J
ournal LittéRéticulaire de Berlol

Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Mai 2005

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Dimanche 1er Mai 2005. Un amour volcanique.

L'hôtel Suginoï de Beppu est avant tout un établissement de bains, profitant des eaux chaudes qui sourdent partout des massifs volcaniques. La ville est célèbre pour cela, faut juste savoir l'art de canaliser les eaux, de les maintenir à température acceptable. Ici, de grandes piscines en étages, l'eau à 40 °C qui s'écoule de l'une à l'autre, avec la route en contrebas, l'équivalent de 25 étages, sans vis-à-vis. Hommes et enfants (les femmes ont des piscines séparées, évidemment) se promènent tout nus, tenant leur petite serviette qui nonchalamment devant lui qui posée en boule sur sa tête, petite vitesse dans la brume d'une matinée pluvieuse. Sensation fraîche de la pluie sur le visage quand le corps baigne dans l'eau chaude. Ne pas y passer au moins une heure serait un crime... Mais après le petit déjeuner, il ne faut pas en abuser. Et puis on est occupés.

Déjeunons, T. et moi, dans une sushi-ya recommandée par notre livre, le long de la pluvieuse route 218, à vingt minutes de l'hôtel, après être passés devant des dizaines d'établissements fumants. Bains chauds, tous genres, fragrances soufrées. Pas mal, les sushis, mais pas exceptionnels non plus.  On se demande même s'il était nécessaire d'attendre 40 minutes à côté de gens qui fument dans un restaurant de 12 places... Y'aurait intention de pas nous revoir que ça m'étonnerait pas !
Ce temps m'a tout de même permis, alors que la pluie s'arrêtait, de faire une série de photos par la minuscule fenêtre du restaurant. Une petite dizaine, mais je n'en laisse que trois dont les contrastes sont identiques, accentuant l'effet de série.
Quand même, le chuu-toro (中トロ, thon mi-gras) était délicieux, quand j'y repense...

Retour à l'hôtel pour rendez-vous avec un cousin lointain, dans la branche maternelle du père de T., habitant Beppu, quartier de la gare. Branche citadine, donc. Bel homme de 80 ans qui nous apporte une boîte de biwas king-size. Il a bien connu la mère de T., quand elle était ici, pendant la guerre. Des propos à la fois péremptoires et ambigus font penser à T. que cet homme poli mais un peu sec, lui aussi, en sait plus long qu'il n'en dit. Ainsi il a, jusqu'à l'an dernier, envoyé chaque mois des fruits à la mère de T. Pendant près de soixante ans !
Les coutumes de politesses, principalement assumées par les femmes, n'obligent qu'à deux ou trois envois annuels... Plus tard, nous imaginerons les choses les plus folles : que lui et la mère de T. eurent en pleine guerre une aventure sans lendemain, voire une passion dévorante et tragique comme le cinéma japonais a su nous en montrer. Puisqu'elle avait déjà deux enfants, qu'il le savait, qu'il pouvait cependant espérer que son mari ne revienne pas de Mandchourie... — voire un enfant caché. Ceci ou cela expliquerait la haine avec laquelle la mère de T., de retour à Tokyo et son mari revenu, avait traité la famille du Kyushu, toutes branches confondues : elle aurait eu pour but de détourner son mari de sa famille et de ses terres, à la fois pour le dissuader de jamais s'y réimplanter, pour cacher la vérité incestueuse, voire pour éviter d'attiser les braises d'un amour volcanique... On nage en plein roman.

Le cousin reparti (il a promis de nous envoyer des fruits...), sortons pour une promenade dans les établissements de jigokus (地獄, enfers), même route que la sushi-ya de tout à l'heure mais un peu plus loin. En fait, ce sont des dizaines de lieux où sourdent des eaux brûlantes et fumantes, sous diverses pressions, avec différentes couleurs, odeurs, propriétés médicales ou toxicités, dont les propriétaires profitent en ouvrant aux touristes et en vendant des produits dérivés qui vont des gâteaux et bonbons à forme diabolique jusqu'aux produits de bain relaxant, en passant par toutes sortes de porte-clé, horoscopes, serviettes, jouets, poteries, légumes marinés ou poissons fumés, etc.
On s'en fait deux. D'abord le Chinoike Jigoku (littéralement Chi no Ike, étang de sang, 血の池地獄) dont l'eau est plutôt orange, sans bouillonnement. Pas très impressionnant, au point que je me demande s'il n'y a pas un plainsantin qui badigeonne régulièrement de peinture antirouille le fond de son bassin avant d'y ouvrir des vannes d'eau chaude... En tout cas, j'en rapporte un superbe T-shirt rouge que je porterai demain.
Puis, pendant que T. se réhydrate les yeux que de méchants gaz ont attaqués, je nous voiture jusqu'au Bouzu Jigoku, l'Enfer du Moine (坊主地獄) et ses boueuses eaux gris-beige, puantes et sifflantes, consistance Blédine, qui tient son nom d'un moine disparu corps et âme lors d'une explosion du sous-sol local il y a des siècles — car c'était l'emplacement d'un temple.

Revenons à la civilisation et au quartier de la gare, d'influence occidentale, bâti au début du XXe siècle.
Promenade jusqu'au bord de mer en échaffaudant les structures et les péripéties d'un roman familial que T. écrirait un jour. Mais qui en serait le narrateur-enquêteur et quel serait son but ?
C'est à quoi nous songeons encore en allant dîner tout en haut de notre hôtel. La vue sur la ville illuminée ne nous détourne pas de voir les fautes du service. D'ailleurs, malgré son prix, le menu n'est pas à la hauteur... À l'exception d'un chawan-mushi au... cheddar. Si, si !
Enfin, je m'avachis devant la télé qui ronfle un peu et je regarde je ne sais quelle partie du Seigneur des anneaux pendant que T. retourne au bain, ouvert jusqu'à minuit, l'heure du crime. Même pas peur. Même pas le courage de lire.


merci, ami, pour début du récit de voyage ça nous éclaire jusqu'ici
et on vote solidairement pour le roman de T
là encore, le compagnon de route sur les paysages urbains en 45, ou sur ce thème du "Voyage au pays natal") c'est Osamu Dazaï
quelle incroyable photo cette avec ces lignes géométriques dessinées sur la montagne, tu devrais nous la mettre en plus grand
2005-05-04 11:03:26 de FBon

Je seconde FBon concernant ses commentaires sur les photos. Moi j'aime bien les 3 premières mais ma préférée est celle de l'étang de sang. Mais j'aimerais bien voir les autres un jour en plus grand. Il est toujours difficile de se faire une
réelle opinion sur une petite vignette. Même remarque sur mon site d'ailleurs...
2005-05-04 15:30:41 de Bikun

J'oubliais, vote solidaire moi aussi pour le roman de T.
Ne pas se chercher de but, simplement le faire peut-être pour y voir plus clair...
2005-05-04 15:32:27 de Bikun

Merci pour le voyage Patrick. On partage.
Photos superbes.
On suit la saga familiale de T. déjà comme un roman.
Bien à vous deux,
Eric
2005-05-05 09:02:39 de Eric Hoppenot

Moi, j'aime bien la dernière photo et ses fumées !
Incroyable quand même la famille de T. N'êtes vous pas déjà en train de nous l'écrire ce roman, en version blog ?
2005-05-05 15:27:29 de Manu



Lundi 2 mai 2005. 毎日が地獄です。

Journée sans rendez-vous... Donc, escapade routière, direction : les montagnes ! Ouest de Beppu, vers Yufuin. Sortie de la ville, choix d'une route étroite, déserte et très encaissée, à 20km/h sur 15 km. Superbe ! À mettre dans mes meilleurs souvenirs de conduite au Japon ! Puis routes plus larges et plus passantes, nombreux groupes de motards, monts de 500 à 1000 m. Passés sapins et bambous, ne restent qu'alpages et marécages. Activité volcanique réduite aux vapeurs d'eau plus ou moins soufrées.

À l'arrêt pour promenade de Choujabaru, c'est le déjà célèbre Autoportrait de Berlol avec glace au lait, vêtu du diabolique T-shirt acheté hier, portant la mention : « Tous les jours, c'est l'enfer » (毎日が地獄です。). Ou : « C'est tous les jours que c'est l'enfer ! », si je peux tenter une traduction plus enlevée...
Agréable et oxygénante heure de marche sur chemin de pilotis au milieu des boutons de cosmos. Fumant à l'arrière-plan, le mont Kuju (久住山). Du fait du T-shirt, de nombreux passants se retournent sur nous, au grand amusement de T.
Doivent se demander où z'ont trouvé ça ? Ou alors pourquoi on n'en a pas acheté quand on en a vu, pasque ça fait un effet bœuf !...
Ça continue. Beaux paysages dégagés le long de la Yamanami Highway, région de Taketa. Puis route descendante jusqu'à Aso, puis nationale encombrée, c'est la route de Ooita à Kumamoto, d'Est en Ouest du Kyushu. Pour déjeuner d'un carpaccio de thon et d'un peu de bœuf, passage au Aso Prince Hotel, repaire de golfeurs, avec lesquels nous avons peu en commun, sinon un certain goût pour l'espace et la tranquillité. Du coup, amusant d'en voir certains, dans un si vaste paysage, faire la queue en buggy pour le trou suivant... Ailleurs qu'en cet endroit, c'étaient des milliers de familles qui prenaient d'assaut les restaurants du bord de route. N'ai encore jamais joué au golf, mais j'y ai mangé...

Montons jusqu'au volcan Nakadake (parking à 1145 m.). Un téléphérique devrait nous hisser jusqu'au cratère mais trop d'activité gazeuze, sans doute toxique, et interdiction de monter jusqu'à nouvel ordre (des mois, voire des années). Pour amuser les enfants, les nombreuses familles vacancières se rabattent sur les promenades à poney. Les jeunes couples sur le tour du cratère en hélico. Nombreux motards avec toutes sortes d'engins, leur fraternité un peu lourde (fugitif souvenir de mes 18-20 ans, avec ma 500 Yamaha... pas douloureux).
Retour par Aso puis cap sur Ooita, la grande ville au sud-est de Beppu, même côte Est de l'île. Évitons d'y aller car ville industrielle et heure de pointe. Avons bien appris à nous servir du système de navigation satellitaire que contient la voiture (GPS de bord), pouvons ainsi passer par de petites routes même pas sur les cartes papier dont nous disposons. En jouant avec l'échelle du GPS, on s'y retrouve très bien. Traversée de villages à 5 à l'heure tellement les habitats sont rustiques, faits de bric et de broc, moitié abandonnés, pourtant tellement fleuris. Superbe entretien de minuscules champs et rizières où aucun tracteur ne peut passer. Travail tout à la main.
À la tombée du jour, arrivons sur Beppu par une route de crête au sud. Ville et mer à nos pieds, six cent mètres plus bas. Finalement, retournons au resto d'avant-hier soir, chez Kimura, pour au moins trois raisons : 1. c'était bon ; 2. c'était facile à retrouver ; 3. T. est fatiguée et ne peut plus lire la carte ni le guide pour chercher autre chose. Et on a bien fait, comme disait Leibniz. Parce qu'au moment de régler, le patron s'adresse à nous et raconte qu'il a fait une partie de ses études en France, à Paris et Marseille, qu'il a travaillé comme cuisinier sur des bateaux de croisière avant de s'installer ici. D'abord étonnés de notre retour, sa femme et lui ont été amusés par mon T-shirt puis ils ont cru comprendre que nous parlions français, alors... Devons rechercher un professeur de Tsukuba, lui aussi octogénaire maintenant, si encore en vie, pour transmettre salutations.
En fait, chez Kimura, pour nous, c'est un peu le Saint-Martin de Beppu, déjà. On sait qu'on y reviendra.

Pour se remettre de ces heures de vibration automobile, passons plus d'une heure au onsen de l'hôtel. De nuit, c'est aussi très beau, la vue dégagée sur la ville et le ciel étoilé que n'embrume que nos vapeurs aqueuses. Malgré l'affluence, tout est tranquille. Même les enfants ne braillent qu'en sourdine, à moins que je devienne dur de la feuille... Ça détend. Dans la chambre, je prends des notes pour le journal avec mon portable sans connexion — et sans regret, d'ailleurs (j'avais bien sûr demandé à l'hôtel en arrivant mais la réponse fut négative et sans excuses du préposé, ce qui indique à quel point c'est en dehors des considérations locales). On commence à faire les bagages, puis on dort vite et fort.


Malcolm Berlol au-dessous du volcan avec gps de bord...ça me change des champs de colza... Merci. :-)
2005-05-04 14:37:35 de jcb

Je ne sais pas si je suis le seul mais en tout cas je vais te demander Berlol, de partir souvent en vacances avec T. car la lecture de ton journal n'en devient que plus intéressante!
Bé oui j'suis pas un accroc de Leibnitz et compagnie ni de Sartre :-) Et puis tu me donnes une sacré envie de (re)partir moi aussi sur ces routes! Ca m'rapelle un ch'ti voyage à Yakushima avec N. en janvier 2000. Petite île...près du Kyushu justement! Location de voiture, le tour de l'île, les singes qui se baladent...!
Bon et safe retour sur Tokyo.
2005-05-04 15:40:35 de Bikun

bon, faudrait pas raconter ça, mais à Tokyo l'an dernier je ne m'habituais quand même pas à l'idée de la baignoire collective donc c'est moi aussi à minuit que j'y allais, ou carrément à 6h du mat, et qu'est-ce que ça fait du bien - après je me repaddockais jusqu'à l'arrivée de la soupe du petit dej -
il y a dans "l'infraordinaire" de Roubaud un passage extra sur nos perplexités européennes devant les systèmes de chasse-d'eau à 6 ou 8 boutons électroniques non traduits, bon complément quand à la pratique des hôtels japonais: faudrait un gps aussi pour le quotidien
tu règles la question technique qu'on ait quelques photos en grand ?
voir le très précieux aide-mémoire de desordre:
[url]http://www.desordre.net/julien/wakka.php?wiki=QuelquesExtraitsDeCodeUtilisesDansLeDesordre[/url]
2005-05-04 17:32:04 de FBon

Cher JCB, suis content de t'apporter quelque distraction. Et si tu pars en Baja California, préviens-moi : je rêve d'y aller !
Cher Bikun, pour ma part, je ne demanderais que ça, être toujours en vacances avec T., faire des tours dans le Japon et bloguer pour quelques amateurs. Malheureusement, la réalité est quelque peu différente... comme tu le sais.
Cher François, quand tu repasseras au Japon, on ira ensemble au sento... En attendant, est-ce que as l'intention de passer nous voir à Cerisy cet été ?
2005-05-05 02:57:33 de Berlol



Mardi 3 mai 2005. Les relations sont de famille ou ne sont pas.

Les petits déjeuners se prennent dans des halls dignes de trains ou d'aéroplanes. Plusieurs centaines de personnes s'y servent ensemble de café, soupe, salades, petits pains, poissons grillés, œufs brouillés. Tout cela relativement calmement. Plus qu'au Palais de la bière de Munich. Une moitié des gens sont en yukata du Suginoi, qui leur permet également d'aller aux différents onsens de l'hôtel sans payer, l'autre moitié est habillée normalement pour la journée. Avant-hier, on a même vu une femme en pyjama... Seuls les fruits font pitié, quand même : morceaux d'ananas, quartiers de pamplemousses et lychees non épluchés, les mêmes chaque jour. Mon royaume pour une fraise ou un petit bout de mangue !...

La cousine d'avant-hier vient nous chercher. Un de ses neveux la conduira en voiture et nous ouvrira le chemin (et disparaîtra une fois arrivés). En route pour la péninsule de Kunisaki, terre natale du père de T. et lieu de résidence de cousins, en quelque sorte gardiens de la mémoire familiale et propriétaires des terres ancestrales. Y compris de ce qui fut la part du père de T., part qu'il a, paraît-il, abandonnée il y a une quarantaine d'années lors d'une descente-éclair en plein été. Il serait arrivé au volant d'une Dodge, sans prévenir, avec sa femme, comme quelqu'un qui veut montrer qu'il a réussi à la capitale et qui se fout de ces culs-terreux rivés à leurs rizières et à leurs tombeaux.
Suivant la voiture de notre guide, j'écoute T. rassembler ses idées et ses informations sur cette branche maîtresse de sa famille. Pour elle, ce n'est pas simple : ces contacts familiaux étant très récents, ils réactivent en questions des choses jusque-là admises sans discussion. Tout ce qu'elle fait pour son père ne peut prendre sens sans l'affecter profondément au passage. Un accident sans gravité entre deux voitures sur le pont de la rivière Yasaka nous sort du monde féodal, nous ramène au monde moderne, celui des autos et des avions (on passe ensuite devant l'aéroport d'où nous repartirons tout à l'heure).
L'accueil est jovial et l'étonnement partagé. Outre la cousine déjà connue, deux autres cousins et une cousine, sœur de l'un des deux. Moyenne d'âge proche de 80 ans. Trois heures durant, également fixées en son numérique par mes soins, T. discutera, écoutera, montrera ou découvrira photos et documents officiels, lettres, cartes de visites, assistera au redéploiement sur papier de l'arbre généalogique. L'apothéose sera cette demi-heure durant laquelle nous irons tous ensemble honorer les morts... derrière la maison, au flanc du coteau dans la forêt de bambous.
On m'y convie en qualité de cameraman, selon le mot de l'une des cousines. On me recommande de prendre telle ou telle photo. Je dois dire que l'on m'a dès le début accueilli sans aucune distance, supériorité, méfiance ou mépris. Je crois foncièrement que dans ces populations rurales et polythéistes, il n'y a pas de notion de race : les relations sont de famille ou ne sont pas. Je ferme la parenthèse perso.

Mais que veut dire de famille et qui n'est pas ce qu'est la famille occidentale ou de culture monothéiste ? Je n'en sais rien, peut-être quand même ceci, à réfléchir.
Au milieu des bambous, les générations se succédent et s'enterrent... dans leur terre. Les takenokos (竹の子, litt. enfants de bambous) cuisinés par la cousine, mangés avec du riz vinaigré (sushi), ont poussé ici même, au milieu des morts et parfois à travers eux. Ainsi les morts de la famille auxquels on parle en brûlant des encens agissent-ils encore en nourissant les racines des bambous qui poussent et nous nourissent. Qu'a-t-on peur de la mort dans ces conditions !
Beaucoup de choses m'étonnent, dans leur simplicité efficace. Je ne sais pas encore les exprimer. Parfois en les photographiant, je les amène à l'existence dans ma conscience. Quant à les expliquer !... Par exemple, ce mur d'un banal jardin d'une simple maison d'un hameau reculé d'une presqu'île presque quelconque, il est exactement de même forme et de même angle que les énormes murs de défense des palais impériaux de Kyoto ou de Tokyo...

Les quittailles sont bavardes mais nécessaires. Nous avons un voyage à faire et nos octogénaires ont à se reposer de ces émotions et de ces liens repris après des décennies de silence.

De retour à Kagurazaka, dîner au Saint-Martin, évidemment. Un bon poulet-frites pour revenir à la civilisation, y'a qu'ça d'vrai !


お帰りなさい!
Très belles, les photos! C'est vraiment un blog "Japon", là!
Tiens, j'avais posté l'adresse de ce site, il y a déjà des lustres dans la salle à manger, alors je le remets:
http://jclat.typepad.com/think/
Le blog s'intitule : "Un mot par jour".
Au fait, ça serait marrant de faire un blog avec juste un mot par jour ou un message vide. Très zen, par exemple: 無 ("mu", "la vacuité", "le vide" qui se prononce plus près du "mou" français).
T'es mou, tard?
2005-05-04 17:58:32 de Christian

PS: Quelqu'un peut-il me dire comment s'appelle le jeu qui consiste à former des mots les uns à la suite des autres, chacun commençant par la fin du précédent?
Ex: Comment ça va... porisateur?
En cherchant dans Google, je n'ai pas trouvé la réponse mais je suis tombé sur cette page de jeux (entre autres avec les mots -d'autres idées pour les ateliers d'écriture, François?):
http://creaction.qc.ca/banque-activites/scolaire.htm
... dans laquelle, j'ai retenu le jeu de "l'ovation monstre".
Je propose de faire une ovation monstre à Berlol, de temps en temps sur ce blog!
Qu'en pensez-vous?
2005-05-04 18:09:48 de Christian

il faut aller fouiller le site des Oulipiens, fatrazie:
http://worldserver2.oleane.com/fatrazie/default.htm
moi je connais que "comment allez vous yau de poele" c'est peu
mais en atelier, non, jamais de "jeux d'écriture" c'est pas mon truc
par contre, au lycée DIderot de Langres, une suite d'ateliers d'écriture où les élèves réagissaient... à des blogs (le mien et celui de Darley)
à part ça, le cameraman, tu nous en dis un peu plus sur ce "polythéisme" ?
2005-05-04 20:25:01 de FBon

Ou encore "Dans quel etat...gere?"
ou "Enchantier je m'apelle...teuse, et moi...sonneuse"
2005-05-05 02:17:25 de Bikun

OK, pour vous faire plaisir, j'en ai agrandi deux, celle de l'étang de sang du 1er mai et celle des maisons ci-dessus. Attention connexions lentes : cette dernière étant en 5 millions de pixels, son format 1000x750 pèse environ 650 ko...
Pour les jeux de mots par enchaînement, il s'agit sans doute du calembour. Voici le début de la définition du TLF :
"Jeu d'esprit fondé soit sur des mots pris à double sens, soit sur une équivoque de mots, de phrases ou de membres de phrases se prononçant de manière identique ou approchée mais dont le sens est différent. Faire des calembours; parler par calembours; recueil de calembours :
1. L'art du faiseur de calembourgs ne consiste pas à jouer sur le double sens d'un mot, mais à forcer l'équivoque, soit par la décomposition d'un mot en plusieurs, soit par la réunion de plusieurs mots en un seul, sans plus respecter le bon sens que l'orthographe. Le calembourg joue plutôt sur le son que sur le sens. Peu lui importe de ne pas présenter une idée ingénieuse, pourvu qu'il détourne de l'idée raisonnable. [...]"
(TLF : http://atilf.atilf.fr/)
Hugo l'appelait "la fiente de l'esprit"... Sans doute pour cela que François hésite à en faire... à cheval.
2005-05-05 02:35:28 de Berlol

et même en voiture
merci pour les montagnes
2005-05-05 06:13:55 de FBon

Un petit mot rapide pour te dire chapeau d'avoir tout préparé de façon si fine et si détaillée, comme toujours, puis tout monté d'un coup sur le blog. Je m'en doutais un peu, comme je l'avais écrit sur mon précédent post, mais chapeau tout de même.
Sinon, pour ce que je te disais hier, j'ai pu finir tout ce que j'avais à faire (au milieu de la nuit en fait...) et je souffle un peu, en attendant le départ vers Paris dimanche. Vivement juin et les résultats des concours...
2005-05-05 06:55:28 de Arnaud

On m'avait dit, quand j'étais au lycée, «la fiente de l'esprit qui vole». Je n'ai jamais recheché le contexte, Internet n'existait pas et aujourd'hui j'ai la flemme. Je me suis longtemps demandé si le «qui vole» voulait contrebalançer (excuser) le «qui fiente», ou bien si Hugo, du côté de Rabelais et des materialistes, assumait que l'esprit, comme tout corps bien en chair, fientât. Et comme, nous avions à cette époque, Maurice Barrès au programme, je me disais que s'il est «des lieux où souffle l'Esprit» on serait bien inspiré d'y aller avec un parapluie et de ne pas s'y enraciner. Je me demandais encore, à propos de la phrase d'Hugo -une véritable énigme pour un cerveau qui s'éveille - si sa relative dénonçait de l'esprit une qualité intrinsèque ou occasionnelle : le vol est-il le propre de l'esprit ? Ou bien est-il comme l'oiseau tantôt sur sa branche dans dans l'air ? Dans le premier cas, que fait la police ? Dans le second, que fiente-t-il quand il ne vole pas ? Et corollairement, les esprits rampants et constipés sont-ils totalement incapables de calembours malgré les progrès de notre époque ? Le calembour a-t-il le monopole de l'esprit ? Que de questions, sacré Charlemagne. Berlol, toi qui voulais du débat en voilà !
Mais je ne voudrais pas paraître monomaniaque : il y a aussi l'esprit qui pète. Je vous renvoie au «Tire ta langue» du 26 avril sur l'art du contrepet qu'on peut encore écouter pour quelque temps à cette adresse :
http://www.tv-radio.com/ondemand/france_culture_(aod)/LANGUE/LANGUE200504261400.RAM
2005-05-05 07:02:37 de jfm



Mercredi 4 mai 2005. Ça me... Je m'en...

Entre courriers, rangements et courses, reprise des notes pour rédaction et mise en ligne du JLR des derniers jours, je n'ai même pas eu le temps de faire une sieste. Ni d'ouvrir un livre. À peine celui de lire quelques pages amies.
En parallèle, enregistrement des huit épisodes disponibles du feuilleton Sur la route d'après Kerouac — ça prend bonne forme, et la mise en ondes sonores ne déçoit pas mon souvenir de lecture, au contraire (on peut même passer maintenant par le portail des fictions).
J'écoute ensuite très attentivement le Répliques de samedi sur Heidegger, avec Emmanuel Faye et Marc de Launay. Suis curieux d'entendre ce que Finkielkraut et de Launay peuvent dire pour que surnage, patauge, barbote l'idée de la suprématie absolue de la philosophie heideggerienne...

Il ne devrait pas s'agir ici non plus de dire simplement oui ou non à Heidegger. Toute personne qui veut vous faire croire, dans cette question-ci comme dans d'autres, qu'il n'y a qu'à dire oui ou non est soit un pleutre soit un manipulateur. Le pleutre s'enfermera bien vite dans le silence dès que vous prétendrez vouloir rediscuter les prolégomènes de l'alternative. Mais le manipulateur voudra vous stigmatiser, vous prendre de haut, vous culpabiliser, vous ridiculiser, vous marginaliser, vous fragiliser, vous bouc-émissariser... Car derrière son masque rhétorique, il cache de puissants intérêts, inconscients pour certains, dont il ne démordra pas tant son sort personnel en dépend.

J'aurais bien voulu que l'on me propose plusieurs projets européens, de m'associer à des discussions, que l'on profite des nouvelles technologies pour faire discuter élus et électeurs, que l'on dégage des priorités, que l'on mandate des personnes pour écrire des projets d'articles d'un futur Traité de constitution amendable en ligne. Au lieu de quoi, je me retrouve devant un texte indiscutable pour lequel je dois dire oui ou non. Or, en l'état, il ne m'intéresse ni de dire oui ni de dire non. Que faire ?

Dans le Tout arrive d'aujourd'hui, Claire Denis et Jean-Luc Nancy présentent L'Intrus, film de la première, inspiré du second, vu à l'Institut le 14 janvier. On peut aussi lire l'intelligente lecture du film par Nancy lui-même chez nos remuants amis.

Certains blogs et journaux web respirent, je les entends, je les vois. Tantôt concentrés sur un objet du réel ou sur un approfondissement personnel, tantôt à l'écoute les uns des autres par la reprise d'un mouvement réflexif et réfléchissant.

Je m'étonne toujours de me voir cité, même à bon escient, mais m'étonne plus encore la capacité de déplacement, de recadrement, d'élargissement parfois tumultueux des uns et des autres.

Être parti trois jours, avoir ce petit recul... ne change rien.

Pour finir, je voulais citer quelques propos de Répliques mais je n'en ai pas le temps. J'ai une vie à moi. Et au fond, au fond du fond, je dois bien le dire, Heidegger, je m'en fous. Mais dès que j'en entends parler, ça me préoccupe. Je m'en fous. Ça me préoccupe. Je m'en fous. Ça me préoccupe. Je m'en fous...

Ça me... Je m'en...


Jeudi 5 mai 2005. Avec le dos de la cuiller.

J'essaie de me remettre au travail. De préparer par exemple le cours de samedi sur La Nausée. Dans le courant de l'après-midi, je parviens à m'y concentrer. C'est qu'il est difficile de sortir d'un épisode de vie en soi romanesque, même si je ne suis que le go-between de T. dans ses aventures familiales.

Clara et Franck, amis de Tsukuba, nous proposent de se voir à Roppongi Hills, en fin de journée ou pour dîner. J'irai dîner seul avec eux, T. étant dans un grand rangement de papiers qu'elle veut finir pendant ces jours de congé.
Je les retrouve sous l'araignée de Louise Bourgeois, autour de laquelle sont disposés des dizaines d'ours d'environ 1,80 mètre, chacun ayant été peint par un artiste d'un pays différent. L'ensemble est impressionnant (alignement, effet de série) mais le détail est décevant. Ça fait penser à l'adage : beau de loin, mais loin d'être beau. C'est la première faute de goût que je trouve dans cet ensemble architectural et artistique, la Tour Mori de Roppongi Hills, alors que l'on fête son deuxième anniversaire.

Dînons au restaurant Olives, déjà testé il y a un an et demi avec Christine et Thomas. Une serveuse qui parle quelques mots de français, une certaine façon d'apporter le bouchon du vin avant de le faire goûter, on sent le service soigné. Cuisine à la hauteur. Et à la hauteur du prix, malheureusement. Sera pas mal question du GRAAL auquel Franck ne peut plus venir à cause d'un cours de fac le lundi après-midi, puis des collègues français qui ont perdu leur poste ici ou là après la réforme de l'an dernier, des cours de l'Institut ainsi que des programmes de cinéma. Bref, un très bon moment mais pas de quoi faire dix lignes.

Cette situation des enseignants étrangers dans l'université japonaise me fait souvenir qu'il y a chaque année quatre ou cinq personnes qui me contactent, notamment du fait de ma présence à la fois réticulaire et nippone, pour obtenir des informations ou des aides en vue de trouver un poste. Je leur donne généralement l'adresse du site où sont publiés des postes à pourvoir, car je n'ai guère plus d'information, sans leur cacher les baisses d'effectifs et les suppressions de poste. Ici aussi.
De leur côté, les universités japonaises qui cherchent des enseignants de langue et littérature françaises n'y vont pas avec le dos de la cuiller : elles demandent généralement un agrégé normalien docteur parlant japonais, avec une maîtrise FLE, ajoutent-elles récemment. Demande ridicule au vu du travail proposé, et de plus en plus au su du salaire offert.
Le décalage entre l'offre et la demande est tellement criant que les départements qui recoivent les dossiers ont beaucoup de mal à retenir les candidats sérieux et finissent souvent par prendre un caractériel qui a réussi à les impressionner lors d'un entretien...


Vendredi 6 mai 2005. Il colloquait quand je cousinais.

Chez le dentiste avec T. Pas encore les travaux prévus pour la fixation définitive de ma couronne...

Aux Twins d'Aoyama-Itchome, déjeuner chez Lecomte.

Rendez-vous avec Au fil de l'O et un ami à lui à Ikebukuro. Longtemps que je n'y avais pas remis les pieds. Il pleuviote... Gâteaux dans un petit café près de Rikkyo (l'université). Courses chez Yamaya (six paquets de mon café habituel, à 105 yens les 250 g., prix imbattable...). Puis au MIPRO de Sunshine City (là, ça fait au moins quatre ans que je n'y étais pas allé).
Au fil de l'O était à Fukuoka quand j'étais à Beppu, il colloquait quand je cousinais. Après Bruxelles, on se retrouve à Tokyo. Même franche camaraderie. Bons moments, quoique courts. À demain peut-être...

Pleuviote toujours. Retour pour préparer le dîner, c'est mon tour.

La Nausée pour demain matin (explication des pages 66-73 de l'édition folio)...

Est-ce que pour moi aussi, il faut choisir entre « vivre ou raconter » (p. 64), dans ce qui ressemble tout d'abord à un « ou » exclusif ? Quelques lecteurs du JLR m'ont dit, en privé ou en commentaires, tout le bien qu'ils pensaient de ma virée dans le Kyushu, ajoutant que cela devait me prendre beaucoup de temps de rédiger tout cela... Cela me fait me demander encore une fois pourquoi j'écris ce journal. Pour recevoir ces compliments, de temps en temps, quand j'ai l'heur d'écrire ou de photographier un cran au-dessus de ce qui est mon ordinaire ? Seulement pour fixer ce que ma mémoire ne retient pas bien — et si ce n'était que cela, pourquoi le rendre public ? Bien sûr les compliments (me) font plaisir, mais...
Mes essais passés de journal-pour-moi-seul se sont soldés par un abandon dès le deuxième jour dans un mouvement d'à-quoi-bon salutaire. Il faut donc en conclure que c'est l'aiguillon du bi-face, le défi (en cela chaque jour identique à celui lancé par Christian en novembre 2003) de présenter à la fois quelque chose qui se tienne pour le lecteur éventuel ET qui supplée l'insuffisance de ma mémoire future.
Mélange contradictoire, antinomie... et que c'est dans cette antinomie que naît pour moi une puissante sensation de plaisir de type littéraire, dont les aspects personnels (orgueil, auto-satisfaction, exhibitionnisme) m'encombrent cependant...
L'autopublication réticulaire, de type courriel, web, blog ou autre (sait-on ce qu'on inventera dans un an ou dans dix ans), peut apporter cette satisfaction esthétique dans un présent connexe à celui de l'écriture, au point qu'il est possible de les confondre ou de les croire entrelacés (j'y reviendrai à Cerisy...).
Or l'aiguillon de l'entrelacs bi-face progresse...


Ouf, ça y est, j'ai fini de rattraper tous les jours de lecture en retard !
2005-05-07 07:51:26 de Manu

Or l'aiguillon de l'entrelacs bi-fac' progresse...
Presqu'un alexandrin!
dans cet ajout de fin, les questions essentielles...
2005-05-07 14:12:17 de FBon

Comme un miroir !
Je pressens encore du copier/coller pour d'éventuelles notes de réflexion à venir. Avec références à l'auteur, bien sûr !
2005-05-07 19:20:43 de Grapheus



Samedi 7 mai 2005. Grain de sable et de sel.

Les pages 66-73 de La Nausée sont une occasion de bien s'amuser, que ce soit par l'historique de la rue Tournebride ou par l'ethnographie des coups de chapeau dominicaux. Le tableau commence par un panoramique urbain embrassant tous les gens qui se préparent en même temps, assez semblable aux premières pages du premier tome des Hommes de bonne volonté de Jules Romains paru en 1932 et intitulé : Le 6 Octobre. Ce petit passage par l'unanimisme ne sera pas inutile pour entrevoir le dessein sartrien — surtout si l'on s'avise que Dos Passos, qui influença Sartre, avait lui-même été quelque peu influencé par Jules Romains dès le début du XXe siècle... L'espèce d'anarchiste nihiliste qu'est encore vaguement Sartre dans ces années 30 conçoit la conscience de Roquentin comme grain de sable et de sel dans la machine des groupes sociaux. De sable pour enrayer la mécanique des classes et des destins, de sel parce qu'une ironie toute flaubertienne relève la sauce bourgeoise.
Ainsi de la rue Tournebride, devenue le centre des vanités bouvilloises après répétition en miniature de ce qui s'était passé à Paris pour la Basilique du Sacré-Cœur : vision d'une allumée (la femme du maire à qui Sainte-Cécile vient reprocher l'absence d'église dans le quartier qu'habite l'élite de la ville (rien que ça, ça vaut son pesant de cacahuètes !)) et décision municipale de construction d'une église à mi-chemin des vieilles élites et des nouveaux riches.
Ainsi des quelques références littéraires qui émaillent le défilé des familles et qui disposent autant de repoussoirs que Sartre offre pour grincer de rire : Le Kœnigsmark de Pierre Benoit (1917) dont toutes les héroïnes commencent par A et dont tous les romans ont le même nombre de pages ; le Livre de mes fils de Paul Doumer (1906), qui perdit ensuite ses trois fils dans la boucherie de 14-18, qui succéda à Gaston Doumergue à la présidence de la république française en 1931 pour être assassiné en 1932 ; Henry Bordeaux qui fit une conférence sur l'alpinisme dans une ville sise à cent lieues de tout massif montagneux...

Après ça, pas trop envie d'assister au défilé des notabilités venant à la séance de cinéma de l'Institut... Surtout pour voir Monsieur Ripois. Plutôt déjeuner tranquillement au Saint-Martin avec T. et deux de ses anciennes étudiantes de la fin des années 90, employées maintenant dans le développement durable, l'une dans une agence nationale de coopération pour financer des missions en Afrique du Nord, l'autre dans une ONG à caractère éducatif qui l'envoie au Mali.

Plus tard, à la bibliothèque, Cédric vient me voir parce que je n'ai pas répondu à son courriel du mois dernier... Honte sur moi ! Non seulement j'avais vu son site mais en plus j'en avais parlé à Jephro (et peut-être avais-je cru avoir répondu du fait d'en avoir parlé à quelqu'un...), enthousiasmé que j'avais été par le design, les photos et les textes des voyages et reportages. Ouf ! C'est réparé...

J'aurais voulu parler de Baudrillard chez Finkielkraut mais je n'ai plus le temps. On verra demain.



J'ai l'impression qu'entre Romains et Sartre il y a pourtant tout un monde, et pas seulement celui de Dos Passos :
- Romains élisait Brisset "prince des penseurs" en raison de sa folie
- Sartre se moque de la pensée de Bataille en le renvoyant à sa "folie" : "le reste est l'affaire de la psychanalyse".
Il est temps, si ce n'est déjà fait, de remettre Sartre à sa place, littéraire et philosophique : un minus.
2005-05-07 20:55:21 de Bartlebooth

et Jules à la sienne : un Grand !
2005-05-07 23:52:11 de arte

Merci, merci!
La faute est effectivement réparée! lol
A charge de revanche pour un lien vers "Berlol" à partir de Color Lounge! ;-)
2005-05-09 10:20:15 de Cédric - Elinas

Hélas, "ça n'a pas pu le faire !" Finalement, impossible de passer par l'Institut avant le départ pour Osaka... Mais, ce n'est que partie remise !! Ce voyage m'a confirmé que la décision d'un retour au Japon n'était pas un caprice mais une nécessité vitale... Donc, on se retrouve quelque part en octobre !!!
2005-05-09 11:54:43 de Au fil de l'O.

Au fil de l'O...on devrait former le club des gens qui veulent revenir :-)
2005-05-09 14:27:42 de Bikun



Dimanche 8 mai 2005. Produits qui puent et machines qui tuent.

