Jeudi
1er septembre 2005. Pacha comme deux. Tout s'est bien passé mais trop crevé pour écrire. D'autant que s'il est tôt plus tôt, ici, il est aussi plus vite tard, par rapport à la France. Enfin, je ne sais pas si c'est clair, ça... C'est bien la preuve du peu de disponibilité de mes neurones. Je vais aller m'étaler, pacha comme deux chats qu'on a vu tout à l'heure, sous une voiture, étalés, s'étirant, dere-dere (でれでれ, détendu comme pas possible...). Penser en millions d'années relaxe. (Antoine Emaz, Lichen, lichen, p. 43.) Oui, mais qu'il soit tôt plus tôt ou plus vite tard... tôt ou tard.... jcb 2005-09-01 16:35:52 de jcbourdais
voir samedi 27 août pour la librairie Vendredi. Dont je m'émeus tant qu'on parle ici. Par exemple, je repère mes livres dans une autre librairie disposant d'un stock plus confortable et vais les commander ici. On en discute. Puis quelqu'un passe qui a lu le livre. Puis on boit. Au reste, on achète le même vin chez Nicolas, c'est la preuve. Parfois, Gil s'absente et je tiens la boutique quelques minutes. Je travaille juste à côté, il faut dire. Oh lala. Je passe tant de temps dans cette librairie. C'est chez moi, voilà. 2005-09-01 19:26:49 de Alain
Okaeri 2005-09-02 03:49:24 de Manu
Otsukaresama de gozaimasu ! Okaeri nasai ! Koko atsui deshô ! Go yukkuri ne ! 2005-09-02 05:19:03 de dabichan
Merci à vous deux ! Traduction pour les non-japonisants : Bon retour à vous (nous, donc) Vous devez être bien crevés, non ? Fait chaud, ici, hein ! Faites bien gaffe à vous ! Pour Alain : ça m'a fait très plaisir de tomber sur cette librairie, et pas étonnant que vous la connaissiez. La prochaine fois, on s'y retrouve ! 2005-09-02 05:44:16 de Berlol
|
Vendredi
2 septembre 2005. Des choses ampoulées
qui déplaisent. Pendant que j'avais la tête en l'air — à 9 ou 10 mille mètres, quand même — quelqu'un m'a écrit pour me dire qu'après citation dans mon JLR du 30 (et non du 31, certains huissiers l'auront remarqué, je pense), je l'avais « décidée à acheter » et à lire le livre de Michel Houellebecq, que l'extrait que j'ai cité, comparé à ma « prose ampoulée », l'avait convaincue ; enfin, que je pouvais continuer mon « journal .......culaire.» Je la remercie bien de son autorisation. Faudra que je vérifie le sens du mot ampoulé, tout de même. Ma foi, c'est bien possible. Ça doit être quand j'emploie des noms comme verbes, ou quand j'amalgame des mots, ou quand j'ajoute des suffixes. Des libertés qui m'amusent et qui me paraissent simples, et compréhensibles — mais peut-être que des gens cherchent ces compositions dans des dictionnaires et, ne les y trouvant pas, évidemment, croient que je les tire d'un français ancien ou réservé à des élites. En tout cas, si je veux vendre des livres, un jour, faudra que j'évite ça. Surtout si je veux vendre en quantité. Pour ce qui est du livre de MH, je crois qu'à quelques heures près, on a eu droit à des dizaines de citations pas piquées des vers. Je ne suis donc pas certain d'avoir été si prescripteur dans le choix de ma correspondante. Pour les personnes du beau sexe qui aiment se faire traiter de « pétasse » à toutes les pages et être synecdoquées en « chatte » par un dépressif qui n'a même pas le courage de se jeter du haut d'un pont, c'est effectivement un bon livre. Les chiffres de vente donneront ainsi le degré de masochisme et de déconsidération de soi de la population féminine française, malheureusement confondu au degré de vulgarité et de misogynie de la population masculine (j'étais même très étonné en voyant Campus que, féministe comme elle l'est, Josyane Savigneau ait pu aimer ce livre et prendre la défense de son auteur — ou c'est un génie littéraire, ou la soupe est bonne). C'est sans doute le même masochisme qui pousse de temps en temps cette correspondante à lire chez moi des choses ampoulées qui lui déplaisent. Certes, elle n'a pas écrit que ça lui déplaisait... Mais ampoulée, même si on éteint la lumière et qu'on la déplume, ça reste à connotation négative. Petite expérience connotativo-attributive (4, sur l'échelle d'ampoulage qui en compte 7). Représentez-vous chacune de ces citations comme une vérité littéraire, ne serait-ce qu'un instant. Le sens de la phrase citée n'en est-il pas quelque peu changé ? (Celles et ceux qui répondent « non » ont perdu d'avance.) « Dieu existe, j'ai marché dedans » (grafitti d'Aix en Provence, ou slogan de 1996)C'est aussi un moyen de dispersion dans Google, pour une citation qui de toute façon n'est pas une création de Houellebecq. Qu'on se le dise. J'ajoute, à propos du parodique Livre de Daniel que Houellebecq a fait mettre des titres courants qui imitent les références bibliques... Par jeu ? Par mégalomanie ? Par prophétisme ? Son journal nous l'apprendra peut-être un jour... S'en sortir. Encore en partie à l'heure française, je ne sais pas quand il faut dormir ou veiller. Sorti faire des courses, je redécouvre que j'habite derrière l'Institut franco-japonais. Il y a un festival de cinéma brésilien qui commence aujourd'hui. L'année du Brésil en France fait des petits jusqu'ici. Demain, j'irai chercher le programme. Et puis, il faut que je prépare mes cours. On a fait deux machines et le linge sèche très vite, bien qu'il ne fasse pas aussi chaud qu'on le craignait. J'enregistre à tour de bras les émissions de France Culture que je n'ai pas eu le temps d'écouter depuis plus de quinze jours. Au milieu de cette vie minuscule qui est la nôtre, je reçois comme tout le monde les effarantes nouvelles de la Louisiane. Effarantes et contradictoires en ce qui concerne les pillages et la violence. Les médias semblent avoir des sources variées et peu fiables, crédibles selon l'idée préconçue collective et inconsciente de la rédaction : un coup, c'est que tout est maîtrisée, ce n'est qu'une question d'heure et d'acheminement des moyens ; un coup c'est l'état de sauvagerie absolue, tout le monde pille, flingue, viole. Deux choses sont sûres : les images montrent surtout des Noirs (les plus pauvres ? les seuls qui sont restés ?) et la France est en partie responsable des inondations de New Orleans (ce sont des Français qui ont décidé de mettre cette ville dans une cuvette il y a près de 300 ans). j'aime ton blog...Un amour pour la littérature moderne,classique et surtout de jeunesse qui me plait pour la lousiane...que dire....L'homme mange l'"homme,son pair 2005-09-02 18:58:10 de cecilia
Vie minuscule ? Attention, ta correspondante doit trouver le style de Michon très "ampoulé" . 2005-09-02 19:08:37 de Arte
"L'Amerique, ca n'existe pas. Je le sais, j'y suis alle". Une nouvelle fois me reviennent a l'esprit ces paroles memorables du film d'Alain Resnais... Il y a bien longtemps, deja (et l'un des premiers a l'avoir dit fut Hermann Melville), que le reve americain a trahi son beau credo de liberte... une nouvelle fois misere symbolique et misere tout court nous sautent a la figure... les images exhibees au monde entier montrent le versant noir (sans mauvais jeu de mots) de l'Amerique malade, epuisee par ses inventions et ses simulacres, pretendant faire regner son ordre mondial et incapable de soigner ses propres enfants. Miserable ! Pathetique ! Monstrueux ! Malgre tout... bon retour au pays. 2005-09-03 05:19:58 de vinteix
Mais non, ma poule, ton style n'est pas ampoulé! Ni à lame, biquet... (Tu sais que j'ai parfois l'accent du midi) Pour l'Amérique, je suis de plus en plus sceptique par rapport aux affirmations assénées sur sa soi-disant incapacité de s'occuper de ses pauvres. Je viens en effet de lire un livre fort édifiant écrit par Bernard Zimmern, un des responsables de l'IFRAP (fort! tout un programme!) ( http://www.ifrap.org/ ) "Les profiteurs de l'État" (Plon). http://www.ifrap.org/archives/livres/profiteurs.html Il y met en garde les lecteurs sur la manière dont les comparaisons avec les États-Unis sont effectuées, de manière, évidemment, à mettre en valeur la société française, si égalitaire, si sociale, etc... Mes yeux se sont désillés! 2005-09-03 12:06:54 de Christian
Et une répétition (manière)! Bouh! 2005-09-03 12:08:01 de Christian
Tout aussi monstrueux que le visage de l'Amerique... les expulsions sarkoziennes d'hier... 2005-09-03 12:27:05 de vinteix
...et maintenant on entend la presidente du Medef declarer que la precarite est "une loi de la condition humaine" !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! Non, cher Christian, si j'attaque les USA, ce n'est pas pour plaider en faveur de la Phrance ! 2005-09-03 14:05:42 de vinteix
Les images me font penser à celles du tsunami de décembre dernier. Comme quoi aucun pays n'est à l'abri des catastrophes naturelles et de leurs conséquences, même les plus riches. Il serait peut-être temps d’accorder plus d’importance à la problématique des changements climatiques qu’à la sacro-sainte économie américaine et le pétrole qui va avec… 2005-09-03 15:04:14 de Manu
"féministe comme elle l'est, Josyane Savigneau ait pu aimer ce livre et prendre la défense de son auteur" Hélas, Josyane Savigneau fait partie de la même "mafia" que Sollers. Il faut être réaliste, dasn ce milieu des critiques littéraires, ceux du Monde ne sont pas plus crédible que ceux du Masque et la Plume (demain soir, ils encensent MH) et des Inrocks etc... Lisons le Matricule des Anges, revue loin du compinage parisien. 2005-09-03 17:38:00 de Caroline
Berlol, enfin, ta photo sur le blog! (le tengu). Au fait, quel appareil utilises-tu? Je trouve tes photos toujours très réussies. Vinteix, la précarité, les chefs d'entreprises ne la conçoient pas pour eux (stock options, etc). Mais il y a pire: les fonctionnaires! Encore une fois, l'IFRAP mérite qu'on aille faire un tour sur son site... http://www.ifrap.org/ 2005-09-03 18:59:26 de Christian
|
Samedi
3 septembre 2005. La plupart des politiques ne se
jugent pas responsables. Je serai bref, ayant passé une bonne partie de la journée devant l'écran pour actualiser l'index du JLR avec les pages de juillet (c'est en ligne, il me reste août à faire). Au demeurant (dans mon fauteuil), il y a peu de choses à dire. Sur France Info, on annonce que la piste criminelle est maintenant privilégiée dans l'incendie de l'immeuble du bd Auriol (Cf. JLR du 26/08). Je lisais justement avant-hier, sur le cousu main de Caroline du 27, que mon idée ne l'avait pas choquée, et que si l'on pouvait avoir ici un Romain Duris apportant des rats dans la cage d'escalier, on pouvait très bien avoir là un incendiaire, même un incendiaire pas bien méchant qui ne sait pas vraiment ce qu'il fait, par exemple un camé alimenté par un petit truand, lui-même en cheville avec un agent immobilier, le premier ne voyant jamais le troisième. M'est d'avis que la police est sur cette piste-là depuis le premier jour. Côté relogement des squatteurs de l'autre immeuble, celui du Marais, où là aussi la pression immobilière doit se faire sentir, j'ai pu voir et entendre sur i-télé une femme noire visiblement fataliste, disant à peu près que « puisqu'on est des Noirs, ils font ce qu'ils veulent de nous.» J'aimerais bien savoir, au niveau international, où l'on en est avec la question des races ! Il me semblait qu'après avoir été hiérarchisées, elles avaient été rendues égales. Puis que le pluriel lui-même avait été supprimé, une seule race humaine, les êtres humains, avec une diversité de couleurs, d'origines, de cultures, etc. Il me semblait que scientifiquement, on en était resté là, non ? Alors qu'est-ce qui fait que dans deux pays aussi différents, aussi soi-disant démocratiques que les États-Unis et la France, nous soyons soumis à la honte de voir que, par un jeu de contraintes économiques dont la plupart des politiques ne se jugent pas responsables, ce sont principalement des Noirs qui meurent des suites d'un ouragan, qui sont entassés dans des conditions indignes, qui sont jetés à la rue, etc. ? Me dira-t-on que c'est une coïncidence ? Les politiques et certains médias ne savent-ils pas : Que la criminalité de New Orleans était la seconde des États-Unis en nombre de crimes ? Que les digues étaient les plus fragiles du pays ? Que les crédits de réparation avaient été coupés pour soutenir l'effort de guerre ? Qu'un rapport prévoyait précisément ce qui vient d'arriver ? Qu'il y a des centaines de logements libres réquisitionnables dans Paris ? Que les plans de logements sociaux sont régulièrement revus à la baisse et retardés ? Que cela accompagne une volonté politique dont les conditions économiques supposent un racisme sous-jacent ? Vaut mieux que j'aille me coucher. Je mettrai des liens demain... C'est aux électeurs à juger les politiiques... C'est ça la démocratie 2005-09-03 17:50:22 de Frederic
tu ouvres une trappe très obscure, mais elle a toujours été au coeur du surgissement littéraire, de Saint-Simon qui écrivait de la politique et pas de la littérature, croyait-il, et le forçat des "Palmiers sauvages" dans la tornade et l'inondation du Mississipi à nous de faire qu'elle y reste, à cet endroit, non pas la littérature ce serait prétentieux, mais tout simplement qu'on pense et qu'on écrive c'est pour ça aussi que je suis heureux que tu aies accroché à Emaz (sans é) - tu devrais contaminer telle amie de l'institut que je ne nommerai pas pour le faire venir! juste : dommage que tu sois arrivé 1 jour trop tard pour nous faire profiter de la journée simulation "big one", il y a d'étranges photos de Tokyo en faux séisme dans Libé 2005-09-03 22:24:05 de FBon
Euh, Frederic, je suis d'accord sur le principe, mais là c'était pas trop la question. Et puis les électeurs, pour les politiques, je crois que c'est de la marchandise à voter qui se prépare loin en amont, maintenant. Les médias, avec des journalistes qui ont des opinions propres dont il ne font pas toujours abstraction, et qui sont sollicités par des lobbys de tous ordres, préparent, on devrait dire "cuisinent", les électeurs jusqu'au fond de leur inconscient. Pour François : skuzmwa mais Émaz est écrit avec un É sur la couverture de "Lichen, lichen"... Pour les essais d'évacuation du 1er septembre, je n'étais pas au courant, c'est en regardant le blog de CB que j'ai vu ça. Dans Libé ! Mazette ! 2005-09-04 11:10:56 de Berlol
oui, et on prononce émaz, mais cette semaine j'ai eu à me poser la question pour mes corr d'épreuves "ts les mots sont adultes", et "Pour Emaz, tu as raison, sans accent." alors que sur bouquin Dé Bleu aussi il y a accent... n'empêche, quel balaise. 2005-09-04 12:38:06 de FBon
|
Dimanche
4 septembre 2005. Leur transpiration n'a pas la
banalité de la mienne. Retour au centre de sport de T. à Shibuya. De 9h30 à 12h, étirement, échauffement, vélo avec lecture, course à pied sur tapis électrique inclinable, machines de musculation, bref : la totale. C'est l'opération éradication bourrelets. On déjeuner en haut de l'immeuble de choses light (mais bonnes tout de même, et d'un prix très raisonnable): salade au thon et spaghettis à la tomate. Initialement, nous voulions faire cela hier, mais un problème de calage dans le temps nous en a empêchés. Étions encore entre deux heures. Pas spécialement fatigués, seulement décalés. Mais ce matin, fini. C'est bien le Japon, là, derrière le rideau, ce n'est plus la rue Monge. Le coup de téléphone de David, hier soir, pendant la promenade, doit y être pour quelque chose : c'est sa voix autochtone qui m'a fixé dans le fuseau. La lecture, c'est Assia Djebar. La perspective du GRAAL m'enchante, revoir les amis. Dans la nouvelle que je suis en train de lire, l'écrivain de 1978, aujourd'hui à l'Académie française, prend des libertés folles et qui pourraient passer inaperçues aux yeux de tous ceux qui vivent en pays libre et développé, comme on dit. Les Femmes d'Alger dans leur appartement vont aussi au bain mais leur transpiration n'a pas la banalité de la mienne : dire que leurs pores sont ouverts, c'est comme dire que des portes sont ouvertes... « Anne se laisse peigner. Sarah écoute cette sourde musique et ces propos qui se cherchent. — Dans un village socialiste, intervient l'inconnue (et elle cite ses références : un quotidien en langue nationale que lui lit chaque jour son garçonnet de dix ans), des femmes, des paysannes, ont cassé des robinets, pour pouvoir aller chaque jour à la fontaine !... L'ignorance ! — La liberté ! réplique Baya qui sort de la chambre chaude... Comment leur a-t-on construit les nouvelles maisons ? Fermée, chacune, sur elle-même... Est-ce ainsi dans le douar ? « Que casser en moi, ou a défaut en dehors de moi, pour retrouver les autres ? Retrouver l'eau qui court, qui chante, qui se perd, elle qui libère mais peu à peu, en chacune de nous.» Sarah s'absente.» (Assia Djebar, « Femmes d'Alger dans leur appartement » (1978), in recueil de nouvelles éponyme, rééd. au Livre de poche, 2002, n° 30047, p. 101-102.) La météo annonce l'approche d'un typhon, après-demain, mais précédé de pluies très fortes dès ce soir — pas sûr du tout que j'aille à Nagoya dans ces conditions. Dans l'après-midi, quelques nuages menaçants, mais sans plus. On passe dans deux magasins à la recherche d'un grille-pain (c'est pour notre nouveau régime). Il n'y en a pas, il n'y a que des petits fours électriques. On n'en veut pas. On veut un vrai grille-pain ! Un vertical qui éjecte le pain grillé ! Passant par le réseau, on trouve sur des sites japonais une quantité phénoménale de modèles disponibles à l'achat en ligne, mais presque rien dans des (sites de) magasins. Est-ce un indice d'un certain basculement dans le fonctionnement du commerce : les magasins ne disposant (bientôt) plus que de quelques produits de grande consommation, de nouvelles gammes et de promotions, le réseau permettant seul d'avoir un choix complet ? On trouve enfin un magasin, auquel T. téléphone, qui n'a pas le modèle désiré mais qui en vérifie la disponibilité pour demain... À suivre. Ce soir, pendant qu'il pleut et qu'on a un peu mal partout, regardons Bon Voyage, le film de Jean-Paul Rappeneau, dans lequel il pleut pas mal aussi. Le rôle très désagréable d'Isabelle Adjani (personnage bien campé d'actrice prête à tout, je veux dire : se donnant à un ministre avant l'armistice de 40 puis à un journaliste-espion allemand qui la ramène de Bordeaux à Paris), le rôle lumineux de Virginie Ledoyen en contraste, bien sûr, et puis le rôle très amusant, décalé presque, d'Yvan Attal. Film agréable et proposant une assez bonne reconstitution de la débandade de juin 40. Pourrait bien servir pour mon cours, n'était sa longueur, presque deux heures... On verra. C'est quelques minutes avant le bulletin "météo marine" de France Inter que j'ai appris en plein golfe de Gascogne l'élection de Djebar à l'académie ; ce fut une sacré joie. C'est Yacine, Feraoun, Sénac, Mammeri, Anna Gréki, qui entrent dans son beau sillage de femme. Je tiens "Ces voix qui m'ass!ègent" pour un des bouquins les plus forts sur la confrontation linguistique qu'avait déjà abordé Kateb Yacine dans Nedjma. En écho à votre lecture - à propos de Delacroix :« Rien ne se devine de l'âme de ces dolentes assises, comme noyées dans ce qui les entoure. Elles demeurent absentes à elles-mêmes, à leur corps, à leur sensualité, à leur bonheur.» C'est dans la postface intitulée "Regard interdit, son coupé" et Djebar d'aborder le Picasso qui va s'imprègner de Delacrois, pour "renverser la malédiction" et inscrire "en lignes hardies un bonheur totalement nouveau". Les "dévoilées" se dénudent : "signe d'une renaissance des ces femmes à leur corps". Belle lutteuse, Assia Djebar ! Je suis heureux de cette connivence de lecteurs. 2005-09-05 05:58:37 de grapheus tis
Bonjour, Berlol, tu as retrouvé la forme! Je te trouve plein d'allant, "Biquet"... 2005-09-06 09:56:27 de Christian
|
Lundi 5
septembre 2005. Étrille les sensibilités
et abrutit les consciences. Marcottage, quand tu nous tiens... C'est le tour de JCB de découvrir Antoine Emaz — sans accent aigu à la majuscule, donc. Comme souvent, il le fait en grand. D'ailleurs, s'il voulait s'occuper du tableau de Delacroix, Femmes d'Alger dans leur appartement, ça me serait bien utile. Mais bon, vraiment si tu n'as rien de mieux à faire... Une bonne partie de l'après-midi, je lis sur le balcon. J'ai amené une chaise ; il fait juste tiède ; une pluie paresseuse pianote les feuilles sans m'atteindre. J'avance de quelques dizaines de pages dans les nouvelles d'Assia Djebar. Avec plaisir, et des notes, des questions dans les marges. Le ciel a des tons gris et marrons. Ce sont les nuées qui précèdent le typhon 14, celui qui a provoqué des inondations hier soir dans quelques quartiers bas de Tokyo — et qui n'est encore qu'entre Okinawa et Kyushu. Il est deux fois plus large que Katrina qui vient de ravager le sud-est des États-Unis et l'on attend cette nuit des vagues de 12 mètres du côté de Kagoshima. Son passage par chez nous est pour demain ; il devrait avoir faibli d'ici là. Ce soir, T. rentre à la maison en me disant qu'elle n'a pas pu avoir le pain anglais que l'on aime bien (pour les toasts) parce qu'un salopard a pris devant elle les trois derniers paquets. Fort étonné de la coïncidence, je lui lis le passage suivant : « À côté de moi, une vieille Anglaise (sèche, méchante, du genre à dépecer des renards pour décorer son living-room), qui s'était déjà largement servie d'œufs, rafla sans hésiter les trois dernières saucisses garnissant le plat de métal. [...] L'Allemand qui faisait la queue derrière elle se figea sur place ; sa fourchette déjà tendue vers une saucisse s'immobilisa à mi-hauteur, le rouge de l'indignation emplit son visage. C'était un Allemand énorme, un colosse, plus de deux mètres, au moins cent cinquante kilos. J'ai cru un instant qu'il allait planter sa fourchette dans les yeux de l'octogénaire, ou la serrer par le cou et lui écraser la tête sur le distributeur de plats chauds. Elle, comme si de rien n'était, avec cet égoïsme sénile, devenu inconscient, des vieillards, revenait en trottinant vers sa table.» (Michel Houellebecq, La Possibilité d'une île, Fayard, 2005, p. 19-20.) Une quinzaine de pages de Houellebecq lues ce matin m'ont rappelé non sa nocivité mais sa banalité, déjà ressentie avec ses précédents romans. N'était le battage organisé, qui étrille les sensibilités et abrutit les consciences, on verrait assez que son écriture est plutôt académique, avec narration passé simple / imparfait, mâtinée de passé composé, quelques dialogues, quelques anecdotes, ou faits divers qui font histoire dans l'histoire. Le ton est tel, travaillé ou non, que le lecteur est enclin à s'apitoyer, quel que soit le narrateur, se confondrait-il avec l'auteur. Or cet apitoiement est l'émulsion sucrée qui va faire passer, chez nombre de lecteurs, j'en suis convaincu, le sexisme et le racisme, pour ne citer que ces deux choses insupportables-là. Ce que l'on peut être amené à accepter d'un beauf malheureux contient cependant la même dose de saleté humaine que dans un discours échevelé d'extrême-droite. C'est par l'étude précise de ce mécanisme littéraire qu'il convient à mon avis de lutter contre la machine commerciale et publicitaire d'une part, contre la banalisation de ces idées et comportements d'autre part. en accord avec juste ce truc incompréhensible : que ceux qui font le battage ce n'est même pas ceux qui en bénéficient... F 2005-09-05 17:33:30 de FBon
en accord avec ce ce truc juste incompréhensible : que tous ceux qui écrivent un article démontent pendant quatre paragraphes le bouquin en montrant, avec multiples citations repoussantes, le vulgarité et la nullité du bouquin et finissent , dans le dernier paragraphe par dire : lisez-le c'est super. Que PERSONNE n'ose écrire noir sur blanc : je n'aime pas ce livre, il est mauvais et c'est une merde. (à part jusqu'ici Onfray qui dans Lire fait une analyse sans fard) On ne m'empêchera pas de penser,que oui, il y a là une certaine faillite, pourquoi ne pas dire faillite certaine, de la critique, des critiques, dont quand même, François, certains en bénéficient, j'en suis sûr. 2005-09-05 18:38:03 de jcbourdais
ce serait tomber dans le même panneau que d'en parler trop on me l'a offert gratos un peu avant sa sortie dans lieu pro, il y a tjs des pages qui font plaisir, genre démontage circuits art contemporain ou fonctionnement des médias fric, mais dans une avalanche répétitive de porno soft et de provoc aussi bien calculée qu'une planche de menuisier j'ai calé : et, comme Berlol, ce qui me hérisse désormais de + en + c'est cette acceptation d'un avilissement et qu'il soit tout le temps dans le même sens, on ne peut pas lire sans très vite se sentir complice, et dégradé mais le système fou réagit comme pour montrer sa folie, et la plus suicidaire je retourne à Jules Verne, escusez moi j'ai z'un article 2005-09-05 18:52:04 de FBon
Oui, oui ! Que JCB s'occupe des FEMMES D'ALGER et qu'il pousse jusqu'à la "méditation" de Picasso dont parle Djebar(Voir dans le catalogue "le dernier Picasso", p. 24 & p.149, 150,151). 2005-09-05 23:22:13 de grapheus tis
Dis donc, Berlol, faut arrêter le viagra... t'es tout rouge! 2005-09-06 10:02:19 de Christian
Oui, tiens, Christian, pendant qu'on y est (Salut !, au passage, ça va toi ? Et la petite famille ?), dis-moi, comment tu pourrais définir le "tengu"? Celui-ci (colonne de gauche) est de Beppu, posé sur un parking. Avec la page u-blog du 4 mai, ça fait un drôle d'effet ! (http://www.u-blog.net/berlol/note/435) 2005-09-06 10:27:42 de Berlol
Merci, ça va! La petite a déjà bien poussé! On passera vous voir avec elle courant septembre. À moins que ce ne soit vous qui veniez à notre chalet (à Nipppori). Pour les "tengu", voici ce que dit l'encyclopédie wikipedia à l'article "Japon". http://fr.wikipedia.org/wiki/Tengu "Les tengu (天狗) sont des dieux (kami) mineurs du folklore japonais. Ils font partie des traditions de la plupart des religions japonaises, le shintoisme et le bouddhisme, où ils sont classifiés dans les marakayika. Ils sont parfois associés aux dieux Saruta-hiko, Susano-o, et Karura. Les tengu sont un sujet populaire de l'art, du théâtre, et de la littérature japonaise." Un peu court mais pas mal pour un début. Bien sûr, il y a des liens à suivre. 2005-09-07 04:02:46 de Christian
|
Mardi 6
septembre 2005. Une trombe d'eau en guise de rame. « BAYON. La photographie illustrant l’article consacré à Bayon (« Le Monde des livres » du 26 août) représente le phare de Nidivic et non celui du Creac’h.» (in Le Monde des livres du 1er septembre, page 2) « À l'heure de l'ouverture du magasin, les cabas regorgeront de pommes de terre.» Michel Onfray (Lire, sept. 2005) Jour intermédiaire. Des choses à finir. D'autres à commencer. Hésitation, chipotage, tout avance un peu mais rien de concret n'en sort. Un peu comme le typhon vu de Tokyo. Des bulletins météo en disent toute la violence dans le sud du pays mais son tracé prévisionnel dévie d'heure en heure vers le nord, de sorte que la pluie a même cessé de tomber en début d'après-midi, le ciel à se dégager après le coucher du soleil. Des choses ont été reportées en prévision ; des gens restent à ne rien faire ; la circulation se traîne sans coincer. Après le déjeuner dans un nouveau restaurant de sobas où, pas mauvais certes, rimeraient presque prétention et pingrerie (Kyourakutei, 蕎楽亭), partons braver les élements en quête de notre grille-pain. À Sendagi, quand nous sortons du métro où je craignais sans cesse que nous déboule une trombe d'eau en guise de rame, il ne pleut même plus. Que les parapluies s'égouttent ! Aller à Sendagi quand vous habitez à Iidabashi, c'est comme qui dirait aller à Botzaris quand vous êtes à Pont-Neuf, pour ceux qui connaissent le métro parisien. Quand c'est pour un grille-pain, on se demande si vous n'avez pas les fils qui se touchent. Mais voilà, l'araignée du plafond se porte bien et on rentre à la maison en allant à pied rejoindre la station Honkomagome qui nous permet d'attraper une ligne directe, pébroques en berne. Mon père a téléphoné à 8h30 du matin, après avoir vu des images alarmantes de typhon nippon, sur fond d'ouragan cajun. Ça ne rate pas : vers 21h, c'est ma grand-mère qui appelle, inquiète itou. Comme on sait que c'est parce qu'ils nous aiment, on ne leur en veut pas, bien sûr ; mais si les médias faisaient mieux leur boulot en indiquant où est le sud du Japon, ça nous rendrait service. D'ailleurs, si nous étions inondés, ils n'arriveraient pas à nous joindre sur notre ligne fixe. Et le réseau du téléphone portable serait saturé. Atelier d'écriture : imaginez un récit où l'impossibilité de joindre une personne, la tonalité d'absence joueraient le rôle de la voile noire. Et taisez-vous, c'est l'heure d'aller dormir. Moi je vérifie si ton blog a été mis à jour pour savoir si tu es encore en vie ;) ! 2005-09-07 03:08:37 de Manu
