heure. Arrivés à la maison, accrochés les parapluies, chacun se recueille spontanément devant le portrait et l'urne de l'honnête vieillard — et va que tinte la cloche ! Puis ils l'oublient — tant mieux — et se plongent dans la discussion comme jamais cet appartement n'en a résonné. Pour contextualiser un peu mieux Assia Djebar et son recueil de nouvelles, j'ai fait appel à deux ressources électroniques, aboutissements d'étonnantes entreprises humaines, de celles qui redonnent de l'espoir quand les guerres passées et à venir nous en privent : d'une part le dévédé d'Europe dont j'ai imprimé et photocopié deux articles d'un numéro de juillet-août 1976 dont il a déjà été question, d'autre part le fabuleux travail de Jean-Claude Bourdais autour du tableau de Delacroix qui intitule le recueil d'Assia Djebar : Femmes d'Alger dans leur appartement. Je montre plusieurs pages du journal de JCB en expliquant sa démarche, résumant ses explications, ses propositions. Il peut être fier de lui — et satisfait de notre bon escient. Guerre à venir. Koizumi joue avec le feu, de façon de plus en plus ostentatoire. Hélicoptères ce matin, entendus malgré la grisaille, doute... Oui, c'est bien Koizumi, à moins de deux kilomètres, en visite officielle au temple de la guerre, Yasukuni, là où des criminels de guerre sont honorés en même temps que des victimes. Réactions instantanées de la Chine et de la Corée. Depuis sa victoire aux élections, Koizumi ne se sent plus, dictateur de jour en jour. Pire à craindre. Tard, nous resteront à goûter, T. et moi, les délicieux sarments citron et orange au chocolat que Fumie nous a offerts. Merci ! Commentaires1. Le lundi 17 octobre 2005 à 10:40, par alain : Le titre, d'abord, "la discussion...", qui convoque Duras
sur la rupture de construction. De toute façon, je peux bien écrire
avec du vin. Toujours obligé de se justifier ici. Il faudrait des tirets.
Des mises à niveau. Le "bon escient" tordu ici à bon escient.
D'où ça vient, escient ? 2. Le lundi 17 octobre 2005 à 19:02, par Bartlebooth : J'espère que ce n'est pas l'auteur de Bang ! qui a échappé à la senestre. 3. Le mardi 18 octobre 2005 à 06:22, par Berlol : C'est quoi, ça, l'auteur de Bang !? 4. Le mardi 18 octobre 2005 à 07:52, par alain : moi aussi. 5. Le mardi 18 octobre 2005 à 08:57, par Bartlebooth : extraits : www.kuleuven.ac.be/vlr/99... 6. Le mardi 18 octobre 2005 à 09:05, par Berlol : Bon bah c'est pour toi, Alain. Moi, je vais me coucher... 7. Le mardi 18 octobre 2005 à 10:25, par alain : Oh lala ! Je ne sais qui est sous Bartlebooth, mais comment
dire ? quelle joie de retrouver ce qui a fait ma surprise, mon intérêt,
ma découverte (je ne connais pas grand chose) durant ce séjour
en Hongrie dans les conversations que nous avions, Vincent et moi, et Vincent
qui me faisait découvrir des façons, des lectures, des expériences
poétiques, et voilà trois liens magnifiques. 8. Le mardi 18 octobre 2005 à 19:40, par vinteix : Christian Prigent, non ? 9. Le mardi 18 octobre 2005 à 19:53, par alain : oui, Christian Prigent. 10. Le mercredi 19 octobre 2005 à 06:37, par Bartlebooth : Ah ! content que Vincent Tholomé vous ait laissé
un si bon souvenir. 11. Le mercredi 19 octobre 2005 à 07:49, par alain : Oui, Tarkos, Vincent m'en a parlé longtemps avec admiration,
non pas admiration, intérêt, passion, ... 12. Le mercredi 19 octobre 2005 à 08:57, par Bartlebooth : Oui, et ailleurs, dans l'informulé surtout. |
Mardi 18 octobre 2005. Elle
met le littéraire. Maintenant que j'ai à peu près fini de prendre des notes sur Le Ravissement de Lol V. Stein, je me mets à lire les commentaires des autres. J'ai commencé ce matin le livre de Madeleine Borgomano dans la collection folio (foliothèque 60 ; 1997), dans le shinkansen, après correction de deux paquets de copies. Comme la seconde note de la première page renvoie aux annexes, j'ai d'abord lu toutes les annexes, dans lesquelles j'ai retrouvé des propos sensés, quelques beaux délires aussi. Semble que dans la mouvance psychanalytique et dans les études féminines on n'y soit pas allé avec le dos de la cuiller ! Je tire mon chapeau à Madeleine Borgomano (déjà pour la cinquantaine de pages que je viens de finir ce soir et qui correspondent bien à mon cours — ça me rassure — mais surtout) pour avoir sobrement dénoncé la lecture fautive de Julia Kristeva. « Pour certaines critiques cette "folie" [de Lol] ne fait pas de doute. Julia Kristeva la nomme "dépression et mélancolie" et la juge dangereuse car susceptible de "contaminer" le lecteur. [...] Mais cette interprétation très négative correspond, en fait, à une lecture très générale et superficielle des romans et ne prend pas en compte les structures de l'énonciation, qui font basculer le sens.» (M. Borgomano, M.B. commente le « Ravissement de Lol V. Stein », Gallimard, foliothèque 60, 1997, p. 185-186) C'est fin, comme pique, surtout quand on sait que la spécialité de Kristeva, dans son époque terroriste, c'était précisément les structures de l'énonciation ! J'ajouterai, sans entraîner MB dans mon sillage, que voilà une bonne vingtaine d'années que j'essaie de lire des ouvrages théoriques de Kristeva (Polylogue, Recherches pour une sémanalyse, La Révolution du langage poétique, etc.) — de temps en temps — et que ce que j'appellerai leur enflure verbale, leur ridicule prétention à la scientificité me les font tomber des mains chaque fois. Combien sommes-nous devant cette baudruche sans oser la dégonfler, de peur des miasmes du scandale de lèse-majesté et de l'opprobre qui s'abattrait sur le perceur ? Récemment, ça semblait plus accessible, tendance portraits de dames, mais dans ma préparation d'un cours sur Sido, il y a deux ans, son livre ne m'avait finalement que très peu aidé... Au fond, il y a toujours qu'elle met le littéraire au service de quelque chose. Et ça, au fond de moi, je ne l'accepte pas. Séance de ping-pong avec David, après les cours. Notre défoulement est quelque peu tempéré par la présence inhabituelle de deux de nos étudiantes, devant lesquelles nous devons quand même nous tenir... Un constat s'impose tout de même, David fait sans y réfléchir des gestes pongistiques parfois surprenants de vitesse et de précision. Quand il y réfléchit aussi. Mais ça, c'est plutôt normal. Dîner en franche rigolade avec le second Mocky emprunté à la médiathèque de l'Institut. Moins loufoque que La grande Lessive, en noir et blanc à l'exception d'une scène onirique en couleur, Un Drôle de paroissien (1963) a paraît-il été un succès international. Du fait de la présence de Bourvil, évidemment, mais aussi par la maîtrise de l'intrigue, inspirée d'un roman autobiographique alors célèbre (Deo Gratias, de Michel Servin, 1963). Dans un supplément, le réalisateur révèle comment — alors que le film divulgue les techniques de pillage des troncs ! — il a obtenu l'autorisation de tourner dans 25 églises de Paris alors que l'archevêché pratiquait plutôt le refus systématique.... Savoureux ! Commentaires1. Le mardi 18 octobre 2005 à 19:50, par vinteix : Ah ! La Julia ! Insupportable, en effet... Archetype du mandarin dont le discours enfle deborde d'ergoteries, arguties, jactances, epoustouflettes et autres turlutaines... je me souviens notamment des betises qu'elle a pu ecrire sur Bataille... 2. Le mercredi 19 octobre 2005 à 16:49, par Marie.Pool : Julia KRISTEVA écrit avec son expérience de
psychanalyste et d'enseignante. Aucun lecteur ne peut prétendre qu'il
ne se sert pas de son filtre culturel et professionnel pour aborder la littérature.
3. Le mercredi 19 octobre 2005 à 19:00, par Berlol : Chère Marie-Pool, veuillez relire le JLR des 8, 9 et
15 octobre, ainsi que le livre de M. Borgomano cité, et Kristeva. Je
pense que vous comprendrez que l'on ne parle pas de la même chose. Vous
voulez défendre 1. la liberté de point de vue de JK (avec expérience
et culture), 2. l'approche psychanalytique du littéraire. Je les défends
aussi. Là n'est pas le problème. Le problème est que
Kristeva, comme quelques autres personnes, ont considéré Lol
V. Stein comme une folle, une hystérique ou je ne sais quoi, sans s'occuper
véritablement et intégralement de ce qu'elle est, dit, fait,
en détail, dans l'ensemble du roman de Duras — et seulement dans ce
cadre. Ne considérer que la scène du bal pour en faire une
cinglée à jamais pathologique est une grave erreur. En faire
un archétype ayant une existence et une réalité en
dehors de l'œuvre est aussi une erreur. Madeleine Borgomano, par exemple,
ne fait pas du tout ces erreurs, comme beaucoup de lecteurs, heureusement,
quand même, et nous propose, bien pédagogisée, une belle
et intelligente lecture. 4. Le mercredi 19 octobre 2005 à 20:53, par vinteix : D'accord avec Berlol, même si je connais mal Duras.
Moi aussi, ce n'est pas l'approche psychanalytique de la littérature
que je visais en parlant plaisamment de "la Julia", même si elle est
parfois très réductrice et a trop souvent tendance à
ramener la lecture à une grille de concepts étroite, un système...
(cf. à ce sujet les critiques formulées par G.Deleuze). Quant
à Kristeva en particulier, comme Berlol, je n'ai jamais pu finir un
de ses livres, à cause de cela... et je citais ce qu'elle a écrit
sur G.Bataille comme exemple... mais à vrai dire, j'ai largement oublié
ces bêtises (la mémoire et l'oubli ,"le divin oubli", ont de
ces sélections bénéfiques...) 5. Le jeudi 20 octobre 2005 à 03:27, par Bartlebooth : Je pense que Mary Pool, dans une récupération toute kristévienne, en prenant la défense de Kristeva voulait surtout militer pour le MLF psychanalytique et la tour abolie. 6. Le jeudi 20 octobre 2005 à 06:05, par Marie.Pool : Il y a toujours autour de la folie un parti-pris qui sème
le clivage entre ceux qui la diagnostiquent ( la stigmatisant de façon
institutionnelle) et ceux qui ne voient que l'aspect singulier de dégagement
du conflit que représente le passage à vide ,le délire
et son amnésie . Il est très difficile de raccorder ces deux
visions pourtant vraies et complémentaires. Jacques HOLD ( celui qui
porte ?) est peut-être celui qui soutient la partie saine,il est le
narrateur (ou DURAS elle-même ?) qui se laisse peu à peu envahir
par l'image très attirante de cette femme dont la blessure est voilée
par la dérision sombrement matérielle de la vie. Son histoire
de femme est à la fois banale et exceptionnelle. On assiste aussi à
un emboîtement successif des personnalités qui fait vaciller
l'identité de chacun. Ce qui me plaît dans ce livre c'est son
montage presque onirique à partir de détails très concrets.
Le retour dans la salle du bal est à cet égard significatif.
Tout est là, rien n'est là, sauf les êtres qui sont désormais
les témoins actifs de cette triste histoire. "Le Désir sans
remède" trouve là toute sa force tragique. "L'Amant" traite
le thème encore autrement, avec moins de fioritures et de luxe apparent.
Pourra-t-on plaindre une telle femme qui a rempli son vide avec ce qu'elle
pouvait et s'est enfuie d'elle même le temps d'un bal. Il n'est pas
infâmant de dire que
a perdu la raison. Elle avait de quoi et en cela elle est très proche
de sa conceptrice qui avait un sens très aigu de ce genre de péril
pour l'avoir intimement vécu. A la fin de sa vie elle en parlait de
mieux en mieux. 7. Le jeudi 20 octobre 2005 à 06:31, par cel : faut-il vraiment défendre l'approche psychanalytique
du littéraire ? j'ai rencontré dernièrement au hasard
de plusieurs lectures des interventions autour de ce type d'approche (par
rapport à une période précise, années 50-60, où
il m'a semblé qu'on s'emballait, mais je n'ai aucune connaissance sérieuse
de l'histoire de l'analyse littéraire) et j'en étais presque
à me dire que cette approche ne faisait gagner qu'à la psychanalyse,
restant d'un apport relativement faible pour l'analyse littéraire.