Il y a juste 60 ans, il ne faisait pas bon être nazi. Ni Balte, les Soviétiques profitant de la victoire pour annexer les côtes baltiques. Des trucs fous, quand on y pense !

Attention dans le métro de Tokyo, à partir de demain et avant 9h30, c'est dans le wagon de queue que seules des femmes iront !
On a préféré le séparatisme à l'éducation, dans un contexte où il n'est pas question de répression — il y a, semble-t-il, beaucoup trop de tripoteurs aux heures de pointe. D'ailleurs, les faits ne sont pas toujours simples à établir quand on est compressé comme des sardines à l'huile : difficile de se gratter la cuisse sans transmettre le mouvement à la fesse connexe...

Au ping-pong, seul contre Katsunori. Qui m'étale en beauté, genre sept manches contre une. Plus que du score, je suis déçu par le fait que mon corps et ma raquette ne fassent pas exactement ce que j'imagine et leur commande. À moins qu'il faille la gracieuse présence de Hisae pour que je sorte le grand jeu...

Je retrouve T. à Shibuya. Elle est un peu déprimée, aujourd'hui. Du coup, elle n'a pas eu le courage d'aller à son centre de sport, comme c'était plus ou moins prévu. On va se contenter d'acheter du pain et de rentrer tranquillement à la maison. Quelques heures plus tard, elle me dit que ça lui a passé. Elle était montée voir son père, qui est en forme. Elle l'a regardé dormir. Ça l'a confirmée dans son action et lui a permis encore une fois de dépasser la peine que lui font ses sœurs (je n'entre pas dans le détail des épisodes de la fin de semaine, ce serait sordide et malsain).

Pendant ce temps, je lisais Le Machiniste de Laurent Flieder.
« Je me levais avec le Maître, je prenais sa dictée, je me promenais à son bras, et rien de plus. Nous vivions alors, lui et moi, partageant ces trois belles pièces en rez-de-jardin, presque comme deux amis, passant les matinées et la plupart des soirées au travail, le reste des journées dans le parc qu'illuminaient encore les vifs éclats d'un automne rougeoyant. Cela me permit de mieux comprendre ce qu'on entend par cette simplicité du bonheur où tant aspirent sans y accéder jamais. J'y gagnai en outre une plus grande familiarité avec les sciences et la philosophie puisque, copiant le traité de mon maître, j'en étais pour ainsi dire le premier bénéficiaire.» (p. 157-158)

« Les propos qu'il me tint au retour de notre petite expédition étaient signe qu'il avait été un peu bousculé par ce qu'il venait d'entendre et d'observer. Après tant d'années et des milliers de pages consacrées à affirmer la proximité de notre monde avec une harmonie jamais éloignée mais jamais atteinte, il se trouvait enfin devant l'évidence de sa réalité, ce dont il était à coup sûr le premier étonné.» (p. 197)

Ce qui s'est passé entre ces deux moments, on le saura en lisant le livre. C'est pour moi l'occasion de replonger avec délices dans la rêverie scientifique telle que je la pratiquais à haute dose bien avant l'ENCPB. Une boîte de petit chimiste sous un sapin de Noël, Le Monde des non-A de Van Vogt, des ramassages de minéraux en vacances, du questionnement stellaire en draguant des filles, l'envie d'être volcanologue pour me balader partout comme Haroun... et j'avais embrassé la carrière ! Sauf qu'après le Bac, je me suis aperçu de deux choses : d'abord que ma complexion supportait mieux les concepts que les calculs et ensuite que je n'avais au-cune !, mais alors aucune envie de faire la compétition avec des centaines de bêtes à concours pour finir ma vie dans un laboratoire au milieu de produits qui puent et de machines qui tuent. Certes, j'exagère sans doute...


Et tous les autres wagons pour les hommes?
2005-05-08 21:38:49 de arte

Pour les hommes et pour les femmes et les enfants qui n'ont pas peur des hommes...
2005-05-09 02:06:12 de Berlol

Bon, finalement, la morale est sauve puisque les femmes vont dans le fourgon de queues.
Mais, en mettant en place ce système, on a oublié que certaines femmes aussi peuvent être tripoteuses. Elles vont pouvoir s'en donner à coeur joie dans ces voitures réservées. Sans compter qu'elles pourront aussi venir tripoter les hommes dans les autres voitures.
Quant aux tripoteurs, eux, ils vont se rabattre sur les hommes... Ça craint!
2005-05-09 05:12:41 de Christian

Quand on voit la longueur de certains trains, aller dans le dernier wagon peut faire rater jusqu'à deux trains (2 min entre chaque rame sur certaines lignes) et quand on connaît l'importance d'arriver à l'heure qui peut ce juger à la façon dont certains et certaines se jettent dans le wagon alors que la porte se ferme, je doute que beaucoup d'entre elles tirent un bénéfice de cette nouvelle disposition, surtout si la sortie de son choix n'est pas en face du dernier wagon... Encore de précieuses minutes perdues !
Bref, c'est justement aux heures de pointe que c'est le plus dur à appliquer...
A Futakotamagawa, la ligne comporte 10 wagons, il y a un train toutes les deux minutes et il n'y a qu'une entrée: au niveau du wagon de tête... Je ne suis pas prêt d'être qu'avec des hommes dans le wagon et c'est tant mieux ! Non pas que je veuille tripoter qui que ce soit, mais cela me ferait bien déprimer de me retrouver au milieu de salarymen. Et puis il y a le plaisir des yeux, si ce n’est pas (encore?) interdit…
2005-05-09 06:07:52 de Manu

Au fait, pour ceux que cela intéresse et qui auraient été refroidis par des problèmes techniques trop fréquents avec le streaming, mon site a emménagé chez un nouvel hébergeur. Ce genre de désagréments devrait disparaître. Quelques nouvelles pistes également au programme...
Désolé pour le petit coup de pub, mais j'ai eu la bénédiction du gardien des lieux !
Et dire que mon site n'est même pas un blog...
2005-05-09 09:55:43 de Manu

j'en ai écouté plein, merci
pourquoi pas mettre les noms des mecs qui jouent ? y en aurait qu'un seul ? la basse ? trombone + flûte ?
on aurait même presque envie de savoir sur quels logiciels ça passe!
suis moi-même en train d'explorer (tout doucement) la partie streaming de mon hébergeur ovh.net, on n'en finit jamais
2005-05-09 13:46:50 de FBon

Salut FBon !
Merci pour la visite !
Il se trouve que moi aussi je suis maintenant hébergé chez ovh !
Merci pour les remarques. Je vais essayer d'en tenir compte.
Je travaille seul : les morceaux les plus récents sont faits sous Acid avec des librairies de boucles et des synthétiseurs virtuels.
2005-05-09 15:50:01 de Manu

Manu est un véritable homme orchestre!
2005-05-09 17:09:13 de Bikun



Lundi 9 mai 2005. Maximum de flou.

Sans plus donner d'avis personnel sur Heidegger, après avoir attentivement écouté plusieurs émissions de radio récentes, j'indique pour documentation et mémoire la nouvelle page de Stéphane Zagdanski sur son site Paroles des jours. Il y rassemble plusieurs témoignages scandalisés à divers titres par le récent ouvrage anti-Heidegger d'Emmanuel Faye.

Pour me distraire et rester dans un domaine qui m'intéresse, le discours sur l'histoire de la colonisation, j'ai regardé un film acheté hier en même temps que la version en japonais de L'Auberge espagnole. Il s'agit d'un film anglais intitulé Khartoum, daté de 1966, avec Charlton Heston et Laurence Olivier. Étonnant de voir en 2005 un personnage de fanatique religieux musulman qui se croit l'élu, face à un anglais sentimental et démocrate contraint d'admettre la sincérité du fanatique et réduit à prier pour que son gouvernement lui envoie des troupes — qui arriveront trop tard. Il y a toujours plus de différences que de ressemblances avec des faits contemporains, mais ce qui étonne c'est la permanence des discours et des types d'individus. Les faits (réels) sont de 1881-1884 et le film est de 1966, contexte où ce type de discours devait avoir un usage — ce qui, avec nous aujourd'hui, fait déjà trois temporalités bien distinctes où pourtant de semblables discours tendent de semblables pièges.

La temporalité narrative et ses pièges, c'est ce dont il aura beaucoup été question dans le GRAAL encore consacré à Un Pedigree de Modiano. Une fois de plus, nous étions aux prises avec nos propres définitions de mots (point de vue, focalisation, voix, etc.) du fait des formulations volontairement vagues de Modiano. Il a « la tête qui tourne et le souffle de plus en plus court » (p. 20) en évoquant les gens que ses parents fréquentaient avant sa naissance, son « cœur bat pour ceux dont on voyait les visages sur l'Affiche rouge » (p. 26), mais il ne critique pas franchement les personnes ou leurs actions, comme s'il était au-delà de ces choix politiques que bien des personnes firent ou ne firent pas, dans un projet de seulement évoquer leur existence, la complexité des relations, etc.
On s'aperçoit que le maximum de flou (et de charme, presqu'au sens magique) est tout de même produit dans le récit par une forme de discours indirect libre articulé sur le temps (et non sur la diversité des voix narratives), à l'instar de l'extrait suivant où quatre époques différentes sont fluidement enchaînées :

« Mon père utilise une carte d'identité au nom de son ami Henri Lagroua. Dans mon enfance, à la porte vitrée du concierge, le nom « Henri Lagroua » était resté depuis l'Occupation sur la liste des locataires du 15 quai de Conti, en face de « quatrième étage ». J'avais demandé au concierge qui était cet « Henri Lagroua ». Il m'avait répondu : ton père. Cette double identité m'avait frappé. Bien plus tard j'ai su qu'il avait utilisé pendant cette période d'autres noms qui évoquaient son visage dans le souvenir de certaines personnes quelques temps encore après la guerre (Patrick Modiano, Un Pedigree, p. 21 — c'est moi qui souligne).

Pendant la guerre, dans l'enfance du narrateur qui se situe après l'Occupation, après la guerre et bien plus tard... jusqu'au moment de l'écriture : ces temps narrés sont enchevêtrés et brouillés par des temps verbaux variant selon le degré de focalisation. Du présent, comme si l'on était avec son père dans les années 40, au plus-que-parfait qui renvoie un moment pourtant postérieur dans un passé quand même très lointain par rapport au présent de celui qui s'exprime, on perçoit l'irrationnalité quand on s'y arrête ainsi mais pas quand on lit normalement, si cela existe lire normalement...
Le lecteur est ainsi promené dans un tissu de souvenirs vus tantôt de près et tantôt de loin, juxtaposés comme une mosaïque ou comme les points d'un tableau pointilliste de sorte que le lecteur est lui aussi obligé de varier sa distance au texte. Écriture pointilliste ou cubiste, on hésitait encore quand il a fallu nous séparer...


J'ai lu TOUT le premier lien. 1 heure et 35 minutes...
Je ne suis pas sûr de cliquer sur tous les autres (liens) !
(ce commentaire est un leurre, bien qu'exact, pour changer d'URL)
2005-05-09 22:22:44 de arte



Mardi 10 mai 2005. Ma badine de mots.

Ah les 10 mai ! Tout le monde en a au moins un dans le cœur !
Je ne sais pas si ça marchera comme Journée des mémoires de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions (mes hommages à Maryse Condé !)... mais il y avait déjà des 10 mai célèbres. La mort de Louis XV en 1774 ? Ça, on s'en fout un peu, quand même, surtout que c'est pas glorieux, la petite vérole... 1802 ? Quand Napoléon rétablit l'esclavage ? Oui, éh bien, là c'est effectivement dans le sujet précédent mais je ne sais pas si le comité de Maryse y avait fait attention... Passons à autre chose. Le premier 45-tours des Stones en 63 ? Je crois qu'à part François, il n'y a pas beaucoup de monde qui s'en souvient... Non, pour moi, c'est surtout 1968 et 1981, les deux gros shoots du quart de siècle. Barricades ou Mitterrand, on s'est quand même bien fait avoir. Mais malgré ça et bien que je me raisonne, il y a quand même un reste de sympathie, quelque chose d'indécollable de mon bon fond, un attachement à ces deux dates. Je n'y peux rien.

Je m'étais interrogé tout seul dans mon coin la semaine dernière sur le fait que ce Traité de constitution n'avait pas été élaboré avec ma participation. On s'est foutu de moi ! On en riait, on me calomniait jusque dans les rues, on me traînait dans la boue en disant : « Quelle vanité, ce Berlol !... Se croit indispensable... Finira mégalo... ou pire : politicien !...»
Je me rappelle : « J'aurais bien voulu que l'on me propose..., de m'associer à..., que l'on profite des nouvelles technologies pour..., que l'on dégage des..., que l'on mandate... Au lieu de quoi, je me retrouve devant un texte indiscutable pour lequel je dois dire oui ou non. Or, en l'état, il ne m'intéresse ni de dire oui ni de dire non. Que faire ? »
Or je viens de trouver, par un gentil chemin de blogs un peu compliqué que je garderai pour moi, de ceux qu'on prend quand on ne veut pas s'endormir sur la google à six voies, une page d'un professeur de droit, Étienne Chouard, qui argumente doctement et excellemment sur le Non mais qui surtout redécouvre cette chose simplette que nous étions tous en train d'oublier (sauf moi, donc...) :
« Une Constitution n’est pas octroyée par les puissants, elle est établie par le peuple lui-même, précisément pour se protéger de l’arbitraire des puissants, à travers une assemblée constituante, indépendante, élue pour ça et révoquée après : ce texte-là entérine des institutions européennes qui ont été écrites depuis cinquante ans par les hommes au pouvoir, à la fois juges et parties.»

Difficile d'être plus clair.

Sinon, ma journée ? Euh... Shinkansen en corrigeant des copies et en écoutant des entretiens avec Vercors puis d'autres avec Serge Doubrovsky. Très intéressants, j'y reviendrai si je trouve le temps. Puis deux cours sous climat pré-caniculaire, ce qui veut dire avec des étudiants amorphes qu'il faut régulièrement piquer de ma badine de mots pour qu'ils restent branchés en mode français. Ici aussi, le jasmin est en fleurs et à chaque fois que je reviens des salles de classe vers mon bureau, je constate que sur le mur le jasmin qui parasite le lierre est monté encore plus haut que l'an dernier. Et qu'est-ce qu'il embaume !
Au ping-pong, on est encore quatre du département de français. Et ça joue bien ! Mais qu'est-ce que ça fatigue, aussi !
Pendant et après le dîner avec Bikun, que je retrouve quasi dans la même position du photographe numérique qui trie nocturne ses centaines de photos, je regarde un dévédé prêté par un collègue : Axelle Laffont au Bataclan, La Folie du spectacle (2003). Sceptique au début, je n'entre pas tout de suite dans son humour, et puis quand même, elle est marrante. Elle a de bonnes réparties, elle mime bien, assez vulgaire mais pas trop lourd. J'ai même retrouvé le « dans ton cul ! » qui marche bien ces temps-ci en France, semble-t-il...

Presqu'une heure du mat' ! Ma grand-mère vient de me téléphoner pour me dire que ma sœur vient d'avoir un garçon. Elle est arrière-grand-mère ! Du coup, j'en suis tout oncle ! Welcome dans ce monde pourri merveilleux, Charlie ! Et bon rétablissement, sœurette !
Ah les 10 mai !...


Et ... du même Etienne :
"En établissant une Constitution par voie de traité, procédure beaucoup moins contraignante qu’une lourde assemblée constituante, (publique, longuement contradictoire et validée directement par le peuple), les parlements et gouvernements, de droite comme de gauche, ont fait comme s’ils étaient propriétaires de la souveraineté populaire, et ce traité, comme les précédents, peut s’analyser comme un abus de pouvoir : nos élus, tout élus qu’ils sont, n’ont pas reçu le mandat d’abdiquer notre souveraineté. C’est au peuple, directement, de contrôler que les conditions de ce transfert, (à mon avis souhaitable pour construire une Europe forte et pacifiée), sont acceptables."
Pour information, un lien vers ce texte épatant d'un économiste, Frédéric Lordon,invité hier sur France Culture dans Les matins, par ailleurs auteur d'un petit livre non moins épatant paru dans la collection Raison d'agir, "Et la vertu sauvera le monde... Après la débâcle financière, le salut par l'"éthique" ? "
http://econon.free.fr/Lordon.html
Bonjour, Berlol.
2005-05-10 17:53:04 de Frédérique Clémençon

Bonjour, Frédérique !
Eh oui, l'éthique, y'a qu'ça d'vrai !
Euh... si tu permets, je vais me coucher, il est une heure du matin, déjà !... Bise.
2005-05-10 18:08:52 de Berlol

Comme quoi la pensée de Bourdieu devient bien l' outil de combat dont il rêvait ...
2005-05-10 23:05:48 de arte

eh non, je ne me souviens pas du 1er 45 tours des Stones
mes premiers souvenirs liés à cette grande bascule des années 60 c'est la rentrée de septembre 65, j'étais en 4ème (tiens, c'est aussi l'année que mon prof de français m'avait offert aux Prix de fin d'année "le Rouge et le Noir"), c'était la 1ère fois que les 2 collèges fill et garçon étaient rassemblés dans un collège mixte, changement évidemment d'importance plus que considérable
l'année aussi que les magazines - dont Paris Match - sont passés en couleur, qu'on a donc découvert la couleur des pantalons des Beatles et donc le 1er 45 tours que je me souvienne avoir manipulé c'est Paint It Black, même si à la radio on avait déjà Satisfaction et tout ça dans les oreilles, je n'aurais un 1er électrophone, portable à haut parleur dans le couvercle, que pour le brevet en juin 67 c'est comme ça (avec The Equals et Sergeant Peppers comme 1ers 33 tours)
et tant pis si c'est trop long pour ton forum, faut pas me brancher sur ce genre d'allusion
2005-05-11 06:09:48 de FBon

Pierre Sansot est mort :(( :(( :((
2005-05-11 09:21:22 de arte

Eh oui, on n'annonce pas que des bonnes choses, le 10 mai.
Lire dans Le Monde du jour :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-648032,0.html
2005-05-11 10:26:53 de Berlol

C'est bien triste. On peut le (re)ecouter et le voir ici (Universite de tous les savoirs) :
http://www.canal-u.education.fr/canalu/affiche_programme.php?programme_id=363&vHtml=0
2005-05-11 15:55:06 de jfm



Mercredi 11 mai 2005. Pierre Sansot et l'élasticité que je veux d'elles.

J'attends
l'ordre des choses à dire
ne sont que de ma caboche
qui combien combine
tous matériaux

« Sur un mode encore approximatif, la conversation se reconnaîtrait à un certain ton libéré, dégagé, inspiré qui n'exclut pas la rigueur. Elle n'aurait d'autres motifs que le plaisir d'échanger des impressions, des idées qui ont leur importance, mais ne constituent pas la première finalité, sachant qu'entre la fantaisie et le souci de ne pas dire n'importe quoi, entre un certain détachement et le désir de s'impliquer, de ne pas demeurer à la surface des pensées convenues, une tension persiste et il n'est pas exclu de perdre pied d'une part ou de l'autre de la crête. Que de dangers ! L'éloquence mais aussi le bredouillement, l'inarticulation, l'austérité de qui veut convaincre, mais aussi la futilité du bavardage, un verbe impersonnel, mais aussi la préoccupation de l'intime, de ce qui ne saurait se dire, la menacent.
La conversation, comme l'œuvre d'art, n'est asservie qu'à elle-même, qu'au plaisir de l'exercer. Dès qu'elle s'enrôle au service d'une autre fin, elle perd sa pureté et j'hésite à la reconnaître comme telle.»
(Pierre Sansot, Le Goût de la conversation, Desclée de Brouwer, 2003, p. 79-80.)

Ce matin, mes étudiantes de troisième année ont joué sur l'estrade de la classe les conversations qu'elles avaient préparées par groupes de quatre lors des trois précédentes séances. Pour chaque groupe, un thème et des consignes claires : tout personnage doit avoir au moins dix répliques d'au moins cinq mots. Étonnées le mois dernier de telles règles du jeu, elles avaient commencé du bout des lèvres à prendre langue pour créer situations et personnages. Passant entre les groupes dans le but de régler les niveaux de langue plus qu'à la recherche de la perfection syntaxique, j'ai senti naître leur confiance en le jeu et en elles-mêmes. Elles ne savent pas encore toutes les situations et contraintes que je vais leur imposer toutes les quatre semaines, elles ne savent pas l'élasticité que je veux d'elles pour qu'en fin d'année elles aient acquis de l'aise française dans la conversation. Tout ce qu'elles savent, c'est que la semaine prochaine nous formerons des groupes de trois pour créer des disputes avec deux opposantes et une médiatrice.
En les quittant, je ne savais pas encore que Pierre Sansot ne me donnerait plus à sa façon de leçon dans l'art de converser, mais je suis sûr que loin des futiles et des cuistres, des indifférents et des colériques, des hystériques et des illuminés, se trouvent encore des milliers d'individus capables de le continuer.


Jeudi 12 mai 2005. Seaux assourdissants.

À 7h du matin, la météo annonçait entre 10 et 20 % de possibilité de pluie sur Nagoya. À midi, il pleuvait finement, par intermittence. Vers 15h, le ciel était comme en novembre, humide et gris. À 17h45, quand C., David et moi sommes allés nous chercher des boissons à la cafétéria, grosses gouttes, éclair et tonnerre ne laissaient plus de doute et à peine étions-nous à l'abri qu'une formidable averse a commencé. Des seaux assourdissants !
Vingt minutes de ravage des cultures — des fringues et des chaussures de ceux hagards qu'on voyait courir — puis le grand calme. Et tout de suite derrière, le soleil couchant...

Tout cela pour dire que les affiches que j'ai collées hier pour la conférence de Jean-Philippe Toussaint la semaine prochaine vont être dans un sale état ! J'irai voir demain matin. Au moins, s'il n'y a personne pour l'écouter, on saura pourquoi !

J'ai perdu un temps fou (genre une heure et demi) à lire des blogs. Avec l'actualisation automatique par fil RSS, à quoi je m'habitue depuis moins d'un mois que j'ai installé Mozilla Thunderbird, je remarque une tendance à vouloir consommer du blog. L'incrémentation du nombre d'articles non lus m'est comme un reproche : il faudrait compulsivement, comme si c'était des courriels, les aller lire. Ou au moins faire semblant, en sélectionnant les articles un par un pour que le chiffre baisse...et les lire plus tard, à tête reposée, sans la pression.
Je vais réagir... Je ne sais pas encore comment mais je vais réagir.
D'ailleurs, je m'aperçois que même en restant dans le seul domaine littéraire français, la quantité de ce qui est disponible chaque jour nécessiterait un emploi à plein temps. Principalement pour éliminer tout ce qui n'est pas intéressant. Des tas de chroniques de livres ou de petites informations événementielles... C'est le risque de la parole libérée. Que sa quantité noie les quelques îlots de qualité — qui peuvent ne pas être les mêmes pour chacun. Finalement, plutôt que d'avoir recours à un moteur qui ne ramène que de grandes quantités, il vaut mieux se déplacer par affinité. Chacun doit aller à la pêche en faisant d'abord confiance à ceux qui lui conviennent déjà. Ainsi, je ne découvre de nouveaux blogs que par les recommandations de ceux que je fréquente régulièrement (voir ma colonne de gauche).
Au fond, vouloir lire tous les blogs littéraires français tels qu'ils sortent dans un index ou un moteur de recherche, c'est un peu se comporter comme l'Autodidacte de La Nausée de Sartre.

Une bonne nouvelle : Bikun a accepté de préparer mon portable Panasonic pour qu'il soit au top à Cerisy. En Windows japonais, j'ai eu des problèmes pour le connecter en France, avec et sans câble (et puis le japonais intégral, ça ne m'est guère utile...). Je lui ai mis un Windows français, juste pour voir, mais il faut récupérer tous les drivers de base... Des choses que je ne sais pas vraiment faire. Et puis optimiser. C'est quand même bien d'héberger un copain informaticien. Par exemple, s'il était journaliste ou cuisinier, ça serait moins intéressant parce que je sais déjà écrire et me faire à manger.


Aller, au boulot Bikun !!!
Quand même, il faut que tu mérites ton hébergement !
2005-05-13 04:26:38 de Manu

la prochaine fois que tu m'héberges, je peux jouer au ping pong à ta place si tu veux
2005-05-13 07:37:25 de FBon

Ça va être la fête, quand vous serez là tous en même temps !
2005-05-13 07:39:13 de Berlol

euhhh "keske" je bosse moi!!! Comme on va changer le router
j'aurais ça de plus à m'occuper! Et y'a encore "l'ot" PC de Berlol dont le cdrom ne fonctionne pas! pfffff
Manu tu veux pas venir me donner un coup de main!!
Sans parler de mon boulot à moi...
Heureusement j'ai pris "pension complète"!!!! Hi Hi Hi Hi!!
2005-05-13 08:25:24 de http:// de Bikun

Et Heidegger dans tout ça ?
2005-05-13 08:32:03 de arte

C'est qui ?...
2005-05-13 12:39:55 de Berlol

Tu connais pas Albert Heidegger ?????
2005-05-13 12:49:56 de arte

A.H. ! Oui, bien sûr, où avais-je la tête...
2005-05-13 12:55:14 de Berlol

À propos du temps passé à lire des blogs et de l'addiction aux blogs, lire cet intéressant "blog" (!) qui vous déculpabilisera sûrement!
http://ginisty.typepad.com/weblog/2005/05/un_caf_et_laddi.html
2005-05-13 12:57:44 de Christian

Merci Christian, c'est excellent, en effet ! En plus, j'ai appris à quoi pouvait bien servir la touche F5...
2005-05-13 13:38:48 de Berlol

Le ketchup me monte aux oreilles... je vais choquer, je sens que je vais choquer, car j'ai lu. Et je trouve le procédé à la hauteur du CV du Monsieur : Marketing quand tu nous tiens : Ratisser large, elargir la CIBLE, feindre l'IDENTITE ("je suis comme vous..."), jouer sur la double détente : Culpabilisation / Absolution ... Et le tour est joué.
Mais ça va pas non? T'es fou? Il n'a rien à vendre? Pourquoi il ferait ça? Ben pour obtenir un coéficient de sympathie supérieur à la moyenne, il n'y a pas de petit narcissisme. D'ailleurs vous avez aimé, non? Ben si le monsieur connait si bien les NTIC, Le Computer Market, Le Business Knowledge Management, L'indice Différentiel Image/Positionnement, pourrait-il indiquer à un pauvre internaute qui se br.. (pardon) fout des statistiques comme de son premier MERCATOR , et tout autant des RSS, de relire ses dernieres notes, des commentaires et du reste, MAIS qui possède un MAC, à quoi correspond sur son clavier la touche F5, pour le cas où ça calmerait, puisqu'il semble que ce soit magique.
Voila un monde où on ne dit pas "Nous sommes N° 8", mais "Nous sommes dans les huits premiers" :
Je suis dans Le Top Eight kôiiii !
Sinon, Berlol, ça va toi? Est-ce qu'il y a des érables du japon au japon? (C'est une question sérieuse, presque de vie ou de mort... ).
2005-05-13 17:12:47 de arte

La touche F5, cher ami, sert à rafraîchir l'écran (notamment pour voir s'il y a de nouveaux commentaires).
Sinon, laisse-moi te dire que j'ai beaucoup d'amis MAC qui ont déjà touché un PC sans en mourir (et réciproquement d'ailleurs).
Enfin, pour en venir au gros morceau : oui, il y a des érables du Japon au Japon. Il y en a même partout. Mais point de sirop. C'est comme les cerisiers : tout pour les fleurs, rien pour les fruits. Faut souffrir pour être et se tête...
2005-05-14 00:51:45 de Berlol

ah tiens oui, sur le Firefox de mon Mac, la touche F5 actualise page Net en cours, ça alors, pour de l'érable
2005-05-14 06:46:50 de FBon



Vendredi 13 mai 2005. L'observation des poids et des courroies.

« Le  temps, comme il passe, nous laisse connaître cette qualité que le Maître nommait élasticité. Aujourd'hui, à quarante ans passés, et fort éloigné du théâtre, je retrouve les paroles qui furent dites, je revois les visages, les mines, je ressens les émois d'alors avec une justesse improbable à pareille distance. Et la main ne tremble pas au moment de les transcrire. Car rien ne s'efface vraiment de ce que nous avons vécu. Il suffit de se pencher à peine sur la couleur ou la substance des jours anciens pour les voir apparaître derechef tel que nous les avons traversés. Peu de jours, et lointains, pourtant il me sont plus proches que les milliers qui m'en séparent et ne m'ont en rien affecté.» (Laurent Flieder, Le Machiniste, p. 237)

Ainsi commence le chapitre XIII, en accord avec le chiffre du jour, celui auquel je m'arrête dans ma lecture sur petit vélo. Le centre de sport est très calme et l'observation des poids et des courroies qui vont et viennent sous la traction ou la poussée des culturistes amateurs s'accorde bien à une réflexion sur les systèmes comparés de Newton et de Leibniz concernant la gravitation ou la conservation de l'énergie...

Avant que j'aie à quitter ces lumineux problèmes philosophiques pour revenir à ceux de Sartre, plus ontologiques et tirant sur le glauque, je déjeune avec David et Bikun au Downey, puis je vais à Osu avec ce dernier après avoir soldé la préparation des cours de la semaine prochaine au bureau. Qui dit Osu, dit... informatique ! Nous avons longtemps tergiversé, Bikun et moi, sur la nécessité de rapporter le routeur acheté il y a quelques jours : il avait bien marché quelques temps, nous connectant tous deux avec et sans câble, puis s'était mis à couper sans prévenir et sans raison valable, au point qu'il fallait le débrancher et le rebrancher pour obtenir de nouveau le réseau.
Mon informaticien-maison avait passé quelques heures à varier des paramètres, s'informer d'autres avanies de propriétaires du même modèle, identifiant au passage dans notre immeuble pas moins de quatre autres réseaux sans fil, probablement causes d'interférences non gérées par notre routeur — dont trois sans protection ! Il a d'ailleurs réussi à s'y connecter pour voir le commentaire que Manu lui avait adressé en commentaire du JLR d'hier et y laisser à son tour sa trace...
Donc à Osu, avons rapporté le routeur (peut-être) défectueux, expliqué vaguement notre problème, suffisamment pour convaincre le vendeur de le rembourser pour que nous en achetions un autre, presque deux fois plus cher mais qui, selon Bikun, devrait fonctionner... À l'heure qu'il est, je ne sais pas encore si c'est le cas. Parti pour Tokyo, j'ai laissé Bikun à Nagoya avec sa charge de travail. Et le fait que je n'aie aucune nouvelle de lui m'inquiète un peu...

Soirée dense : détente avec un film marrant à la télé (Evolution, du genre qui ne vous prend pas la tête avec une réelle menace du monde attaqué par des extra-terrestres), dégustation du dîner concocté par T. avec amour et les produits du Pal System, puis reconcentration jusqu'au sommeil sur les pages 83-92 de La Nausée.

Pal System, qu'est-ce que c'est ?
C'est une sorte de coopérative de livraison à domicile, principalement pour des produits alimentaires. Je n'en connais pas l'histoire mais je sais que c'est un système d'abord destiné aux personnes à mobilité réduite (personnes âgées, malades à domicile, familles nombreuses ou avec enfant en bas âge, etc.). Nous avons pu le connaître par conseil d'employés municipaux, je crois, quand s'est posée la question de l'approvisionnement du père de T. et de ses gardes-malade. Avec nos emplois du temps, nous étions dans l'incapacité de faire régulièrement les courses. Cela s'est révélé très efficace, peu couteux, avec des produits d'une excellente qualité, au point que T. et moi avons décidé de nous y mettre aussi. Ainsi le livreur de Pal System vient une ou deux fois par semaine et dépose nos commandes séparées au deuxième et au quatrième étage, chez le père de T. et chez nous. J'y reviendrai...


On devrait peut-être essayer nous aussi !
On fait souvent nos courses en ligne chez Aeon; c'est pas mal non plus.
2005-05-14 11:11:28 de Manu

Pour te rassurer Berlol, mon absence de commentaires est surtout dû au manque de temps causé par la présence de la divine N.! Elle m'occupe, je m'occupe d'elle, on s'occupe:-)
Le router est installé et (semble) fonctionne bien pour le moment pourtant, comme tu le précises il y a une prolifération de réseaux sans fil dans les environs, jusqu'à 6 parfois!
J'ai eu un peu de mal à le configurer car il est plus compliqué que le précédent. Mais la connection semble bien stable (pour le moment). Il me reste cependant quelques paramètres à mettre en place car certains services ne fonctionnent pas (streaming entre autre). Mais il ne s'agit que de cases à cocher...
Au fait, ce router accepte certains périphériques USB comme par exemple les caméras USB! On va pouvoir mettre une web cam en place dans l'appart!!!
Ai visité le chateau de Nagoya aujourd'hui, très beau. Avec pas mal d'explications en anglais. Dommage que c'est une reconstruction, l'original ayant été rasé par les américains. Qu'est-ce qu'ils avaient à raser des monuments d'une telle valeur?! Cible militaire...?
Bon bref...
2005-05-14 15:53:57 de Bikun

Raser et reconstruire, ça fait doublement marcher l'industrie...
Et merci pour l'instal'.
Bon dimanche !
2005-05-14 16:32:37 de Berlol



Samedi 14 mai 2005. Les fils qui se touchent.

« Rien n'a changé et pourtant tout existe d'une autre façon. Je ne peux pas décrire ; c'est comme la Nausée et pourtant c'est juste le contraire : enfin une aventure m'arrive et quand je m'interroge, je vois qu'il m'arrive que je suis moi et que je suis ici ; c'est moi qui fends la nuit, je suis heureux comme un héros de roman.» (Jean-Paul Sartre, La Nausée, folio 805, p. 84)

Accumulant paradoxe, antinomie et sophisme, Roquentin n'y va pas de main morte. Au terme de sa promenade dominicale (Cf. samedi dernier), il devient un phare qui s'éclaire de l'intérieur et qui projette sa lumière sur le monde. À l'inverse de l'Unanimisme où l'agrégation des hommes fait advenir une conscience collective, un être-groupe censé produire une force sociale, Roquentin sublime sa solitude et la transmue en conscience omnisciente des autres : il peut voir (il croit pouvoir voir) ce que font tous les gens à un même moment — à l'instar d'un romancier balzacien ! D'un côté, il se dit heureux comme un héros de roman et de l'autre, il acquiert une conscience de romancier. Sans doute Sartre ne s'est-il pas rendu-compte qu'il faisait ainsi se chevaucher la ligne de diégèse qui sépare le monde réel du monde fictionnel (du roman) et la ligne de conscience du personnage qui sépare la réalité romanesque (du personnage) de sa sensation d'être un être de fiction... Roquentin a donc les fils qui se touchent et il se lance sur la corde raide de l'onto-journal, capable de se mettre à l'épreuve de l'indicible, de varier styles et points de vue, ou de démonter le lundi ce qu'il a écrit le dimanche. C'est ce qui fait à mes yeux l'intérêt historique et littéraire de La Nausée, en moins de place et avec moins de virtuosité qu'il en avait fallu à Gide dans Les Faux-monnayeurs (1925) — la virtuosité étant ici conçue comme un défaut...

Déjeuner au Saint-Martin avec T., Katsunori et Jephro. Toujours aussi bon, ce poulet-frites ! Jephro a apporté le dernier Technikart. J'y reconnais au sommaire une photo de Mehdi Belhaj Kacem dont je n'ai pas eu de nouvelles depuis quatre ou cinq ans, mais je n'ai pas le loisir de lire l'article. C'est seulement ce soir que je prends la mesure... Mehdi blanchi ! Bah, encore un truc parigo-mondain.

Raffarin a perdu sa vésicule biliaire. Dommage, c'est là qu'étaient les sous pour la recherche !

Vidéo-conférence d'Antonio Negri à l'Institut. Salle comble. Propos déjà entendus — intéressants mais déjà entendus, en ce qui me concerne...

Perle de blog (1), de Mariemeia's blog, quelqu'un qui vient d'arriver pour enseigner à l'école de langue Nova de Ginza :
« [...] eux aussi ont subi le fameux entretien a Paris avec Mister S, le boss de Nova France, et apparemment personne ne sait sur quels criteres il embauche les gens (a part bien sur que les personnes qui ont un diplome de FLE ou qui ont deja ete profs ne sont quasiment jamais choisis O_o) ».


Bonjour,
L'école de langues Nova, à défaut de faire couler beaucoup d'encre, fait crépiter les claviers. Beaucoup, dans les forums de france-japon.net, se posent des questions sur les conditions de travail et d'enseignement dans cet établissement. Et tu as repris dans ton blog il y a quelques semaines ce que je t'avais écrit à ce sujet. Nous avions aussi remarqué ce témoignage intéressant (et courageux car combien de temps pourra-t-elle garder l'anonymat?) de Marimeia dans son blog.
Bon, à part ça, j'ai commencé un blog il y a une dizaine de jours. Quelques témoignages et infos supplémentaires sur le Japon...
Je recommande le message sur les poupées "kimekomi" qui mène à des sites de poupées magnifiques!
2005-05-15 01:35:17 de Christian

Oublié l'adresse du blog:
http://france-japon.net/blog/
2005-05-15 01:36:04 de Christian

Bonsoir,
Je reproduis ici, les premières lignes de l'article de mon blog d'aujourd'hui car il est consacré à, devinez qui! Berlol!
En effet, il vient de rendre une petite visite à mon petit journal réticulaire...
"Merci, Cher Berlol, de cette visite fort sympathique et de ce commentaire sur le premier article (Syvie Guillem) de ce blog qui nous ramène en effet quelques mois en arrière, plus d'un an, même!"...
Pour lire la suite, cliquez sur "Christian".
2005-05-15 15:50:59 de Christian



Dimanche 15 mai 2005. Quelque part entre l'ergonomie et mon temps de cerveau disponible.

Sacré dimanche !
Le Sir Reith Oubnaitch qui écrivait en mai 2004 qu'il devrait avoir son blog perso au lieu de polluer le mien est enfin passé à l'acte. Il peut tout de même continuer ici à nous dire deux ou trois choses qu'il sait du Japon, ou autre !

Merci à François Bon de m'avoir signalé qu'à propos de Mehdi Belhaj Kacem dont je n'avais plus de nouvelles depuis quelques années, éh bien ça va chauffer par Chloé Delaume... Ça serait bien de voir une querelle qui s'articulerait sur de vrais problèmes éthiques et philosophiques. Pour l'instant, elle lui reproche de faire du révisionnisme biographique dans lequel elle serait impliquée, ce qui ne peut pas nous intéresser follement. J'ai laissé flotter un fil RSS et j'attends que le bouchon s'enfonce...