Pour le typhon, il semble que cela soit plutôt la côte Ouest qui se le prenne (Niigata...). Étrange route que celle qu'il suit cette fois-ci, on peut le dire. Voici un très bon article, alors que peu de textes en français parlent du marché du travail au Japon. « Le Japon est devenu une société à deux vitesses LE MONDE TOKYO de notre correspondant Ne laissez pas arrêter les réformes" , peut-on lire sur une affiche représentant le visage à la mine déterminée du premier ministre Junichiro Koizumi. De l'autre côté de la rue, un sans-abri est assis sur un banc, son barda au pied. "Sans rapport avec moi..." , dit-il en souriant. Et les autres candidats ? "Pas plus ." Même pas amer. Ailleurs. Il dirigeait un petit atelier de métaux. Il a fait faillite, a fui les créanciers et vit dans l'un de ces villages de tentes bleues des berges du fleuve Sumida, à Tokyo. Les sans-abri, jetés à la rue par le ressac des "restructurations" d'entreprises, ne sont que la partie visible d'une nouvelle pauvreté. Le Japon, appelé à voter le 11 septembre pour renouveler son Parlement, est une société à deux vitesses où, sans faire de vagues, les disparités sociales et régionales s'accentuent. Avec le vieillissement, c'est l'une des causes de l'inquiétude latente d'une partie de l'opinion, dont le niveau de vie diminue et qui s'interroge sur l'avenir du système de retraite. La conjoncture économique s'est améliorée et la reprise, quoique poussive, paraît enclenchée. Mais elle ne va pas remédier par enchantement à une aggravation des disparités sociales. Loin des salles de marché et des résultats des "rubans bleus" de l'industrie aux profits faramineux, loin des jeux de pouvoir du quartier de la politique (Nagatacho) ou de l'étalage de luxe dans les grandes villes, il y a un Japon d'en bas, un Japon des petites gens. Peu spectaculaire, il se découvre dans les failles de la prospérité, au fil des rues aux rideaux de fer baissés de petits commerces qui ont fait faillite ; à travers le courrier de lecteurs des quotidiens et des faits divers : augmentation des suicides près de cent par jour, dont beaucoup sont dus à des facteurs économiques. On l'entrevoit à travers des indices négligés. Ainsi, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 15 % des foyers japonais vivent en deçà du seuil de pauvreté, avec des ressources inférieures à la moitié du revenu moyen national (10 % dans la plupart des pays avancés), tandis que le nombre des bénéficiaires de l'aide sociale a augmenté de 60 % en dix ans, pour atteindre un million de personnes. 35 % DES SALARIÉS EN CDD Le Japon vieillit, mais ce ne sont pas seulement les personnes âgées qui souffrent. Les agences d'emploi ou les "job cafés" à l'environnement plus convivial , où des jeunes pianotent sur des ordinateurs en quête d'un travail, en témoignent. Le temps est révolu où, à la sortie de l'université ou du collège, les diplômés étaient à peu près certains d'entrer dans une entreprise. Alors que, en 1992, 80 % d'entre eux trouvaient un emploi, en 2004 ce n'est plus le cas que de 55 %. Les plus mal lotis sont les jeunes pas particulièrement doués, ayant une spécialisation banale. Le lot de la plupart. Le faible taux de chômage (4,2 %) cache une réalité amère : il y a de moins en moins d'emplois à durée indéterminée, mais pléthore de petits boulots et de travaux temporaires. Beaucoup des demandeurs d'emploi n'émargent pas sur les statistiques du chômage parce qu'ils sont sur le marché du travail précaire. Plus de 35 % des salariés (soit près de 20 millions) sont désormais employés sur des contrats à durée déterminée. L'une des expressions de cette mutation du marché du travail est l'apparition d'un nouveau type de salariés : les "freeters" (néologisme à partir de l'anglais "free", libre, et de l'allemand "arbeit", travail). Ils sont plus de quatre millions. Ce sont des jeunes, garçons ou filles, pour la plupart diplômés, âgés de moins de 34 ans, qui ne sont plus étudiants, sans être employés à plein temps. INÉGALITÉ DES "ESPÉRANCES" Le phénomène reflète une convergence entre la contraction du marché de l'emploi et les aspirations "nomades" d'une génération qui préfère des modes de vie alternatifs et le "zapping" professionnel. Certains trouvent avantage à cette situation ; d'autres ont déchanté. Un tiers des employés temporaires gagnent moins de 100 000 yens par mois (800 euros) et un autre tiers entre 100 000 et 200 000 yens. Du temps de l'expansion, chacun pouvait penser qu'il aurait sa chance, que ses efforts seraient un jour payés en retour. Ce n'est plus le cas. Aux inégalités économiques, quantitatives, s'ajoute une disparité dans les chances : désormais, il y a la "tribu de gagnants" et la "tribu de perdants". Deux segments de la société qui tendent à se solidifier : les perdants passent difficilement dans l'autre camp. Et ils le savent. Un phénomène que le sociologue Masahiro Yamada qualifie d'"inégalité dans les espérances" . Le Japon "ne sait plus rêver" , résume Koichi Kato, ex-étoile montante du Parti libéral-démocrate (PLD), au pouvoir. Dans les années 1960-1980, le sentiment que tout le monde voyait son niveau de vie s'améliorer, peu ou prou, a contribué au grand "mythe" du Japon de la croissance : l'appartenance de la majorité à une "classe moyenne", définie moins en termes de revenus que de participation à la consommation de la société de masse naissante et de l'adoption de ses modèles culturels. Le sentiment était étayé par une tendance à un relatif égalitarisme. Le coefficient Gini, qui mesure les inégalités de revenus des ménages, a longtemps été comparable à celui des pays scandinaves. L'écart entre les 20 % de la population aux revenus les plus faibles et les 20 % les plus riches n'était que de 1 à 3,4 à la fin des années 1980. Mais la période d'"argent facile" de la période de "bulle spéculative" puis le coût social de son éclatement ont inversé la tendance ; l'écart de revenus et de conditions de vie a commencé à s'élargir. La crise sociale a progressé à un rythme plus lent que la crise économique, sans provoquer jusqu'à présent de signes visibles de rupture du lien social. Mais 60 % des Japonais disent aujourd'hui se situer en deçà de la "classe moyenne". Au cours des quatre dernières années, "le gouvernement les a appelés à endurer des sacrifices, mais peu a été fait pour améliorer leurs conditions de vie" , souligne l'économiste Masaru Kaneko. Beaucoup seraient en droit d'attendre une plus juste répartition de la richesse nationale. En 1980, Ronald Reagan avait demandé aux Américains s'ils se "sentaient mieux que quatre ans auparavant" . Ce n'est pas le cas de M. Koizumi. Philippe Pons Article paru dans l'édition du 07.09.05 » 2005-09-07 04:07:56 de Arnaud
Comme en France, les fonctionnaires sont toujours employés à vie au Japon. Et en plus, ils ne sont pas tenus à l'efficacité... http://www.ifrap.org/ Est-ce que ce n'est pas aussi à cela que Koizumi veut s'attaquer? 2005-09-07 06:03:16 de Christian
Et puis, "société à 2 vitesses" le cliché qu'on retrouve partout... Il y en a tout de même un peu plus! Le seuil de pauvreté... dont on parle tant! Comment est-il déterminé au Japon, en France et aux États-Unis, pour ne citer que ces pays? On sait très bien qu'un pauvre américain n'a rien à voir, en terme de niveau de vie, avec un pauvre français, et encore moins un pauvre africain. Mais, évidemment, ceci ne justifie en rien les disparités sociales. 2005-09-07 06:11:53 de Christian
Évidemment. Donc bon, où veux-tu en venir Chri-chri ? Quant à s'attaquer aux employés de l'État (c'est-à-dire de la nation), pour redistribuer des secteurs d'activités essentiels vers les grosses entreprises ("le secteur privé" ;) ), on peut en discuter... Mais ce n'était pas le point de l'article de toute façon, n'est-ce pas ? En France, on pense souvent que le Japon serait "une société à une vitesse", ce qui n'est pas / plus le cas. Aujourd'hui, il y a les riches d'une part, et, d'autre part, la masse des "journaliers", qui nous servent nos cafés et nous vendent nos livres. Et ne peuvent payer leur retraite ni leur sécu. 2005-09-07 07:35:55 de Arnaud
Tu n'étais pas fonctionnaire d'ailleurs, avant ? Je ne comprends vraiment pas où tu veux en venir... 2005-09-07 07:36:34 de Arnaud
Oui, moi non plus. C'est le prurit de Christian ? Sûr qu'on peut toujours attaquer ceux qui veulent défendre leurs avantages sociaux — appelés "privilèges" par ceux qui connaissent mal l'histoire des mouvements sociaux des XIX-XX siècles — quand on n'en a plus soi-même, ou quand on voit les lenteurs administratives... Mais les résultats des démantèlements d'entreprises nationalisées ne sont pas toujours beaux à voir (exemple, le train en Angleterre), ni intéressants pour les usagers (augmentation des tarifs pour rentabilisation... non : plus exactement : pour profit maximal). Où tu voulais en venir, cher ami ? 2005-09-07 10:19:29 de Berlol
Je voulais en venir à... vous conseiller de lire le livre "les profiteurs de l'état" de B. Zimmern. Et aussi, allez voir le site de l'iFrap: http://www.ifrap.org/ Et, de grâce! pas de procès d'intention, affiché ou sous-entendu. Figurez-vous qu'avec un père fonctionnaire et qui a consacré sa vie à la défense des droits des travailleurs, c'est un peu comme si j'étais tombé dans la potion. Mon prof de droit constitutionnel, c'était lui, mon historien des mouvements sociaux et syndicaux, encore lui. Donc, je ne pense pas avoir besoin de vos leçons, en tout cas, pas dans ce domaine. "Privilèges", oui, le mot est lâché. La France à 2 vitesses, c'est aussi celle-là. Mais qui donc a des privilèges? Voilà la question. Une certaine partie de fonctionnaires (on l'a vu avec l'affaire Gaymard, qui était un cas extrême) a des privilèges absolument incroyables. Mais ça, d'en parler, c'est tabou. Et ça m'horripile! :) Eh, oh, j'ai jamais parlé de démantèment du service public, ni de nationalisations!! J'ai découvert beaucoup de choses en lisant le livre précité. Beaucoup de choses qui m'ont vraiment étonné. C'est pour cela que voulais les faire partager parce que, justement, je constate qu'on continue à répéter à l'envi des clichés sur la société et qu'on n'a pas forcément identifié clairement les problèmes, ou plutôt qu'on se focalise seulement sur quelques problèmes. Dommage! Si on en parlait? 2005-09-09 02:22:46 de Christian
OK, c'est pas moi qui te ferai un procès, je te connais assez bien. Le bouquin que tu cites a l'air intéressant. Tu me le prêteras ? Je remarque tout de même que ce n'est pas le premier à dénoncer les magouilles et les gâchis de tous ordres... Alors pourquoi ça ne cesse pas ? Plus généralement, pourquoi les gens élisent-ils ceux dont ils savent pertinemment qu'ils sont plus magouilleurs que d'autres (Chirac, par exemple) ? Les gens comme toi et moi qui souhaitent SINCEREMENT la justice sociale ne doivent pas être la majorité, en fait. Et puisque "nous" ne sommes pas d'accord pour manipuler le peuple "pour son bien", parce que le "peuple" est hautement manipulable (hélas), d'autres le font (à notre place — la nature a horreur du vide), et pour leur bien propre et celui de leur faction (en faisant croire que c'est pour le bien du peuple, évidemment...). Donc un livre ne change rien parce qu'une majorité, narcotisée, "ne veut pas" que ça change. Et puis chacun peut comme ça faire ses petites magouilles à son niveau... 2005-09-09 06:49:12 de Berlol
Je pense que ce "débat" est vraiment étrange. C'est toujours dans les périodes de mauvaise conjoncture économique qu'on s'en prend aux fonctionnaires. Comme si moins d'État pouvait améliorer la situation sociale. Regardez en New Orleans le vide que la disparition de l'État américain et le néolibéralisme a apporté... (Et d'ailleurs, leurs militaires sont aussi des fonctionnaires : mais ça ne serait pas mieux avec moins, là encore). En outre, cher ami Christian, on a compris, en te lisant pas mal de fois, que tu n'as "besoin des leçons de personne"... Pourtant, les gens qui te parlent ne le font pas "avec l'intention de te prendre pour un con" hein : on discute, c'est tout. Personne ne sait tout. En tous cas pas moi, qui ait encore beaucoup de choses à apprendre. Moi, en notant modestement mon avis, il me semble que d'une manière générale le secteur privé n'est pas moins "stable" que le secteur public, notamment vis-à-vis de la sécurité de l'emploi. Vous ne trouvez pas ? Après tout, dans les périodes de bonne conjoncture économique, non seulement les agents du privé gagnent beaucoup plus, mais en plus ils ne sont jamais démissionnés. Inversement, en mauvaise conjoncture économique, les agents du public sont inquiétés quant à leur emploi, et sont, de façon tout à fait réelle, absolument démissionnables, sur volonté de l'État et de l'opinion publique. Donc, pas de "privilège" ici. Ensuite, concernant les "abus", les gens qui profitent du système dans lequel ils sont, on peut en trouver tout aussi bien dans le public que dans le privé. Car, quand même, le privé travaille tout de même moins pour la nation et pour la société que ne le fait le public... Les empires constitués par les certaines sociétés privées, ce sont des phénomènes qu'on ne verrait nulle part ailleurs. Et sans "redistribution sociale", cela va de soi. Donc, parler de "privilèges" ou d' "abus" de façon préférentiellement tournée vers le public ne me semble pas pertinent, pour toutes ces raisons. Je ne dis pas que ça n'existe pas, je dis que faire des généralisations plutôt ici que là-bas, et bien que c'est illusoire. Car après tout, si la situation économique va mal, ce n'est quand même pas de la faute de l'appareil d'État. C'est plutôt le "marché" et la "logique économique" du privé qui devraient être questionnés... 2005-09-09 07:55:59 de Arnaud
En marge mais dans l'actu : Les "profits records" des compagnies pétrolières vont sans doute faire plaisir à toutes les personnes altruistes qui essaient de remplir leur réservoir de voiture et leur cuve de fuel de chauffage pour l'hiver... A ces compagnies pétrolières mondialisées, il ne vaut mieux pas parler de redistribution. Tout ce qu'elles peuvent comprendre, c'est la baisse de la demande, que ce soit par l'appauvrissement de la clientèle ou par un vrai boycot... 2005-09-09 08:42:41 de Berlol
Je pense également qu'il ne faut pas mélanger une bureaucratie qui va trop loin et se sclérose et un illusoire "trop d'État". Parce que depuis les années 1968, en France au moins, l'État est quand même bien moins intrusif qu'il ne l'était avant. Ce qui se passe à la Nouvelle Orléans souligne très clairement que l'État américain n'est pas superstructurel, et repose, comme au Japon, beaucoup sur les gouvernement locaux, les collectivités locales. Le problème est que lorsqu'une ville est détruite, il n'y a plus de gouvernement local qui tiennent… on a vu le temps de réaction du pouvoir "central" pour prendre la main… Je ne pense pas, à moins d'être sous un régime totalitaire, qu'il puisse y avoir trop d'État… Parce que c'est bien mignon de se fier aux lois du marché, hein, mais d'une part, encore faut-il que ce ne soient pas toujours les même qui utilisent les autres, et encore faut-il que le marché survive à la conjoncture ! C'est bien là que le libéralisme est complètement à côté de ses pompes, et qu'il ne faut certainement pas considérer l'État et les affaires d'État comme du business. 2005-09-09 09:02:18 de Acheron
Merci à Berlol, Arnaud et Acheron pour les réponses. Il me semble que les informations sur la situation exacte de telle ou telle administration (ou autre) ne circulent pas suffisamment. Le livre et l'organisation que j'ai cités à plusieurs reprises sont édifiants. S'informer, il faut bien commencer par là, non, si on veut combattre quelque chose? Arnaud, peux-tu m'expliquer ce que vient faire la question "tu n'étais pas fonctionnaire?" dans ce débat? J'aurais pu être militaire, hippie, éboueur, qu'est-ce que ça peut foutre? ;) Et puis, la question, répétée "où veux-tu en venir?" Franchement, avec ta question, je ne vois pas où tu veux en venir... ;) Allez, je retourne à ma traduction. 2005-09-09 15:03:02 de Christian
Je demandais si tu avais été fonctionnaire parce que je me suis demandé, en te lisant, quel sentiment tu avais éprouvé alors, en pensant que les fonctionnaires étaient "peut-être" une charge pour la collectivité. Ou alors, tu pensais à une autre administration, peut-être. Quant à : où tu voulais en venir ?, c'était avant que tu répondes entre-temps (tu as dû le remarquer). Donc maintenant, on a compris, merci. Bien évidemment, tu as tout à fait raison. Il faut s'informer. C'est essentielle, l'information. On peut par exemple se demander combien ont coûté à l'État, c'est-à-dire à la nation, la construction des autoroutes. S'il est légitime de les "concéder" au "secteur privé", par exemple... Si le fait que des employés publics gèrent ces autoroutes "coûte de l'argent" à la nation ou non ? Sachant qu'il s'agit des propriétés de la nation qu'elle a, peut-on penser, le droit d'administrer elle-même. Non ? On peut se demander combien a coûté, depuis le début, la mise en place du réseau ferroviaire, du réseau d'électricité. S'il est légitime que des réseaux construits avec les impôts soient vendus à des entreprises. Si l'on peut considérer ces entreprises "privées" comme représentatives d'intérêts allant vraiment plus loin que ceux de leurs actionnaires. On doit s'informer là-dessus, tout à fait d'accord. C'est même un devoir. Comme je le disais plus haut, j'aimerais surtout un état de telle ou telle entreprise. Celles qui créent et entretiennent le travail précaire par exemple. C'est à la mode en ce moment, semble-t-il. Car ce n'est pas un "privilège" que de demander un travail fixe, n'est-ce pas ? Ceci-dit, il me semble que le Medef a dû dire quelque chose dans ce goût-là... Car au départ, l'article cité portait sur la préoccupante et rapide expansion des emplois précaires au Japon. On ne peut pas les considérer comme un état "normal" du "marché de l'emploi", n'est-ce pas ? En France, c'est bien parti aussi d'ailleurs. 2005-09-09 18:35:00 de Arnaud
Se renseigner sur les administrations est, tu as raison, indispensable. Les critiquer également : cela fait partie du jeu, et du débat civique et politique. C'est ce qui rend compte de la maturité d'une Nation. En revanche, sur les questions de "gestions", et d'optimisations, je crois qu'il faut être extrêment prudent. Car que veut-on optimiser ? Encore une fois, je refuse de considérer l'État comme une S.A. L'argument de certains libéraux : "ça marche aussi sans ceci, sans cela…", oui, peut-être, si l'on se place dans l'immédiateté. Il y a certainement des efforts à faire pour limiter le gaspillage, hein, mais je pense qu'il faut éviter d'utiliser les outils économiques qu'ont utilise pour rendre compte de la santée de Nestlé, ou d'Adidas… parce que on ne peut pas permettre que l'État, lui, disparaisse… y'a qu'à voir le bordel aux USA… 2005-09-10 01:07:51 de Acheron
Merci à tous de vos réponses. Quand j'étais fonctionnaire, j'avais beaucoup moins le sentiment que dans le travail, ce qui est le plus important c'est la qualité du travail. Travailler à mon compte pendant quelques années m'a fait réfléchir sur ce point. Il fallait que j'offre une prestation de qualité à mes clients si je voulais les garder! Laurence Parisot a dit qu'elle voulait "réhabiliter la bienveillance, la politesse, la courtoisie, la générosité, le respect, le pragmatisme". Mais elle a aussi dit que "la vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi?" C'est sûrement à ces déclarations qu'Arnaud faisait allusion plus haut. Pour parodier George Orwell, je dirai que "tous les hommes sont précaires mais qu'il y en a seulement qui sont plus précaires que les autres". Sauf que là, c'est pas drôle. D'accord avec Acheron pour dire "qu'il faut être prudent lorsqu'on parle d'optimisation", et j'ajoute, surtout dans le service public. Y en a marre qu'on nous parle de rentabilité financière SEULEMENT ("dans l'immédiateté", comme dit Acheron) et que les aspects humains et psychologiques à long terme des réformes soient complètement occultés. Heu... le bordel aux USA?? Parce qu'en France, c'est pas le bordel? 2005-09-10 04:59:18 de Christian
Cher Christian, merci pour ta réponse. Pour ce que tu notes sur la qualité du service, je pense qu'il s'agit surtout d'un rapport personnel à son travail. Quand on travaille pour la nation, il ne s'agit pas de garder des "clients", mais de maintenir la Société. Je suis cependant bien sûr d'accord avec toi qu'il faut discuter sur les modalités selon lesquelles on mène cette charge, et que les ajustements qui sont nécessaires doivent être menés. Car si une entreprise se casse la gueule, c'est une chose, mais si la Société se casse la gueule, c'est irréversible. D'où les précautions qui doivent précéder de tels choix. Pour les États-Unis, Acheron faisait allusion à l'absence de l'État, justement, durant près d'une semaine à la Nouvelle Orléans. Certains y voulaient moins d'État, ils voient maintenant ce qui se passe quand on a besoin de lui alors qu'il a été "castré" de ses organes de contrôle, de communication, de gestion des ressources, etc. (Et puis, sur d'autres points, en France on a un vrai système de Sécurité Sociale. Aux États-Unis, les hôpitaux te laissent mourir sur le trottoir si tu ne peux pas payer. Véridique.) Pour revenir à ce que tu disais plus haut, je pensais à un ensemble de déclarations du Medef. Mais la citation que tu donnes est plus que pertinente. Merci beaucoup. Là, il est dit en toute clareté que le travail doit être précaire ou ne pas être. Et l'emploi du mot "loi" montre bien toute l'unilatéralité de cette déclaration du patronat, déclaration qui est en réalité prescriptive. Ca Parisot dit, finalement : "Vous vous dites n'importe quoi, mais nous nous réfléchissons de façon scientifique". Sans que l'on sache comment il aura été possible d'arriver à une telle affirmation-prescription. Ce qui me fait penser d'un coup à un passage de Les règles de la méthode sociologique d'Emile Durkheim (1895), que je me permets de citer. (Éd. Puf, Quadrige, p. 24-27) (Ces passages suivent divers exemples ; je noterais bien tout, mais c'est long...) (Je note en majuscule ce qui était en italique.) Je suis bien sûr très loin de penser que l'économie en soit aujourd'hui au même point que ce que Durkheim souligne ici. Mais pour ce qui est de la conscience de l'économie qu'ont les dirigeants des entreprises et du Medef, par contre, on peut s'interroger hein... ... « Par conséquent, la matière de l'économie politique, ainsi comprise, est faite non de réalités qui peuvent être montrées du doigt, mais de simples possibles, de pures conceptions de l'esprit ; à savoir, des faits que l'économiste CONCOIT comme se rapportant à la fin considérée, et tels qu'il les conçoit. Entreprend-il, par exemple, d'étudier ce qu'il appelle la production ? D'emblée, il croit pouvoir énumérer les principaux agents à l'aide desquels elle a lieu et les passer en revue. C'est donc qu'il n'a pas reconnu leur existence en observant de quelles conditions dépendait la chose qu'il étudie ; car alors il eût commencé par exposer les expériences d'où il a tiré cette conclusion. Si, dès le début de la recherche et en quelques mots, il procède à cette classification, c'est qu'il l'a obtenue par uen simple analyse logique. Il part de l'idée de production ; en la décomposant, il trouve qu'elle implique logiquement celles de forces naturelles, de travail, d'intrument ou de capital et il traite ensuite de la même manière ces idées dérivées. [... ...] De même, ce qui tient le plus de place dans les recherches des économistes, c'est la question de savoir, par exemple, si la société DOIT ÊTRE organisée d'après les conceptions des individualistes ou d'après celles des socialistes ; S'IL EST MEILLEUR que l'État intervienne dans les rapports industriels et commerciaux ou les abandonne entièrement à l'initiative privée ; si le système monétaire DOIT ÊTRE le monométallisme ou le bimétallisme, etc., etc. Les lois proprement dites y sont peu nombreuses ; même celles qu'on a l'habitude d'appeler ainsi ne méritent généralement pas cette qualification, mais ne sont que des maximes déguisées. Voilà, par exemple, la fameuse loi de l'offre et de la demande. Elle n'a jamais été établie inductivement, comme expression de la réalité économique. Jamais aucune expérience, aucune comparaison méthodique n'a été instituée pour établir que, EN FAIT, c'est suivant cette loi que procèdent les relations économiques. Tout ce qu'on a pu faire et tout ce qu'on fait, c'est de démontrer dialectiquement que les individus doivent procéder ainsi, s'ils entendent bien leurs intérêts ; c'est que toute autre manière de faire leur serait nuisible et impliquerait de la part de ceux qui s'y prêteraient une véritable aberration logique. [...] Ce que nous disons de cette loi peut être répété de toutes celles que l'école économique orthodoxe qualifie de naturelles et qui, d'ailleurs, ne sont guère que des cas particuliers de la précédente. Elles sont naturelles, si l'on veut, en ce sens qu'elles énoncent les moyens qu'il est ou qu'il peut paraître naturel d'employer pour atteindre telle fin supposée ; mais elles ne doivent pas être appelées de ce nom, si, par loi naturelle, on entend toute manière d'être de la nature, inductivement constatée. Elles ne sont en somme que des conseils de sagesse pratique et, si l'on a pu, plus ou moins spécieusement, les présenter comme l'expression même de la réalité, c'est que, à tort ou à raison, on a cru pouvoir supposer que ces conseils étaient effectivement suivis par la généralité des hommes et dans la généralité des cas. » 2005-09-10 07:11:50 de Arnaud
Attention à ne pas confondre fonction publique et STATUT de la fonction publique (dans beaucoup de pays, les fonctionnaires, en particulier les cadres de la fonction publique, sont des contractuels régis par des dispositions très proches de celles du droit commun du travail), ni précarité, arbitraire, etc. et sanction de l'incompétence. La situation dans laquelle le statut actuel place les fonctionnaires français est une incitation formidable à l'irresponsabilité, dans tous les sens dans lequel on peut entendre ce terme et à tous les "échelons" de l'organisation. Gardons nos critères d'évaluation, mais laissons ce statut stérilisant et infantilisant. (Je suis, bien entendu, fonctionnaire.) 2005-09-10 13:59:52 de Dom
En rebondissant sur le texte de Durkheim, voir les recherches récentes d'économie expérimentale, qui mettent en évidence des écarts systématiques entre les prétendues lois économiques et le comportement constaté en situation expérimentale, écarts qui permettent d'élaborer des hypothèses rendant mieux compte des phénomènes que les modèles économétriques. Un petit Repères vient de sortir sur ce sujet. 2005-09-10 14:05:30 de Dom
Oui, tu as tout à fait raison de faire cette distinction Dom. Je pense qu'elle était sous-entendu dans ce que nous disions au-dessus, mais jamais clairement formulée. Donc, cette précision est utile. Quel est le titre de ce Repères, stp ? 2005-09-10 14:34:44 de Arnaud
L'économie expérimentale ! 2005-09-10 16:39:49 de Dom
Merci ! 2005-09-10 17:24:49 de Arnaud
Ce qui est intéressant dans ce que dis Dom, c'est que la tendance à observer un écart entre simu statistique et expérimentation se retrouve en général en biologie comportementale… c'est à dire que le domaine scientifique en général se laisse guider par des lois, qui d'une expérimentation à une autre laissent saisir (si on veut bien les reconnaître) des fluctuations dans les résultats à protocole identique… Intéressant non ? 2005-09-11 04:32:16 de Acheron
Peut-être que c'est la seule façon de procéder pour réaliser les ajustements nécessaires du modèle proposé originellement par rapport au Réel, afin d'obtenir, peut-être, une véritable "loi" ? Mais je réponds ici à ta remarque d'une façon générale. Car ceci-dit, l'économie, comme la sociologie ou même l'histoire, tout aussi utiles, passionnantes et même nécessaires qu'elles soient, ne peuvent pas, il me semble, prétendre à élaborer des "lois" (immuables) du comportement des hommes et des sociétés. Sauf à nous réduire au rang de fourmis. (Insecte extrêment intéressant par ailleurs). Il me semble qu'il y a deux champs bien distincts dans l'économie, ce qui crée, peut-être, une certaine illusion de pouvoir tout déterminer par des calculs chiffrés et par une approche de type "sciences dures". En effet, tout ce qui touche au processus de production ou de distribution touche à des données matérielles, absolument quantifiables et mesurables. C'est une chose. Mais c'en est une autre lorsqu'on prétend étudier de la même façon (sous prétexte qu'on est toujours dans l'économie) le comportements des "agents". Là, il me semble qu'on touche en réalité à un autre champ, qui recoupe plutôt les disciplines mentionnées ci-dessus, et pour lequel il faut faire attention quant à ce qui est réellement "déterminable". Sauf à jouer à l'anthropologue. 2005-09-11 06:25:03 de Arnaud
|
Mercredi
