J
ournal LittéRéticulaire de Berlol

Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Avril 2005

<< . 1 . 2 . 3 . 4 . 5 . 6 . 7 . 8 . 9 . 10 . 11 . 12 . 13 . 14 . 15 . 16 . 17 . 18 . 19 . 20 . 21 . 22 . 23 . 24 . 25 . 26 . 27 . 28 . 29 . 30 . >>


Vendredi 1er avril 2005. Quels rivages...

À onze heures, T. et moi allons chez le coiffeur, mais pas le même. Pour elle, c'est dans la rue Kagurazaka, dans la première montée, chez un coiffeur qui est fils de coiffeur et dont le père coiffe encore à l'étage ce qui reste de sa clientèle d'autrefois. Pour moi, c'est dans une ruelle perpendiculaire, un peu après le temple Bishamonten, un coiffeur chez qui Bikun m'avait emmené il y a trois ans et auquel je suis resté fidèle (quand on a expliqué à quelqu'un ce dont on a besoin avec la quinzaine de mots dont on dispose ce jour-là et qu'il le fait bien, je ne vois pas pourquoi en changer). J'en ai pour moins de quarante minutes. En sortant, j'achète des fruits et des légumes dans une boutique de la même ruelle. Rentré à la maison, je me prépare une salade avec une grosse tomate émondée et plein de persil. Puis je regarde l'un des Max Pecas achetés il y a quelques jours, Deux Enfoirés à Saint-Tropez (1986), très nul et très drôle. J'étais à Saint-Tropez en 1983, veilleur de nuit dans un hôtel de Ramatuelle de mai à septembre, comme je l'ai déjà dit. J'ai vu un peu de tous les personnages de ce film, j'en ai servi, je leur ai donné leur clé, je leur ai préparé des cocktails, je leur ai servi des petits déjeuners, j'en ai détesté certains, j'en ai admiré d'autres, la nuit je lisais Sarraute, je lisais Simon, je lisais Gracq, je lisais Balzac, j'écrivais à Nicole qu'elle me manquait...
Le jour où j'arrivai, fauché, dans cette région pour la première fois de ma vie, c'est un homme déjà âgé et intéressé par ma jeunesse qui me sauva de la misère. Il me prit en stop, me dit qu'il était tard, que je devrais passer la nuit chez lui et y voir plus clair le lendemain. Il sut que nous parlerions de littérature, déjà, et il sut sans doute, bien qu'il me l'eût proposé, que je refuserais de coucher avec lui. Le lendemain, il me paya le train pour rentrer à Paris et me téléphona une semaine plus tard pour m'informer qu'une place de veilleur de nuit était à prendre à Ramatuelle.
Voilà à quels rivages me ramène le film de Pecas pendant que T. se fait coiffer (elle en a pour plus de trois heures).

Les membres de Litor semblent contents de la reprise des envois. D'un seul coup, j'ai plus de dix messages à leur faire passer. Pendant ce temps, j'enregistre des émissions de France Culture : Une vie une œuvre sur Walter Benjamin, Projection privée avec Audiard, Travaux publics sur Google versus BnF... Benjamin domine d'une tête, largement.

Dîner d'anniversaire avec T. Elle voulait quelque chose de simple, pour la tranquillité, l'aisance... Elle avait réservé au Saint-Martin. On a pris un pommard 1999, mangé des asperges, du confit de porc au cassis. Demain, on ira prendre plus de risques, ailleurs, peut-être...


Pomard, c'est un ersatz japonais ?
Si c'est une faute de frappe qui supprime un M, il ne te reste plus, pour " prendre plus de risques, ailleurs peut-être", à boire du Pétrus...Mais attention que les japonais ne te servent pas du petruss.
2005-04-01 22:08:39 de jcb

Oui, avec deux "M", bien sûr...
On mettra ça sur le compte de l'heure tardive... Je le corrige dans le texte.
Ceci dit, le bourgogne me donne un peu mal à la tête alors que le bordeaux habituellement non. As-tu une explication à cela?
2005-04-01 23:17:07 de Berlol

Leonce va-t-il épouser Edith ? J'avance, j'avance !
2005-04-02 11:26:24 de arte

Ah bah en voilà une bonne nouvelle !
2005-04-02 12:27:48 de Berlol

Et dans tout ça, tout de même un excellent anniversaire à T. !! et deux bises, à répartir comme bon vous semble !!
2005-04-02 13:32:15 de Au fil de l'O.


Samedi 2 avril 2005. Les coïncidences font des étincelles.

Le décalage horaire, les calories du dîner, le vin, le café et le thé s'entendent pour me réveiller à quatre heures du matin et plus une once de sommeil. Balloté de pensées dans la tiédeur du lit, un réveil plus vif m'ouvre les yeux quand je m'aperçois d'une coïncidence supplémentaire entre hier et ce jour d'avril 1983 que j'évoquais hier, après en avoir entamé le récit l'an dernier. Qu'il m'ait fallu près d'un an pour reprendre ce fil d'avril ne laissera pas les analystes indifférents, c'est leur affaire. M'impressionne beaucoup plus que T. ait choisi une entrée d'asperges blanches que nous avons partagé et qui se révélèrent excellentes (effaçant l'exécrable souvenir de celles du Luxembourg le 19 mars).
En effet, après avoir été recueilli par cet inconnu de Saint-Tropez, d'ailleurs domicilié à Neauphle-le-Château, après avoir passé une partie de la nuit à discuter de littérature et notamment de Marguerite Duras qu'il connaissait personnellement, après avoir dormi quelques heures dans un canapé et pris un léger petit déjeuner, il m'emmena, dans le but de me présenter à des gens qu'il connaissait et qui pourraient peut-être me fournir un emploi, dans un restaurant d'une des seules plages de Saint-Tropez ouvertes en cette saison. Là, sous une treille, face à une mer printanière, ébloui de soleil et de chic, je mangeai les plus incroyables asperges de ma vie. Une botte ficelée d'une dizaine d'asperges blanches, bien épluchées, idéalement cuites debout et servies avec une sauce hollandaise ou mousseline, je ne sais plus. Ce choc du goût fut si intense que je n'eus aucune déception à ce que mon bienfaiteur ne trouvât pas les personnes auxquelles il avait pensé et qu'il proposât enfin, peut-être pour se débarrasser de moi, pensé-je alors, de me payer le billet de retour pour Paris.
Les coïncidences sont des étincelles, elles éclairent joyeusement ou mettent le feu. Elles font rejouer dans notre présent les morceaux de passé qu'elles entrechoquent et les relancent vers un destin merveilleusement inconnu.
Ayant raté de le revoir l'année suivante lors d'une permission qui me permettait de quitter pour trois jours l'infâme camp de Canjuers où j'effectuais mon service, je n'eus plus jamais de nouvelles de Monsieur de R.

J'écris cela alors que l'après-midi touche à sa fin, que T. et moi sommes retournés au Saint-Martin pour son poulet-frites et pour finir le pommard (je confirme que les frites y sont meilleures que partout où j'ai pu en manger en France), puis qu'elle m'a laissé à la maison pour aller à une réunion des pascaliens japonais (qu'elle dit...).
J'ai presque fini la compilation du JLR de mars. Copiant-collant-corrigeant, j'en ai profité pour enregistrer la série des Chemins de la connaissance consacrée à la résistance au Moderne (Antoine Compagnon le 21 mars, Daniel Bensaid le 22, Pierre Manent le 23, Philippe Sollers le 24 et Philippe Forest le 25) puis le Surpris par la nuit d'hier soir sur Kafka.

« Cher Denis,
Quand tu liras ma lettre, il y aura longtemps que je serai parti. J'ai trouvé cette grotte il y a trente ans, en allant aux champignons. [...] Mon avis est que les gens d'aujourd'hui, surtout tous ceux-là, les savants, que j'ai vu faire avec les Mérovingiens du Mont Beuvron, ne comprennent rien à tout ça et qu'ils ne respectent pas la volonté des Anciens. As-tu vu les nageurs sur le mur ? J'ai jamais vu un de ces messieurs qui sont venus ici pour les fouilles aller nager au déversoir. Donc, j'ai réfléchi que le mieux serait de tout laisser comme c'est et de nous laisser dormir tous ensemble dans notre rêve jusqu'à des jours propices. [...]
Si tu es d'accord avec nous, Anselme saura comment faire pour bloquer l'entrée avec de la dynamite et tout sera reparti pour quelques siècles en attendant des temps meilleurs pour les rêveurs et les nageurs. [...]
Louis.»
(in Denis Grozdanovitch, Rêveurs et Nageurs, p. 116-117 — émouvante plongée dans de multiples temps, difficile de ne pas se dire qu'on est là au cœur même de l'art et de la littérature, surtout lorsque j'étais à dix mille mètres d'altitude, dans l'avion qui me ramenait chez moi.)