Premier anniversaire du citronnier sur notre balcon. Il y a un an et quelques jours, aussi, j'allais avec T. rencontrer son père dans sa maison de Yokohama. Quel chemin parcouru depuis ! Sa chute dans le jardin, son errance presque mortelle avant d'être retrouvé, son long séjour à l'hôpital, à Yokohama puis à Tokyo, son installation dans l'appartement du quatrième, juste au-dessus de chez nous, la vente de sa maison pour lui constituer un capital, et tout cela dans un contexte de lutte permanente entre T. et ses sœurs.
Cette nuit, vers 2h du matin, T. a été réveillée par l'appel de la garde-malade. Elle a dû monter pour surveiller une poussée de fièvre de son père. Depuis quelques jours, il mange moins. Il ne pèse plus que 38 kilos. Elle y est restée une heure ou deux, puis y est retournée très tôt ce matin, avec une infirmière. Il résiste bien, a l'esprit clair et bonne humeur. Il s'en sortira. Je laisse maintenant T. dormir jusqu'à 15h. Après on ira faire des courses...

Prêt à aider, j'attends en comparant les fonctions d'enregistrement automatique et de consultation des fils RSS entre les Mozilla Firefox et Thunderbird. Dans Firefox, on peut mettre les fils RSS en favoris (pour l'instant, j'en ai 32), automatiquement actualisés, plus pratique encore à consulter en grande série si l'on ouvre séparément le gestionnaire de marque-pages. En revanche, Thunderbird m'affiche le nombre de messages non lus, ce qui est très pratique, mais ne visualise pas correctement toutes les mises en page. Je crois que je penche pour la consultation sur Firefox, d'autant que je dois pouvoir exporter la liste des favoris vers mes autres ordinateurs. On est là quelque part entre l'ergonomie et mon temps de cerveau disponible, je ne sais pas si vous voyez où....

Comme on me l'a demandé, j'essaie de faire le point sur les conférences de Jean-Philippe Toussaint au Japon ce printemps. Arrivé à Tokyo hier, en théorie (je n'ai pas eu de nouvelles de lui), il ira demain lundi à Osaka et donnera une conférence au Centre franco-japonais d'Osaka. Puis jeudi 19 à l'Université Nanzan de Nagoya ; vendredi à l'Alliance de Nagoya, avant de revenir à Tokyo. Il sera sous réserve notre invité au GRAAL le 23 mai avant de donner un séminaire à l'Université de Tokyo, campus de Komaba (« Simenon selon Toussaint », le 25 mai et « La Salle de bain, 20 ans après », le 1er juin). Il finira par une conférence, également à l'Université de Tokyo, le 2 juin. Pour l'instant, on n'en sait pas plus (c'est déjà pas mal !...).
Dans le même temps, Jacques Roubaud donnera au moins trois conférences : à l'Université Gakushuin de Tokyo (sur le sonnet le jeudi 19 mai, 17h, salle 570 du bâtiment des langues), à l'Université Waseda (Autobiographie chapitre dix : un poète français face à l'héritage surréaliste, le vendredi 27 mai, 17h30, bâtiment 39), puis à l'Institut franco-japonais du Kansai de Kyoto (Un chapitre inédit de l'œuvre en prose : Tokyo Haibun, mardi 24 mai, 19h.).
De son côté, Pierre Guyotat, sera le mardi 24 mai, à 18h30, à la salle Plan B, métro Nakano (Tokyo), pour une performance lecture-danse avec Tanaka Min (danseur de Butoh), extraits lus de Prostitution. Puis le mercredi 25 mai, à 18h30, à l'Université Aoyama Gakuin, Grande Salle au 12e étage du bâtiment Souken, pour une rencontre Langage, corps, politique avec Satoshi Ukai, Kuniichi Uno, Michaël Ferrier et François Bizet. Enfin le jeudi 26 mai, à 19h, à l'Institut franco-japonais de Tokyo pour danse sur musique gidayu, lecture d'extraits de Tombeau pour 500.000 soldats et de Progénitures et entretien avec François Bizet.
Enfin Luc Fraisse (université de Strasbourg) est invité au Congrès de la Société japonaise de Langue et Littérature françaises qui se tient les 28 et 29 mai à l'Université Rikkyo (Tokyo, Ikebukuro), pour une conférence sur Proust, le samedi 28 mai, 14h30-15h30, bâtiment 5, 1er étage, salle 5122. Il sera la veille, le 27 mai, à la Maison franco-japonaise, salle 601, 16h30-18h30, pour parler de la correspondance de Proust, puis le 30 à l'université municipale de Tokyo, le 31 à l'Université de Nagoya (Proust et Versailles) et le 2 juin à l'université de Kyoto.
Ouf !... Et il y a sans doute des tas de choses que je ne sais pas !
Assembler les infos comme ça, mine de rien, ça prend beaucoup plus de temps que les billets habituels... Je ne ferai pas ça tous les jours !

PS : très bien, le Tout arrive Heidegger du 9 !


Je n'en peux plus. Chaque jour, je veille, car j'ignore ce qu'est un RSS, et à l'apparition du nouvel article, je clique sur TOUS les liens ...
Quand les sites sont en japonais, je fais traduire par Yahoo en Anglais, ce dont je me contente vue la bouillie que donnerit une nouvelle traduction en Français du résultat Anglais...
Je n'en peux plus, moi qui voudrais être agréable, concocter un joli poème pour toi, et T. la belle inconnue, car il me faut envisager de trouver de nouveaux amis, depuis cette étrange affaire de Référendum sur le "Traité établissant une constitution pour l'Europe" , lequel traité j'ai lu et relu, regrettant qu'il ne fut lui aussi hypertexte pour ses multiples renvois. Or, m'étant décidé à "L'établissement d'une perspective d'envoyage de faire foutre franc et massif au dit Traité" , cela me fit perdre nombre de liens chers ! D'où recherche effrenee de nouveaux amis... mais là, il me faut être honnête, si tu veux ton poème, va falloir ralentir, Berlol ... j'en peux plus !
2005-05-15 19:43:23 de arte

Pourquoi les universités perdent-elles tout à coup leur majuscule ?
2005-05-16 14:20:13 de Manu

Parce qu'elles n'auraient jamais dû en prendre, sauf lorsqu'il s'agit du nom propre du bâtiment. Sinon, ce sera une erreur de mon copiste que je m'en vais fouetter sur l'heure... (je pourrais le fouetter sur le champ mais il préfère sur l'heure...)
2005-05-16 15:09:01 de Berlol



Lundi 16 mai 2005. Ne plus y retoucher de mon vivant.

Dentiste en matinée. Fixation du noyau de la couronne. Pas douloureux, du travail tout en minutie. La semaine prochaine, le dentiste ajoutera la porcelaine et après ça, on ne devrait plus y retoucher de mon vivant. T., qui m'accompagnait les trois premières fois pour vérifier que le dentiste arrivait bien à communiquer avec moi, passe aussi sur le fauteuil pour des soins qui touchent à une racine de molaire. Elle geint un peu, quand même...
Mon noyau étant en or, je me promène maintenant avec une pépite dans la bouche !

Par exemple dans le quartier Aoyama-Itchome, dans des ruelles où il fait beau et chaud (contrepèterie pour débutants), avec ici un temple ultra-moderne bordé de grands bambous tenus dans différentes inclinaisons par des câbles. Une belle œuvre qui ne doit pas rassurer les riverains par grand vent. Puis quelques courses au supermarché Kinokuniya (magasin de produits alimentaires et non librairie) : crème de marrons Favols, mangues du Mexique, olives à la grecque, que des truc pas courants. Retour à la maison pour déjeuner.

J'essaie de finaliser le calendrier pour le colloque de Cerisy. Hier, Michel et moi avons reçu une bonne nouvelle : la participation et le soutien de Florilettres, site de la Fondation la Poste !
La face intime de Cerisy, c'est qu'il est probable que jusqu'au dernier moment, la présence de T. à Cerisy restera dépendante de l'état de santé de son père. Néanmoins, nous sommes convenus que je ferai comme si elle venait, et ce jusqu'au dernier moment possible (le moment de payer les billets d'avion, en fait).

Visite de courtoisie à Corinne qui dirige le Bureau des Copyrights français, sis à Hongo, près de l'université de Tokyo. D'abord parce que je m'entends merveilleusement avec elle depuis plus de dix ans, ensuite parce qu'elle m'informe des traductions d'œuvres littéraires françaises en cours, en discussion, en prévision, des échecs éditoriaux, quelques potins, enfin pour discuter des visites d'écrivains ces jours-ci et l'inviter à dîner avec nous lundi prochain. Dans le bureau, tout le monde a bien rigolé avec mon T-shirt 毎日が地獄です

J'arrive en retard au GRAAL. Dernière séance sur le Pedigree de Modiano. Je viens d'apprendre de Corinne que Rue des Boutiques obscures va bientôt sortir en japonais. Je me demandais bien pourquoi ? Non pas pourquoi dans l'absolu car, sur le principe, que l'on traduise Modiano ne m'étonne pas (encore que je me demande bien comment le japonais peut rendre les modianesques jeux subjectifs sur la temporalité, mais ça, c'est le problème du traducteur...), mais pourquoi maintenant, plus de 25 ans après sa parution. Éh bien parce que des éditeurs ont vu un juteux rapport entre ce roman de Modiano et une série télévisée coréenne qui a actuellement un succès fou au Japon, Sonate d'hiver ! Bon, là, je suis largué... Je n'ai pas bien compris quel rapport...


Pom Pom Qui Dure !
( Air connu )

Un garçon pure beauté
Hélas dès son jeune âge
Fort peu pourvu car mal né
Fut jugé par des sages

On l’avait pris au marché
Qui dérobait une pomme
Et l’enfant fut condamné
À une peine énorme

On choisit un arbrisseau
Plus petit que le garçon
Afin dirent les bourreaux
Que dure la pendaison

Que puisse son supplice
Servir de saine leçon
Sur la belle justice
Réservée aux vagabonds

Corde nouée à la graine
Le pendu fit sa maison
Du chêne que renouvelle
L’innocence des saisons

Nul cri ni nulle plainte
L’enfant subit sa peine
Jamais montrant sa crainte
De la pousse du chêne

D’abord louant les sages
Justiciers sans faiblesses
Bientôt tout le village
Fut empreint de tristesse

On vit la nuit des ombres
Munies de pleins paniers
Portant dans la pénombre
Du pain au condamné

On dit qu’à la pleine lune
Les filles du plus jeune âge
Montaient jusqu’à la dune
Offrir leurs hommages

Blanches jambes étreintes
À l’écorce de son tronc
L’arbre buvait leurs plaintes
Par la bouche du garçon

Les femmes ont accouché
De magnifiques marmots
Aux beaux traits de supplicié
Aux fines mains de rameaux

Et le chêne enfanta
Des fruits durs comme des seins
Nourrissant le beau paria
Aux saisons de grandes faims

Les bonnes gens eurent pitié
– Et les méchants des remords –
Pour le stoïque condamné
À si monstrueuse mort

Les juges avec noblesse
Prononcèrent l’amnistie
Sous réserve – quelle adresse !
Que le voleur se repentît

« Une pomme pour la faim
Voilà bien maigre délit
Est-ce un si grand larcin
Qu’il faille qu’on m’humilie ? »

Le supplicié résista
À l’adoration des femmes
Jamais il ne concéda
Rien aux juges infâmes

À qui vantait le confort
Il disait sans colère
« Doux est le lit où je dors
Ma demeure est la terre »

Aux flibustiers de tout poil
Il répondait sincèrement
« Mes voyages les étoiles
Mon chemin le firmament »

Maintes fois du bûcheron
Il obtint le repli
Pour la survie du tronc
Qui le nourrit de ses fruits

Vint la peste industrie
Avalant sans relâche
Les braves gens du pays
Pour ses sinistres tâches

Ne restèrent que les vieux
Ou quelques simples d’esprit
Et la mort fit de son mieux
N’épargnant que le bandit

Solitaire aux vents d’hiver
Quand approche l’an nouveau
Ses bras s’offrent en prière
À la niche des oiseaux

Son torse est de bois dur
Griffé des veines du temps
De l’arbre il a l’allure
Du beau sage qui attend …

( Qu’on lui offrît une pomme ? )
2005-05-16 22:44:01 de http://

Ah ben je me suis fait grillé pour le poème ... :d
2005-05-16 22:47:24 de arte

Bizarrement, j'ai d'abord lu "T., ..., pose assise sur le fauteuil..."...
2005-05-17 09:53:05 de Manu



Mardi 17 mai 2005. Les Toussaint après la Pentecôte.

Dans le shinkansen puis dans le métro de Nagoya, fin du Machiniste de Laurent Flieder et reprise de Louis Capet, suite et fin de Jean-Luc Benoziglio, rapidement lu durant l'hiver. Le premier se déroulait dans la première moitié du XVIIe siècle, le second commence à la fin de ce même siècle. Pourtant, bien que chacun se justifie parfaitement, les tons et les écritures des deux auteurs n'ont rien à voir.

« Qu'importe celui qui a réussi s'il est mort avant d'avoir produit le spectacle de sa réussite. Elle est aussitôt escamotée au profit de ses qualités ordinaires et on lui rend grâce, au fond, d'être mort sans avoir transformé l'ordre des choses.» (Laurent Flieder, Le Machiniste, p. 311-312)

« Pour ma part, peu enclin à imaginer que des hommes de science, et parmi eux les plus notables du monde, pussent recourir à de tels forfaits pour résoudre leurs différends, je n'aurais pas été surpris en revanche qu'on découvrit sous cette affaire la main de certains bourgeois de la ville. Ils s'y entendent pour louer fort cher une main-d'œuvre indignement rémunérée, qu'ils remercient sans façon au premier signe de fatigue ou de maladie. Inquiets à l'idée qu'on remplace la force humaine par celle des machines, indifférents depuis toujours au sort des ouvriers, ils tirent profit d'un négoce fondé sur la peine des hommes. Ce sont les véritables héritiers des conquérants qui pillaient jadis les ressources des peuples vaincus et confortaient leur opulence par les travaux forcés de prisonniers réduits en esclavage.» (Idem, p. 331-332)

Quoique l'on pense ici très fort à de l'anachronisme idéologique, il n'est pas impossible que des hommes aient pu penser de la sorte en ce temps-là. Le cas échéant, il n'y aurait pas eu tant, avec la révolution industrielle, un changement de paradigme qu'un simple changement d'échelle.
Aujourd'hui que nous sommes en haut, comme toujours de l'échelle en formation, constatez — regardez vers le bas si vous n'avez pas le vertige historique ! — comme on nous détruit les barreaux d'en-dessous...

« — Oh, Capet, merde : la lourde ! s'écria alors Jaccoud.
Puis il se retourna vers les autres et abattit sa dame de pique atout, coupant ainsi, et raflant d'un revers de main, le roi, la dame et le valet de cœur qui gisaient déjà à découvert sur le tapis de feutre.»
(Jean-Luc Benoziglio, Louis Capet, suite et fin, Éd. du Seuil, coll. Fiction & Cie., p. 10)

Plus radicalement moderne, évidemment, d'un point de vue textuel... Comme passer d'une pièce de clavecin de Haendel à une gymnopédie de Satie — où le nouveau n'invalide pas l'ancien.

Pas de nouvelles de Jean-Philippe Toussaint, sauf hier, par Corinne. L'affluence à Roissy lui aurait fait rater l'avion et arriver douze heures plus tard que prévu (quelle idée aussi, de partir un vendredi 13) — jusqu'à l'arrivée au bureau où je trouve un petit courriel de lui, écrit en vitesse ce matin, m'avertissant pour ce soir...
Après mes deux cours et une séance très tonique de ping-pong où David et Bikun viennent aussi narguer nos collègues japonais (il paraît que l'on parle de nous dans un blog d'étudiant, je lance mes limiers...), nous nous préparons, ce dernier et moi, pour aller, avec deux autres collègues japonais, dîner en ville avec les Toussaint.
En taxi jusqu'au centre de Nagoya, Sakae, où se trouve leur hôtel. Promenade dans les rues où voisinnent les clubs chics, les gargotes, les massages spéciaux, moult trafiquants et hommes de main gominés et maintes poupées laquées, tout cela très illuminé et cohabitant dans le plus grand calme que n'interrompt qu'un klaxon de temps en temps, quand un taxi met trop longtemps à décharger par exemple. Déjà la conversation roule et freine le choix nutritif. Finalement, excellent restaurant, sorte d'izakaya ultra-moderne où nous passons plus de deux heures à bavarder littérature, université et voyages en tortorant des poissons crus, des salades, du poulet grillé, des noix de saint-jacques, jusqu'à débattre vivement de la constitution européenne, les Toussaint défendant une position fermement engagée tandis que j'exprime ma morne colère sur le mal fondé de cette consultation et de ses fondements... Limite, plombage de soirée. Ça me rappelle ces deux dessins d'assemblée dînatoire du temps de l'Affaire Dreyfus... Achevons nos bières avant d'en arriver là (sommes trop amis pour cela, d'ailleurs) et sortons tout joyeux de retrouver la féérie sakaette. Enjoués comme nous le sommes, n'hésitons pas à un tour de roue, nouvelle roue chevillée dans nouvel immeuble de boutiques et restaurants, malgré le vertige du romancier qui se concentre sur son appareil-photo dont les batteries sont vides. Promenade jusqu'à la nouvelle gare routière déjà mentionnée l'an dernier. Retour par l'avant-dernier métro après avoir ramené les Toussaint à leur hôtel. Du grand art (sauf que je n'avais pas pris mon appareil-photo, moi).


bonjour à Madeleine de ma part, OK ?
lors de soirée à F Culture il y a 2 semaines pour F Aubenas, avais dû partir pour dernier train ai même pas pu saluer JPh, avais sacrément aimé son texte
et dis leur z'y que serai les 22/23 juin à Bruxelles Halles Shaerbeek j'essaierai trouver librairie M
ça sert à ça un blog, faire les petites commissions ? merci Berlol!
2005-05-17 22:41:40 de FBon

Rien a voir avec le blog du jour. Quasiment deux mois de retard, mais j'ai trouve ca ce matin, a mettre en annexe a ta visite du Salon du livre.
http://www.liberation.fr/page.php?Article=295824
2005-05-18 04:07:27 de jfm

Ben, et ma pomme ???
2005-05-18 10:27:27 de arte



Mercredi 18 mai 2005. Alimenté de glace au sésame...

Ça commence tranquillement par les cours du matin. Puis très traditionnellement, à la cantine avec David, alors que la pluie semble vouloir commencer à tomber.  Passé ce moment, j'entre dans l'inconnu le plus absolu. N'étant jamais allé à une exposition universelle, je me laisse guider par Bikun, qui y va déjà presque tous les jours depuis deux mois. Métro, changement à Motoyama, plein-Est jusqu'à Fujigaoka, changement pour prendre le train Linimo qui nous amène à la porte Ouest de l'Expo.
Une quinzaine de minutes d'un bon pas sous la pluie, bien équipés tous les deux, entrée de la presse, passage par le Media Center puis sur la plate-forme vers le pavillon belge où nous avons rendez-vous avec Madeleine et Jean-Philippe Toussaint. Impressionnante vidéo touristique et culturelle par survol de panoramas belges sur écran 270°. Prenons bières et cafés au restaurant en devisant avec le sympathique commissaire du pavillon, Alfons Boesmans.
Après ce bon départ, par sauts de puce sous la pluie et alimenté de glace au sésame (pour ma part) et de takoyakis (brûlants, pour les autres), nous allons d'instinct vers les endroits où nous voyons le moins de queue possible, prêts à entrer à la française (par derrière), mais rien à faire, le staff est toujours intraitable.
Visitons les pavillons du Portugal (mouais...), de la Pologne (superbe reconstitution de mine de sel, accortes hôtesses), de la Russie (étalage prétentieux de résultats scientifiques, affichage de propreté de l'énergie atomique — un comble, tout de même), de la Lituanie (belle utilisation de l'espace interne avec hélice d'ADN géante recevant des images vidéos), de l'Ukraine (aucun souvenir), de la Grande-Bretagne (le plus beau pavillon vu aujourd'hui, des présentations scientifiques participatives), de la Grèce (histoire et olives), de la Tchéquie (amusants xylophones de différentes matières).

(à suivre... faut dormir...)



juste un trognon alors...
2005-05-18 21:09:59 de arte



Jeudi 19 mai 2005. Fin de relâchement.

Oui, là, je reconnais, depuis trois jours, c'est un peu n'importe quoi, mon journal ! Le dîner d'avant-hier + l'Expo hier + la conférence d'aujourd'hui, tout ça avec les cours normaux et par en-dessous des préoccupations tues, j'ai vraiment eu très peu de temps à moi. Et quand je me suis retrouvé devant l'écran pour écrire quelque chose, mes yeux se sont fermés sans relâche ni espoir, d'où les abandons de JLR. Je vais me reprendre. Non pour un quelconque lectorat, mais toujours pour l'édification de mon œuvre de mémoire — dont le bien fondé me paraît mieux établi que jamais, surtout quand il m'arrive d'aller fouiller dans les pages de 2004 ou de 2003 pour y retrouver trace de quelque chose ou de quelqu'un.

Ma pelle est prête. Demain, je finis (de combler) l'écart.

Après un séminaire sur le cinéma où je décortique un passage de L'Auberge espagnole (avant tout pour fournir du vocabulaire que les étudiants devront réutiliser : scène, plan, séquence, champ contrechamp, voix off, etc.), je vais chercher Jean-Philippe Toussaint qui doit arriver à l'entrée de la fac en taxi.
Son intervention tient du génial sauvetage de soufflé raté. Alors que tout l'audio-visuel avait été mis en place, la connexion du Mac portable au vidéo-projecteur s'est avérée impossible : il nous manque LE câble qui va bien, et même David ne l'a pas. Devant l'éventualité du fiasco technique, la solution miracle est née dans un cerveau, je ne sais pas lequel (pas le mien, parce que j'étais retourné dans mon bureau chercher mon I-River) : utiliser une mémoire USB pour transférer les documents nécessaires dans un ordinateur connectable, laisser à Toussaint son Mac et demander à Berlol de cliquer sur l'ordinateur connecté pour montrer les photos...


Sauf que Toussaint n'avait pas déplacé toutes les photos dont il avait besoin. Il a donc baladé son Mac pour montrer l'intérieur de la chambre d'hôtel d'où il avait pris l'extérieur shinjukuesque...


Poursuivant une série de représentations de bureaux, il en montrait un dessiné dans les années 80, avec machine à écrire traditionnelle, tout en photographiant la configuration du jour...


À la nuit tombée, il faut bien quitter les dernières étudiantes, avec des sourires qui en disent long. Car tout le reste serait littérature...

Sauf qu'à la fin du dîner en petit comité (qui fut très agréable après une telle réussite, pensez donc, 70 participants, une excellente ambiance, une dizaine de questions !...), à la fin, donc, mon collègue R., interprète de Toussaint ce soir et que je connaissais déjà il y a plus de dix ans quand j'étais à Waseda, m'a annoncé la mort du professeur Hiraoka. Ce dernier était à l'origine même de ma venue au Japon car, traducteur de Claude Simon et de quelques autres du Nouveau Roman, il avait soutenu ma candidature à Waseda et m'avait le premier rencontré, à Saint-Germain-des-Prés, en juillet ou en août 1991, pour s'assurer de mes compétences, de mon caractère. Sa gentillesse souriante contrastait avec la sèche enflure des universitaires vaniteux. Il était à la retraite depuis trois ans, je ne l'avais revu qu'une fois, je crois, depuis. La joie du dîner continue, mais après, seul, je le revois.


Si la pelle est prête je t'offrirais la pioche!
2005-05-19 17:06:00 de http://

bon, juste un pépin, un tout petit pepin :(
2005-05-19 19:07:26 de arte

Non, pasque même avec un pépin, tu vas nous en faire un arbre et une forêt...
2005-05-20 07:35:48 de Berlol

«Tout le reste serait littérature...» Tu te défiles, Berlol !
Moi, ca m'a donné envie de réécouter de que Deleuze dit des intellectuels en voyage, dans l'Abécédaire... et pourquoi il n'acceptait jamais les invitations, refusait les colloques, etc. Cela dit, ca n'a pas fait de mal aux etudiants qui n'avaient jamais vu ni entendu parler un ecrivain, ni jamais communier avec cette (atmos)sphere, de rentrer chez eux avec une dédicace sur la page de garde d'un livre qu'ils garderont peut-être toute leur vie.
A quand la prochaine ?
2005-05-20 15:40:08 de jfm

Pardon, cher JFM, j'ai pris la mauvaise habitude de poster avant de finir, puis de compléter, ce qui éventuellement change la tonalité du jour et décale certaines réactions ou met en porte-à-faux le ton de certains commentaires. Je viens d'ajouter le dernier paragraphe après toi. Mais moi, ça ne me dérange pas du tout. D'autant que ta réaction est très juste sur ses deux versants, celui du refus (ou de la réticence) deleuzien(ne) et celui de ce qui restera pour nos étudiants.
2005-05-20 15:52:45 de Berlol



Vendredi 20 mai 2005. La chose était irréversible.

Midi, rien, personne.
Ne suis pas allé au sport. Enregistrant des émissions de radio, dont l'excellent Tire ta langue in memoriam à Josette Rey-Debove de mardi, je complète le JLR du même jour (synchrophilie).

22 heures.
Décidément...
Merci, mes quatre amis qui m'avez déjà laissé de beaux commentaires pour les deux lignes ci-dessus ; j'y reviendrai, je vous le promets.
Vers 19 heures, le père de T. s'est éteint, dans une grande tranquillité, sans souffrance, entouré de ses deux filles chéries.
Il n'y avait rien à faire. La chose était irréversible. L'acharnement thérapeutique en hôpital n'eût fait que retarder cela dans un grand dérangement du corps, de l'esprit peut-être, mais inutilement, sauf pour les bien-portants quand ils veulent se cacher leur mortalité. Car derrière chaque mort, il y a notre mort, à laquelle on ne peut pas ne pas penser. Il faut réfréner cela, car il y a des choses à faire, à ne pas faire, par décence, pour le mourant. Et sans penser à soi.

Je n'écris pas cela pour être plaint, que l'on s'apitoie, m'envoie des condoléances. La famille et les proches savent ce qu'ils ont à faire. Mais pour dire combien ces événements peuvent être simples. Quelques pleurs, des mouchoirs n'empêchent pas la dignité des sœurs ni leur efficacité. Pour les aider et faire ma part de la tâche, pendant qu'elles téléphonent ici et là pour diverses étapes administratives, je vais à la mairie principale de Shinjuku pour retirer des formulaires de décès à remplir par le médecin. La mairie se trouve en plein milieu de Kabukicho, le quartier le plus animé, le plus chaud, comme on dit. Je n'aurais pas voulu que T. ait à venir ici ce soir. Dans le calme et la tristesse où elle se trouve, la violence des lumières, des bruits et des déplacements de Kabukicho l'aurait heurtée et mise mal à l'aise, voire en danger. Alors que je m'apprête à descendre l'escalier de nuit d'un petit bureau de la mairie ouvert le soir pour y retirer les formulaires, un homme m'interpelle dans la rue pour me proposer un peep-show. Il est dans son rôle. Il ne sait pas d'où je viens, où je vais, pourquoi je suis là. Mais je ne suis pas choqué. Au contraire, je suis émerveillé par cette vie sauvage, à la fois très artificielle et très impulsive de Kabukicho. À l'hystérie réglementaire, sécuritaire et administrative qui régit nos vies de plus en plus, s'oppose encore cette débauche d'énergie, ces expressions de nos instincts animaux. Sauf que, je le sais bien, des personnes sont employées ici contre leur gré, leur vie et leur sécurité dépendent d'individus louches et dangereux qu'il vaudrait mieux mettre en prison si cela se pouvait.
Ces pensées m'accompagnent tandis que je reviens vers chez nous. Je reste en famille, près du défunt que l'on habille, il faut un tissu long pour lui tenir la machoire, il faut aussi que nous mangions un peu, des téléphones sonnent, ça parle vite et bas, un employé du temple, si j'ai bien compris, vient disposer des objets rituels autour du lit, une table basse, une bougie, de l'encens, une sorte de bol qui est une cloche, à faire sonner une fois par heure en se recueillant. Après quelque temps, quand je ne suis plus utile, je redescends chez nous et ici, seul, j'écris ceci.


Salut l'ami Berlol : un petit message "d'intermédiaires" aujourd'hui : d'abord, peux-tu transmettre mon bonjour aux Toussaint ?? Ensuite, des encouragements en espérant qu'ils te remettent d'aplomb pour la suite du JLR et surtout cette histoire qui, je l'espère, t'insufflera de nouvelles énergies !!
Une amie "bauchalienne" et qui enseigne par ailleurs dans le secondaire dans le sud de la France m'a fait parvenir (entre autres) le message suivant ce matin même... Alors je me suis dit qu'il fallait faire suivre au premier intéressé : toi !!
"j'ai eu l'agréable surprise de constater que mes élèves avaient de saines lectures "internautiques" (je l'aime bien celui-là): lors d'une recherche sur la poésie du XXe siècle dite engagée (vive le programme scolaire quelque peu réducteur...) un de mes 3e s'est intéressé à un texte de Jean-Pierre Simeon (Fraternité) lu sur le blog de Berlol dans une réponse d'une certaine Marie.Pool! Vive le net et ses multiples rencontres virtuelles! il est maintenant affiché au fond de ma classe, avec d'autres mots lancés sur "le mur de paroles" par mes élèves et moi-même (on s'amuse comme on peut!)"
Voilà de quoi remettre les batteries en hausse, non ??
2005-05-20 10:21:32 de Au fil de l'O.

Dommage...
D’un pépin j’aurais fait, pour toi et T., une forêt d’ombre.
Elle s’éclairerait d’une allée de charmes mêlant quatre par quatre leurs branches en voûtes croisées, ouvrant un passage dans le désordre sylvestre. Chaque ogive semblerait naître à mesure de votre avancée. Cette construction spontanée ôterait tout effet de perspective, tel un chemin qu’un jardinier aurait sculpté sur l’instant, au moment même de votre apparition, un jardinier heureux, protégé d’un grand roi, grand par cette seule inspiration de l’aimer sans imposer aucune ordonnance.
Dans votre marche aérienne, la sensation du sol absent ferait dérouler le chemin comme un ruisseau de verdure au point de ne plus distinguer si votre avance est réelle ou si la charmille vient à vous dans son incessante reconstruction. Un sentiment d’arrêt du temps émergerait de cette perpétuelle renaissance.
Et, vous retournant, vous seriez saisi d’émerveillement. Un sentiment d’infini naîtrait de la courbe des voûtes multipliant les horizons comme autant de ciels révélés. Le chemin parcouru se déploierait en une hélice parfaite, abyssale. L’endroit du monde inverserait l’ordre des choses : le temps figé offrirait à l’espace une ampleur absolue contenant le passé en une seule vision vertigineuse, et au bout de l’allée merveilleuse se tiendrait un jeune homme contemplant une mer de cuivre. Il parlerait le premier :
— Elle est retrouvée
— Quoi ?
— l’Eternité…
Mais bref, sans Pépin, je ne peux rien faire !!!
2005-05-20 12:43:13 de arte

Salut Berlol le patricien
Je suis actuellement sur une connection téléphonique normale et ne peux donc pas bien suivre mes sites favoris. D'où mon absence (en dehors du fait que je suis sur-pris par les concours, bien sûr...)
J'ai passé l'entretien à l'Inalco lundi dernier, mais ai été classé 3e. On ne peut rien faire contre les candidats internes je pense. Mais bon, ils sont sur place, ils travaillent déjà pour l'institution... après tout c'est peut-être normal qu'ils soient recrutés (surtout que ce n'était pas un mauvais celui qui a été pris, loin de là).
Aujourd'hui, entretien au CNRS. J'ai trouvé que le jury était plutôt bien disposé, et que j'ai fait une prestation assez homogène et de bonne qualité. Mais bon, on ne peut pas savoir ce que pensent les gens, et il faudra attendre début juin pour avoir l'avis final du CNRS.
Sinon, ça va vous tous ?
Comme va ton beau-père ?
A très bientôt.
2005-05-20 14:20:45 de Arnaud

Pour l'amie bauchalienne d'O fil de l'eau, ce lien sur la Suisse :
http://www.rsr.ch/view.asp?Domid=202&clickedDate=05/16/2005
deux heures d'entretien avec HB.
2005-05-20 15:25:32 de jfm

Sincères condoléances.
Ton beau-père vit. Dans vos coeurs et ton blog...
2005-05-20 17:59:42 de Christian

Pour T., sa sœur et vous
Merci et la mort s'étonne
Merci la mort n'insiste pas
Merci, c'est le jour qui s'en va
Merci simplement à un homme
S'il tient en échec le glas .
De René Char
2005-05-20 18:36:40 de grapheus tis

avec vous - rappelle moi au souvenir de T. -
2005-05-20 23:19:35 de FBon

avec Toi et T, tu t'en doutes bien...
Jc
2005-05-20 23:37:02 de jcb

Cher Patrick,
Veuillez accepter mes profondes condoleances et les transmettre a T. Je comprends bien la situation. La mere de mon ami est morte il y a deux semaines et j'ai participe pleinement aux pompes funebres bouddhistes. C'est plus dure et triste a des moments que nos rites en Occident - on eprouve tout. Avec mes condoleances a vous deux,
Bill
2005-05-21 02:41:36 de bill

Cher Berlol, toutes mes sinceres condoleances. Et meme si l'on ne se connait pas en chair et en os... la mort survient toujours comme si intimement tous les hommes n'en faisaient qu'un... "chaque fois unique la fin du monde". Mort qui appartient toujours plus ou moins a l'alexie, donc je n'en dirai pas plus. Simplement, le souvenir emouvant de ce visage de vieux japonais... comme on en voit ici (et ailleurs), avec une dignite et une grace particulieres, comme s'ils se riaient secretement du futur, une conscience ensoleillee dans le regard. Ces visages secoues par le temps respirent l'humilite face a la vie, impassibles dans le naufrage de leur existence. Souvenir de la fin du film d'Ozu, "Voyage a Tokyo", lorsque le vieil homme, le jour des funerailles de sa femme, contemple le paysage et murmure : "Le lever du jour etait magnifique. Il va encore faire chaud aujourd'hui."
2005-05-21 07:25:33 de vinteix

Des pensées douces vers vous.
2005-05-21 09:59:43 de Frédérique Clémençon

Merci à toutes et tous, vos mots gentils nous accompagnent.
Frédérique, un des tes admirateurs a laissé un commentaire hier au JLR du... 1er février ! (http://www.u-blog.net/berlol/2005/02/01)
2005-05-21 10:39:16 de Berlol

J'étais sur le point de te laisser un message à propos de la mort de Hiraoka sensei, quand je me suis décidé à lire d'abord la page d'aujourd'hui...
D'après ce que j'ai lu sur ton blog et pour en avoir aussi parfois parlé avec toi, je crois pouvoir dire que vous pouvez être fiers du soutien que vous lui avez apporté jusqu'au dernier moment malgré tous les obstacles qui se sont dressés sur votre chemin. Je crois qu'il a vécu une bien belle dernière année grâce à vous et ce doit être un bien beau souvenir qui l’accompagne maintenant là où il est.
2005-05-21 16:11:48 de Manu

... C'est la mer allée avec le soleil !
Amicalement.
2005-05-21 16:19:04 de arte

Cher Berlol et chère T.,
Ma femme m'avait averti il y a quelques jours par email que la situation de votre père s'était dégradée.
Ayant pu le rencontrer plusieurs fois, la nouvelle de son décès me touche.
Prenez soin de vous.
2005-05-21 17:28:33 de Arnaud

Cher Berlol, chère T. Mes pensées se joignent à celles de nos autres compagnons internautes. Recueilli et silencieux, avec vous, en ce moment plus que d'habitude encore !
2005-05-21 22:45:16 de Au fil de l'O.

Il est vingt-trois heures... R. et moi sommes de retour d'Albanie depuis presque une heure. Lyon est calme et pluvieuse, tout le contraire de Tirana où nous étions encore à midi en plein soleil ...
Je reprends le chemin des sites favoris et... j'apprends cette nouvelle, qui me trouble... j'ai rêvé la nuit dernière qu'un homme était mort (je ne le connaissais pas).
Dans l'avion encore plus curieusement, j'ai lu sans y être préparée, une nouvelle de Ylljet Alickqa, dans" les slogans de pierre". Elle parle d'un fils qui s'occupe des obsèques de son père , il relate les impressions qu'il ressent au contact de ceux qui en orchestrent les rites. (Le contexte est celui de la didacture qui rend dans ce livre les événements encore plus tragiques via le sentiment de l'absurde ). Les égards à la mémoire de ceux qui viennent de quitter la vie et de nous quitter nécessitent des actes concrets et symboliques . Prendre ce précieux temps de la compassion et de la solidarité dans le deuil subi est indispensable.
Je vous souhaite de le vivre dans unrapprochement familial et affectif des plus chaleureux et avec l'idée de témoigner de" qui était cet homme ? " qui compte tant pour vous.
Avec tristesse et amitié.
Marie.P.
2005-05-21 23:31:38 de Marie.Pool

Oui, Manu, je pensais aussi la même chose.
2005-05-24 14:28:20 de Christian



Samedi 21 mai 2005. Nous modelons chaque jour à dessein.