7 septembre 2005. Pris en otage par les décerveauleurs. Deux photos en sus, au JLR d'hier... En marge des activités principales, exploration rapide (à retenir pour plus tard) du site Persée, portail de revues scientifiques en sciences humaines et sociales. Cherchant « nouveau roman », j'y trouve quelques références dont celle-ci que je me mets de coté (belle interface pdf / ocr pour le copier-coller) : « Les homologies entre écriture romanesque et écriture ethnologique mériteraient elles aussi d'être explorées. Pas plus que le langage naturaliste de Zola ou des Goncourt, le discours ethnologique n'échappe à l'histoire. Les affinités du nouveau roman avec le structuralisme ont été maintes fois signalées. Mais n'y a-t-il pas également quelques correspondances entre le souci des romanciers modernes de choisir un point de vue d'où ils peuvent traduire l'existence par des voies en quelque sorte indirectes — comme chez Joyce où le monde est présenté tel qu'il est réfléchi par un personnage particulier — et la volonté récente de quelques ethnologues de ne pas séparer démarche et enquête ? Ces perspectives rejettent aussi bien le modèle du romancier démiurge que celui de l'ethnologue « homme orchestre ». Elles n'accordent, tout bien considéré, qu'un caractère relatif, contingent, à la réalité et semblent mettre en doute une correspondance absolue entre les mots et les choses — soupçon assez largement répandu dans le monde intellectuel d'aujourd'hui. Ethnologue et romancier partagent donc une même référence à la linguistique. Ils sont tous deux confrontés au problème du langage et du symbolisme, c'est-à-dire à la nature arbitraire du signe et du symbole. Entre l'étude des codes culturels et l'étude des signes d'un univers romanesque, des va-et-vient s'imposent. Il serait intéressant de comparer les diverses intertextualités littéraires et les rapports entre les différents codes oraux, sinon écrits, au sein d'une même culture, comme Claude Lévi-Strauss l'a esquissé dans ses Mythologiques. Les mêmes lois d'adaptation, de permutation et de transformation ne sont-elles pas présentes partout ? On le voit : le fait d'opérer un croisement entre littérature et ethnologie ne conduit pas seulement à s'interroger sur la scientificité de nos pratiques intellectuelles, il permet aussi de nouer des combinaisons utiles, d'esquisser de nouvelles problématiques, d'en repérer les lieux et d'ouvrir des pistes de recherche.» (Gérard Toffin, « Écriture romanesque et écriture de l'ethnologie », L'Homme, 29, 1989, p. 34-49) Dans le hall de l'Institut, retrouvailles avec l'élégante DG, qui était à Hong-Kong depuis 7 ans et qui revient vivre au Japon ; jouvence quand le souvenir s'actualise dans la surprise de l'être-là. Le libraire d'Omeisha m'informe que le stock de Lol V. Stein est bien arrivé — je m'en étais inquiété : étant au programme de l'agrégation, il y avait risque de pénurie et de retard... Déjeuner avec T. et Jephro, toujours plein d'allant. Restaurant Le Loisir, dans Kagurazaka. Copieux et soigné. Presque trop pour le déjeuner. Je lui montre le hors-série du Monde de l'éducation intitulé Guide du jeune professeur 2005/2006, à l'usage des professeurs des écoles, des collèges et des lycées, préparé par le SCÉRÉN. Très bien fait. Mais... nous sommes d'accord que le seul fait de publier cela via les éditions du Monde révèle un malaise, un hiatus : si les formations d'enseignants étaient efficaces, il n'y aurait pas besoin d'un tel guide, et si avoir un tel guide faisait partie de la formation officielle, il n'aurait pas à être publié par une structure éditoriale grand public — à moins que l'on veuille en faire un débat de société, à moins que ce soit aussi, par ricochet, destiné aux parents, c'est-à-dire à des parents assez motivés pour s'impliquer dans l'ingénierie pédagogique. Un mot très tendance, ingénierie. « Quand j'ai fait L'Écho des bananes, aucun programmateur, personne ne savait jamais ce qu'il allait y avoir dans l'émission qui suivait, personne ne me demandait ce que je faisais dans la programmation. Je faisais ce que je voulais, totalement. Et jamais un directeur de chaîne, en l'occurrence Serge Moatti, n'est venu me demander ce qu'il y aurait, et qui j'allais prendre dans l'émission. Aujourd'hui, Daniela Lumbroso*, le joli pot de fleurs, quand elle fait sa programmation, ça passe par quarante-deux mains à France 2, on regarde les ventes de disques, les machins, qui il faut inviter, etc., est-ce qu'il était dans VSD, dans Bordel avant, et après on fait sa programmation. C'est pas une programmation de quelqu'un qui aime la chanson et qui a envie de faire découvrir des gens et qui est capable d'en parler. On n'est plus du tout dans ce truc-là, ça a été dans une époque comme ça, je pense que même chez les Carpentier c'était ça, et que maintenant c'est uniquement du people, du quelles sont les ventes machin, quelquefois quelques combines d'édition aussi, on est bien d'accord là-dessus, et alors de l'autre côté TF1, c'est le ramassis de on prend tout on recommence, la grande lessiveuse, et on ne passe que des tubes, il n'y a pas, aujourd'hui, en matière de télévision, un seul animateur qui peut dire : c'est moi qui fait ce programme, c'est moi qui le choisit, j'emmerde tout le monde, je fais ce que je veux. Or ça a existé, à une époque, ce n'est plus, du tout, le cas. On est dans un pays, dans une télévision, en ce qui concerne ce que je veux bien appeler pour la chanson, la culture, de marketing pur et dur.» (Vincent Lamy dans Les Lundis de l'INA, participant au débat : « Comment écrire une histoire de la chanson ? », enregistré le 20 juin 2005, diffusé cette semaine sur le canal des Chemins de la connaissance / Inathèque / France Culture.) Des paroles bien senties, musicales à mes oreilles. Parce que l'écoute des radios et de la chanson française dans les radios, c'est plus ce que c'était... Sauf que... tout ce qu'il dit, tout le monde le sait déjà. Alors ? Lequel de ces messieurs-dames se décidera à casser le plat. Puisque mettre les pieds dedans ne suffit pas ! (Et partir faire autre chose, si intéressant que ce soit, comme Lamy au RIFF, ne sauve pas les pauvres télespectateurs pris en otage par les décerveauleurs...) Depuis quelques jours, et depuis quelques jours seulement, je trouve que les informations sur France Info sont nettement plus caustiques à l'égard de plusieurs membres du personnel politique français. On dirait presque de la liberté d'expression. À suivre... ______________________________ * Voir son site pour savoir ce qu'est la fadeur. Même « pot de fleurs », je trouve que c'est une insulte pour les fleurs. Ou pour les pots. On y reviendra dans quelques semaines avec Lol V. Stein... Compra qui pourrenne. je viens de tester le petit moteur de recherche sur modiano, sartre et clémençon (séparément, ça va de soi!) - merci, j'imagine que ça rendra service à d'autres que moi j'aime bien ce système google parce qu'il donne aussi la phrase contexte sur modiano, je pense qu'il y avait plus d'occurrences, est-ce que google ne balaye pas tout le jlr ? sur mes sites (en serveur propre, et non via u-blog), je n'ai pas ce pb... en tout cas ça marche, voir "temple" par exemple, et c'est quand même mieux que cliquer 30 dates sans trouver la bonne! 2005-09-07 17:44:35 de FBon j'ai aussi essayé "poulet frites", génial ce moteur de recherche, y en a pas que pour la littérature... 2005-09-07 17:46:03 de FBon Voilà. Merci, François. Je viens d'ajouter un second moteur (c'est donc une colonne à bimoteur) pour recherche dans le site principal. En effet, il n'y a que quelques mois du JLR sur U-blog, l'intégralité étant en version mensuelle (avec un index des anthroponymes). 2005-09-08 02:12:42 de Berlol Dis donc, tu t'éclates, question technique. Un moteur, c'est en effet indispensable. Cette fonction de Google est bien pratique. Je l'utilise aussi et on peut, pour ceux qui l'ignoreraient, l'utiliser sur n'importe quel site en tapant ceci dans Google: _________________________________ mot(s)-clé(s) site:www.domaine.net | _________________________________ Pour l'instant, on ne voit pas bien comment utiliser le moteur. La touche retour! Peut-être qu'un petit bouton ferait l'affaire. L'index des anthroponymes de ton site est très impressionnant! Quel boulot! 2005-09-09 15:15:34 de Christian Tsst tsst ©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$ 2.3 Attribution. The Search Box shall conspicuously display a graphic (available at http://www.google.com/stickers.html) that indicates that the Service is provided by Google. The graphic shall link to the Google site located at http://www.google.com or such other address as Google may designate from time to time during the Term. ©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$©$ 2005-09-10 09:44:31 de Dom Très belles, les lignes de copyrights et de dollars ! Tu as bien choisi. Et puis, deux shall dans le même texte, c'est trop... Je n'obtempère pas. De toute façon, quand on s'en sert, on arrive sur des pages Google. A part ça, ça va, toi ? 2005-09-10 10:16:06 de Berlol Yep. Dans les cartons. 2005-09-10 14:19:35 de Dom Comment qu'on fait pour lancer la recherche? 2005-09-11 15:40:07 de Christian |
Jeudi 8 Septembre
2005. Autre brusque virage. Brusque virage météo et cap sur plein été. Plus question de lire sur le balcon. Même les chenilles du citronnier, que T. protège pour avoir des papillons, se planquent sous les feuilles ou dans l'ombre des barreaux. Dans l'après-midi, deux heures passées à la médiathèque de l'Institut. Reprise d'un semblant de vie sociale et préparation du cours sur Duras. Je vais un peu partout dans le bâtiment pour tester le wifi — assez limité, tout de même, voire capricieux. Cyril, le responsable informatique, me dit que ça va s'améliorer quand on aura mis une borne relais... En tout cas, ça progresse. « Quand on sait ce que je sais, la moindre journée sans tortures ni massacres est une épiphanie.» (Patrick Deville, La Femme parfaite, Éd. Minuit, 1995, p. 26.) Dans les Alpes du Japon, il y a juste dix ans, autre brusque virage : la rencontre de T. Ben il aurait du y rester, aux éditions de Minuit ! 2005-09-08 17:21:04 de Arte
Bonne anniversaire ! 2005-09-09 07:39:38 de Arnaud
elle a quel age ? 2005-09-09 09:30:01 de Arte
La femme parfaite n'a pas d'âge, voyons. Allons, Arte, un peu de tenue ! 2005-09-09 10:21:58 de Berlol
je parlais de la bonne ! 2005-09-09 12:30:41 de Arte
|
Vendredi 9
septembre 2005. On nage dans l'intertexte. Toujours en train d'écoper dans les cent cinquante courriels en retard... Si vous m'en avez envoyé un et que je n'ai pas encore répondu, c'est qu'il est dans le tas. Passé à la banque, compte presque à sec. Temps de retourner au chagrin... « Je préférai payer en liquide, néanmoins. J'ai toujours sur moi plusieurs milliers de francs (comme un blindage protecteur entre la douceur de mon esprit et les aspérités du monde).» (Patrick Deville, La Femme parfaite, p. 46) « Il venait de faire coffrer deux pirates à Singapour pour Internet et alors vous, vous êtes courrier de cabinet c'est passionnant.» (Id., p. 69) Publié en 1995, c'est sans doute le premier ouvrage de chez Minuit qui mentionne le réticule... Je me souviens que vers cette époque, passant à la librairie Compagnie, rue des Écoles, j'avais eu l'outrecuidance de demander un cédérom littéraire, peut-être celui d'Académia sur Alexandre Dumas, qui est sorti en 96. D'un ton hautain, on m'avait rétorqué qu'il n'y aurait jamais de ces choses-là dans cette librairie ! Mais remontons encore trente ans en arrière. Cet après-midi, je retourne travailler à la médiathèque de l'Institut franco-japonais, prendre des notes sur le Ravissement de Lol V. Stein. Comme le wifi fonctionne, je trouve aussi le texte de Lacan, que je copie, et une étude très intéressante de Vanessa Brassier, que je copie également. Enfin, feuilletant des notes biographiques, je lis que Duras écrit ce roman en 1963, entre juin et octobre, à Trouville, et qu'il paraît en novembre 1964. Entre temps, un titre de court-métrage est mentionné, réalisé par un inconnu, à l'époque. Mais est-il plus connu aujourd'hui ? MK2, ça veut dire quoi pour vous ? Pour beaucoup, ce sont des cinémas. Plutôt branchés. Stalingrad. Bibliothèque de France... Mais si on dit Marin Karmitz, presque personne ne connaît. Moi, je connaissais son nom, depuis assez longtemps, pour être un de ceux de la mouvance gauchiste de 1968-1872, avec Rolin, July, Portzamparc et quelques autres. Mais ses films, je ne les ai jamais vus. Jusqu'à ce 28 août, il y a moins de deux semaines, donc, quand je trouve le coffret Marin Karmitz à la boutique de dévédés du MK2 Bibliothèque, que j'achète sans aucune hésitation. Mais sans savoir ce que je n'apprends que ce soir : qu'il y a dedans ce court-métrage, Nuit noire Calcutta, qui plus est avec deux versions, celle de 1964, avec la voix de Maurice Garrel, qui joue dans le film, et celle de 2001, avec la voix de Marguerite, que Marin Karmitz a retrouvé par hasard en 2001. Ça se passe à Trouville, ça parle de la difficulté d'écrire, de la difficulté d'être, de Calcutta, du vice-consul, de la mendiante, de l'alcoolisme. À l'origine, Karmitz le dit dans un entretien en supplément, c'était un film de commande d'une entreprise pharmaceutique. Pour un médicament contre l'alcoolisme... On nage dans l'intertexte. En plein roman de comment un chercheur, de temps en temps, trouve quelque chose. Comme ce dessin, aussi, reçu au courriel du soir, dû au crayon de Dominique Hasselmann, à qui je promets une caisse de champagne si ce roman paraît un jour. Berlol chez Gallimard! C'est là que l'on voit bien qu'il ne s'agit que d'un pur fantasme, sinon, il aurait été édité chez Nizet. Cap'Goncourt! 2005-09-09 19:45:56 de Aimelle
Je voyais déjà arriver en novembre les bouteilles de blanc-de-blanc... Illusion perdue ? S'il ne s'agit que d'un problème d'éditeur, un transfert est toujours possible ! De toute façon, Berlol est beau joueur, tout de go. 2005-09-09 19:59:53 de Dominique Hasselmann
merci pour les liens, c'est super pour les agrégatifs!! 2005-09-11 19:22:22 de sabrina
Encore merci, Dominique ! Ce n'est pas tant que je sois flatté... ce qui est amusant, c'est de voir s'animer le personnage de Berlol. Aimelle, bien rentrée ? repris tes marques ? Excellente idée à proposer à Nizet, une collection Cap'Goncourt, qui publierait des ouvrages qui candidateraient officiellement à l'obtention du prix... Bienvenue Sabrina. Et bonne chance pour le concours ! Le cours de commentaire de texte que je vais commencer en octobre est destiné en priorité à des apprenants japonais — ce qui n'empêche pas d'être utile à d'autres... On y reviendra. 2005-09-12 14:10:11 de Berlol
|
Samedi 10 septembre
2005. Mué dans la nuit. L'an dernier, le citronnier a donné des citrons. Trois. On l'a aidé. Protégé des chenilles. Bien taillé, arrosé. On avait eu nos trois citrons, dont on était très content. Cette année, on a surveillé la pousse des feuilles, mais on n'a vu aucun fruit pointer son nez. Ça nous a un peu démotivés. On l'a quand même arrosé, mais avec moins d'amour. Et puis T. a commencé à dire qu'elle gardait une chenille. Pour voir. Un papillon. Qu'il fallait y faire attention. Je n'étais pas trop d'accord. Mais bon, une chenille, qu'est-ce que vous voulez dire ? Évidemment, à l'arrivée, il n'y en a pas qu'une. Au moins six ou sept. Et pas mal de feuilles sont bouffées à moitié ou totalement. Noires et grises, les chenilles. Et depuis notre retour de France, certaines font trois ou quatre centimètres de long... Ce matin, on s'est aperçu que la plus grosse avait mué dans la nuit. Qu'elle était verte, maintenant. Plusieurs verts, avec de jolis dessins, comme un bandeau, et des espèces d'yeux rouges. Dans l'après-midi, trois autres avaient mué à leur tour, pendant que je travaillais sur Duras à la médiathèque. Ce soir, à la lampe torche, on aperçoit que deux autres ont commencé à se déshabiller... Que sera demain ? « Vraie joie simple à revoir, retrouver ces quelques arbres et cette lumière calme de fin de jour. Je ne lui demande rien ; elle est comme je suis, là. Si je veux la retenir autant que possible en mots, c'est parce qu'elle ne me presse pas, à la différence des photos d'actualité comme celles des tours américaines ou celles de l'usine AZF. » (Antoine Emaz, Lichen lichen, p. 88) Veille de ce morbide anniversaire. Les Américains ont d'autres plaies à panser, hélas. Ce qui leur donne aussi à penser. Que leur président n'est peut-être pas le meilleur homme, par exemple. Au Japon, ce sera jour d'élections. Encore une histoire du meilleur homme. Koizumi, tout permis. Il part gagnant, et l'on saura sous peu ce que le pays va y perdre. « Au collège, dit-elle, et elle n'était pas seule à le penser, il manquait déjà quelque chose à Lol pour être — elle dit : là.» (Marguerite Duras, Le Ravissement de Lol V. Stein, Gallimard, folio 810, p. 12.) Pour être là, Lol. Pour être Lola. Je dirai un jour ce que Berlol doit à cette Lol-là. Allez ! LOL ! Comme on dit de nos jours. 0 commentaire (s) c'est samedi. 2005-09-10 20:44:42 de Alain
Je pensais, j'étais fort de mes lettres, que le deuil était uniquement domestique. Sophocle. C'est faux. Toute la journée, j'ai pleuré la mort de Laetitia Ingrao, une amie. Pas mon amie. Je n'ai pas d'ami proche. Hier soir, elle s'est effondrée dans le bus. 19 heures. 35 ans. C'est vrai que je crains les blagues et commentaires d'Arnaud, d'Arte, d'autres, que je ne connais pas, sur ce blog. Mais peu importe. N'ayant nulle place où parler, ni écrire sur le moment, je suis ici. Nous échangions des recettes de muffins. Pas que ça, évidemment, pas que ça. Personne ne la connaît. C'est honteux de venir parler de la mort de celui ou de celle qu'on aime n'importe où. Je pleure. 2005-09-10 20:56:51 de Alain
On est bien entrés dans l'intertextualité avec toutes ces émotions, domestiques ou non. Cette attention soudain soutenue par chacun(e) pour accueillir ce qui se joue, ce qui se noue, ceux qui "sécroulent" non loin de nous. Oui, Alain, vous avez raison de venir en escale de tristesse ici . Il s'est passé beaucoup de choses dans le registre "grave" sur ce blog, malgré les commentaires que vous redoutez et qui ont à voiraussi avec une demande d 'attention, parfois très maladroite et ininterprétable sur le moment. On ne parvient jamais à répondre correctement à ce que l'on ne comprend pas textuellement... Dans la transformation des chenilles du citronnier, j'entrevois quelque chose de plus tranquille, de plus modeste : on se contente d'un beau dessin que la nature a posé sur le front d'une créature un peu morfalle mais si belle, si belle... Comme une LOL V STEIN dans les bras élégants d'une immémoriale mélancolie ...D'ici on entend les accords un peu disloqués du bal et on songe au malheur,mais aussi à la mendiante, à l'amour, au pire et au meilleur à trier dans la boue torrentielle des pensées submergées... On peut pleurer, on peut se taire aussi et caresser une joue,la plus proche, sans hésiter... 2005-09-10 21:43:46 de Marie.Pool
En même temps, il faudrait être d'une connerie indécrottable pour venir faire des commentaires désagréables sur l'intervention d'Alain… Plutôt que de redouter, de craindre, et, finalement, de se lancer dans un haussement d'épaules, il est bon de faire simplement confiance, et de croire en la bienveillance des gens, parfois. 2005-09-11 04:40:47 de Acheron
les accouplés perdus reposent-ils à notre image cette étrange phrase trouvée sur Cause des causeuses http://la_cause_des_causeuses.typepad.com/ (tiens, elle est revenue... sur le blog ci-dessus elle dit que c'est provisoirement) 2005-09-11 07:17:53 de FBon
1, 2, 3 ! Allez, je me lance, je joue les Arnaud... ci-dessous un portrait qui me semble assez juste de Koizumi par Ph.Pons dans "Le Monde" ...a lire en ce 11 septembre si triste pour le Japon... Junichiro Koizumi, un si charmant autocrate... Longtemps, la vie politique nippone s'est jouée derrière les claires-voies des maisons de geishas ou les portes des clubs privés du quartier d'Akasaka, près de la Diète. A la nuit tombée, des limousines y déposaient d'importants personnages. Aujourd'hui, la politique se donne en spectacle sur des "stands de foire" , déplore Morihiro Hosokawa - un apôtre du changement, qui fut premier ministre du cabinet de coalition formé à la suite de la défaite du Parti libéral-démocrate (PLD) aux législatives de 1993. En arrivant au pouvoir en avril 2001, avec sa coiffure léonine et sa fougue, Junichiro Koizumi, le leader de ce parti conservateur qui règne sur la vie politique depuis cinquante ans, a donné à la politique nippone une visibilité dans l'air du temps, rejetant dans leur grisaille les vieilles élites. La "Koizumimania" commençait. A la veille des élections de ce 11 septembre, dont il a fait une sorte de référendum, sa popularité reste au-dessus des 50 %. Une popularité qui tient à un facteur : M. Koizumi est un grand simplificateur de la politique. Depuis quatre ans, les Japonais vivent dans un monde manichéen. Sur l'estrade du théâtre populiste qu'il a dressée, se donne inlassablement la même pièce : la bataille entre les "réformistes", dont il se veut le porte-étendard, et les "vieilles gardes" , qualifiées de "forces de résistance ". La réalité n'est pas si simple mais la mise en scène est efficace. Libéral-populiste, M. Koizumi est aujourd'hui un communiquant qui ne se donne plus la peine de convaincre. Choix simples, langage élémentaire, cassant, frisant la morgue, il tranche, proclame et décide. Il envoie des troupes en Irak, enfreignant l'esprit de la Constitution pacifique héritée de la seconde guerre mondiale. Il fait des pèlerinages au sanctuaire Yasukuni où, parmi les morts pour la patrie, sont honorés des criminels de guerre , déclenchant l'ire de Pékin et de Séoul. Il décide de privatiser la Poste. Tout cela sans s'expliquer, ou presque. Des formules-chocs suffisent : il se compare à Galilée dans sa certitude que la réforme postale est indispensable : "Lui aussi, en son temps, était considéré comme un hérétique" , dit-il sans rire. Dans bien des cas, vu la complexité des enjeux, le citoyen peine à se faire une opinion. Le ton péremptoire de M. Koizumi rassure. Son talent à jouer de l'émotion plus que des arguments fait le reste. Il n'a pas le professionnalisme d'histrion d'un Ronald Reagan mais, derrière son "new look" , il sait jouer du ressort traditionnel de l'émotion populaire : le dilemme "cornélien" à la nippone du giri-ninjo - solidarité et compassion d'un côté, sens de l'obligation de l'autre - , qui innerve littérature, théâtre, cinéma et feuilletons télévisés. Cette tactique, qui évince le débat et radicalise les oppositions, commence cependant à s'user. Confronté à la rébellion ouverte d'une partie de son camp, il est passé à une autre : le jusque-au-boutisme. Sa décision de dissoudre la Chambre basse parce que la Chambre haute avait "mal voté" en rejetant son projet de privatisation de la Poste - et dont il a fait la panacée du réformisme - est révélatrice de l'évolution de sa figure médiatique. Celle-ci est passée d'une personnalité sympathique, portée au pouvoir par une lame de fond des délégués locaux libéraux-démocrates en rébellion contre les "barons" essouflés, à celle d'un autocrate qui séduit moins qu'il ne tétanise en indiquant, péremptoire, la "voie du progrès" . Sourd aux conseils, Junichiro Koizumi se veut l'homme qui décide ou met sa carrière en jeu au nom d'une conviction. "Je suis prêt à mourir pour cette réforme" , lançait-il à la veille de dissoudre la Chambre basse. "Un chef doit savoir endurer la solitude" , répète-t-il. Sans doute son caractère impulsif le pousse-t-il à souvent réagir "avec ses tripes" , comme il dit. Mais il est aussi captif de l'image qu'il s'est construite. Il n'hésite pas à se donner pour modèles des grandes figures historiques connues pour leur radicalisme et leur fin tragique. Sa préférée ? Nobunaga Oda, seigneur de la guerre et premier unificateur du pays au XVIe siècle, lequel n'hésita pas à incendier le temple Enryaku-ji, proche de Kyoto, massacrant impitoyablement ses habitants qu'ils fussent moines ou laïcs, femmes ou enfants. Quelques années plus tard, cerné avec son armée, il se donnera la mort. Koizumi a-t-il hérité cette fascination du "beau geste" de la "voie chevaleresque" (en japonais, ninkyodo ), code d'honneur des bandits et pendant à celui des samouraïs (bushido ), de son grand-père, marchand de travail sur le port de Yokosuka (près de Tokyo), qui en fut lui-même un digne tenant ? Célèbre pour arborer un tatouage intégral - emblème de la voyoucratie de l'époque - représentant un dragon sous une avalanche de fleurs de cerisier, le patriarche finit ministre de la Poste, un "jardin" familial déjà. En 2001, les Japonais se sont enivrés des effluves de changement dont était porteur ce divorcé, alors âgé de 59 ans, silhouette svelte et longue chevelure permanentée. Ils se sont laissé séduire par ses formules à l'emporte-pièce, savouraient ses boutades et ses piques à l'endroit d'une classe politique dont les grenouillages, émaillés de scandales, les avaient lassés. Des gâteaux à la pâte de haricots rouges aux breloques de téléphones mobiles en passant par la couverture d'un album de ses "tubes" préférés d'Elvis Presley - il y apparaissait en montage aux côtés du "King" - Jun-chan (diminutif de son prénom) était omniprésent, telle une star du showbiz. Virtuose de l'image, il intervenait dans des débats télévisés, lançait la balle dans les championnats lycéens de base-ball, avalait un bol de nouilles au comptoir d'un bistrot populaire. Les hebdomadaires ne tarissaient pas d'articles sur ses goûts, le choix de ses costumes et ses bouclettes. On savait tout de lui : ses talents culinaires, son amour pour le jazz, l'opéra ou le Requiem de Fauré. Avec, un moment, le soutien de 87 % de l'opinion, ce libéral-démocrate bizarroïde mais néanmoins bon teint né dans le sérail, fils et petit-fils d'hommes politiques et deux fois ministre (poste et santé) , apparaissait comme l'homme politique "moderne" que le Japon, morose, attendait. Avec son côté jazzy d'adolescent attardé et son sourire malicieux, le personnage, en privé, ne manque d'ailleurs pas de charme. On le dit émotif jusqu'aux larmes lorsqu'il écoute un opéra et il pleura lorsqu'il visita le musée des kamikaze (pilotes suicides) à Chiran, dans le Kyushu, en 2004. Volontiers emporté, il peut aussi faire preuve d'une rudesse soudaine, non exempte de machisme, à l'instar des héros historiques qu'il affectionne. Au départ, sa popularité a été dopée par la présence à ses côtés de la battante Makiko Tanaka, fille de l'ex-premier ministre du début des années 1970 surnommé "le bulldozer", à laquelle il avait confié le portefeuille des affaires étrangères. Avec la faconde de son père et des phrases assassines, elle savait mettre les rieurs de son côté. Le tandem eut un effet médiatique fracassant. La première erreur politique de M. Koizumi fut, en février 2002, de limoger la dame, une affaire dans laquelle il ne fit guère preuve de courage et qui lui valut la bouderie de l'électorat féminin. Sa popularité plongea de 30 points. En grinçant des dents, les libéraux-démocrates l'ont pourtant réélu l'année suivante à la présidence du parti gouvernemental, le confirmant dans ses fonctions de premier ministre. Au sein de sa formation, sa popularité est inversement proportionnelle à celle dont il jouit dans le pays. Mais les libéraux- démocrates ont besoin de cet emblème de renouveau. L'étoile de M. Koizumi a vraiment commencé à pâlir avec le revers du PLD aux élections sénatoriales de juillet 2004. Pourtant de centre droit, le Yomiuri interpréta ce vote comme "une mise en garde contre l'arrogance" de son premier ministre. Quelques mois auparavant, celui-ci avait déjà perdu son bras droit : Yasuo Fukuda, secrétaire général et porte-parole du gouvernement, impliqué dans un scandale de cotisations de retraite non payées. Dommage pour Jun-chan, Fukuda était la seule personnalité de sa garde rapprochée capable de modérer ses emportements. A partir de là, commença la dérive vers l'autoritarisme dans lequel il semble à présent s'enferrer. Aveuglement ? Pas sûr. Le premier ministre agit par instinct : "Il analyse une situation moins qu'il suit une idée" , commente le politologue Hideo Otake. Et il pressent apparemment aujourd'hui qu'une partie au moins de l'opinion attend de lui une attitude de chef. Bien qu'il n'ait jamais caché vouloir reformer le PLD, "même s'il faut le faire imploser" , il ne s'est pas privé dans le passé de manoeuvrer en coulisse. Héritier d'un fief électoral solide - Yokosuka, base militaire de la région de Tokyo, est le port d'attache des unités américaines et des forces d'autodéfense nippones que cajolent les Koizumi de père en fils - , il n'a jamais eu à dépendre de son clan, le plus droitier du PLD. Après avoir court- circuité la logique des clans - regroupements autour de caciques dont les tractations ont constitué la trame du processus décisionnel du parti - , il entend leur porter la dernière estocade par un jeu plus personnalisé que jamais. L'impact de son libéral-populisme est un phénomène complexe qui tient à la conjonction d'une personnalité forte, servie par une politique médiatique ultraperformante, conjuguée à l'affaiblissement du système de pouvoir du PLD, le tout sur fond de malaise social. Au cours des treize dernières années de récession, la société japonaise a retrouvé une mobilité et une créativité asséchée par le productivisme de l'expansion (1960-1980). Mais elle a aussi perdu des repères et des garanties - telles l'emploi - , qui étaient au coeur du "contrat social" de cette période. A la suite de l'éclatement de la bulle spéculative au début de la décennie 1990, le pays est entré en crise douce, sans fracture apparente ni explosion de violence. Mais la société n'en a pas moins été malmenée, plus atomisée et privée de projet collectif mobilisateur, elle est ballottée dans un environnement international hostile (pression d'une mondialisation à l'américaine), dangereux (le terrorisme) et elle se sait mal-aimée dans sa région. "La crise ? Quelle crise ? Regardez Roppongi Hills !" , s'exclamait l'an dernier M. Koizumi, dans une allusion au nouveau quartier branché de Tokyo. La remarque lui valut une volée de bois vert de la presse. Car le Japon est devenu une société plus darwinienne dans laquelle les plus forts ont plus de chance et les défavorisés encore moins. Même dans les bistrots de son fief de Yokosuka, où les ouvriers des chantiers navals se pressent en fin de journée pour boire à la volée bière ou saké, les réparties fusent, acerbes, rigolardes ou amères lorsqu'on prononce le nom du premier ministre : "Un patron, j'en ai déjà un !" Un petit commerçant s'interroge : "A-t-il vu la rue aux rideaux de fer baissés ?" Dans ce climat de malaise, la panacée réformiste de M. Koizumi fait encore cependant recette. La magie de la formule péremptoire dope toujours sa popularité. Mais peut-elle tenir lieu d'action ? Le bilan du gouvernement est maigre. Son chef reste populaire auprès de ceux qui pensent que le forcing est préférable à l'inertie. Par le simplisme qui obscurcit les enjeux et dont il est le chantre, le "phénomène Koizumi" est troublant. "Sa popularité est proportionnelle à la dégénérescence de la démocratie parlementaire", commente Hiromu Nonaka, une éminence grise du PLD qui s'est retirée de l'arène. Amertume de dinosaure ? Pour l'instant, ce n'est qu'une musique de fond auquel on ne prêteguère attention. Mais un populisme libéral, néonationaliste à ses heures, est à l'oeuvre qui pourrait nourrir un extrémisme du centre le jour où l'inquiétude s'aggravera. "Lorsque les citoyens sont fatigués, frustrés, ils attendent un leader fort" , laisse tomber un haut fonctionnaire. Junichiro Koizumi caracole en tête de la fanfare. Philippe Pons Article paru dans l'édition du 11.09.05 2005-09-11 13:18:52 de vinteix
Cher Alain, tu écris "Je n'ai pas d'ami proche" et cela m'attriste autant que la disparition d'une personne. D'ailleurs, c'est quoi un "ami proche" ? Sûr que si tu ne postes plus de commentaires, nous ne saurons jamais ce que tu veux dire. Ni où en sont tes étagères (dans quel état t'erres ?), ni si tu dors mieux... 2005-09-11 15:20:54 de Berlol