Je veux dire que ceux qui exploitaient cette veine faisaient sans doute avancer
la psychanalyse en temps que recherche et domaine à construire, en
tâtant d'un terrain neuf, celui du littéraire, en le faisant
terrain d'expérimentations : la psychanalyse s'en prenant au texte
mettant la psychanalyse en avant, la construisant, la validant en lui essayant
un nouveau terrain, de nouvelles godasses, on voit si ça rentre et
si c'est le cas on applaudit la méthode, enfin une qui s'applique à
tout, tout-terrain. Et le texte on a pu le laisser derrière, appui
ou tremplin, prétexte à faire briller la démarche d'approche.
On n'en est peut-être plus là, je ne sais pas ça dépend..."énonciation
est une hypothèse ", mais l'approche du texte d'un seul point de vue,
même si l'auteur sait bien d'où il cause (mais encore le précise-t-il
? (t-elle ?)) me parait bien casse gueule pour être défendue... 8. Le jeudi 20 octobre 2005 à 12:27, par Bartlebooth : "doit être nuancé tout jugement sur des auteurs
importants." : faut arrêter de dire n'importe quoi, Kristeva un auteur
important ?! déjà, "auteur" c'est exagéré, encore
plus si on va voir à quelle nullité romanesque elle s'est risquée
dans le thriller, y a de quoi rire ! quant à son point de vue, il n'a
pour moi rien de "respectable" quand il se sert, pour la cause maoiste ou
féminine, de l'oeuvre d'auteurs vraiment importants (parlant des références
constantes de Kristeva à Lautréamont, Mallarmé, Joyce,
Artaud, dans "Artaud : un bilan critique" Alain & Odette Virmaux disent
: "Cette continuité de la référence fit qu'elle se
trouva très naturellement utilisée par Kristeva, puis par d'autres,
dans le combat pour la cause des femmes. Pourquoi non, bien entendu ? Pointait
seulement un nouveau stéréotype : après Artaud au service
de la Chine, c'était Artaud au service du MLF.") 9. Le jeudi 20 octobre 2005 à 12:32, par cel : menstrues ?! dis, tu pourrais pas parler plus "simplement" ? 10. Le jeudi 20 octobre 2005 à 13:19, par Marie.Pool : Toujours le même ton méprisant et ce refus hargneux d'entendre quoi que ce soit ... Comment voulez-vous répondre à çà ? Cela est sans issue.Berlol, essayer de discuter sur votre blog ne rime à rien dans un tel contexte. Les mêmes phénomènes se reproduisent et c'est vraiment lassant. Dommage. Heureusement, il n'y a pas que des rencontres ratées : Je suis allée à une lecture d'Antoine EMAZ ce soir et il a lu de nombreuses pages de son recueil OS. La voix est très belle et l'homme extrêmement sympathique. Un grand moment ! |
Mercredi 19 octobre 2005.
Sourds après vingt minutes. Comme il est indécent devant un parterre de jeunes filles bien habillées bien maquillées d'évoquer les sans domiciles de leurs villes les bâches bleues des déclassés... d'insister... Et comme elles s'en foutent ! Ai passé un bon moment à lire des commentaires de toutes sortes sur Finkielkraut après pomadage d'Assouline. C'est plus instructif que dix chroniques de presse — et bien plus cathartique. J'avais essayé d'écouter hier son soi-disant débat de samedi dernier mais ça n'avait pas été possible, c'était trop pénible, j'avais arrêté le dialogue de sourds après vingt minutes. Je crois qu'il devrait arrêter la radio, les cours de philo et partir sur une île avec Houellebecq. Ça nous ferait des vacances. Sport en fin de journée avec la chronique suée littéraire, avant les fontes et le bain. « Paul fulminait qu'un rhume l'abatte. Les restes d'un décalage horaire achevèrent de l'éveiller. Il s'habilla, sortit. La pluie avait cessé. On voyait la lune. Il fit escale dans un bar rue de l'Université. Des Danois descendaient des bocks. L'un d'eux, au vin, lisait à la cantonade ce qu'on écrivait des nuits parisiennes dans le guide qui les avait menés ici. Paul le lui emprunta une minute, releva un ou deux noms de lieux souterrains marqués de deux ou trois tours Eiffel selon l'intérêt, dans lesquels on le retrouva perdu un bout de coude au comptoir. La piste de danse, pleine, remuait par paquets. Il se moucha avec dépit, s'y agrégea.» (Alain Sevestre, Les Tristes, p. 51) Me plaisent ces torsions narratives, ces tournures elliptiques, ces aplats parataxiques qu'hachent des allitérations, ces vers blancs jetés en travers. Chapeau du soir ! |
Jeudi 20 octobre 2005. La
bouche du jeune stagiaire. « C'est bien. T'as mieux à faire. Tu vas pas moisir ici. Ta place, elle est pas dans ce trou. — Et toi, quand est-ce que tu pars ? Elle est où, ta place ? » Ces paroles qui constituent le dernier échange de Ressources humaines, de Laurent Cantet (1999), remuent encore une fois le non-dit qui sert d'épine dorsale au film : l'inaltérable différence de classe. Le mot de la fin, ta place, prend un sens ontologique et transcendantal dans la bouche du jeune stagiaire de direction qui a compris après d'amères expériences sur quelle hypocrisie repose l'entreprise. Il pose la question à un ouvrier avec lequel il a sympathisé et qui considérait ta place dans son sens professionnel, la place de la réussite, qu'il lui souhaite sincèrement, alors que lui, l'ouvrier, sait que lui-même n'a pas d'autre place possible — c'est pragmatique, sinon c'est le chômage, et finalement, c'est tout autant existentiel : l'ouvrier n'a pas d'autre place que celle forcément inférieure que lui destine le patron, s'il le veut bien. C'est ça, que l'autre a compris, et pour ça qu'il ne la souhaite plus tant, sa réussite... La force du film tient d'abord à un début presque documentaire (univers ouvrier peu enviable, longs plans sur l'usine et les machines, volumineux bruit des presses et absence totale de musique), avec un jeune stagiaire presque désagréable avant qu'il ne commence son périple. Le plus étonnant pour moi, puisque ce dévédé m'a été incidemment prêté par un collègue ce midi, c'est que ce film ressemble étrangement à celui que je regardais hier soir, à trente ans de distance : Camarades de Marin Karmitz (1970), dans lequel un jeune homme refuse d'abord de s'abaisser à travailler dans un chantier naval (bruit, danger, monotonie, enfermement, etc.) pour finir dans une usine parisienne tout aussi insupportable, jusqu'au moment de la révolte, qui n'est hélas pas la lutte finale. Voilà bien la preuve que mon journal n'est pas, jusqu'au dernier moment, ce que je crois qu'il va être. Je me voyais parler de la publication de La Littérature française au présent (dont j'espère bien recevoir un exemplaire), et de ma contribution à l'annonce de François Bon en exhumant une conférence de Dominique Viart de décembre 2003. Je m'imaginais glosant sur les commentaires post-kristéviens de mardi — et sur l'impossible entente entre certains commentateurs, à la fois persévérants à me lire (merci !) et prêts à défendre leurs opinions divergentes sans s'affaisser dans le consensus mou (bravo !) — ce serait un échec, le consensus mou, la possibilité de convaincre les autres et de leur faire suivre ma ligne, la soumission presque. J'avais même l'intention d'aborder la question du foulard. Celui que j'ai mis ce matin à mon cou parce qu'un seuil de fond de l'air était franchi. Et bien utile ce soir pour revenir. Mais après trois cours et une réunion, je n'ai plus les moyens de faire tout cela. Pour nous aussi l'abrutissement du travail n'a qu'un seul remède : le repos. Maintenant, c'est au lit qu'est ma place. Commentaires1. Le jeudi 20 octobre 2005 à 12:37, par Bartlebooth : "divergentes sans s'affaisser dans le consensus mou", ça sonne triplement abject, j'en parlerai à pyschanalyste ! 2. Le jeudi 20 octobre 2005 à 20:30, par vinteix : J'ai bien aimé "le livre rouge de la révolution
et des menstrues"... 3. Le jeudi 20 octobre 2005 à 21:35, par Berlol : Et le pire, c'est qu'ils en sont fiers, de s'être mis le doigt dans l'œil jusqu'au coude ! Pas un gramme d'autocritique ou de regret. Certains y / en sont revenus, quand même, il faut leur rendre hommage, et parfois dans des œuvres intéressantes et touchantes : Romain Goupil, Olivier Rolin... |
Vendredi 21 octobre 2005.
Perçages de diégèse. Un de ces jours ensoleillés où les nouvelles se bousculent. Je ne dis pas lesquelles. Et puis les petites tâches mises de côté, à la maison comme au bureau. Lecture d'une dizaine de pages d'Alain Sevestre en grande forme au sport mais pas eu le temps de recopier le passage à commenter. Et le livre est maintenant à cinq cents kilomètres. Dans le train, quelques pages de Madeleine Borgomano. Mais l'esprit est ailleurs, dans un rapport à finir. Puis finalement je dors. Le plus important est peut-être ici. C'est la possibilité de faire un lien direct vers une notice du TLF, grâce à un bidouilleur, je ne sais quelle combine ou adaptation. J'essaie illico pour répondre à une question qui m'a récemment été posée sur l'escient. T. a préparé un diner de légumes tout à fait à la japonaise. Elle qui ne voulait plus cuisiner pendant des années, traumatisée d'avant, d'avoir été une épouse soumise. Alors je faisais la cuisine, j'aime ça. Ou on sortait, c'était selon, mais jamais l'y obliger. C'est depuis le passage de son père, qu'elle a vu ce que préparait passionnément les gardes-malade, ça lui a redonné l'envie, elle s'est ressouvenue de tout ce qu'elle savait faire de bon. Aussi les courses, le système de livraison à domicile de produits directement issus de coopératives de producteurs, j'en ai déjà parlé, on voit vraiment la différence de qualité, et ça revient finalement moins cher que des courses tous les deux jours dans les supermarchés du quartier qui sont plutôt pour rupins. Extrait de la préparation de cours sur le Ravissement de Lol V. Stein : [RLVS-4] Après avoir été une plante verte (potiche du bal), « elle était devenue un désert dans lequel une faculté nomade l'avait lancée dans la poursuite interminable de quoi ? » (p. 24) À qui peut-on bien assigner la profération d'une telle métaphore filée ? Ni au discours médical que l'on sent lié au traitement que Lol subit, ni au discours familial des siens qui l'entourent et l'assistent, ni au discours de la bonne société informée de l'infortune. Ces discours sont cités et entrelacés dans ces pages de prostration et de convalescence. Peut-on même voir cela sortir de la plume du narrateur ? Lui, plutôt réaliste, méthodique, s'essayant à une chronique qu'il voudrait objective ? Ça me paraît difficile, tiré par les cheveux ; je ne le vois pas dire des choses comme ça (j'en citerai d'autres du même acabit). C'est plutôt un exemple de ce que j'appellerai intrusion d'auteur, Duras, en l'occurence. Le texte est dans l'ensemble bien assumé par Jacques Hold, qui gère au discours direct, indirect ou indirect libre les paroles des autres. Mais, cohérence diégétique et logique fictionnelle obligent, il ne peut pas rapporter les propos de Duras ! Ces intrusions d'auteur sont des entorses narratives, des perçages de diégèse. Beaucoup de lecteurs n'en prennent pas conscience, ne cherchent pas d'où peuvent venir ces soudains accès lyriques, métaphoriques, emphatiques qui durent trois mots ou trois lignes, et qui ne collent pas avec le portrait que le narrateur donne de lui-même. C'est parfois dans l'indécidable : « elle avait oublié la vieille algèbre des peines d'amour » (p. 19), il « chercha dans la salle quelque signe d'éternité » (p. 21). Oui, il pourrait écrire cela... mais ce serait à la limite de la préciosité, voire du ridicule, ça n'entrerait pas dans l'économie logique de son projet de récit. Enfin, l'intrusion d'auteur permet d'augmenter d'un niveau le jeu des discours emboîtés, ce qui ne peut qu'intéresser Duras. Alors Duras, baroque ? [/RLVS-4] C'est de ce portrait que le narrateur donne de lui-même que tout dépend (quand il y a un narrateur). Par exemple, le narrateur de René Leys couvre totalement l'écriture, sa personnalité déborde du texte et ne laisse passer aucune intrusion de Segalen. Victor peut aller se rhabiller. En revanche, la narratrice de Bonjour tristesse est une vraie passoire, on sent de partout Sagan passer. Ça ne sert absolument pas à juger de la qualité ni de la réussite. C'est un critère descriptif dans la diversité des procédés et des effets littéraires, à utiliser comme toujours avec circonspection et sans intention de dominer un champ intellectuel. |
Samedi 22 octobre 2005. On
parle peu de la vitesse des textes. [RLVS-5] On parle peu de la vitesse des textes. Ici, vous avez dix pages qui traitent de quelques heures dans la vie des personnages. Là, vous avez cinq ou six pages qui vous font traverser dix ans de leur vie. Ces vitesses et ces changements de braquet sont conditionnés par la visée du texte : il faut que nous soyons impressionnés par la scène de bal, il faut que quelques semaines de prostration mènent au désir d'aller marcher dans les rues, il faut détailler les deux ou trois heures passées avec Jean Bedford, puis il faut accélérer à fond pour la décennie de Lol mariée, Lol Machine, Lol raisonnable et docile, sans intérêt. Il le faut pour que le narrateur en arrive à son temps à lui, tout en ayant assez bâti pour y loger l'intérêt du lecteur. L'élasticité du temps narré dans le temps narratif est sans doute un des éléments les plus structurants et les moins visibles des romans, alors que c'est un des plaisirs de l'auteur. [/RLVS-5] De cela et d'autres choses, en détail, je parle mes deux heures. Le reste de la journée, j'écoute plutôt. J'ai du retard dans les émissions de la semaine, sur France Culture. Sylvie Germain sur Magnus aujourd'hui chez Veinstein, Bayon et ses Pays immobiles avant-hier. Colas Duflo sur Le Neveu de Rameau dans les Vendredis de la philo d'hier. Mardi, commencera un feuilleton alléchant, en vingt épisodes : Grande et petite histoire de la Comédie-Française. J'écoute T. et Yukie, au Saint-Martin, en me délectant de mon poulet-frites. J'écoute Daniel Pennac au 13-heures de France 2 jeudi, après avoir lu qu'il y était dans un blog inconnu et pas mal écrit. J'écoute quelques collègues de l'Institut plus que je ne leur parle. Ils me voient rarement le samedi après-midi, leur étonnement les amène à me parler. J'y suis revenu parce que je n'en pouvais plus des bruits de destruction et de machines vibrantes dans l'appartement d'à côté. Certains finissent leurs cours et vont rentrer chez eux, d'autres vont commencer ou sont en pause, quelques-uns viennent pour le film de 17h30, S'en fout la mort de Claire Denis que je n'ai pas envie de revoir. J'en ai profité pour rendre les deux Mocky empruntés la semaine dernière et en sortir deux autres : Un Linceul n'a pas de poches (1975) et L'Albatros (1971). Encore un léger tremblement de terre, ce soir. Sans conséquence. On peut dormir tranquille. D'ailleurs, je vais me coucher tôt, j'ai aussi du retard de sommeil. Commentaires1. Le samedi 22 octobre 2005 à 09:57, par alain : Non, les billets ne s'échangent pas. C'est écrit
au dos. Je garderai ma date du 4 novembre pour aller au théâtre. 2. Le samedi 22 octobre 2005 à 09:58, par alain : La pluie cesse. 3. Le samedi 22 octobre 2005 à 10:02, par alain : En fait, il pleut encore mais doucement. Non, ça cesse. Je ne vois pas grand chose. La nuit est tombée. Buvons. 4. Le samedi 22 octobre 2005 à 12:18, par Marie.Pool : Oui, c'est cela aussi qui empêche le dialogue. L'impossibilité
de suivre mot à mot , ligne à ligne, étape par étape,
un discours qui pourtant nous intéresse, nous donne envie d'approfondir
l'intérêt qu'on y suppose dans un élan vers... plus de
sens, plus de rapprochements, plus de pistes pour aller dans la trajectoire
d 'écriture et de lecture de l'autre. 5. Le samedi 22 octobre 2005 à 23:21, par arte : grmmhhh mhhh 6. Le samedi 22 octobre 2005 à 23:39, par Berlol : Oui, Arte ? Tu voulais dire quelque chose ? 7. Le dimanche 23 octobre 2005 à 00:08, par alain : La palette de qui ? touches de quoi ? 8. Le dimanche 23 octobre 2005 à 08:37, par Marie.Pool : L'automne alterne les demi-teintes et les flamboyantes, Folon les a apprivoisées, conscient que la fréquentation intensive de l'abrasement délicat des couleurs est bien plus apaisante que celle des mots. En dormant,finalement, on a les couleurs qu'on veut dans la tête, mais il faudrait les repeindre au réveil puisque... Folon est mort ! |
Dimanche 23 octobre 2005.