Kafka : lire absolument Lettres à Milena, comprenant en appendice une lettre de Milena à Max Brod, sur Kafka : "Je crois plutot que c'est nous tous, le monde entier et tous les êtres qui sommes malades et que lui est le seul à être sain..."
2005-04-02 19:16:39 de arte

Arte est ici ! j'en étais sur ! bon Berlol, je te demande de refuser les commentaires d'Arte tant qu'il ne se remet pas au boulot.
2005-04-02 21:12:36 de philippe U

Eh, ça fait un moment qu'il est bloqué sur sa "centième" ! Moi, j'y suis pour rien... Y passe, y passe pas... I'm laisse des trucs en bas de page, moi chu pas là pour nettoyer, hein ! Frédérique, dis quelque chose, toi, y t'écoute !
Ou alors il est envahi par les ronces...
2005-04-03 10:09:12 de Berlol

Pas des ronces, "... des herbes immenses venues des profondeurs des sous-bois [...] ".
2005-04-03 10:58:37 de arte

Je préparais un article sur les coïncidences pour mon tout récent blog lorsque je découvris le vôtre... C'était presque trop beau pour être vrai. Je me disais que j'allais dépasser ma timidité pour vous poster enfin un commentaire, moi qui vous lis quotidiennement depuis des mois. Et puis voilà que l'article suivant, vous tonnez contre la mise en boucle médiatique de la mort du pape, alertant justement sur les faillites de la politique vaticane en ce qui concerne le sida. Mon enthousiasme en fut aussitôt refroidi : mon article parlait justement du pape et d'une curieuse coïncidence routière le concernant. N'allais-je pas susciter votre dédain ? C'était bien mal engager l' échange. Je me lance néanmoins, n'ayant au fond rien à perdre. La proximité des deux notes n'étant peut-être pas elle même dépourvue de signification ?
2005-04-04 00:38:21 de Robin Plackert

Cher Robin,
Le sujet des coïncidences édifiantes nécessiterait en soi un livre, à la façon de Quignard ou de Grozdanovitch. La vôtre est fort intéressante et qu'elle concerne le pape, en l'occurrence, ne me gêne pas du tout. En fait, je suis plus désolé du matraquage médiatique et de ce qu'il implique comme ostentation révérencieuse que de l'Eglise ou du pape.
En revanche, je suis très heureux qu'un de mes lecteurs sorte du bois ! Et me fasse par contrecoup découvrir sa prose à lui!
2005-04-04 01:35:27 de Berlol

Cela ne fait-il pas une autre coïncidence (entre l'article et le blog) ?
2005-04-04 04:55:17 de Manu

Cher Berlol, heureuse que vous parliez de Rêveurs et nageurs et singulèrement de ce que je tiens pour le coeur de ce très beau livre, toute la partie intitulée Apologie des fantômes, libre variation sur la mort, le souvenir des morts, le commerce des morts, les visites des morts, etc. "Où se rencontrent les morts si ce n'est sur les lèvres des vivants ?" s'interroge Grozdanovitch avec Samuel Butler, on pourrait le paraphraser et écrire "Où se rencontrent les morts si ce n'est dans entre les pages d'un auteur particulièrement vivant".
Pour la petite histoire j'ai découvert Grozdanovitch cette année seulement, après son passage en poche et à peine lu Petit traité de désinvolture, j'ai plongé tête baissée dans Rêveurs et nageurs.
2005-04-04 17:55:31 de florence Trocmé

Justement, je me demandais si c'était par vous, par Remue.net ou par France Culture que j'avais entendu parler de lui en premier. Et cela, assez récemment... En tout cas, il y a eu un tir groupé qui a réussi à attirer mon attention et, rendu chez Corti même, je ne pouvais pas manquer de répondre à l'appel.
Et merci, Manu, de relever qu'effectivement il y avait là une coïncidence de coïncidences, une coïncidence au carré !
2005-04-04 18:30:48 de Berlol


Dimanche 3 avril 2005. Ne pas y croire est aussi une fiction.

Comment je me suis fait ramasser, au ping-pong ! Pour une reprise, il n'y avait que Katsunori. Je pensais qu'en m'y mettant sérieusement, je pouvais le battre. En plus, il faisait beau, le ciel me souriait — mais j'oublie toujours qu'il sourit aussi aux autres, le magnanime. On s'est bien entraîné et j'ai fait, comme d'habitude, des smashs et des spoons, mais sans la régularité du jeu qui permet d'accumuler des points. On m'applaudit un beau coup et on oublie que j'ai perdu les cinq poins précédents sur des amorties foireuses et les cinq points suivants sur des balles trop longues... Le compteur, lui, n'oublie pas.
Manu avait prétexté qu'il venait d'être père pour la seconde fois. Comme c'est du 1er avril, sa paternité, on pouvait croire que c'était un poisson. Mais non, c'est une fille. Longue vie à la mère et à la fille !

À propos de longue vie... Jour important, s'il en est, dans notre maisonnée, car c'est l'anniversaire du père de T. !
Ses 92 ans ont bien failli n'avoir jamais lieu, et ce depuis mai ou juin dernier. Et puis voilà, quand même, qu'il les a. Je lui ramène d'un grand magasin de Shibuya un bel assortiment de manjus (gâteaux japonais).

Difficile d'avoir un journal télé ou une radio d'info qui parle d'autre chose que du pape. Comme si la France était un pays totalement chrétien... Je suis content d'en être parti. Je peux avoir la paix, ici. S'il s'agissait d'une autre religion, je ne suis pas sûr qu'on en parlerait tant. À quoi sont inféodés, ou auto-inféodés, les médias français ? Qu'ils donnent l'information, c'est bien. Mais qu'ils la répètent en boucle et fassent se succèder à l'infini les témoignages et les reportages sur, du pape, l'héroïsme, l'importance, le message, la ferveur, la génération, les voyages, la maladie, etc. Il y va là d'un zèle que je trouve malsain en démocratie républicaine laïque.

La parole de Dieu, du Christ, du pape ? Leur message d'amour, d'espérance, de paix ?...
Foutaises !...
L'interdiction du préservatif est cause de millions de morts en Afrique. De même que les tarifs pratiqués par les très chrétiens fabricants de tri-thérapies.

L'identité est une fiction. La nation est une fiction. La religion est une fiction. Leur amalgame produit un puissant stupéfiant dont l'addiction concerne des centaines de millions de personnes — qui peuvent ainsi être menées par le bout du nez tout le long de leur vie. Sans jamais sortir des fictions emboîtées, ni même avoir aucune conscience de leur existence ou de leur emboîtement.
Ne pas y croire est aussi une fiction...


« Nous nous devions d'être tristes lorsqu'un acteur que nous appréciions tout particulièrement en venait, pour quelque raison, à faire défaut, mais sa disparition du devant de la scène n'était pas beaucoup plus dommageable, à vrai dire, que le temps requis afin de pourvoir à son remplacement (par un collègue peut-être un peu moins bon, peut-être un peu meilleur, mais qui, fatalement, finirait par faire oublier le précédent). Le fait que cette théorie de l'interchangeabilité des êtres nous apparaisse au premier abord comme cynique et scandaleuse n'était peut-être que l'heureux effet de notre intérêt pour le spectacle ? »

(Denis Grozdanovitch, Rêveurs et Nageurs, p. 136 — évidemment, je détourne ici le sens du texte, qui concerne en réalité l'enterrement d'une amie comédienne que le narrateur connaissait depuis trente ans, mais j'ai la très nette impression que le texte se veut généralisable et en quelque sorte qu'il appelle au détournement...).
Douce pluie sur les camélias
Danger pour les cerisiers
Rentrons vite le linge !