Oui, Alain, que je ne connais pas, comme dirait le chanteur, "fais-moi un signe"... fais-nous un signe! Mais pleurer peut aussi être un bonheur... Au fait, le Monde titre: "Japon : des sondages à la sortie des urnes confirment un raz-de-marée pro-Koizumi". 2005-09-11 15:37:21 de Christian
Simplement, je ne savais pas quoi dire. J'attendais aussi que la page passât à dimanche pour revenir ici discrètement et dire que j'aime en général tous les commentaires d'Arnaud, d'Arte, d'Acheron, de FBon, de Marie.Pool, de Christian, de Vinteix, et de Berlol. Pour ça que j'étais venu. Pour ça que je viens. 2005-09-11 18:58:35 de Alain
|
Dimanche 11
septembre 2005. Dans une cyber meule de foin. Ce soir, il n'y a plus que 34 messages dans ma boîte de courrier. Messages lus, mais en attente de réponse ou encore non classés. Divers textes en attente de motivation pour fin de rédaction... De temps en temps, je me demande ce que c'est que le temps de travail et ce que c'est que le temps libre. Mes temps à moi sont tout à fait enchevêtrés. Un expert qui aurait pour mission de savoir combien d'heures je travaille devrait passer d'une colonne à l'autre quinze ou vingt fois par jour. Et ouvrir une troisième colonne pour le temps indécidable. Et cette colonne prendrait de plus en plus d'importance. Le courrier électronique, les pages web lues ou écrites, le déplacement avec un ordinateur portable d'une zone de wifi à l'autre contribuent à cet amalgame permanent des temps personnels et professionnels. Ce dont je ne me plains pas. Je constate. C'est l'expert que je plains. Enfin achevé l'index des anthroponymes du JLR en ajoutant tous les noms d'août à l'index d'avant. Amusant d'entrer d'un seul coup tous les noms des participants du colloque ! Puis quelques noms liés à l'actualité littéraire. Chemin faisant, je me suis aperçu que j'avais laissé une question en suspens — mais qui s'en soucie ? Il s'agissait, le 12 août, de savoir « ce qu'il y a de commun entre Peire Godolin et Jean-Jacques Rousseau d'une part, et entre Vincent Voiture et Jacques René Hébert d'autre part..» Je comprends que cela n'ait passionné personne. C'était cependant en rapport avec le document annexe de ma communication au colloque de Cerisy, annoncé en ligne le 15 août. J'y constatais, dans un propos plus général sur les risques que prend la littérature dans le réseau, que Godolin et Rousseau étaient plutôt vernis alors que Voiture et Hébert risquaient bien d'être à jamais introuvables, aiguilles dans une cyber meule de foin. En effet, les recherches Google, avec d'une part le prénom et le nom (entre guillemets, pour en faire un syntagme), d'autre part le nom seul, permettent de calculer pour chacun un taux de visibilité dans les masses de documents. Si 1 document sur 5 mentionnant le nom Rousseau concerne bien notre Jean-Jacques (même taux pour Godolin), en revanche 1 seul document par tranche de 1300 pages web environ concerne le pauvre Vincent Voiture (idem pour Hébert). Ainsi dans un avenir pas trop lointain (pas besoin d'attendre Daniel 24), si vous dites à quelqu'un qu'il y avait autrefois un écrivain nommé Voiture mais que son prénom vous échappe, vous aurez peu de chance de le retrouver facilement avec un moteur de recherche... À moins que d'ici là les voitures automobiles tombent en désuétude — ce qui posera moins de problèmes d'échappement. Je fignolerai ça dans les mois à venir. Avec le problème supplémentaire que les résultats de Google sont très fluctuants, annonçant parfois des chiffres allant du simple au triple (et vice-versa) pour une même requête à quelques jours de distance... Sur le front des chenilles les mues continuent L'événement du jour, c'était tout de même la reprise du ping-pong. Hisae et Katsunori étaient au rendez-vous, Shibuya, 10h45, ensoleillé. Ce dernier, via son blog, Koikeland, dont la section Pongistes relate aussi nos exploits, a invité Yoko, qui postait des commentaires. Évidemment, après plus d'un mois d'arrêt, ce n'est pas brillant. Je perds presque tout, sauf contre Yoko qui n'a pas joué depuis longtemps, et une manche où je suis à 9-9 contre Hisae... qui prend son tour de service et s'assure les deux derniers points. Zannen ! (Dommage !) I'll be back... Déjeuner au restaurant chinois Panda. Courses rapides dans la foule shibuyante (on avait perdu l'habitude). Après notre retour, T. va voter sous la pluie — ce qui est l'indice d'un tropisme vers l'égoût, non ? Koizumi tsunami c'est au retrait de la vague qu'on mesure les dégâts CommentairesLe dimanche 25 septembre 2005 à 01:15, par José Ángelhé hé... cette meule a un air familier... la mienne est tout à fait pareille (c'est peut-être la même meule?). |
Lundi 12 septembre
2005. Rhabillé
pour quelques saisons ! Après les bandeaux de publicité que nous supportions sans trop de gêne, à proprement parler sans les voir, U-blog s'est mis, au début de l'été, à diffuser cette monstrueuse campagne pour un club de rencontres, sous forme d'une immense fenêtre pop-up apparaissant à chaque clic dans le réseau U-blog — même Firefox était bluffé. Obligés de la voir, à défaut de la considérer, cette fenêtre a fini d'user ma patience — et confirmé mon opinion sur ces services attrayants que proposent de jeunes entreprises et qui deviennent de véritables boulets à nos pieds quand l'entreprise a grandi, été reprise, est devenue une machine à fric. Ces trois derniers jours, avec blocage des pages et lenteurs de rafraîchissement des modules m'ont convaincu qu'il faudrait bientôt envisager autre chose. C'est comme un ressort, la pression s'y accumule mais on ne sait pas quand il sera libéré... Autant dire que je ne pensais pas à une mue si rapide en allant déjeuner avec Manu au Champ de soleil, le restaurant belge de Kanda qui nous plaît bien et qui n'est pas loin de son boulot. On a parlé de ce mois d'août plus calme de son côté que du mien, de la reprise du ping-pong de la veille, et de nos blogs. Comme il a testé Dotclear depuis quelques semaines et qu'il ne m'en a dit que du bien, je me suis empressé d'aller voir le site dès mon retour à la maison. Sur le site, la première phrase est choc : « prenez le contrôle de votre blog ! » On ne pouvait pas (me) dire mieux ! En moins de deux heures j'ai téléchargé la version 1.2.1, l'ai installée sur mon espace web chez Globat, y ai créé la base de données et l'identité requises, ai vérifié les paramètres d'affichages dans deux navigateurs, parcouru des habillages de blog et quelques pages d'aide pour comprendre la logique de tout cela — ce dont je n'ai compris qu'une infime partie en réalité, mais les choses sont faites de telle sorte qu'il n'est pas nécessaire d'en savoir plus... J'ai ensuite recopié les trois derniers jours dans cette nouvelle peau de web, vérifié ainsi qu'on pouvait en modifier les dates à loisir, créé une page antidatée du 8. Et voilà le travail ! De temps en temps, j'allais voir nos chenilles, sur le balcon, et prenais quelques photos. À côté de celle-ci, on voit très bien la nervure dorsale d'une feuille totalement mangée. Et l'irisation des points lumineux, derrière, ça ne vous fait penser à rien ? En tout cas, voilà mon JLR rhabillé pour quelques saisons ! Zibaldone caméléon (lien vers février 2004, avec Koizumi et Leopardi — pas le même combat !), lui aussi en ligne maintenant. « Je lisais Zibaldone, un de ces livres qui, comme le démontre si bien Leopardi lui-même, est d'une telle beauté dans son désespoir absolu qu'il fait naître un bonheur léger, aérien, ultime, une jouissance du simple fait d'être vivant et conscient de la futilité du fait. » (Patrick Deville, La Femme parfaite, p. 94) J'allais finir là-dessus, mais non ! Il faut absolument que je consigne une grande, grande, GRANDE, réussite de la radio. Circonspect à l'écoute des deux ou trois premiers épisodes (parce qu'un peu déçu par les deux feuilletons précédents), je suis maintenant inconditionnel absolu du Psychanalyste. Il s'agit du feuilleton de France Culture, Le Psychanalyste, d'après le livre de Leslie Kaplan, commencé depuis le 29 août. L'histoire, les personnages, l'habillage musical (avec cette qualité et cette originalité, on ne peut plus parler d'habillage, d'ailleurs) et les voix, celle de Martial Di Fonzo Bo, celle de Frédérique Loliée, celle de Catherine Vinatier, etc. — tout est parfait. Un must absolu. |
Mardi 13 septembre
205. Estoqué à 7 heures. Le pire, c'était pour envoyer le dernier message sur U-blog, hier soir. Impossible d'y mettre mes deux lignes pour diriger vers cette nouvelle adresse ! Pendant plus d'une heure, tout en faisant mes sauvegardes pour aller à Nagoya ce matin, je recliquais régulièrement sur le bouton d'envoi — avec le même blocage de connexion... C'était comme si un programme, qui aurait lu et analysé mon message, décidait de lui barrer la route... Coïncidence ; seul un paranoïaque croirait à ça. Ce n'était sans doute que la surdemande d'accès mal gérée, ou une nouvelle panne de serveur — l'avanie de trop, quand tout est déjà fini, celle qui vous fait rire. Je suis allé me coucher et j'ai estoqué à 7 heures du matin. Dans le shinkansen, fin surprenante du livre de Patrick Deville — et qui n'en est pas vraiment une. Ses constructions — c'est le deuxième livre de lui que je lis — ont la mécanique de précision d'un Échenoz et la légèreté piégeuse d'un Toussaint, sans l'aspect délibérément ludique d'un Laurrent ou d'un Chevillard, avec autre chose, comme... un dandysme philosophique. C'est l'expression qui me vient. En y réfléchissant bien, elle me paraît surtout adaptée à La Femme parfaite. Après Shizuoka, j'écoute deux épisodes des Chemins de la connaissance de mai sur Tocqueville, qui était donc à ce point intelligent et observateur que je me demande pourquoi il était absent de mes programmes scolaires. Puis je repense aux propos d'Édith Heurgon, il y a un mois exactement (déjà !), lors de la soirée d'inauguration du colloque de Cerisy, quand elle récapitulait les commémorations du petit gars de la Manche (voir les sites sélectionnés dans mon tableau de 1860) — nous étions une soixantaine dans le grenier du château, levions notre petit verre de calva, il pleuvait salement sur la campagne normande, la température chutait de six ou sept degrés, T. se demandait ce que c'était que ce bled, et ces présentations qui n'en finissaient pas (les jours suivants démentirent heureusement ces fraîches premières impressions...). Faudra que je me décide un jour à lire sérieusement Tocqueville. Autre chose que des extraits plus ou moins anthologiques (et selon quels critères ?). Chaleur et calme plat, tant à l'appartement (depuis le départ de Bikun) qu'à l'université (les cours ne reprennent pas tout de suite). De quoi faire du bon boulot en continu quelques jours — et voir David aux pauses pour juste récompense. Ma valise arrive le soir (par livreur car trop lourde, surchargée à Tokyo), retour au placard ; fin du périple. Je décide que demain commence le nouveau semestre. Commentaires1. Le mardi 13 septembre 2005 à 17:25, par Manuzik Ah, à nous les insertions de liens et les fils rss pour les commentaires 2. Le mardi 13 septembre 2005 à 22:54, par Eric Si jamais tu as besoin - ce dont je doute- mon site Blanchot est
aussi sous Dotclear... |
Mercredi 14
septembre 2005. Dans le lit de qui ? Reçu ceci de la liste Framonde. Qu'en penser ? Publication du terme littérisme au Journal officiel de la République française du 30 août 2005. L’illettrisme a désormais son contraire : le littérisme La Commission générale de terminologie et de néologie a publié au Journal officiel du 30 août 2005 un nouveau terme, dont l’emploi doit se généraliser rapidement dans le combat pour l’accès de tous au savoir et à la culture. De plus en plus nombreux sont les jeunes qui, malgré plusieurs années de scolarité, n’ont pas une maîtrise suffisante de la langue pour comprendre le français écrit et communiquer à un niveau élémentaire. La lutte contre l’illettrisme exige le recours à des moyens humains et financiers, mais nécessite aussi des outils conceptuels permettant d’appréhender des situations sociales et de leur apporter des réponses adaptées. C'est ainsi que la « capacité à lire un texte simple en le comprenant, à utiliser et à communiquer une information écrite dans la vie courante » a désormais un nom en français: le littérisme (proche de la notion de literacy en anglais). Une mobilisation s’impose pour que le littérisme devienne réalité et entre dans les faits comme dans les dictionnaires. [...] Le terme littérisme est publié selon une procédure accélérée dont le ministre de la culture et de la communication, M. Renaud Donnedieu de Vabres, a souhaité l'application pour des termes d’intérêt très général ou relevant d’une actualité particulière. Cette procédure doit permettre de proposer au public, dans des délais aussi rapprochés que possible, un équivalent français adapté pour une notion dont la désignation tend à se répandre trop souvent en anglais. Oui, sauf que le mot existait déjà... Et comment l'employer dans la vie courante ? Exemple. Vous constatez les progrès scolaires de votre progéniture et, entre la salade et le fromage, vous vous exclamez : « Dis donc, t'as vu que Julie entre dans le littérisme ? — Dans le lit de qui ? » répond votre conjoint héberlué... Fin de matinée au centre de sport, suite de l'opération éradication bourrelets. Lecture du jour : Longue Vue, de Patrick Deville, pendant la demi-heure de vélo, suivie de vingt minutes de tapis de course, quelques machines-althères, bain et sauna pour finir. Puis boulot bureau. Soudainement, il a plu. Fort. Des gens se sont mis à courir dans tous les sens. J'ai sorti l'appareil-photo. Mais que peut-on photographier de cette chaleur humide, électrique et parfumée ? C'est brumeux, il n'y a plus de contrastes... À part des dégradés de vert, ça ne donne rien. « (C'était une spécialité de la maison que de servir des bretzels avec le vin d'Espagne.) Un chat coulait d'un tabouret près du bar et plongeait sur les taches lumineuses. Alexandre Skoltz, silencieux, jouait au mikado avec les bretzels. Le chat se frottait contre la jambe de son pantalon, en ronronnant. [...] Le cafetier, qui n'aimait pas qu'on joue au mikado avec les bretzels, spécialité de la maison, enlevait la soucoupe en haussant les épaules.» (Patrick Deville, Longue Vue, Éd. de Minuit, 1988, p. 13 et 15) Moi aussi, j'aimais bien... Pour ce que j'ai pu vérifier auprès de Japonais — en y jouant un peu avec des frites au Saint-Martin —, ce passage est tout à fait incompréhensible. Qu'est-ce que ça veut dire jouer au mikado avec des bretzels ? Il n'existe pas ici de jeu qui s'appelle mikado, on serait même fâché que des étrangers jouent avec ça. Et les bretzels ne sont pas légion dans l'archipel, même s'ils ont été quelque peu médiatisés par Bush s'étouffant. Autrefois, on jouait aux jonchets... Mais il y a quand même une version japonaise, plutôt... tentante. Commentaires1. Le mercredi 14 septembre 2005 à 14:02, par caroline « Dis donc, t'as vu que Julie entre dans le littérisme
? 2. Le mercredi 14 septembre 2005 à 20:07, par Berlol Euhh... C'est quoi un référenciel bondissant ? 3. Le mercredi 14 septembre 2005 à 22:35, par Arnaud C'est ce à quoi les femmes au lit font référence. Il paraît que ça leur bondit dessus... :D 4. Le jeudi 15 septembre 2005 à 05:13, par Bartlebooth « Dis donc, t'as vu que Julie entre dans le littérisme
? 5. Le jeudi 15 septembre 2005 à 06:43, par Marie.Pool "C'est ainsi que la « capacité à lire
un texte simple en le comprenant, à utiliser et à communiquer
une information écrite dans la vie courante » permet de savourer
DURAS, plus encore (Ce pourrait être une histoire vraie relatée
par T. pour B.): 6. Le jeudi 15 septembre 2005 à 08:59, par Berlol Uuuhh ! le groupe musical ! Je l'avais oublié. Je n'en ai
plus qu'un pâle souvenir, d'ailleurs... 7. Le vendredi 16 septembre 2005 à 11:40, par Marie.Pool On ne saute pas Duras ou sa barre océane, BERLOL, on la lit
et on comprend ce que veut dire "écrire un vrai livre". Cela
passe par la simplicité des mots et des formulations.On est libres
de sauter des passages ou des livres entiers d'elle.Elle s'en fout !
Le grand saut est derrière elle, elle sait de quoi elle parle au
milieu des colloques savants.Elle nous regarde avec un petit air complice,
celui qu'elle réservait parfois à son fils lorsqu'il se
coiffait d'une passoire pour se montrer au balcon de mer avec son copain. 8. Le samedi 17 septembre 2005 à 01:40, par Berlol Plût au ciel que tous les formateurs vous entendent, Marie.Pool, et servent intelligemment des textes de Duras à leurs apprenants. Je m'efforce actuellement de préparer un cours décent sur Le Ravissement de Lol V. Stein, que j'aime beaucoup, mais vous m'accorderez que ce n'est pas le mot simplicité qui vient le premier à l'esprit... |
Jeudi 15 septembre
2005. À sites mûrs, sûres questions. Message personnel pour Arte : il y a un commentaire qui t'est destiné dans le JLR du 5 août (via quotidien ou mensuel). Une œuvre d'art ne meurt jamais. JCB, après avoir bien décortiqué l'atelier de Bazille, a ce trait de génie de le transformer en bande dessinée pour dénoncer de possibles visées immobilières sur l'ancien domaine des Bazille... À sites mûrs, sûres questions. PDJ s'interroge attentivement sur l'(in)utilité des commentaires, comme FBon en son tumulte, comme moi dans ma communication de Cerisy, comme beaucoup d'autres sans doute. Personne ne s'étonnera cependant que nous n'arrivions pas du tout aux mêmes conclusions. Phil semble penser, au final, que les commentaires sont plutôt nocifs, qu'ils attentent à l'intégrité sémantique et esthétique de son travail, qu'ils n'apportent presque jamais d'éléments pertinents et constructifs, assimilables à de la véritable discussion. J'ai l'impression que c'est trop se protéger et ne pas assez croire en son prochain. Peut-être suis-je stupidement optimiste... Mais après un an et demi de JLR avec commentaires, je n'ai pas à me plaindre, bien au contraire (même s'il a fallu quelquefois faire un peu de ménage). Tout d'abord parce que c'est par des commentaires au présent journal que j'ai connu et estimé des personnes qui maintenant, pour certaines, comptent plus pour moi que des personnes de mon entourage réel. C'est dit. Ensuite parce que les commentateurs s'autodisciplinent progressivement (qu'en sera-t-il dans cinq ans, dans dix ans ?), en arrivent même (peut-être) à constituer (ici comme ailleurs) une sorte de ceinture de protection contre les commentateurs irrévérencieux ou inexpérimentés. Enfin et surtout, approfondissements, questionnements et dérives des commentaires souvent m'enseignent et me servent, et pas juste pour me gargariser d'être lu. Tout cela peut être contredit dès ce soir ; j'en prends le risque. Débat à suivre ? Rangement de tout plein de papiers ; poubelle aussi. Ça prend presque la matinée. Déjeuner à la crêperie Rhubarb avec David, en face du centre de sport... On peut rarement venir jusqu'ici quand il y a des cours ; profitons-en. En fin d'après-midi, on va jouer une heure au ping-pong au gymnase universitaire. Tranquillité totale ; douze tables pour nous tout seuls ; perdre les graisses dégustées le midi... (Une seule table suffit.) Sinon, aujourd'hui c'est la Journée du respect des personnes âgées. Si si... Dans un pays où ils ont des pensions de retraites ridicules, et qui leur sont servies le plus tard possible. Où des vieillards des deux sexes sont employés pour faire la circulation près des chantiers, polluent les boîtes aux lettres de publicités pour quelques centaines de yens... quand ils ne sont pas dans des boîtes en carton couvertes de bâches bleues. Ce cynisme et cet irrespect caractérisés risquent un jour de peser lourd dans la balance électorale. Surtout si quelqu'un d'aussi intelligent que Shigeru Horiuchi s'en mêle... (Lire l'excellent article du Monde qu'Arnaud m'a signalé, signé d'un certain Erich Inciyan.) « Il y eut un déclic. "C'est par hasard et parce que je commençais à vieillir que j'ai créé un parti des gens âgés", dit Shigeru Horiuchi, dans sa maison perchée sur une colline boisée de Kamakura, à une heure de train de Tokyo. "Quand j'étais médecin, je me délivrais mes propres prescriptions." Puis, l'âge aidant, le septuagénaire a dû consulter des confrères dans une clinique proche de chez lui. Une surprise l'attendait. "On m'a demandé le double des frais médicaux normaux en me disant que les personnes âgées ont de l'argent !" Une réforme gouvernementale venait d'augmenter les tarifs pour les plus de 70 ans. Narrant l'histoire sur son site, "Nada" a déclenché une avalanche de courrier. Des cohortes de retraités ont écrit pour dénoncer un surcoût qui les forçait à réduire leurs dépenses de santé. Le "Parti des vieux" ("Rojin To", littéralement) était lancé. Ordre du jour : éviter de "futures humiliations" et évincer les politiciens au pouvoir. Pas question, dans un pays où les plus de 65 ans forment 19 % de la population, de les traiter comme une "minorité marginalisée". "Nada" est intarissable sur le sort réservé aux anciens "petits fonctionnaires et simples ouvriers" qui ont "généralement à peine de quoi vivre, tant le système japonais de retraites est mal fait".» (Extrait de cet article intitulé « Shigeru Horiuchi, l'agitateur du "Parti des vieux"») Au téléphone, T. me dit ce soir qu'elle vient d'avoir une longue conversation téléphonique avec sa cousine de Perth, retraitée installée en Australie il y a pas mal d'années, qui s'interrogeait sur un éventuel retour au Japon, et qui vient finalement de décider de rester au pays des kangourous parce que ça coûte moins cher et que la couverture médicale est meilleure. Et puis pour nous, c'est bien pour les vacances ! Commentaires1. Le jeudi 15 septembre 2005 à 12:51, par Arte Message reçu. Merci beaucoup. 2. Le lundi 26 septembre 2005 à 08:09, par Phil De Jonckheere Patrick 3. Le lundi 26 septembre 2005 à 08:17, par Phil De Jonckheere Je ne peux pas m'empêcher de redonner l'adresse de l'article
du bloc-notes en question, ici, desordre.net/blog/blog.ph... juste pour l'effet de mise
en abyme 4. Le mardi 27 septembre 2005 à 14:50, par Bartlebooth Je me retiens depuis un moment de réagir à ce
sujet des blogs & des commentaires. |
Vendredi 16
septembre 2005. L'ire du croc-magnat. Petit tour des blogs ce matin. J'en apprends de belles chez Chloé : que Bernard Wallet se tire de chez Verticales enmartinièrisé pour créer la collection Phase Deux chez Gallimard. Le mois dernier, quand j'ai vu le Camille de Toledo à la librairie Compagnie, j'étais loin d'imaginer cela... Dommage que Du Coq à l'Âne n'en ait pas parlé ! Si j'ai bien compris, Wallet s'en explique dans la revue Pylone, qui paraît en Belgique (39, av. des Arts, 1040 Bruxelles)... Aucune revue française ne voulait-elle s'exposer à l'ire du croc-magnat de l'édition nationale ? Nota Bene : après François Bon sur qui j'avais pointé l'autre jour, Chloé Deleaume réfléchit à son tour à se passer de la nasse éditoriale... Elle ne fait qu'y réfléchir, nous assure-t-elle. Mais ça veut dire que ça turlupine plus d'un auteur... Sport en matinée, comme avant hier. Retour à 68 ! Kilos. Pour Denis Grozdanovitch (il comprendra) : « Il avait directement rejoint sa place au service et manipulait les balles neuves, blanches et duveteuses, agréables à la paume et à la pression des doigts, il lança la première à la verticale et servit brutalement. Son service ne fut pas retourné. Ace, dit-il. De l'autre côté du filet, leurs adversaires levaient leurs raquettes et les agitaient, indiquant qu'ils n'étaient pas prêts. Skoltz, très calme, leur demanda si sa balle était out, ou net, ou s'il avait commis une erreur de placement. Ils répondirent en souriant que non, bien sûr, il n'y avait pas de faute, mais qu'ils n'étaient pas tout à fait prêts, c'est tout, et lui demandaient de bien vouloir remettre deux balles, merci beaucoup. — Ace, répéta Skoltz, qui se plaçait pour son deuxième service. — Quinze zéro, annonçait Anton-Mokhtar. Skoltz envoya la balle à la verticale et la frappa au milieu du tamis, d'un coup sec. — Trente zéro, annonçait Anton-Mokhtar. À l'issue du match, les jumeaux rouges et bouffis, assis sur le banc, n'étaient pas satisfaits de leur partie. Ils pensaient qu'ils auraient pu gagner mais qu'ils avaient manqué de concentration. Skoltz, qui débouchait la bouteille d'eau minérale, leur expliquait que seul le résultat comptait et que c'était toujours, par définition, le meilleur qui gagnait.» (Patrick Deville, Longue Vue, Éditions de Minuit, 1990, p. 49-50 — me plaît quand même un petit peu moins, jusqu'à maintenant, que La Femme parfaite et Le Feu d'artifice...) Après un déjeuner de (bonnes) pâtes avec David (au nouveau restaurant Pastel, grand comme une boîte à chaussure, sur l'emplacement du regretté Chitaka, d'où attente pour la table et pour être servi — c'est que pour des rombières qui traînassent, on n'ira plus...) et avant mon départ pour Tokyo, je suis des liens web, des guirlandes de fenêtre à fenêtre (sais plus lesquel(e)s), pour découvrir... Mozbot. Tourne sous Google, avec priorité francophone paramètrable et quelques fonctionnalités pas inutiles du tout ! Qu'est-ce qu'on s'amoz ! Ça me botte, je l'adopte ! Commentaires1. Le vendredi 16 septembre 2005 à 14:23, par FBon tu retardes un peu, là : Bernard Wallet a créé
Phase Deux avec son équipe, Yves Pagès et leur adjointe,
vers mai juin, et les premiers titres sont annoncés, même
si sortent chez Verticales, dont la nouvelle direction du Seuil avait drastiquement
réduit le nombre de titres, les derniers bouquins programmés
par le duo Wallet / Pagès 2. Le vendredi 16 septembre 2005 à 15:46, par Berlol Je retarde, je retarde... Tu en as de bonnes ! 3. Le dimanche 18 septembre 2005 à 21:05, par jfm C'est vrai que tu retardes, Berlol. Tu fais trop de squash. C'etait
dans le Monde ou dans Libé il y a plusieurs mois. J'en suis sûr
parce que j'ai une copine correctrice qui travaille pour Verticales et
que je lui avais envoyé un mail à cette époque pour
savoir ce qu'il en était pour elle. 4. Le lundi 19 septembre 2005 à 00:15, par Berlol N'ai pas joué au squash depuis... le 14 mars 2004 ! 5. Le jeudi 22 septembre 2005 à 01:25, par Eli Même si la collection Phase Deux est annoncée depuis
le mois d'avril - Wallet a débauché Toledo de chez Calmann-Lévy
- j'ai écrit un petit papier pour Berlol : elizabethflory.blogs.com/... |
Samedi 17 septembre
2005. L'essentiel de la vie, son inutilité. Je devais rester à mon bureau pour finir un travail. Précédemment, je devais même aller avec Arnaud au Tokyo Game Show (le deuxième salon annuel du Japon, par son gigantisme, paraît-il, après le Tokyo Motor Show)... Finalement, je me laisse séduire par La Vie aquatique, film qui passe au Ginrei Hall de Iidabashi, c'est-à-dire tout près de chez nous. Cela ne prend donc que deux heures, aller-retour. Et tant mieux, puisqu'en fin d'après-midi j'ai enfin pu me concentrer et mettre un point au bas du texte que j'ai illico posté à son destinataire... Ce film cultive gentiment le paradoxe : le personnage principal, un capitaine mi-Némo mi-Haddock, veut faire, comme Cousteau (il a aussi un bonnet rouge), des documentaires qui ne soient pas des fictions, alors que la mise en scène que nous voyons souligne le faux, tant dans les décors que dans la vraisemblance des aventures. J'aurais besoin du dévédé, un jour, parce que les images contiennent souvent bien plus que ce que perçoit un œil humain en suivant l'histoire. Pendant l'attaque à main armée d'un repaire de pirates, j'ai aperçu divers animaux marins et terrestres, dans les coins des escaliers, sur les rampes, entre les meubles, auxquels la caméra ne s'est aucunement intéressée, tout occupée qu'elle était à suivre l'assaut — et pour cause : c'est un membre de l'équipe de Zissou qui est censé filmer en courant... Zissou, nom étrange pour un chef d'expédition scientifique. Entre zazou et Isou, et même Zizou de Zidane, joué à la perfection par un Bill Murray, enfin sorti des rôles de ramollo (type Lost in translation, bon film au demeurant) sans déraper jusqu'aux Ghostbusters... L'univers fictionnel est au moins aussi attachant que les personnages, quelque chose entre Jules Verne et Tintin, avec ce qu'il faut d'improbable pour que vous vous sachiez dans un conte — et donc réfléchir à ce que vous pouvez transposer pour penser par vous-même, au lieu de tout recevoir bêtement comme vérité toute crue. Bref, un film qui fait sourire et ramène à l'essentiel de la vie, son inutilité. « Il est difficile, pour l'enfant qui s'éveille, de reconnaître ce corps de vieillard qui est devenu le sien depuis longtemps déjà.» (Patrick Deville, Longue Vue, p. 37 — ça rappelle quand même le Beckett de « avoir été celle que j'étais et être encore celle que je suis...», dans Oh les beaux jours !...) Le déjeuner après le film, c'était des spaghettis à la sauce tomate. Mais une sauce tomate préparée moi-même, avec six grosses tomates, de l'huile d'olive, un peu de sucre, sel, etc., selon la recette que la belle-mère de Michel nous a apprise à Paris le mois dernier. C'était tellement bon ! Et en plus, il en reste pour demain ! Pour le dîner, changement de continent : T. achète d'excellents sashimis et concocte un misoshiru à l'aubergine. Tout ce bonheur, hein ! Le gros hic de la semaine, c'est les chenilles... De six ou sept qu'on en avait sur le citronnier le week-end dernier, il n'y en a plus aucune. Justement quand le fond de l'air rafraîchit... Enlevées par des oiseaux matinaux ? Enfuies de nuit pour cocooner loin de nos regards de voyeurs ?... On a bien retrouvé quelques feuilles enroulées sur elles-mêmes comme le font certaines chenilles pour protéger leur cocon, mais vides, rien quand on les déroule. La vie aussi, quand on la déroule, il n'y a rien dedans. Pourtant, elle est verte encore. Commentaires1. Le samedi 17 septembre 2005 à 11:59, par arte Tape des mains, tape des pieds : 2. Le samedi 17 septembre 2005 à 17:04, par Berlol Sympa, le Gad ! Merci. 3. Le samedi 17 septembre 2005 à 21:43, par Arnaud Ca a l'air sympathique comme film. Effectivement, ces derniers temps
les films qui font sourire et mettent de bonne humeur sont assez rares...