Un morceau filandreux, nourrissant mais sans goût. Allez, je vais me le mettre ici en pense-bête. Sinon, j'oublierai. 1. Rapporter quelques disques de rock français des années 70 et 80 pour Katsunori qui va faire le DJ à une petite fête pinardière, les lui passer samedi matin. 2. Trouver des paroles à la suite de « Bien malheureusement / Hisae a trente ans !...», sur l'air de Happy Birthday to you, avant le 30. Je les ai vus, ces deux-là, presque deux heures durant, se ou me renvoyant des balles, faisant pas les fiers à l'échauffement mais me battant en match, comme toujours. Gagnent beaucoup avec leurs services, et moi je deviens petit bras quand s'agit de mettre des points. Mais par ce beau soleil, un tel ciel bleu, on va pas s'attrister. Loin, le règne des pâtes en sous-sol : on va au Tsubame Grill, en hauteur dans la galerie commerciale de Mark City, excellents hambourgeois à la sauce bourguignone. Et on cause. C'est là que j'apprends pour le DJ et aussi pour l'anniversaire. Hisae, que j'avais croisée hier après-midi, avait envoyé un courriel téléphonique à Katsunori pour lui dire que j'avais une belle cravate avec des citrouilles. Je n'en revenais pas. Katsunori n'y avait rien compris : il m'avait vu le matin, en cours, avec une cravate à rayures. Ça doit être la première fois en plus de dix ans que je change de cravate dans la journée... Dans les métros et dans le bain, lecture de Houellebecq, mis de côté depuis un bail. M'ennuyait ferme, quoique mou irait mieux. Aujourd'hui, arrivé aux aventures sectaires du comique Daniel, je lis quelques dizaines de pages tranquillement. C'est-à-dire ni avec plaisir, ni déplaisir, ni ennui, juste tranquillement, comme on mache un morceau filandreux, nourrissant mais sans goût. J'en suis maintenant à la page 150 et je ne comprends toujours pas l'intérêt de cet auteur. Sans doute est-ce parce que tous les goûts sont dans la nature. (Je continue par acquit de conscience professionnelle...) De même, je ne vois pas bien ce qu'il y a d'intéressant dans La Désenchantée, film de Benoît Jacquot (1990) que je vais voir à l'Institut. Rimbalderie d'une adolescente basse de plafond — et Godrèche joue gauche. J'ai eu bien plus de plaisir avant le film à voir DG puis Jephro au café du coin ! Meilleure impression filmique, avec T., en dînant et après : on regarde Monsieur Hire de Patrice Leconte (1989). Rien à dire : c'est bien joué. Mais tellement statique qu'on s'y endort presque. Les dialogues, la mort dans l'âme un peu kitsch du sieur Hire, c'était déjà du Houellebecq. Chez Simenon ? Si si, revoyez-le, je vous jure ! Ça me ramène à la vitesse narrative, des textes comme des films. Et un constat : sur toutes mes notes Duras, avec balises [RLVS], pas un seul commentaire ! Non pas qu'il en faille absolument. Mais je m'inquiète : je sais que l'info a circulé chez AgregLettres et sur WebLettres, j'imagine que des agrégatifs cherchent leur pitance, mais à ce point discrets, je croyais pas. Ou c'est trop nul, ou c'est trop génial, ou c'est totalement banal, et d'une façon comme d'une autre, personne n'ose l'ouvrir. Et puis, l'internet change, c'est de plus en plus pour consommer, copier-coller et trafiquer, de moins en moins de partage, de discussions où on prendrait son temps. Qu'importe ! Seul j'irai. Notre destin, etc. Refrain. Commentaires1. Le dimanche 23 octobre 2005 à 09:06, par FB : Patrick, 2. Le dimanche 23 octobre 2005 à 09:55, par alain : Je déteste Folon. 3. Le dimanche 23 octobre 2005 à 11:46, par Bartlebooth : Spéciale dédicace aux lecteurs de Berlol, Houellebecq,
Mary Pool & François Bon, cad à la terre entière, 4. Le dimanche 23 octobre 2005 à 13:25, par FB : vive l'internet non sage, quel boulot le flash - j'ai regardé aussi les autres pages mais moi j'ai du respect pour Arman 5. Le dimanche 23 octobre 2005 à 14:09, par grapheus tis : Est-ce audible ? Scriptible ? D'écrire que les écrits
de Duras m'ennuient hénaurmément ? 6. Le dimanche 23 octobre 2005 à 15:24, par FB : y a pas d'âge pour commencer, cher marin d'ouest, moi je crois que c'est seulement il y a 2 ans que j'ai commencé à VRAIMENT lire Duras - partir par exemple de "la nuit d'été", réfléchir sur "la mort du jeune aviateur anglais", lire et relire "la vie matérielle", tout s'organise progressivement 7. Le dimanche 23 octobre 2005 à 15:57, par cécile : deux autres : 8. Le dimanche 23 octobre 2005 à 16:01, par cécile : "un peu plus de 20 ans" c'était mon âge ! et ça ne fait pas tout à fait 20 ans de ça ! même si on s'en fout un peu, hein, mais bon c'était ambigu 9. Le dimanche 23 octobre 2005 à 16:14, par vinteix : ...et bien moi, meme si ce n'est pas ma tasse de the, j'ai du respect pour Arman et Folon (dont j'ai visite la Fondation pres de Bruxelles)... mais on s'en fout. 10. Le dimanche 23 octobre 2005 à 18:07, par Marie.Pool : "Encore un léger tremblement de terre, ce soir. Sans
conséquence. On peut dormir tranquille"... Oui ...à nos âges
... 11. Le dimanche 23 octobre 2005 à 18:35, par vinteix : "Une écriture qui disparaît dans celle d'un autre..." Je ne sais pas si c'est une finalite... mais il y a quelque chose comme cela dans la relation, surtout a l'approche de la mort, qui unit G.Bataille et Laure (Colette Peignot), relation amoureuse, erotique, passionnee et litteraire, par-dela la litterature, "communaute des amants" a travers laquelle Bataille percut comme l'extase sans objet d'une unite communielle tant desiree. Ainsi, peu apres la mort de Laure, Bataille decouvrit un texte d'elle sur "Le Sacre" dont les coincidences avec son propre texte sont troublantes (precisons qu'elle ignorait l'existence de ce texte en preparation de Bataille)... Nul doute que le vecteur d'un tel partage ne peut etre que l'amour. 12. Le dimanche 23 octobre 2005 à 19:03, par Berlol : Voilà une bonne surprise ! Pendant que je dormais... 13. Le dimanche 23 octobre 2005 à 20:24, par arte : mrgmmmm mmmhhm 14. Le dimanche 23 octobre 2005 à 20:50, par alain : Je déteste Folon. 15. Le dimanche 23 octobre 2005 à 21:00, par vinteix : ouais... si on y va tous de son petit catalogue personnel de gouts et de couleurs...on n'est pas sorti de l'auberge... et ou est l'interet ? 16. Le dimanche 23 octobre 2005 à 22:24, par alain : C'est vrai. Je retire ce que j'ai écrit. Ça n'a aucun intérêt. 17. Le lundi 24 octobre 2005 à 04:18, par jorgensen : bien d'accord avec François, Pierre Bayard est passionnant,
j'ai conseillé _Demain est écrit_ à mes étudiants
lundi dernier (car signalé par le Monde des livres). Il avait déjà
commis _maupassant précurseur de Freud ?_ en 1994 18. Le lundi 24 octobre 2005 à 06:20, par Bartlebooth : - je ne vois pas où FB a vu de l'irrespect pour Arman,
d'ailleurs j'aime presqu'indistinctement tout ce qui est de l'ordre, ou du
désordre, de l'accumulation en art, mais Arman trop frileux quand même
: il n'a même pas empilé, après les stradi de la musique,
les césars du cinoche. 19. Le lundi 24 octobre 2005 à 06:47, par alain : oh ! bon sang, quelqu'un qui a mal aux dents ! et le pharmacien
qui me refile un anti-inflammatoire générique qui ne marche
pas ! 20. Le lundi 24 octobre 2005 à 07:13, par cel : "C'est la publication de reportages très élogieux
sur les Durassiens Anonymes aux Etats-Unis qui a entraîné la
création des premiers groupes en France, en 1980. On compte aujourd'hui
un peu plus de 550 groupes de DA, comme ils s'appellent eux-mêmes, répartis
sur tout le territoire. Les Durassiens Anonymes se tutoient, respectent bien
sûr l'anonymat le plus total et évoquent ensemble, toutes les
semaines, leur parcours vers l'abstinence totale. Réunion ouverte,
un samedi matin, dans un groupe parisien : 21. Le lundi 24 octobre 2005 à 07:18, par cécile : Et oui, j'ai profité hier du lien vers le 17 janvier
pour découvrir ceux concernant Pierre Guyotat et ai remarqué
donc aussi l'absence des commentaires à la suite du texte d'Eric Hoppenot.