On considère souvent l'expérience du galet et celle de la racine de marronnier comme les centres névralgiques de La Nausée. À mon avis, c'est bien plutôt l'abandon de la recherche historique sur Rollebon (pâle copie de Talleyrand) qui est au cœur du roman (et d'ailleurs au milieu du livre). Roquentin avoue travailler sur Rollebon depuis dix ans et donne dès le début du roman les preuves d'un dangereux transfert dont il n'a pas pleinement conscience : le chercheur croit être omnipotent au point de redonner vie à son objet d'étude alors que c'est l'objet d'étude qui motive l'existence du chercheur naïf (et globuleux) ; ce faisant, il se cache à lui-même la vacuité de son existence. Ça devrait interroger bien des chercheurs — à moins de décréter, doigts dans le nez, que La Nausée n'est pas un bon livre ou n'est pas un livre intéressant (il est de bon ton de lui préférer L'Étranger de Camus, par exemple).
Quand Roquentin s'aperçoit que la vérité historique qu'il traque n'est plus qu'illusion, elle aussi (« M. de Rollebon dut se laisser prendre à cette manœuvre [...] », p. 138, le « dut » indique bien la supposition par défaut de certitude et de document), l'amour qu'il avait pour Rollebon se décristallise, comme dirait Stendhal, et ne laisse qu'un grand trou, le vide dans la vie. Il envisage d'en faire un roman, mise en abyme transcendantale de ce que fait Sartre de 1932 à 1937 pour donner La Nausée. Roquentin essaie de ne pas bouger, comme si son camouflage de chercheur pouvait encore le tromper à ses propres yeux (p. 142), mais il ne coupe pas au déferlement de la conscience d'exister.
J'aimerais bien que toutes les grenouilles enflées de leurs fonctions, de leurs titres, de leurs privilèges et de leur fric se décaparaçonnent comme cela — et voient le nu de leur humanité grenue. Mais bon, faut pas rêver, ça arrive à un type comme Roquentin, à quelques personnes comme vous et moi, peut-être, mais pas aux bourgeois de Bouville, et jamais à un Raffarin, un Sarkozy ou qui sais-je dans ce genre !
Je n'ai pas dit tout ça comme ça à l'Institut franco-japonais ce matin, mais bien d'autres choses en restant plus près du texte et sans bafouiller comme il y a deux semaines. Bien que l'on sût les décès de la veille et de l'avant-veille — et pas encore celui de Paul Ricœur — terrible 20 mai !

Mais il y a toujours un lendemain.
T. et sa sœur, transformées en standardistes pour les invitations aux cérémonies de demain et d'après-demain, m'envoyant faire des photocopies pour distribution. Etc.
Et je sais qu'il y aura des gens pour juger inappropriée ou indécente la narration d'hier soir. Si sobre que je l'aie voulue, il y aura toujours des prudes — des coincés du bulbe, dirait quelqu'un de ma connaissance — pour trouver que c'est encore de l'exhibition(nisme). Tant pis. Mais je crois qu'ils feraient bien, ceux-là aussi, de s'interroger sur leur rapport à la mort.
Comme le note François Bon dans sa lettre hebdomadaire, on voit ici aussi évoluer cette parole électronique que nous modelons chaque jour à dessein.

Lautréamont, hôte permanent de Michel Pierssens et d'Hubert de Phalèse, à l'honneur dans Le Monde, nous apprend Poézibao... Les temps changent.


Merci au modérateur de Litor pour l'URL des Bibliothqèues européennes. Elles se désignent merveilleusement et de montaignienne manière "Librairies".
Hélas aussi pour l'annonce de la mort de Paul Ricœur. Parfois, il vaut peut-être mieux apprendre l'atroce sur des blogues de "compagnons"
2005-05-22 10:43:43 de grapheus tis



Dimanche 22 mai 2005. Écrire n'est donc pas sans effet.

Pas de place pour le ping-pong, ni pour la lecture, hélas. Et peut-être même pas pour finir ce journal, ce soir...
En plus, beaucoup de messages Litor à faire passer, on dirait que des membres de la liste se sont avisés qu'elle n'était pas destinée à mon usage personnel. Ce qui est pourtant ouvertement affiché depuis cinq ans et demi, maintenant.

Préparatifs pour cérémonie d'adieux au père de T.
Ça a lieu au temple Zenkoji, dans le quartier d'Aoyama, près de l'avenue Omote-Sando. Il pleut. Pas fort mais quand même. Le temple est flanqué d'un bâtiment de deux étages, ultra-moderne par son enveloppe de verre mais respectant tous les codes traditionnels à l'intérieur. Le cercueil est noyé sous les fleurs. La photo qui a été choisie pour un portrait grand format se trouve être la première que j'ai faite de lui en mai 2004, prise juste avant celle que j'avais publiée à la demande de T. le 3 novembre dernier.
Il serait rébarbatif de décrire le rituel de la cérémonie de la veille du mort (o-tsuya, お通夜). Seulement dire que la famille reste avec le prêtre, face au cercueil du défunt, qui chantonne et fait tinter des cloches qui sont des bols pendant que des connaissances invitées viennent faire une prière, brûler symboliquement de l'encens et s'incliner à distance devant le défunt et les membres de la famille. Je ne m'y attendais pas : j'ai été profondément saisi par le recueillement et la tristesse qui se lisaient sur les visages de ces personnes qui, pour la plupart n'ont jamais connu le père de T., et pour certaines seulement par la bouche de T. ou par mon journal. Écrire n'est donc pas sans effet. À celles qui repasseront par ici, sincèrement, merci.


En doutais-tu ? Bien sûr qu'écrire n'est pas sans effet. Sinon nous ne serions pas là. Un journal, un blog quotidien où la mort serait tue ou cachée, où les gens dont on parle n'ont pas corps et ne meurent pas, où l'on ne mange pas, où les saisons n'existent pas, les rues, les usines, le travail, le quotidien, où l'on aurait pas de coups de blues, de doute, de "passage à vide", de remise en cause, de découragement, d'excitations lumineuses, de moments forts, d'idées folles, d'espoirs, de déceptions...seraient pour moi sans grand intérêt. Il s'avère de plus en plus que le virtuel n'empêche pas les vraies rencontres, les vraies émotions et le contraire aurait été décevant. La manière dont tu as parlé de la mort du père de T. est non seulement juste et retenue mais est un hommage à la vie et montre à quel point, bien sûr, chaque mort nous ramène à la notre et que finalement toute mort est aussi la notre. Il faut avoir confiance en soi et les autres aussi. Quand après quelques doutes, j'avais décidé de parler de la mort d'HenriD et de faire sur mon journal une sorte de veille, je n'ai reçu que des réactions "positives", ce qui bien sûr m'avait touché et rassuré sur cette humanité qui nous fait si souvent douter par ailleurs...
j'entends ce soir à Nogent le Rotrou les cloches dont tu parles
et qui rendent hommage au noble vieillard que tu permets de voir, grâce, et le mot prend toute sa justesse et donc sa force ici, le LIEN que tu nous offre.
Bien à tous.
2005-05-23 00:28:08 de jcb

L. et moi étions avec Toi et T. par la pensée, à "O-Tsuya". Bien sûr, nous n'avons jamais rencontré le père de T. ailleurs que sur ton blog mais nous vous aimons assez pour avoir eu envie de partager votre peine.
(Tu sais pourquoi nous ne nous sommes pas déplacés... physiquement mais seulement téléportés)
Quant à la liste de Litor, il est possible qu'elle prenne un nouvel essor avec le développement du parc informatique et surtout de la "prise de conscience informatique".
2005-05-23 01:36:16 de Christian

PS: Je viens de m'apercevoir que le lien vers LITOR que tu donnes dans le texte de ton blog d'aujourd'hui n'apparaît pas dans ta liste sur la gauche...
Merci d'avoir ajouté mon blog!
2005-05-23 01:40:20 de Christian

Après quelques jours sans lire ton blog (pour cause de déménagement...), j'apprends ce matin cette triste nouvelle. Sachez tous deux que je suis de tout coeur avec vous.
Didier
2005-05-24 01:41:03 de Patapon



Lundi 23 mai 2005. Boule versée.

Lever à sept heures pour préparatifs de cérémonie. Beau soleil (tournera vinaigre dans l'après-midi). On retourne au temple Zenkoji pour des psalmodies d'accompagnement du père de T. dans l'autre monde, ou un autre monde, ou pas de monde du tout, allez savoir... Puis le déplacement au crématorium, la crémation proprement dite, suivie du transfert des restes dans une urne, le fameux rite de prendre les os avec des baguettes et finalement rapporter l'urne dans l'appartement qu'il occupait au-dessus de chez nous.

Aller au GRAAL après cela peut paraître étrange mais il était prévu de longue date que nous y invitions Jean-Philippe Toussaint. Ce qui fut fait, dans une ambiance très amicale qui n'empêche pas le sérieux des questions et des réponses.
Je reprendrai cela demain. Avec des extraits sonores... Et l'explication du titre...

Le lendemain.
Je ne peux pas défaire la matière textuelle d'hier. Parfois je le fais, mais cette fois je ne vois pas comment. Ajouter me paraît préférable.
Les psalmodies auxquelles j'ai assisté sans y rien comprendre, je savais tout de même qu'elles servaient à accompagner le défunt dans l'autre monde. Passeur et barque à la façon d'ici. Les bols-cloches ont un son mélodieux et long en oreille. Pour accompagner la voix souvent monotone et lente. Cependant parfois deux morceaux d'un bois très dur sont frappés l'un contre l'autre répétitivement. Son sec qui coupe le temps, qui sert à séparer les mondes. Celui des vivants et celui des morts. Mais l'ensemble des cérémonies n'est-il pas au fond plus utile aux vivants qu'aux morts ? Car ce sont bien eux, les vivants, qui ont besoin d'être accompagnés, plaints, guidés vers la compréhension puis l'acceptation de l'absence.
Après cela, un autre officiant lit à voix normale et avec un micro des télégrammes arrivés la veille et le matin même. Puis il indique qu'à la demande de T., quelques messages vont être lus en français. Je me lève et sors de ma poche une feuille A4 sur laquelle j'ai copié des extraits de courriels et de commentaires du journal des deux derniers jours. Il a fallu réduire pour que cela dure moins de deux minutes. Outre T. et moi, il n'y a aucun francophone dans la salle. Oui, je lis un message de ma sœur pour ma famille, et les commentaires de Frédérique Clémençon, de Manu et de Marie.Pool, celui qui finit par « Qui était cet homme ? ». C'est la circulation infinie de la sollicitude et de la dignité humaines. Ma voix me trahit, il n'y a que cela de compréhensible. Vous pourrez le dire : ce jour, les frontières littéréticulaires ont été repoussées un peu plus loin.
Puis très vite le cercueil est amené au milieu, ouvert, toutes les fleurs ont été coupées et leurs têtes disposées dans de grands paniers tendus à tout le monde pour que chacun en dispose par dizaines partout dans le cercueil, à recouvrir le corps.
Déplacement en Cadillac (pour lui, il aimait ça), en voiture normale (pour T., sa sœur aînée et moi) et en minibus (une douzaine d'autres personnes de la famille).
Le hall du crématorium accueille six couloirs d'accès aux fours. Du feu, on ne ressent que le bruit, sourd, dans les murs. Le cercueil blanc est hissé sur une rampe de lancement vers l'éternité. Puis la porte est fermée. Le corps n'en sait rien, il baigne dans les fleurs. Il part. On nous fait monter durant quarante minutes dans une salle, comme au restaurant, avec boissons et en-cas.
Quand nous redescendons, la porte du four est ouverte. Il ne reste que des morceaux d'os sur une grande plaque de fer. C'est ma première fois, je suis un peu choqué, bouleversé. Un employé rassemble les restes et commente. Je comprends, je n'en crois pas mes oreilles. Il dit que pour une personne de 92 ans, il avait des os très denses, très durs, que d'habitude il y en a deux fois moins. Il ne plaisante pas, il n'est pas grave non plus, il informe d'expérience.
T. m'explique que je vais devoir prendre de longues baguettes qu'on va me tendre, que je vais m'approcher avec quelqu'un d'autre, qu'à deux nous allons choisir un morceau d'os, le prendre ensemble et le déplacer dans l'urne en porcelaine blanche qui est à côté. T. fait cela avec sa sœur, moi avec sa nièce, puis d'autres font de même, deux par deux. Quand tout le monde y est passé, l'employé rassemble ce qui reste encore et le verse dans l'urne. Il a mis de côté quelques morceaux. Du même ton, il explique que cet os est la première vertèbre, qui tient la tête, que cet autre est la pomme d'Adam, l'os hyoïde, qu'enfin ceci est le sommet de la boîte crânienne. Il place les deux petits os au dessus et au milieu des autres puis, comme fermant délicatement le tout, le sommet du crâne au sommet.
Dernière surprise, T. me dit que c'est moi qui vais porter l'urne mise dans une boîte en bois pour rentrer à la maison. Sur mes genoux, dans le taxi, c'est encore tiède.


Cette page aux accents funéraires me fait penser aux jardins ou aux maisons japonais où l'on passe d'un endroit à l'autre avec des passerelles, des rites bien dessinés dans les gestes et les attitudes. Le cérémonial exclut la plainte , il l'inclut dans le mouvement de la vie tout autour qui reprend ses droits ou refusent de les céder au néant de la désespérance. Tout est bien pour la fin de ce vieil homme . La mort occidentale de Paul Ricoeur vient faire écho à cette manière d'aller plus loin, nul ne sait où, même les croyants ne peuvent se le représenter à coup sûr. Paul Ricoeur a voulu des obsèques strictement familiales,lui l'orphelin de mère & père. La vérité d'un homme le rejoint-elle à l'heure de sa mort ? Je crois que oui ! dans bien des cas si l'on y est attentif. Nous avons des passerelles et des cloisons à édifier Patrick,pour comprendre la dignité et l'émotion vive de toute finitude. Les mots ,ces bâtisseurs infatigables nous font des abris certains pour le recueillement et la réflexion. La mort nous rend incroyablement vivants et nous empêche de mourir à tort et à travers dans les gaspillages de "l'usage du monde". J'embrasse les mains de T. et de ses soeurs, pour qu'elles trouvent vite le courage de construire des passerelles de recours au non-chagrin éternel. Lui, est apaisé désormais...Ainsi, tout est bien !
2005-05-23 18:49:35 de Marie.Pool

Patrick,
Mes meilleures pensées vous accompagnent.
Bien à vous deux, de tout coeur,
Eric
2005-05-23 19:32:54 de Eric Hoppenot

Expérience bouleversante, je l'imagine rien qu'à la lecture de ton texte. J'en ai presque eu des frissons...
2005-05-25 08:42:59 de Manu

De retour, je prends connaissance de la cérémonie et vous imagine (vous entends ou vois) tous deux. Dans l'appréhension, d'un côté, du bon déroulement des événements, mais aussi, d'un autre côté, si attentifs et à l'écoute l'un de l'autre à travers ce qui se passe. Mes pensées vous suivent toujours !
2005-05-25 16:41:25 de Au fil de l'O.



Mardi 24 mai 2005. Changer de régime.

« [...] lorsque, à sa sortie de la prison où il avait si longtemps été tenu au secret, l'un des envoyés en mission apprit tout de go à Capet la disparition coup sur coup de Marie-Antoinette, du petit Louis, de sa sœur Mme Élisabeth, ainsi que les 2639 sentences de mort, à Paris seulement, prononcées par le Tribunal révolutionnaire (et que non, non : de La Pérouse et de son expédition on n'avait toujours aucune nouvelle), le roi vacilla et demanda à s'asseoir.
On lui répondit qu'assis, dans la diligence jusqu'à Genève, il aurait bien tout le temps de l'être.
Et fouette, cocher ! »
(Jean-Luc Benoziglio, Louis Capet, suite et fin, p. 64-65)

Il faut bien ça, dans le shinkansen, pour changer de régime.

Encore pas de ping-pong après les cours : repos, préparation pour la semaine, tour des blogs amis et rédaction complémentaire d'hier (mais pas encore eu le temps de m'occuper des enregistrements sonores). Puis dîner tranquille. Bikun revient d'un week-end à Tokyo, radicalement différent du mien : il était à un mariage, comme ami et photographe, puis il a aidé sa belle N. à boucler ses bagages pour... le Tadjikistan elle va en mission UNICEF.
Et vogue la galère.


Mercredi 25 mai 2005. Nuage encore dense.

Écoute de quelques émissions avec Paul Ricœur dans le beau dossier France Culture. Vue la qualité de son œuvre et ouïe la netteté de sa parole, il n'est pas près de mourir, celui-là !

Petite forme, moi. Les cours se passent plutôt bien, mais j'ai la tête ailleurs. Là-bas, avec T. qui se repose, fait doucement quelques tâches administratives, dans le nuage encore dense de la présence paternelle. Elle m'a envoyé une photo des superbes fleurs que David nous a envoyées. Je l'appelle pour le remercier, à l'étage au-dessous ; on va se manger une glace.

En fin d'après-midi, je consens à me remettre au travail. D'ailleurs, c'est souvent comme ça, le creux de l'après-midi, si je n'ai pas d'obligation, c'est très creux, vaseux même. Enfin là, ça y est, je me remets à Cerisy, plein de courriels à envoyer pour des micro-détails, Gaudí ponçant un coin de carrelage... Je pense à lui parce que je prépare aussi pour L'Auberge espagnole, demain.

En dînant, je regarde 5x2, le film d'Ozon qu'un collègue m'a prêté. Grosse déception. Cette histoire de couple, à l'endroit ou à l'envers, ça ne m'intéresse guère. Les acteurs sont excellents, le montage très bien, l'image itou, mais rien ne me touche. Je n'ai pas envie de les connaître. J'y vois tellement de clichés, de banalités même. J'ai l'impression qu'Ozon les cultive à dessein. On est très loin du tourbillon de Huit Femmes ou de la stupeur de Sous le sable.


Il y a du flottement, une irréalité des objets et des êtres tout autour. Le deuil nous habille de voiles invisibles, dans les tons gris et phosphorescents. On parle un peu pour redécouvrir la voix vivante, on ressasse la voix des morts, c'est celle qu'on perd le plus vite si on ne l'a pas enregistrée,la tournure des phrases, la qualité des silences... On a pas envie de cela tout de suite, on croit qu'on a tout en tête et c'est faux. Il nous reste le rêve mais il n'est pas fidèle, il a tout mélangé et il s'en porte bien.Il nous reste les larmes, çà on peut les garder quelques temps dans des endroits étanches et un peu secrets. Il nous reste les gestes, l'étreinte tendre de qui pleure encore ou soupire... Il nous reste les mots et leurs convois porteurs... On transporte et transpose le chagrin dans un pays à part, qui s'appelle "Souvenir". On ne sait le quel train choisir, l'express ou le long cours... On prend celui qui se présente, sans trop bien réfléchir... On prend le train de vie qu'on peut... On s'inquiète des passagers du wagon.Vont-ils comprendre ? Vont-ils se taire et nous laisser brasser du paysage mental ? Le deuil nous rend perspicaces. On sait à qui on a affaire. On sait qu'il faut s'asseoir un peu, seuls, la tête entre les mains... Le reste de nos actes n'est que la réponse nécessaire aux bruits aigus du Monde. Il faut s'en consoler...
2005-05-25 17:45:16 de Marie.Pool

Message codé à Juliette
Stop
Une deuxième Siffleuse née dans la blanche (la première s'ébat dans la bleue.)
Stop je répète
Deuxième Siffleuse née dans la blanche.
Stop.
Berlol, tu parles de Gaudi? le vrai, le seul? Celui de la sagrada? du pavillon, du palais, du parc et de la crypte Güell? du Dragon? de la Finca Miralles ?
2005-05-25 21:09:03 de arte

Tu connais un autre Gaudí ? Donc, oui, parce que ses courbes sont vivantes et chatoyantes, et puis il y avait résonance avec "familia", "sagrada" ou pas...
2005-05-27 01:50:31 de Berlol



Jeudi 26 mai 2005. Comment séduire les filles.

Je ne sais pas si c'est de ma faute, mais j'ai constaté chez plusieurs de mes amis blogueurs la présence des chers disparus. À moins que ce soit saisonnier...
Pendant ce temps, le marigot germanopratin tourne au putride. Vive les voyages !

Le jeudi au trois cours s'achève, ouf !
Au séminaire de cinéma, nous nous sommes intéressés à une vingtaine de minutes de L'Auberge espagnole, du moment où Isabelle (Cécile de France) raconte son expérience avec sa prof de flamenco au moment où Xavier (Romain Duris) raconte son aventure avec Anne-Sophie (Judith Godrèche). Les deux scènes ont des similitudes de construction qui me permettent de questionner les étudiantes : pourquoi ne pas avoir filmé directement les scènes d'amour dans la continuité temporelle ? Pourquoi avoir fait à chaque fois une ellipse suivie d'une narration avec des flash-back en insert ? La réponse n'est pas évidente mais on commence à la cerner après quelques questions sur la narration elle-même, à chaque fois entre Xavier et Isabelle... C'est que Klapisch se concentre prioritairement sur l'amitié entre les deux personnages. Leurs confidences renforcent cette amitié et ramènent dans l'appartement partagé les aventures qui ont eu lieu à l'extérieur et qui sont somme toute des occasions amoureuses banales (ou qui le seraient ou le deviendraient si elles étaient filmées normalement). Entre les deux il y a deux autres scènes pédagogiquement casse-gueule : celle de la promenade dans les rues de Barcelone, quand Xavier finit par dire à Anne-Sophie qu'elle est limite raciste (bonjour, le vocabulaire !), et celle où Isabelle explique à Xavier comment séduire les filles (bonjour, les gestes !).
Pourquoi pédagogiquement casse-gueule ? Parce qu'il faut dire ce qu'il y a à dire avec précision et de manière compréhensible, sans donner dans le prosélytisme, la morale à outrance, le harcèlement sexuel ou l'incitation à la débauche...


Et ça a marché?
2005-05-26 19:39:05 de arte

La question serait plutôt : "Pourquoi les chers disparus, se sont donné le mot pour s'absenter définitivement au mois de Mai ?" Ce doit être une saison qui est moins triste , à cause des fleurs, pas à cause de Berlol bien sûr...
De la mort à l'amour il y a de quoi retrouver des idées saisonnières. A l'Auberge Espagnole on ne fait que passer. On y étrenne les questions classiques de fin d'adolescence : Qui aimer ? Qui trahir(un peu) ? Quoi faire ? Comment le faire ? Comment larguer les modèles parentaux sans risque ? Comment vivre à plusieurs inconnu(e)s dans le même appartement ? Comment éviter le costume cravate de l'eurocitoyen et comment séduire l'autre sexe sans assumer à plein temps tous les aléas de la loyauté ? Ce que j'ai bien aimé dans ce film et en particulier dans la prestation de DURIS ( Je l'avais déjà beaucoup apprécié dans Gadjo Dilo de Tony Gatlif ), c'est la capacité de montrer à la fois l'alternance de l'enthousiasme et de l'ennui, tumultes propres à cette période de la vie. Les mimiques qui vont avec...
2005-05-26 22:26:31 de Marie.Pool

Le prestigieux Grand Prix du Mouton en Peluche ayant été descerné à Bartlebooth (Cel est déclarée hors concours pour excellence définitive) , j'ai décidé de créer un nouveau prix :
Le Prix du Serpent à Chaussette.
Et j'ai déjà une idée du(-u, e la) gagnant(e).
2005-05-27 00:13:12 de arte

Bien d'accord avec vous, Marie.Pool. D'ailleurs j'attends avec impatience de voir la suite, les "Poupées russes"...
2005-05-27 02:12:57 de Berlol



Vendredi 27 mai 2005. Travailler dans le décalage.

Enfin, retourner au centre de sport, tranquillement, en matinée... et transpirer en lisant les tribulations d'un Capet en Helvétie ! En fait, on ne s'amuse bien à lire Benoziglio que si l'on dispose d'un bon bagage historique. Pour moi qui ne suis pas incollable sur la chronologie détaillée de la Révolution française (c'est aussi une bonne occasion de m'y mettre), il arrive que je reconnaisse des formes d'ironie, desquelles j'induis que ça doit travailler dans le décalage (par rapport à quelque chose que je serais censé savoir pour pouvoir en rire pleinement). C'est un cas de connivence (paradoxalement) aristocratique puisqu'elle présuppose des connaissances dont seule une élite dispose. Mais ce n'est pas une attitude constante car, par ailleurs et souvent, Benoziglio se fait pédagogue en détaillant des faits réels avant de glisser dans l'uchronie.
Et beaucoup de choses que l'on comprend très bien, même si l'on aime la fondue...

« Au premier essai que fit Louis d'avaler un morceau de pain puant l'ail et dégoulinant de fromage brûlant,
il eut comme un hoquet,
s'immobilisa tout net,
déglutit plusieurs fois avec peine,
avala en grimaçant,
respira un grand coup
et reposa
lentement,
soigneusement,
posément,
sa fourchette le long de son assiette.»
(Jean-Luc Benoziglio, Louis Capet, suite et fin, p. 110)

En revanche, toujours excellents, ces hambourgeois du Downey où je déjeune avec David ! Puis il me voiture jusqu'à la banque, à Motoyama. J'y fais tamponner un document et renouveler un carnet d'écritures électroniques. Nous nous arrêtons dans un convenience store pour acheter des glaces, notre dessert, en fait. David me dit qu'il m'accompagne de bon cœur parce qu'il aime bien rendre service, je le sais, mais aussi parce que ces petites virées en voiture, même ne serait-ce qu'à deux kilomètres de l'université, et quand il fait beau, ça vous a toujours un petit air de vacances...

Dans le shinkansen, je dors. Rien d'autre possible. Et quand j'arrive à la maison, T. m'annonce qu'elle dîne avec sa sœur aînée. Elles ont déjà achevé une bonne partie des travaux administratifs relatifs aux obsèques et à la succession de leur père, faut continuer. Je me fais une salade de tomates au persil en regardant un film assez marrant à la télé, Miss Congeniality. Oui, je sais, pas de quoi être fier... Mais quelque peu requinqué, je me mets au commentaire de La Nausée, le dialogue sur l'humanisme entre Roquentin et l'Autodidacte (p. 161-170). Quand je me couche, je n'en ai fait qu'un tiers...


Samedi 28 mai 2005. Au second rang, comme un bon élève.

Lever à six heures pour finir l'explication de texte sur La Nausée. Le passage choisi, la conversation entre l'Autodidacte et Roquentin (p. 161-170 du folio 805), ne révèle pas chez Sartre un talent fou pour les dialogues (on le savait déjà). Mais bon, faut faire avec... Il oppose facilement la joie naïve de celui qui dit être humaniste au détachement blasé de celui qui dit ne pas être humaniste (et non pas anti-humaniste). La conversation se déroule à peu près comme une partie de go, chacun essayant de placer des pions verbaux pour englober, absorber l'autre. À la conversation centripète, certes idéale, faite de corrections mutuelles pour aller vers un accord, ou à la conversation platonique, avec l'asymétrie d'un enseignant et d'un apprenant, Sartre oppose le modèle de la conversation prédative où d'un mot l'autre est retourné comme une crêpe.
L'humanisme de l'Autodidacte aboutit à une adhésion à la S.F.I.O. dont on pourrait fêter le centenaire — de même qu'on pourrait fêter le centenaire de l'expression camp de concentration puisqu'elle semble être de 1905 aussi.
On notera (puisque certains des étudiants ont participé au trimestre consacré à La Route des Flandres) que l'expérience d'entassement d'êtres humains dans laquelle l'Autodidacte découvre la joie d'être ensemble et l'amour des hommes (Ô humour noir de Sartre !) n'a pas été vécue avec le même bonheur par Claude Simon...
Enfin n'oublions pas, en lisant ce roman, que les échecs de toutes ces expériences politiques du XXe siècle, basées sur des théories politiques du XIXe siècle, ne sont pas encore connus. Roquentin, comme l'Autodidacte, comme Sartre lui-même sont encore alors dans la cornue.

À l'université Rikkyo où se déroule cette année le Congrès de la Société de Langue et Littérature françaises, j'assiste à la fin de la réunion du groupe des études hugoliennes. Je n'y étais pas dans l'heure précédente mais j'y étais quand même un peu... En effet, le professeur Ogata a montré et commenté sa nouvelle version du cédérom multimédia qu'il a développé avec ses étudiants et qui inclut ma déclamation des Djinns de Victor Hugo.
Par ailleurs, on a (enfin) pu annoncer l'arrivée effective (?) dans toutes les bonnes librairies de nos Actes du colloque Fortunes de Victor Hugo (chez Maisonneuve et Larose), colloque dont l'écoute en ligne est toujours disponible.
Comme je suis thomiste en la matière, si quelqu'un le voit à l'étal, qu'il me le dise, s.v.p....

Après un sympathique déjeuner entre hugoliens, j'assiste avec trois cents autres personnes à la conférence plénière du Congrès, celle de Luc Fraisse sur Proust et le nouvel écrivain. Au second rang, comme un bon élève, sauf que je n'ai pas le poly, j'enregistre bien sûr toute la conférence en MP3. D'un passage de Proust (ci-dessous), Fraisse, très à l'aise et agréable à écouter, fait une excellente dissertation pour montrer la modernité et la finesse de la critique d'art proustienne (en gros : c'est la réception des grandes œuvres qui fonde et qui renouvelle la réalité du monde — ce que je dis comme ça avant de vérifier l'enregistrement...).

« Les gens de goût nous disent aujourd'hui que Renoir est un grand peintre du XVIIIe siècle. Mais en disant cela ils oublient le Temps et qu'il en a fallu beaucoup, même en plein XIXe, pour que Renoir fût salué grand artiste. Pour réussir à être ainsi reconnus, le peintre original, l'artiste original procèdent à la façon des oculistes. Le traitement par leur peinture, par leur prose, n'est pas toujours agréable. Quand il est terminé, ils nous disent : Maintenant regardez. Et voici que le monde, qui n'a pas été créé une fois, mais l'est aussi souvent que survient un nouvel artiste, nous apparaît — si différent de l'ancien — parfaitement clair. Des femmes passent dans la rue, différentes de celles d'autrefois, puisque ce sont des Renoir, ces Renoir où nous nous refusions jadis à voir des femmes. Les voitures aussi sont des Renoir, et l'eau, et le ciel : nous avons envie de nous promener dans la forêt pareille à celle [...] »

C'est quoi ce binz, dans l'internet ?
Dans le Projet Gutenberg on trouve le texte tronqué est en html non converti, ce qu'un enfant de cinq ans sait rétablir. Qui plus est sans références ! (Sauf que c'est dans la deuxième partie du Côté de Guermantes.) Ailleurs, dans la thèse de Christian Allègre qui cite par hasard la partie manquante du PG, on s'aperçoit qu'il y a l'expression « Quand il est fini [...] » alors que dans le PG, c'était « Quand il est terminé [...] ».
Décidément, la fidélité n'est pas de règle dans les grands projets de numérisation. Je vérifierai la citation dès que j'aurai un exemplaire sous la main (à la fac, où j'ai aussi le cédérom). Et puis autant en parler sur Litor...

Dîner avec Patapon, droit venu de Kyoto et avec qui je suis depuis ce midi, K.qui est une amie de T., et T. elle-même dont c'est la première sortie depuis qu'elle est orpheline, puisque c'est le mot. Bien évidemment, c'est au Saint-Martin !... Patapon n'avait de cesse de passer à Tokyo pour vérifier si ce que je dis des frites est vraiment vrai.
Maintenant, il sait. Que oui, ce sont les meilleures. De mon côté, grâce à lui, grand latiniste devant l'Éternel, j'ai pu éclairer un point noir benoziglien, le fameux : « cujus regio ejus coquina » (p. 107) qui serait, selon Patapon, un jeu sur le célèbre (!) « cujus regio ejus religio » (pour telle région, telle religion), où « coquina » voudrait peut-être dire petite amie... ce qui voudrait dire... euh... si j'ai bien compris, parce que le bordeaux, tout de même, ça tape un peu...



Voyage on ne peut plus fructueux, puisqu'il m'a donné l'occasion:
1) de me rassurer quant au destin de notre arlésienne publication (reste à envoyer un commando d'observation dans les librairies parisiennes, pour vérifier le bien-fonde de ces dires...);
2) de parler latin;
3) d'aller au Saint-Martin.
Pour les frites, je confirme: vraiment vrai, comme aurait dit Péguy. Et de retour dans mon antre, j'y pense encore avec reconnaissance ! J'attends donc le prochain congrès avec d'autant plus d'impatience. Quant à vous,. si vous pas vous mènent à Kyoto, vous êtes les bienvenus !
Patapon
2005-05-29 12:12:30 de Patapon

. Les gens de goût nous disent aujourd'hui que Renoir est un grand peintre du XVIIIe siècle: Mais en disant cela ils oublient le Temps et qu'il en a fallu beaucoup, même en plein XIXe, pour que Renoir fût salué grand artiste. Pour réussir à être ainsi reconnus, le peintre original, l'artiste original procèdent à la façon des oculistes. Le traitement par leur peinture, par leur prose, n'est pas toujours agréable. Quand il est terminé, le praticien nous dit: Maintenant regardez. Et voici que le monde (qui n'a pas été créé une fois, mais aussi souvent qu'un artiste original est survenu) nous apparaît entièrement différent de l'ancien, mais parfaitement clair. Des femmes passent dans la rue, différentes de celles d'autrefois, puisque ce sont des Renoir, ces Renoir où nous nous refusions jadis à voir des femmes: Les voitures aussi sont des Renoir, et l'eau, et le ciel: nous avons envie de nous promener dans la forêt pareille à celle qui le premier jour nous semblait tout excepté une forêt, et par exemple une tapisserie aux nuances nombreuses mais où manquaient justement les nuances propres aux forêts. Tel est l'univers nouveau et périssable qui vient d'être créé. Il durera jusqu'à la prochaine catastrophe géologique que déchaîneront un nouveau peintre ou un nouvel écrivain originaux.
T'étais pas si mal!
Ceci dit, quelle pitié, quelque chose pour moi incompréhensible qu'on n'ait pas sur Proust un site avec ressources en ligne comme celui sur Balzac.
2005-05-29 13:46:31 de FBon

Voici la version en ponctuation exacte dans l'édition Tadié.
Surtout, voici la rédaction premier jet, ajout manuscrit sur cahier 60.
On s'imagine toujours Proust comme qqun qui ajoute sans cesse, ce qui est étonnant dans le passage du premier jet au second c'est au contraire comment il monte sa pâte à la Renoir, en supprimant la rhétorique: le premier jet est plus long que le passage qu'il ajoute sur épreuves...
Tout ça donne envie de retourner à Philadelphie à la Barnes Foundation...
Les gens de goût nous disent aujourd’hui que Renoir est un grand peintre du XVIIIème siècle. Mais en disant cela ils oublient le Temps et qu’il en a fallu beaucoup, même en plein XIXème, pour que Renoir fût salué grand artiste. Pour réussir à être ainsi reconnus, le peintre original, l’artiste original procèdent à la façon des oculistes. Le traitement par leur peinture, par leur prose, n’est pas toujours agréable. Quand il est terminé, le praticien nous dit : « Maintenant regardez. » Et voici que le monde (qui n’a pas été créé en une fois, mais aussi souvent qu’un artiste original est survenu) nous apparaît entièrement différent de l’ancien, mais parfaitement clair. Des femmes passent dans la rue, différentes de celles d’autrefois, puisque ce sont des Renoir, ces Renoir où nous refusions jadis à voir des femmes. Les voitures aussi sont des Renoir, et l’eau, et le ciel : nous avons envie de nous promener dans la forêt pareille à celle qui le premier jour nous semblait tout excepté une forêt, et par exemple une tapisserie aux nuances nombreuses mais où manquaient justement les nuances propres aux forêts. Tel est l’univers nouveau et périssable qui vient d’être créé. Il durera jusqu’à la prochaine catastrophe géologique que déchaîneront un nouveau peintre ou un nouvel écrivain originaux.
On dit Renoir un grand peintre du XVIIIème siècle. On oublie qu’il a fallu du temps pour qu’il fût au XIXème siècle un grand peintre du XIXème siècle. Le goût dit : XVIIIème, mais il méconnaît cet effort dans le temps qui est la vie. C’est du reste une chose étonnante que ces métamorphoses en somme assez fréquentes et sans qu’il soit besoin de remonter au déluge et aux périodes antéhistoriques de l’univers. Chaque fois que survient un peintre original, il se met comme ferait un oculiste, à nous soigner les yeux. Le traitement (par sa peinture) nous est fort pénible, dure quelque temps. Après quoi il nous ôte le bandeau et nous dit : « Maintenant c’est terminé, vous n’avez plus qu’à regarder. » Son traitement a efficacement agi sur nos yeux, et maintenant ce sont nos yeux qui agissent efficacement sur le monde. Au lieu que ce soit le monde que peignaient si ressemblant les derniers peintres qui avaient précédé, voici que les femmes ont pris exactement cette forme que dans la peinture de l’artiste qui vient de nous traiter, nous n’arrivions pas à identifier une forme de femme. Cette femme nouvelle est diaprée des couleurs que nous lui avions cru ajoutées par démence. Les forêts sont comme ce qui dans les tableaux du nouveau peintre nous avait paru une espèce de tapisserie de toutes nuances, sans l’idée que ce fût une forêt. Tel est cet univers nouveau et périssable. Il durera jusqu’à la prochaine catastrophe géologique que sera la venue d’un nouveau peintre original ou d’un nouvel écrivain original. [ajouté dans Cahier 60, puis incorporé dans version modifiée ci-dessus sur épreuves]
2005-05-29 14:30:04 de FBon

Merci François. C'est fou comme les deux versions n'ont presque rien à voir ! (je parle du ton, de la fluidité, etc.)
2005-05-29 14:39:22 de Berlol

L'idée développée par Proust est si proche de celle de Wilde dans "The Decay of Lying" (1889) que l'on pourrait penser que "la modernité et la finesse de la critique d'art proustienne" ont une trentaine d'années de retard. Wilde, lui, prend l'exemple du brouillard londonien rendu visible par les impressionnistes, mais aussi du Japon qui d'après lui est une pure invention d'artistes. ;)
2005-05-30 03:19:09 de Bartlebooth

Et il a parfaitement raison : les recherches que l'on fait maintenant (depuis un moment déjà) sur le japonisme montrent qu'il y a eu une vraie "fabrication du Japon" à partir d'une sélection d'éléments, pricipalement esthétiques ou esthétisés, et qui était assez éloignée du Japon réel...
Mais Proust avait déjà à peu près ces idées-là dès les années 1890, non ?
2005-05-30 03:43:34 de Berlol

Mais au tout début de ces années 1890, André Gide, lors de sa rencontre avec l'irlandais, reçut cette confession : "J'ai mis tout mon génie dans ma vie, je n'ai mis que mon talent dans mon oeuvre". Ce qu'on peut mettre en parallèle avec les idées communes de Wilde et Proust comme quoi la vie imite l'art ("Life imitates art far more than art imitates life").
Il y a aussi John Ruskin qui fut professeur de Wilde et traduit par Proust, et qui prônait une recherche du beau qui, poussée à l'excès, mène au dandysme de Wilde auquel Proust n'aurait pas été insensible. Et, plus encore, au geste de Cravan, neveu du précédant, qui rencontra à son tour Gide en 1913.
Sans compter cet autre qui confondait l'art et la vie, Félicien Marboeuf, qui, si l'on veut bien suivre ce qu'en dit Jouannais dans "Artistes sans oeuvres", marqua profondément, dans ces années 1890, la destinée littéraire de Proust.
2005-05-30 17:08:49 de Bartlebooth



Dimanche 29 mai 2005. NOUIN, que je vote...