(Et puis Disney, très peu pour moi hein...) 4. Le dimanche 18 septembre 2005 à 00:25, par Manu Des pâtes hier, des pâtes aujourd'hui, du rab pour demain, et pourtant tu seras allé au resto de pasta après le ping-pong ! 5. Le dimanche 18 septembre 2005 à 01:27, par Berlol Ouais, mais j'ai été déçu. Sauce trop grasse. Heureusement, la conversation était sympa, n'est-ce pas ? 6. Le dimanche 18 septembre 2005 à 04:35, par Manu Enfin, comme d'hab, j'ai parlé de priorité entre économie
et environnement, avec le pétrole au milieu, et puis de blogs... 7. Le dimanche 18 septembre 2005 à 07:25, par FB ah, au fait, les mangeurs de nouille, personne a dit comme
c'était bien qu'on ait enfin été débarrassé
de ce nain au nez rouge qu'il nous infligeait tous les jours... 8. Le dimanche 18 septembre 2005 à 08:11, par Berlol Merci, Manu. Je vais bientôt faire écrire des bouts
de JLR par les personnes que je rencontre... 9. Le dimanche 18 septembre 2005 à 10:52, par FBon on doit faire défiler plein d'ascenseur, il y a plein de lignes
en blanc, des indications en gras TRACKBACK etc qui pourraient être
en tout petit... si tu condensais un peu tout ça, et même
police un peu plus petit pour les commentaires, on en aurait plus vite
une vue synoptique ? 10. Le dimanche 18 septembre 2005 à 11:26, par Bartlebooth "Entre zazou et Isou, et même Zizou de Zidane" 11. Le dimanche 18 septembre 2005 à 22:15, par Manu J'ai oublié : on a aussi parlé des comités d'entreprise. 12. Le lundi 26 septembre 2005 à 11:13, par Phil De Jonckheere Je m'étranglerais presque de rire en lisant François
écrivant, "c'est du détail mais quand même!" |
Dimanche 18
septembre 2005. (Ch)apeau de minuit. Ping-pong aux étranges résultats... Je bats d'entrée Katsunori, pour me faire étaler juste après en trois manches par Manu. C'est le monde à l'envers ! Seule Hisae continue imperturbablement à gagner — elle reconnaît tout de même que le temps où on la battra n'est plus très loin (compassion ? coquetterie ?, je ne sais...). La plupart des manches ne sont gagnées qu'avec deux points d'écart, ce qui souligne l'ardeur des quatre. Assurément, une très belle reprise automnale, en accord avec le climat littéraire de Longue Vue, poursuivi dans le métro d'aller et de retour, et dont je vois le bout venir. Au restaurant habituel (abandonné il y a quelques mois et auquel je proposais tout de même de retourner — pour vérifier ? pour contredire ?), les pâtes me déçurent : trop d'huile, pas assez de goût, quelque chose qui reste en bouche longtemps... Déjà la mauvaise habitude de la bonne sauce tomate ? Et puis j'en ai marre d'être dans cette cave ! Heureusement qu'il y a la conversation, pour donner bon gôut à tout cela : blogs sous Dotclear et perspectives de modifications (titres en rouge-orangé, réduction des caractères dans la colonne et en commentaires, etc.), tickets de tournoi de tennis et questionnement sur les comités d'entreprise au Japon, etc. Bain au Houellebecq... juste après avoir appris le gain record à l'Euromillion d'un chômeur avec quatre enfants : « La seule chose qui puisse vous enlever vos dernières illusions sur l'humanité, c'est de gagner rapidement une somme d'argent importante ; alors on les voit arriver, les vautours hypocrites. Il est capital, pour que le dessillement s'opère, de gagner cette somme d'argent : les riches véritables, nés riches, et n'ayant jamais connu d'autre ambiance que la richesse, semblent immunisés contre le phénomène, comme s'ils avaient hérité avec leur richesse d'une sorte de cynisme inconscient, impensé, qui leur fait savoir d'entrée de jeu qu'à peu près toutes les personnes qu'ils seront amenés à rencontrer n'auront d'autre but que de leur soutirer leur argent par tous les moyens imaginables ; ils se comportent ainsi avec prudence, et conservent en général leur capital intact. Pour ceux qui sont nés pauvres, la situation est beaucoup plus dangereuse ; enfin, j'étais moi-même sufisamment salaud et cynique pour me rendre compte, j'avais réussi à déjouer la plupart des pièges ; mais des amis, non, je n'en avais plus.» (Michel Houellebecq, La Possibilité d'une île, p. 66) Cette sagesse des nations irrigue la littérature depuis le XVIIIe siècle, c'est-à-dire depuis qu'il est possible de changer de condition. Plus j'avance dans ce roman, seulement au bain et mollement, plus je suis déçu par cette écriture de plus en plus académique. Elle enrobe les propos les plus sinistres d'un voile de banalité, et de tristesse qui apitoie tous les déçus de la société contemporaine. Un « vos dernières illusions sur l'humanité » ne fouille pas ce qu'est pour chacun l'humanité ; il en postule une, idéale et unique pour tous... et « vous » la retire ! Au demeurant, les choses sont claires : Houellebecq et tous ceux qui l'apprécient (j'ai suivi cela dans la presse et dans quelques dizaines de blogs) disent tout le mal qu'ils peuvent des auteurs dits du Nouveau Roman, c'est-à-dire de ceux qui ont expérimenté de nouvelles formes textuelles et narratives (ils ne sont d'ailleurs pas les seuls). Le paradoxe, c'est qu'ils invoquent souvent Céline à propos de Houellebecq (pour l'anarchisme de droite ?), alors que Houellebecq n'invente rien, ni en forme ni en langue. Linguistiquement, la plupart des paragraphes, comme celui ci-dessus, pourraient avoir été écrits vers 1830, par un clone de Balzac. Jusqu'à minuit, Sayonara Party un soir de pleine lune et promesse de squash... C'est Christine qui part. Pour quelques mois, en Suisse. Mais aussi Thomas, demain matin, pour deux semaines. Mais encore Roland, qui rentre en Belgique. Et juste après lui peut-être Jephro et Franz, pour quelques jours de vacances. Ça commence par un apéritif au Lillet chez Ch. & Th., bordelais d'origine, le temps que les dix s'assemblent. Puis ça se continue dans un restaurant de Kagurazaka, le Iori (où s'était achevé le premier week-end du colloque Sand en octobre dernier), où nous commandons à la carte des plats d'Izakaya façon chic, tous bons, d'ailleurs, sauf le tofu, fade. Voilà à quel type de photos nous amène la privacy quand il est question de publier en ligne. Soit on demande expressément à chacun son autorisation (que l'on n'obtient pas nécessairement), soit on censure soi-même en coupant les têtes (soit on ne fait pas de photos du tout...). On pourrait censurer plus conventionnellement en floutant les visages, ou seulement les yeux. Mais la coupure de têtes est nettement plus un acte politique destiné à faire réfléchir. Une dernière solution, que je vois de plus en plus se développer avec la photo numérique, même dans des sites sérieux et dans la presse, consiste à montrer des photos sur lesquelles le flou le dispute au bougé, où le mauvais cadrage souligne l'instant volé, sans flash surtout — des photos dont en fin de compte le ratage même fait la publiabilité. Celle-ci n'est pas si ratée qu'on ne puisse y reconnaître Franz, Atsushi, voire Roland de profil, et même Christine bien qu'elle soit de dos. Bien sûr, l'ensemble bouteille, verres, plats, couverts donnne un aspect animé (にぎやかですね !!!) que confirment les sourires et les mains nombreuses, le fond sombre suggère l'intimité d'un coin de restaurant, voire d'un salon privé... Mais c'est quand même une mauvaise photo. (Les bonnes montrent trop bien les gens, elles leurs sont réservées.) La promesse de squash vient de Thomas qui boudait le ping-pong mais qui ne savait pas si le squash m'intéressait... On ira dans deux ou trois semaines. Commentaires1. Le lundi 19 septembre 2005 à 06:06, par Manu Allez au squash plutôt dans 3 semaines alors, pendant qu'on regardera du tennis... 2. Le lundi 19 septembre 2005 à 09:30, par Bartlebooth Vu à la télé les derniers Campus, où
tous les invités et Durand crachaient sur le nouveau roman. Dans
une émission où on parle de tout sauf de la forme, il n'est
pas étonnant que le nouveau roman soit méprisé. 3. Le mardi 20 septembre 2005 à 03:21, par Berlol Mais dis-moi, Campus ne devait pas se finir par une chronique de Robbe-Grillet toute l'année ? En tout cas, c'est ce que G. Durand disait à l'émission de reprise, en août... 4. Le mardi 20 septembre 2005 à 06:30, par Bartlebooth Oui. Pas vraiment une chronique. Des reportages anecdotiques
où on suit Robbe-Grillet dans ses voyages. La dernière fois,
on le voyait en Chine, avec son traducteur. On n'y apprend rien. 5. Le mardi 20 septembre 2005 à 06:50, par Berlol Justement, cet après-midi, dans une fromagerie, on voulait nous faire goûter du Salers. Mais comme le Cantal qu'on venait de tester était piquant, on a décliné l'offre. |
Lundi 19 septembre
2005. Écriture poisseuse et cambouis du code. « Une lumière rosée descendait sur le paysage et les ombres s'allongeaient.» (Patrick Deville, Longue Vue, p. 123) — à deux pages de la fin. Ça me rappelle Anne B. à la mi-août... Quand on quitte l'agréable prose dentelée de Patrick Deville pour entrer dans l'écriture poisseuse — c'est un compliment — de Lendemain de fête (Jacques Séréna, Éd. de Minuit, 1993), on dégringole un sacré dénivelé. Finies les distanciations narratives et les jeux d'optique évasifs. Une voix vous alpague et vous tire pour regarder de près le taudis qu'est sa vie. À elle seule, que l'on sent rauque, elle vous construit pied à pied un univers de déglingue. Un mystère s'y dessine... J'y entre à tâtons... « Comme lui, au début, quand il s'est mis à faire les trajets avec moi les gens comprenaient mal qu'un comme lui mène ce genre de vie. Ce genre de vie d'habitude c'est bien pour les comme moi. Comme les filles du genre d'Aline Hobt, c'est pour les comme lui, d'habitude. Comme quoi. Il a souvent à la main son Reynolds, et sur ses genoux son cahier vert format écolier, il note des choses. Choses que j'ai dites, ou dit qu'elle a dites, ou des hypothèses, le pour, le contre, pour peser, confronter. Et parfois des espèces de poèmes. J'en ai lus, pendant qu'il les écrivait, ce n'est pas difficile, il écrit assez gros. Il m'a dit que ça lui venait comme ça, je l'ai cru sans peine. Mais c'est aussi parce que, lisant par-dessus son épaule, j'ai surtout vu les passages écrits en gros, qui certainement étaient les plus nuls, c'est automatique, plus c'est nul plus on écrit gros. C'est comme ici, dans ce bar, quand on entend gueuler on entend rarement une vérité essentielle.» (Jacques Séréna, Lendemain de fête, p. 13) Ma matinée à explorer le php et le css de Dotclear pour comprendre comment c'est construit... Parce que paramétrer avec des cases à cocher, ça va, j'ai su faire depuis la semaine dernière. Mais là, si on veut changer des couleurs, un côté d'alignement, etc., faut entrer dans le cambouis du code, le codbouis. Voilà où j'en suis. En fin d'après-midi, T. me sauve d'une journée sans voir le ciel en me proposant une balade à Ginza. À Paris, on n'est pas allé aux Champs-Élysées, mais à Tokyo on va facilement à Ginza. Je crois que je préfère, maintenant. La vitesse à laquelle les grandes marques refont leur magasin de Ginza, l'une après l'autre, sans arrêt, pour capter l'attention de la clientèle de plus en plus riche, de plus en plus captive, de plus en plus flattée, ça devient comique, au fil des ans. Lanterne magique évolutive, c'est un spectacle où se mêlent pour notre regard cruel la beauté et le ridicule, le luxe de produits et l'addiction consumériste — nous qui n'achetons ce soir qu'un pot de miel et un morceau de mimolette. Commentaires1. Le lundi 19 septembre 2005 à 14:12, par FBon oui, n'hésite pas à jouer avec le code y a que ça
qu'est rigolo avec le Net 2. Le lundi 26 septembre 2005 à 11:08, par Phil De Jonckheere François, il dit ça parce qu'il sait qu'il a toujours
le sauvetage hélico par Julien quand il a trop fait l'apprenti-sorcier. |
Mardi 20 septembre
2005. Le rythme des matraques. Temps lourd à Tokyo. D'ailleurs pluie en fin de soirée. Pas mieux pour demain. L'éclaircie, c'est notre retour au Saint-Martin, l'excellence retrouvée de son poulet-frites. Yukie vient de passer une dizaine de jours en France, elle est allée une fois au Bon Saint-Pourçain, rue Servandoni, qu'elle a trouvé très bon quoiqu'un peu cher. Pour rester zen en lisant la suite, écouter le dernier album de Manuzik, ou quand Manu fait de la musique au lieu de jour au ping-pong ou de faire chauffer des biberons. On peut même temporiser encore un peu en allant voir les premières photos que Bikun met sur son blog. Pour les bons élèves à qui le nom de Brice Petit ne dirait rien, commencer par un résumé de l'affaire, par exemple chez Jean-Michel Maulpoix. « Je n’ose même pas parler du silence à pleurer de la hiérarchie d’une Institution qui semble se moquer éperdument du sort injuste réservé à l’un de ses serviteurs qui n’a jamais failli dans les tâches souvent supplémentaires qu’on lui a confiées. Si trois policiers qui ne disent manifestement pas toute la vérité ont droit au soutien inconditionnel de tout un arsenal institutionnel, un enseignant qui n’a pas menti et qui, un soir d’avril 2004, a fait son devoir d’homme, qui a répondu aux lois morales inscrites dans le cœur de chaque être conscient de la dignité de l’ « autre » homme, cet enseignant se trouve bien seul et se pose effectivement bien des questions sur l’état d’une école qu’il veut aimer. » [c'est moi qui souligne], écrit Brice Petit dans une lettre que reprend Remue.net ce jour, dans la continuité d'une solidarité du premier jour. Au-delà de cette injustice flagrante dont un homme souffre — et qui pourrait être n'importe lequel d'entre nous pour peu qu'il défende un principe quand un Force-de-loi en abuse sous ses yeux —, ces phrases révèleraient-elles une autre inégalité qui nous concernerait tous : que les branches de l'appareil d'État n'auraient pas toutes la même force ? L'Intérieur, la Police, l'Armée auraient la force de la loi — doigt sur la couture du pantalon ? (Si ripoux, les défendre mordicus, puis s'en débarrasser discrètos.) En revanche l'Éducation, la Recherche, la Culture nous joueraient la farce de la loi — doigt sur la plume du chapeau ? (Précarité budgétaire et psittacisme réformateur, leurs deux gros mensonges, leurs casseroles.) Et quand il faut un bouc émissaire, pourquoi le suivre ou le soutenir ? L'Affaire Dreyfus et l'Affaire Brice Petit auraient-elles une parenté ? Entre les deux, la Justice — et ses plateaux détraqués. Ou trop traqués. J'appelle un monsieur Force-de-loi ou une madame Force-de-loi un individu qui pense répression quand on lui dit sécurité, qui pense expulsion quand on lui dit misère, qui pense matraque quand on lui dit désaccord. Les fonctionnaires de police et les agents de surveillance ne s'appellent pas tous monsieur ou madame Force-de-loi. Il y a des Force-de-loi qui ne sont ni fonctionnaires de police ni agents de surveillance (ils attendent la moindre occasion pour former une milice). Beaucoup voudraient que leur chien s'appelle Force-de-loi. Certains voudraient être le chien Force-de-loi : baver, mordre, que ça menace... Regardez-vous dans un miroir, prenez l'air sérieux et supérieur, raffarinez un peu, ou mieux, balladurez... et dites : « Ce que je pense a force de loi ! » Force de loi... Force de loi... Hein ! comme c'est rond en bouche ! comme ça vous pose ! Signez là. Vous êtes engagé. Si vous sarkozez, c'est encore mieux, vous serez chef d'escadrille ! Mais si vous vous esclaffez en entendant farce de l'oie, farce de l'oie, signez pas, surtout, vous avez pas l'oreille musicale ; ça vous plaîrait pas, le rythme des matraques... Commentaires1. Le mardi 20 septembre 2005 à 20:33, par Manu Merci pour la promo ! 2. Le mardi 20 septembre 2005 à 22:33, par caroline Le silence qui règne dans le lycée où enseigne Brice Petit est accablant. J'ai eu l'occasion d'informer certains de ses collègues de l'affaire. Ils affirmaient ne pas être au courant.Leur réaction reste très dubutative. Ne parlons pas de la hierarchie, de la direction de l'établissement... Vous avez raison, on a l'impression que l'Education Nationale forme nos enfants à la loi Sarkozienne. C'est ça l'avenir. Courber le dos devant la police, devant la justice et se taire. L'art d'être un bon citoyen ! 3. Le mercredi 21 septembre 2005 à 03:57, par Eli Caroline, rassurez-vous, il existe encore des établissements très militants, contre vents et marées, tsunamis et ouragans devrais-je écrire... Mais la disparité et "l'hétérogénéité" qu'on observe chez nos élèves - de bon aloi d'ailleurs, l'école ne devrait-elle pas être un lieu où l'on apprend... à vivre ensemble avec nos différences - sont de mise également chez les enseignants. On retrouve entre les établissements le fossé qui sépare, dans les hôpitaux, le service du SAMU et celui de la gériatrie. ( je ne suis pas gérontophobe, mon propos est autre...) 4. Le mercredi 21 septembre 2005 à 04:37, par Bikun Berlol, juste pour te dire que je trouve ton blog beau, et qu'il
a beaucoup gagne a avoir ete migre sous dotclear! D'ailleurs encore un
merci a Manu qui 'est charge de le teste pour nous! 5. Le vendredi 9 juin 2006 à 05:06, par aurélie : L’occurrence MaulpoixIl n’y a jamais eu, à notre connaissance, d’affaire Maulpoix. Tout au plus une occurrence, comme il arrive parfois qu’une règle ou une loi s’instancient en occurrence, momentanément, depuis le ciel des Idées. C’est de l’Idée, donc, que Maulpoix pâtit, aussi douloureusement que pâtit, soufflant sur ses doigts, l’élève malin qui s’est vu infliger un bon coup de règle pour avoir tenté, non sans efficace, d’attirer à lui la toute-puissance de l’œil du maître par une réponse anticipée, soufflée au ras du pupitre, venant ainsi molester comme un imperceptible carillon agaçant à la fin le cours inaltérable de la parole de la Loi. Maulpoix-l’occurrence est coupable d’avoir soufflé au maître qui le nourrit raisonnablement la bonne réponse anticipée au mauvais moment, au moment où le coup allait s’abattre sur l’Autre, le cancre, l’Autre de la Loi, celui qui alignait la mauvaise grâce d’un comportement inadmissible depuis le départ, le dénommé Brice Petit. Maulpoix a été en cela le type même du bon élève. Le parti de la Raison qui le sustente depuis sa plus tendre enfance («Ce n’étaient que très hauts et très hâtifs savoirs empilés»), la mesure affichée sur son front blanc, le détournement des mauvaises influences en même temps que l’accaparation d’un héritage qu’il revendique par un opportunisme inné auquel il doit sincèrement sa carrière à l’ombre du Maître, ont fait de lui le parfait arriviste, l’innocent sincère, celui qui singeant le rapport à l’histoire et à la parole qu’il est incapable d’incarner, se voit infliger, à l’arrivée, parce qu’il a un peu oublié que le maître est mufle, le redouté et infâmant coup de baguette sur ses doigts stupéfaits. Ne voit-on pas sa nuque trempée de sueur et son indignation sincèrement feinte réclamant compassion au public, criant dans la cour de récréation tout le mal qui lui est fait à lui, le sain, le mesuré ? Aussi, avec ses 8500 euros d’amende, pauvre-Maulpoix n’ira pas au ski cet hiver, en rando ce printemps, à la plage cet été, ne prendra plus que des moyens courriers et devra faire usage modéré de l’inventaire des sensations aussitôt consommées aussitôt jetées dont il emplit usuellement ses livres. Amateur de poésie et de réalité, le voilà pris au pied de la lettre et acculé par la poésie et la réalité à rendre compte de la mauvaise farce qu’il nous a jouée pendant quelques mois. Il apparaît que ce bonhomme, si haut en couleurs (bleues), si bon mot et si formule retenue, tout à son spectacle, a appris ce qu’est le sens d’un mot, et qu’il vient d’échouer au seul, certainement (gageons qu’il ne recommencera pas), examen qu’une banale réalité a, par ennui, non sans mépris, concédé à lui faire passer. Il n’a pas fallu plus d’une seconde pour que cet emmerdeur, raisonnablement sifflé par la Loi, retourne à son giron, bien que, depuis lors, son cirque hystérique enfle les glottes siennes et celles de ceux qui, amoureux du maître, redoutant et désirant une telle distinction, hurlent les habituelles bondieuseries outrées. Qui a dit: «nul ne ment autant qu’un homme indigné?». mars 2006 Lettre de Brice Petit diffusée par Moriturus, avril 2006 : DEUX ANS DE PALAIS – à propos du verdict du 6 avril 2006 dans l’affaire Petit / Maulpoix – à ceux qui m’ont soutenu et qui auront la patience de lire. Cairanne, le 8 avril 2006 Aux nombreux amis, poètes, proches, citoyens qui m’ont soutenu pendant deux ans, je voudrais faire part de ma plus vive reconnaissance. A l’écoute du verdict qui m’a innocenté aussi bien de l’accusation d’outrage que de celle de diffamation, je n’ai pu que penser à vous. Ces deux dernières années d’un combat souvent désespérant, épuisant, harassant, j’ai voulu les traverser pour plus que moi c’est-à-dire pour chacun. Pour ceux, notamment, que la loi d’outrage emprisonne chaque jour injustement parce qu’ils n’ont ni la parole ni les moyens financiers d’être défendus correctement. Un seul espoir m’anime aujourd’hui : que nous soyons parvenus à ouvrir une brèche dans l’injustice systématique qui règle le rapport entre la police souvent autoritaire de ce pays et les citoyens ; que modestement ce précédent, cette trace laissée dans le palais de justice de Montpellier, serve à d’autres que moi et ceci : grâce à vous. Il y a bientôt deux ans, dans la cave des garde-à-vue, j’ai échappé de peu à une comparution immédiate, procédure qui tous les jours viole l’esprit même de la justice. Il en aurait résulté certainement une condamnation écrasante. Sans défense organisée ni témoins, la prison, la matraque financière, la confiscation de mon métier me menaçaient probablement. Deux ans plus tard, les accusations mensongères qui me harcelaient ont volé en éclats. Mes accusateurs n’ont pas dit la vérité ; la justice, dans mon cas, a entendu et compris. Cette incroyable ellipse judiciaire entre une procédure expéditive qui terrasse nombre d’étudiants à l’heure actuelle et un vrai procès n’a qu’un nom : l’argent. Que l’on ne s’y trompe pas, j’ai eu droit à ce que je peux dire être « un procès de riche ». Grâce à mon excellent avocat, Maître François Roux (dont M. Maulpoix n’a pas voulu), grâce à une relative médiatisation, grâce surtout à votre soutien financier profond, nous avons pu mener une lutte juridique digne de ce nom c’est-à-dire susceptible de faire affleurer la condition même de notre liberté : la vérité. Avant moi, après moi, dans ces mêmes cours de justice, il sont et seront nombreux ceux que le dénuement mènera à un jugement tronqué. Les deux procès que j’ai eu à subir auront duré 13 heures en tout ; combien, confrontés à la police, sont condamnés en un quart d’heure chaque semaine ? La vérité est exigeante, elle demande du temps et un langage. Le moins que l’on puisse dire est que notre pays ne fournit cela qu’à ceux qui en ont les moyens. Si je me suis permis d’en appeler plusieurs fois à chacun d’entre vous, c’est que je savais qu’un homme seul, isolé, n’a que peu de voix. C’est aussi que je crois aux vertus du mot « ensemble ». Ce mot « ensemble » que Paul Celan a fait briller au plus haut du poème d’après 1945 s’adresse avant tout à ceux qui n’ont pas la parole : dans la France d’aujourd’hui, ils sont une foule que les institutions harcèlent ; le poème, la parole vivante sont tournés vers leurs visages. Je me réjouis que cette bataille désintéressée ait tourné en faveur de la vérité, de la parole franche, du désir de vivre autrement ensemble. En revanche, la condamnation qui frappe M. Maulpoix est tout simplement exorbitante, la somme qu’on lui demande (5000 euros) n’a d’autre fonction que de sauver la face de quelques fonctionnaires entraînés aux frontières de la loi par une politique sécuritaire dangereuse et délétère. Je n’ai eu de cesse de prévenir chacun contre ce danger : non, la république n’est pas naturellement juste, elle demande à tous un engagement fort afin de devenir le projet qu’elle contient. Cela fait plus de six mois que mes relations ont cessé avec M. Maulpoix et ses amis d’un comité de soutien où je n’avais aucune part. Dès les premiers mois de cette affaire, j’ai eu plus à souffrir qu’à me réjouir de ce que M. Maulpoix appelle sa solidarité. Pourquoi ? Je pars du principe que la vérité et la justice n’ont ni à rougir ni à s’encombrer de regrets, de remords dont la première conséquence est de paralyser l’action. Je me suis employé à agir résolument. Une pétition a été adressée au Ministre de l’intérieur de l’époque, M. de Villepin, pétition signée par les plus grands noms de la poésie française. L’amateur de poésie de Villepin n’a pas daigné y répondre. Ce monsieur, bien avant les événements actuels, affichait déjà cette surdité méprisante à laquelle il n’a plus cessé d’être fidèle. Je ne regrette rien des termes de cette lettre ouverte : elle me semble a posteriori avoir su prendre le véritable pouls d’un pays malade. M. Maulpoix, sous des prétextes qui m’ont toujours paru étranges, a refusé de signer cette lettre. Tandis que je disais : action, il me répondait systématiquement : prudence et attente. Que les choses soient claires une fois pour toutes : le texte qui m’a valu une accusation pour diffamation n’a jamais été adressé, par moi ni par mes amis, à aucun site internet. Ceux qui l’ont publié l’ont fait de leur propre initiative ; ce texte leur est parvenu par des relais que je ne connais pas et qui n’ont pas daigné se manifester par la suite. Qu’importe, je me suis tenu, un an et demi durant, pour solidaire de M. Maulpoix. En première instance, alors que M. Maulpoix avait refusé de signer la pétition et qu’il faisait obstacle à une véritable médiatisation, plus que nécessaire, j’ai été condamné à 3000 euros, avec lui, pour diffamation. Il ne coûtait rien alors à M. Maulpoix de m’innocenter en disant simplement la vérité : je ne l’ avais pas sollicité, pas plus que Cédric Demangeot, pour qu’il publie ce texte, il l’avait fait sans notre accord. Dans cette affaire de diffamation, il est temps de dire la vérité : c’était moi « l’entraîné », pas M. Maulpoix. Alors que je me battais chaque jour pour la relaxe dans l’accusation d’outrage, relaxe que j’ai d’ailleurs obtenue deux fois, il s’est avéré très vite impossible de mener pareil combat pour la question de la diffamation. J’ai avalé ces couleuvres. Humainement, je ne le regrette pas, je ne m’en suis, à l’époque, jamais plaint, j’étais prêt à payer cette amende juridiquement infondée me concernant, n’ayant aucune responsabilité dans la publication de mon texte si ce n’est celle de l’avoir écrit et qu’il m’ait échappé. Cela ne me gênait même pas du moment que la cause pour laquelle je m’étais engagé avance. Lorsque les policiers et le parquet font appel de la décision des juges en septembre 2005, j’attends désespérément une réaction de M. Maulpoix. Il était en effet temps d’agir. Mon épuisement moral touche à son paroxysme ; je suis admis en clinique psychiatrique pour plusieurs semaines. Quelle est la réalité de ma vie à ce moment-là ? Je suis isolé et de plus en plus suspect dans mon lycée, je subis des enquêtes des renseignements généraux, des proches dans ma famille m’abandonnent, les syndicats d’enseignants m’oublient. Manifestement, le ton de franchise que j’adopte