Pourquoi ? dommage, c'est vrai. 22. Le lundi 24 octobre 2005 à 07:45, par alain : Les nuits sont courtes quand on a mal aux dents. Mon dentiste
a dit non, de l'Apranax, 550 mg, pas autre chose ! Je le crois. C'est pour
ça que j'ai mal. 23. Le lundi 24 octobre 2005 à 08:08, par alain : non, pas courtes, longues. 24. Le lundi 24 octobre 2005 à 08:36, par cécile : Eh oui c'est long c'est court chantait l'autre ! 25. Le lundi 24 octobre 2005 à 08:47, par Berlol : Merci de cette belle animation, aujourd'hui. Ça fait chaud au cœur. Pour Éric, non, je ne suis pas d'accord. Il a sûrement une bonne raison. Je viens de poster le billet du jour et je vais me coucher, demain je me lève tôt... 26. Le lundi 24 octobre 2005 à 09:06, par Bartlebooth : Bon, c'est peut-être exagéré de dire qu'Eric
Hoppenot est un condensé de blanchisserie, un concentré de
blanchoterie - mais c'est à peine plus exagéré que de
dire par exemple que le blog de Chloé Delaume est nul ou que considérer
Didier Jacob digne d'intérêt. 27. Le lundi 24 octobre 2005 à 10:36, par alain : Cécile, et puis tout Rabelais à écouter sur le site de F. Bon. La nuit sera trop courte. 28. Le lundi 24 octobre 2005 à 10:49, par arte : mmmmgh 29. Le lundi 24 octobre 2005 à 12:07, par cécile : Alors la nuit sera gargantuesquement courte. La vitesse des
textes, la vitesse des nuits ! 30. Le lundi 24 octobre 2005 à 22:34, par FB : Pierre Bayard oui bien sûr, l'unique Pierre Bayard... 31. Le mardi 25 octobre 2005 à 01:30, par cécile : Quelle idiote ! Et péremptoire avec ça ! Retenir
exactement l'information contraire ! Les yeux brouillons. 32. Le mardi 25 octobre 2005 à 01:49, par cécile : enfin matin clair... on ne voit pas grand chose de Jean-Luc B. dans ce lien ! et ça sent novembre gris à plein air ce matin. (Scusez-moi.) 33. Le jeudi 27 octobre 2005 à 09:33, par vinteix : C'est quoi "la blanchoterie", Bartlebooth ? |
Lundi 24 octobre 2005. Ne
m'appelez pas "maître", on voit vos dents ! Plutôt repos... me disais-je, ce matin. Sur le tempo gracquien de François, je poursuis vite mon idée de vitesse. Chez Lionel, un petit amusement qui m'a attiré un message d'une bête méchanceté (la personne commence par citer mon jeu de mot à deux balles) : « "Du français sans accents, c'est comme du café sans caféine, du coca sans cocaïne, de la fél sans féline..." Au risque de passer pour un attarde, a part la repetition des "ine" qui lui donne une touche aliterationnesque (barbarisme ? neologisme ? je vous laisse juge) je trouve cette reflexion bien indigne de vous cher maitre... En outre je ne sais pas ce qu'est une "fel", il est vrai que je ne possede pas de dictionnaire (et une fel sans accent doit sans doute etre loin d'avoir vos faveurs). Si vous voulez mon avis je trouve ces blogs d'erudits expatries chiants comme la pluie, et ceux qui touchent au Japon, pour une raison qui m'echappe encore, semblent l'etre plus encore. Lionel Dersot se regarde ecrire, c'est plus fort que lui (vous aussi du reste), et tous ces blogeurs du coin qui viennent se renifler sous la queue ! Vous trouvez pas que ca sent l'ecrivain refoule tout ca ? En cliquant "Berlol" sous votre commentaire je suis alle sur votre blog, puis votre site, puis en googlant votre nom j'ai finalement lu votre C.V. Pffuiiiit ! Mazette ! muscle du cerveau le gonze ! Et puis on vous la fait pas sur le Japon, vous devez desormais savoir aussi bien rouler les maki que les joints ! Vous en savez meme peut-etre plus sur le sumo que Chirac. Ahh ! Le Japon ! Je comprends qu'on puisse trouver ce pays fascinant. Ce raffinement a la lisiere du divin, cette merveilleuse culture envoutante, impenetrable, intemporelle; ses traditions seculaires, ses bateaux-usines a cetaces, ses historiens amnesiques... J'arrete ici, je vais deraper.» À quoi j'ai répondu ce matin (moins la première phrase, en rapport avec l'identité de la personne) : « [...] "fél", ça doit être une abréviation de fellation, j'imagine... Pas vous ? C'est un petit jeu de mot sans prétention. Pas vraiment besoin d'être musclé du cerveau, comme vous dites. Vous avez droit à votre avis, même s'il est faux. Par exemple, je ne sais presque rien du Japon, je passe trop de temps à essayer de bien faire mon travail d'enseignant avec quelques dizaines d'étudiants qui pensent à tout autre chose qu'au français. Et puis à suivre l'actualité littéraire francophone et à relire quelques classiques, voir quelques films, avoir du bon temps avec quelques amis. Je ne suis pas du tout "japonisant", comme on dit ici. Ainsi, si vous trouvez des blogs chiants, arrêtez de les lire, ou n'allez que sur ceux qui vous plaisent, ou faites-en un vous même. Et si tout vous emmerde, c'est que vous devez mal fonctionner de quelque part. Changez de vie. Partez. Ou suicidez-vous, que sais-je. Et ne m'appelez pas "maître", on voit vos dents ! PS : pour les historiens amnésiques, je suis d'accord avec vous ; il y a des Japonais qui souhaitent ce travail de mémoire mais le pouvoir actuel serait plutôt du genre à réécrire l'Histoire. J'ai plusieurs fois protesté, dans ce JLR ou en classe, mais ce que dit un étranger leur est à peu près égal...» Le fond, c'est donc qu'il existe des individus dits français et qui, parce qu'ils habitent aux États-Unis et sont plutôt pragmatiques, refusent d'écrire leur langue avec des accents. Outre le fait que le problème est anachronique, car cela fait bien dix ans qu'il existe des raccourcis clavier et cinq ou six ans qu'il existe un environnement multilingue permettant de changer de langue à condition de savoir où sont les cinq ou six signes utiles, ce qui en principe n'occupe pas beaucoup de mémoire humaine, ces personnes n'ont donc aucune conscience de la valeur historique de leur langue d'une part, ni aucune conscience de la guerre linguistique rampante entre l'anglais et les autres langues, dont le français, d'autre part. Je ne parle pas de ceux qui, passant par hasard dans un pays étranger et n'ayant que quelques minutes pour rédiger quelque chose le font sans accent, mais de ceux qui, y résidant en permanence, collaborent avec l'ennemi à l'éradication des langues au profit d'un sous-produit de l'anglais composé de cinq cents mots de moins de dix lettres. Il y a dix ans, quand je disais à des collègues japonais qu'ils pouvaient avoir des accents aigus, graves, etc., ils invoquaient leur incompétence à comprendre ce qu'il fallait faire — et ils n'avaient pas tout à fait tort. Aujourd'hui, ils écrivent sans difficulté la langue de Molière, surtout avec le programme du clavier français canadien qui correspond au QWERTY de base qui sert au japonais. Et il m'arrive de temps en temps d'écrire du japonais avec mon clavier AZERTY — et un petit effort de mémoire. On appelle ça le respect mutuel. Remontons à la surface. Il a fait beau et je n'ai pas eu mal aux dents, moi. Au saint-Martin, il restait une portion de boudin, que j'ai prise, avec des frites au lieu de la purée. T. a pris du roti de porc qui avait aussi l'air très bon. Je suis revenu et j'ai préparé le GRAAL sur Assia Djebar dans les bruits de travaux, ceux d'à-côté et ceux d'en-face. Une fois à la Maison franco-japonaise, nous avons repris Femmes d'Alger dans leur appartement, en commentant la nouvelle la plus ancienne, Il n'y a pas d'exil, qui date de mars 1959. Une femme de 25 ans que sa famille veut remarier, les lamentations des voisines qui pleurent le fils mortellement accidenté le matin même, la situation de réfugiés, les paroles de femmes qui osent exposer leur conscience d'être à la fois femmes et algériennes, tout cela par touches, ambiances, petits mouvements et paroles apparemment anodines, sans volonté pédagogique, sans vouloir mettre la littérature au service d'un combat. La grande classe. Ensuite, restaurant italien, un peu bruyant mais bon et sympathique, dans le quartier d'Ebisu. S'appelle Vacanza. On cause fort nous aussi. Laurent dit que Roméo et Juliette est une des plus profondes tragédies de Shakespeare. C'est vrai. Moi, je trouve regrettable que Roméo se tue alors que Juliette n'était pas vraiment morte, c'est tout. Commentaires1. Le lundi 24 octobre 2005 à 10:55, par arte : Juliette Gréco (é ?) n'est VRAIMENT morte ??? 2. Le lundi 24 octobre 2005 à 10:58, par Marie.Pool : "Moi, je trouve regrettable que Roméo se tue alors
que Juliette n'était pas vraiment morte, c'est tout. " 3. Le lundi 24 octobre 2005 à 11:21, par vinteix : L'allusion au "maitre" dans le titre du jour m'a rappele cette
anecdote savoureuse : je ne sais plus qui (Louis Jouvet ???) allant voir
un jour Cocteau dont le majordome dit en ouvrant la porte : 4. Le lundi 24 octobre 2005 à 12:08, par FB : c'est écrit trop petit pour que j'arrive à lire... je suis aussi un peu réticent sur l'idée du "livre collectif", Marie-Pool, en atelier on n'a pas pour but d'aller au livre, plutôt d'accompagner chacun jusqu'à l'endroit où il saura travailler seul _ et "tumulte" c'est quand même d'abord un chemin personnel, même si je suis très heureux des démultiplications, rebonds, détournements qui viennent s'y mettre (sans jeu de mots, profitons que Jean Marais n'est pas là) par les contributions lecteurs _ en tout cas ce rapport de croisements et miroirs est aussi étrange que chez Berlol, même sur une gamme autre, mais ne supprime pas le chemin personnel, je n'ai jamais cru à une écriture "pour" _ et si l'idée d' "écrivain" ou "non écrivain" n'a guère de pertinence pour là d'où surgit la littérature (penser aux collègues de travail de Kafka), reste que la discipline, sa pratique, reste d'une exigence infinie et terrible, quand bien même on y est si pâteux ou maladroit, ou qu'on passe des mois dans les blogs parce qu'on ne sait plus par quel bout rejoindre la table de travail, la même table à laquelle Kafka disait qu'il fallait s'y tenir "avec les dents" _ Berlol, un petit effort sur la police des comments ? tu peux pas faire du template dans ta salle de gym sur ton portable en sudant à vélo toutes tes frites au boudin ? 5. Le lundi 24 octobre 2005 à 14:56, par Berlol : Voilà ! j'ai retrouvé l'endroit où j'avais moi-même mis "small" pour les commentaires le mois dernier... et je l'ai retiré. Résultat : textes des commentaires au même niveau que le texte du billet. Normal. Ça économisera les yeux de tout le monde... 6. Le lundi 24 octobre 2005 à 17:22, par Francois Chicoree : Jus de citron sur ecorchure . 7. Le lundi 24 octobre 2005 à 18:02, par Manu : C'est mieux comme ça les commentaires, mais il me semble que c'était déjà pour FB que tu avais diminué la taille de la police ; il disait qu'ils prenaient trop de place et qu'il y avait trop d'espace vide, si j'ai bonne mémoire... 8. Le lundi 24 octobre 2005 à 18:55, par vinteix : Ne vous inquietez pas, l'ami Chicoree, au Japon, ca ronronne beaucoup moins qu'il ne vous semble... Quant a Hitler qui n'avait qu'une couille, Nerval qui s'est pendu avec une corde trop courte, Jacques Abeille qui ecrit des livres... tout cela est connu... de meme que si il n'y a pas "une guerre linguistique entre la baguette et le rosbif", il y a quand meme beaucoup a dire a ce sujet... bref, je vais boire m................on cafe. 9. Le lundi 24 octobre 2005 à 20:46, par vinteix : Au fait, Monsieur Chicorée, vous qui êtes à
L.A. ou S.F. depuis 20 ans, vous avez dû voir ce beau rêve américain,
généreux et fraternel, s'effondrer quelque peu, non ? "L'Amérique,
ça n'existe pas; je le sais, j'y suis allé." Vous rappelez-vous
qui est votre gouverneur actuel ? On est bien dans ce cauchemar des images
qui rendent aveugles dont parle Bernard Stiegler. Pas de quoi faire le fier...