C'était déjà exceptionnel : Bikun m'avait téléphoné hier soir pour me dire qu'étant monté à Tokyo pour faire des photos de sumo en herbe, il pourrait venir au ping-pong ce matin. Comme la reine Hisae et le guerrier Katsunori étaient là aussi, on jouissait d'une belle séance où j'avais même gagné une petite manche contre Katsunori, sans doute intimidé par mon T-shirt (katsu : gagner)... quand Jean-Philippe m'appelle et propose de nous rejoindre. Il arrive à Shibuya. Je descend du bâtiment EST pour l'aller chercher à Hachiko Square, à deux pas de là et je le ramène dans l'antre pongistique. Comme il a acquis dans la semaine un assez gros appareil-photo, ça lui fait un sujet de plus à discuter avec Bikun. Mais il joue aussi, et pas mal du tout.
Le paroxysme est atteint dans un double en deux manches que j'essaie d'immortaliser de mon mieux, c'est-à-dire en utilisant le viseur de préférence à l'écran (l'œil au viseur commande mieux au corps de suivre l'objet dans le cadre alors que l'écran découple et retarde, en tout cas pour moi). Mais je crois que je n'excelle pas plus là qu'au ping-pong aujourd'hui. Enfin, en voici quelques-unes dont je suis quand même un peu content.
La paire Hisae-Bikun partait (et arriva) gagnante mais la paire Katsunori-JPT n'a pas baissé les bras. Ils leur ont donné de la balle à retordre. Le tout avec beaucoup d'entrain, comme on le voit sur les photos. Par ailleurs, je me suis demandé si le choix du jaune ne permettait pas à Bikun de caméléonesquement se confondre dans le décor mural pour mieux gagner...
Notre invité-surprise n'a pas d'exigences visiteuses de temple ou de musée, il ne nous empêche pas de suivre le rituel du restaurant de pâtes après le ping-pong. Il a d'ailleurs dû lire dans le JLR que c'était comme ça depuis un temps immémorial... Au contraire, je crois qu'il aime bien se couler dans les habitudes des autres, une fois de temps en temps, pour voir comment ça fait, leur vie de l'intérieur. Juste, un moment.
Et puis de temps en temps, il disparaît. Se connecte ailleurs, se dématérialise et se rematérialise, sans doute régénéré d'une mystérieuse source. C'est très bref, il faut au moins du 1/125e pour le voir s'absenter, il met son visage dans sa main, et hop... Là, Bikun l'a presque eu, en tout cas la tête était en train de partir. Ou de revenir, allez savoir. La conversation roule sur des gros mots, car il nous arrive d'en employer, que nos amis japonais sont avides de connaître. En revanche, ils refusent le plus souvent de nous donner les équivalents en japonais, ou d'autres gros mots de leur choix. Autocensure que je ne peux concevoir sans rapport avec la performativité naturelle du japonais.
Bizarrement, je n'ai pas pu finir mes pâtes. Vers 14h30, on s'est déplacé dans un café et j'ai grignoté un croissant aux amandes, quand même. Le T-shirt que j'ai mis après le ping-pong attire beaucoup les regards. Amusés, complices. Normal, c'est celui acheté à Beppu qui porte Tous les jours, c'est l'enfer (毎日が地獄です). Serais-je tellement narcissique ? Non, je l'ai choisi aujourd'hui parce qu'il y a le référendum.

Allez, trève de balivernes, faudrait peut-être y aller !
Seul à Hiroo, station de métro la plus proche de l'ambassade de France. Je croise un ami de Bikun, puis Josiane K. avec deux amies, bien intriguées par mon journal, à qui je donne ma carte (et un petit bonjour, si vous venez jusqu'ici !). Au bureau de vote, je retrouve quelques visages connus, une ambiance joviale et pas de queue, des urnes pas trop pleines. Mais ne pas s'y fier, paraît qu'il y a beaucoup de monde qui vient s'exprimer, sans doute par rapport à d'autres scrutins. On me dit qu'il y a plus de 1300 inscrits sur la liste électorale de Tokyo. Dans la poubelle de l'isoloir, que des NON. À mon tour, que voter ? Ai déjà dit ma colère contre ce projet, la façon de le préparer, puis de nous le soumettre comme un ultimatum. Ma conviction de voter NON. Jusqu'au dernier moment, je résiste. Et puis finalement, je le savais depuis quelques semaines, je vote NOUIN et j'enlève les haines aux extrémités.

23h15 à Tokyo. 16h15 en France.
Dans moins de 6 heures, on sera fixé. Moi, je dormirai, vous le saurez avant moi. Si le NON l'emporte, ne me réveillez pas, s'il vous plaît.


"je vote NOUIN et j'enlève les haines aux extrémités."
clap clap pour la formule !!
2005-05-29 18:00:45 de Sénio

Journée extraordinaire! Ping-pong défoulant et heureux entre bons amis. Voila un bon dimanche! Merci Berlol, Hisae, Katsu et JPT!
A mon retour à Nagoya, après 1h30 de Shinkansen à cogiter sur mes amis "bébé" sumos, je m'arrête au petit coin, pour la petite commission. Je pose mon Canon 10D, son battery grip et le 17-35 f2.8 devant moi. Perdu dans mes réflexions, je fais mon business, et repars...les mains dans les poches.
Cool Raoul, tranquille et serein.
Je marche 50 mètres soit moins de 2 min, et m'arrête instantanément figé sur place. Mon beau Canon de 2 ans est resté là-bas, à profiter du business des autres!!
Arghhh....Je cours comme un fou, m'arrête au kiosk près des machines, parle à un controleur qui me laisse passer. Je cours
encore plus, affolé, vers les toilettes et...évidemment il n'y a plus rien.
Désespéré, je repars vers le controleur qui me donne le plan pour aller vers les objets trouvés. L'apoplexie me guette...
Je retourne cependant faire un tour dans la gare. Retourne aux WC. Vais dans l'autre direction, parle à 2 autres controleurs qui m'indiquent la direction du bureau des objets...lachement abandonnés par leurs propriétaires! J'ai le diaphragme cérébral à au moins f128 la! J'arrive près d'un autre guichet, au bord du goufre mental, une controleuse à qui je bafouille. Elle me demande mon ticket, je lui répond que j'ai perdu mon appareil photo. Un gros truc noire. Elle me fait répéter et me guide vers le bureau. Devant moi se tient un
jeune controleur au cou duquel...pendouille, encore tout frais, mon ami 10D...Je hurle de joie, encore plus fort que quand je gagne au ping-pong...si si je vous jure...
Je rentre, me paye des sushis...et menotte monsieur 10D au cas ou il se ferait la malle cette nuit.
2005-05-29 18:02:49 de Bikun

Sur la piste de ce que je viens faire ici, sur ou dans votre blog, aujourd'hui, dimanche, après avoir voté comme vous (non mais !) arrivèrent quelques raisons douteuses, évidemment. Ne nourrissant nul journal de mon côté, je me disais depuis plusieurs jours allons écrire ce que je fais ou ne fais pas ici, c'est un bon endroit, digne, chaleureux, plein d'intelligence partagée. Chaque jour, je serais venu parasiter ces pages, comme un sous-blog qui, avec les semaines (je m'en exagérais tout de suite l'impact), aurait épaissi, gangréné l'ensemble. Bon, je ne sais pas.
Le temps me manquerait. Je vais continuer de lire et de vérifier vos scores au ping-pong, pour le moment.
Bon dimanche
2005-05-29 18:25:12 de Alain

Par exemple.
J'ai décidé d'apprendre le japonais aujourd'hui (l'inintérêt de la chose, déjà, pèse sur mes trapèzes comme un manque de magnésium. Pourtant, cette décision toujours remise ne date pas d'hier. Je possède des méthodes, jamais terminées. J'ai couvert des pages de kanji). Aussitôt, je cours sur internet voir ce qu'on me propose dans mon arrondissement. Non loin du quartier Opéra et de ses restaurants japonais, c'est vrai quelques cours sont proposés au grand débutant que je suis. C'est dimanche. Voyons les cours en ligne. Hum! Préférons l'humain. Il est temps de convoquer alors les aides personnelles. C'est vrai que je connais H.M. (moi aussi, je fonctionnerait par initiales), grande traductrice de cette langue. Plusieurs amis également ne sont-ils pas mariés avec une Japonaise! Un ami cinéaste, V.N., vient de s'installer là-bas. Il faudrait l'appeler. Hum! Je vais peut-être déjà, dans un premier temps, c'est plus sage, me remettre au ping-pong.
P.S.: mes accents graves et aigus passent. Ce blog a été remanié.
2005-05-29 19:36:42 de Alain

Avant que le resultat ne soit connu : Pourquoi un si bel emportement (et je suis sincere) sur le besoin de démocratie loin du mur, et au pied, une formule au goût de marketing pour justification ?
La question est sans polémique : de quelle "Haine" parles-tu concernant le NON ?
2005-05-29 21:47:15 de arte

"Je croise un ami de Bikun, puis Josiane K. avec deux amies, bien intriguées par mon journal...". Je serais bien curieux de savoir ce qui "intriguent" ces personnes.
2005-05-30 00:16:08 de Lionel Dersot

Oh Bikun ! Tu nous fais des frayeurs ! J'espère que tu as bien dormi après ça !
Arte, tu sais bien ce que je veux dire : je ne voulais pas voter "comme" Le Pen et de Villiers... Si on peut les écarter, éviter leur démagogie, sincèrement renégocier ce traité, vraiment faire comprendre à ce gouvernement qu'on ne veut plus de lui, etc., alors je suis pour le non. Mais je doute que ça se passe idéalement comme ça... Je crains le pire, les dérives populistes, les récupérations de tout bord. Peut-être une erreur de ma part, ou un peu trop de frilosité. On verra.
Bonjour Lionel. Ici "intriguées" est au sens positif : amusées, se demandant ce que ça pouvait donner, avec Josiane qui me tressait des couronnes de laurier et mon T-shirt qui faisait le reste de l'amusement. En tout cas, une bonne rencontre !
2005-05-30 01:33:23 de Berlol

Il pleut sur Paris. Les Français ont dit non. Levé à cinq heures du matin sans raison comme tous les matins.
En tant que sous-blog, ou blog de blog, vient pour l'instant l'image des petits animaux qui avancent sous terre et y construisent des galeries, taupe, ver, survivent. Leur existence n'est pas gagnée. Toute la journée, je chercherai à faire la sieste. J'ai même emporté un coussin au travail. Dormir assis au bureau dans mon bras imprimait les mailles de mes vêtements sur la joue et je devais parfois faire cours avec un strie sur le visage. Dormir. C'est un problème.
2005-05-30 05:35:12 de Alain

bah voila, on envoi bikun se relaxer au japon et voila dans quel état vous nous le mettez !!!! Va nous revenir avec des rides, des aigreurs, des pustules et tout et tout !!!!!
Alors qu'il faisait 'ses petites affaires' il a oublié son prolongement de lui même ???? Non, pas ça !!! (Ouha l'autre hé !!!!) je veux parler de son appareil, oublié aux WC !
Prenez soin de lui, alors quoi !!!!!
Bikun middle brother
(ça se dit ça ??? bah ché pas ! mais ça sonne bien quand même !)
2005-05-30 09:07:04 de François

Je n'avais jamais compris le nombre de souhaits exprimés de voir gagner le NON superieur aux intentions de voter NON.
J'ai compris !
Vous en avez revé, nous l'avons fait. Esperant "faire" la suite ensemble. Avec tout mon AMOUR.
(Prenez garde à ne pas vous blesser au ping-pong.)
2005-05-30 09:40:02 de arte

Dans les motivations de Berlol, et malgré sa propre conclusion ("alors je suis pour le non"), je ne vois rien qui n'aurait pu être engagé dans le cadre du traité proposé à la ratification : écarter les démagogues [et les hypocrites, j'aimerais bien aussi], renégocier le traité [les procédures de renégociation sont les mêmes que celles de la révision des traités, nous sommes, depuis la reprise de la construction européenne en 1985, sur un rythme de deux traités par décennie ou presque], faire comprendre à ce gouvernement qu'on ne veut plus de lui [il y a des élections nationales et des luttes à mener en France pour ça]. Nous sommes nombreux à avoir voté oui et à poursuivre les mêmes objectifs que certains des tenants du non, parce que ces objectifs pouvaient s'inscrire, sans aucun obstacle supplémentaire par rapport aux institutions actuelles, dans le cadre des institutions dessiné par le traité.
Carcan pour carcan, laissez-nous préférer le carcan social-libéral des institutions européennes au carcan des utopies démagogiques dans lequel vous avez hier enfermé la gauche française (elle a l'habitude). Espérons que nos amis européens resteront fermes sur leur position et nous permettront de trouver ensemble la voie de solutions constructives à l'impasse dans laquelle le non nous engage. En attendant, comme il n'est pas impossible qu'on ait ouvert hier un boulevard à Sarkozy (nous sommes quelques-uns qui marquerons d'un beau NON artistement calligraphié les bulletins au nom de Fabius en 2007, si jamais), les nonistes pourront vraiment goûter les charmes d'une vraiment vraie politique ultralibérale. Charme inépuisable de la politique du pire.
2005-05-30 11:54:28 de Dom

1.C’est une spéciale réunion pongistique.Le verai J.P.T. est venu. Mais d’autres aspects n’ont pas changé. Hisae a smaché en souriant, Bikun portait un jaune T-shirt et ceux de Berlol étaient drôles. Moi…?
2.Qui est-ce qui m’a nommé guerrier? Appelez-moi quoi que ce soit !
2005-05-30 17:14:40 de koike1970



Lundi 30 mai 2005. Dans quel sens on va faire tourner les chaises.

Mauvaise nuit. Je sentais venir le séisme électoral. Réveillé vers 4 heures du matin, je calcule que c'est encore trop tôt pour savoir et je ne me lève pas. D'autant que T. fait des nuits de bon sommeil comme elle n'en faisait pas quand il y avait toujours la possibilité de devoir monter voir son père. Rendormi jusqu'à 7 heures. Puis j'allume l'ordinateur pour voir l'ampleur des dégâts... À côté de ça, le dentiste chez qui je dois aller ce matin, c'est de la rigolade. Il y a même un côté festif, de ceux qui se sont réunis à la Bastille, croyant avoir pris la leur. Je sais bien que quelque part, ils, ces nonistes convaincus, réalisent mon fantasme, mon côté sombre (de ma force), ce que je n'ai pas eu le courage ou l'inconscience de faire. L'avenir dira s'ils ont eu raison ou tort (et moi du même coup) mais dans l'immédiat, ça va plutôt être grave, et peut-être bien d'abord pour ceux qui ont voté non, car un passage par la case Sarko ira dans le sens contraire d'un plus social. Je les comprends aussi, ces fêtards nonistes, parce que le précédent scrutin, pour ne prendre que celui-là, a montré l'autiste cynisme de nos gouvernants. Aujourd'hui, ces mêmes gouvernants sont en train de se voir et de se téléphoner toute la journée comme des fous, de l'Élysée à Matignon et dans tous les ministères pour savoir dans quel sens on va faire tourner les chaises, comment on va gruger les Français en leur faisant croire au changement qu'ils souhaitent alors qu'on repart de plus belle dans l'autre sens...

Le temps est au diapason, pluie toute la journée.

Première séance du GRAAL consacrée à Louis Capet, suite et fin de Jean-Luc Benoziglio (on peut aussi le voir et l'écouter sur TSR). On apprécie son ouverture musicale avec progression (« il allait [...] il allait [...] il allait donc jouer à son tour [...] », p. 9) et mise en abyme désinvolte : un Jaccoud pas croquant mais coupant atout pile quand Capet s'amène... Ah, ça donne envie de couper des têtes.


M'enfin, c'est normal, non? On peut PAS répondre par "oui" ou "non" à 400 pages de texte! Arrêtons de délirer!
Faut pas prendre l'électorat pour plus con qu'il n'en a l'air.
Je suis un démocrate convaincu qui pense que la liberté de voter ne s'use que si l'on ne s'en sert pas mais là, franchement, je me sentais insulté.
Les Français ont montré qu'ils étaient plus intelligents que ceux qui ont proposé ce pavé. Je peux marcher de nouveau la tête haute! Que l'Europe attende encore un peu, elle n'en sera que plus belle, et pas qu'en apparence!
Berlol, ton billet d'hier m'avait déçu, ce "nouion" (qui rime avec "couillon"), mais aujourd'hui, ta contrition me fait t'absoudre, mon fils.
Errare humanum est. J'en sais quelque chose!
2005-05-30 17:15:39 de Christian

On pouvait tout à fait répondre par oui ou non à la question qui était posée (qui n'était pas : pensez-vous que l'Union européenne soit le paradis sur terre, les fleuves de miel, les houris ?) . On ne demande jamais un accord intégral sur tout, quelle que soit l'élection (vous êtes habituellement toujours d'accord sur l'intégralité du programme du candidat ou du parti pour lequel vous votez ?).
Même si pas con, l'électorat était pris au piège du référendum, qui fabrique par amalgame des coalitions de minorités plus facilement que des majorités. Il aurait fallu pouvoir choisir entre deux textes. (D'ailleurs, on avait bien implicitement à choisir entre deux textes, le traité constitutionnel ou celui de Nice).
L'Europe n'attend pas; elle a Nice, elle n'en est que plus laide, et pas qu'en apparence.
2005-05-30 19:30:02 de Dom

Le rideau de fumée se dissipe peu a peu : selon un sondage que vient d'évoquer Kouchner dans un débat télévisé, 67 % des votant non estiment que les étrangers sont trop nombreux en France. A vérifier.
2005-05-30 21:45:06 de Dom

Selon mon propre sondage en eau trouble, 60 % des votant OUI ont été dopés à "Oui-oui" pendant leur enfance malheureuse et 45 % des absentionnistes aux "Jeux de 20 heures", avec une prédilection pour Micheline Dax, reine du "ni oui ni non".
Mais soulignons que le résultat de ce référendum est AVANT TOUT une grande victoire du palindrome face au mot sans consonne. Champagne !
2005-05-30 22:21:22 de Bartlebooth

Question : est-ce que les "OUIstes" pourraient arrêter de faire passer les "nonistes", dont je suis (malgré moi !! oui, c'est possible !!) pour des cons, des inconscients, des rétrogrades, des "qui-n'ont-rien compris", des racistes et des souverainistes à la solde de Le Pen ?? J'en ai plus que marre, et ne suis certainement pas le seul, à gauche en tout cas, de me sentir insulté, alors que la démocratie c'est justement, si on demande aux gens de répondre par oui ou par non (sur un texte qui mériterait beaucoup plus de subtilité), d'accepter qu'on puisse, justement, répondre non !! Sinon, c'est un référendum de république bananière... Et qu'on arrête aussi de nous faire croire que Chirac, lorsqu'il a pensé à ce référendum, n'a pas cherché un plébiscite de la part des Français !!! Ce n'est que lorsqu'il a constaté que le non était en tête qu'il a cherché a dissocier les deux (trop tard) !!
J'ai voté non, tout en étant convaincu que c'était l'Europe la vraie perdante (et je pense la même chose si le oui l'avait emporté)... Car, avec le non, les instances dirigeantes de l'Europe perdent un moyen exceptionnel (dans les limites qui sont les leurs à 25) d'être plus fortes, tandis que si le oui l'avait emporté c'était l'économie libérale dûment inscrite dans une constitution qui allait nous diriger pour des décennies... Et c'est à ça que j'ai préféré dire non (comme une majorité de Français, c'est très clairement ce qui ressort des sondages). Et je suis particulièrement agacé d'être regardé de haut par certains "ouistes" qui continuent de penser que eux détiennent la vérité sur ce texte constitutionnel (alors qu'une chatte n'y retrouverait pas ses petits), ce n'est tout de même pas pour rien (et c'est pour moi l'un des éléments inquiétants) si Français et Anglais sont contre, à partir d'interprétations du texte diamétralement opposées : texte trop libéral pour les premiers, trop social pour les seconds...
Avant toute chose il aurait fallu soumettre ce texte à deux votes différents : un en ce qui concerne le fonctionnement des institutions, deux en ce qui concerne la politique économique que l'on veut pour l'Europe de demain... Ils ne l'ont pas fait, ils en récoltent les conséquences !! Je suis massivement pour l'Europe (mais avant tout pour l'Europe des peuples), et dans le flou ambiant dans lequel ce texte massif nous installait, je suis désolé, mais ma conscience (j'en ai une, et pas plus mauvaise qu'une autre !!) ne pouvait pas dire oui, sans broncher !! Et je suis désolé, mais la victoire du non, n'est pas plus la mienne que celle du oui (si le oui l'avait emporté). Par ailleurs, j'aimerais bein savoir d'où sort ce sondage de Kouchner, quelle était la question posée et à qui ?? Et pourquoi n'est-il pas sorti AVANT le référendum ?? Comme par hasard on voudrait nous faire porter un chapeau qui n'est pas le nôtre... J'aimerais aussi qu'on se rappelle que les pays qui ont jusqu'à présent ratifié le fameux traité, ne sont pas passé par la voie référendaire... j'aimerais assez entendre ce que les gens "lambdas" ont à dire là-dessus, sachant que ceux qui ont ratifié, sont ceux qui ont rédigé le texte... Ce serait bien dommage qu'ils se contredise aujourd'hui !!
De même, les pays qui vont faire appelle au référendum semblent bien plus partisans du non que du oui... Alors eux aussi sont tous nationalo-chauvins jusqu'à la moëlle, et que ça ?? Cessons un peu les réductionnismes hautains, tous les "nonistes" ne fréquentent pas Le Pen et ses photocopies et surtout n'en sont pas demeurés pour autant... Arrêtons de dire que les "nonistes" n'ont rien à proposer "à la place", ils attendent justement que des choses soient transformées et améliorées, et pas forcément, non plus, d'un point de vue "nombrilisto-français", refuser le libéralisme comme tête de proue de la constitution, c'est pour l'Europe et non pour les Français seulement... Je n'ai rien contre le "plombier polonais", j'attends au contraire que la concurrence de l'emploi soit réduite par l'imposition d'un revenu minimum (plutôt maximum d'ailleurs) européen qui soit le même quel que soit le pays d'origine !!
il fallait que ce fût dit, c'est fait, et je demande pardon à ce cher Berlol d'avoir monopolisé son blog pour le faire !!
2005-05-30 22:22:26 de Au fil de l'O.

au fil de l'eau > Olé !
2005-05-30 22:27:42 de cel

Notre tout récent voyage en Albanie m'a confortée dans l'idée que l'Europe ne peut se faire sans donner aux populations le temps de digérer leur histoire et la nature des contraintes ( dictatoriales ou à l'opposé ultra-libérales) qu'ils ont subies à tort mais aussi à raison au regard des utopies communautaires ou individualistes . Certaines qui ont bien mal tourné ou qui tournent de plus en plus mal ! Je pense que la génération qui vient sera plus informée, maîtrisera mieux le multilinguisme qui est une clé incontournable de la compréhension mutuelle. Notre fille qui parle couramment trois langues et se débrouille dans quelques autres a plus de facilité que nous à envisager l'ouverture mais elle reste lucide sur les conséquences possibles de flux migratoires effectués sans préparation sous la pression de la misère qui est bien réelle y compris en Europe. Il n'y a aucun scrupule pour les passeurs et les maffieux qui appâtent des gens qui n'ont rien à perdre à devenir clandestins puisque qu'ils crèvent un peu moins durement dans les pays où la consommation laisse tout de même des miettes ( des poubelles) à collecter. L'EUROPE c'est de la pédagogie au long cours et il est trop tôt pour laisser des Eurodirigeants prendre des hauts airs de cénacle pour mettre au pas des gouvernements ravalés au rang d'élèves distraits ou indisciplinés. Je refuse qu'on pense mal à ma place et qu'on m'impose par exemple une guerre économique ou nucléaire décidée par des barjots corrompus imbus de pouvoir . Se souvenir qu'on flatte toujours les fous de pouvoir et de guerre comme les incarnations divines qui seraient capables de nous protéger de tout ,même de notre libre arbitre. Je veux des femmes aux gouvernements Européens à parité. Je veux qu'on arrête d'ignorer les besoins primordiaux des gens nourriture, habitat, travail valorisant et vie sociale épanouissante. J'ai voté NON (cette fois !) parce que rien n'est d'aplomb et qu'on fait semblant de ne pas le voir. J'ai voté NON parce que je n'ai pas compris un seul paragraphe du texte sur la consitution et que je ne signe jamais des chèques en blanc aux gens que je ne connais pas.
J'ai voté NON parce qu'en regardant ce qui se passe par l'agriculture et au niveau des tensions entre certains citoyens de ce pays dans les banlieues, je sens que qu'il y a une fuite en avant qui peut amener toute une nation au suicide moral.
Je suis de gauche mal rangée... et j'essaie d'y voir plus clair en discutant d'abord avec ceux qui ont le courage d'aller voir ailleurs et de ramener des amitiés européennes qui préparent l'accueil des plus démunis qu'on doit impérativement aider à devenir fiers d'échanger à égalité de droits et de chance. Cela ne se fait pas en trois tours de scrutin. Mon compagnon a voté OUI pour des raisons aussi respectables que les miennes, et cela n'a en rien altéré notre climat conjugal. Nous réfléchissons ensemble et nous nous parlons.
2005-05-30 23:41:01 de Marie.Pool

De retour sur Tôkyô.
Pour être bref : je suis entièrement d'accord avec ce que tu notes, Berlol. Autant sur le pseudo attrait du souverainisme que sur l'aveuglement des partisans du non, qui pensent qu'un renfermement dans l'Etat-nation résoudra leurs problèmes (ou défendra leur conservatisme social pour les bobos du PS qui ont dit non).
Sans parler des types qui se plaignaient que le traité ne fasse pas mention de la Poste etc. Dans un traité constitutionnel ?! Il faut dire que le LCR se battait pour le service public et contre les services d'intérêt collectif (?). De l'autre côté, Marine Le Pen et le FN se faisaient les champions de la République (?)... On a encensé le débat en lui-même, mais ce ne fut pas de haute voltige...
Il est vrai que l'opinion était terrriblement divisée en France, sans suivre les clivages habituels.
Pourtant, chez mes interlocuteurs privilégiés (un cercle de quinze personnes), tous ont soutenu le oui. Comme quoi dans ce débat il y a eu plutôt un clivage à un nivau cognitif.
2005-05-31 02:07:34 de Arnaud

Merci, Au fil de l'O.
Oui, y en a marre de ces gens qui dogmatisent, à droite comme à gauche: "Voilà ce qu'il faut penser" nous assènent-ils. "Et si vous pensez différemment, vous êtes un con!" ajoutent-ils... C'est inadmissible! Pourquoi?
Je recopie ce que j'ai écrit en commentaire à quelqu'un qui insultait les nonistes sur un autre blog."
Bon, moi je trouve qu'on a oublié le principal dans ce débat...
C'est qu'on (pas con) ne peut pas dire "oui" ou "non" à 400 pages de texte!
En le lisant, on s'aperçoit qu'il y a des parties pour lesquelles on est "pour" et d'autres avec lesquelles on n'est pas d'accord. Quoi de plus normal?
Imaginez un contrat de quelques pages. Vous allez voir votre partenaire et vous lui dites: "Voilà, faut signer!" ??
Non, Chaque clause pourra être discutée, remaniée et cela conduira à une amélioration de la qualité de votre partenariat.
Il ne fallait pas poser une question à laquelle on ne pouvait que répondre par "oui" ou par "non". L'erreur politique est là!
Et puis, je ne suis pas d'accord avec le fait de traiter de cons ceux qui ont voté "non" parce que ce faisant, vous faites montre d'un mépris de la démocratie. Vous ne vous en êtes peut-être pas rendu compte... Il est encore temps de vous reprendre! ;)
Le système démocratique est tel que c'est la voix de la majorité qui est prise en compte. Si vous respectez ce principe, alors vous respectez les gens qui ont voté différemment de vous.
C'est important, n'est-ce pas?
Moi, je peux de nouveau marcher la tête haute! Ce référendum me faisait vraiment honte!
Que l'Europe attende encore un peu. Elle va se repomponner, se faire encore plus belle et on l'aimera encore plus!"
On peut encore échanger des idées sans s'empoigner verbalement, sans s'insulter?
2005-05-31 02:07:55 de Christian

Ce que tu écris là est valable pour tous les types de contrat, mon cher Christian. Je n'ai jamais entendu parler d'un contrat ne portant que sur une unique clause.
Et puis, de toute façon, ce n'est pas le problème. Dans la réalité, les arguments de tous les partisans du non revenaient toujours au souverainisme, quoi qu'ils en disent (et que ce soit le protectionnisme à Gauche ou le nationalisme à Droite).
Et puis, n'oublions pas — les Français l'oublient souvent — qu'il n'y a pas que la France en Europe. Beaucoup de monde attend ce traité. Sauf "nous".
2005-05-31 02:56:26 de Arnaud

Je suis intégralement d'accord avec Arnaud (!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!).
2005-05-31 08:35:44 de Dom

Je signe et contre signe : allez voir du côté des pays qui auront un référendum et vous verrez s'ils l'attendent vraiment ce traité !!! Déjà le non est en train de monter partout !! Alors arrêtez de "nous" dire que seuls les Français sont contre !! Ceux qui disent "vouloir" de ce traité sont ceux qui se sont bien gardé de passer par la voie référendaire... C'est sûrement plus démocratique à vos yeux de passer sous silence la voix de tout ces pays ?? Pour moi, cela s'appelle une prise d'otage ! S'agissant d'un projet européen nous engageant à long terme, il aurait fallu faire un vote européen (comme nos dirigeants sont capables de le faire pour se faire élire à ces postes), le même jour, et que l'Europe entière donne son avis ainsi. C'est ça la démocratie !! Désolé d'être "réactif", mais je ne vois pas en quoi refuser un traité que je considère comme mal ficelé ferait de moi un "FN" ou un anti-européen et un "franco-français" frileux (voilà déjà 5 ans que je ne vis plus en France, parce que, justement, le nombrilisme français m'insupporte...).
2005-05-31 09:02:33 de Au fil de l'O.

Et je rappelle, pour ceux qui auraient oublié, qu'une fois signé un contrat n'est plus modifiable !! C'est avant la signature qu'on peut encore transormer les choses. Et même si je n'y connais pas grand chose en droit, je sais qu'une constitution n'est pas un traité. Et donc que ce qui est possible avec l'un ne l'est pas avec l'autre (surtout lorsque c'est l'unanimité qui fait loi...). Pour ceux qui travaillent dans des départements japonais de langue française et qui assistent aux réunions de département (où, justement, l'unanimité est requise pour chaque décision), vous devriez vous souvenir de ce que cela implique pour faire fonctionner une telle machine... Je ne compte plus le nombre de fois où mes collègues se plaignaient de ne pas avoir pu prendre de décision finale, parce que machine ou truc bloquait le processus...
2005-05-31 09:10:46 de Au fil de l'O.

Pour Au fil de l'O :
(sur le même ton)
"est-ce que les "nonistes" pourraient arrêter de faire passer les "ouiistes", dont je suis (malgré moi !! oui, c'est possible !!) pour des cons, des inconscients, des modernisateurs insensibles à la souffrance humaine, des "qui-ont-tout compris", des cosmopolites angéliques et imprudents et des fédéralistes à la solde du grand capital et des multinationales ?? J'en ai plus que marre, et ne suis certainement pas le seul, à gauche en tout cas, de me sentir insulté, alors que la démocratie c'est justement, si on demande aux gens de répondre par oui ou par non (sur un texte qui mériterait beaucoup plus de subtilité), d'accepter qu'on puisse, justement, répondre oui !! Sinon, c'est un référendum de république bananière."
Sur le référendum : il n'y a aucune supériorité intrinsèque du référendum par rapport au recours aux institutions de la démocratie représentative, dans les deux cas, la décision passe par tout une série de filtres, d'institutions, etc. Aucune procédure n'exprime mieux que l'autre la vraiment vraie volonté générale du peuple, elles sont l'une et l'autre susceptibles de distorsions, manipulations, etc. Techniquement, il reste que le référendum, quand il concerne un sujet ouverts à des interprétations multiples, tend à fonctionner par amalgame des oppositions. Ce piège des coalitions de minorités est un des plus vieux problèmes de la procédure démocratique (c'est d'ailleurs une des principales raisons, au départ, de la remise en cause du traité de Nice), certains pays (l'Allemagne, je crois, pays qui en connaît un rayon sur les pièges de la démocratie) s'en prémunissent en prévoyant par exemple qu'une motion de censure (qui présente les mêmes défauts que le référendum sur ce plan) ne peut être gagnée que par une majorité qui se prononcerait sur un texte alternatif au texte contesté. C'est effectivement le minimum qu'on aurait pu exiger des partisans du non.
Sur la puissance, les "institutions fortes", etc. : l'Europe n'est pas forte par rapport aux Etats souverains qui la composent, c'est une des grandes erreurs de perception des partisans du non. Une de mes principales motivations, en votant oui, était justement de contribuer à rééquilibrer ce rapport de forces et à 'affaiblir le poids de l'oligarchie énarchique nationale, dont Fabius est le représentant archétypique. Comme le dit Arnaud, et je crois que c'est la clé de ce débat, tout le non est souverainiste, intégralement. Y compris quand ce souverainisme prend la forme d'un fédéralisme mal compris, qui veut reconstituer à l'échelle du continent le fonctionnement et les institutions de l'État-nation et part en quête de la dite "Europe des peuples", en fait l'Europe fantasmée d'UN peuple européen, dont l'inexistence actuelle doit nous encourager à "attendre" qu'il se constitue, par homogénéisation progressive des conditions, pour avancer dans la construction européenne. Il est très peu probable que cette évolution tant espérée se produise un jour (où l'on retrouve le thème de la persistance légitime des nations dans un cadre post-national).
2005-05-31 09:20:29 de Dom

Oui, je suis d'accord avec toi Dom. Y compris pour ce que tu notes sur le dernier post.
Je pense qu'il y a eu un gros malentendu dans ces débats en France.
2005-05-31 09:27:53 de Arnaud

Dans l'embrouillamini où je me débattais (parce qu'on m'y avait jeté), vous venez, chers amis, de jeter une lumière crue et salutaire. Puissiez-vous être lus et entendus au-delà des marges de cette page. En tout cas, je suis vraiment heureux de vous compter parmi mes amis ! Nous sommes ainsi plusieurs à avoir voté oui ou non et à nous accorder sur le mal fondé ce ce référendum, en tant que texte (trop long, etc.) et en tant que procédure... J'y reviendrai sans doute ce soir. Je vais écouter la radio...
2005-05-31 09:42:38 de Berlol

Sur les arguments techniques d'Au fil de l'O : les conditions dans lesquelles les traités existants (Nice) organisent la prise de décision dans l'Union européenne la rendent quasiment impossible, en imposant précisément, à la demande à l'époque des petits pays membres, des contraintes extraordinairement fortes à l'obtention de majorités qualifiées. Il est mathématiquement démontrable (le vote, c'est aussi des mathématiques, depuis Condorcet au moins) que le traité constitutionnel est bien plus souple sur ce point.
Quant à la règle de l'unanimité maintenue dans certains domaines, elle bloque les "avancées" mais aussi les "reculs" et contraint surtout la décision à se construire dans une délibération rationnelle permanente, sans recours possible au coup de force, au coup d'État ou au volontarisme abstrait à la Sarkozy ou à la Fabius. La preuve... le non d'avant-hier. (C'est une des ironies de cette affaire que le non démontre souvent pragmatiquement la justesse du oui : globalement, c'est souvent à condition de voter oui que les tenants du non de tous bords auraient pu atteindre leurs objectifs, par exemple, pour les souverainistes d'extrême-droite, la possibilité de sortir de l'Union, qui est enfin prévue explicitement).
2005-05-31 09:47:58 de Dom

Pour Dom : désolé, mais il me semble que je n'ai jamais insulté personne qui ait voté oui !! Je n'ai fait que répondre aux multiples agressions subies depuis dimanche soir, de leur part. Et cela continue dans les derniers commentaires : ceux qui ont voté non (je résume ta pensée) n'ont rien compris et sont forcément souverainistes (alors que ceux qui ont voté oui, a contrario, donc, ont tout compris et ne seraient pas souverainistes pour un sou)... C'est ce que tu dis texto dans ton dernier post !! Alors désolé, mais je ne suis qu'un humain, et l'erreur est humaine (si j'en ais fait une et seul le temps nous le dira et rien que le temps)... Pour ma part, rien ne m'a convaincu dans les arguments (si on peut dire...) pour le "oui"... Ce que j'ai vu, d'abord, c'est que le MEDEF se frottait les mains de passer à cette constitution... Et NON, NON ET NON Je ne suis pas souverainiste... je le répète, l'Europe, avec le non vient de perdre (en tout cas pour un certain temps) un moyen énorme de gagner en force contre les souverainistes de tout poil... J'en suis conscient, je l'ai dit d'emblée pour expliquer pourquoi je n'étais pas satisfait du fait que le non l'emporte. Je dois me répéter, visiblement, mais, d'un autre côté, je n'avais pas envie que ce soit le libéralisme dûment enregistré qui l'emporte dans cette constitution. Une fois encore la situation est bien plus complexe que certains ont voulu le laisser croire en prétendant que la seule alternative ne pouvait être que : cette constitution ou rien !! Il faut une constitution européenne, mais telle que les êtres "lambdas", dans lesquels je me compte, n'aient pas à en faire les frais sur des générations. Une constitution qui ait le soucis de l'égalité et non de la concurrence entre les européens du point de vue économique... Voilà l'alternative qu'attendent les tenants du non de gauche !!! voilà les changements à apporter et ces attentes sont là depuis le début de la campagne du référendum, alors que certains "ouistes" arrêtent de dire que les "nonistes" n'ont aucune alternative à proposer : et là je ne parle pas que pour Dom (et je ne m'en prends pas personnellement à toi, mais à une réaction trop entendue et très convenue sur la question).
2005-05-31 10:33:02 de Au fil de l'O.