rien j'ai pas eu le courage de lire mais euh à priori je suis d'accord
2005-04-03 18:15:39 de ani

j'ai lu , et je confirme ce qui j'ai dit précédemment
2005-04-03 18:20:49 de ani

Respect pour la personne du Pape, pour son aptitude à la parternité virtuelle . Désaccord pour ses idées inconséquentes sur la procréation et la protection contre les maladies sexuellement transmissibles . Si la religion est l'opium du peuple... j'ose espérer l 'introduction des femmes parmi les cardinaux au Vatican ( ils paraît qu'elles vivent plus longtemps et je suis sûre qu'elles feraient voler en éclat pas mal d'interdictions mal inspirées...).
Les reportages télé sur la fin de vie de ce Pape Polonais me sont apparus indigents et tendancieux (les pleurs de la petite fille à Cracovie qui avait peut-être d'autres raisons à son chagrin = le journaliste ne vérifie pas, il affirme qu'elle fait partie de ceux qui pleurent le pape ). La manipulation du spectateur est flagrante...A cela s'est ajoutée l'incongruité de l'arrêt brutal de l'émission sidaction sur la première strophe
de la chanson "BESA ME MUCHO" par Arielle LONSDALES accompagnée par les Gypsie Kings... Edition spéciale sur l'annonce de la mort du pape, puis reprise de la chanson sur un mode encore plus sensuel et provocant ... Quelle salade d'images et de contradictions !
L'idée à garder reste pour moi les efforts à fournir pour la vraie solidarité :
Fraternité
Arrachez tous les drapeaux
les drapeaux de toutes les nations
arrachez-les du mât d'orgueil
Faites-en un linge
pour accueillir l'enfant
Faites-en une robe
pour la danse
ou un foulard peut-être
au cou des miséreux
Etendez-les comme un drap
pour le repos
du vieil homme
Haussez-les sous le vent
pour parcourir la vague
Arrachez les drapeaux
qu'ils soient la nappe immense
sur la table des hommes
Jean-Pierre SIMEON, Sans frontières fixes, Cheyne, poèmes pour grandir,2001.
2005-04-03 23:06:08 de Marie.Pool

Berlol a écrit : « L'identité est une fiction. La nation est une fiction. La religion est une fiction. Leur amalgame produit un puissant stupéfiant dont l'addiction concerne des centaines de millions de personnes — qui peuvent ainsi être menées par le bout du nez tout le long de leur vie. Sans jamais sortir des fictions emboîtées, ni même avoir aucune conscience de leur existence ou de leur emboîtement.
Ne pas y croire est aussi une fiction... »
Tout à fait. Donc, pour reformuler ce que tu écris, et en reprenant le mot de Balibar : dire que la nation est une fiction ne veut pas dire qu'elle soit fictive.
En tant qu'entité élaborée au 19e siècle, puis re-produite en permanence depuis, elle existe bien réellement, et nous vivons en son sein, l'imaginant en permanence afin de mieux la réaliser et la re-construire.
Pour la question du ping-pong, plus tard, dans vingt ans, lorsque tu mettras en forme tes Mémoires, tu écriras peut-être que c'est vers cet âge-ci qu'a commencé ta désillusion sportive ? ;-) Mais bon, l'essentiel c'est de ...
2005-04-04 04:11:46 de Arnaud
En fait, le pape a aussi fait des choses bien. J'étais moi-même resté bloqué sur la question de la contraception, mais les biographies vues à la télé ces derniers jours m'ont fait revoir un peu mon opinion (sur le reste).
Ceci dit, lui consacrer un journal entier (TV5), deux jours de suite, c'est trop. Comme si plus rien d'autre ne se passait dans le monde ? Tout ne s'est quand même pas arrêté pour pleurer le pape !
Bon, moi je vais retourner à mon nouveau rôle de (double) papa.
2005-04-04 04:53:46 de Manu

Un peu d'air frais dans ce monde qui tourne depuis quelques jours autour du nombril du pape ! J'en étais à me dire que j'étais seule à en avoir rien à foutre de ce vieux réactionnaire...
Tu vois, Manu, tu dis que tu as revu un peu ton opinion. Méfie-toi de la propagande. Car actuellement, on n'en est plus à l'information avec les médias, mais bien à la propagande religieuse. La télévision publique consacre sa soirée du dimanche à une biographie qui avait fait un tabac sur la RAI (c'est dire le film de propagande que c'est), les journalistes qui parlent du "Saint Père", le mot "saint" étant déjà un jugement de valeur, tout celà me fatigue considérablement. Sans parler des journaux... Sur le site du Monde, il y a un diaporama retraçant la vie de JPII avec des commentaires des plus mielleux à son égard. Heureusement, il y a Libération qui est un peu plus critique.
Au fait, pour l'instant, je n'ai pas entendu parler de la responsabilité de l'Eglise dans le massacre du Rwanda, de la protection que celle-ci a apporté aux criminels... C'était qui le pape, à ce moment-là ?
2005-04-04 08:05:33 de Caroline

Vous avez un ensemble de rétrospectives et d'articles thématiques sur Jean-Paul II très intéressant sur lemonde.fr . Je dis cela sans entrer dans le débat du pour ou du contre, mais juste comme information.
Sinon, pour revenir sur un autre sujet touchant à l'infrastructure, je viens de lire un article présentant une activité tout à fait lamentable du néolibéralisme. Mais le "néo" est-il toujours justifié ?
« 6 euros de l'heure, qui dit moins ? Un emploi aux enchères sur le Net
LE MONDE
Francfort de notre correspondant
Dans le climat de crise sociale qui sévit en Allemagne, le sens de la provocation du site web jobdumping.de, qui propose de trouver un travail en ligne, aux enchères, n'a pas tardé à lui assurer une grande notoriété. Pour accéder bien souvent à des petits boulots, les candidats postulent en renchérissant pour un salaire toujours plus bas. Sous le pseudonyme de Meikel, une échoppe de Berlin propose ainsi un contrat d'une durée de 25 heures, à 6 euros maximum de l'heure, pour vendre des viennoiseries et du café. Alors, qui dit moins ? Ce type d'annonce laisse planer le doute sur le respect de la législation sociale allemande.
Le site boeckler.de, qui appartient à la Hans Böckler Stiftung, la fondation des syndicats, qui recense les salaires-planchers, indique en effet qu'un salarié ne peut théoriquement gagner moins de 6,05 euros de l'heure à Berlin dans les services de travail temporaire, 6,93 euros selon la convention collective des cafés et des hôtels ou 8,14 euros dans le commerce de détail.
Le créateur du site, Fabian Löw, 31 ans, indique qu'il n'encourage pas la transgression mais qu'il n'est pas responsable du respect de la législation. Il insiste sur le fait que l'annonceur peut aussi retenir le candidat le plus qualifié plutôt que le moins cher. Et qu'à l'inverse les salariés peuvent aussi proposer leurs services sur son site, selon un système d'enchères classiques. A l'image d'un certain Foxx, de Marburg, qui propose de remplir les déclarations de revenu pour un forfait d'au moins 25 euros. Qui propose plus de 25 euros ?
800 EMPLOIS PAR MOIS
Depuis la création de son portail, en novembre, avec un associé et deux salariés, M. Löw revendique le placement de 1 300 emplois, avec un rythme mensuel de 800 emplois. Diplômé d'économie sociale, le créateur du site jobdumping.de reconnaît qu'il a joué délibérément la "provocation" pour se faire connaître. En même temps, il adhère à la théorie libérale en matière de marché du travail : "Si nous gagnions tous moins, il y aurait des produits fabriqués moins chers et donc une hausse du pouvoir d'achat et une augmentation de la demande intérieure." Selon lui, les Allemands, "champions du monde des lamentations", devraient prendre conscience qu'ils "ne sont plus productifs".
Enfin, explique M. Löw, jobdumping.de est bel et bien un "portail politique". Il a d'ailleurs créé le même site en version dite "neutre" : lohnauktion.de (enchères de salaires). Ayant collaboré au petit parti libéral FDP au Parlement régional de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, les déclarations du porte-parole pour les questions sociales du FDP, Dirk Niebel, dénonçant une "idée immorale" ou un "marché aux esclaves" le font sourire. A l'intérieur, dit-il, les libéraux "sont tous pour".
Adrien de Tricornot
Article paru dans l'édition du 02.04.05 »
2005-04-04 08:09:00 de Arnaud

D'accord avec Caroline.
Sur la question du préservatif, j'ai une connaissancei ("catho") qui avait quatre enfants à 34 ans mais sans travailler lui-même et en faisant travailler sa femme, le tout en justifiant cet état de fait par "la volonté divine". Et soit disant le "saint-esprit" lui aurait parlé en plus. Depuis ce jour-là, moi en tout cas je ne lui cause plus beaucoup...
Le pape a fait quoi de "bien" ? A part rassurer les fidèles, je ne vois pas. Certes, c'est déjà beaucoup, car on sait comme ils ont besoin d'être rassurés.
2005-04-04 08:13:11 de Arnaud