à part le fier à bras, peut-être, si l'on mesure l'humanité
à l'aune de son tour de biceps plutot qu'à celle des "muscles
du cerveau". Que tous ces abrutis amphétaminés aillent se faire
foutre, et bon dimanche ! 10. Le lundi 24 octobre 2005 à 21:16, par Marie.Pool : "je suis aussi un peu réticent sur l'idée du
"livre collectif", Marie-Pool, en atelier on n'a pas pour but d'aller au livre,
plutôt d'accompagner chacun jusqu'à l'endroit où il saura
travailler seul ." FB 11. Le lundi 24 octobre 2005 à 22:33, par FB : merci, Patrick, c'est nettement mieux pour la lecture 12. Le mardi 25 octobre 2005 à 00:04, par Cristina : Pour aller dans le sens du respect linguistique mutuel et
de la maîtrise du clavier, je voudrais juste signaler le blog bilingue
en français et en japonais d'un ami étudiant français
à Tokyo : leilujapan.free.fr/ 13. Le mardi 25 octobre 2005 à 08:33, par vinteix : ...ceci dit, en revenant un instant sur les propos de l'ami Chicoree... (aurais-je mis ce soir un peu d'eau dans mon sake ? Mazette ! Quel sacrilege !... dans mon "chouchu" alors...) bref, l'ami Chicoree n'a pas dit que des betises, en particulier en parlant des "historiens amnesiques" (ce a quoi Berlol a fait allusion aussi)... mais plus generalement, je constate aussi moi-meme qu'il y a pas mal "d'intellos" francais "japonisants" "qui se la petent un peu" et se regardent beaucoup (ecrire, parler, vivre, paraitre...) Cela meriterait peut-etre de plus amples reflexions et explications, bien que le sujet ne me passionne guere, mais je le dis comme une impression intuitivement et sensiblement ressentie, a de multiples reprises depuis que j'habite ici et deja auparavant, a Paris, quand je frequentais certains "milieux" franco-japonais. 14. Le mardi 25 octobre 2005 à 09:50, par Berlol : Sais pas... n'ai presque jamais fréquenté les
milieux franco-japonais... On y reviendra. 15. Le mardi 25 octobre 2005 à 20:54, par vinteix : "Sais pas..." 16. Le mardi 25 octobre 2005 à 23:13, par Manu : J'ai failli te répondre ici, mais les autres ne nous auraient pas compris... C'est surtout mon corps qui doit faire un effort. C'est toujours latent. 17. Le mercredi 26 octobre 2005 à 17:03, par Dominique : Le reve Americain c'est la maison en carton, un bout de terrain
et ne pas parler a son voisin.. 18. Le mercredi 26 octobre 2005 à 22:54, par vinteix : Dominique, votre remarque serait-elle de l'anti-intellectualisme
de base ? C'est vrai que c'est assez à la mode en ce moment, en France
(et ailleurs), mais ne confondez pas tout : le chômage, les salaires
de misère... n'on rien à voir avec les intellectuels... adressez-vous
plutôt aux politiques qui, eux aussi d'ailleurs, font beaucoup d'anti-intellectualisme
en ce moment. Si vous appelez "intellectuels" les gens qui tentent de réfléchir
et de penser le monde et si ce genre de personnes équivaut pour vous
à "briseurs de couilles", c'est un peu court et con... certes on peut
toujours "vivre et penser comme des porcs"... triste condition. 19. Le jeudi 27 octobre 2005 à 05:44, par Berlol : Je ne vois même pas pourquoi tu discutes, Vinteix... 20. Le jeudi 27 octobre 2005 à 06:34, par vinteix : Oui, c'est vrai... perte de temps... peut-etre que je traverse une periode d'enervement qui se traduit par de vaines polemiques. 21. Le jeudi 27 octobre 2005 à 07:17, par Berlol : Vas-y, allonge-toi, raconte-moi tes derniers rêves,
ou ce que tu voudras. |
Mardi 25 octobre 2005. Me
trotte, mémoire et lèvres. Déjà minuit ! Un voyage en train, deux cours à donner, trois heures de boulot sur Europe et quatre demi-heures sympathiques sur Un Linceul n'a pas de poches (Jean-Pierre Mocky, 1975). Foutue, la journée est foutue. Et bien foutue ! Je ne sais même plus s'il a fait beau... Si, il a fait beau, je me souviens. Ça m'a fait plaisir que notre lecteur de la côte Ouest ait laissé un commentaire pas con du tout. Même si Vinteix continue à l'asticoter un peu pour la forme. On peut toujours essayer de parlementer. Poser l'artillerie. Non, ne mets pas la sûreté, quand même, on ne sait jamais... Et toujours cet air arabisant qui me trotte, mémoire et lèvres... Me rend tout miel. Ce qui me rend tout miel ? Je viens de remettre la main dessus : j'ai retrouvé mes deux disques de Danielle Dax (Up Amongst the Golden Spires, 1987 — semble être une édition japonaise rassemblant Pop-Eyes (1983) et Jesus egg That Wept (1984) —, et Blast the Human Flower, 1990). J'en ai au moins pour jusqu'à deux heures du matin... Souvenirs confus, indicibles encore. La littérature attendra. « Quand ça va bien on n’écrit pas. C’est aussi simple que ça, et c’est ce qui rend insipide pas mal de blogs ou aussi de livres qui n’en ont pas tenu compte. Se contraindre à écrire ici tous les jours voudrait donc dire qu’on se contraint à aller mal sur commande ? » (François Bon, sans date) Diktat refusé (aller mal sur commande... et puis quoi encore... ferait trop plaisir à l'ennemi...). J'écris parce que je vais bien ET qu'en moi quelque chose à dire veut se formuler sur un mode différent du journalistique différent de l'essai différent de tout ce qui met des semaines à sortir et à passer sous fourches pour se retrouver dans des rayons, des poubelles, des salles d'attente, des maisons bourgeoises. Non merci. Ainsi la lutte contre mon propre oubli passe par l'exposition publique et directe, sans papier, sans filet. Une épreuve de lisibilité qui me renforce vivant, étant, et sauve quelques bribes de mon avoir été. Enfin je suis et je fus se croisent et se saluent. Vas-y Danielle ! Tomorrow Never Knows ! (Beatles tordus et revitaminés... doit y avoir un bout de sampling des Talking Heads... faut que je creuse ça...). Commentaires1. Le mardi 25 octobre 2005 à 12:42, par Marie.Pool : "Ainsi la lutte contre mon propre oubli passe par l'exposition
publique et directe, sans papier, sans filet. Une épreuve de lisibilité
qui me renforce vivant, étant, et sauve quelques bribes de mon avoir
été. Enfin je suis et je fus se croisent et se saluent." 2. Le mardi 25 octobre 2005 à 15:25, par FB : peut-être que c'est pour ça qu'on aime à passer là : il va bien, même s'il se fait battre au ping-pong, il mange du poulet frites à tous les repas etc et même lit houellebecq dans sa baignoire en écoutant france-culture etc _ reste qu'il sait quand même qui est l'ennemi, apparemment ? et merci d'avoir coupé ma phrase juste après "sur commande" : heureusement que c'était pour répondre par autre chose ! vous m'en mettrez 3 kilos... (je m'excuse, il est tard, je rentre de Paris en bagnole, passé l'après-midi dans les librairies où on va pas souvent, genre les Belles Lettres etc, plus revenu lesté d'un disque dur 260 Go qui là pédale pour sauvegarder totalité de mon disque dur : ébahissement de la technique...) 3. Le mardi 25 octobre 2005 à 18:35, par Arte : mmmmmmghrmm 4. Le mardi 25 octobre 2005 à 19:44, par Francois Chicoree : Francois Chicoree est un Dalton. 5. Le mardi 25 octobre 2005 à 19:54, par vinteix : Je crois qu'on ecrit pour s'en sortir sans sortir... et meme dans les moments, periodes ou l'on a l'impression que cela va bien, a la base, il y a une inquietude profonde (par rapport a soi, au monde, au langage...) qui est un moteur, une inquietude qui peut etre gaie, une gaiete inquiete, une intranquillite (Pessoa). Personnellement, j'aime beaucoup ce mot d'inquietude, qui signifie d'abord l'absence de repos, le refus de l'immobilite, de la stagnation, de l'avachissement. Sans ce risque, sans cette chance risquee et eperdue (qu'elle prenne racine dans le malheur ou dans la joie), c'est la patee pour chiens. 6. Le mardi 25 octobre 2005 à 20:12, par vinteix : Et bien non, l'ami Chicoree, je ne suis pas un detache du
Ministere... et avant de trouver un poste en Universite au Japon, j'ai pas
mal galere et roule ma bosse en France... mais je ne vais pas raconter ma
vie... Quant aux relations avec mes eleves, ne vous inquietez pas; il se
trouve que hier soir, justement, j'etais dans un restaurant avec une quinzaine
d'entre eux pour ce que l'on appelle ici "nomikai" (litteralement "reunion
pour boire"), soirees qui ont lieu assez souvent, et meme si leur niveau
en francais n'est pas terrible, les relations sont des plus amicales (un
rappochement et une communication entre profs et etudiants inexistants en
France... aux USA, je ne sais pas ?)... la soiree s'est d'ailleurs terminee
chez moi ou les derniers sont venus. Alors, gardez pour vous vos commentaires
meprisants et ignorants. 7. Le mardi 25 octobre 2005 à 20:22, par vinteix : les autres "graffiti d'urinoirs" renvoyaient a H.Melville,
B.Stiegler... mais il est vrai que vous ne lisez pas (vous l'avez dit), ce
que je ne vous reproche point d'ailleurs... neanmoins, chacun ces "urinoirs"...
8. Le mardi 25 octobre 2005 à 20:27, par vinteix : "le mepris et l'insolence en plus".... dans ce domaine, je crois que vous n'etes pas mal... Monsieur Chicoree. 9. Le mardi 25 octobre 2005 à 20:55, par vinteix : "Le soleil vient de se lever, encore une belle journee..." 10. Le mardi 25 octobre 2005 à 22:36, par Berlol : L'impunité, c'est de pouvoir envoyer un courriel
privé à n'importe qui pour l'insulter, l'humilier, lui reprocher
des choses sur la base d'un minuscule passage alors qu'il y a par exemple
deux ans de blog à lire pour voir de quoi il retourne avant de parler
de ceci ou de cela qui sont des reproches ou des accusations lourds de sens,
etc. 11. Le mercredi 26 octobre 2005 à 00:19, par Marie.Pool : Il suffit de prendre une bonne douche BERLOL, et de passer
à autre chose.Que tous se le tiennent pour dit.Les bonnes questions
ont été noyées sous les lamentables effets d'egos. Le
masochisme à crédit n'ayant pas de limites parfois. 12. Le mercredi 26 octobre 2005 à 01:47, par FB : il y a vraiment du chemin à faire pour oublier les "renifleurs", on dirait ces types qui rentreraient chez vous dans le salon sans rien demander à personne et commenceraient à vous faire des réflexions sur ce que vous lisez, regardez etc.... j'ai connu un libraire, comme ça, pouvait pas s'empêcher de faire des remarques sur les bouquins que je lui achetais, voire même ceux que j'ouvrais dans sa librairie, c'était terrible... fallait aller à la Fnac pour acheter les livres qu'on n'osait pas lui dire qu'on les lirait quand même... ces espaces blogs ce qu'ils ont de neuf c'est dans le relais du "salon" (voir bouquin Patrick pour les fondements et l'histoire), la parole en travail, la parole en amont ou autour de l'écrit et que cette zone de partage est bien plus vieille que l'outil qu'on explore ici, et qui pour nous n'est pas seulement un espace social, ou d'ego, mais bien AUSSI un espace de travail, avec cette forme radicalement neuve aussi de l'éclatement spatial, et toutes les nuits en partage 13. Le mercredi 26 octobre 2005 à 07:12, par alain : Moi, je viens d'acheter Pierre Bayard, sur les conseils de
F.B. et ceux de Cécile. 14. Le mercredi 26 octobre 2005 à 13:29, par FB : oui, merci de nous dire ! |
Mercredi 26 octobre 2005.