Au fil de l'O :
entre les votant oui qui auraient préféré pouvoir avoir voté non (Berlol) et les votant non qui auraient préféré pouvoir avoir voté oui ("pourquoi je n'étais pas satisfait du fait que le non l'emporte"), il est grand temps que nous sortions de cette situation d'extrême confusion.
Ce que je conteste concernant ce référendum, ce n'est pas que les nonistes n'aient rien à proposer, mais qu'on a assisté à une coalition de minorités qui ne fait pas une majorité légitime. Il y avait de bonnes raisons de refuser le recours à la procédure référendaire dans ce cas de figure, ou il aurait fallu l'organiser différemment (le président du parlement européen évoquait un réérendum européen décompté comme les majorités qualifiées du traité : 55 % des États, 65 % des citoyens).
Le medef ainsi que l'ensemble des libéraux européens ne se frottaient pas tant les mains que ça; Madelin a prôné un tout petit oui, dans la position du missionnaire et les yeux fermés (dixit, je crois), de très nombreux libéraux pensent que Nice fonctionne à la perfection et le disent. On aura sans doute très prochainement l'occasion de vérifier, en France même, qu'il y a une notable différence entre le libéralisme régulé et l'ultralibéralisme débridé.
2005-05-31 11:03:19 de Dom

Cher Dom, nous serons donc a peu près d'accord sur les derniers points que tu évoques. Cela n'empêche pas que du côté du oui, je ne sois pas davantage certain que le "oui" de gauche était le "oui" de droite ou plus, que le "oui" des gauches était le "oui" des droites. Est-ce qu'une majorité constitue necessairement une homogénéité ?? Ceux qui ont voté "pour" Chirac en 2002 avaient-ils le choix ?? et votaient-ils tous "pour" lui ou plutôt "contre" Le Pen ?? Ton argument sur "les minorités" qui ne font pas une "majorité légitime" ne me convainc pas, je pense que c'est à peu près toujours comme ça que cela se passe dès qu'une élection a lieu !! la preuve, c'est qu'à gauche comme à droite aucune ligne univoque ne s'est jamais dessinée !!! Ils y a toujours plusieurs partis et dans ces partis toujours plusieurs courants...
Pour revenir sur le duo "Sarko-fabiusien", je ne me suis jamais leurré sur leurs visées éléctorales dans ce débat et Fabius en "chantre du social" ne m'a jamais convaincu... Ce n'est pas ça qui à fait basculer mon choix de vote...
2005-05-31 11:14:50 de Au fil de l'O.

Juste un dernier point : je suis bien entendu d'accord sur l'existence de clivages et d'orientations différentes dans les deux camps. Il n'en reste pas moins que les tenants du oui s'accordaient, après tous les compromis possibles et imaginables, et Dieu sait s'il y en a eu, sur un texte. Les tenants du non n'auraient jamais pu le faire si cela avait été exigé d'eux.
Pour le reste, nous ne sommes sans aucun doute pas sur des positions si éloignées que ça, nous sommes des victimes, de l'incurie abyssale de JC (enfin, voilà un bon bouc émissaire, et une bonne dose de posture victimaire, ça fait du bien !).
2005-05-31 12:04:44 de Dom

De villepin et Sarko ! Ouarf !... Les pires ennemis du Non !... Ils font tout à l'envers ! Avec la componction, l'onction, ils enc... le peuple et son expression d'avant-hier !
Welcome dans le monde à l'envers !
2005-05-31 12:58:02 de Berlol

Le raisonnement de Sarko (pour prôner un thatchérisme à la française agrémenté de coups de menton volontaristes) n'est peut-être pas aussi complètement aberrant qu'il ne le semble au premier abord. Il prend au sérieux le vote de dimanche : le traité constitutionnel étant d'inspiration sociale-démocrate (grosso modo, on protège le citoyen des excès du marché, non pas en réglementant directement celui-ci (monopoles publics, droit social négocié centralement, politique salariale, etc.), mais en organisant un cadre fournissant des instruments juridiques pour les contrecarrer, au nom de valeurs et d'objectifs "humanistes" posant des pierres d'attente pour des contre-pouvoirs et des droits effectifs), son rejet, si on considère qu'il a été décidé en toute connaissance de cause, signifie sans doute que le "peuple français" ne croit plus à ces solutions sociales-libérales (voir la profonde désaffection des couches populaires pour le PS, dans des proportions étonnnantes) et qu'il est prêt à une politique brutale mais efficace de démantèlement du système social de l'après-guerre. Il s'agit bien d'enc... le peuple, mais pour son bien, puisqu'il est incapable de le reconnaître quand on le lui met sous les yeux. Le pire, c'est qu'il est très probable que cette cure assainirait la situation et qu'une France sarkozyste sortirait, en une petite décennie, du marasme actuel. Les blairistes, qui vivent déjà dans un tel État dé-socialisé, auront sans doute des choses à nous apprendre sur la façon de s'y retrouver et d'anticiper la suite. J'aurais préféré une voie scandinave, que le traité constitutionnel ouvrait. Mais après tout, tout plutôt que l'immobilisme des nostalgique du modèle social "à la française" (chômage de masse, xénophobie, crise fiscale, institutions confisquées, blocage généralisé, effondrement du sens civique et de la volonté de vivre ensemble, approfondissement des inégalités derrière un égalitarisme de façade, social-corporatisme débridé, course au "statut" garanti, etc.).
2005-05-31 13:52:38 de Dom

A tous, moi, je n'y comprends plus rien !!!... et d'ailleurs, je n'ai pas lu cette foutue Consitution et vois donc mal comment j'aurais pu voter "OUI" ou "NON"... de plus, ne m'etant pas preoccupe a temps de mon inscription sur les listes electorales depuis le Japon... je me suis retrouve COUILLONNE, entre ni OUI ni NON... Bref, je vois maintenant la gueule des De Villepin et Sarko... et je me dis que c'est toujours le meme bordel, la meme mascarade et la meme escroquerie en Phrance et que l'on s'agite beaucoup sans que rien ne bouge veritablement... Salut ! je retourne a ma lecture de Paul Celan...
2005-05-31 13:54:10 de vinteix

Je decernerai bien le "Grand Prix du Serpent à Chaussette" à Dom :)
Vinteix : tu lis quoi de Celan ?
2005-05-31 14:12:29 de arte

L'important, c'est la rose de personne
2005-05-31 14:43:41 de Bartlebooth

je dirais plutôt, la rose de 'je suis un autre rouge-gorge' :x
2005-05-31 16:16:43 de arte

Moi, j'en ai marre des gens qui dogmatisent.
Je leur ferai une guerre incessante car ils sont une insulte permanente à l'intelligence humaine et à tous les acquis humains, scientifiques, sociaux, politiques (la démocratie, notamment).
Cette façon de dire, à droite comme à gauche, "je détiens le savoir et voilà ce que vous devez croire" m'horripile!
Ainsi, parce qu'on serait soi-disant "de gauche", on aurait le droit de mépriser les gens qui votent à droite (je ne vote pas à droite, pas encore, en tout cas!)? Et quelle outrecuidance! Quelle suffisance!
Cette attitude est honteuse. Oui, honteuse. Parfaitement, honteuse! Honteuse, honteuse! Bouhouhou, les vilains! Allez vite vous cacher!
Ça voudrait dire, implicitement, qu'on aurait le droit de mépriser la démocratie parce qu'on est à gauche? Parce que c'est bien de cela qu'il s'agit. Non, je ne délire pas et ceux qui se sentent morveux, eh bien, qu'ils se mouchent!
Comment peut-on continuer à affirmer que 400 pages de texte peuvent amener une réponse globalement positive ou globalement négative? Aucun argument n'a été opposé à cela à part du bla-bla-bla, de la poudre de perlinpinpin.
Je les ai lues, les pages. C'est un mélange de principes de droit (ce que doit être une Constitution) et de textes d'orientation politique (ce qu'une Constitution NE PEUT PAS ÊTRE, par définition).
Alors vouloir voter blanc ou noir pour quelque chose de "faux à la base" et de complexe, désolé, c'est quelque chose qui me paraît relever d'une pensée dictatoriale, je ne vois pas d'autre qualificatif.
J'accuse donc les doctes dogmatiseurs d'êtres des anti-démocrates. Et je le répète avec force, et avec l'intention de déplaire, "qu'ils soient de droite ou de gauche".
Le dogme, on sait où ça a mené...
Messieurs, les dogmatiseurs, bonsoir.
2005-05-31 19:17:17 de Christian

A l'heure Européenne, il n'y a pas que les Français qui donnent dans la panne constitutionnelle... De là à croire qu'il sera jamais temps de remettre quelques pendules démocratiques à l'heure, ce serait bien de réviser les mécanismes de chacun...L'Europe, oui ! Mais pas n'importe comment et avec n'importe quels horlogers...
Big Ben a marqué une pause
LONDRES (AFP), à 19:50 (28/05/2005)
© 2005 AFP
Big Ben, la célèbre horloge londonienne, s'est arrêtée de fonctionner vendredi soir et personne ne sait exactement pourquoi, a-t-on annoncé samedi de source officielle dans la capitale britannique.
L'horloge vieille de 147 ans - l'une des plus fiables du monde - s'est arrêtée à 22h07 locales (21h07 GMT), puis s'est remise à marcher avant de tomber à nouveau en panne à 22h20 où elle est restée pendant 90 minutes avant de redémarrer.
La chaleur est peut-être responsable de cette déficience. Ce vendredi a été le plus chaud enregistré au cours d'un mois de mai à Londres depuis 1953 avec 31,8 degrés Celsius, mais personne n'en est sûr.
"On nous a dit qu'il y avait eu un petit pépin, mais elle a de nouveau fonctionné", a déclaré un ingénieur au Palais de Westminster, nom officiel donné au Parlement.
Big Ben est célèbre pour son exactitude. Elle a résisté à une dizaine d'attaques des bombardiers allemands pendant la Seconde Guerre mondiale et elle a continué à donner l'heure avec une seconde et demie de retard par rapport au temps universel (GMT).
Elle a eu du retard à plusieurs reprises. En 1962, elle avait sonné la nouvelle année avec dix minutes de retard en raison d'une accumulation de neige et en 1976 elle s'était arrêtée à la suite de la panne d'un de ses mécanismes.
Elle était également tombée en panne le 30 avril 1997, vingt quatre heures avant les élections générales qui ont permis à Tony Blair et à son parti, le Labour, d'accéder au pouvoir, et une fois encore trois semaines plus tard.
Le célèbre monument, qui tire son nom de la cloche de 13 tonnes abrité dans la tour Saint-Stephen du palais de Westminster, surplombe la Tamise à cent mètres de hauteur.
© AFP.
2005-05-31 20:53:12 de Marie.Pool

Il y une différence entre dogmatiser et dire au gens que l'on pense qu'ils se trompent… il ne faut pas mélanger. Je pense que Dom explique pourquoi les "nonistes" selon lui se trompent. Et je suis complètement d'accord avec ses arguments. Ca arrive à tous le monde de faire une erreur, d''avoir une lecture décalée.
Je pense que ce référendum n'avait pas lieu d'être. La constitution n'en était pas une dans le sens où elle n'entrainait pas les automatismes liés à l'application d'une constitution au sein des États. C'était une page de l'histoire européenne à écrire, il n'y avait rien d'irréversible dans la constitution. 9 pays l'ont déjà acceptée, la France pouvait en faire autant, et travailler progressivement à sa modification en route.
Personne ne risquait la fin du monde, la mort, la catastrophe en votant "oui". Cela montrait une détermination à avancer.
Avec le "non", même celui des pro-européens à qui la constitution a fait peur, ce n'est pas l'Europe qui gagne. Et c'est cela qu'il fallait comprendre sur ce vote : on a donné ses plus belles armes aux factions de droite, les armes de la légitimité à l'anti-européanisme. Certains ont voté "non" parce que le texte ne leur convenait pas, ou parce qu'ils en ont eu peur (sans en connaître en fait les modalités d'application en cas de oui…), mais il fallait dire "oui" afin de briser une tendance au renfermement. Le débat était pipé. Comme les élections présidentielles. Mais était-ce mieux Le Pen ? Détestant Chirac, il vallait mieux laisser aller et laisser passer Le Pen?
Le texte ne m'excite guère moi non plus. Mais il fallait voir au-delà du texte : le oui serait passé massivement, personne n'aurait pu manœuvrer l'Europe au nom seul du néo-libéralisme. Le non est passé, et c'est tout un discours nauséabond qui a été légitimé de fait. Qu'on le veuille ou non. Je pense que certains se sont véritablement trompés de débat pour ce vote…
A votre avis, quelle est l'image et la crédibilité de la France en Europe à présent ? C'est un point qui m'inquiète beaucoup.
On ne peut pas répondre à cela que l'on s'en fiche, à moins d'avouer que l'Europe importe peu. Car ce serait finalement se soucier bien peu de ce que pensent les voisins avec lesquels nous prétendions vouloir vivre…
2005-06-01 01:35:40 de Acheron

Tout à fait d'accord.
D'où mon NOUIN en enlevant "les haines aux extrémités"...
Qui n'est pas un NOUION qui rimerait avec couillon, mais un NOUIN qui rime avec baragouin/baragouine du texte du Traité...
En tout cas, je suis content de voir que vous ne vous êtes pas étripés dans mon bas de JLR. Un bon point à tous !
2005-06-01 01:43:54 de Berlol

Je suis entièrement d'accord avec Dom ainsi qu'avec ce post d'Acheron.
D'une manière générale, j'ai été surpris de voir que les partisans du non focalisaient leur critique sur tel ou tel point particulier du texte — critique qui était loin d'être toujours injustifiée, ce n'est pas le problème.
Mais était-ce une raison pour critiquer le texte dans son ensemble, et le rejeter ?
Ce texte était un compromis entre tous les pays européens, ce qui représentait déjà un résultat extraordinaire en soi. Tous ces pays veulent et souhaitent mener des politiques différentes, donc il est normal que ce traité constitutionnel permette de faire des politiques très variées.
Je pense qu'il fallait avoir une vision d'ensemble vis-à-vis de ce texte, comme cadre général de discussion. On peut critiquer tel ou tel point du cadre, c'est évident. Mais l'un dans l'autre, il vaut mieux avoir un cadre si l'on veut pouvoir discuter, mener telle ou telle politique (voire réformer le cadre). Sans cadre, on peut continuer à se plaindre, on se retrouvera isolé au sein du processus de mondialisation, qui lui continuer à avancer.
C'est cela qui était en jeu il me semble.
2005-06-01 01:53:23 de Arnaud

Donc, Arnaud, tu es pour le processus de mondialisation.
Je veux dire, tu lui dis "oui" dans son ensemble...
Dois-je en conclure que tu ne trouves aucun inconvénient dans cette mondialisation (hé hé, j'en parlerai à José Bové) ou plus simplement que tu considères que les avantages apportés par celle-ci dépassent les inconvénients?
Là, je suis scié!
Je reviens sur les commentaires du genre "il fallait voir plus loin...".
C'est vraiment pitoyable de prendre ainsi les gens pour moins intelligents qu'ils ne sont". Je dis: "stop!
2005-06-01 02:03:11 de Christian

Toutes les gloses sur le pourquoi du comment on en est arrivé à la victoire du non me paraissent bien vaines. J'en vois même qui... "... son rejet, si on considère qu'il a été décidé en toute connaissance de cause...".
Ça me fait franchement rigoler!
Et si c'était plus simple?
Si les gens avaient été tout simplement plus intelligents que leurs gouvernants? Ça, ça vous dépasse, hein!
Patrick écrit: "En tout cas, je suis content de voir que vous ne vous êtes pas étripés dans mon bas de JLR. Un bon point à tous !"
Ce n'était pas un bas de l'haine...
On est dans un salon, Patrick, chez toi! Grand couillon!
Tu sais, dans le midi, c'est une marque d'affection de dire ça!
2005-06-01 02:18:22 de Christian

Où ais-je écrit cela, cher Christian ?
Le processus de mondialisation est une réalité. Il ne s'agit plus d'être pour ou contre. A moins de vouloir revenir dans l'État-nation type 19e siècle (qui n'était d'ailleurs lui-même pas non plus complètement fermé). Ce qui est précisément une position protectionniste, c'est-à-dire du souverainisme de gauche.
Enfin, pour ta dernière remarque : tout le monde peut-il dire ou faire ce qui lui plaît pour ensuite se défendre avec ce type d' "argument" à la "me prendg pas pour un cong" ? N'est-ce pas de l'enfermement cela ?
2005-06-01 02:20:31 de Arnaud

Christian, je ne te connais et ne peux donc pas savoir de que tu penses, mais je trouve que tu te places assez facilement dans la peau de celui qui se sent pris pour un idiot… Ce n'est pas parce que certains pensent que les "nonistes" se trompent qu'on les prend en vrac pour des crétins. Tu simplifies tout là. Est-ce que lorsque quelqu'un te dis qu'il considère que tu te trompes tu lui réponds toujours "arrête de me prendre pour un con ?"
Et puis de quelle mondialisation parles-tu ? Parce que pour moi, l'Europe, c'est précisément un moyen de pression sur la mondialisation, un moyen de la tempérer. Seul, sans cadre, les Européens et la France n'ont aucune chance. Et ce n'est pas manger des salades bios qui inversera la tendance.
Je persiste à dire que le débat n'était pas celui du texte seulement. Et puis autant se faire une raison : l'Europe ne sera jamais comme on la voudra, idem pour les Anglais, les Italiens etc… et d'ailleurs, la France est-elle comme on la voudrait ?
Il y a des compromis à faire, et il faut un cadre pour discuter. Là on vient de balancer les uns et l'autre. Il faut espérer que d'autres occasions viendront dans pas trop longtemps…
2005-06-01 02:26:34 de Acheron

Par ailleurs, Christian, le but d'un vote, ce n'est pas d'être plus "malin" que les gouvernants…
Par ailleurs, nous ne nous ferons une idée des dégats que dans quelques temps. Il est trop tôt pour faire le gland place de la Bastille comme après un matche de foot…
Et il serait vraiment présomptueux de penser que nous avons davantage d'éléments en main que les gouvernants pour juger. Ce qui ne veut bien sûr pas dire que ces derniers soient toujours dans le vrai (Ca Non !). En revanche, être pour ou contre, c'est encore autre chose. Avoir fait le bon ou le mauvais choix, également.
2005-06-01 02:34:00 de Acheron

Arnaud,
Tu as écrit: Sans cadre, on peut continuer à se plaindre, on se retrouvera isolé au sein du processus de mondialisation, qui lui continuer à avancer."
Désolé, j'ai dû te faire un procès d'intention (ce dont j'ai moi-même horreur!). Je retire ce que j'ai écrit à propos du fait que tu pourrais être pour la mondialisation.
Se croire plus malin que les gouvernants? Oui, pourquoi pas?
Chacun sa spécialité et ce n'est en rien présomptueux. Je discutais, avant hier, avec un spécialiste de droit constitutionnel et, ma foi, je pense qu'il connaît son sujet à fond... Sûrement mieux que nous tous, sur le plan du droit en tout cas.
Le débat avance...
On est déjà tous d'accord pour dire que les insultes sont inacceptables et qu'il ne faut sous-estimer personne.
2005-06-01 03:03:34 de Christian

"Mais était-ce une raison pour critiquer le texte dans son ensemble, et le rejeter ?
Ce texte était un compromis entre tous les pays européens, ce qui représentait déjà un résultat extraordinaire en soi. Tous ces pays veulent et souhaitent mener des politiques différentes, donc il est normal que ce traité constitutionnel permette de faire des politiques très variées."
Entre compromis et compromission il y a peu de marge de manoeuvre...
Croyez-vous qu'on va toujours au même endroit par des chemins divergents ? Pensez-vous qu'on peut payer des gouvernants au nez creux à passer leur temps à dire que leur pays ne peut pas suivre la politique sans garantie sur la décence des conditions de vie et de travail des gens ? Tant qu'on palabre on ne fait rien !
Venez voir de près ce qui se passe dans les hôpitaux (pour exemple parmi tant) et vous verrez à quel point les inégalités de traitement s'aggravent tant au niveau des soignés( privé payant/public peau de chagrin- ce qui reste...) et des soignants ( arrivée de soignants étrangers qui sont payés au lance-pierre, dont les statuts et les niveaux de formation ne sont pas reconnus .
Et vive l'ère des larbins corvéables à merci ! Des entretiens médicaux dans lesquels la langue différente ne permet pas de communiquer est certainement plus efficace et économique en temps...N'est-il pas ? On travaille au sonar ,au feeling, à la prérogative, à l'arrach'... et on paye des avocats pour attaquer les hôpitaux (et des individus qui subissent eux-mêmes le système de gestion à flux tendu qui n'en peut plus... Et on est qu'en FRANCE !...) pour incompétences diverses et variées. On est dans l'ère de "la gestion des risques" comme dans l'industrie. Et le zéro défaut a un coût qui n'est pas à la portée de tous les porte-monnaie...
Je ne crois pas qu'un texte mal ficelé,très mal expliqué, mal perçu, peut faire avancer sur des questions aussi fondamentales que le droit citoyen aux soins, au logement , au travail et au respect des individus.
Pour moi, il n'est pas "normal" que des pays se réclamant d'une appartenance commune à l'EUROPE n'aient pas les mêmes conceptions des droits de l'homme tant dans les tenants que dans les applications.
Il n'est pas "normal" que des agriculteurs jettent des productions à la benne pendant que des milliards de gens crèvent de faim.
Il n'est pas "normal" que des maffieux organisent l 'économie parallèle et la prostitution en profitant des innombrables demandes d'asile économique ou politique et qu'on malmène des gens qui ne veulent pas crever sur place et se font souvent expulser dans des conditions inacceptables.
Nous ne sommes pas prêts pour la constitution Européenne parce que nous sommes dans la logique folle de la fuite en avant et dans l'incapacité de reconnaître que les mêmes causes produisent les mêmes effets. L'incompréhension engendre les clivages et les rivalités. L'effet pervers fleurit sur les décombres de débats qui ne prennent pas en compte la vie concrète des gens, leurs besoins comme on dit.On domine, on gouverne, on écrase et on décide aveuglément , cyniquement qui doit prospérer et qui doit désespérer.Cette politique est suicidaire autant qu'immonde. L'Europe ou la mondialisation c'est le sans-papiers que l'on aide et avec qui on partage des mots et de la nourriture.C'est l'argent qu'on investit dans le développement durable et le commerce équitable... Le reste n'est que discours et protocole dans le vent...
2005-06-01 08:12:19 de Marie.Pool

« Editorial
L'impasse, par Jean-Marie Colombani
LE MONDE | 30.05.05 |
Franc et massif, comme aurait dit de Gaulle, le non français à la Constitution européenne n'est pas un accident. Il a été émis au terme d'un débat comme il y en a eu peu dans l'histoire de ce pays. Interrogés sur un texte, de nombreux citoyens ont pris connaissance de ses principaux articles et des commentaires opposés qu'en faisaient les promoteurs du oui et ceux du non. Personne ne prétendra que les Français se sont livrés à un pur exercice d'exégèse et qu'ils se sont prononcés pour ou contre le traité constitutionnel en raison de tel ou tel de ses 448 articles.
Une Constitution est en effet un contrat passé entre les citoyens. Comme tout contrat, les termes dans lesquels il est rédigé ont moins d'importance que l'attrait de ce qu'il promet. Le rejet du traité constitutionnel révèle, d'abord, qu'une majorité de Français n'a pas, ou n'a plus, envie de l'Europe. Au point d'avoir pris le risque, et de devoir assumer désormais d'avoir affaibli la position et les capacités de la France en Europe. "On a tous une bonne raison de voter non", avait dit Philippe de Villiers, donnant ainsi un parfait exemple de cynisme dans la démagogie. Tel était, en effet, le message du non. Peu importaient les motifs, pourvu que l'on vote non.
Dans ce scrutin, organisé par un homme qui risque désormais de passer à la postérité comme le Docteur Folamour de la politique, usant contre lui-même à quelques années d'intervalle, de la dissolution et du référendum, l'enjeu concernait en premier lieu une idée. Une idée à abattre. Les tenants du non voulaient en effet en finir avec ce qu'ils considèrent comme le mythe européen. Par nationalisme, par xénophobie, par dogmatisme ou par nostalgie, ils voulaient se débarrasser de cette Europe qui barre l'horizon, qui dérange les habitudes, qui impose des changements. D'autres, qui n'étaient pas anti-européens, se sont laissé convaincre qu'on pouvait dire non à "cette Europe-là" pour en obtenir une autre.
La vérité est que la seule Europe possible est celle que les Européens sont prêts à faire ensemble. Il est à craindre qu'il n'en reste plus grand-chose aujourd'hui. L'Europe est une construction fragile, dont on va peut-être s'apercevoir – mais trop tard – qu'elle est réversible, alors même qu'une part des partisans du non – les plus jeunes – la considère comme un acquis. Elle est en permanence un compromis fragile. La France vient de rompre celui-ci, et prend le risque de voir progressivement détricoter une Europe malmenée par l'appel d'air nationaliste et protectionniste que le non français peut provoquer.
Le non est aussi la victoire d'une protestation tous azimuts. Comme si nous devions vivre désormais dans une démocratie du mécontentement généralisé. Au cœur de celui-ci prend place le niveau – insupportable – du chômage. Alors que son niveau relève bien davantage d'une plus ou moins mauvaise alchimie nationale, le chômage a aussi constitué un reproche adressé à l'Europe. Peu importe que le marché unique, le tarif extérieur commun, la libéralisation des échanges et, dans leurs limites, les politiques communes aient permis de créer ou de sauvegarder des millions d'emplois. Le fait est que le chômage est plus élevé, en moyenne, dans l'Union européenne qu'aux Etats-Unis et que l'élargissement a accru la concurrence.
Mais la vérité est, aussi, que les salariés venus d'autres pays européens sont présents, en France, dans des secteurs où la main-d'œuvre manque, comme le bâtiment ou l'hôtellerie-restauration. Les délocalisations n'en sont pas moins réelles. Tous les jours, ou presque, des entreprises ferment ou réduisent le nombre de leurs salariés et s'installent ailleurs, le plus souvent hors d'Europe. Tous les jours, aussi, des entreprises se créent ou recrutent, mais pas dans les mêmes catégories d'emplois. Pour ceux qui sont victimes de ces mouvements, la réalité est terrible. L'Union européenne n'y est pas pour grand-chose. La compétition internationale est une donnée dont aucun pays ne peut s'abstraire, sauf à faire le choix de l'immobilisme et de la pauvreté. Et l'on ne voit pas par quel tour de passe-passe le fait de leur avoir dit non pourrait inciter nos partenaires à se lancer, comme l'a demandé un Henri Emmanuelli, dans un vaste plan anti-chômage qui supposerait, au préalable, un pas de plus vers une intégration que nous venons précisément de refuser. Première impasse.
Envie d'en découdre
Les pays riches – la Grande-Bretagne, les pays scandinaves l'ont montré – peuvent agir sur leurs marchés du travail ; ils peuvent faire reculer le chômage en améliorant le coût et la qualité du travail. Mais – deuxième impasse – que retenir des différentes protestations, voire de l'envie d'en découdre exprimée par les vainqueurs du 29 mai ? Comment faire le tri ? Auquel de ses porte-parole – Le Pen, de Villiers, Fabius, Besancenot – faut-il accorder le plus de crédit ? Faut-il considérer, avec Nicolas Sarkozy, que la victoire du non impose des réformes "vigoureuses", que l'on ne pourra sauver le "modèle social" français en le réformant en profondeur ? Ou faut-il n'avoir pour seul mot d'ordre que le statu quo, puisque la crainte du changement est, elle aussi, au cœur du non ? Et quelle partie du message faire prévaloir, au chapitre de l'identité française : celui des souverainistes, ou celui des socialistes?
Faute d'entreprendre les efforts nécessaires pour ajuster la demande et l'offre d'emplois, le risque est en tous cas de continuer de susciter des réactions hostiles envers les étrangers. Il y a vingt ans, l'extrême droite affirmait que la cause du chômage était l'immigration maghrébine. Aujourd'hui, c'est du "plombier polonais" que viendrait tout le mal. Mais le pelé, le galeux n'est pas seulement à l'Est. Il est aussi au Sud. Le président d'Attac, organisation qui a milité intensivement pour le non, a présenté, dans ces colonnes, l'Espagne, le Portugal et la Grèce comme un groupe de pays "sous perfusion permanente de fonds européens" et qui, pour cette raison "acceptent toutes les directives qui passent dans la crainte de perdre leurs financements". A de tels propos, on mesure la ferveur européenne et internationaliste des tenants du non "de gauche".
Celle-ci n'a sans doute pas encore pris la mesure – troisième impasse – de l'onde de choc : la gauche est, en effet, plus que la droite, atteinte par la victoire du non. Car le référendum s'est joué dans ses rangs. Pour tous ceux qui, au Parti socialiste, mais aussi au Parti communiste et même à l'extrême gauche, s'étaient convertis à la réalité européenne, c'est une grave régression. Le débat sur la Constitution a fait de l'Union européenne la ligne de partage entre les "sociaux-libéraux" et les "anticapitalistes", les réformistes et les partisans d'une "rupture". Alors qu'un accord existait à gauche, depuis François Mitterrand, pour considérer l'Europe comme un nouvel espace politique à investir et pour tenter de renforcer sa dimension politique, justement, afin de contre-balancer le pouvoir économique, le refus du projet constitutionnel a rejeté la critique sociale de l'Union du côté de la crispation nationaliste.
Quoi qu'ils en disent, en effet, les anti-européens de gauche n'ont pas seulement additionné leurs voix avec celles de Jean-Marie Le Pen et Philippe de Villiers. Ils ont mêlé leurs voix. Et certains arguments ont circulé, de la droite nationaliste à la gauche radicale. La gauche française court donc le risque d'être paralysée par cette "fracture européenne" comme elle l'a été, dans les années 1950 à 1980, par la question soviétique. Ou comme la gauche britannique quand il s'est trouvé une majorité, au Parti travailliste, pour porter à sa tête l'anti-européen et neutraliste Michael Foot, en 1980. Le Labour a mis dix-sept ans à retrouver le chemin du pouvoir sous la direction de Tony Blair.
Fin d'un consensus
La droite a pour elle d'avoir été suivie par 80 % de son électorat, qui a voté oui comme l'y invitaient ses chefs. Jacques Chirac n'a pas mis son mandat en jeu. La majorité parlementaire n'est pas ébranlée par le résultat du scrutin. Il n'y a donc pas de raison d'attendre ou de demander le départ du chef de l'Etat, comme l'ont fait Le Pen et de Villiers. Le changement de gouvernement procurera au président et à son camp le répit nécessaire pour tenter de prendre un nouveau départ. Reste l'essentiel : quelle politique pour répondre au non exprimé par les Français ? De quelque manière que l'on interprète la vague protestataire, elle signifie que le système français – exception ou modèle, comme on voudra – ne marche pas. Il est plus que temps d'en prendre acte et d'y porter remède.
Si l'on veut trouver du mérite à ce triste non, alors il faut dater du 29 mai 2005 la fin d'un consensus français attaché à ce que rien ne change. Cesser de se bercer de l'illusion d'un idéal français, que l'Union européenne aurait le grand tort de ne pas adopter, voilà à quoi nous invitent ce référendum et le débat qui l'a précédé. Essayons d'éviter, comme certains nous le suggèrent déjà, un repli sur une conception étroite de "l'intérêt national". Faisons, sans complaisance et sans aveuglement, l'inventaire de ce qui ne va pas, de ce qui ne va plus, de ce que les Français n'acceptent plus ou ne devraient plus tolérer, et explorons les voies qui permettraient au pays de retrouver son chemin, de redonner confiance à ces classes moyennes qui ont l'impression de perdre pied. Et souhaitons que le changement redonne à la majorité des Français le désir de l'Europe.
Jean-Marie Colombani
Article paru dans l'édition du 31.05.05 »
2005-06-01 11:37:57 de Arnaud

Pour Marie.Pool :
"nous ne sommes pas prêts pour la constitution européenne" : je n'ai pas calculé la proportion exacte (je pourrais le faire, il existe un peu partout des tableaux de comparaison entre le traité constitutionnel et les traités antérieurs), mais à la louche plus de 80% des dispositions du traité constitutionnel sont déjà en vigueur. Nous vivons dans ce cadre depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies (et en particulier dans le cadre de la partie III, qui comprend une trentaine d'articles nouveaux sur environ 300). Que vous y soyez prête ou pas.
Ça a déjà beaucoup été dit, et je n'ai jamais compris pourquoi les nonistes ne nous croyaient tout simplement pas quand on le rappelait : en votant non, on conserve et on sanctuarise (s'il n'y a pas de renégociation (très improbable) ou de re-ratification rapide, c'est Nice qu'on a pris pour 50 ans...) tout ce qui était critiqué par les tenants du non et on perd toutes les avancées sur le plan des droits et de la citoyenneté européenne. Là encore joue le paradoxe ironique que je mentionnais.
J'essaie du mieux que je peux de garder mon sang froid, mais c'est July qui a exprimé hier le mieux ce que beaucoup d'entre nous ressentent : cette affaire est "triste à pleurer".
2005-06-01 12:29:12 de Dom

Et le Traité de Nice, est-ce qu'on nous avait demandé de l'approuver ?
2005-06-01 13:11:00 de Berlol

Pas par la voie référendaire, par la voix de nos représentants. On retrouve assez facilement la date sur le réseau. L'Irlande avait été consultée par référendum, voté contre puis revoté pour après quelques dérogations sur quelques articles, de pure forme.
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=MAEX0100051L
2005-06-01 13:17:22 de Dom

Pour rebondir dans le sens de ce que vient de noter Dom.
Moi, je suis assez étonné de voir ce déluge de micro-arguments chez les nonistes, car, en fin de compte (et quoi qu'ils en disent), ça revient toujours au souverainisme et au refus de l'Europe. Y compris chez les nonistes de gauche, un peu trop attaché à la "souverainté nationale" justement.
Je pense que la phrase suivante de Marie Pool, citée à juste titre par Dom, est on ne peut plus claire à ce point :
« nous ne sommes pas prêts pour la constitution européenne »
Si c'était pour en arriver là... on pouvait le dire plus tôt...
2005-06-01 13:36:16 de Arnaud

Plus même Arnaud : si c'était pour en arriver là, on DEVAIT le dire plutôt et se réveiller au moment de Nice et aller mettre le feu où il fallait.
Le cadre de la constitution aussi imprafait qu'il soit, plaçait un cadre de discussion à partir duquel il aurait été possible de rebondir dans le temps et depuis Nice.
Car Nice, comme le dit Dom, ce n'est pas un cadre pour discuter. Et c'est la seule chose qui reste.
Se réveiller maintenant pour dire, « ah ! ben non finalement j'étais pô prêt »… ben c'est franchement pas crédible.
2005-06-01 14:49:47 de Acheron

Acheron :
Tout à fait.
2005-06-01 16:17:56 de Arnaud

Ratification de Nice : juste une précision, je dis tout le temps Nice Nice mais c'est parce que ce traité est particulièrement médiocre. Cela dit, il ne concerne grosso modo (sous réserve) que les modes de décision (règles de la majorité qualifiée) et la composition des instances, c'esit un traité très institutionnel. L'important, c'était le traité de l'Union européenne, autrement dit Maastricht, et celui-là nous l'avions ratifié par référendum, donc il est "bien" ratifié. Il est assez difficile de suivre l'empilement et la reprise des traités les uns dans les autres, mais si le traité constitutionnel n'entre pas en vigueur,on reste je crois sur Rome 1957 + Maastricht 1992 + Nice 2000, je crois que celui d'Amsterdam a été englobé dans Nice.
2005-06-01 16:32:44 de Dom