J'ai passé une bonne partie de mon dimanche à écouter france info et l'actu sur JPII. Hier soir j'ai regardé une émission sur France 5 sur le même sujet. Je n'ai pas acheté de journal, pas cherché d'info complémentaire sur le web. J'aurai pu, je le ferai peut etre.
Je me dis que c'est moi qui ai appuyé sur le bouton on de mon poste de radio, ou de tele quand j'ai souhaité savoir, moi qui ai appuyé sur le bouton off quand j'ai considéré que ça suffisait. QUe c'est moi qui ai décidé de ne pas acheter de journal, de ne pas lire les sites. Je me dis que les autres infos importantes que j'avais à connaitre, on me les a données : la grève des urgentistes, marseille-psg 1:1 ... :) et que si j'en avais voulu plus j'aurais pu les trouver.
Ca fait un moment que les médias se comportent comme ça. On dit depuis la première guerre du golfe. Lorsqu'il y a un "événement", quelqu'il soit, ils surinforment, ça dure deux, trois jours. Bon. Ca ne me semble pas hyper grave. On reste quand même acteur, à nous de prendre ou de laisser, on ne nous impose rien.
Perso ça m'a intéressé ces infos. D'abord parce que ça touche 550 millions de personnes, et que je compatis. Ca m'a interessé d'en apprendre sur le fonctionnement de l'organisation catholique, sur JPII , son rôle dans la création de solidarinosc, sa personnalité autocratique, sur ce qu'on attend du prochain pape. D'accord l'info était un peu condensée, mais disons que c'est l'occas de s'y intéresser et d'en savoir plus.
Je suis athée, laique, on ne peut plus laique. Je ne comprends toujours pas qu'il y ait des écoles privées par exemple et qu'on sépare dans le processus d'éducation (et soit disant de formation des citoyens de demain) les communautés qui doivent vivre ensemble.
Mais je ne me suis pas sentie offensée, toute cette info n'a rien remis en cause. Je n'ai pas changé d'avis. Et d'ailleurs on ne m'a guère parlé de Dieu ou des évangiles.
Et que l'état souhaite marquer le coup en disant aux cathos, communauté importante et très ancienne en france : on compatit .... pourquoi pas, y' a pire comme crime. Parce qu'il faut travailler à l'intégration des musulmans par exemple, à la liberté de leur culte ... il ne faut pas pour autant oublier que la religion catho existe et fait partie de notre histoire.
Voilà ... sinon reste le problème du traitement de l'info. Des infos plus ou moins exhaustives, plus ou moins exactes qu'on nous délivre. De toute cette mise en scène de l'info que pratiquent certains médias. Là c'est un autre problème. C'est parfois révoltant. Je ne sais pas si nous avons d'autres choix que faire nous même le tri.
Bises !
2005-04-05 23:07:31 de l\\\'unedesdeux


Lundi 4 avril 2005. Affaibli et ébloui, je signe.

D'habitude, en prenant mon petit déjeuner, j'aime bien regarder le 20 Heures de France 2 par l'internet. Mais ce matin, trop c'est trop. Troisième jour de journal entièrement consacré au pape ! Je coupe. Idem dans le 19-20 de France 3. Comme si sous nos yeux, à en croire les journalistes, notre pays redevenait très chrétien, comme si notre royaume avait toujours été cette nation fille de l'Église... Tel un cheval de Troie, une sorte de prosélytisme triomphant, à la fois morbide et résurrectionnel, pourrait-on dire, accompagne les légitimes jérémiadeson peut y aller à fond, c'est le moment où jamais !, se disent-ils, car toute critique pourra aisément être dénoncée comme irrespectueuse et inconvenante. Machiavélisme !

Ayant été déçu par ailleurs sur le site ridicule de la TNT en constatant que cela ne concernait en rien une éventuelle diffusion en numérique sur le réseau internet, c'est sans espoir que je cherche le site de la chaîne i-télévision, découverte durant cette dernière quinzaine à Paris.
Ô miracle ! Non seulement il y a un site de i-télévision. Mais en plus il y a diffusion en direct de l'intégralité du programme !

Moins agréable : c'est jour de dentiste. T. m'accompagne (pour le vocabulaire de base à apprendre — ouvrez ! fermez ! rincez ! plus grand ! merde, j'ai dérapé... —, après j'irai tout seul, enfin peut-être...).
De 11h20 à 12h40, je reste sur le billot, non, sur le billard, enfin dans le fauteuil. Finalement, il est gentil et assez doux, ce dentiste, surtout sous anesthésie. Il explique bien à T. ce qu'il va faire mais elle ne me traduit pas tout. Moi, je me concentre pour me décrisper, je ferme les yeux, je laisse faire. De temps en temps, j'ouvre et je vois passer des pinces, des cotons, des roulettes, des moulages, etc. Par la suite, T. m'explique qu'en vue d'installer une nouvelle couronne, il a coupé au laser un petit bout de la gencive. Ah bon ! Heureusement qu'on ne me l'avait pas dit comme ça avant !... Ensuite, il a fait une dent provisoire en résine et me l'a collée dans le trou. C'est nouveau, ça. Encore deux séances avant fixation d'une couronne définitive.
Paraît que ça repousse, la gencive. Comme les queues de lézard...
Juste après, T. m'emmène dans une agence de voyage pour négocier quatre jours dans le Kyushu début mai, pour aller voir la famille de son père. Affaibli et ébloui, je signe...

De retour à la maison, je découvre les commentaires au JLR d'hier. Je m'attendais à une levée de boucliers contre mes propos jugés anticléricaux ou quoi, mais ce n'est pas le cas. J'ai même l'impression, finalement, qu'il y a beaucoup de gens comme moi qui, sans vouloir accabler outre mesure les fidèles, réclament quand même un peu d'air, un peu de respect pour la laïcité.
Laïcité piétinée par la mise en berne des drapeaux français, l'année même du centenaire de la loi de séparation de l'Église et de l'État !

Dégouté, en attendant de meilleurs temps, je retourne aux Rêveurs et Nageurs...


j'adore le lien pour expliquer le vocabulaire, j'ai jamais trouvé de dictionnaire sur le net qui soit assez explicite pour le petit peuple que je représente .
arrête les infos c mauvais pour la santé
2005-04-04 18:48:17 de ani

J'ai peur, si le prochain pape était Francais ...
2005-04-04 19:33:12 de arte

Un pape français? Seigneur, je n'y avais pas pensé! Tremblons ensemble, Arte, c'est si bon.
Et allons prendre l'air, que diable, on étouffe dans la lucarne, au milieu de toutes ces soutanes.
2005-04-04 20:57:12 de Frédérique Clémençon
Haa, si le prochain papa était françois. Voilà une hypothèse redoutable. Il n'y a qu'à voir comment cela c'est passé en Pologne (et comment c'est bien sûr en Italie) pour comprendre qu'il n'y aurait rien de mieux pour "rebooster la foi"...
Un pape africain, moi je dis, rien de mieux pour faire réfléchir les chrestiens à l'Altérité et les mettre devant les contradictions de leur pseudo-universalisme.
Berlol : pas de levée de bouclier. Tous les républicains sont avec toi !
Vive la république !
2005-04-05 01:51:31 de http://

Oublié de mettre mon nom. Le post juste au-dessus est de moi.
Et je répète : vive la République !
2005-04-05 01:52:37 de Arnaud