n’a rien pour plaire et surtout pas cette volonté qui a toujours été la mienne de mener ce combat en direction de mes concitoyens. Messieurs Maulpoix et Bon organisent enfin une conférence de presse à la maison des écrivains, conférence de presse malheureusement très privée où le mot d’ordre, une fois de plus, n’est autre que l’attente et la passivité. Je sais avoir écrit à cette époque à l’intéressé qu’il nous entraînait vers une défaite que pour ma part je refusais. Sa réponse m’apprend alors que nos stratégies diffèrent et donc se séparent – comme si elles s’étaient jamais accordées ! Au comité de soutien que ces gens fondent, j’envoie un texte qui sera publié amputé, tronqué, censuré. Je n’ai par la suite plus rien écrit à ces gens-là qui se sont servis de mon nom pour leur propre cause et pour lesquels je n’avais de valeur que muet. Très vite, en effet, la question centrale pour moi de l’outrage, des injustices policières : la question de départ est recouverte au profit de la question tellement plus correcte d’internet. Ce bâillon, je ne l’oublie pas. J’ai assisté à la défense de M. Maulpoix dans les deux procès ; peut-on se mettre, et donc nous mettre, en danger d’une façon plus évidente ? Faire part de sa mauvaise conscience et de ses regrets, d’une gêne, d’un malaise, est-ce la meilleure manière de plaider son innocence ? Dire que l’on est injustement la seule victime, que d’autres sites ont publié le texte incriminé, que ces sites n’ont pas été accusés, se défausser sur autrui d’un geste courageux au lieu d’organiser une réaction de solidarité de tous les sites en question, voilà qui m’a toujours paru très en deçà de ce qu’une telle lutte implique. La vérité et la bonne foi ne parlent pas cette langue. Pour moi, je suis allé à la barre avec mes témoins remarquables de courage et de lucidité, des citoyens vivants, et nous y avons dit la vérité sans rougir ni baisser la tête ; nous n’avions rien à nous reprocher, rien à cacher et c’est cette voix-là qui a été entendue. Il est vrai qu’il faut pour cela donner de sa personne. M. Maulpoix n’a jamais voulu s’appuyer sur cette évidence : le 28 avril 2004, une sale machination avait été commise qui justifiait sa réaction. Il lui suffisait de se laisser porter par la vérité dont nous étions porteurs. Cette défense sans calcul, qui était la seule valable, il n’a pas souhaité la faire sienne. Au fond, je me demande s’il a jamais pris la mesure de ce qui se jouait, de la violence d’état que cette affaire impliquait, de la souffrance de ceux qui ont à subir pareil sort. Tant pis. A France Culture, il y a quelques semaines, je me suis encore étonné du refus de M. Maulpoix de se joindre à la pétition destinée à de Villepin. A ma voix lointaine, enregistrée une semaine plus tôt en province, M. Maulpoix a répondu dans le confort du direct et donc du dernier mot. Je suis heureux qu’il ait enfin dit ouvertement le fond de sa pensée me concernant. J’ai ainsi entendu que je me conduisais en « martyr », que mon ton était « persifleur », que je me « drapais dans des poses romantiques », que j’étais pour finir « un donneur de leçons ». Ce que je comprends dans ces viles attaques c’est qu’on aurait souhaité que je passe mon temps à me taire, que l’injustice impitoyable qui pesait sur mes épaules ne trouve pas le ton d’indignation voire de révolte qui lui convient. Je ne suis certainement pas amateur du vent atlantique et des postures qu’il procure, je le suis encore moins des victimes expiatoires. C’est bien pour cela que le 28 avril 2004 je n’ai pas accepté qu’un homme fût battu sur l’autel de la république sécuritaire. La seule chose de juste que j’ai enfin entendue de sa part, c’est que nous n’avions pas « la même poétique ». C’est vrai. Le poème tel que je l’entends ne craint ni la vérité ni le réel. Ce que je constate, après ces deux années éreintantes, c’est qu’il n’est pas d’institution prête à s’engager en faveur des valeurs qui font de nous des hommes vivants. La solidarité prend corps dans les marges vives. A l’absence de soutien de la communauté enseignante a répondu la sollicitude de nombre de mes anciens élèves. Deux d’entre eux sont allés jusqu’à fournir au tribunal des témoignages de moralité sur l’homme que je suis et qu’ils connaissent. Que ces jeunes citoyens, qui passent souvent de loin, en cette matière, ceux censés les instruire, soient remerciés de tout cœur. Au désir des institutions littéraires de voir mon cri assourdi ont répondu les poètes, les lecteurs, qui savent les vertus de l’ombre et du retrait. Au silence de la plupart des journaux (merci à Thierry Guichard, à Pierre Daum, à Xavier Frison : les seuls) ont répondu l’amitié, le dévouement de ceux avec qui je vis et écris en poésie, l’espace restreint mais tenace de notre revue, moriturus, qui a publié des textes essentiels pour que notre liberté demeure. A l’incompréhension de quelques uns des miens, membres, par exemple, éminents de ma famille (qui se crut longtemps humaniste) ont répondu des hommes, des femmes que je ne suis pas près d’oublier. M. Maulpoix se plaint d’avoir à débourser 8500 euros, tout frais de condamnation compris. Pour ma défense et cette victoire, nous avons, nous, dépensé plus de 10000 euros. L’argent de chacun d’entre vous a permis une défense modèle, riche, argumentée, tonique et une victoire à laquelle nous nous devions. Il reste environ 1500 euros non dépensés. Il est fort possible, étant donné que les policiers pensent se pourvoir en cassation (rien ne les lasse), que cette nouvelle procédure engloutisse le peu qu’il reste. Si tel n’est pas le cas, une restitution au pro rata me semblant plus que fastidieuse vu la centaine de donateurs, l’idée de la réalisation d’un livre, un vrai nouveau moriturus qui dise le temps que nous vivons, fait son chemin. Dans ce cas, il sera à chacun adressé, avec l’amitié et la reconnaissance. Brice Petit & moriturus L’autre procès de Brice Petit Brice Petit, reçu chez André Velter à France Culture (émission du 18/09/05), devait s'y attendre. Plan de l'émission : I. Croc-en-jambe n°1 : 1. André Velter, après avoir vaguement parlé de la revue "Moriturus" de Brice Petit et Cédric Demangeot, interroge son invité sur son procès 2. Brice Petit y répond, il n’est pas interrompu, il développe donc 3. André Velter lui demande abruptement alors le rapport de tout ça au littéraire 4. Brice Petit y répond, assez brillamment, mais ne peut aller très loin, car II. Croc-en-jambe n°2 : 5. André Velter revient à nouveau, avec quelque incohérence apparente, sur le procès 6. Brice Petit y re-répond, délaissant son développement sur la langue 7. André Velter, derechef, et l’interrompant assez brusquement, lui demande wieder einmal ce que ça a voir avec le littéraire 8. Brice Petit, retente encore de développer la question III. Pas de titre (ou : A pieds joints sur l’adversaire) : 9. Velter coupe l'émission, sans qu'elle ait pu réellement démarrer à l'issue de ses deux crocs-en-jambe, sur l'amateurisme de Moriturus (omission de l’adresse postale dans le numéro 5). Le tout n’a pas duré dix minutes. En effet, dans ce n°5 de Moriturus, Brice Petit écrivait, p. 92 : « ornitophiles bégaiements / la collection poésie gall. ment ment ». André Velter, qui est le directeur de ladite collection Poésie chez Gallimard, n’a certainement pas dédaigné de faire comparaître cet homme déjà blessé pour un second procès à titre privé et sans possibilité d’appel. |
Mercredi 21
septembre 2005. Avais-je la vie belle ? Avoir vingt ans, cela n'arrive pas à tout le monde, hélas... Mais cela arrive parfois à une émission de radio. Le rouge allumé, Alain Veinstein nous a livré, ce 17 septembre, la 4700ième, le Du jour au lendemain des Du jour au lendemain. Et pas en extension, en collant les meilleurs bouts, le best of de l'anecdotique d'un morceau de siècle, non. En compréhension, en finesse, en profondeur, radicalement aussi, et émouvant, et sérieux, et drôle aussi. Moi, ça fait moins de dix ans que je l'écoute, depuis l'accès réticulaire. Et de tout ce temps à écouter toutes sortes d'émission, quand même, le DJAL, comme je le nomme dans mes archives mp3, reste une de mes préférées. Pour son ton, son intimité, son risque. « Les plus beaux livres, au fond, ce sont les personnes. Porteuses de l'éloignement, de l'étrangeté, et de ces paroles, si rares, auxquelles on peut se raccrocher dans le silence de mort de la nuit, alors que vous ne trouvez pas le sommeil, peut-être, et que vous ne nous écoutez que par défaut, faute de mieux, plutôt que de vous tourner et de vous retourner dans votre lit. Une question improbable... Quelqu'un va parler... Et contre toute attente, vous êtes comme un héritier à l'ouverture d'un testament dont vous ignoriez l'existence. Vous vous retrouvez tout d'un coup détenteur d'une manne, complètement inattendue. Toute parole, vous le savez bien, ne donne pas ce sentiment de force. Les discoureurs, les spécialistes ravis de faire étalage de leurs connaissances ne nous offrent pas cette chance. Les coqs beaux parleurs vont vite déchanter. Ils jouent une forme morte. Je préfère les interlocuteurs grâce auxquels je désapprends tous les jours. Je tiens beaucoup à mon ignorance.» (Alain Veinstein, DJAL du 17/09/2005) Puis, citant Hofmannsthal, ca[1894] (Les mots ne sont pas de ce monde, chez Rivage poche) : « Pour la plupart des gens, savoir beaucoup de choses n'est rien d'autre qu'une ignorance cachée et terrible. Les spécialistes cultivés sont les pires qui soient. Pédants et bornés, ils ne voient pas que l'essentiel, c'est que chacun de nous vive sa vie, sa vie particulière, qui lui a été donnée, à laquelle il a été donné de façon inéluctable, et qu'il la vive de façon aussi vraie que possible, aussi belle que possible.» Que faisais-je le 17 septembre 1985 ? Avais-je la vie belle ? Je n'en sais fichtre rien. Pourtant, j'ai nécessairement fait quelque chose. Il y a quelques vieux agendas, stockés je ne sais où, qui diraient peut-être ce que je faisais un mois après avoir quitté le Camp de Canjuers, la caserne du 1er Régiment de Chasseurs, le Service National, du temps où il existait encore — un autre temps. Répondant avant-hier à la question de JCB sur la déco du blog nouveau, pour faire un point clair (Dotclear...), j'ignorais comme Jourdain la prose qu'il décortiquerait ma réponse. Je l'en remercie trois fois d'une profonde révérence car je saurai désormais où diriger ceux qui me questionneraient... Parce que le rappel des mille grues me treuille à nouveau vers Hiroshima mon amour, perspective imprenable pour entrevoir Lol V. Stein... Enfin pour avoir employé avec pertinence le terme littéréticulaire que je n'ai pas forgé pour mon seul usage. Rendez-vous avec Laurent au café Goto de Waseda (où je ne prends pas de gâteau au fromage, alors que c'est le meilleur du monde — régime oblige). Il me remet en main propre le précieux ouvrage que je l'ai prié d'aller chercher à la librairie Compagnie avant-hier, avant de prendre son avion de retour le jour officiel de la sortie dudit ouvrage. Il s'agit d'une édition originale de Fuir... Jean-Philippe Toussaint devrait savoir quel numéro j'ai demandé. Si le lieu choisi n'est pas un repaire d'espions, on y trouve tout de même plusieurs personnes qui iront ensuite au même endroit que nous : la conférence de Dominique Rabaté, de Bordeaux 3, invité par l'université de Waseda. Titre : « Sujet ou voix ? remarques de méthode.» En très gros : comment s'en sortir, méthodologiquement donc, pour expliquer ce qu'on veut dire quand on parle de voix dans un texte ? Ça se dit aussi bien d'un Céline que d'un Duras, a fortiori d'un des Forêts, le des Forêts du Bavard, que Rabaté a beaucoup étudié. Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Pour certains, il s'agit des conditions de mise en voix du texte, en aval donc de sa première lecture et comme extérieurement à lui, ce pourquoi le texte serait une sorte de cahier des charges, je cite. Pour d'autres, il s'agit d'un retour en contrebande du sujet, notamment sous la forme du personnage, voire du style. Pour Rabaté, c'est encore autre chose... Je ne sais pas encore si c'est comme pour moi, mais on doit être dans les mêmes parages. Car justement j'en parlais pas plus tard qu'avant-hier, au sujet de Séréna. D'un texte de Deville à un texte de Séréna, je sentais ma lecture, comme un rayon de lumière arrivant en milieu dense, se réfracter, ralentir, s'alourdir. Comme d'un Pinget à un Beckett, d'un Toussaint à un Bon. Je les aime tous, là n'est pas la question. Tout comme il n'est pas question de la voix des auteurs eux-mêmes, bien sûr. Les voix des œuvres se répartissent en légère pour les premiers, lourde pour les seconds. Cette première distinction pourrait être suivie par d'autres, discussion socratique ou vision fractale, indiciblement jusqu'à l'exacte voix de chaque œuvre de chaque auteur. L'Opoponax de Monique Wittig aurait l'une des plus belles voix qu'il m'ait été donné de lire. Et ce n'est pas le style, non. C'est du continu de son-rythme-sens qui se réalise en moi quand le texte m'arrive par les yeux. C'est du ressenti et pas de l'intellectuel. D'où la difficulté de le dire. Je l'ai su avant de lire Blanchot ou Derrida. Je le savais alors sans le savoir. Ils m'ont fait savoir que je le savais. Peut-être que chacun le sait avant de savoir qu'il le sait. On n'est pas loin de ce que disait Veinstein dans sa 4700ème — et de ce qu'il poursuit toujours. Rabaté ce soir, pour revenir à lui, m'y replonge. Il est aussi en pleine recherche de comment dire cela en tant que chercheur, et de comment le montrer pour que ce soit compréhensible par tous, alors même que pour chacun la voix d'un texte peut être indiciblement différente. Qu'il en soit ici remercié ; je le suivrai de près désormais. Commentaires1. Le mercredi 21 septembre 2005 à 10:22, par Eric Patrick, 2. Le mercredi 21 septembre 2005 à 19:30, par Manu As-tu remarqué que sur ton billet du 10, "LOL" avait été transformé ? 3. Le jeudi 22 septembre 2005 à 02:00, par Christian Les métamorphoses d'Ô vide... 4. Le jeudi 22 septembre 2005 à 02:18, par Berlol Cantal ou Salers ? 5. Le jeudi 22 septembre 2005 à 06:35, par Christian Salers, alors... je connais pas! mmm... 6. Le jeudi 22 septembre 2005 à 18:07, par Berlol Pour la photo, Christian, faut justement suivre le lien du 5e paragraphe pour voir l'explication qu'en donne Jean-Claude Bourdais. Que te dire de plus... |
Jeudi 22 septembre
2005. L'inconnue du nombre fait hydre. En écho d'hier soir... « Votre voix au téléphone était légèrement altérée comme par la peur, intimidée. Je ne la reconnaissais plus. C'était... Je ne sais pas le dire, oui, c'est ça, c'était la voix de vos lettres que j'inventais justement, moi, quand vous aviez téléphoné.» (Marguerite Duras, Yann Andréa Steiner, P.O.L., 1992, p. 14) Une voix. Un ton. Une coloration. Une ambiance. Il y a de ces termes qu'on emploie pour parler des livres, que la plupart d'entre nous seraient bien incapables de définir. Tout en sachant qu'on ne parle pas du style. Trop chargé par les emplois majusculaires et par les gloses universitaires, le style ne peut plus concerner notre rapport intime au texte. De plus, il est en amont du livre, il a rapport avec le faire de l'écrivain, l'atelier, le brouillon — et ce qu'une mauvaise vulgarisation de la génétique textuelle a littéralement cadavérisé. Ou transformé, en fétiche ou en marché (écouter ce qu'en dit Christine Angot dans l'entretien d'hier avec Mathilde Monnier et Laure Adler). La voix, le ton, etc., semblent plus facilement à la portée de chacun. Le livre est une boîte noire ; l'ouvrir met en marche un processus que le lecteur subit et agit en même temps. Tout juste peut-il essayer de s'observer subissant et agissant. Nombreuses façons de subir, d'agir et de s'observer subissant et agissant sont à envisager... Tous les goûts sont dans la nature. Voilà qui devrait permettre d'élargir la palette étroite proposée par Barthes dans Le Plaisir du texte. En cette matière comme en d'autres, je me méfie des poseurs qui tranchent cyniques en public. Selon les propos toujours instructifs de Philippe De Jonckheere (dans son bloc-note du 18), Frédéric Madre descend les blogs en flamme. Il faudrait vérifier et approfondir, mais en l'état, ce serait plutôt une pose, du snobisme, voire une forme d'auto-défense. Quelqu'un qui n'a pas vu venir le blog ? Qui n'a pas su quoi en faire, ni comment le détourner ? Comme les autres médias et supports, le blog n'est pas mauvais en soi : il n'a que de bons ou de mauvais usages — ou des usages insipides, ou des usages commerciaux, ou des usages criminels, etc. Qu'est-ce qui hiatusse dans le blog ? Ce qui le diffère du site perso, c'est que ça se date (ça se périme) et ça répond, il y a des commentaires (possibles). Comme du forum ? Comme du forum, mais centré sur un seul auteur, ça redonde autour de lui, éventuellement ça le flatte trop, il compte ses lecteurs, ses hits, ses commentaires, ça lui gonfle les chevilles, il cabotine à la fin, sans s'en rendre compte (il a besoin d'amis qui le lui disent — dites-le-moi si c'est le cas ici). Comme du courriel ? Comme du courriel, mais exposé au public, formant un spectacle pour des voyeurs — les pires des lecteurs ne sont pas parmi ceux qui commentent. Parmi ceux qui ne commentent pas, la majorité passive, il y en a quelques-uns qui bouillent et qui aigrissent de ne pas commenter ; leur ressentiment est infini ; il n'ont pas peur du blogueur, ils ont peur de ses lecteurs, que l'inconnue du nombre fait hydre. Peur du qu'en-écrira-t-on, qui fera le tour du monde. La cyber-honte ! « À la schlague et au coin, le blog. [...] Dehors, les visiteurs.», dit Frédéric Madre. Pour ma part, j'ai traité le sujet en des termes plus respectueux des lecteurs (Qui ignore ses lecteurs / protège sa candeur), m'incluant, lecteur d'autres blogs que le mien. Bien sûr, il n'est question ici que des blogs ayant des propriétés littéraires, ceux dans lesquels une voix s'affirme, se cherche, fouit le réticule. Les autres, ça n'existe pas. Je signale à mes amis du GRAAL (reprise le 3 octobre, plutôt que le 26 septembre) que JCB vient de commencer (en beauté) l'étude du tableau de Delacroix, Femmes d'Alger dans leur appartement, titre du recueil d'Assia Djebar, de qui Jacques traite aussi... On nous gâte. Commentaires1. Le jeudi 22 septembre 2005 à 08:31, par Christian Combien de hits, aujourd'hui? Hé hé... 2. Le jeudi 22 septembre 2005 à 18:37, par Arnaud Je crois que se faire remarquer n'est pas vraiment l'objectif, cher
Christian... 3. Le jeudi 22 septembre 2005 à 18:43, par Berlol Bonne question. Moi, je n'ai pas encore compris, ni à quoi
ça sert, ni comment ça fonctionne... 4. Le jeudi 22 septembre 2005 à 21:39, par Manu "Les autres, ça n'existe pas." T'y vas un peu fort là,
non ? Tu as besoin d'amis qui te le disent ? 5. Le jeudi 22 septembre 2005 à 21:59, par Berlol T'as raison : "Les autres, ça n'existe pas.", c'est légèrement
exagéré... 6. Le lundi 26 septembre 2005 à 11:01, par Phil De Jonckheere Patrick |
Vendredi 23
septembre 2005. Contention. T. va au temple pour les cérémonies d'équinoxe, avec sa sœur aînée et la fidèle garde-malade de feu son père. Ici, je lis, j'écris des courriels, je fais des courses, j'ai un rendez-vous avec un ami. À17h30, devant l'entrée de l'Institut, c'est fou ce qu'il y a comme gens qui pensent que ça serait ouvert un jour férié... creuse la journée brise notre été contention du jasmin dans son pot. Belle intervention du libraire Christian Thorel, sur les procédés de la rentrée... Commentaires1. Le samedi 24 septembre 2005 à 03:27, par arte C'est rigolo de cliquer sur les photos l'une après l'autre ! 2. Le samedi 24 septembre 2005 à 04:49, par Berlol Oui, c'est fait pour ! |
Samedi 24 septembre
2005. Vers où coule à flot l'argent. Pour continuer la préparation des cours et aider T. dans sa rédaction, on renonce à aller déjeuner au Saint-Martin. Belle abnégation (on n'est pas les seuls). D'ailleurs, il pleut ; il paraît qu'un typhon approche ; et c'est bel et bien l'automne. Salade, jambon et pain toasté (le grille-pain récemment acquis tourne à plein). En fin d'après-midi, rendez-vous avec un nouvel émigrant français et sa fiancée japonaise, B. et R.. Un mariage en préparation. De nouveau, les galères administratives et professionnelles bravées par deux personnes dans le soutien mutuel. Et tous mes vœux. « L'erreur tient peut-être à une sorte d'obligation d'écouter les médias pour être informé — obligation intériorisée — je ne peux pas ne pas être informé... Erreur parce que l'on devrait pouvoir aussi couper, interrompre, et s'occuper du jardin, de la famille, du ciel, sans honte.» (Antoine Emaz, Lichen lichen, p. 77) Explosion du prix de l'essence (et vers où coule à flot l'argent ?). Emplois détruits chez HP, pour gagner encore plus (nos politiques plus fantoches que jamais). Bénéfices records des multinationales, précarité croissante de l'emploi (y a-t-il un milieu ?). Détours de Marseille à Toulon, pour l'Algérie via la Tunisie (qui coince qui ?). Bush et les médias attendent Rita de pied ferme (séduction des survivants et des réfugiés). Etc. Ces informations toujours plus nombreuses, la terreur sur nous. Leur message subliminal : contentez-vous de ce qu'on vous laisse... Commentaires1. Le samedi 24 septembre 2005 à 10:10, par alain C'est samedi, 2. Le dimanche 25 septembre 2005 à 01:39, par Manu Coïncidence avec notre rencontre dans le monde réel d'aujourd'hui, je n'avais pas vu que tu avais aussi signalé l'affaire HP dans ton blog. 3. Le dimanche 25 septembre 2005 à 05:42, par FB bon, y a pas forcément besoin d'écrire au webmachin chaque fois qu'on passe sur un site, sinon on passerait sa vie à ça, ou ce qu'il en reste vu le temps qu'on paume à se lire les uns les autres - mais autrefois c'est du temps qu'on aurait passé à s'écrire des lettres c'est juste un changement de support, avec l'avantage du temps réel et de la géographie éclatée - juste pour dire que le texte ci-dessus mentionné de Rabaté est sur remue.net qui est depuis longtemps un "collectif", c'est important et c'est pas de la frime - j'ai mon site perso, et l'avantage d'un collectif c'est justement qu'on reçoit beaucoup de l'intervention des autres - en l'occurrence, le texte Rabaté a été mis en ligne par Ronald Klapka, qui signe sur remue les éditos - on compte même, c'est un honneur, notre hôte d'ici Berlol dans l'officiel comité de rédaction - pour desordre, l'adresse c'est pdj at desordre.net et oui, il faut lui écrire : quand la SGDL lui avait remis son prix de la création Internet, il y a 2 ou 3 ans, c'est pareil ils n'avaient pas trouvé la boîte à lettres pour l'en prévenir (je crois qu'en ce moment il faut cliquer sur un petit timbre-poste via la page blog) - DJ le hasard fait que j'ai lu ce matin j'aime pas, - m'étais pas aperçu qu'il était dans les oecuméniques liens de l'hôte - l'avantage de l'automne c'est qu'on peut recommencer les dimanches de lecture c'est bien bon (pour moi, Laure Murat "la maison du docteur Blanche", en poche, quelquefois bien de quoi rire, et quand c'est des amis qui meurent on pleure - Maupassant notamment) 4. Le dimanche 25 septembre 2005 à 07:27, par Berlol Merci François. J'ai rajouté le lien Rabaté
au billet de mercredi. 5. Le dimanche 25 septembre 2005 à 07:48, par FBon petit lien sur le bouquin que j'ai passé mon dimanche à
lire 6. Le dimanche 25 septembre 2005 à 08:03, par Berlol ProustPourTous, le dégraissage à fond, c'est dans l'air du temps ! Sur le site, y'a même un blog où on donne les adresses des librairies où l'acheter. Moi, je ferais plutôt confiance à une librairie où on ne le vend pas ! 7. Le lundi 26 septembre 2005 à 10:43, par Phil De Jonckheere Décidément, les commentaires chez Patrick regorgent
de signes amicaux vers le désordre, évidemment très
touché et cela tombe à pic. |
Dimanche 25
septembre 2005. Laisser le désordre travailler. ____________________Toast____ ___Il est carré, il est mou, il est blanc ___Il va devenir légèrement croustillant ___Le beurre y fondra, le miel y coulera ___Vite dans le thé, tout ça ramollira Ing-Ong, sans P. Sans Précision ni Puissance, j'ai été battu par Hisae, par Katsunori et par Manu. Pas ma fête ! Juste passé un smash ; les autres coups sont restés dans le bras... Pourtant, j'avais bien dormi, pris des vitamines, mis un maillot de sport rouge gagnant (勝), presque remporté une manche contre Hisae (13-11 !). Puis tout s'est détraqué... Comme pour me consoler, Manu propose d'aller déjeuner à la crêperie Le Bretagne d'Omote-Sando. C'est à un quart d'heure à pied — presque une heure en fait, parce qu'on découvre un magasin de I-River, on visite une boutique Armani/Casa construite par Tadao Ando (ai un peu galéré pour trouver le site web...), etc. Toujours aussi bien, cette crêperie, le lieu, les crêpes, le service. À 13h15, on a eu une table pour quatre. Quinze minutes après, c'était complet. Par hasard, première fois qu'on parle poterie ensemble ; un intérêt commun à approfondir (un stage poterie quelque part un de ces jours ?...). Puis, sous la crêperie, à la librairie d'art Nadiff, pour se nourrir d'autre chose avant de se quitter. Revenu à Ichigaya, près du supermarché Hanamasa, ce bosquet en fleur à hauteur de pots d'échappement. Des fleurs qui ressemblent furieusement à des fleurs de courgette (en sont-ce ?) — Ah ! Les délicats beignets mangés à Paris le mois dernier... Depuis des années, les appareils-photos se succédant, je cherche à faire cette photo de l'Institut en contre-plongée — et je n'y arrive pas. Chaque fois que je passe, je la vois dans ma tête. Quant à la réaliser... Il y a l'excès de lumière qui confond le blanc du bâtiment, le trop faible recul même avec un grand angle, etc. Cette fois, ce n'est quand même pas trop mal, je crois. Surtout avec la vieille maison de droite, le minuscule temple et les chapeaux jaunes des deux enfants. Pour revenir à la voix littéraire de mercredi et jeudi... « Tous les poètes dont j'estime le travail ont des voix singulières, parfaitement reconnaissables. S'il y a une communauté de poètes, c'est une communauté de solitudes. Ceci n'empêche bien sûr ni l'amitié ni la fête, mais en écriture, chacun avance seul. Il en a peut-être toujours été ainsi, et c'est bien pourquoi je ne crois pas aux groupes, aux écoles, aux -ismes... [...] Mieux vaut laisser le désordre travailler. Avec un peu de patience, l'ordre s'établira : ordre précaire, variable sans doute suivant le lecteur, mais ordre. Donc ne pas s'interdire, ne pas s'obliger. Dans la force-forme qu'est un poème, se confier à la force, au risque aveugle qu'elle propose, quitte à être désorienté, apeuré. La forme ne peut être inexistante : il ne faut pas s'en préoccuper, mais s'en post-occuper. [...] Si une œuvre reste active, c'est que d'une façon ou de l'autre, elle a trouvé une force-forme capable un peu durablement de s'adresser au lecteur et de le mettre en route. Cette force-forme neuve, c'est peut-être ce que j'entends par voix.» (Antoine Emaz, Lichen, lichen, p. 87-89). Commentaires1. Le dimanche 25 septembre 2005 à 10:27, par Alain Oui, j'ai lu la lecture de Fuir par JCB. C'est drôle.