Le traité de Nice doit être renégocié dans une grappe d'années, 2009, je crois, ce qui constitue, il me semble, une durée fort courte à l'échelle de la construction européenne.
L'élargissement à l'est est, de fait, un problème.
Lorsque l'Espagne et le Portugal ont intégré l'UE, ces deux pays ont bénéficié de fonds structurels considérables, qui leur ont permis de rattraper (une partie de) leur retard avec les autres pays : le niveau de vie moyen des habitants a sensiblement augmenté, de nouvelles infrastructures ont été créées, de sorte que la concurrence entre pays a été moins violente qu'elle ne l'est (et ne le sera) avec les dix nouveaux entrants. A ces dix pays, lors des discussions qui ont présidé à leur intégration, on a dit en substance la chose suivante : "Nous ne pourrons pas vous donner autant d'argent qu'aux autres, mais nous souhaitons votre entrée". Comment faire alors? Il a été proposé, et le traité le spécifie noir sur blanc, de permettre à ces pays, dans lesquels la protection sociale est nulle et le taux d'impostion sur les bénéfices des sociétés, pour ne citer ces deux exemples, très faible voire inexistant (Chypre = 0%), de n'exiger aucune forme d'harmonisation au niveau européen, pourtant réclamée à corps et à cris par certains parlementaires de Bruxelles. Delors lui-même, pro-oui, le déplorait dans un entretien accordé en 2004 et paru en librairie ces dernières semaines : il jugeait indispensable l'instauration progressive (comme est progressive la libéralisation des services : si l'une est possible, pourquoi pas l'autre?) d'un salaire minimum, seule manière, selon lui, d'éviter de broyer les salariés de ces deux "univers", soit le dumping social.
Dans ces conditions, et puisque cette exigence a été passée par pertes et profits, on voit mal comment on pourrait échapper au dumping social, qui, contrairement à ce qui est écrit ici et là, n'a pas été l'épouvantail utilement et démagogiquement agité par (la plupart) les tenants du NON, mais une réalité palpable, qui ne tient pas à la malhonnêtété de quelques uns, peu soucieux de la loi, mais bien d'un système que consacre le traité. Il suffit de se pencher un tant soit peu, par exemple, sur le monde sympathique du bâtiment pour mesurer l'étendue des dégâts.
Comment construire une Union européenne digne de ce nom, que j'appelle de mes voeux, lorsque les écarts entre les habitants sont tels qu'ils sont nécessairement mis en concurrence les uns avec les autres - puisqu'il est interdit d'harmoniser quoi que ce soit -, chacun dans cette histoire ayant quelque chose à perdre, puisque cette concurrence brutale oblige les états qui ont une protection sociale à rogner, pour se maintenir à flots, sur les dépenses publiques de toute nature? Ainsi l'Allemagne s'apprête-t-elle à aligner son taux d'imposition sur les bénéfices sur celui des pays entrants - on a une petite idée des économies qu'il faudrai faire par ailleurs...
J'ajoute qu'il sera sans doute bien difficile de faire valoir les beaux principes de la Charte des droits fondamentaux quand sont notifiés par le menu, et de manière autrement plus contraignante, les "us et coutumes" de la future économie européenne - les socialistes, loin des micros, le reconnaissent d'ailleurs volontiers : la charte des droits fondamentaux, c'est peanuts jetées en pâture pour calmer les ardeurs d'une gauche qui, sur les bancs de Bruxelles mais aussi ailleurs, ne se distingue plus guère des ses camarades de droite, que sur des questions sociétales.
Dire que la fameuse troisième partie, dont on a tant parlé et dont on a balayé le caractère dangereux en disant qu'elle n'était que l'empilement des traités antérieurs, dire que cette partie est, donc, insignifiante, constitue un mensonge éhonté. L'Europe qui se dessine n'a plus rien à voir avec celle du traité de Rome de 57, argument rebattu pour taxer toute critique à l'égard de cette partie, de passéiste, de ringarde.
Ainsi donc, l'histoire de plombier polonais a servi de repoussoir aux frontistes, villiéristes, certes, et il n'y pas de quoi s'en réjouir. Mais comment expliquer (et faire admettre quand on n'a rien à leur offrir à la place) à tous ceux qui se retrouvent sur le carreau, qui ne sont pas d'extrême droite (mais risquent d'y tomber) et sont les plus modestes d'entre nous, que leur entreprise se délocalise vers un autre pays, un pays où "la vie est moins chère", et où je doute fort que ceux qui ont dénoncé, belles âmes, les relans xénophobes des nonistes (Serge July et tant d'autres aveugles) aimeraient travailler dans les conditions qui sont les leurs? On leur dit que c'est la réalité économique, et qu'il faut bien s'y plier. Merci.
Qu'on me pardonne l'anecdote suivante, que je ne livre que parce qu'elle a un lien avec l'affaire. Un polonais (oui!) m'a raconté en substance ceci il y a quelques semaines. Il est venu en France où il peut gagner beaucoup plus d'argent que dans son pays en restaurant au noir des appartements pour des parisiens, riches pour certains et, là, oui, c'est tout à fait cynique, pas riches du tout pour d'autres, qui n'ont que cette solution par remettre en état un appartement délabré, étant entendu qu'on n'est pas tous très doués pour jouer, euh, les plombiers, pardon, ou les carreleurs. Il rentre tous les six mois dans son pays, où il a laissé femme et enfant et auxquels il envoie une partie de son argent, le reste lui servant à vivre (mal) en France, avec d'autres polonais originaires de la même ville que lui, avec lesquels il vit dans un minuscule appartement en périphérie. Il travaille environ 70 heures par semaine en moyenne, 7 jours sur 7, et, à quarante ans, ressemble déjà à un vieil homme. Notre conversation s'est terminée ainsi : "Je préférerais vivre, disait-il, près des miens mais je ne peux pas. Chez moi, c'est la misère. Je sais que je prends ici du travail à d'autres. Il faudrait que nos pays soient plus égaux. Partir ne serait plus alors un problème comme maintenant. Ceux qui voudraient partir le pourraient, ceux qui voudraient rester le pourraient aussi. Le problème, c'est que personne ne choisit rien. On va là où on peut vivre".
Est-ce que cette situation vous parait désirable? Croyez-vous un seul instant que mon prochain bulletin de vote sera pour Marine le Pen ? Il est très difficile d'évoquer cette question pourtant cruciale sans passer pour un xénophobe, j'ai eu l'occasion de m'en apercevoir. Est-ce que cette Europe-là, qui existe déjà, et à laquelle le traité n'apportera aucun frein, vous paraît une belle oeuvre?
Croire, comme on l'a dit après Maastricht, après Amsterdam, après Nice, qu'on va se mettre gentiment autour de la table pour rectifier ce qui, dans ce traité, est contesté par beaucoup, est d'une naïveté confondante, et les progrès réels du traité que nous venons de refuser sont trop minces,à mes yeux, au regard de ce qu'implique le carcan de la troisième partie.
J'ai voté non, je suis européenne, mais, je le regrette, ce texte n'est pas un bon texte. J'ai passé des heures, des jours, à le lire, à me plonger dans l'histoire de la construction européenne, j'ai lu tous les livres ou presque parus sur la question, j'ai lu la presse, de droite, de gauche, j'ai écouté tout ce qu'il était possible d'entendre sur ce sujet, jusqu'à la nausée, j'en ai parlé avec d'autres, qui ont travaillé à Bruxelles pendant des années, avec des ouites, des pas ouistes, des qui savaient pas.
L'europe a connu de multiples crises. Celle-ci n'est qu'un accident de plus, et je trouve réjouissant que le peuple, le petit peuple ignorant, en proie à la peur, au malaise, mu par ses tripes et non par son cerveau, ait dit : "NON". Si on pense que les gens sont trop cons pour voter en connaissance de cause, eh bien, changeons de régime politique.
Je respecte pleinement ceux qui ont choisi de glisser un oui dans l'urne, acceptant le petit pas, le petit progrès des deux premières parties, tout en reconnaissant les défauts de ce texte, mais je n'accepte pas que, de très haut, du haut de sa splendeur, à l'image d'un Colombani ou d'un July qui n'en est pas une bourde ou une sottise près, on fustige les peureux prétendus, les aveugles supposés, les repliés sur soi, quand il y a eu beaucoup d'intelligence et de pertinence dans les critiques formulées sur ce texte - des âneries, aussi, oui, c'est vrai, mais dans l'ensemble un désir de comprendre étonnant. La plupart de ceux qui ont voté non l'ont fait parce qu'ils savent bien que leur fragilité est née de l'emballement libéral que connaît l'Europe depuis vingt ans et, s'il est exact que certaines réponses peuvent être apportées au plan national, il y a bien une direction folle prise à l'échelle européenne, que subissent les plus faibles d'entre nous. Ceux que leurs revenus protègent de cette brutalité ou qui en tirent eux-mêmes quelque profit (l'étude sociologique du vote ne montre pas autre chose), n'ont, je le vois bien, pas compris cela et jouent aux donneurs de leçon (je ne parle de ceux qui se sont exprimés ici), ce qui est insupportable et montre par ailleurs combien ils sont devenus incapables de comprendre quoi que ce soit à la réalité. Jean-François Kahn, dans Marianne, a rédigé sur le résultat du referendum, sur la campagne, sur les électeurs, un texte remarquable, paru ce matin.
Je n'ai, tout au long de cette campagne, vu pour ma part - et mon horizon n'est pas borné à celui de quelques bacs plus cinq et plus rompus aux subtilités dialectiques... - que des gens soucieux de comprendre un texte qui n'est, simplement, pas un bon texte.
(J'arrête. J'en vois deux qui roupillent au fond.)
Bonjour à tous. Je m'excuse de la longueur indigeste de cette modeste contribution. Berlol, pardon.
2005-06-01 17:45:37 de Frédérique Clémençon

Pour DOM :
Et bien justement ! Vous semblez bien suivre les affaires, et moi pas parcequ'un processus aussi gigantesque me largue complètement. J'ai déjà du mal à gérer le gaspillage dans mon propre frigidaire , alors je ne me fais aucune illusion excessive sur les bonnes intentions des EUROOUISTES actuels. Il est urgent d'attendre , de changer de politique et d'apprendre les langues qui nous permettront de communiquer avec nos partenaires...
Lisez-moi plus attentivement et vous verrez que je ne vous raconte pas des choses irréelles. Je suis confrontée chaque jour à des situations sociales concrètes d'intégration et de dignité humaine, je pense qu'il faut d'abord agir dans la proximité et préparer l'accueil des gens qui le souhaitent.
2005-06-01 18:25:08 de Marie.Pool

et... 50 !!!!!!!!!!!
2005-06-01 21:28:45 de arte

pastis !
2005-06-01 21:35:47 de Bartlebooth

Euh! La déprime dans la controverse va bientôt tourner à l'amicale de l'alcoolisme anonyme... Allez ! Saké BERLOL, je trinque à l'internationale de l'oubli ébrieux...Mais ça inquiète...Tant qu'on boit au goulot ou au culot on peut trouver un alibi poltron pour tarder à faire circuler la bouteille. Je veux dire...faire circuler l'expérience qu'ont les gens qui s'intéressent vraiment aux autres gens...Combien au comptoir pour voir ?
2005-06-01 22:22:03 de Marie.Pool

Bon, je poste quand même ma petite réponse a Frédérique...
Beaucoup de choses dans le post de Frédérique. Je rebondis sur quelques points seulement, on ne peut sans doute pas refaire toute la campagne ici. Il faut revenir à l'enjeu essentiel de ce traité : ce n'est pas simplement deux ou trois petits pas en avant (ça ne sera réduit à ça que si le texte est finalement rejeté), il s'agit, à l'occasion de la réunification de l'Europe et de la chute des derniers systèmes autoritaires issus de l'interminable crise du XXe siècle, de procéder à une refondation de l'Europe, pas simplement pour des raisons techniques réelles (harmonisation des traités, etc.), mais pour affirmer sur quelles valeurs, sur quels objectifs, les peuples et les Etats européens s'engagent dans le monde globalisé et multipolaire du siècle qui commence. C'est cette refondation qui a été refusée, et si ce refus n'a finalement pas beaucoup d'impact autre que symbolique (le non ne construit rien [comme toute coalition de minorités], mais il ne détruit pas grand chose : aucun Etat ne conteste réellement la partie II (même si y figurent des droits absents des textes français comparables) et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales perdure, sans guère de valeur contraignante, cela dit; on a Nice au lieu de la partie I, donc une impuissance organisée de l'Union; la partie III demeure dans la version dégradée qu'en donnent les traités existants; globalement, le tout reste confus, incomplet, immaîtrisable), il faut vraiment espérer qu'il n'annonce pas une nouvelle accentuation de la dérive populiste, souverainiste et nationaliste qui se profile en Europe depuis la fin de la guerre froide et le démantèlement des blocs.
Il y a des imprécisions dans le propos de Frédérique, des préjugés mal fondés (par exemple, le poids de la fiscalité sur les bénéfices des entreprises n'est pas tel, dans les systèmes fiscaux modernes, qu'un éventuel alignement sur les taux des nouveaux entrants doive se traduire par un effondrement des politiques publiques dans les Etats qui l'envisagent). S'il y a peut-être eu beaucoup d'intelligence et de pertinence dans les critiques apportées au texte (bon, j'y ai surtout vu beaucoup de démagogie, de manipulation et de cynisme, mais je suis partial), il y avait surtout une méconnaissance profonde et de la dynamique économique de l'intégration européenne (l'Espagne oui, l'Estonie non ?) et de la logique juridique (encore présente dans le texte de Frédérique et ses jugements sévères sur la partie II, alors par exemple que toute la jurisprudence européenne sur l'égalité hommes-femmes repose sur deux ou trois mots d'un texte antérieur à peine moins abstrait et qui ne parlait pas du tout de ça).
Son argument prend prétexte du contexte pour rejeter le texte. On a beaucoup entendu certains tenants du non de gauche soutenir que ce texte serait acceptable, représenterait un bon compromis, etc., si seulement le contexte (le "rapport de force") était favorable à la gauche (pour aller vite). Mais comme non, non. Quand le débat est placé ainsi sur le plan de la tactique politique (le non modifierait le rapport de force, etc.), il faut alors poser les questions politiques : avec qui renégocier ou avec qui avancer vers les dispositions raisonnables que souhaite Frédérique : harmonisation fiscale, fonds structurels et programmes d'infrastructures, salaire minimum [sur ce dernier point, c'est quand même plus délicat : un SMIC français en Estonie casse tout le pays du jour au lendemain] ? On n'a pas vu descendre dans les rues les peuples européens en liesse à l'annonce du non français. Globalement, il me semble qu'il ne s'agit que d'un déplacement du débat visant avant tout à une recomposition des forces de gauche autour de positions foncièrement souverainistes et nationalistes. J'ai suivi une autre démarche pour évaluer le traité constitutionnel sur les plans sociaux et économiques : présente-t-il des obstacles SUPPLEMENTAIRES, par rapport à l'état de l'existant, mis en travers d'une politique de solidarité sociale, de croissance riche en emplois, etc. ? Je n'ai rien trouvé, et il faut que les nonistes me les montrent, citation des textes à l'appui.
Encore plus largement, si l'objectif devant lequel tous les autres doivent s'effacer est la construction d'un nouvel ordre du monde dans lequel souffrance, pauvreté, etc., seraient enfin bannis, il faut alors faire remarquer que le non au traité constitutionnel ne permet en rien de le faire progresser, ou qu'on m'explique comment. Serait-ce en plaçant sous tutelle des comités de salut public de la gauche altermondialiste l'ensemble des partis sociaux-libéraux européens, les rendant ainsi durablement incapables d'accéder au contrôle des décisions politiques ? Il faut enfin répéter que les perspectives de renégociation sont extrêmement minces et que le démantèlement des traités existants apparaît totalement inenvisageable (pourtant, comme la plupart des dispositions critiquées par nos anti-libéraux datent de 1957, c'est effectivement ce démantèlement global qu’il faudrait viser).
Par ailleurs :
* l'argument ne répond pas au problème de la coalition de minorités et des fondements de la légitimité de la majorité obtenue dimanche par le non (la légalité, OK). Le non de gauche n'a pu l'emporter qu'en mêlant ses voix à celles de l'extrême-droite, attitude qui ne me parait décemment envisageable que dans des situations d'une extrême gravité et qui entache profondément et durablement, je suis affligé de devoir répéter ces évidences, toute la tactique suivie dans cette affaire : est-il sérieusement envisageable de soutenir que la "contradiction principale" n'est pas avec le social-nationalisme rouge-brun, mais avec les petits bataillons de la technocratie européenne ?
* comme l'a rappelé Arnaud, le texte est un cadre dans lequel se prennent des décisions. Il est contraignant, sans doute, mais il permet d'accommoder des politiques "libérales" et des politiques "sociales". Les seules politiques exclues sont les politiques protectionnistes-monopolistes-autoritaires et celles qui remettraient fondamentalement en cause le marché comme cadre organisateur de la vie des affaires (même pas vraiment de l'ensemble de la vie économique). En veut-on ? Les décisions critiquées par Frédérique (montant des fonds structurels qui pousseraient les nouveaux entrants au dumping fiscal et social, d'ou des difficultés très spécifiques d'intégration des nouveaux entrants) l'ont toutes été dans le cadre des traités déjà existants et continueront à être prises dans le même sens et dans le même cadre, à rapport de force identique.
* sur l'harmonisation : quand les déclarations annexées ou l'art. I-12 interdisent que les dispositions du traité puissent conduire à harmoniser les systèmes nationaux, ce sont avant tout les pays déjà les mieux pourvus qui imposent ce genre de clause, car ils y voient la porte ouverte à tous les reculs. La loi européenne ne fixe que des minima et ne doit pas pouvoir interdire à un Etat membre de prévoir des dispositions plus avantageuses dans les domaines dans lesquels l'Union n'a pas de compétence exclusive. Le seul moyen réel, effectif, de progresser dans ces domaines cruciaux (droit social, fiscalité, etc.), ce sont les coopérations renforcées, qui sont facilitées par le traité constitutionnel (bon, comme c'est un point crucial, je cite par flemme texto un argumentaire PS, mais on a tellement dit le contraire : " La décision de création d’une coopération renforcée (par exemple pour coordonner à quelques-uns les politiques fiscales et sociales) se prend à la majorité qualifiée. Aucun pays ne peut plus y opposer un veto et le dispositif est étendu à l’ensemble des actions de l’Union.
De plus, les coopérations renforcées peuvent être lancées par 9 États sur 25 contre 8 sur 15 avec le traité de Nice qui serait le texte de référence en cas de victoire du Non. Il n’existe aucun seuil en matière de défense.
Enfin, les États participant à une coopération renforcée dans un domaine régi par l’unanimité pourront appliquer la majorité qualifiée dans le cadre de cette coopération.").
Va dans le même sens la dite "clause passerelle", qui permet (accrochez-vous, ça tangue) de passer à l'unanimité, dans un domaine précis, de l’unanimité à la majorité qualifiée, sans révision du traité.
* Nice et 2009 : c'est un malentendu dont il est difficile de retrouver la source (probablement une imprécision de certaines formulations dans les media à partir du fait que la constitution est censée entrer en vigueur après ratification dès 2006, sauf pour certaines dispositions pour lesquelles Nice continue jusqu'en 2009), le traité de Nice est explicitement signé sans limitation de durée.
* Fonds structurels : rien ou presque ne change sur ce point, c'est le refus de certains Etats, dont la France (pour protéger la politique agricole commune), d'augmenter le budget européen, qui conduira à des réajustements après 2006 pour réorienter ces fonds vers les nouveaux entrants, mais au détriment des bénéficiaires actuels, si le budget stagne. Tout ceci n'a rien à voir avec le dispositif institutionnel ou les politiques de l'Union. Plus globalement, contrairement à ce que pensent nos jacobins colbertistes à la Emmanuelli, ce ne sont pas les fonds structurels qui ont permis aux pays du premier grand élargissement de rattraper leur retard, mais d'abord le démantèlement des monopoles publics et des distorsions de concurrence (économies de rentes de position, corruption, etc.) introduites par les régimes autoritaires en place et, accessoirement, l'accès, dans le cadre d'une concurrence non faussée, à un marché élargi aux dimensions de l'Union. Vu leur montant, aujourd'hui ou hier, les fonds structurels ne peuvent avoir qu'un rôle très accessoire dans cette dynamique de développement, et il est certainement très bien qu'il en soit ainsi (s'en convaincre permet accessoirement d'éviter les dérives d'un Nikonoff, qui met l'approbation du traité par les pays méditerrannéens sur le compte de leur accoutumance aux perfusions des fonds de l'Union, argument parfaitement indigne)
* Chine ou Pologne ? : là aussi, on l'a dit et redit. Les différences de conditions économiques et sociales entre la France et les nouveaux entrants ont été exagérées par les nonistes (anecdote pour anecdote, une jeune tchèque rencontrée hier après-midi, à qui je demandais comment elle avait pris le non français, m'a presque ri au nez quand j'ai évoqué le "plombier polonais" : elle trouve que la France est un pays pauvre par rapport à la République tchèque et ne comprend pas pourquoi les Tchèques iraient s'y ruer, ce qu'ils ne font d'ailleurs pas). Le défi est indien, chinois, brésilien. Il est bien possible que les nouveaux entrants préfèrent par facilité, dans un premier temps, recourir à des pratiques s'assimilant à du dumping fiscal ou social : mais ce sera difficile. Le dumping, si les mots ont un sens, fausse précisément la concurrence que promeuvent les traités européens (constitutionnel ou non d'ailleurs), d'ou des recours inévitables en cas de dérives importantes; le poids du marché intérieur dans les économies des 25 exige des revenus salariaux solvabilisant la demande en biens de consommation et en service des nouveaux entrants, l'accroissement global des salaires est parfaitement inévitable dans une économie de marché où les salariés sont les consommateurs. S'il y a un "un système que consacre le traité", c'est bien celui-là. (Il faudrait imaginer une réorientation globale de nos économies vers la production, dans ces conditions de délocalisation massive à l'est, de produits à très bas prix pour des marchés à l'exportation dans les pays pauvres, mais on délocaliserait alors dans ces pays eux-mêmes, pas en Estonie. Tout ça est très improbable et assez naïf). Quant au dumping fiscal, il ne concerne en fait que la délocalisation des sièges sociaux, pas des unités de production, et il existe déjà dans des proportions à peine différentes (combien de sièges sociaux à Amsterdam, La Haye ou Luxembourg ces dernières années ?). Enfin, on parle (oui oui, la technocratie bruxelloise) de 6500 emplois délocalisés pour 150000 induits en France par l’élargissement.
* L'anecdote : la personne dont parle Frédérique travaille au noir. La seule conclusion qu'on puisse en tirer, c'est que travailler au noir fausse la concurrence et lui permet effectivement de "prendre [plus facilement] du travail à d'autres". Si ce Polonais, puisque Polonais il doit y avoir (je connais pas mal de bons Français qui font de même), appliquait la législation sociale, etc., française, qu'est-ce que sa présence en France aurait de choquant ? Qu'il soit obligé de quitter son pays et sa famille pour gagner sa vie ? Quel rapport essentiel avec l'Europe ? Faut-il attendre l'harmonisation universelle des conditions pour autoriser la libre circulation des hommes ? En quoi cette position n'est-elle pas xénophobe ? Frédérique n'a jamais vu d'immigrés plus ou moins clandestins et non européens sur les chantiers ou dans les champs ? On les "décourage", eux aussi ? En quoi les institutions européennes nous empêchent-elles de développer des politiques actives de solidarité avec les pays les plus pauvres ? Le fond de cette position protectionniste a conduit à la fin des années 70 des municipalités communistes à détruire des foyers de travailleurs immigrés. S'agit-il là d'une grande page de l'émancipation ouvrière ? Les syndicats voulaient empêcher le travail des femmes au XIXe siècle pour exactement les mêmes raisons : protéger le niveau des salaires. Plus loin dans le temps, tout le système de rationnement corporatif de l'Ancien Régime avait fondamentalement la même finalité de protection des revenus. Quel rapport essentiel y a-t-il entre le débat sur les institutions et les politiques de l'Union européenne et le 'capitalisme' (pour aller vite) qui a démantelé ces systèmes archaïques de protection ? J'allais écrire que nous déplorons tous la situation décrite par Frédérique, et puis je me dis que finalement non, il n'y a rien d'intrinsèquement déplorable dans le fait qu'une personne compétente et entreprenante puisse chercher à exercer ses compétences partout à la surface du globe. Mais il est exact qu'il vaut mieux être riche et bien-portant... Plus sérieusement, ce qui m'effraie profondément, c'est que le caractère xénophobe de cette position sur l’élargissement ne soit plus qu'à peine perceptible.
* chômage et Europe : l'effroi véritable que représente pour la plupart des travailleurs les plus pauvres de notre pays la perspective d'une délocalisation de leur entreprise, etc., n'est qu'un effet de l'organisation calamiteuse de la prise en charge du chômage en France, et en particulier du poids considérable du chômage de longue durée. C'est un problème intégralement franco-français. Des pays européens, libéraux ou sociaux-démocrates, ont des taux de chômage proches du plein emploi (à 3-4% de chômeurs, on est de fait dans le chômage frictionnel des économistes, quasiment incompressible). Croyez-vous sérieusement que les entreprises danoises ou suédoises ne délocalisent pas, à commencer vers les pays baltes, à leur porte ? Mais ces systèmes ont introduit des mécanismes de protection fondés sur la recherche d'un haut niveau de qualification, des mécanismes incitatifs à l'emploi, etc. Voilà qui suffit peut-être à jeter un sérieux doute sur l'équation Europe (emballement libéral de l') = chômage. Et si ce n'est pas le cas, n'y a-t-il pas alors vraiment un fondement xen...., non, disons, un peu méfiant tout de même, à l'égard de l'étranger, et une petite nostalgie de "préférence nationale", derrière la mention de tous ces vaillants plombiers polonais ?
Je vois tout le monde dormir, et moi-même, pour tout dire...
2005-06-01 23:13:55 de Dom

"et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales perdure, sans guère de valeur contraignante, cela dit;"
That's all folks ? Alors, Bienvenue à la Plomberie Polonaise , à l'Ironie Tchèque ( On avait déjà KUNDERA et j'ai pu constater en Albanie que les anciennes victimes du stalinisme ont un humour solide comme du béton), aux hé! oh ! hauts niveaux de qualifications sous-payables, aux préférences internationales bien élitistes ?... Pourquoi douter ?Hum ! On se le demandera encore quelques temps ? L 'économie ultra libérale sans la spéculation à la délocalisation est -elle possible actuellement ? Aujourd'hui on vire les patrons, car ce sont les actionnaires (les petits porteurs, les petits épargnants) qui décident ce qui rapporte ou non ou qui n'est pas optimisé... On se fout allègrement des "charrettes" de licenciements secs .Oui ,il y a un manque de confiance ,mais certainement pas de la xénophobie (Un neveu franco-maghrébin, une belle soeur italo-française ça permet de faire des progès énormes en cuisine vatiée!), pour moi il n'y aura pas de "préférence nationale" il y a attente et encouragement du métissage dans le maintien ouvert de langues maternelles échangeables. La langue initiale bien acquise permet de s'exprimer et de se positionner.
Vous avez l'air de dire dom, avant de vous endormir, qu'un taux de chômage est facile à réduire, j'attends la démonstration. Ca m'intéresse si vous comparez ce qui est comparable et que vous tenez compte de chaque situation. La généralisation est ici casse-cou... Allons-y d'un bon pas, sans caillou trop pointu égaré dans nos chaussures de marcheurs...
2005-06-01 23:53:30 de Marie.Pool

ERRATUM
"ça permet de faire des progrès énormes en cuisine variée"
Autrement dit, on mélange les petits légumes et les protéines des saveurs...
2005-06-01 23:57:10 de Marie.Pool

Allez, c'est ma tournée. Qu'est-ce que je vous serf ? J'ai de tout, sauf du saquer. Et on peut boire directement au boulot...
A tous, un grand merci du fond du coeur parce que vos contributions sont superbes d'argumentation, de variété, d'intelligence, à un tel point panoramique qu'il est impossible après lecture de dire qui a raison et qui a tort, sauf en étant de parti pris. On s'accordera, je crois, sur un point, c'est pour dire que les choses étaient mal engagées depuis longtemps et que l'on n'en avait pas vraiment pris conscience (pour la plupart) parce que l'on a aussi sa propre petite vie à mener (et que c'est pas facile tous les jours), que dire "oui et on va améliorer" ou "non c'est plus possible" n'étaient tous les deux que des pis-aller. Justement, quelqu'un veut du lait ? Autant profiter du pis...
2005-06-02 01:26:00 de Berlol

Pour rebondir sur ce que notais Dom un peu plus haut, au sujet du Non au référendum.
Dom Strauss-Kahn note, dans une interview au Monde (2 juin) :
« Comment voyez-vous la suite ? M. Chirac doit-il renégocier ?
La vraie question est : le peut-il ? Est-il raisonnable de semer l'illusion qu'il le pourrait ? Ceux qui nous ont dit que le non au traité pouvait tout, ne peuvent pas maintenant se délester sur Jacques Chirac. Ils ont la responsabilité de dire à la France avec qui, sur quoi, et quand ils construiront un traité plus politique, plus social, et pour tout dire progressiste. Il faut qu'ils respectent le mandat qu'ils se sont eux-mêmes imposé ! »
Je pense moi aussi que ceux qui ont affirmés la nécessité d'une "alternative", et ont voté Non sur cette base, nous doivent maintenant de la fournir, cette "alternative".
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3224,36-656833,0.html
2005-06-02 03:31:08 de Arnaud

Merci BERLOLISSIMO Ponce-Pis-Latte ! J'en reprendrais un petit verre, sans crème, svp. grand MERCI. Puis-je y tremper mes tartines de saindoux (il ne reste plus que çà dans mon frigo, le beurre est parti avec l'argent du beurre, je songe à m'acheter une laitière, il paraît que celles qu'on implante en LOZERE sont de toute beauté et robustes, elles ont des cornes très pointues et un regard perçant, on va pas les enquiquiner dans les vastes pâtures celles-là, et l'hiver elles restent sagement à l'étable... intéressant-non ?).
2005-06-02 08:17:16 de Marie.Pool

Allocution real-télévisée du Résident de République Françèèèsese :
"Françèses, Françés, de métroppole, d'outremer, de l'étranger (salut Berlol) , marins du Charles de Gaulle, bande de Non, l'heure est gravement GMT, Bernadette est déçue, je prendrais bien un Picon bierre ! c'est pourquoi, Ô moi la france du Très-Haut, j'ai demandé à l'emploi de tout faire, car il y a des raisons, n'espérons plus, vive Bernadette, j'ai décidé de vous dire trois mots : à la vautre, la situation est brave, j'assume nos sillons, bande de Bas, donnons nous la mimine, écrivons :
Chers autres 24 très-haut,
Ô Moi, j'alerte vos très-hautes hauteurs : je veux mon porte-avion ! Il est temps. Employons-nous. Gaspillons l'initiative, préservons notre hauteur, supposons que ça tienne, il y a des plombiers, une Turquie, un Nicolas, trois raisons de prier. J'ai donc pris quelques mesures. Bernadette : 72 Kg ! Le poid pèse, l'urgence n'attend pas, réfléchissons ! Je propose un référendum national en métropole d'Europe et d'Outremer, Européèèène Européen, de l'étranger (salut Berlol), marins, marines, (Bartle mon amour) , "ne pas être ou ne pas être", telle est la question.
Veuillez agréer, ô Hauts, les pays bas battent haut le combat, je m'y emploie, vive l'alternative, trouvons la troisième branche, Votons!
Vive Moi, Vive Bernadette, à babouche.
Grosse bise, votre Jacquou."
2005-06-02 09:07:37 de arte

Saine lecture...
"Le philosophe Alain Finkielkraut dit que sa religion «n'est pas faite». Emmanuel Todd, démographe, va «vraisemblablement voter oui» mais reste «super perplexe». Pour Yves Michaud, spécialiste de philosophie politique, le non est le moyen de donner un coup d'arrêt et de remettre l'Europe sur des rails réellement fédéralistes. Toujours plus ou moins rivaux, Olivier Mongin, le directeur d'Esprit, et Marcel Gauchet, fondateur de la revue le Débat, se retrouvent sur l'idée que l'Europe politique telle que Mitterrand l'avait fait miroiter à l'opinion est «morte et enterrée». Mais le premier approuvera le texte sans état d'âme, tandis que le second, quoique sa raison lui dise de voter oui, est tenté par le non : «ça serait une telle claque aux élites que ça ferait du bien.» [...]"
Lire la suite dans Libération :
http://www.liberation.fr/page.php?Article=250178
2005-06-02 09:55:16 de Berlol

Acheron, vous avez écrit: "Personne ne risquait la fin du monde, la mort, la catastrophe en votant "oui". Cela montrait une détermination à avancer."
---
La question à poser n'était-elle pas: "Êtes-vous déterminé à faire avancer l'Europe?"
Là, on aurait eu une large majorité de oui... non?
Dis donc, berle, y a pas de limitation au nombre de commentaires? :) Paske là, on a le record, hein?
Au fait, j'y pense... est-ce qu'on va faire des sondages pour essayer de savoir pourquoi les gens ont voté "non'? Ça serait intéressant, non?
Et puis, ça éviterait aux analystes de patiner dans le yaourt...
2005-06-02 11:15:17 de Christian

Pour obtenir un OUI franc et massif, la question à poser était :
"Voulez vous rejeter cette constitution de merde ?"
(avec toutes mes excuses ! )
2005-06-02 11:28:21 de arte

« Edito du Monde
Mort du "plan B"
Trois jours après le référendum du 29 mai, la démonstration est faite : aucun "plan B" sur une renégociation du traité constitutionnel ne se profile, contrairement à ce que n'ont cessé de marteler les adversaires de ce projet. Après celui de la France, le non des Pays-Bas scelle le sort du traité : le texte signé il y a un an par les vingt-cinq pays de l'Union est virtuellement mort. Sauf à espérer une nouvelle consultation dans les deux pays, on ne voit guère comment l'Europe pourrait faire autrement que de prendre acte de son décès.
Le processus de ratification n'est pas achevé ­ avec des votes le 10 juillet au Luxembourg, le 27 septembre au Danemark, début octobre au Portugal et en Pologne, courant 2006 en Grande-Bretagne et en Irlande ­ mais déjà des voix s'élèvent pour demander qu'il soit interrompu avant terme. Pour les partisans d'un arrêt, la Constitution, faute de recueillir l'unanimité des Etats, n'a aucune chance de voir le jour. Mieux vaudrait, selon eux, arrêter les dégâts avant que les non, par un effet de domino, ne se soient multipliés, causant au projet européen des dommages irréversibles.
Certes, la plupart des dirigeants européens veulent que tous les Etats se prononcent. Mais la défection de deux des six pays fondateurs ­ la France et les Pays-Bas ­ est une lourde défaite pour les promoteurs du traité. Elle est aussi un cruel revers pour l'Union européenne. En disant non à la Constitution, les Néerlandais, comme les Français, ont exprimé leur refus d'une Europe qui nie, pensent-ils, la spécificité de leur culture, de leurs traditions, de leur modèle, et qui échoue à les protéger contre la mondialisation.
Aux Pays-Bas, les électeurs ne remettent pas en cause, comme en France, le libéralisme de l'Union, mais ils s'inquiètent des contraintes du pacte de stabilité, qu'ils rendent responsables de leurs difficultés économiques, et des conséquences d'un élargissement qu'ils considèrent comme une menace, surtout s'il s'étend à la Turquie. Comme en France, les partisans du oui n'ont pas su rassurer et convaincre.
Ce double échec ouvre donc une grave crise en Europe. Même si l'Union va continuer à fonctionner juridiquement sous le régime du traité de Nice après l'abandon du traité constitutionnel, l'élan politique est brisé. L'Europe, qui manquait déjà singulièrement de dynamisme, est désormais traversé par le doute. Le repli des Etats membres sur leurs seuls intérêts nationaux risque de l'emporter, un peu partout, sur l'esprit européen. Ce retour des nationalismes se manifeste déjà sur la question du budget européen, où les oppositions sont si fortes que nul ne se hasarde à dire si les vingt-cinq pays seront capables de s'entendre, en temps utile, pour établir les perspectives financières 2007- 2013.
Pour inverser la tendance, il faudrait, comme l'a dit le premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, qui préside l'Union jusqu'au 1er juillet, "développer une réelle pédagogie européenne" . C'est malheureusement un peu tard.
Article paru dans l'édition du 03.06.05 »
2005-06-02 14:49:35 de Arnaud

j'attends le 69 pour voir si Bartle suit !
2005-06-02 16:05:12 de arte

Pour inverser la tendance, il faudrait, comme l'a dit le premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, qui préside l'Union jusqu'au 1er juillet, "développer une réelle pédagogie européenne" . C'est malheureusement un peu tard.
BEN non, justement... Faut savoir ce que vouloir et vouloir c'est regarder l'EUROPE comme une étape difficile mais nécessaire en visant le social et non le profit.Sinon nous sommes en guerre et nous faisons du marché noir, de plus en plus noir...
2005-06-03 09:25:17 de Marie.Pool

Merci à Marie.Pool et à Frédérique Clémençon pour leurs commentaires qui explicitent (encore et de nouveau) la pensée d'une majorité de "nonistes" (malgré eux !! et dont je suis). Malgré tout il semble que "les élites dirigeantes" comme certains "ouistes" restent sourds aux arguments pour continuer à prétendre que nous sommes souverainistes dans l'âme... En fait, après mûre réflexion, je me demande si ce n'est pas plutôt parce que ces "ouistes" là considèrent qu'une économie libérale n'est finalement pas si mauvaise et qu'ils se considèrent plus "pragmatiques" que ceux ("nous") qui espèrent encore que l'on pourrait aller vers plus d'égalité. Ce que j'attends, c'est de pouvoir faire en sorte, non pas que le plombier polonais reste à la frontière française (ce que je n'ai jamais souhaité pour ma part), mais justement qu'il puisse vivre dans des conditions décentes (où qu'il vive dans l'europe de demain), c'est-à-dire sans que le dumping social nous amène à mettre en place le "joli" système que des allemands avaient trouvé : mettre en ligne des postes de travail et engager celui qui demanderait le plus bas salaire... Ce qui nous pend au nez vu l'autisme du gouvernement et la louche d'ultra-libéralisme qu'il va essayé de nous faire passer sous couvert d'avoir "changé" ses ministres... Où Sarko est non seulement le grand vainqueur, mais président par intérim, puisque de Villepin n'est qu'un faire-valoir dans l'histoire... Et que Chirac est complètement grillé (à l'intérieur comme à l'extérieur)...
2005-06-03 10:30:44 de Au fil de l'O.