Je cite une nouvelle fois le Monde, qui passe des articles assez contradictoires ces dernières jours, au sujet de la mort du pape (sans majuscule, merci).
« Le deuil public pour le pape choque les libres-penseurs
LE MONDE |
n en fait trop". Telle est la tonalité générale de ce qu'il est convenu d'appeler les milieux laïques sur les hommages officiels qui accompagnent la mort du pape. "Aurait-on mis les drapeaux en berne pour un grand imam ou pour le dalaï-lama ?", s'interroge Jean-Marc Roirant, secrétaire général de la Ligue de l'enseignement, qui juge "un peu anachronique que l'on considère encore le Vatican comme un Etat". Cet hommage est "malvenu", juge Michel Tubiana, président de la Ligue des droits de l'homme (LDH). S'il ne critique pas la présence de Jacques Chirac à Notre-Dame de Paris, dimanche 3 avril, "à titre privé", il juge l'attitude des pouvoirs publics "disproportionnée".
Les libres-penseurs militants sont les plus virulents. Christian Eyschen, rédacteur en chef de La Raison, le journal de la libre-pensée, parle de "violation de la liberté de conscience" à propos de la mise en berne des drapeaux et qualifie de "scandaleuse" la présence de M. Chirac dans la cathédrale de Paris en tant que président de la République. "Il y a un vrai questionnement à mener, ajoute-t-il, sur le traitement médiatique de l'événement". "Il y a une overdose médiatique, renchérit M. Eyschen. "C'est la télévision catholique et non plus cathodique !" "On fait un cinéma de la commémoration de la loi de 1905, proteste-t-il encore, mais on voit bien, qu'en violation du texte, la religion n'est plus une affaire privée."
"Nous les laïques nous sommes légitimistes", assure M. Roirant un ton au dessous. Si Alain Bauer, ancien grand maître du Grand-Orient de France, aurait préféré que "la République s'abstienne" des démonstrations de deuil public, celles-ci ne le choquent pas outre mesure. Là n'est pas selon lui "l'essentiel". La façon dont le pape, "homme de paradoxe", est mort constitue pour lui "un message en faveur du droit de mourir dans la dignité adressé aux élément les plus rétrogrades de sa hiérarchie". Tous fustigent son conservatisme en matière morale et sexuelle. "Il a changé la peau de l'Eglise et non son contenu" juge le président de la LDH qui voit en Jean Paul II un partisan de l'"ordre moral". "Il y a deux personnalités chez le pape, pense M. Bauer. Une force moralisatrice et un immense pragmatisme". Laïques et libres-penseurs apprécient diversement le legs du pontificat de cet "homme plein de paradoxes". Et s'ils comprennent l'affliction des catholiques, ils estiment tous que l'Etat n'aurait pas dû s'en mêler.
Nicolas Weill
Article paru dans l'édition du 05.04.05 »
2005-04-05 07:08:43 de Arnaud

Ahhh Mademoiselle, j'ai jeté la lucarne par la fenetre il y a tant d'années... mais prendre l'air en tremblant, j'en frissonne d'avance...
Berlol, je vois sur la publicité en bas de ton blog :
"PEUR DU DENTISTE? :
Lutte contre la phobie du dentiste grâce à la thérapie des trois RV"
http://zahnarztangst.de/fr/
2005-04-05 08:21:03 de arte


Mardi 5 avril 2005. Comme des petites graines psychiques magiques.

Ajout du tableau de Bacon au JLR d'hier... Cette chute infinie sur un cri muet (c'est comme ça que je ressens ce tableau), ça m'est revenu tout à l'heure, avec David et mes collègues. Dans un restaurant près de la fac, on papotait gentiment pendant que nos nouveaux étudiants arrivaient. Ils sont ouverts et bavards. Un peu comme les cerisiers qui démarrent justement leur carrière depuis deux jours.

Denis Grozdanovitch : « D'ailleurs, j'ai une petite théorie sur la littérature. [...] Je ne pense pas du tout que la littérature passe réellement par les mots. Je pense que c'est quelque chose qui est totalement en-deçà des mots et que, dans les grands textes, il y a quelque chose de plus que ce que véhicule le langage. J'ai tendance à croire, comme les anciens Grecs, à ce qu'ils appellent les idola. Et je pense qu'il y a comme des petites graines psychiques magiques qui se transportent à côté des textes, une sorte de magnétisme qui vient de l'homme lui-même, qui traverse le temps. C'est un peu l'impression que j'ai. Bon, c'est peut-être un peu utopique mais...
Alain Veinstein : — Alors là, ces carnets noirs qui sont devant vous, ils sont plein de petites graines ?...
D. G. : — Euh... J'espère ! En tout cas, ça, ce sont mes carnets de citations. Je suis l'homme des carnets. J'ai différentes sortes de carnets. Des carnets de notation au jour le jour, des carnets où je rédige un tout petit peu plus et pour finir des cahiers où là... sorte de journaux, je reprends les notes de carnets pour les écrire encore un peu mieux, à la pointe Rotring — je me suis fait une méthode à la pointe Rotring et au blanc, vous savez, pour effacer, ce qui me permet d'avoir une belle écriture, parce que c'est très important pour moi que la calligraphie soit belle, et je n'aime pas les ratures, alors avec le blanc, je passe dessus et je refais, je me fais des beaux carnets, parce que la calligraphie a une importance. Voyez, pour moi, le côté sensuel des choses est très important, pas seulement intellectuel...
A.V. : — Donc écrire directement à l'ordinateur, ça ne vous viendrait pas à l'idée...
D. G. : — Non, je finis à l'ordinateur...
A. V. : — Vous achevez...
D. G. : — Oui, on peut dire comme ça... (rires)
A. V. : — Donc, des carnets qui constituent les matériaux des livres à venir...
D. G. : — Et alors, au cours de ces quarante ans pendant lesquels j'ai écrit dans l'ombre, si l'on peut dire, je ne savais même pas que j'étais en train de me faire un capital parce que finalement, là, plein de gens me réclament des textes, parce qu'ils ont compris que c'était dans des carnets. Et effectivement, quand un éditeur trouve un thème, je dis ah bah oui, j'ai ça, et alors je vais piocher dans mes carnets, j'ai deux caisses entières et je retrouve des textes que je re-rédige ensuite. Mais disons que c'est très important d'avoir la matière de départ. D'ailleurs, je voudrais dire une chose... Ernst Jünger, c'est quelqu'un que j'ai beaucoup lu, il dit à un moment que quand vous prenez des notes, c'est pas du tout littéraire — ça revient encore aux idola — quand vous prenez des notes, ce qui est très important, c'est de fixer quelque chose sur le papier et peu importe si c'est bien exprimé parce que, ensuite, quand vous le relisez, cette notation, elle rouvre le souvenir. Un peu comme les parfums. Il n'y a pas de souvenir d'un parfum. C'est le parfum qui rouvre le souvenir. Et de la même manière, c'est comme une sorte d'instantané photographique que vous développez avec l'esprit. D'ailleurs à mon avis il y aurait beaucoup à étudier de ce point de vue. Proust l'a un peu fait mais pas suffisamment, à mon avis. Il me semble qu'il y a un écrivain, d'ailleurs que je tiens pour le plus grand écrivain européen du XXe siècle, tristement méconnu, qui s'appelle John Cowper Powys, je le cite beaucoup, qui à mon avis est allé beaucoup plus loin que Proust dans l'examen de tous ces petits gouffres, en quelque sorte psychologiques, qui s'ouvrent sous nos pieds à tout instant dans la vie, lui, a été très loin dans l'expression de ces choses-là...
A. V. : — Quand on rouvre ces carnets, des années après, est-ce qu'on n'est pas un peu pris de panique ?
D. G. : — Pas du tout, non. Au contraire, ça me fait rêver parce que, je vous dis, d'un seul coup c'est un monde qui s'ouvre, c'est magique, et d'un seul coup tous les souvenirs me reviennent. Et je sens que si je n'avais pas noté, peu importe le mot que j'ai noté, ça ne se ferait pas. C'est en même temps un plaisir parce que les souvenirs reviennent et en vérité je travaille sur ces souvenirs qui reviennent par rapport à ces petits repères que je me suis fait dans les carnets. [...] » (dans l'émission Du jour au lendemain du 2 mars 2005).


Cliquez sur mon nom et vous saurez qui je suis...
2005-04-05 15:18:12 de Qui suis-je?