Je suis dans la même impossibilité de lâcher le livre.
Je trouve l'écriture de Fuir (je n'ai pas terminé) moins
comiquement offerte (mais j'adore l'humour de Toussaint), moins M. Hulot
(mais les premiers Je et Monsieur en étaient étoffés
sans affect). Je pense à Echenoz. Non, je préfèrerais
en parler, rectifier à mesure. 2. Le dimanche 25 septembre 2005 à 10:50, par alain L'absence d'enjeux (là où j'en suis de Fuir) entre
les personnages (sauf de désir), la défection des desseins
(que font-ils là ? pourquoi vont-ils là ?). Les mouvements
dans l'espace. Le caractère priviligié de l'oeil, et d'un
oeil défait de ses significations, souvenirs, associations, comme
le rappelle Deleuze à propos de Robbe-Grillet et du cinéma
néo-réaliste ou pseudo néo-réaliste. Les sautes
d'espace dues au téléphone, justement. Vous avez traversé
le Louvre avec Fuir ? Oh lala. C'est un livre qui lit les auteurs tout
en nous (?) acheminant (là où j'en suis de Fuir). 3. Le dimanche 25 septembre 2005 à 17:38, par Manu "post-occuper", un bien joli mot. 4. Le lundi 26 septembre 2005 à 00:00, par FB pour Alain : le comité de rédaction de remue.net lira
volontiers interventions sur Henri Calet ou Jean-Philippe ("auteur belge"
qu'ils répétaient hier soir allant récupérer
mes gosses au cinoche et que j'avais mis la radio sur Fr Inter) 5. Le lundi 26 septembre 2005 à 04:21, par alain Emaz. Je l'ai commandé chez Gil. Je ne connais pas.
Je vais lire. 6. Le lundi 26 septembre 2005 à 05:35, par Cécile Savez-vous, Alain, que ma façon d'être là, ici
et là, ici puis là puis re-ici etc, chaque jour, "chez"
ces différentes personnes que j'estime et qui parlent de ce que
j'aime, de ce qui m'importe, et la façon dont ils le font chacun,
ressemble un peu à la vôtre, attentive et émue, et
silencieuse le plus souvent mais active pourtant, à sa manière
: enthousiaste, constante, curieuse, alerte. Tout ça, y compris
vos propres interventions, résonne avec mes propres lectures, pensées,
quotidien et flâneries. C'est sûr heureusement que tout le
monde n'est pas comme nous, Berlol serait frustré et déçu,
car on a l'air de prendre sans donner, pourtant ce n'est pas ça
du tout. Je ne sais pas (encore) pourquoi, je le regrette mais m'en contente
aussi, mais ça m'a toujours été et m'est toujours difficile
d'écrire simplement, spontanément, un texte, une contribution,
il me faut des lustres ! Peut-être parce que je n'en éprouve
pas non plus le besoin ? Alors je LIS, les yeux grand ouverts et une curiosité
sans fin en partage, discret et implicite, et aujourd'hui je tiens au moins
à le signaler et à faire savoir ma sympathie, à Berlol
comme à François Bon, comme à Philippe de Jonckeere,
Jean-Claude Bourdais, et d'autres dans ce grand pays de l'internet, ainsi
qu'à vous, donc, Alain. 7. Le lundi 26 septembre 2005 à 08:41, par Phil De Jonckheere Merci pour les signes d'amitié qui s'intercroisent
donc, je dis merci pour le plaisir que j'éprouve à leur sympathie,
et merci pour leur enchevêtrement entre tous ces bloc-notes qui
naturellement me ravit. 8. Le mardi 27 septembre 2005 à 03:15, par Berlol Sept commentaires, étalés sur une dizaine de jours
! Quand tu passes, Philippe, tu ne fais pas les choses à moitié.
C'est bien agréable de te lire, toujours traquant les paradoxes
et les mises en abyme. Comme tu l'as constaté, on peut effectivement
mettre du code html (limité, je pense), dans les commentaires,
au moins pour faire des liens. |
Lundi 26 septembre
2005. Zoom nu. rivé à l'œil l'appareil-photo zoom nu mérique à fond flash après flash épingle sur de mitoyennes fleurs parasites butinant comme on narguerait l'une de nos chenilles verte et noire et prodigue et vibrante (montage de deux clichés du même papillon) « Trois Noirs américains sur quatre pensent que la lenteur des secours à La Nouvelle-Orléans est due à la race des victimes. Trois Blancs sur quatre pensent que ce n'est pas le cas. Quoi qu'il en soit pour cette catastrophe-là, il y a bien deux pays aux Etats-Unis, et La Nouvelle-Orléans n'était pas dans le bon.» Telle est la conclusion d'un excellent article d'Esther Duflo dans Libération du jour — pour une fois que je lis la presse... J'ai fini hier soir le livre d'Antoine Emaz, au lit. Je n'en étais pas triste. En fait, je n'avais pas l'impression de le finir. Ça ne finit pas comme on pourrait dire que finit une histoire, un récit, un essai ou même un poème. C'est un des avantages des livres de fragments, même lorsqu'ils sont composés avec soin, il leur reste suffisamment de jeu, d'air qui passe entre les fragments, les groupements de fragments, qu'ils ne commencent ni ne finissent vraiment. Il me reste maintenant à entreprendre la poésie d'Emaz elle-même, si l'on veut bien que Lichen, lichen soit la mousse sur laquelle on marche pour y accéder. Souvent, d'où l'on s'assoit au Saint-Martin, j'entends quand le cuisinier met les frites dans le premier bain d'huile. Un bouillonnement caractéristique, assez rapide pour saisir la chair de pomme de terre, mais pas cette violence sautante qui la durcirait trop tôt... J'en souris, T. sourit, Yukie sourit, une vraie complicité. J'ai avancé aussi, quittant Emaz, après sas de pressurisation, dans le Lendemain de fête de Séréna. Puissamment poisseux et intéressant. Pas d'excès dans le glauque, juste un personnage narrateur qui essaie de surnager dans les naufrages de sa vie, avec un entêtement qu'il ne comprend pas lui-même. En même temps qu'à Beckett que je citai l'autre jour, cela me fait repenser à l'écriture quand même plus délicate de Jean Cayrol, puis à celle plus terrible de Fred Deux. En tout cas, j'avais bien fait d'arrêter Doubrovsky ! — factice façonnage d'un universitaire et complaisance dans la catastrophe ; rien de tel chez Beckett, Cayrol, Deux ou Séréna. « Avant il ne me ressemblait pas du tout, au contraire. Je ne le revois pas bien mais je me souviens de l'avoir trouvé assez beau, beau et attachant, par rapport à l'idée qu'on se fait des étudiants en sociologie en général, mais par rapport à l'idée qu'on se fait des étudiants en sociologie en général pratiquement tout le monde est attachant.» (Jacques Séréna, Lendemain de fête, p. 24.) « Honnêtement, ce mot qui lui revient encore, là ou là. Il s'en servait beaucoup au début, quand il dépliait sous son cul une page de magazine avant de s'asseoir. C'est fatal, à se croire honnêtes ils ne batifolent pas, se retrouvent fatigués quand même, croient que les autres se sont éclatés, alors ils en veulent au monde de ces orgies auxquelles ils n'ont pas pris part, et finissent par vouloir qu'on les interdise à tout le monde. De toute façon, ceux qui se croient encore honnêtes sont chiants, parlent sans arrêt d'honnêteté, ceux qui se savent tordus parlent moins.» (Id., p. 53) Commentaires1. Le lundi 26 septembre 2005 à 17:36, par Marie.Pool "D'ordinaire,on dit "je te comprends" pour aller vite, pour expédier.
Prendre avec, voilà un travail de bien plus longue haleine ;on
y arrive parfois au bout d'une vie passée à écouter,
collecter des bouts, lire, passer par le plus vaste registre d'émotions
d'intensité diverse...Quand on pige vraiment, soi ou autrui, il
est toujours tard, très, trop mais toujours tard". 2. Le mardi 27 septembre 2005 à 07:11, par José Angel "je te comprends" - je te comprendrai bien autrement ailleurs,
plus tard... mais cette compréhension sera-t-elle forcément
meilleure? Pour le moi futur, oui, sûrement, mais... 3. Le mardi 27 septembre 2005 à 14:58, par Marie.Pool De quoi ça parle. D'où ça parle. Jusqu'où ça parle. A travers, en traversant donc , avec la voix de qui au juste ? "Prendre part" à çà. "Faire part" de çà, sur un blog par exemple.Citer ceux qui ont des mots qu'on prend, qu'on comprend peut-être par advertance ,instantanément ( Cayrol?..) ou "de mémoire" ( le souvenir troublant d'une danse adultère chez Duras...). C'est un peu pour répondre quelque chose de moins impersonnel que je m'intéresse à ce qui se dit ici à propos de choses si dissemblables que sont la vie et sa transcription dans les mots. Le chercheur est aussi quelqu'un qui espère peut-être dans sa quête vive, débusquer quelques points d'appui , d'équilibre aussi dans le regard... Ce sont ces temps fugaces d'arrêt sur image que j'aime retrouver de temps en temps chez un auteur de blog. Quelque chose change ici et je trouve cela passionnant à "considérer". |
Mardi 27 septembre
2005. Provision de sucre et d'oxygène. On a rempli les soutes et les réservoirs, fermé les écoutilles, largué les amarres, fait provision de sucre et d'oxygène, serré les derniers boulons, mis de l'huile et lâché du lest. On est prêt pour la rentrée des classes. Levé aux aurores, douché, briqué, enfourné dans un shinkansen, exfiltré par un métro, je touche la poignée du bureau une heure avant d'aller retrouver mes ouailles. Et comme il y a quand même des jours où ça se passe bien, je trouve des oreilles propres dans lesquelles le son passe bien, des bouches qui articulent sans changer les fréquences, des cerveaux allumés qui modulent et démodulent en deux langues. On va faire un carton, ce trimestre. C'est tellement loin déjà, tout ça : j'ai même oublié de signaler avant-hier la clôture de l'Expo Aichi 2005. Quelques images et quelques chiffres aperçus à la télévision font bien comprendre qu'il n'y a pas eu l'affluence attendue, que la quasi-totalité des visiteurs ont été des Japonais — ce qui n'a pas empêché des 4 ou 6 heures d'attente pour visiter l'un ou l'autre des principaux pavillons nippons (mauvaise organisation ? Excès de sécurité ?...). Bien sûr, il y eut l'heureux temps partagé avec Bikun. Et ce jour pluvieux où j'y suis allé avec Jean-Philippe Toussaint. Il paraît qu'il y avait un pavillon français... Pas vu. Dans mon courrier, j'ai eu le plaisir de trouver une grosse enveloppe avec dedans : Henri Meschonnic, la pensée et le poème. Sous la direction de Gérard Dessons, Serge Martin et Pascal Michon, Éditions In Press, 2005, 276 p (ISBN : 2848350857). Il s'agit des actes du colloque de Cerisy consacré à HM, avec HM, en juillet 2003, et auquel j'ai eu l'honneur et le plaisir de participer. Ce fut mon premier séjour à Cerisy et c'est à cette occasion que naquit le projet du colloque qui a eu lieu le mois dernier, sur un tout autre sujet, bien évidemment. Ma modeste intervention (c'est ce qu'on dit en telle occasion) y côtoie donc celles de Bernard Noël, Jacques Ancet, Béatrice Bonhomme ou Jean-Louis Chiss, pour n'en citer que quelques-uns. Quelques passages à citer dans les jours à venir... Oui, l'annulation de la dette, me rappelle très justement David entre deux balles de ping-pong — et avant son fou-rire de 17h45. Éh bien, l'annulation de la dette, je la demandais le 1er janvier, tout simplement. À croire que quelqu'un du FMI lit mon journal... Quoique : faudrait voir ce qu'on appelle annulation. Ici, je retrouve la joie d'échanger des balles et je comprends ma défaite de dimanche : manque d'échauffement ! J'ai peut-être été un peu dur avec Doubrovsky, hier. En repensant aux entretiens que j'avais pris plaisir à écouter, je me demande pourquoi son écriture me laisse une impression globalement désagréable. Facticité et complaisance, disais-je ? ou autre chose ? Faudrait reprendre le texte... au moins un peu... Si je cherche quelque chose de « déstabilisant pour le raisonnement », comme Marie.Pool le suggère ? Un vrai chercheur peut-il faire autre chose ?... Pour les marécages Duras, n'ayez crainte, on va y revenir. On ne va peut-être même faire que ça pendant trois mois. Y patauger, dans le Ravissement... Commentaires1. Le mardi 27 septembre 2005 à 16:29, par Marie.Pool Excusez-moi Berlol, j'ai lu récemment "La Méthode Mila" FICTION de Lydie Salvayre et il se peut que je me range momentanément , sans le savoir aux"visions" un peu "déstabilisantes" de son personnage principal anti-cartésien ostentatoire, sans pour autant que je renonce à maintenir une certaine douceur ( que S.L. récuse pour la démonstration dans son livre) à mes propos. Comme vous pouvez l'imaginer , j'aime bien essayer de comprendre pourquoi le "chercheur" cherche à tel endroit plutôt qu'à un autre. 2. Le mardi 27 septembre 2005 à 16:54, par Berlol Non, non, continuez, ne vous excusez pas ! Chacun cherche son chat. J'ai commandé la Méthode Mila mais mon colis n'arrivera que dans deux semaines, et puis j'ai d'autres livres en train... Mais pour avoir lu les précédents Salvayre, je vois à peu près ce que vous voulez dire. 3. Le mercredi 28 septembre 2005 à 03:53, par Cécile Tiens, ai abandonné mon mémoire de maîtrise
consacré à Doubrovsky il y a une dizaine d'années parce
que, entre autres raisons, mon engouement pour cette écriture et cette
démarche autobiographique particulières n'avait pas résisté
aux lectures répétées, sans délai salutaire entre
les re(rere)lectures (puisqu'il fallait bien que notes se frisent, que
travail se boucle et jean passe et ça me stressait) : ces textes
que j'aimais s'étaient mis à m'exaspérer et je n'ai
jamais réussi à démêler pourquoi précisément,
ce qui aurait pu être une piste de travail intéressante (hormis
justement, et Doubrovsky n’y était pour rien ! le caractère
rédhibitoire pour moi de la pression du temps liée à
ce contexte des études que je m’appropriais mal). Pourtant je
m'insurge je m'inserge contre le reproche de "complaisance" que tu reconnais
toi même être un peu excessif et pas tout à fait juste,
justement non, mais qu’est-ce qui agace chez lui tout en touchant ? une
limite ? un procédé (mais peut-il faire autrement ? il cherche
son chat lui aussi) qui ne dévie point d’un livre à l’autre
? 4. Le mercredi 28 septembre 2005 à 06:08, par Marie.Pool Qui dit chat, dit souris aussi... Je cherche plutôt
le "soi" dans sa version la plus authentique, c'est-à-dire la
plus influencée possible par l'expérience, la maturation
de l'expérience, que l'on recoud en patchwork avec insistance
dans l'écriture et l'art en général. Il n'est jamais
possible de sauvegarder sur soi la même couverture de mots ,ainsi
tressés. Il y a de l'effilochage qui rend triste ou plus courageux
dans l'énonciation future. Je ne crois pas à une écriture
ou à une lecture sans perte de substance. C'est ce qui explique
peut-être la propension banale à fureter dans certains livres
à la recherche de ce qu'on croit perdu ou détissé.
L'empereur et ses habits invisibles serait peut-être un idéal
de lecture, mais il faut y croire à chaque instant, comme lui,
se sachant désormais moins nu... à la vie à la mort.
|
Mercredi 28
septembre 2005. Pour mieux nous asservir. Temps frais, collègues et étudiants encore habillés léger — ça fera des rhumes la semaine prochaine ! Deux cours et une réunion, tout cela très calmement. Rien à en dire. Lecture de Séréna au sport, j'y reviendrai peut-être demain... « Toi et ta presse, vous avez crié au scandale, faisant appel à la légalité. Ta légalité à toi, c'est séquestrer les ouvrières depuis le bureau d'embauche en pleine jeunesse jusqu'à la sortie du tunnel où nous attend le champ des chrysanthèmes. Notre légalité à nous, c'est la justice populaire, et celle-là, elle est à cran d'arrêt. Tu vas essayer d'éliminer ce que tu appelles dans tes rapports des meneurs. N'oublie pas que notre plus grande victoire, c'est l'unité que nous avons forgée dans la lutte, avec nos propres forces. C'est l'unité avec nos maris qui ont pris conscience de nos luttes de femmes. C'est l'unité avec les autres usines. Et notre combat a fait tache d'huile, et s'il le faut un jour fera tache de sang. N'oublie pas : le plus important, ce n'est pas encore ces mesures que nous t'avons arrachées. Le plus important, c'est ce qui a changé dans nos têtes : nous avons pris le droit de parler, le droit à l'action, ces droits que, depuis toujours, vous, les patrons, vous réservez pour mieux nous asservir. Et pour ces droits, nous nous battrons avec violence. Pour les conquérir. Pour les garder. Jusqu'à ce qu'un jour, vous ne les ayez plus.» (Dernières paroles de Coup pour coup.) Je cite cette harangue qui clôt le film de Marin Karmitz de 1972, non sans faire penser à du Léo Ferré ou du Mama Béa, pour faire écho au bref piratage d'un bâtiment de la SNCM, sans prendre parti pour les uns ou les autres mais pour contextualiser cette action illégale et la mettre dans une perspective historique. Depuis la création des usines (XVIIIe siècle, en gros), les ouvriers et les ouvrières (et leurs enfants) ont été traité(e)s comme une sous-humanité corvéable par une sur-humanité. En trois siècles, aucune amélioration des conditions de travail n'a été obtenue par la seule volonté d'un patron qui, par simple humanité, par conscience de la dignité des êtres humains qu'il emploie, aurait souhaité rendre agréable le travail (du verbe agréer, ce que l'on accepte avec bonne volonté). Le patronat explique cela par le pragmatisme et la concurrence. Je crois que cela ne suffit pas, il faut évoquer un profond mépris à l'égard des personnes employées, considérées comme des machines, d'ailleurs progressivement et avantageusement remplacées par de vraies machines. Les luttes d'aujourd'hui sont de plus en plus désespérées et de moins en moins soutenues par le reste de la population, tant chacun s'accroche à ce qu'il a, dans un contexte où ce qu'on a est peau de chagrin. Cet aspect de fatalité dans la régression des avantages sociaux a été obtenu par une structuration de plus en plus complexe des rouages des entreprises, elles-mêmes de plus en plus étendues — au point que pour séquestrer un patron, comme on le voit dans le film, il faudrait souvent faire aujourd'hui des milliers de kilomètres et investir une tour gardée par une armée autorisée à tuer. L'enveloppement des employés dans leur employabilité est beaucoup plus retors que la surveillance des contremaîtres d'autrefois. Les gouvernements eux-mêmes ne font plus la loi dans les entreprises qui consentent à s'installer sur son territoire. Mais tout cela est déjà bien connu. Ce que ce film, Coup pour coup, m'a rappelé, c'est que chaque génération doit prendre de force ce qui lui est (le strict) nécessaire en inventant son mode d'action, adapté aux circonstances. Je suis d'accord avec Olivier Rolin (dans Tigre en papier) pour dire qu'après sa génération, ceux qui sont venus n'ont pas pu inventer ces actions, ils en ont été empêchés par leurs pères-mêmes. Pères qui n'étaient pas les quelques milliers de manifestants de 1968, mais les centaines de milliers du même âge qui n'étaient justement pas manifestants en 1968, qui ont pris place peu après dans les directions d'entreprises, les ont remodelées pour les rendre en quelque sorte inaccessibles (délocalisées), invisibles (anonymisées), dématérialisées (actionnariat, cotation), et qui, pour beaucoup, y sont encore. Il est aujourd'hui plus simple de se suicider socialement que de lutter pour améliorer les conditions de travail — d'autant qu'il faudrait déjà en avoir, du travail. Je conseille sincèrement à tous ceux qui sont victimes du syndrome de Houellebecq de regarder ce film, en pensant que leur mère, leur tante ou leur cousine, aujourd'hui âgée de 55 à 65 ans, était en 1972 comme ces jeunes filles de l'atelier de couture, si bien filmé(es) durant le premier tiers du film. Dans un des suppléments, Karmitz de 2003 explique le danger social que déclenchait ce film partout où il était projeté, en 1972, qu'il n'a conséquemment plus trouvé de travail comme réalisateur après cette date, qu'il s'est alors tourné vers l'exploitation de salles puis vers la production de films... Commentaires1. Le mercredi 28 septembre 2005 à 09:53, par Bikun Question: bien que tu aies aborde le sujet plusieurs fois (je veux dire Houelbeck) je ne suis pas sur de saisir exactement ce que tu veux dire par "syndrome de Houellebecq"... 2. Le mercredi 28 septembre 2005 à 13:46, par arte "Oh ! si au lieu d'être un enfer, l'univers n'avait été
qu'un céleste anus immense..." 3. Le mercredi 28 septembre 2005 à 19:01, par Berlol Merci pour cette anusante citation, cher Arte. 4. Le mercredi 28 septembre 2005 à 22:37, par caroline Bravo ! Ca fait du bien d'entendre un autre discours de temps en temps. "C'est la faute à la CGT" c'est le refrain qui revient le plus souvent. Sauf qu'elle s'emploie depuis des années (avec des grèves certes qui sont génantes mais bon..) à sauver les emplois de la SNCM. Maintenant, avec la privatisation, c'est la porte ouverte aux équipages philippins et chinois (ces derniers sont encore moins "gourmands" au dernières nouvelles). 5. Le mercredi 28 septembre 2005 à 23:28, par Marie De nos jours, la majorité des gens préfèrent
intellectualiser ce qu'ils observent - scotchés au journal de
20h - afin de pouvoir disséquer, décrire, interpréter,
critiquer la situation sociale en perpétuel changement. Agir donne
quasiment l'impression que les acteurs n'ont pas beaucoup pensé
à leur affaire avant de passer à l'acte. C'est triste, c'est
le contrôle de l'information subversif. 6. Le mercredi 28 septembre 2005 à 23:40, par Marie Ah, oui ! J'oubliais. J'avoue souffrir du syndrôme houellebecquien tel que tu le décris dans les commentaires. Pour surmonter ou supporter l'angoisse, je fais des activités manuelles. Il faut revoir le monde intellectuel. Dépoussiérer Nietzsche. Peut-être. 7. Le jeudi 29 septembre 2005 à 02:38, par Berlol Quoi comme activités manuelles ? 8. Le vendredi 30 septembre 2005 à 12:38, par Bartlebooth "Depuis le temps qu'on promet de la justice aux hommes, et
même qu'on leur en donne, ils devraient en être rassasiés
; ils en redemandent. Ils croient toujours que la justice qu'on leur
a fournie était une justice sophistiquée, avariée,
qui n'avait pas le poids ; ils en réclament de la bonne, de la
vraie. Pauvres, je vais vous dire le mot de l'énigme : de la vraie
justice, de la bonne, il n'y en a pas. Il faut vous contenter de celle
qu'on vous présente, ou vous en passer tout à fait. Voilà
l'impure vérité. |
Jeudi 29 septembre
2005. De la tenue quand ça pète. L'une des choses dont je m'amuse chaque jour (il m'en faut peu...), c'est de ne pas savoir le titre qu'aura mon journal. D'ailleurs, je le commence le plus souvent sans savoir ce qu'il contiendra, sans même connaître le ton (la voix ?) qui va me venir. Alors le titre... Je me dis à l'avance que je vais traiter de tel bout de livre qui m'est resté en mémoire, à une page que j'ai cornée, de tel aspect d'un film qui vient de me marquer. Et puis parfois je ne le fais pas, emporté par autre chose, dont je me dis au bout d'un moment que ça prend déjà assez de place, comme conscient d'une mesure, d'un calibre que je respecterais sans y être tenu. Cela m'en fait bien un exercice à la fois de discipline et de liberté. Discipline et liberté ne sont pas des mots qu'emploierait facilement le narrateur de Lendemain de fête. Il en est revenu, de ces mots-là. Pourtant, c'est bien de ceux-là que l'écriture de Jacques Séréna se nourrit pour se structurer. L'espèce d'opiniâtreté avec laquelle le narrateur se maintient dans des marges sociales (travail, logement, propreté, relations, sexualité) confine bien à la discipline — « j'avais le pathétique machinal, d'après lui, ou le sordide.» (p. 164) — tandis que l'illusion de départ (s'il y a jamais eu un départ, pour cet homme-là) était de ne faire que ce qu'on veut, sans concession, hypocrisie, comme sont obligés de le faire ceux qui tiennent à leur position, sans croire à la réussite ou à la richesse. Entre les deux, forcément, la corde est raide. « Puis elle reprend sur moi, je ne suis jamais sorti de mon coin, n'ai rien lu, et j'ai un sens inné de la vie, ils me trouvaient malsain bien sûr je le suis mais subtil quand on me revoit, ma façon d'être, ça l'a remuée comme ça ne lui était arrivé qu'une fois avant avec Sang de chien de Savitzkaya à quatorze ans dans sa pinède seule avec ses fourmis.» (Jacques Séréna, Lendemain de fête, p. 46.) Cet après-midi, au séminaire de français par le cinéma, on commence à visionner Bon Voyage. Sûr que le film ferait l'affaire, je me demandais tout de même qu'est-ce qui faisait que je l'avais choisi, parmi tous ceux que j'avais envisagés. Soudain, en même temps que JFM qui allait quitter le secrétariat et qui jetait un œil sur le générique du film, j'ai vu et compris ce qui avait pu faire la différence, peut-être — encore une affaire de ton, de voix : le scénario est co-écrit par Jean-Paul Rappeneau, qui signe la mise en scène, et... Patrick Modiano ! Est-ce par sa seule présence (ou est-ce grâce aux deux), que les dialogues ont souvent cette finesse retenue, et de la tenue quand ça pète (forcément, pendant la guerre, ça pète à plusieurs moments) ? Est-ce de son fait que plusieurs personnages ne nous lassent pas d'être mystérieux et imprévisibles ? Et puis d'excellentes répliques parfois — lapidaires. En juin 40, alors que tout le monde fuit Paris, on téléphone au théâtre que Viviane (Isabelle Adjani) a déjà quitté pour Bordeaux. Un technicien répond ça, qu'il n'y a plus personne, et qu'il reste, quant à lui. On ne sait pas quelle question lui est posée, dans le téléphone, mais il répond, fataliste : « J'apprends l'allemand.» À Bordeaux où le gouvernement tente de s'installer, le ministre joué par Gérard Depardieu est excédé. Il n'a pas encore convaincu les autres de signer l'armistice et d'appeler Pétain à la rescousse, mais il se dispute avec sa maîtresse, Viviane. On entre pour lui annoncer que la voiture est en bas. Il répond sans réfléchir : « Qu'elle monte ! » — avant de se reprendre. Je vais finir, pour aller me coucher. Et lire quelques pages de ce livre étrange que j'ai reçu récemment, dont je n'ai lu que six pages, avec des paragraphes — d'y reconnaître ici aussi une voix familière — déjà relus trois ou quatre fois. L'incipit : « Les hélices du gros-porteur débroussaillaient l'air. L'appareil vira sur l'asphalte mouillé, dessina un lent C, compliqué en S, s'octroya un jambage insignifiant pour esquiver une rampe de balises, enfin bringuebala vers les hangars de fret, fendant l'eau de lignes délayées aussitôt dites. Tout au loin, le ciel s'abattait, noir, il allait encore pleuvoir en présence du soleil, il pleuvait déjà. Le soleil disparaîtrait. Toute la semaine, il avait fait ce temps.» (Alain Sevestre, Les Tristes, Gallimard, 2005, p. 9.) Commentaires1. Le jeudi 29 septembre 2005 à 11:32, par Marie.Pool J'aime bien ce ton (nouveau ?) du blog, "lapidaire" mais à la façon des jeux de ricochets. Une invitation à la pensée, mais sans insistance. On peut ramasser le même caillou ou pas. Le garder en réserve en souriant. Il y a souvent des cailloux inconnus qui inciteraient à remonter à la carrière si on avait plus de temps. Dans la carrière des Editions de Minuit, il y a plusieurs filons qui méritent le détour. Mais ce sont des livres masculins et cela me retarde dans ma propension à quêter ce qu'Elles ont à dire tout aussi talentueusement. J'ai fait une excursion dans la carrière SEUIL avec DESBIOLLES et SALVAYRE et la carrière P.O.L avec DARRIEUSSECQ, j'attends avec impatience le prochain LAURENS... Je me suis régalée...Elles progressent , elles gagnent de la malice et du savoir-dire . Vous verrez peut-être BERLOL, DURAS vous amènera à certaines d'entre elles...Et je m'en réjouirai . Je continue aussi grâce à vous avec CAYROL,SIMON,EMAZ... J'essaie de ne pas vous perdre de lecture et cela me plaît... 2. Le vendredi 30 septembre 2005 à 11:47, par arte Au blind test, tout comme la litterature, la connerie n'a pas de