Mutisme presque total, monacal. Difficile d'être à l'heure, ce matin. Nuit trop courte, sommeil léger. En cours, les étudiantes parlent mieux que l'an dernier. J'ai changé de méthode : au lieu de demander que toutes préparent le même texte pour discuter des idées qu'il contient, je leur ai proposé de chercher pendant la semaine puis de présenter aux autres des documents sur un aspect (du Protocole de Kyoto) qui soit spécifique et intéressant à leurs yeux, dans des magazines ou dans l'internet, en français ou en japonais, puis de présenter aux autres, qui n'ont pas le document, les point enssentiels des textes choisis. Je crois que ça marche précisément parce que les autres n'ont pas sous les yeux le texte de celle qui essaie d'en parler : tout circule par la parole. Ce n'est qu'après qu'on écrit quelque chose. Autre amélioration, il y a parmi elles une étudiante française, de japonais, qui va vite se faire des copines. Ça change l'ambiance. Je déjeune d'un sandwich pour préparer des oraux à faire passer à 13h30. Et à 15 heures, c'est la réunion des profs de la faculté. Pendant 90 minutes ; durée tout à fait raisonnable si l'on sait que dans certaines universités, ces réunions peuvent durer des 7 ou 8 heures d'affilée. Après 17h, vanné, j'essaie de me reconcentrer sur Europe. Sans succès, aujourd'hui. Par intermèdes, je regarde les commentaires qui sont plus ou moins aimablement déposés sous le JLR — plutôt plus que moins, dans l'ensemble —, avec des ouvertures imprévues, des embranchements vers d'autres sujets, des clins d'œil, etc. Je suis parfois saisi d'un vertige à l'idée de cette multiplicité de lieux planétaires d'où l'on se lit et se répond alors qu'ici même je puis me replier dans un mutisme presque total, monacal. En conséquence, il est probable qu'on en sait plus sur moi à six ou dix mille kilomètres sans m'avoir jamais serré la main que certains collègues d'ici que je salue tous les jours. Et ça n'est pas prêt de changer, bien au contraire. Dernier de ma série de Mocky, L'Albatros (1971) est aussi le plus poignant. Marion Game et Mocky lui-même y sont épatants, mis en valeur par les candidats d'une campagne électorale bien glauque. Le rythme du road-movie de fuyards ne s'effondre pas dans la vulgarité, sans pour autant tomber dans le panneau inverse de l'embellissement romantique de l'homme traqué. D'inspiration baudelairienne et soutenu par les boucles musicales et vocales de Léo Ferré, le héros de Mocky a effectivement dans sa tête des ailes trop longues qui l'empêchent de marcher. C'est l'heure d'Alain Sevestre, je vais essayer de lire un peu de Tristes... Commentaires1. Le mercredi 26 octobre 2005 à 23:09, par vinteix : Le Maître en venin... et géographie, Monsieur
Chicorée, pour ne pas le nommer, fait des émules et s'est trouvé
un disciple et digne successeur en la personne de Dominique... voir commentaire
17 sur ce blog à la date du lundi 24 octobre ("Ne m'appelez pas Maître...") 2. Le jeudi 27 octobre 2005 à 00:01, par vinteix : Mais heureusement il n'y a pas sur ce blog que des "renifleurs" qui prennent la littérature et d'autres belles choses pour des "graffiti d'urinoirs" (citation de Maître Chicorée, chaire de lourderie à San Francisco)...Il vaut mieux, en effet, lire Duras, Bataille ou Pierre Bayard, par exemple... 3. Le jeudi 27 octobre 2005 à 00:05, par vinteix : ... ou alors boire un bon pinard ou un bon saké... 4. Le jeudi 27 octobre 2005 à 05:51, par Berlol : Mais non, t'es pas tout seul, Jef... |
Jeudi 27 octobre 2005. D'Europe
et de Chine. L'un des récents commentaires de François Bon (billet d'avant-hier, 13:29) ne peut se comprendre si l'on n'a pas accès au texte en question. Parcourant des dizaines d'articles de la revue Europe en dévédé, je suis tombé sur celui-ci, que j'ai envoyé à François dont l'intérêt pour Collobert est connu. « Danielle COLLOBERT : Meurtre. (Gallimard). Ce livre d'une jeune débutante contient quelques pages réussies qui sont autant de promesses. La langue est précise, les notations subtiles, l'atmosphère d'une présence indéniable. "Meurtre", plutôt qu'une longue nouvelle, est un poème abstrait. Le "je" du narrateur n'est jamais le même. Aussi l'histoire est-elle encore plus immatérielle que chez les plus audacieux partisans du nouveau roman. Les cadres de l'espace et du temps sont abolis ; les personnages se fondent dans un "no man's land" dont les aspects successifs, si minutieusement élaborés soient-ils, n'arrivent jamais à cristalliser, à prendre corps. Cet univers sans frontières et sans épaisseur, issu de Kafka et de Robbe-Grillet, n'est pas sans exercer quelque emprise sur le lecteur. Mais, à ce degré d'abstraction, les procédés apparaissent un peu voyants. On aimerait que de ce texte se dégageât une unité, ou à tout le moins une cohérence qui le rendît définitivement acceptable. Le crédit littéraire est immense, mais non pas illimité. L'on souhaite à Danielle Collobert de convertir ses dons en une œuvre véritable, dont cet "essai" peut laisser prévoir la genèse prochaine.» (Yves SANDRE, Europe, oct. 1964, p. 180) Pour compléter, j'ajoute qu'il y a un autre article, vingt ans plus tard, que voici : « Danielle COLLOBERT : Carnets 1956-1978, collection Change (Seghers/Laffont). L'écriture de Danielle Collobert appelle l'image d'une respiration qui ne serait pas régulière continuité mais éprouvante répétition. Le texte en bribes semble remonter de très loin, comme des bulles d'air traversant l'épaisseur des eaux. On ne perçoit plus ici ni début ni fin, ni dehors ni dedans, simplement le mouvement d'une trouée, la puissance d'une pression. Les mots ne sont là, dans leur dénuement, que lorsqu'ils peuvent se tenir, absolument sans autre étal que leur impérieuse nécessité, dans le silence. Ce que l'on trouve assez rarement dans d'autres écritures, la dimension de la verticalité, est le propre de Danielle Collobert. Toute virtualité d'extension à l'horizontale, sur l'axe du temps, est bloquée. « Finalement le roman est une création essentiellement calme — qui laisse échapper l'essentiel — la sensation de bien-être permet des prolongements dans le temps — nécessaire au roman — alors que le malaise produit quelque chose de fort — de total — à l'instant — impossible à dépasser » lit-on dans ses Carnets, retrouvés après sa mort. L'obsession de la mort précisément, de la disparition, de la dissolution, est ici constante. Comme dans Meurtre, comme dans Dire I-II. Mais Danielle Collobert désigne-t-elle autre chose que le lieu de vie lorsqu'elle écrit : « la marge est trop grande entre l'image du suicide et l'incertaine réalité » ? Si c'est dans cette marge que s'inventent les alibis, c'est là aussi sans doute que nous en appelons à la dignité du « métier de vivre ». Une citation de Pavese revient plusieurs fois dans les Carnets : Anche donnette l'hanno fatto - même des petites femmes l'ont fait. Ce sont les derniers mots de l'écrivain, à la date du 18 août 1950. Quelques instants auparavant, Pavese écrivait : Plus la douleur est déterminée et précise, plus l'instinct de vie se débat, et tombe l'idée du suicide. Pendant la guerre d'Algérie, Danielle Collobert s'était engagée dans un réseau de soutien au FLN, ses Carnets portent également trace de ses voyages, par la simple nomination de villes le plus souvent. Mais l'essentiel est l'écriture, ce qu'elle traverse et par quoi elle est traversée, tout ce qu'elle a impliqué pour cette femme, et notamment cette folle intransigeance qui devait la conduire à ne pas « succomber » à la félicité, au désir reçu comme une menace dans la mesure où l'« écriture n'est pas de ce côté-là : Ce désir est sans issue — transformer ma vie à partir du désir = complètement fou — jamais été dépendante d'un désir physique jusqu'à présent — qu'est ce qui m'arrive — comment vais-je m'en sortir — ». Paradoxalement, dans leur brutale incandescence, les écrits de Danielle Collobert sont une participation totale à la vie de l'homme, et c'est bien notre mal le plus obscur qui se déchire dans ce qui nous reste d'elle, le sentiment parfois de n'être au monde que pour relier une naissance à une mort.» (Jean-Baptiste PARA, Europe, janvier-février 1984, p. 208-209.) Que le dévédé d'Europe est un extraordinaire corpus de recherche, j'espère en apporter bientôt une autre preuve, quand j'arriverai à finir mon article (et à le faire paraître). En attendant, j'ai fait mes trois cours, dont un séminaire de cinéma où nous avons décortiqué presque image par image les 8 premières minutes de Bon Voyage, pour montrer comment se fait une analyse — exercice auquel nos étudiants sont hélas trop peu préparés. Puis j'ai pris le train. Exceptionnel, un jeudi ! À l'Institut, il y avait une conférence de Françoise Sabban, directrice de la Maison franco-japonaise mais aussi spécialiste de l'histoire de l'alimentation en Chine. À l'écouter parler des différentes phases par lesquelles sont passées l'alimentation et la gastronomie chinoises en Chine depuis une trentaine d'années, j'avais l'impression de lire à livre ouvert dans l'Histoire, avec un grand H, de ce pays. On néglige, on méprise souvent la cuisine comme champ d'étude universitaire, on lui préfère l'anthropologie, la sociologie, la démographie, etc. — et l'on a tort. Comme l'a indiqué FS ce soir, qu'il s'agisse du nombre de restaurants gastronomiques, de la disparition ou de la réapparition des gargottes de rue, de l'accueil fait au fast-food, de la promotion de revues spécialisées, de la réédition de vieux manuels de cuisine, de l'organisation de concours et de congrès, de la définition de grandes cuisines régionales, etc., les informations alimentaires et culinaires dressent un portrait historique d'une grande fidélité et parfois plus fiable que les messages des politiciens ou des idéologues — à l'instar d'une autre histoire par la bande, celle de la Comédie-Française sur France culture, que j'ai commencé à écouter, qui est fort instructive et bien illustrée. Je n'ai donc pas perdu mon temps. Puis j'ai filé, sans même saluer les amis que j'avais aperçus dans la salle. Il était presque 21 heures, T. m'attendait. Il faisait frais déjà. Commentaires1. Le jeudi 27 octobre 2005 à 09:29, par vinteix : "Le saint s'occupe du ventre et non de l'oeil", Lao-tseu. 2. Le vendredi 28 octobre 2005 à 09:02, par Bartlebooth : Comment cela aurait-il été pris si Pierre Bayard
avait proposé d'améliorer l'oeuvre ratée de Danielle
Collobert ? 3. Le vendredi 28 octobre 2005 à 11:32, par vinteix : "blanche" et "coterie"... et alors ? 4. Le vendredi 28 octobre 2005 à 13:57, par Bartlebooth : et alors rien, tirez-en ce que vous voulez, 5. Le vendredi 28 octobre 2005 à 14:17, par cel : un concentré de blanchoterie de substitution, pour le dire en toute simplicité 6. Le vendredi 28 octobre 2005 à 14:18, par cel : ou de franche sauterie par sublimation 7. Le vendredi 28 octobre 2005 à 14:20, par cel : j'arrête, pardon, je sens que je dis trop de coteries |
Vendredi 28 octobre 2005.