Je n'arrive pas à voir si le nouveau Troll aux pieds boueux est un Tyranosaure. Il va falloir lui proposer un paillasson .
Le pas est lourd et déterminé, et la logique balistique semble privilégier la diagonale... Comme c'est bientôt l'époque des barbecues ( on peut en mettre à proximité des tables de ping-pong), il va falloir l'appâter et le préparer avec des sauces japonaises... Il y en aura pour tout le monde, moi je réclame le blanc en nuggets, mais j'aime pas les morceaux pleins d'os et de nerfs... Et vous Berlol ?
2005-04-05 16:36:35 de Marie.Pool

Laissez rouler, c'est un troll laid... La première fois, ça fout les jetons, quand même. Si on arrive à le choper, je propose une sauce au wasabi, un truc qui arrache bien !
2005-04-05 17:16:14 de Berlol

moi ça me fait rire :d
2005-04-05 17:20:12 de arte

Un trolley ? Chance pour tous, il va y avoir des grèves ... On aura une excuse pour ne pas aller bosser...
2005-04-05 18:40:38 de Marie.Pool

Après Dino, le déluge: logique!
Cliquez sur mon nom...
2005-04-06 00:35:22 de Dino

Des idées dans de l'eau ça va fermenter sec. La fertilité intellectuelle n'en serait que boostée ? A l'aquarium de LYON ce Dimanche , http://www.aquariumlyon.fr, j'ai vu de très beaux poissons, un peu à l'étroit tout de même... Dommage qu'ils aient besoin de sel et d'eaux chaudes, je les aurais bien relâchés dans la Saône pour qu'ils rentrent chez eux.
Ne cliquez pas sur mon nom, les oeufs qui tombent font des shampooings interminables.
2005-04-06 09:03:44 de Marie.Pool


Mercredi 6 avril 2005. Il n'y a pas loin du fluide au délayé.

Hier soir, reprise du ping-pong à la fac. David a vu que c'était comme le vélo. Pas pour les pédales mais parce que ça revient tout seul. Puis j'ai dîné tranquille, ayant retrouvé mes nagoyennes pénates. Bikun, qui squatte chez moi depuis le début de l'Expo d'Aichi 2005, est rentré tard, ayant fait trop de photos après la journée spéciale Canada et une soirée de concert avec notamment Corneille et Alanis Morissette. On envie ce jeune photographe qui côtoie les stars mais il vous dira que son sac est bien lourd et que ça ne fait pas vivre son homme... Plaignons-le.

Ce matin, retour au sport et à la lecture sur vélo statique, dit sudavélo. Les quarante minutes sont longues, surtout vers la fin, quand ça dégouline de partout et qu'il a fallu fermer le livre pour ne pas le tacher. Idem pour les machines, allons-y mollo... Puis déjeuner avec David au Downey, où l'on constate que les menus avec hamburger n'existent plus, il n'y a plus que des menus avec sandwiches. Tout fout le camp ! Et pire encore, le restaurant d'en face, Chitaka, excellent pour le tonkatsu, a fermé pendant que je n'étais pas là (sinon, hein, on devine bien qu'ils n'auraient pas osé...). Il y a du changement macro-économique dans ce quartier... (nouvelle station de métro, nouveaux et nombreux buildings d'habitation de 20 ou 30 étages, réfection complète de l'hôpital, construction de splendides bâtiments de l'université de Nagoya, etc.) Ce quartier qui n'était que collines herbues et boisées dans les années 50 quand mon université commença timidement de s'y implanter.

« Au coin de la soixantième rue où, au milieu d'un groupe de piétons disciplinés, j'attendais la prochaine apparition du fatidique « Walk ! » qui nous autoriserait à traverser l'avenue (jusque sur l'autre rive du « fleuve motorisé »), j'entrevis, en un éclair, une flèche noire rayer l'espace devant nous : un individu moulé de la tête aux pieds dans un justaucorps anthracite, coiffé d'une casquette de cuir noir, des lunettes de soleil opaques sur le nez, un sifflet à roulette à la bouche, les oreilles couvertes par d'énormes écouteurs de walkman et juché sur une bicyclette de course, avait — sifflant avec stridence pour dégager la voie devant lui — jailli du trafic encombré avec la virtuosité d'un sprinter se dégageant du peloton pour la ligne droite finale ! Je le vis, d'un geste hautement acrobatique, attraper au vol la poignée de portière arrière d'un taxi qui démarrait en trombe pour ensuite — au risque de se rompre les os — se laisser tirer à grande vitesse sur toute la largeur de Central Park, rebondissant comme une balle sur la chaussée chaotique. Au coin de Broadway, il décrocha et dans un virage effectué à ras de terre disparut sous mes yeux éberlués.» (Denis Grozdanovitch, Rêveurs et Nageurs, p. 150-151)

Toujours sous le charme de ces fragments organisés. Un bémol, pourtant. Voulant travailler la fluidité du texte, comme il le disait dans l'entretien cité hier, je trouve souvent que l'adjectif, la comparaison ou la métaphore sont trop appropriés, trop normaux pour la situation évoquée. Sans aller jusqu'à dire qu'il y a du cliché partout, ce qui serait exagéré, je dirais plutôt qu'il y a de l'attendu, de l'évident, du redondant. Attente, évidence, redondance qui doivent avoir pour but la fluidité, mais qui pour moi la bétonnent. C'est d'ailleurs le principal problème que j'ai avec Gracq. Ainsi, des piétons qui attendent en groupe sont à l'évidence disciplinés (c'est s'ils ne le sont pas qu'il faut le dire). Entrevoir une flèche qui raye l'espace ne peut se faire qu'en un éclair. Des lunettes de soleil sont normalement opaques et sur le nez (c'est si elles sont différentes ou ailleurs qu'il y a lieu d'en parler). Or il n'y a pas loin du fluide au délayé. Ce que je montre sur ce passage admirable au demeurant peut être retrouvé dans presque tous les endroits du texte. En fait, c'est quand il est bref, voire incisif, que je trouve le texte de Grozdanovitch encore meilleur. Je n'irai pas jusqu'à lui conseiller de tailler des maximes mais au moins de biffer le redondant, d'ébavurer ce qui dépasse. Que l'on me comprenne bien (et qu'il me comprenne bien, si une âme charitable lui indique ces lignes ou s'il les trouve par hasard) : il ne s'agit pas pour moi de (lui) donner des leçons (tarifs sur demande), mais encore une fois de donner mon avis de lecteur progressant, au fil de l'œuvre mon épuisette à la main. Mes contributions à l'univers littéréticulaire n'ont pas vocation à devenir doxa ni leur auteur à décerner des prix, mais qu'il me soit au moins permis, dans ce minuscule coin qui, si j'ose dire, m'appartient, de donner franchement et posément mon avis.


Je pense à la Rue de Rivoli, dont je découvrais qu'elle était en pente, et même sacrément, la montée allant dans le sens unique autorisé à la circulation, c'est à dire de Chatelet à la place de la Concorde, lorsque chaque soir, vers 23h, 23h30, je devenais le remonte-pente officiel d'une bande de Djeun's Rollers qui formait une grappe accrochée à la roue de secours arrière du 4*4 (Ecolos, la bourgogne aux escargots...) et de la complicité du conducteur, pour s'enfiler l'avenue en faisant de grands signes signifiant "Plus vite, plus vite..." : nous avons même atteint une nuit bien dégagée d'automobilistes (pas de nuages, sinon il serait inutile de le dire), une pointe à 100 km/h, cette nuit même où j'entendis un bruit épouvantable proche du son caractéristique que donne l'écrasement (au sol) d'une vache jetée du 4ème (pas arrondissement hein), un Roller ayant betement perdu une roue... le reste d'humain accroché au-dit Roller me recommandant d'une voie sympathique, mais faible, de ne pas rester là, fallait pas attendre les flics, c'est pas grave, vous inquiétez pas, "j'ai l'habitude" ...
2005-04-06 13:27:01 de arte

X
2005-04-06 13:30:21 de arte

Oui, bien sûr ! Une vache jetée du 4e étage, je vois très bien le bruit que ça fait ! J'entends ça souvent quand je passe rue de Rivoli, même à pied...
Et depuis... tu prends un autre itinéraire ?
2005-04-06 14:22:25 de Berlol

Je passe par les quais, mais là, il y a le danger des péniches qui traversent sans regarder !
2005-04-06 18:15:24 de arte