sexe. 3. Le vendredi 30 septembre 2005 à 12:35, par Bartlebooth Duras mène à toutes, à condition d'en sortir 4. Le vendredi 30 septembre 2005 à 18:23, par Marie.Pool Duras s'en fout (elle est morte vous savez...) et moi aussi
( je croyais l'avoir expliqué, mais ce n'est pas grave, comme
on dit "personne n'écoute personne", alors il faut recommencer...). 5. Le vendredi 30 septembre 2005 à 18:59, par Berlol Pour ma part, je ne fais, en littérature, ni discrimination
positive, ni ségrégation. Sarraute, Wittig, Duras, mais
aussi Salvayre, Angot et quelques autres (Sand, Colette, Woolf...) font
partie des auteurs que j'aime au même titre que Simon, Segalen, Giono,
mais aussi Grozdanovitch, Toussaint et quelques autres (Diderot, Stendhal,
Joyce...) — avec, comme ça et pour moi seul, des correspondances
inexplicables. 6. Le samedi 1 octobre 2005 à 07:35, par Berlol : «Il n'y a pas de littérature féminine pour moi,
ça n'existe pas. En 7. Le samedi 1 octobre 2005 à 07:38, par Bartlebooth : Oups, j'ai signé Berlol, j'ai pas fait exprès ! 8. Le samedi 1 octobre 2005 à 08:02, par Berlol : Bien joué ! Et merci ! 9. Le samedi 1 octobre 2005 à 08:17, par Marie.Pool : "Le langage qui... une idée du neutre qui échapperait
au sexuel". Voilà un scoop! Chapeau ! 10. Le dimanche 2 octobre 2005 à 01:35, par vinteix : Je rebondis sur la citation ci-dessus de Monique Wittig, qui me laisse un peu perplexe, meme si je suis tout a fait d'accord avec sa premiere partie ("Il n'y a pas de litterature feminine (...) En litterature, je ne separe pas les femmes des hommes") et les propos precedents de Berlol... Ce qui me gene davantage, c'est cette "idee du neutre qui echapperait au sexuel"... D'abord, je vois mal comment echapper vraiment au sexuel... ou a l'erotique, au sens large. Mais surtout, a mes yeux, et peut-etre en un sens assez proche de Blanchot, le "neutre" ne signifie pas l'absence de sexe. Sa racine, "ne uter", "ni l'un ni l'autre", signifie aussi "l'un et l'autre", dans une conjugaison ou alternance des contraires; ce neutre ne se laisse donc dire que dans une sorte d'entre-dire, entre deux (etres)... entre deux sexes (?) Il me semble que certains ecrivains (pour citer d'autres femmes), comme Joyce Mansour, Suzanne Lilar, Unica Zurn, Annie Le Brun ou Marina Tsvetaieva, se situent dans cet entre-deux, certainement pas asexue, mais peut-etre bisexue... (?) et il ne s'agit pas, bien sur, de litterature feminine. 11. Le dimanche 2 octobre 2005 à 03:38, par arte : "Pas promotion des femmes... rattrapage du retard en littérature,
une "CERTAINE" littérature écrite par des femmes ...". 12. Le dimanche 2 octobre 2005 à 05:12, par Berlol : De la tenue quand ça pète, nom de dieu ! 13. Le dimanche 2 octobre 2005 à 05:31, par cel : 14. Le dimanche 2 octobre 2005 à 05:46, par arte : tu as dit "pète"... Mon dieu, un vent, quelle horreur !!! 15. Le dimanche 2 octobre 2005 à 08:26, par v inteix : le texte, avant tout, oui ! Mais le sexe est toujours la... 16. Le dimanche 2 octobre 2005 à 08:47, par Bartlebooth : En réponse à vinteix : 17. Le dimanche 2 octobre 2005 à 12:09, par Marie.Pool : "Le débat qui fait rage"... Berlol nous fait un diagnostic
à la Pasteur ( Là au moins l'agent infectieux est identifiable)
, ailleurs on parle de pathologie psychotique concernant ma propension à
récuser le vulgaire dans les échanges ou à rappeler
une conviction que j'ai sur l'écriture et que je ne "tiens" pas comme
vérité universelle mais comme un positionnement dans lequel
je me"tiens" volontiers. J'ai passé l'âge d'être impressionnée
par l'hostilité que peut déclencher ce type d'attitude et
je ne cherche même plus sur ce blog à me justifier . 18. Le dimanche 2 octobre 2005 à 13:35, par arte : Dire à une personne (qui ne peut éviter de placer le
sexuel et le "je travaille dans le Psy" partout où elle va ) qu'elle
nous est antipathique, n'est nullement enervant, et n'est pas dit "pour
rien". 19. Le dimanche 2 octobre 2005 à 13:38, par cel : [je trouve dommage de systématiquement fermer le débat
sous le prétexte d'une certaine "agressivité" qui serait présente,
je trouve dommage qu'en tant que personne si directement liée (professionnellement,
est-il utile de le rappeler) au domaine de la psychiatrie et autres psy(...)s,
vous agissiez comme si vous restiez incapable de percevoir l'idée
émise au delà de l'ironie ou agressivité présumée
de certaines tournures de propos. Ce n'est qu'opinion au passage.] 20. Le dimanche 2 octobre 2005 à 14:57, par Marie.Pool : Où est le débat Cel ? Que voulez-vous me faire dire
ou retirer dans ces échanges ? Il y a des interventions que je ne
comprends textuellement pas. Je m'y noie et je my ennuie. Voulez vous que
je fasse semblant de rire ? Redire que dans la littérature, il y manque
"encore"quantitativement et qualitativement de la "sensibilité" dite
(pour faire vite) féminine, n'est pas une contre-vérité.
Lorsque j'écris le mot "femme", je pense à toutes les femmes
de la planète et non pas à ces privilégiées dont
nous sommes sans doute. 21. Le dimanche 2 octobre 2005 à 15:10, par Marie.Pool : Pour ARTE : l'antipathie n'est pas une maladie. 22. Le dimanche 2 octobre 2005 à 15:35, par arte : "Je suis mère et soignante ..." 23. Le dimanche 2 octobre 2005 à 15:43, par Marie.Pool : Dédicace à "ON " très très énervé
! 24. Le dimanche 2 octobre 2005 à 17:16, par Philippe De Jonckheere : Et ben! J'imagine que ce n'est pas le moment de vous écrire
dans ces lignes de commentaires la très belle contrepétrie
qu'un mien cousin vient de m'envoyer, hein?, ça pourrait fâcher,
plus que de raison (Evidemment les amateurs connaissent mon mail et peuvent
subrepticement m'en demander l'intitulé, il n'y a pas obligation d'achat,
je dis cela pour ceux qui ne goûtent pas ces jeux triviaux)
25. Le dimanche 2 octobre 2005 à 17:40, par Berlol : Beau dégagement en touche, cher Phil au bout du fil
! (à deux heures du matin ?) 26. Le dimanche 2 octobre 2005 à 18:06, par vinteix : En reponse a Bartlebooth : 27. Le dimanche 2 octobre 2005 à 18:26, par Marie.Pool : J'en étais à la tisane "nuit tranquille", entre deux
kleenex (j'pleure pas, c'est mon nez qui coule !)et j'en offrirais bien
une ou cinq tasses si le virtuel ne nous en empêchait pas. 28. Le lundi 3 octobre 2005 à 11:12, par Bartlebooth : Dégagement, certes, mais hors-jeu, réducteur et caricatural.
S'il n'y avait pas le style, la référence à Proust
et la signature, je m'imaginerais un ado peace and love, ou un curé
qui contrepète en catimini mais catéchise à contre-pied,
ou un gentil tenant du léger qui sort prendre l'air comme mary pool
prend le thé, ou un comique formé à l'école
Bigard, voire comme un naïf qui ne voit pas que les apparences de l'énervement
sont inévitables dans la discussion, que si cet énervement
peut être bien réel il peut aussi être simulé ou
(in)volontairement exagéré et surtout, j'y tiens, que tout
le monde, dans ces discussions/disputes, ne veut pas seulement "assaisonner
l'autre", qu'il y a aussi l'expression d'une réflexion (et c'est bien
plus barbare de l'ignorer, de l'évincer, que, par exemple, essayer
de ridiculiser les arguments de l'autre). Je trouve dommage d'associer l'agressivité
que vous voyez ici à celle insignifiante de la vie quotidienne. Enfin,
pour répondre à la question, "comment vivez-vous ce débat",
même si je n'y ai participé que par petite touches, je dirai
juste que je le vis bien et que je trouve la révolte plus saine
que la fuite ou le retrait dès que ça pense . 29. Le lundi 3 octobre 2005 à 11:31, par Roger Couderc : Allez les petits ! 30. Le lundi 3 octobre 2005 à 11:51, par Bartlebooth : à vinteix : 31. Le lundi 3 octobre 2005 à 12:22, par arte : D'ailleurs, où voyez vous la colère ou l'énervement?
Il n'y a qu'une franche et calme dénonciation de la bêtise
! 32. Le lundi 3 octobre 2005 à 12:46, par cel : marie pool > où est le débat ? ben y'en a pas vraiment
et pourtant ç'aurait été possible, les liens posés
par bartlebooth n'intéressent visiblement que vinteix, c'est regrettable,
je regrette aussi le manque d'à propos, prétendre parler de
toutes les femmes quand les auteurs que vous citiez ne sont que des privilégiées
comme nous le sommes sans doute, comme vous le dites. Je ne suis pas contre
l'idée de mettre en avant celles et ceux sur la "planète"
qui ne sont pas défendus par les éditions de minuit, c'est
bien dans ce sens que je précisais que je parlais bien d'ici et de
maintenant, et pas d'un pays où les femmes n'ont pas la parole, ni
d'un temps où ici-même elles ne l'avaient pas. Les auteurs que
vous donniez en exemple, elles n'en ont pas besoin. Ce que disais l'article
sur Sitaudis, c'est qu'il est aberrant de présenter systématiquement
le texte par le sexe (même si l'acte est bourré de bonnes intentions),
tout comme il est je crois aberrant de prétendre qu'un auteur femme
écrit de la littérature de femme, quoi qu'on mette dans cette
notion, sensibilité féminine, rapport à la maternité
ou autres, je considère que son caractère arbitraire la rend
nulle. Exemple, puisqu'on parle ici aussi de nos expériences intimes
ou professionnelles (mère, psy etc), le seul texte jusqu'ici qui
m'aie touchée concernant le fait d'être parent est un texte
d'henri michaux, quand par exemple je n'ai rien trouvé chez duras
qui m'atteigne de ce côté (mais d'autres choses chez Duras,
qui ne sont pas du versant que l'on qualifie à priori de féminin).
Par contre, sans rapport avec la maternité mais du peu que j'en ai
lu sur le lien donné plus haut, je pense que wittig mérite
d'être lue car il semble que ce qu'elle apporte aille au delà
de ces catégories trop faciles (sensibilité féminine
par exemple, même en précisant que c'est pour dire vite...).
Mince, si autour de tout ça y'a pas de quoi débattre ! 33. Le lundi 3 octobre 2005 à 12:52, par arte : Bon, et si on s'enculait ? 34. Le lundi 3 octobre 2005 à 13:07, par Bartlebooth : Entre nous pas de problème, mon coquin, sinon faudrait extraire quelques manches à balai, mais bon, un peu de tenue ! 35. Le lundi 3 octobre 2005 à 13:09, par arte : :)) 36. Le lundi 3 octobre 2005 à 13:14, par cel : ben oui tenue correcte du manche sinon ça pète (et on s'applique plus bien à faire des phrases) 37. Le lundi 3 octobre 2005 à 13:16, par cel : "festival de picadors" 38. Le lundi 3 octobre 2005 à 13:16, par arte : perfectionniste va ! :d 39. Le lundi 3 octobre 2005 à 13:37, par Marie.Pool : Et après çà ,"on" dira que c'est moi
qui insiste sur la chose... 40. Le lundi 3 octobre 2005 à 14:08, par Marie.Pool : Entre vous pas de problème! Comme dirait le film où il y avait LUCCHINI : "Tout çà pour çà !" Pour d'autres c'est autre chose...qu'à cela ne tienne... Amusez-vous, Tuez vous, disait la maîtrese, mais ne vous faites pas mal ! *[;-))) 41. Le lundi 3 octobre 2005 à 14:47, par Berlol : Je me lève à peine, et y'a tout ça à
lire ! 42. Le lundi 3 octobre 2005 à 18:32, par vinteix : Je ne crois vraiment pas que le fait que "tout le monde" ou presque
ecrive et publie soit "une bonne chose"... Vraiment pas ! Au contraire,
a mes yeux, aujourd'hui, trop de gens ecrivent et publient (avant tout des
"romans", precisons-le bien)... Mais bon, ce serait long a expliquer... Quant
a dire aussi que "l'on ne se trompe pas beaucoup" dans le jugement sur ceux
qui font vraiment de la "vraie litterature"... la aussi, la marge d'incertitude
et d'ignorance est grande et l'on pourrait citer un bon paquet de "grands"
ecrivains, qui, certes, sont ou ont ete publies, mais sont tres largement
ignores... 43. Le mardi 4 octobre 2005 à 04:20, par Marie.Pool : Ce qui est important, Vinteix, c'est que la parole soit donnée
à tout le monde lorsque lui ou elle se sentent prêt à
énoncer quelque chose d'important à formuler publiquement.
L'ignorance et la reconnaissance sont un autre palier de décompression
(si j'ose dire). Le second est moins probable que le premier mais qu'est-ce
que ça change au mouvement initial qui est toujours une façon
de sortir de soi pour se rencontrer sous une autre forme au milieu des autres
? Oui, les poètes sont moins populaires que les romanciers peut-être
parce qu'ils ne racontent pas d'histoire. Les humains aiment qu'on leur raconte
des histoires pour faire rire, pleurer, aimer, frémir.Il existe
une frange, une marge dans la population humaine (j'ignore quantitativement
à combien elle chiffre) qui est complètement coupée
de l'écriture mais qui n'est pas (sauf à être dans le
coma , et encore...) insensible aux mots proférés. Je fais
partie des gens qui croient au "bain de langage". 44. Le mardi 4 octobre 2005 à 07:10, par arte : Connaissez-vous Bartlebooth ? Je n'irais pas jusqu'à
le conseiller, mais 45. Le mardi 4 octobre 2005 à 07:31, par Berlol : Je rêve de l'atelier poterie ! 46. Le mardi 4 octobre 2005 à 08:49, par vinteix : ouais... je vais prendre un bon bain... d'eau chaude... 47. Le mardi 4 octobre 2005 à 09:34, par Marie.Pool : La terre glaise est un bon médiateur artistique Berlol . On
peut la modeler à sa guise et lui faire dire ce qu'on veut. Il faut
s'entraîner tout de même ...L'épreuve de vérité
c'est le four et l'éventuel émaillage. En littérature
c'est un peu pareil, il y a des pots qui ne tiennent pas à la cuisson,
mais comme l'a dit un cinéaste (je ne sais plus lequel) ce qui est
intéressant avec les pots fêlés c'est qu'ils laissent
passer la lumière... |
Vendredi 30
septembre 2005. Voilà ce qui arrive quand on remue trop la poussière
! Tout était resté en l'état chez moi depuis à peu près le 9 mars... Un peu de rangement et d'aspirateur de temps en temps, par Bikun ou par moi, mais en gros ça n'avait pas bougé. Depuis son départ non plus. Et pour cause, j'étais en France ou à Tokyo. Ce matin, au lieu d'aller au sport, je m'attaque donc au ménage et au rangement à grande échelle, sur les 4 pièces en même temps, déplaçant aussi toute la chaîne hi-fi dont le lecteur de cédés ne fonctionne plus (elle avait été achetée en 1993) pour qu'elle serve bientôt à récupérer plus de 200 MD en MP3, soit tous les enregistrements de France Culture effectués entre 1998 et 2001, si ma mémoire est bonne, c'est-à-dire jusqu'à ce que j'acquière le logiciel Total Recorder qui enregistre directement le son reçu par l'ordinateur. Tout ça, c'est au moins aussi crevant que le vélo, les haltères, etc., sauf que je ne peux pas lire en même temps. Déjeuner avec David et deux autres collègues, dans un restaurant nommé Kamakura (bien que l'on soit à Nagoya), à moins de cent mètres de chez moi. C'est dans ce restaurant, qui portait alors un autre nom (ce que je m'explique mal puisque la décoration japonaise rustique est exactement la même), que notre département avait officiellement remercié Henri Meschonnic de sa venue pour une conférence sur les Psaumes, fin octobre 2002, en marge du colloque Hugo qui se déroulait à Tokyo. On avait aussi déjeuné chez Chitaka, le restaurant de tonkatsu maintenant disparu, on avait visité un peu le campus, été en voiture dans le beau quartier de Kakuozan, etc. De ces lieux délavés par les ans, rendus transparents à mes yeux par les passages quotidiens, j'ai aujourd'hui du mal à croire qu'ils ont pu être le théâtre d'événements exceptionnels — alors même que j'en ai de vifs souvenirs, qu'il y a des photos, des témoins, etc. Voilà ce qui arrive quand on remue trop la poussière !... Reprise intensive des consultations du dévédé de la revue Europe, pour finaliser un article. Au passage, je tombe sur Jean Cayrol (citation à venir demain)... À relire ainsi une cinquantaine d'articles étalés sur une trentaine d'années, je ne vois pas passer les deux heures de shinkansen. Un peu comme s'il allait encore trois fois plus vite... Commentaires1. Le vendredi 30 septembre 2005 à 14:00, par Bartlebooth Meschonique (sic) pense-t-il toujours qu'il y a plus (trop)
d'adjectifs dans la poésie contemporaine que d'oiseaux dans ses
cheveux ? Sa pensée est-elle toujours aussi 2. Le samedi 1 octobre 2005 à 20:11, par JFM : "Tout ça, c'est au moins aussi crevant que le vélo,
les haltères, etc." |
Commentaires
1. Le lundi 12 septembre 2005 à 18:15, par Arnaud
D'accord. Je comprends et j'approuve.
Effectivement, comme tu le dis, on supportais en faisant semblant de ne pas voir...
On te lis ici alors maintenant ? Définitif ?
Aaah, si les gens changeaient plus facilement de fournisseurs (de n'importe quoi), la concurrence fonctionnerait mieux. Les entreprises ont beau parler de libre concurrence, dans la pratique les contraintes quant au changement de contrat (par exemple le téléphone) sont tellement lourdes, ou bien dans le cas présent on n'a pas envie de changer d'interface utilisateur, que cela biaise la concurrence, à cause d'un certain conservatisme (parfois justifié donc) du comportement...
Et oui, on commence un site littéraire et on se retrouve avec des publicités de culottes...
2. Le lundi 12 septembre 2005 à 18:52, par Manu
Au fait, je ne vous avais pas dit ? J'ai des actions chez DotClear ! Ah bon, ils ne sont pas cotés en bourse ? Dommage... Ah, pas encore, mais bientôt, car ce sont le Google et le U-blog (Six Apart) réunis du futur ! Me voilà rassuré et Berlol dépité ;-).
Plus sérieusement, si Bikun s'y met aussi, je crois qu'on devrait leur faire un petit don en commun, car c'est vraiment du beau boulot cet outil !
3. Le lundi 12 septembre 2005 à 21:31, par FB
changement de lien effectué chez moi _ u-blog devenait très pénible avec ralentissements (mon Firefox bloque les pop-up) _ t'as plus qu'à affiner un peu ton css, puisque tu es chez toi !
de ton avis sur ce Psychanalyste magistralement décanté par Claude Guerre, avec complicité Martial + Leslie _ me suis arrêté l'autre jour sur un parking de supermarché pour écouter la fin _ ce qui m'a étonné, c'est que lisant le bouquin la conversation des personnages avec le "psychanalyste" nous renvoie vers les personnages, tandis que là ils s'adressent vraiment à ce psy presque muet, sans nous, mais portant toute leur bulle de monde en arrière sur leurs épaules
4. Le mardi 13 septembre 2005 à 02:08, par Berlol
Oui, Arnaud, sauf découverte d'un gros bug de Dotclear, le JLR restera à cette nouvelle adresse. Tu peux donc modifier le lien dans tes préférences.
Manu, tu les as achetées où tes actions ? J'irai bien y faire un petit tour parce que si on est un certain nombre à répéter que c'est plutôt facile, ça pourrait bien faire monter le cours...
François, ça ne m'étonne pas que tu apprécies aussi Le Psychanalyste !... Ah, mince, je viens de rater le début...
5. Le mardi 13 septembre 2005 à 03:33, par Bikun
Manu,
je vais m'y mettre moi aussi...La semaine derniere j'ai telecharge tous les fichiers sur mon site et crois moi, cela a pris du temps!!!
Cette semaine si je peux, je configure le tout!
Mais ici, il faut etre patient...
6. Le mardi 13 septembre 2005 à 06:16, par FB
au dit Bikun : les photos d'Echenoz, je ne les trouve plus ? merci me donner adresse pour actu lien... (bientôt publication actes colloque St Etienne, on va reparler du monstre...)
7. Le mardi 13 septembre 2005 à 06:53, par Acheron
Tu as bien fait de passer sous dotclear. C'est encore ce qu'il y a de mieux, sauf si tu veux et a le temps de fabriquer ton blog toi même.
8. Le mardi 13 septembre 2005 à 08:49, par Grapheus
Eh ! Bé ! Merci pour les encouragements.
J'étais justement en train d'activer les flux RSS de mes journaux préférés, quand je suis "tombé" sur le grand chambardement de la "réticule" !
9. Le mardi 13 septembre 2005 à 15:11, par cel
une bonne chose d'avoir changé, ublog devenait lassant de lenteur, et si tu trouves un bug dans dotclear (dont on ne lit que du bien, ce serait étonnant, donc) tu peux toujours essayer wordpress, qui est très bien et au moins aussi simple
10. Le mardi 13 septembre 2005 à 23:47, par Lionel
Maintenant je comprends d'où venait ce site de rencontres venu d'ailleurs. Et ce restaurant belge à Kanda, plus précisement, c'est où c'est qui c'est quoi?
11. Le mercredi 14 septembre 2005 à 00:44, par Berlol
Donc, ça s'appelle le Champ de soleil, dans une ruelle, avec un auvent vert. Grâce au moteur installé récemment dans ma colonne de gauche chez U-blog, j'ai localisé le billet où j'en donnais l'adresse exacte. Le lien fonctionne toujours.
Déjeuner, menu simple avec 4 choix, dans les 1200 yens avec dessert et café. Pour le soir, faudrait demander à Manu... Attendons qu'il passe par ici...
12. Le mercredi 14 septembre 2005 à 01:53, par Manuzik
Je passe par ici, grâce aux fils RSS de commentaires. Quel bonheur !
Le soir donc, les menus changent selon les saisons : il faut compter dans les 5000.
PS Qui t'a dit que j'avais passé un mois d'août calme ?
Il m'a semblé qu'on avait surtout parlé des ingrédients pour réussir dans la politique et aussi, bien sûr, de blogs.
Au fait, quand est-ce que tu changes d'interface, pour le distinguer du mien ?
13. Le mercredi 14 septembre 2005 à 02:23, par Berlol
Pour changer de "thème" faudrait que j'en trouve un qui me plaise. L'actuel, celui de base (et non le "tien"...), n'est pas mal du tout...
Pour ce qui est du mois d'août, tu ne m'as pas parlé d'événements spécialement importants de ton côté... Ou alors j'ai un trou de mémoire...
A+
14. Le mercredi 14 septembre 2005 à 04:42, par Arnaud
Effectivement, ce site-ci est bien plus rapide à charger qu'u-blog, obèse par un trop de publicité dans doute...
Sinon, comme j'avais maintenant trois références de sites à toi et que je ne voyais pas trop bien où mettre ça, j'ai créé une catégorie "Patrick Rebollar"
15. Le mercredi 14 septembre 2005 à 07:54, par Cédric-Elinas
Bien plus sympa et bien mieux de toute façon d'avoir tout intégré sur son site. ^^
J'aime bien DotClear. Sobre et efficace!
Ciao
16. Le jeudi 15 septembre 2005 à 22:47, par Bikun
Bon je viens de tout migrer sur www.ognh.net/blog/
Pour les photos, je m'y attaque la semaine prochaine.
FBon, les photos de Echenoz ne sont plus sur internet, j'aimerais bien les remettre mais la ou je suis ca va etre difficile. J'essaye de faire cela la semaine prochaine ou la semaine d'apres.
Cette publication actes colloque St Etienne c'est pour bientot?
Fini, U-blog !...
Fini ! C'est fini, U-blog !Par ici la sortie !
Que se passe-t-il ?
A plus tard , ailleurs... quelque part ?
http://www.berlol.net/dotclear/index.php/
Il y a aussi SPIP, mais la crainte du PHP me retient encore.
"Dotclear" vous rafraîchit !!!
En plus, par le site Dotclear, on peut accèder à tout plein de questions des autres utilisateurs, notamment pour les designs, les colonnes, etc. Faut se prévoir une demi-journée si on ne veut pas stresser mais ça devrait prendre moins que ça...
Courage !