Je dîne et je suis à toi... Même dans le plus mauvais livre, on trouvera d'excellentes paroles. Plus j'avance dans celui-ci, plus je m'y ennuie. Un épisode de secte était un peu plus animé mais il s'est achevé sans suite ni résultat. Le décousu du personnage est tellement pathétique que je ne lis plus que pour savoir ce qu'il peut y avoir de pire — littérairement parlant. Dire que ce truc risque d'avoir le Goncourt, c'est dire le total discrédit de ce jury. Avec aussi de la franche immoralité, qui ne date pas d'aujourd'hui : il y a un siècle, ce prix était conçu pour aider un nouvel auteur, prometteur et plutôt dans le besoin... Bien sûr, si Toussaint l'a, je dirai que c'est un jury intelligent. Même Weyergans... « Je me sentais de plus en plus mal à l'aise : on m'avait souvent parlé show-business, plan médias, microsociologie aussi ; mais art, jamais, et j'étais gagné par le pressentiment d'une chose nouvelle, dangereuse, mortelle probablement ; d'un domaine où il n'y avait — un peu comme dans l'amour — à peu près rien à gagner, et presque tout à perdre.» (Michel Houellebecq, La Possibilité d'une île, p. 153-154) J'ai dû ressentir ça quand j'avais treize ou quatorze ans. Bienvenue au club. Je ne suis pas non plus très emballé par l'Histoire de la lecture qu'essaie de nous conter Alberto Manguel. Dissertations d'érudit à déguster dans un bon fauteuil cuir, avec des glaçons sucés et resucés. Mauvais départ : tout de suite centré sur l'Occident, Saint-Augustin et tout ça... Tel que c'est parti, ça va être une histoire de la lecture humaniste et bourgeoise. Trop peu pour moi. Je n'ai rien contre l'humanisme mais ce n'est pas objectif. La lecture, ça commence avec des traces d'oiseaux dans la neige, des couleurs de nuages, des bornages de terrains, des barres griffées à des troncs pour compter des bêtes... Non, je n'ai pas mauvais caractère. Mais mon temps est compté. Avec un mal de tête. Et des travaux juste devant nos fenêtres. Je sors me promener un peu dans l'après-midi. Je marche jusqu'à l'hôtel Edmont, dans ce quartier en totale modernisation depuis trois ou quatre ans, bureaux et administrations, et où la vie commence à s'étoffer. M'assied sur un banc pour préparer un peu mon cours de demain. Prends quelques photos. Dont celle de ces bureaux où, à chaque étage, trônent des portraits de personnages mêmement disposés, sans doute importants pour l'entreprise ou la famille, mais pas les mêmes... Remonté au hasard jusqu'à la station Suidobashi, j'entre dans l'enceinte du Tokyo Dome, immense stade couvert entouré d'un parc de loisir et d'attractions foraines. Pas de match aujourd'hui, c'est relativement calme, c'est-à-dire tout de même très animé. La grande roue est vraiment haute et permet sans doute de voir loin, jusqu'au Mont Fuji, et toute la mégapole de Tokyo. Elle n'a pas d'axe, la grande roue, pas de rayons, alors on y a fait passer des montagnes russes qui traversent aussi un bâtiment, derrière. C'est à ce moment que David m'appelle, me rappelle plutôt puisque j'avais essayé de le joindre en début d'après-midi. Je voulais lui dire que le document de l'Ambassade au sujet de l'ilotage de secours des Français en cas d'extrême nécessité (séisme ou autre), trouvé dans un recoin du site web de ladite ambassade par le pugnace Christian, ne mentionnait que le Japon de l'Est (la Circonscription consulaire de Tokyo). David me confirme que Nagoya fait partie de l'ouest, doit donc être géré par le Consulat à Osaka. Mais pas de lien web de Tokyo à Osaka ! Sur cette page, on parle bien d'Osakaka (kaka, si, si !), mais pas de lien vers là-bas. Trop loin, sans doute. On n'a pas leur adresse web. Si mes parents me cherchaient par exemple, dans l'urgence d'une catastrophe, il faudrait déjà qu'ils aient un mode d'emploi du Japon ! (L'autre bout du Japon, il est là !, avec des infos périmées, d'ailleurs...) Après cet intermède, je reprends ma promenade, au hasard, comme Lol dans les rues de S. Tahla. Oui, parce que je continue à lire, de temps en temps... Vers le nord du Tokyo Dome, je ne suis jamais allé à pied à la station de Korakuen. J'y suis déjà passé en métro. C'est même pas loin de là, dans le quartier de Koishikawa, un peu plus au Nord de Korakuen, qu'il y a treize ans et quelques mois, mon ex (qui n'était pas encore mon ex) et moi avions été logés par l'université qui m'invitait au Japon. Sur les lieux de ce passé, j'avance toujours prudemment. Mais rien n'est reconnaissable. Il y a maintenant un immense centre commercial en bordure du parc d'attraction, mêlé à lui et à la station de métro. S'appelle LaQua. Décline le thème de l'eau... Du bon boulot. Je ramasse des infos pour de futures promenades avec T. car après tout ce n'est jamais qu'à vingt minutes à pied de chez nous, si l'on vient directement ; ça en fait le centre commercial le plus proche. Voilà, Lola, je rentre, je fais la sieste, je dîne et je suis à toi... Commentaires1. Le vendredi 28 octobre 2005 à 10:54, par alain : On raconte (je n'ai pas tapé google) que les couilles
du personnage de la sculpture d'inspiration assyrienne (selon Pierre Bayard)
qui orne la tombe d'Oscar Wilde au Père-Lachaise, couilles absentes,
ont été cassées d'un coup de parapluie. Une Anglaise
aurait été choquée par la vision du mâle pendentif.
L'objet trônerait sur un bureau, plutôt celui du directeur du
cimetière. 2. Le vendredi 28 octobre 2005 à 14:27, par Bartlebooth : Je ne connais ce livre que par les recommandations qui en ont été faites ici et par la critique que je suis allé lire chez fabula.org et, de loin, je reste très sceptique sur cette "psy-chic-fantasy". D'autant qu'une fois, je me souviens, j'en frémis encore, j'avais feuilleté ce livre, "Comment améliorer les oeuvres ratées", et j'avais trouvé ça ni drôle ni intéressant, juste condensé de blanchisserie (hm ?). 3. Le vendredi 28 octobre 2005 à 15:11, par FB : oui, je connais bien la bouquinerie du passage Jouffroy, et
le Tanguy ci-dessus on s'est causé par mail cet aprem 4. Le vendredi 28 octobre 2005 à 18:51, par alain : 3 heures 47. 5. Le vendredi 28 octobre 2005 à 18:56, par Bartlebooth : Tony Duvert, c'est Renaud Camus, mais chut faut pas le dire. 6. Le vendredi 28 octobre 2005 à 19:04, par cel : Renaud Duvert, c'est Tony Duparc, mais chut 7. Le vendredi 28 octobre 2005 à 19:08, par Bartlebooth : Jean-Denis Duparc, c'est Renaud Duvert mais flûte 8. Le vendredi 28 octobre 2005 à 19:11, par cel : on a perdu denis duvert dans l'histoire 9. Le vendredi 28 octobre 2005 à 19:12, par cel : 4h11 10. Le vendredi 28 octobre 2005 à 19:23, par Bartlebooth : Tony aurait été Denise si quatre mains avaient
écrit 11. Le vendredi 28 octobre 2005 à 20:16, par alain : 5 h 08 12. Le vendredi 28 octobre 2005 à 23:56, par FB : sur Bayard, je réponds sur mon propre blog, mais je
n'aurais pas écrit cette réponse sans ce dialogue ici chez Berlol 13. Le samedi 29 octobre 2005 à 00:32, par alain : J'ai lu le lien sur tierslivre.net, qui est plus intéressant
que le livre dont il part. 14. Le samedi 29 octobre 2005 à 00:56, par FB : ah la la, s'agit pas de jouer Bayard contre Rabaté
ou le contraire : dans ma caisse à clous j'enlève pas les tournevis
sous-prétexte qu'il me faut une pince multiprise 15. Le samedi 29 octobre 2005 à 01:37, par Berlol : Intéressante discussion, ici... 16. Le samedi 29 octobre 2005 à 03:13, par FB : c'est bien qu'on t'intéresse, nous qui faisions gaffe à pas faire trop de bruit pour pas déranger ta best-seller sieste... 17. Le samedi 29 octobre 2005 à 03:53, par alain : Comme c'est bien de ne pas connaître personnellement
les gens, de ne pas les voir, de ne pas leur parler et, cependant, ici, percevoir
quelques voix sur des thèmes familiers. 18. Le samedi 29 octobre 2005 à 16:10, par Cécile : Alain, je n'ai que commandé pour l'instant demain est écrit, je l'attends... (cette phrase quand on y pense !) Le problème c'est qu'entre un bout de fil de fer et la pince multi-prise... j'aime bien les petits trucs de rien qui font bien d'être là, la bonne bricole qu'on fait avec des bouts, mais à choisir et pour rompre là la métaphore fil-ée, j'ai du coup bien envie de lire aussi (comment fait-on, Berlol, pour souligner un mot ?) Rabaté et Starobinsky (rien que ça, tout ça, et en plus merci)... Chez Vendredi, zauront bien ça ?... 19. Le dimanche 30 octobre 2005 à 00:14, par alain : Vendredi, Cécile, vous connaissez la librairie Vendredi
? 20. Le dimanche 30 octobre 2005 à 01:40, par Bartlebooth : Dans le genre (science-)fiction littéraire, je suis
sûr de préférer Enrique Vila-Matas (le Mal de Montano,
les bartlebys, les shandys) - et lui est vraiment dans la fiction... Le problème
avec Bayard, - voyez avec quelle effronterie je me permets d'en parler sans
l'avoir lu, mais je ne vais pas m'empêcher d'en penser quelque chose
sous prétexte que je ne peux pas m'acheter du superflu (ça me
rappelle qu'hier d'ailleurs, en passant à Culture avant d'aller voir
Dada, j'ai vu "Célébration de la poésie" de Mescho mais
que soldé à 11€ il était encore trop cher pour m'apporter
pas beaucoup plus que ce que j'en pense déjà) - le problème,
ce doit être qu'il n'est ni un fou littéraire ni un rigolard
qui ferait dans le canular. Non, il est sérieux et a des idées
dont la bêtise a la prétention (ou l'inverse) de vouloir troubler
notre rapport au temps et à la littérature, et avec un ton
philopsy, berk. 21. Le dimanche 30 octobre 2005 à 14:21, par Cécile : Oh oui Dubillard ! suis juste en train de lire un texte de
lui, que je savoure petit à petit depuis quelques semaines, il est
dans mon sac et je le sors dans le métro, or souvent il y a à
regarder dans le métro donc je prends mon temps pour ce court texte,
acheté malgré son allure marketting (Folio 2 euros, texte extrait
pour l’occase de l’ensemble "Olga ma vache,…"), mais suis fauchée moi
aussi (il nous sert mal cet outil là !), et cette illustration au
dessous du titre d’irrésistibles belles et bonnes cigarettes, moi qui
venait tout juste d’arrêter de fumer (la contradiction tuera plus que
le tabac !!) bref : Confessions d'un fumeur de tabac français, et
c'est un régal, drôlerie, finesse, justesse, écriture
qui surprend à chaque ligne ! Je ne connaissais pas du tout ce recueil
La boîte à outils, on dirait un peu Ponge, mais qui ?vole? pluss.
J’emporte ce poème-ci… 22. Le dimanche 30 octobre 2005 à 18:17, par Berlol : Chère Cécile, 23. Le dimanche 30 octobre 2005 à 20:49, par alain : Oh lala, que de choses à lire ou lues, et les films
(ce film de Lubitch, The shop aroud the corner, j'en garde un souvenir de
joie proche de la lecture des Fioretti, de saint François, ou des Récits
d'un pélerin russe (je ne crois pas en dieu), l'enthousiasme, la générosité,
la fraternité (des valeurs qui puent des pieds souvent mais pas dans
ce film)). Et le poème de Dubillard, vachement bien. Et J.P. Martin,
que je ne connaissais pas. 24. Le lundi 31 octobre 2005 à 00:55, par vinteix : Alain : "l'enthousiasme, la générosité,
la fraternité (des valeurs qui puent des pieds souvent"... 25. Le lundi 31 octobre 2005 à 09:38, par Cécile : Vinteix : bien sûr, non, les écrivains qu'on
reconnaît comme tels ne sont pas foison, pas plus en ligne que dans
les librairies... ce n'est pas la profusion des sites-blogs qui me donne le
sentiment de découvrir des voix et de nouvelles manières (d'écrire,
de lire, d'aborder la littérature), mais la densité et la vivacité
des 4, allez 5 sites qu'on a enregistrés dans ses favoris.. 26. Le lundi 31 octobre 2005 à 13:01, par alain : Oh oui ! comme on a envie qu'ils s'embrassent ! Et le coeur
qu'on a pour eux en même temps qu'eux ! |
Samedi 29 octobre 2005. Les