Bonjour. Je suppose que, pour ceux résidant au Japon, vous avez déjà dû le voir aux informations, qui ont relayé ces incidents en détails. Voici maintenant un article de Pons dans Le Monde
« Des manuels scolaires japonais scandalisent la région
LE MONDE |
Tokyo de notre correspondant
La révision des manuels scolaires destinés aux lycéens japonais ne pouvait plus mal tomber : adoptée, mardi 5 avril, par le ministère de l'éducation, la nouvelle version de l'histoire moderne du pays a jeté de l'huile sur le feu de ses relations déjà tendues avec ses voisins chinois et coréen.
Cette mise à jour des manuels, qui intervient tous les quatre ans, porte sur l'ensemble des matières. Elle vise surtout à donner plus de substance à l'enseignement scientifique. Mais, une fois encore, les manuels de "sciences sociales", qui traitent de l'histoire, suscitent des controverses. La version donnée par le Japon de la guerre d'expansion qu'il mena dans la région heurte régulièrement les sentiments de ses voisins. Ces derniers estiment que Tokyo nie ou édulcore les faits, quand il ne justifie pas des actions coupables.
Une nouvelle fois, des sujets controversés ­ le massacre de la population civile à Nankin en 1937 est qualifié d'"incident" ; le terme d'"invasion" n'est jamais mentionné lorsqu'il est fait état de la "guerre de la Grande Asie" que mena le Japon à partir des années 1930 ­ sont dénoncés à Pékin et à Séoul. Autre sujet sensible : la question des "femmes de réconfort", euphémisme pour désigner les 200 000 Asiatiques, essentiellement Coréennes, contraintes à se prostituer dans les bordels de l'armée impériale. Evoqué dans certains manuels en 2001, cet épisode peu glorieux n'y figure plus.
Cet infléchissement du contenu des livres scolaires, fruit de la campagne lancée dans les années 1980 par la droite japonaise pour changer une "vision masochiste" de l'histoire, nourrit un nouveau prurit nationaliste en Asie orientale. Des différends territoriaux provoquent régulièrement des tensions dans la région. Ces dernières années, les visites du premier ministre, Junichiro Koizumi, au sanctuaire Yasukuni à Tokyo, où sont honorées les âmes des morts pour la patrie, parmi lesquels figurent des criminels de guerre, ont alourdi le climat. A Pékin et Séoul, elles ont été interprétées comme une absolution du passé militariste nippon.
Avec Pékin, le contentieux porte sur la ligne de démarcation des zones économiques exclusives en mer de Chine orientale (région riche en ressources énergétiques) et sur la souveraineté d'îlots inhabités. Ainsi, Senkaku en japonais, Diaoyu en chinois. Récemment, un nouveau litige territorial est apparu, concernant désormais la Corée du Sud. Il porte sur les îlots Takeshima (Dokto en coréen), en mer du Japon (appelée "mer de l'Est" par Séoul).
MAGASINS ATTAQUÉS
Un tollé s'est élevé à Séoul quand le département de Shimane (sud-ouest de l'archipel nippon) a pris un arrêté établissant la souveraineté nippone sur ces îlots inhabités et sous contrôle coréen. Les relations entre les deux pays, qui s'étaient réchauffées ces derniers temps, se sont brutalement rafraîchies. En réaffirmant jusque dans les nouveaux manuels scolaires sa souveraineté sur Takeshima, Tokyo a provoqué un regain de courroux à Séoul.
Avec la Chine, l'absence de visite réciproque des chefs d'Etat ou de gouvernement depuis l'arrivée au pouvoir de M. Koizumi en avril 2001, témoigne de la froideur des relations entre les deux pays en dépit de relations économiques en plein essor. Attisé par les diatribes de la droite nippone sur la "menace chinoise", l'antagonisme entre Pékin et Tokyo suscite une vague antijaponaise sur le continent. En fin de semaine, à Shengzhen et à Chengdu, des groupes de jeunes "patriotes" ont attaqué des magasins japonais pour protester contre la demande de Tokyo de devenir membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU et des mots d'ordre de boycottage des produits nippons ont été lancés.
Philippe Pons
Article paru dans l'édition du 07.04.05 »
2005-04-07 04:10:05 de Arnaud

Au sujet de ce nouveau problème avec les manuels japonais, ce que j'ai trouvé cette fois-ci, parmi de nombreux éléments évoqués par Pons, proprement hallucinant, c'est d'avoir été jusqu'à présenter dans ces manuels le différend territorial sur les îlots Takéshima ("différends territoriaux" cachant en réalité des problèmes de peche).
C'est hallucinant de prendre de la place dans des manuels pour présenter cette question, qui chauffe les deux Etats en ce moment, mais qui est en réalité un problème absolument mineur voire totalement nullissime considéré dans l'histoire du 20e siècle.
Et que le Ministre de l'Education ait justifié cette présentation de Takéshima dans les manuels encore hier devant les medias en expliquant que "c'est normal puisque c'est un territoire japonais" (refus de dialogue) et que "les éditeurs ont tenu compte de l'opinion du gouvernement" (ce point-ci est plus grave encore, car il traduit bien l'attitude et la pression exercée par le gouvernement sur les éditeurs de manuels, pas sans lien avec le problème actuel en France autour de la loi du 23 février faisant l'éloge de la colonisation en Algérie) est lourd de sens quant à l'attitude des conservateurs japonais au gouvernement.
2005-04-07 04:24:09 de Arnaud

Bonjour Arnaud,
Tes analyses de l'actualité politique japonaise sont très intéressantes.
Si tu te décidais à créer ton propre blog?
Allez, lance-toi! :)
2005-04-07 05:33:24 de Christian

Merci à toi Christian. Non pas que cela ne m'intéresse pas (puisque j'écris souvent ici), mais cela me prendrait trop de temps (et j'ai un livre en retard...). Donc je préfère venir discuter sur les blogs des autres, qui sont intéressés par ces sujets.
2005-04-07 07:14:48 de Arnaud

Tu sais combien ça prend de temps de créer un blog? 5 mn!
Et après, tu ne mettras pas plus de temps à écrire sur ton blog que sur celui des autres!
Et puis, en relisant ton commentaire, je trouve ça curieux de dire que les personnes sont intéressées par CES sujets et que c'est pour cela que tu écris sur DES sujets... Note bien, je suis intéressé! :)
2005-04-07 15:17:12 de Christian


Jeudi 7 avril 2005. Dans un rayon de cinq ou dix lignes.

Les cerisiers approchant du sommet de leur floraison, Bikun voulait aller photographier les parcs de Nagoya. Comme il pleuvait ce matin, je ne sais pas s'il y sera allé...
Pour moi, c'était plus simple : journée au bureau pour préparation des cours avant démarrage la semaine prochaine.

Le 10 mars dernier, juste avant de quitter la ville et alors que mes collègues étaient tous absents, une assistante m'a demandé, affolée, si je ne pouvais pas écrire in extremis et au nom de notre département un petit message pour l'inauguration de l'Expo (qui avait lieu le 25 mars). Pris de court, je suis revenu moins d'une heure après pour lui donner ceci : « Pour que la sagesse des hommes protège le monde ! » (sous-entendu : il faut que l'Expo soit une grande réussite pour que...). Un peu cul-cul mais bon..., œcuménique, comme dirait l'autre.
Ce que je ne savais pas, c'est ce qu'on allait faire de mon message. Or aujourd'hui, toutes vacances bues, la même assistante, radieuse, m'apporte une double page colorée du journal Chunichi Shimbun du 25 mars avec des dizaines d'oiseaux emblématiques des pays présents à l'Expo (120) et, parmi eux, un poulet blanc (niwatori) accompagné de mon message signé, scanné et traduit au nom de la France !
Par bonheur, ma signature n'est pas lisible.

« Le 2 août 1945, mon père vient à vélo déclarer ma naissance à la mairie de Boulogne-Billancourt. [...]
Trente années plus tard, il est allé mourir en Suisse, pays neutre. Entre-temps, il s'est beaucoup déplacé : le Canada, la Guyane, l'Afrique-Équatoriale, la Colombie... Ce qu'il a cherché en vain, c'était l'Eldorado. Et je me demande s'il ne fuyait pas les années de l'Occupation. Il ne m'a jamais confié ce qu'il avait éprouvé au fond de lui-même à Paris pendant cette période. La peur et le sentiment étrange d'être traqué parce qu'on l'avait rangé dans une catégorie bien précise de gibier, alors qu'il ne savait pas lui-même qui il était exactement ? Mais on ne doit pas parler à la place d'un autre et j'ai toujours été gêné de rompre les silences même quand ils vous font mal. »
(Patrick Modiano, Un Pedigree, p. 32-33).