Au fil de l'O, soyez optimiste - il le faut!. Je le suis, pour ma part, après m'être promenée ce matin sur le site du Figaro, de Politis, de Libération, où l'on voit bien que ce beau monde s'agite, et commence à réaliser que quelque chose, décidemment, ne va pas, et qu'il faut bien construire et penser l'Europe autrement. Mais ce ne sera pas facile. Chirac est grillé, c'est vrai, pour autant, il semble bien qu'à Bruxelles on sache ce que signifie ce vote. Et les partis politiques, s'ils veulent s'assurer quelque avenir intérieur, doivent se montrer de porter hors de leur pays les choix des électeurs. Pour le reste, le discours ronflant d'éditorialistes autistes et de quelques autres, de Colombani et de July en tête (que la peste l'étouffe, celui-là), ben oui, faut s'y faire, las.
Hardis, moussaillons!
(67!)
2005-06-03 11:48:11 de Frédérique Clémençon

On attends votre proposition pour refaire ce qui a été défait, maintenant que vous avez rejeté la nôtre. Comme on dit, la critique est un art facile mais...
« ce beau monde s'agite, et commence à réaliser que quelque chose, décidemment, ne va pas, et qu'il faut bien construire et penser l'Europe autrement. »
Autrement, cela veut dire la France toute seule contre tous les autres pays, pour imposer une nouvelle fois la "supériorité intellectuelle française" ? Ne "dialoguons" pas qu'entre nous s'il vous plaît (ou "entre vous" plutôt).
2005-06-03 14:21:43 de Arnaud

Et hop, 69 c'est pour moi !
2005-06-03 14:41:51 de Berlol

Eh Arnaud, je te signale que c'est pas nous, toi, moi, Dom, Frédérique, Marie.Pool, Christian, Acheron, Au fil de l'O, etc., qui sommes élus ni en France ni au Parlement européen pour faire ce genre de choses. Les partis politiques, les groupes de pression, les associations, bref, les instances politiques (auxquelles nous pouvons bien sûr participer) ont de la réflexion à faire, des décisions à prendre, etc. C'est pas là, en deux coups de cuiller, que quelqu'un va te pondre l'idée géniale qui va sauver le monde de la connerie qui l'infeste. OK ?
Donc arrête(z) de demander des solutions de rechange !
(et tournez la page, on est le 3 juin !)
2005-06-03 14:48:23 de Berlol

Ach, je le voulais le 69, ça devient un chat ce blog.
L'Europe mal en point, la Gauche française pas trop vaillante, la remobilisation de tout ce que l'Europe compte de libéraux, de Blair aux Lettons (qui viennent très officiellement de faire savoir qu'ils s'opposeraient à toutes mesures qui remettrait en cause la compétitivité de leurs économies), la foire d'empoigne qui s'annonce, les égoïsmes nationaux qui reprennent du poil de la bête. Non, où est ta victoire ?
On veut bien être optimistes. Mais avec qui, bon sang de bois ? Avec toutes les "bonnes volontés" ? Et cette façon de faire passer ses principes avant toute autre considération, sans égard pour les conséquences prévisibles, et de compter après que le "désir de s'assurer quelque avenir intérieur" va conduire à la réconciliation des "progressistes". Je ne suis pas encore très chaud, vous voyez, et je crois bien que d'assez nombreux militants PS ne le sont pas trop non plus, à l'idée de cette réconciliation sur les "valeurs de gauche". À notre tour, peut-être, de conduire la politique du pire, et bienvenue Sarko.
Et que la peste étouffe Fabius, Emmanuelli et Mélanchon, et leur conception pour le moins très particulière de la démocratie (une autre attitude, exemplaire, aurait été possible : voir Montebourg).
2005-06-03 14:49:43 de Dom

Ça fera jamais qu'une "crise salutaire" de plus... (oh, je n'ai pas resisté).
2005-06-03 14:57:57 de Dom

Z'avez vu, le 69, il est resté disponible pendant 20 minutes ! Mais qu'est-ce que vous foutiez, tous ?
Dom, tu me payes une bière ?
Ah, au fait, on a bien reçu votre petite carte postale (oui, postale, avec un timbre timbré) et T. et moi, on vous remercie du fond du coeur.
2005-06-03 16:02:08 de Berlol

Je dormais.
2005-06-03 16:11:08 de Bartlebooth

Une 1644 : chiche ?
2005-06-03 16:35:42 de Dom

Cher Berlol, je m'adressais à tous ceux qui ont voté Non, et non à quelqu'un en particulier, surtout pas ici. Et je pense qu'il en va de même pour les autres personnes qui écrivent sur ce blog.
Maintenant que le traité constitutionnel a été repoussé, ce sont ceux qui l'ont rejeté qu'ont contracté la responsabilité de proposer autre chose, et non pas ceux qui ont soutenu le Oui. Ca me semble évident.
2005-06-03 16:37:10 de Arnaud

Car les nonistes ne peuvent pas prendre une posture du genre : nous on rejette "votre" traité, et maintenant on attend que vous nous en pondiez un autre pour nous le reproposer, et qu'on réfléchisse pour voir si on le rejetera encore une fois... C'est trop confortable la "planète Fabius".
2005-06-03 16:40:02 de Arnaud

Arnaud, je vous invite à faire un tour sur le site du Figaro pour lire ce que leur correspondante à Bruxelles dit de l'agitation qui règne là-bas en ce moment, sur celui d'Attac afin de lire leurs propositions, qui ne relèvent pas d'hallucinations crypto-communistes excités (et qui vont irriguer, soyez-en sûr, les rangs du PS, c'est du reste déjà fait), sur celui de Courrier international où il apparaît qu'après le bourrage de crâne des semaines passées on se penche sur une situation jugée par certains beaucoup moins grave que ce que vous pensez (c'est-à-dire qui n'occulte en rien l'avenir). Je précise que le rejet par voie référendaire de ce texte n'est en rien marginal, puisque les Allemands, s'ils avaient été consultés, auraient probablement rejeté le traité, rejet vers lequel semblent s'acheminer aussi les Danois... Ca fait beaucoup. Sont-ils tous des xénophobes achernés, des passéistes frileux, ou pointent un réel sur lequel il faut se pencher sérieusement? Pour ma part, cette crise est une opportunité formidable pour dire enfin, nous Européens, ce qu'on veut que soit l'Europe. Or cette question, ne vous déplaise, n'a jamais été posée - sauf, hypocritement à ceux qui n'ont à redouter d'une Europe vouée au commerce.
A vous lire, finalement, je trouve votre position - comme celle de Dom - peu confiante dans les ressorts de la démocratie, prisonnière d'un réalisme (avec qui va-t-on revoter? et qu'est-ce que vous avez à proposer? ce genre de questions...) qui est la marque d'une crainte in fine désespérante, au moment où vous expliquez que le repli est dans l'autre camp. Pour avoir eu le compte rendu détaillé d'une réunion PS post-référendaire, je peux vous assurer que les esprits, après l'échauffement et la bagarre entretenus par la colère et l'amertume, lorsque les langues se délient, reconnaissent bien souvent, à voix basse, la justesse des critiques apportées à ce texte - seulement voilà, la position adoptée a bien été celle du renoncement - cher payé, et je m'en réjouis - à quoi s'ajoute la difficulté posée par la manière dont ont été consultés les militants, guère différente de celle qui a prévalu pour reccueillir l'assentiment de la Confédération Eurpéenne des Syndicats (on pourrait en reparler).
Pour vous énerver un peu, je laisse un lien vers un texte écrit par Frédéric Lordon, que j'ai cité ailleurs à votre adresse, dont le ton vous irritera peut-être, mais qui pose, sur la perception que l'on a de la réalité et l'arrogance souvent ignare (mais intéressante) de fameux éditorialistes, de bonnes questions.
http://www.acrimed.org/article2057.html
2005-06-03 17:14:27 de Frédérique Clémençon

je voulais dire "pointent-ils un réel problème"
2005-06-03 17:15:48 de Frédérique Clémençon

Personne n'aime qu'on le" traite" ou "maltraite", élu ou pas, lambda ou boursier indécrottable. Mais il y a des traités qui ignorent superbement leur maltraitance reposant sur la confusion et la simili-concordance des contraires. On ne bâtit pas une Europe sur la loi de la surenchère réthorique et le mépris des petites mains. Un traité qui s'affiche dans" le comprenne qui pourra" ou "ça compte pour du beurre,c'était pour voir si ça vote encore dans les nids démocratiques", est un traité qui rend intraitables. On laisse l'arrogance aux arrogants et on reste attentifs pour faire le choix clair. Il n'y a pas encore de voix politiques assez puissantes et courageuses. Il faut des choeurs et du coeur pour entonner sur du solide. La non désespérance de DOM me rassure. La bêtise mousquetaire des moustiques de service qui froufroutent ici ou là, n'ont aucune vertu humoristique patente, le venin comme le trop plein des (b) urnes doit s'évacuer, c'est une loi fatale et physiologique, hormonale si l'on en croit les traités de médecine. Et pendant ce temps elle tourne bien et mal... la planète des idées fameuses et fumeuses...
2005-06-03 17:56:33 de Marie.Pool

Frédérique, on veut bien être cool, mais ça va finir par être énervant : les Espagnols, leur vote, bon, mais ils sont sous perfusion et peut-être un peu limités du bulbe et puis l'abstention, vous avez-vu ? tous ces pauvres peuples si peu "Politisés", les militants PS consultés dans des conditions bizarres (de quelles conditions parlez-vous donc ? des pressions, du bourrage d'urnes ?), la CES aussi : autrement dit, si on vote oui, c'est qu'on n'a pas compris les ressorts cachés de la manoeuvre, qu'on est embrigadé, voire corrompu, ou alors peut-être bien un peu imbécile, en tout cas adepte du "renoncement". Et bien sûr votre attitude, disant cela, n'a absolument rien d'arrogant, l'arrogance ça ne peut venir que des élites, de l'autre côté on est simplement quoi ? intelligents, sensibles, ou quelque chose comme ça ? (on est content, en passant, d'apprendre que les élites composent 45% de l'électrorat français, on est vraiment dans un pays riche, c'est classe).
Comment vous faire comprendre ou admettre qu'à partir du moment où s'agrègent, pour rejeter ce texte, des oppositions d'extrême-gauche, de gauche "solidaire" ou je ne sais pas comment vous voulez être étiquetée (bien-pensante, ça ne doit pas aller, je crains, on s'adresse à des rebelles), et d'extrême-droite populiste, vous gagneriez, dans le climat actuel (chômage, Turquie, islamisme, que sais-je?), tous les référendums du monde ? En seriez-vous plus légitime pour autant, tant que vous n'aurez pas gagné sur un texte alternatif ? Sans être arrogant, c'est si difficile à admettre que vous avez dans cette affaire des alliés ? Et que seuls, vous ne représentez pas grand chose ni en France ni a fortiori en Europe ? Et que si effectivement on se mettait d'accord sur un texte bien "de gauche", en prenant en compte toutes les critiques justes et fortes et intelligentes que vous avez apportées, il serait immédiatement rejeté parce qu'alors ce serait la rébellion des élites, autrement dit parce qu'alors les droites libérale ET populiste refuseraient de le ratifier ? Comment pouvez-vous imaginer un instant que vos critiques sont tellement fortes qu'elles suffiraient à emporter le morceau sur un texte qui porterait cette orientation ? Ce non est un artefact, un "produit dû à la méthode employée", comme le dit si bien le TLF.
Par ailleurs, c'est pas un peu normal qu'il y ait de l'agitation, suite à cette "crise salutaire" ? Nous ne sommes pas tenants de l'immobilisme, nous avons seulement conscience de l'extrême fragilité du consensus atteint et de la faible probabilité qu'il s'en dégage sous peu un nouveau, c'est tout. Et oui, on va trouver quelque chose, mais on verra, il m'étonnerait qu'on aille au-delà de quelques annexes interprétatives, de l'ajout de service public là où on parle de service d'intérêt économique général (avec le risque de mêler les services publics marchands et non marchands dans la même sauce), etc. On reste dans les nuances, les micro-arguments, les coupages de cheveux en quatre.
Je me rappelle, à chaque fois qu'on reprend ces interminables débats, la phrase de l'ex-avocat d'ATD Quart monde, tenant du oui, un matin sur France Culture : le oui, c'est le chemin le plus court. Mais non, folâtrons; c'est salutaire.
(décidément, j'aime bien ça, "crise salutaire", on s'en resservira quand on aura à la place du Pen au bord de la tombe un beau tout jeune national-populiste qui fera pleurer dans les chaumières et qu'il sera bien temps alors de refaire l'union sacrée [je n'ai pas osé le dire jusqu'à présent, mais franchement : on fait le lit de l'extrême-droite en la relégitimant et en la remettant dans le jeu (ils ne perdent pas tellement de temps non plus, vous savez), parce qu'un FN en pleine crise de succession, un Villiers bouffon, ce n'est pas bien dangereux, mais quand le loup montre ne serait-ce que le bout du bout du nez, en 2002, hein ?, on rentre vite au bercail et on se fait des scrutins avec du 82 % et des belles manifs unitaires].
De Paris, exaspéré (comme dans le courrier du coeur, "de Boston, éplorée").
2005-06-03 18:21:39 de Dom

Quelle deferlante ! Et que de specialistes de politique ! J'en reste ebahi et coi... quoique j'y vois aussi quelque vanite...
enfin, a mes yeux, generalement ecarquilles par d'autres intensites... Mais bon, il y a aussi beaucoup de convictions et l'on peut desesperer d'une epoque, si l'esperance est plus forte.
2005-06-03 19:17:13 de vinteix

Basta.
2005-06-03 19:35:30 de http://

Oui... c'est un peu ce que je voulais dire aussi... face a tant de politique (assez politicienne)... Et relisant un peu Deleuze ces temps-ci, j'invite les gens de gauche, dont je pense etre et nombreux ici, a le relire pour elargir l'horizon et sortir de debats ou l'on risque la ratiocination et l'argutie...
ou revoir la lettre "G comme Gauche" de "L'Abecedaire"...
2005-06-03 19:59:03 de vinteix

Le basta était de moi. Halte aux invectives.
2005-06-03 20:21:45 de frédérique clémençon

Mais quelles invectives ? J'ai même pas dit démagogues.
2005-06-03 23:54:11 de http://

Madémoizell Dom, yé soui oun Hispañol et yé pensé qué vous escrit es oun insoult.
"les Espagnols, leur vote, bon, mais ils sont sous perfusion et peut-être un peu limités du bulbe"
2005-06-04 00:55:18 de Christian

Alors si je comprends bien, c'est une bonne chose que nos politiques s'agitent à Bruxelles ? Donc, du coup, c'était bien de voter non, c'est ça ? C'était pour faire réagir nos politiques ?
Ah, ça quand on voit le nouveau gouvernement Chirac, on voit tout de suite que c'est bien mieux qu'avant… n'est-ce pas ?
Par ailleurs, lorsque la barge "Le Bruxelles" prend l'eau, il est normal que les gens s'agitent. Après le coup de tromblon que vient de prendre la coque, c'est normal de dépenser de l'énergie à vouloir la colmater, mais ce n'est pas ça qui fera avancer le navire… L'agitation que l'on voit, c'est surtout un beau bordel, et je doute qu'elle soit vraiment positive.
Et on va voir quelle rentrée vont faire les factions de droite extrême, confortées dans leur position. Car pour le coup, Le Pen pourra dire qu'on a dédiabolisé le Front National…
Finalement, ce serait assez intéressant de voir ce que nous ferions, si à l'exception de 2 ou 3 pays, la totalité des pays membres votait oui…
2005-06-04 01:54:10 de Acheron

Étant donné que je suis à 120 % d'accord avec Dom et Acheron, je ne vais pas réécrire ici ce qu'ils ont écrit dans leur post respectifs juste au-dessus.
Autant les votes pour le Oui peuvent être analysés simplement, autant il est impossible de tirer quelque ligne directrice générale de l'agglomérat du Non.
Ensuite, quant à l'absence de référendum en Allemagne, il faut dire qu'ils se méfient beaucoup beaucoup de la consultation directe dans ce pays, depuis l'élection d'un certain Adolf Hitler. Bon exemple des risques de manipulation du système du référendum. Car à additionner tous les mécontents, on peut faire passer n'importe qui : mais sans pour autant que chacun soit finalement satisfait dans ses demandes premières, comme le notait Dom.
Aussi, j'insiste : personne n'a qualifié tous les soutiens du Non de "xenophobes". Le problème c'est plutôt qu'il ne se dégage aucune ligne directrice depuis le vote du Non (ou plutôt : une multitude de propositions contradictoires). En outre, on peut remarquer que l'argumentaire des soutiens du Non, durant la campagne, mettait en avant un repli sur l'Etat-nation, en réclamant un contrôle par l'État français lui-même de l'intégralité de la politique économique "intérieure" (cf. Attac).
N'oublions pas enfin que le but d'un traité constitutionnel (a fortiori lorsqu'il concerne plus d'un seul pays) n'est certainement pas de fixer noir sur blanc une orientation précise de politique interieure, comme le voudrait une partie de la Gauche du Non française.
Et qu'en conséquence je ne vois pas ce que la France serait en mesure d'exiger des autres pays, qui ont déjà leur propre avis sur le traité et qui ne le modifieront certainement pas juste au prétexte que "la France le veut".
2005-06-04 04:02:05 de Arnaud

Oh la la ! ça continue ! Quant au "Basta" et aux "invectives", je n'ai pas bien saisi à qui cela s'adressait... mais il faudrait s'entendre sur le sens du mot "invectives"... En tout cas, il n'y en avait point dans mes propos...Simplement l'expression d'un sentiment personnel.
2005-06-04 09:29:26 de vinteix

De plus, je n'apprécie guère ce mot de "Halte"...
2005-06-04 09:30:57 de vinteix

Basta ne s'adressait pas à vous, Vinteix, mais à cette conversation à rallonges sur le traité. On finit par se lasser, et à lire encore les nouvelles interventions de ce matin, je me dis que, si les belles âmes du PS continuent elles aussi sur cette lancée, on a du souci à se faire, le FN et les extrêmes de tout poil beaucoup moins.
Quant à Arnaud, il ferait bien de se pencher vraiment sur les argumentaires d'Attac, car ce qu'il écrit est faux, simplement.
Et Acheron, ach... oui, on se lasse.
De toute façon, attendons. Nous y verrons beaucoup plus clair d'ici un à deux ans, ce qui n'est rien, et il n'est acquis que les Cassandres aient raison.
Maintenant, c'est fini, vraiment.
2005-06-04 09:41:33 de Frédérique Clémençon

Voici un article très intéressant sur la Gauche du Non, par P. Rosanvallon.
« Le retour du refoulé, par Pierre Rosanvallon
LE MONDE
Le séisme du 29 mai doit être pensé dans sa radicalité. Gardons-nous de tourner trop vite la page. On ne peut se contenter, du côté des vaincus du oui, de stigmatiser l'effet délétère des mensonges grossiers, des manoeuvres tacticiennes ou des simplifications qui ont rythmé la campagne. Pas plus qu'on ne peut se satisfaire d'une vague déploration de la frilosité de Français dominés par le pessimisme, gouvernés par des peurs diffuses et prêts pour cela à céder aux sirènes populistes.
L'exaspération suscitée par un pouvoir usé et déconsidéré n'explique pas tout non plus. De l'autre côté, les discours triomphalistes des partisans du non ennuient avec leur aspect de pieux catalogue du prêt-à-penser sur le peuple, les élites, l'ultralibéralisme. C'est chez eux le règne lassant des slogans.
On ne peut en rester là. Tout le monde peut certes s'accorder sur le constat d'un sourd malaise économique et social. Mais le problème a été celui de son mode d'expression et de son instrumentalisation. On ne peut prétendre ériger en politique la simple manipulation du désarroi !
Ce qui s'est passé vient de loin. Si les non ont été multiples et contradictoires, c'est un basculement aussi net qu'imprévu, celui de toute une partie de l'électorat socialiste, qui constitue le coeur de l'énigme. A travers le non, c'est en fait tout un ensemble de non-dits, de problèmes refoulés depuis plus de vingt ans qui ont brutalement fait surface.
Ce non dérive d'abord d'un divorce qui s'est peu à peu souterrainement creusé entre les deux dimensions historique et économique de l'Europe. Pensée à l'origine pour assurer de concert la paix et la prospérité autour du rapprochement franco-allemand, la construction européenne s'est ensuite pratiquement imposée comme le moyen le plus visible et le plus tangible pour purger le continent des malheurs du siècle.
C'est la logique qui a présidé aux deux moments-clés de l'élargissement : celui du début des années 1980 qui a marqué la sortie du fascisme et des dictatures des pays du Sud (Grèce, Espagne et Portugal) ; celui de ces dernières années qui a accompagné la sortie du communisme à l'Est. Mais l'évidence politique et symbolique de ces deux moments historiques n'a jamais été pleinement appréciée dans ses conséquences sur le contenu économique et social de l'Union. L'horizon sous-jacent du fédéralisme s'est ainsi effacé sans jamais être explicité.
Les réticences persistantes du souverainisme se sont du même coup peu à peu doublées d'une déception discrète, d'une nature radicalement différente mais aux effets parfois voisins. D'où le basculement d'une partie de l'électorat socialiste. L'appréciation des bénéfices historiques de l'Europe a cédé le pas à une inquiétude nourrie par le fait d'une plus grande différence économique et sociale. Le développement d'un néonationalisme s'est ainsi adossé de façon perverse à la prétention affichée d'une certaine"exigence" sociale. Les acquis historiques de l'Europe n'ont pour cela guère pesé dans le débat ­ sauf pour les générations plus âgées. Ses bénéfices économiques, considérés plus isolément, ont en revanche paru plus décevants pour beaucoup. On a payé là le prix de longues années de discours optimistes et simplificateurs sur le caractère protecteur de l'Europe sans jamais évoquer le coût de son hétérogénéité croissante.
Mais un deuxième type d'équivoque n'a jamais été explicité non plus : c'est celui qui concerne les formes politiques et juridiques de l'Europe. La dénonciation de la technocratie bruxelloise et la stigmatisation récurrente d'un"déficit démocratique" se sont largement imposés depuis au moins quinze ans comme allant de soi, mêlant la critique de véritables dysfonctionnements à ce qui ne faisait tout simplement que dériver d'autres modalités de la démocratie que celles procédant de la vision française de l'intérêt général. Le rôle du droit, les formes nouvelles de régulation, ont été systématiquement perçus comme des régressions, alors que ce sont en fait les spécificités du modèle français qui auraient aussi dû être interrogées et discutées.
"CONTRAINTES EXTÉRIEURES"
Là encore le non-dit s'est accumulé, alimentant en sourdine une accusation permanente de lèse-souveraineté du peuple. Cela a rendu peu lisibles les avancées du titre I, alors même qu'elles innovaient réellement (cf. les formes d'exercice de la responsabilité, le principe des auditions devant le Parlement des candidats à divers postes, le référendum d'initiative populaire, etc.). C'est l'aveuglement sur ce que nous sommes qui a nourri dans ce cas la suspicion d'un nombre croissant de citoyens. Mais la question n'a jamais été posée franchement, une sorte de souverainisme soft s'imposant du même coup progressivement à bien des esprits réticents à son expression le plus doctrinaire.
L'Europe s'est aussi constituée, plus largement, en miroir de notre impensé en finissant par symboliser le déclin du politique. Un moment refigurée par François Mitterrand en puissance compensatrice d'une perte de centralité française, l'Europe a ensuite fini par symboliser l'effacement même de la volonté politique, à force d'être systématiquement érigée en instance justificatrice de nos impuissances. Comme les fameuses "contraintes extérieures" , les supposés "diktats" de la bureaucratie bruxelloise ont toujours été invoqués pour masquer nos difficultés à trancher, à arbitrer, c'est-à-dire en fait à gouverner.
Puissance de substitution d'un côté, masque de l'impuissance de l'autre, l'Europe s'est déconstruite dans la tête de certains de ses partisans lorsque ces deux fonctions ont fini par s'épuiser. Il a du même coup fallu pour beaucoup"passer à la vitesse supérieure", c'est-à-dire de fait tendre à rejeter l'Europe elle-même, pour maintenir l'illusion et le faux-semblant.
C'est donc encore une fois de l'incapacité à regarder en face nos problèmes que s'est imposé dans bien des têtes le consentement à une déconstruction européenne drapée dans les plis d'une exigence supérieure. C'est paradoxalement pour chercher à retrouver le sens d'une capacité à avoir prise sur leur destin, à ne plus être des sujets passifs gouvernés par les événements et les contraintes, que des électeurs non souverainistes ou non"social-protectionnistes" se sont convertis au non. Comme si cette forme de "résistance" destructrice constituait pour eux l'ultime possibilité d'introduire une brèche dans la platitude répétitive du monde.
Le non me semble enfin avoir fait ressurgir sous la plus brutale des espèces l'impensé central de l'univers socialiste depuis 1989 : celui du sens à donner à une culture de gouvernement qui reste liée à une capacité critique. Le"tournant de la rigueur" n'a en fait jamais été vraiment réfléchi, rationalisé, intégré dans un horizon plus large. L'écart s'est du même coup creusé entre un réalisme de plus en plus étroit et des formes de dénonciation régies par les émotions. Les socialistes se sont partagés entre l'un et l'autre, pour ne pas parler de ceux d'entre eux qui ont soudain adopté avec l'alternance cynique de ces deux formes la recette du mollétisme.
Les slogans se sont du même coup substitués à la réflexion, la dénonciation vague de l'antilibéralisme semblant dorénavant constituer l'horizon suffisant de toute analyse. La grande erreur des "modernisateurs" a été de croire, de leur côté, qu'il ne s'agissait que de procéder à un aggiornamento modérateur pour trouver la voie d'une nouvelle culture politique.
Faute d'avoir saisi à bras-le-corps l'impératif d'une véritable refondation intellectuelle et morale de leur projet d'émancipation, les socialistes se sont figés dans les deux idéologies in fine fonctionnellement articulées du réalisme plat et du verbalisme doctrinal. La dénonciation lancinante du "libéralisme européen" s'est du même coup instituée en formulation indépassable d'une subversion purement rhétorique et d'une imagination essoufflée. La critique de l'Europe a, là encore, constitué l'ultime artifice pour ne pas voir que c'est le Roi socialiste qui était nu.
Les Français ne sont pas les seuls à être gouvernés par des peurs légitimes ou des passions troubles. La vigueur générale des populismes témoigne de l'équivoque de ces temps de"grande transformation" que nous vivons. Mais ils sont peut-être les seuls à faire de l'aveuglement sur eux-mêmes le ressort paradoxal de leur rapport au monde. Ce n'est donc pas seulement l'avenir désormais incertain et suspendu de l'Europe qui se joue dans cet après-29 mai. C'est tout simplement l'idée socialiste, ainsi que plus largement l'idée démocratique et la représentation de l'identité nationale dans ce pays.
Pierre Rosanvallon pour le Monde
Article paru dans l'édition du 03.06.05 »
2005-06-04 09:54:40 de Arnaud

Jacques Nikonoff, le président d'Attac-France, écrivait dans le Monde du 25 mai dernier que l'application du traité constitutionnel aurait pour effet d' :
« aggrav[er] la concurrence entre travailleurs des pays de l'Union. Ce que nous avons observé à propos des immigrés "ils nous prennent notre travail" ­ s'appliquera sans commune mesure à propos des travailleurs roumains, polonais ou lettons. La xénophobie et le racisme feront tache
d'huile. [...] »
Franchement, est-ce raisonnable pour un leader de Gauche que de refuser l'Europe sous prétexte que des pays pauvres y entrent ? A-t-on le droit de dire cela ?
Nikonoff estime que la concurrence inter-européenne créera de la xénophobie, et que donc... il faut empêcher cette concurrence ! Si ce n'est pas du protectionnisme, qu'est-ce alors ?
Par ailleurs, au sujet de pays plus anciennement dans l'union, il écrivait que :
« Les trois anciennes dictatures fascistes (Espagne, Portugal et Grèce) [qui] doivent énormément à l'Union, ont beaucoup reçu, et l'UE a puissamment contribué à réencastrer ces pays dans la démocratie. Sous perfusion permanente de fonds européens, ils acceptent toutes les directives qui passent dans la crainte de perdre leurs financements. [...] Leur ambition européenne, pour l'instant, est faible. »
Bref, selon M. Nikonoff, les autres pays coûtent trop cher à notre belle France. Que cela soit, plus haut, la Pologne ou bien ici ll'Espagne.
Et en plus, ils ne sont même pas pro-européens : sorti de la France, plus d'"ambition européenne" ! Quelle arrogance !
Moi, je pense que l'article de Rosanvallon que j'ai mis ci-dessus met le doigt sur des failles importantes du discours de la Gauche du Non en France. Non pas que je ne comprenne pas la fatigue de beaucoup de monde dans cette crise qui n'en finit pas : moi-même, j'étais au début pour le Non. Mais je pense qu'il faut voir plus loin, et j'ai changé d'avis.
2005-06-04 10:15:02 de Arnaud

Est-il normal que des gens traitent les autres de "ramollis du bulbe" sur ce blog? Pour moi, ce sont des propos insultants et de tels messages ne devraient pas être laissés.
Il faudrait peut-être établir une charte de l'utilisation des commentaires...
2005-06-04 11:29:34 de Christian

Que se passe-t-il encore Christian ? Tu t'es fait agresser ?
2005-06-04 11:35:36 de Arnaud

Au fait, vous avez lu le reste de mon post, chère Frédérique ?
2005-06-04 13:09:39 de Arnaud

Nikonoff est président d'Attac, et très discrédité à l'intérieur de l'association, cela depuis longtemps. Réduire Attac à Nikonoff est donc malhonnête. Si vous connaissiez mieux ce mouvement, vous sauriez que ses propos ont été vertement condamnés par Susan George, pour ne citer qu'elle. Mais je comprends, cher Arnaud, que vous fonciez sur l'occasion. Et je ne peux que vous conseiller de vous pencher dare dare sur les travaux collectifs réalisés par ce groupe depuis des années.
2005-06-04 13:27:14 de Frédérique Clémençon

Au fait, l'article 2057 sur acrimed.org (http://www.acrimed.org/article2057.html) est totalement conspirationniste-paranoïde. Car il en faut pour oser qualifier les médias français de « delirium » et de « formidable naufrage mental ».
Je résume le propos : l'auteur considère que tous les médias français sont orientés, ne comprennent rien à la société française, voire mieux qu'ils mentent afin de tromper les Français. Bref, on n'est pas loin du discours sur les médias « anti-français » de certains (je cite : « Voilà comment se fabrique en France l’image de "la France vue de l’étranger", entre déni radical de la réalité politique et choix orienté »).
Bref, un bon article populiste pour réconforter tous ceux qui ne peuvent plus — du jour au lendemain — lire les éditoriaux français, maintenant jugés "intellectuels", "universitaires", "mensongers", "doctrinaires", et j'en passe.
Exemple choisis dans le tas :
« "L’Europe est consternée par le vote français", glapissent à l’unisson éditorialistes de tous les pays, sans voir que cette "Europe" dont ils parlent est une construction qui n’a pas d’autre réalité que leur cercle d’intimes. "La France", "l’Allemagne", "l’Europe", généralités sans signification, catégories sans définition, bouillie conceptuelle pour tous ceux qui ont avantage à ne pas savoir trop exactement de quoi l’on parle,[...] »
L'Europe, la France, l'Allemagne, des « généralités sans signification », « glapies » par les journalistes ? Chez qui est le « délirium » dont parle l'auteur ? Et avec ça, il ose se poser en pro-européen ?
Encore un passage, dénigrant Colombani et Le Monde de façon bien condescendante :
« Chemise brune, pantalon de golf et bottes à clous, Jean-Marie les a vus. Le monde entier est dans l’erreur, Jean-Marie va dire la vérité. Il a un peu d’écume au coin des lèvres mais c’est l’urgence qui le tourmente et la cause de la révélation qui n’attend pas. Il doit avoir raison [...] »
Cet article sur Acrimed.org, si ce n'est pas du populisme anti-intellectualiste par principe, alors qu'est-ce que c'est ? Il faut oser l'écrire, comme il le fait, que ces « universitaires, revêtus de tous les attributs de l’autorité cathédrale, [...] nous expliquent doctement ce qu’il faut penser des confusions économiques du non "soviétique" » en adoptant d'une pierre deux coups le discours populiste de l'anti-intellectualisme tout en adoptant la posture bien connue de la victime !
Rien de mieux pour se donner bonne conscience et ne pas avoir à répondre aux critiques qui fusent depuis le 29 mai, il est vrai...
2005-06-04 13:59:42 de Arnaud

Lordon est insupportable de suffisance et d''arrogance, j'ai eu l'occasion de l''ecouter il y a peu.
Et 100 ?
2005-06-04 14:02:50 de Dom

Vous êtes de mauvaise foi : non seulement vous ne répondez pas à mes arguments exposés plus haut au sujet du référendum, mais en plus vous me reprochez de citer les paroles du président même de l'organisation que vous invoquez.
Je ne "fonce pas sur l'occasion", comme vous dites. Je cite les arguments du représentant légitime d'Attac. Si vous pensez que tel ou tel personne moins connue dans le mouvement serait plus "représentative", alors excusez-moi mais vous vous situez dans le "crypto" discours...
2005-06-04 14:03:04 de Arnaud

Bravo, Dom, pour le centième !
J'avais bien fait de demander "Dans quel sens on va faire tourner les chaises"... Et pourtant, elles tournent !
Nous avons tous besoin de nous défouler, d'exprimer notre déception (car après l'ouverture de la boîte de Pandeurope et avec ce nouveau gouvernement, nous sommes tous perdants). D'ailleurs, il ne me revient pas de vous dire ce que vous avez à faire. Le cas échéant, je supprimerai tout commentaire qui contiendrait des propos insultants ou grossiers ("limités du bulbe" reprend des propos qui viennent d'ailleurs, Dom s'en explique le 3 juin). J'ai parcouru pas mal d'autres blogs ces jours-ci et j'ai trouvé beaucoup de débats comme les nôtres (en moins bien, of course ! ;)), ainsi que beaucoup d'endroits que je ne nommerai pas mais qui ne font pas honneur à leurs auteurs.
Cependant, je repropose que nous tournions la page, que nous cessions de reprendre les mêmes arguments et que nous arrêtions de mettre des commentaires sur ce pauvre 30 mai qui (m')oblige à recliquer en arrière ou d'ouvrir simultanément trois pages du JLR...
Merci de votre compréhension.
2005-06-04 14:31:20 de Berlol

OK Berlol… alors tous sur le 3 !!!!! ;)
2005-06-04 14:33:40 de Acheron

OK.
2005-06-04 14:36:48 de Arnaud

Arnaud, comment t'as deviné?
"Que se passe-t-il encore Christian ? Tu t'es fait agresser?"
Excellent!
Bon, paraît qu'il faut déménager...
2005-06-04 15:44:40 de Christian

Mais avant de partir...
Heu... en relisant les messages, c'est ce passage de Au fil de l'O. que j'ai trouvé le meilleur. Donc, merci Au fil de l'O.
"Question : est-ce que les "OUIstes" pourraient arrêter de faire passer les "nonistes", dont je suis (malgré moi !! oui, c'est possible !!) pour des cons, des inconscients, des rétrogrades, des "qui-n'ont-rien compris", des racistes et des souverainistes à la solde de Le Pen ?? J'en ai plus que marre, et ne suis certainement pas le seul, à gauche en tout cas, de me sentir insulté, alors que la démocratie c'est justement, si on demande aux gens de répondre par oui ou par non (sur un texte qui mériterait beaucoup plus de subtilité), d'accepter qu'on puisse, justement, répondre non !! Sinon, c'est un référendum de république bananière..."
2005-06-04 15:48:18 de Christian

"Qu'ont-ils fait de "leurs choix politiques, "de leurs vies" en fait ?, comme dirait Jean-Michel Maulpoix,"sinon une sorte de longue phrase".
Sur ce blog, il y a des gens qui votent à droite et des gens qui votent à gauche... La lutte des classes et des places... ça dérouille aussi ici. Etonnant ? Pfffff ! ( Bruit de dégonflage d'un ballon de baudruche symbolisant des illusions et des convictions douteuses comme il se doit) . Il nous manque encore l'hélium de la générosité planétaire pour voter plus équitable...Je ne suis pas pessimiste, le pragmatisme est déjà dans la vie de quartier. Et si vous invitiez vos voisins européens à la fête de la musique le 21 Juin ? je suis sûre qu'il y a des concerts qui sont à venir ....
Signé: Dame Fourmi
2005-06-06 18:40:53 de Marie.Pool

Chère Marie Pool,
je n'ai pas vraiment eu l'impression qu'il s'agissait ici d'un débat Gauche / Droite. Surtout que l'ultra gauche et les "syndicalistes révolutionnaires" (comme ils s'appellent eux-même) votent avec la "droite nationale" (idem) et avec les royalistes
2005-06-07 02:29:48 de Arnaud

Ni vous ni moi
ne savons très exactement les motivations de chaque citoyen(ne) lorsqu'il ou elle est sorti (e) de l'isoloir pour faire comptabiliser son vote. Les exégètes du baromètre en déduisent des tendances, d'hypothétiques mouvements ( qu'on appelle aussi manipulations médiatiques).Tout ce qu'on sait : Les grandes factions et les extrêmes ont fait le même geste et un résultat plus ou moins inattendu en est sorti. Je tiens simplement à évoquer l'irréductibilité probable de l'écart qui sépare des électeurs qui pensent qu'on ne peut produire de la richesse qu'en pressurisant la force de travail sur des secteurs donnés en sacrifiant le niveau de vie de certaines catégories de gens ( un mal nécessaire en quelque sorte) et d'autres qui persistent à croire que le taylorisme et la course au profit(faire de l'argent avec de l'argent, optimiser la rentabilité de l'homme au travail au mépris de sa santé et de ses droits) est une peste noire qui est toujours prête à renaître et à sacrifier telle un rouleau compresseur .
Le pouvoir n'aime pas que l'on conteste ses conceptions de l'homme au travail ou sans travail . Il se donne cent jours comme Napoléon (Voir du côté jcb) pour redonner confiance. A qui ? Pas à moi en tout cas. Je ne crois pas à la théorie des hommes providentiels ni de DROITE ni de GAUCHE , Je crois au travail d'équipe étayée par une éthique solide et je continuerai à soutenir ceux qui acceptent une plus juste répartition des richesses avec des plans ambitieux et généreux. C'est tout !
Surtout que l'ultra gauche et les "syndicalistes révolutionnaires" (comme ils s'appellent eux-même) votent avec la "droite nationale" (idem) et avec les royalistes ?
N'est-ce pas là un effet de contre-pouvoir et non pas de collusion ? Cela ne les légitime pas pour autant. Tout ce qui est fomenteur de violence corporatiste est
dangereux pour tous.
2005-06-07 19:23:16 de Marie.Pool



Mardi 31 mai 2005. Démunis d'oreilles sont ces mutants.

Attention le poète-biométricien arrive au galop !
Il boute hors Matignon l'indécrot-
table boutiquier soi-disant d'impec-
cable bilan. Et derrière
ce grand homme à la mode,
l'indispensable roquet qui tantôt raflera la mise sautille et fourbit...

Foin du contexte européen. Quoi ? Urnes ?
Un jamais élu et fier de ne l'être
va nous mettre par derrière le Non des bulletins ;
de la France d'en bas à celle du vil pain,
ils n'ont cure de vos cris.
Car futés : démunis d'oreilles sont ces mutants qui nous gouvernent profonds...

À part cela, pas grand-chose à dire. Et puis la lecture des commentaires d'hier, ça occupe, non ? Même pas un petit ping-pong... Ah si, quand je corrigeai des copies, ce matin, dans le shinkansen... On avait demandé la conjugaison de quelques verbes dont peser. L'étonnement de voir qu'une étudiante l'avait conjugué : je pète, tu pètes, il pète, nous pétons, vous pétez, ils pètent. Ça sent la pompe mal gérée...


un agrege es raflerie ne se les laissera pas rafler aisement : car ce pays est plein de sarkophages
2005-05-31 17:11:49 de ali guieri

Mon Dieu j'apprends que Cecilia quitterait Nicolas,
vite, que l'on m'amène mes sels !!!
2005-05-31 18:28:52 de arte

Sourd ! Sourds !
Celui que certain(e)s ont fait roi, roi des Fous, fou du roi, n'a point de plages irlandaises pour s'en aller dignement ; à mon avis, même le cul des bonnes vaches corréziennes est encore trop noble pour son définitif exil .
Rage !
2005-05-31 20:24:49 de grapheus tis

Remarque, un truc qui pèse sur la ventraille, ça peut faire péter… la personne essayait-elle de faire passer sa détresse ? :)
2005-06-01 01:53:36 de Acheron


©Berlol, 2005.