glaces de votre sommeil. [RLVS-6] « Elle s'occupa beaucoup du jardin qui avait été laissé à l'abandon, elle s'était déjà beaucoup occupée de celui qui avait précédé, mais cette fois elle fit, dans son tracé, une erreur. Elle désirait des allées régulièrement disposées en éventail autour du porche. Les allées dont aucune ne débouchait sur l'autre, ne furent pas utilisables. Jean Bedford s'amusa de cet oubli. On fit d'autres allées latérales qui coupèrent les premières et qui permirent logiquement la promenade.» (Marguerite Duras, Le Ravissement de Lol V. Stein, p. 35) Dix ans de mariage, passés à U. Bridge, dix ans d'ordre, de douceur et de perfection (p.33) — toute imitative (p. 34) car Lol n'y est pas, là, Lol hiberne. Elle a pris un pont... en forme de U. Tout pont traverse quelque chose. Celui-ci non. Il vous fait quitter une rive à 17 ans, vous balade au-dessus d'on ne sait quoi, on ne sait où, et vous ramène sur la même rive, dix ans plus tard. Vous avez 27 ans. Vous vous appelez Lol et vous voyez passer Tatiana avec un homme, sans la reconnaître. Quoique... ce baiser, cette fougue, ça vous remue quelque chose au tréfonds (p. 38-39), ça se fendille dans les glaces de votre sommeil (p. 34), un peu de jalousie aussi. Vous envisagez déjà le prince charmant. Vous remarchez — dans les rues. C'est entre le retour de U. Bridge et ce baiser furtif que se situe le moment de l'erreur du jardin. Le narrateur qui nous mitonne ça aux petits oignons, les siens (« aplanir [...] défoncer », p. 37), choisit de signaler cet incident vraiment sans importance, croirait-on d'abord, — des petites erreurs, on en fait tous, alors pourquoi celle-ci ? — à moins que Lol n'ait fait que celle-ci en dix ans... Il s'agit très innocemment et en suivant son idée personnelle (après des années d'imitation des autres) de tracer les allées du jardin ; ce faisant, Lol projette quelque chose de sa structure interne, ou un certain constat de sa vie, en traçant des impasses qui obligent à revenir au porche pour prendre une autre impasse... Son histoire avec Michaël l'a ramenée à la maison natale, son mariage avec Jean idem. Est-ce promis à recommencement ? Probable qu'elle ne comprend pas comme nous son lapsus, puisque c'en est un, mais elle constate comme il est simple de faire des allées latérales... pour la promenade. Alors va pour la promenade ! Façon de commencer à se prendre en main. L'erreur de tracé du jardin est le point d'inflexion caché, le sésame involontaire qui libère un pêne dormant, met du jeu dans un corps trop bien ordonné, que le baiser viendra bientôt remuer... [/RLVS-6] On n'est pas arrivé à la page 51 ; faudra que j'accélère un peu, la semaine prochaine. Katsunori avait l'air de dire que je le pouvais maintenant, que les étudiants me suivraient. Essoufflé, je rentre à la maison pour resortir aussitôt avec T., aller chercher pitance au Saint-Martin avant l'après-midi sartrienne. La salle est loin d'être pleine, ce qui est tout de même étonnant. Au dernier colloque Sartre auquel j'ai assisté, à l'université Aoyama, en 2000, monté par le même enthousiaste professeur Ishizaki Harumi, il y avait foule ! Les films intéresseraient-ils moins ? Deux nous sont proposés. Le premier est du théâtre filmé, Les Mouches (1978), d'après la pièce de 1943. Je ne connais ni les acteurs, ni le réalisateur, mais c'est très bien joué, très juste dans une grandiloquence presque puérile (Oreste et Electre sont encore des enfants). Cette pièce que j'ai lue en gardant mes distances, que j'ai entendue sans y entrer, je la vois filmée et j'y pénètre totalement — malgré quelques lourdeurs. Je comprends enfin ce que veut dire Oreste quand il dit, à Jupiter : « Les mots que je dis sont plus gros que ma bouche.» Le second film, Les Orgueilleux (1953), d'Yves Allégret, transforme les mouches en bactéries avec un superbe coin du Mexique quand naît une épidémie de méningite cérébro-spinale. Entre les pétards et les cercueils, Michèle Morgan rencontre Gérard Philippe, forcément. Entre les deux films, presque une heure. J'ai le temps d'ouvrir mon portable pour le connecter, lire et commenter les échanges entre François et Alain, entrevoir DG avec qui j'aurais pu déjeuner hier mais que je n'avais pas réussi à joindre, enfin revoir Au Fil de l'O de nouveau installé en terres nippones, capturer Hisae pendant la pause de son cours pour lui donner un petit cadeau d'anniversaire, repasser au marché de produits biologiques qui se tient pour la première fois dans le jardin de l'Institut et faire un brin de causette avec FS et CF. Il a plu un peu. Quand je rentre à la maison, vers 20h30, le chantier de destruction des maisons est calme. Ça sent le cèdre. Mon regret du jour : avoir oublié les disques que j'avais promis à Katsunori. Je m'en veux. « Ils aimaient la rue de Turbigo parce qu'elle ne coupait pas le boulevard de Sébastopol à angle droit comme la rue Réaumur. Son dévouement à trancher les trois premiers arrondissements leur allait sans cesse, même sur le plan, qu'un trait de rouge surlignait, au mur. (Ce qu'il faut retenir c'est le tranchant.Le tranchant.) » (Alain Sevestre, Les Tristes, p. 63) Commentaires1. Le samedi 29 octobre 2005 à 10:30, par Alain Sevestre : C'est ainsi que commençait le livre dans sa première
version. C'est ainsi qu'il commença pendant des années, au brouillon. 2. Le samedi 29 octobre 2005 à 17:08, par Berlol : Ça ne m'étonne pas parce qu'on y trouve, comme dans le début actuel (définitif), un jeu / souci du dessin sur la carte, du schématisme à visée symbolique ou ésotérique, et comique en même temps. Le début définitif (cité le 29 septembre) est plus déstabilisant, aussi du fait qu'il n'est pas dans Paris (combien de milliers de romans se passent dans Paris ?), donc c'est très bien comme ça, à mon avis. 3. Le samedi 29 octobre 2005 à 21:45, par Alain Sevestre : Merci beaucoup de cet avis. 4. Le dimanche 30 octobre 2005 à 06:11, par Arte : Sinon, ça va ? 5. Le dimanche 30 octobre 2005 à 22:18, par Berlol : Pas mal, Arte. Et toi ? Ça faisait un moment que tu n'avais pas écrit quelque chose d'articulable... Des maux de dents, peut-être ?... |
Dimanche 30 octobre 2005.
Où il est l'absorbe. J'ai un peu de mal à réfléchir, ce soir. Ça déborde. Je gère... À la calme matinée d'intérieur — linge, aspirateur, bain — a succédé une gentille montée de la Kagurazaka, jusqu'à un restaurant de tonkatsu où je n'avais pas mis les pieds depuis le temps où un certain Serge m'y emmena. Encore un qui ne donne plus de ses nouvelles. Dommage que nous mourions sans nous revoir. La Chine où il est l'absorbe. Le milieu est une bouche transpercée d'un pieu — 中 Pendant que nous déjeunions de ce qui n'était pas si bon, trois ou quatre centaines de randonneurs du troisième âge ont défilé dans la rue, par contingents qu'autorisait le feu d'Okubo-dori. D'où venaient-ils ? Où allaient-ils ? J'avais vu des étudiants en colère, des ouvriers en grève, des processions en deuil, des colonies en vacances, des rollers en dimanches mais jamais encore des seniors en urban trek. Il y a du mouton dans toute foule — 群集 Suite du cycle Sartre à l'Institut. Les Mains sales ne le sont que par la nécessité de celui qui dit aimer les hommes... Et l'irrécupérable qui devait le tuer pour des principes l'a peut-être fait par jalousie. Bel enregistrement vidéo pour France 3 Bretagne Pays de Loire en 1978 (et non pas la version qu'annonçait le programme). Moins de trente personnes dans la salle. Sartre n'a pas la cote ! Trois du GRAAL, en tout cas... Passage à la maison. Au quatrième, T. trie les affaires de calligraphie de son père. Des kilos de papier vierge, des pierres à encre, des pinceaux de toutes tailles... De mon côté, je finalise et lance la nouvelle version de Litor, via le robot de l'université Paris 3. Six ans qu'on l'attendait, celui-là ! M'a quand même fallu près de deux semaines pour comprendre comment gérer tous les paramètres (d'ailleurs, je n'ai pas tout compris, mais pour l'essentiel, ça ira, je pense...). ...l'outil change l'écriture continue l'aventure humaine par la main tient l'outil... — 書体 Puis retour à l'Institut, de nuit. Cette fois, jointure parfaite : j'ai tenu compte du temps de présentation en japonais, jugée nécessaire dans le cadre du colloque, et j'entre dans la salle au moment même où finit le générique de Les jeux sont faits, film de Jean Delannoy de 1947, sur un scénario de Sartre. Si un peu d'émotion passe, grâce aux acteurs peut-être, c'est en oubliant tout le désagrément d'une histoire tirée par les cheveux. Je ne ferai pas ça tous les week-ends... Commentaires1. Le lundi 31 octobre 2005 à 03:05, par Arte : ben on fait aller hein ... 2. Le lundi 31 octobre 2005 à 03:55, par alain : Ce soir, France-Culture, studio 105, gratuit, Coco Rosie. |
Lundi 31 octobre 2005. Autant
la métaphore que la métabole. « Le fileur reste à trente mètres du lièvre. Mais même à cette distance, il faut du sang-froid. On a peur, vous verrez, d'être repéré. On a besoin de quoi sur le type qu'on suit ? de connaître les horaires, de vérifier qu'il va à son travail et non voir sa maîtresse, vérifier qu'il a une voiture, se renseigner si elle est gagée ou non. Les gens mènent leur vie, continuent de vivre une vie déjà commencée, n'en changent pas souvent. Nous, on se limite à un aperçu. On ne peut pas prendre en compte leur enfance. On véhicule des lacunes. On s'en tient là, à l'immédiat. On ne veut pas les connaître, on ne veut rien savoir, ou bien savoir le minimum, un nom, une adresse. Dès qu'on connaît, on a pitié, on ne veut pas avoir pitié, pas fraterniser. Les gens sont tous pareils, tous sauvables. Tous ont des circonstances qui atténuent le délit. Ça a un côté fumier, le contencieux.» (Alain Sevestre, Les Tristes, p. 100) Est-ce que cela répondra pour les odeurs de pied ? Est-ce que ce ne devrait pas être la solution par le vide pour tous les problèmes de l'humanité ? Est-ce que donner le pouvoir à Sarkozy et continuer la charité avec les SDF est ce que l'homme a de mieux à faire ? Les personnages de Sevestre ne pensent pas comme Sevestre (je crois), tout comme Bouvard et Pécuchet ne pensent pas comme Flaubert (j'en suis sûr). Ils expriment une virtualité paradoxale et sincère... Ce que file le fileur, c'est autant la métaphore que la métabole. « C'est l'époque où on quitte un petit peu le monde de la rédaction, à proprement parler. C'est-à-dire que l'exercice roi va soudain être l'explication de texte, et non plus la production de textes, de compositions françaises, comme c'était encore le cas à la toute fin du XIXe siècle. C'est une époque où on sent les choses basculer à l'école même. Par exemple, il ne s'agit plus d'imiter les écrivains, puisque c'était le principe de la composition — et on y revient maintenant, c'est tout à fait étonnant de voir comment l'histoire fait des boucles, des spirales, etc. C'était un exercice qui était très prisé à la fin du XIXe et qui cesse de l'être puisqu'on décide en gros que les écrivains n'ont plus à être imités, ils sont à part [...] » (Gilles Philippe dans l'émission Tire ta langue du 22 juin 2004.) On y revient maintenant, dit Gilles Philippe. Certains ici en savent quelque chose ! Je le cite parce qu'il sera jeudi après-midi à l'université Aoyama Gakuin dans le cadre du colloque Sartre pour parler de la langue littéraire en France de Gustave Flaubert à Claude Simon : pour une autre histoire de la littérature française (1850-2000). Je tâcherai d'apporter de Nagoya son Sujet, verbe, complément (Gallimard, 2002) pour me le faire dédicacer... hé hé hé... Ici, c'est le lieu du JLR, un des lieux où se croisent des gens qui lisent et des gens qui écrivent. Un lieu que je voudrais mieux cerner dans quelques jours. J'y réfléchis... C'est aussi le lieu du GRAAL, investi ce soir par l'esprit des Goncourt vilipendant d'avance ces jurés qui ne reconnaissent que les valeurs établies, qui donnent de l'argent à ceux qui en ont déjà pour qu'ils en aient encore plus. Le Goncourt, c'est souvent des cons qui se gourent... Et puis une belle discussion sur Assia Djebar. Et pourquoi elle est indispensable dans cette génération littéraire issue de l'Algérie de l'indépendance. Elle pose des ébauches de personnages, des situations floues, des paroles ambiguës. Le texte les tresse, les disperse et les rapproche. De ces interactions, l'espace lectural s'emplit et, selon les dispositions du lecteur, du sens se produit, plus volumineux que d'un texte narratif conventionnel. Ces façons d'être à part qu'ont ses femmes d'Alger (dans leur appar(jus)tement) donnent voix à leur diversité si difficilement transformable en une simple ligne politique. On en reparlera... Commentaires1. Le lundi 31 octobre 2005 à 08:29, par Arte : ok 2. Le lundi 31 octobre 2005 à 09:19, par Alain Sevestre : Les personnages s'appelèrent Brécat et Pétapernal
jusqu'à ce que Jacques Réda trouve que tout de même, oui,
bien sûr, vous faites ce que vous voulez, mais tout de même, enfin
comme vous voulez. Alors tout de même, l'hommage trop transparent eût
viré à la citation. 3. Le lundi 31 octobre 2005 à 09:28, par vinteix : Ouais, ok... 4. Le lundi 31 octobre 2005 à 10:09, par vinteix : ... Mazette ! Je parlais de tripes... et j'ai bien failli
vomir en venant d'ecouter a la fin du JT de 13 heures de France 2, interroge
par un journaliste debile, un certain Charles Dantzig qui publie chez Grasset
un "Dictionnaire egoiste de la litterature"! Une serie de propos baveux,
racoleurs, vides, commercialement provocateurs, sous-alimentes intellectuellement...
assenes avec une pretention proche du dogmatisme. Enfin, passons... il est
vrai qu'il y a bien longtemps que la litterature n'existe plus a la TV (en
France)... Entre parentheses, a-t-elle jamais existe au Japon ? Question sans
importance, ceci dit. 5. Le lundi 31 octobre 2005 à 11:15, par Arte : ok 6. Le lundi 31 octobre 2005 à 13:34, par alain : L'enthousiasme... 7. Le lundi 31 octobre 2005 à 19:12, par vinteix : L'enthousiasme peut aussi bien être un moteur du OUI que du NON. 8. Le mardi 1 novembre 2005 à 00:56, par Arte : OUI 9. Le mardi 1 novembre 2005 à 04:39, par Bartlebooth : Et CocoRosie, c'était bien ? De l'enthousiasme ? Pas de panne de fischerprice ? 10. Le mardi 1 novembre 2005 à 07:54, par alain : Coco Rosie, j'ai calé au dernier moment. Gratuit signifiait
un monde. La dernière fois, c'était à la Fondation Cartier;
réservation par téléphone; grosse file d'attente sous
la pluie; arrivé devant la caisse, non, on n'a pas votre nom. |