Je n'ai pas aimé toutes les histoires de Modiano, quoiqu'elles soient souvent touchantes, mais j'ai toujours été admiratif de son apparente économie de moyens, de son aptitude quasi magique à passer d'un temps, d'un lieu, d'une personne à l'autre sans que l'on s'en rende compte. Et quand on se retourne en esprit sur quelques pages que l'on vient de lire, on peut se demander combien de points de vue différents viennent d'être évoqués. L'emploi précis et chiffré de dates et d'adresses, parfois assumé par un narrateur-enquêteur involontaire, pose un écran de réalité derrière lequel se déploient les fantômes d'une foule parlante qui aspire, par ses motivations et ses sentiments supposés, à l'intemporel, à l'universel.
Avec ce livre-ci, s'ajoute un pacte autobiographique qui me fait opiner du chef, Ah bon, ça c'est passé comme ça, Ah, je comprends mieux, jusqu'à ce que, préparé par le vocabulaire commun, saille dans sa justesse lapidaire le mot autour duquel tout le paragraphe tourne : arrivant à gibier, je sens l'irradiation qui couvre et colore les phrases dans un rayon de cinq ou dix lignes.


Normal que le message soit paru assorti de la mention "au nom de la France". N'oublie pas que tu as été désigné "ambassadeur de la France" par le site france-japon.net!
Voir: http://france-japon.net/modules.php?name=Sections&op=viewarticle&artid=211
ou le minilien: http://minilien.com/?V0vS807jPf
2005-04-08 00:26:07 de Christian

Tiens, rien à voir le message précédent, je viens de retrouver cette vidéo en ligne sur la langue française au Japon réalisée à l'occasion du congrès mondial des professeurs de français de Tokyo.
http://www.tv-francophonie.com/emission/resume_stang_414.html
2005-04-08 01:12:09 de Christian

Je ne connaissais pas cette vidéo, c'est excellent !
Bon, il n'y a pas vraiment de témoignages contradictoires, on n'a pris que des gens qui voient l'avenir du français en rose et je ne suis pas qu'on puisse leur donner raison aujourd'hui. La vidéo date de 1999 et certains témoignages semblent avoir été filmés au Congrès mondial de la FIPF en 1996. J'ai reconnu plusieurs éminents collègues et même une de mes anciennes étudiantes... Merci, christian, pour cette trouvaille !
2005-04-08 01:53:21 de Berlol

Cher Berlol, une petite question... Il me semble que c'est sur ton blog que j'avais trouve (vers le debut du mois de mars) un lien vers un passionnant entretien avec Francois Jullien... Je ne le retrouve plus... Pourrais-tu m'eclairer de tes lumieres. Merci d'avance.
2005-04-08 07:21:13 de vinteix

Cher Vinteix, je n'ai pas souvenir d'avoir parlé de lui récemment. N'est-ce pas plutôt sur mon site perso où il y a effectivement un entretien de 1998 avec lui intitulé "Le détour d'un Grec par la Chine" ?
Cf : http://www.berlol.net/foire/fle98ju.htm
2005-04-08 07:33:07 de Berlol

Ah oui ! C'est cela. Merci beaucoup.
2005-04-08 07:38:54 de vinteix

Cher Berlol, n'est ce pas sur ton blog que nous parlames d'un Album de photos : "Pour F. , je préfère mes photos (j'en ai d'autres)" ?
Ce "(j'en ai d'autres)" hante mes insomnies !
Tu peux evidemment preciser que je t'ai menacé, par exemple, ou plus gentiment intituler ton article "Spicilège pour un monomane afin qu'il me fiche la paix".
Je sais que Bartlebooth attend aussi avec impatience cette exposition photographique ...
Bien à toi.
2005-04-08 11:38:16 de arte

Aujourd'hui le temps était splendide à Tokyo: plein soleil, 25°.
J'avais pris congé pour m'occuper des démarches administratives relatives à la naissance de ma fille (un peu comme dans l'e x t r a i t justement), mais la matinée suffit pour régler les deux parties: japonaise à Todoroki et française à Hiroo. Sur le trajet de train, j'avais remarqué de beaux cerisiers à Naka-Meguro. Je décidais d'y retourner plus tard. C'était magnifique ! De quoi rendre Bikun jaloux peut-être... En plus je suis tombé sur un resto aux dessins de villages alsaciens accrochés au mur !
HS:
Réflexion du jour: la première forme verbale qu'utilise Hugo est la forme en -tai (je veux) alors qu'en cours, on nous enseigne le -masu (politesse/vouvoiement) en premier. Question de différence de priorité entre l'enfant et l'adulte sans doute...
2005-04-08 15:11:00 de Manu

L'endroit exact pour les cerisiers, c'était la rivière Meguro entre Naka-Meguro donc et Ikejiri-Ôhashi...
2005-04-08 15:47:45 de Manu

Seriez pas un brin fétichiste, Arte? Berlol, gaffe.
2005-04-08 17:40:04 de Frédérique Clémençon

Pour les photos, faudra me payer cher...
Ah, au fait, Frédérique, pendant que je te tiens !...
Comment ça s'est passé la rencontre littéraire du 7 ?
2005-04-08 17:50:43 de Berlol

Berlol : ton prix sera le mien !
Frederique : Si j'etais fétichiste, j'aurais gardé les bottines :p
2005-04-08 18:40:26 de arte

La rencontre littéraire? Eh bien, c'est très simple. C'était à 20 heures. A 19 heures 50, je finissais tranquillement mon petit filou. A 19 heures 55, un vague souvenir agitait ses lambeaux devant mes yeux embrumés. A 20 heures, il était trop tard pour courir : j'ai regardé les infos et les fidèles mouillés de larmes. Bref, j'ai oublié. Ce qu'on appelle un acte manqué
Serais-tu vénal, Berlol - toi aussi? Un monde s'effondre.
Arte : que pensez-vous des hommes vénaux (comme Berlol)?
2005-04-08 19:55:27 de Frédérique Clémençon

J'en suis bé de la bouche !
Lui, Berlol, qui fait de si belles photos, à en surclasser Balthus,
si j'avais imaginé une seconde qu'il retournait de simple interet...
Ce que j'en pense? Mon Dieu que c'est vilain !
(Berlol, combien? )
2005-04-08 21:49:22 de arte

Ouais, je pensais à m'acheter une île du complexe The World à Dubai...
(http://www.batiactu.com/data/11052004/11052004-132856.html)
et me déconnecter...
2005-04-09 00:49:33 de Berlol

"Les prix des îles vont de 23 millions de dirhams (6,2 millions de dollars) et 135 millions de dirhams (36,7 millions de dollars) pour des superficies varient de 11.148 à 41.806 mètres carrés."
C'est peu pour F. , même en photo !!!
2005-04-09 11:15:44 de arte

Ça, ça va lui faire très plaisir. À mon avis, elle va te faire une super dédicace !...
2005-04-09 11:53:04 de Berlol

pfff, moi je les montre mes photos :
http://snapshot.canalblog.com/
2005-04-09 19:34:55 de arte

Juste pour faire un petit commentaire pas forcément mesquin, moi j'avoue que cet attrait pour les îles et îlots m'est assez incompréhensible. Y passer quelques vacances pourquoi pas, mais y habiter n'est-il pas extrêmement dangereux ?
Je passe sur les typhons qui reviennent tous les ans, pour ensuite me demander ce que l'on fait si l'on tombe malade, comment l'on fait pour faire des achats autres que le nécessaire (qui doit tout de même coûter très cher à acheminer), pour scolariser ses enfants si l'on en a, etc. etc.
Et puis, qu'est-ce qu'on doit s'emm*rd*r tout seul !!
2005-04-10 17:25:56 de Arnaud

T'as bien raison, Arnaud, c'est invivable, ces trucs-là ! Et puis quand tu as acheté l'île, tout coûte cher à l'avenant. C'est un mirage pour nouveaux riches.
2005-04-10 18:15:24 de Berlol

On achete pas une ile, c'est comme une femme, on s'etend à ses cotés et on l'ecoute ! (Berlol ils te plaisent pas mes petits elephants :(( !!! )
2005-04-10 18:23:25 de arte

Façon de parler, parce que si on s'étend à côté d'une île, on se noie. Après, on n'écoute guère que les baleines et les poissons...
Ceci dit, ils sont très beaux, tes éléphants roses. J'espère qu'ils s'écarteront un peu pour accueillir la suite de l'oeuvre clémençonnienne.
2005-04-11 01:28:01 de Berlol

Berlol, je vous pique le coq pour ma collection. Il a l'air consentant, il n'est pas pris de dos. Dans le cas contraire, avertissez-le ! Merci!
2005-04-11 19:19:52 de Marie.Pool


Vendredi 8 avril 2005. Le mieux serait d'écrire les événements au jour le jour.

De quel roman est-ce l'incipit ?
(Pour aider : je suis en train de préparer le cours pour demain matin, à l'Institut franco-japonais de Tokyo.)

Très belle journée printanière. On en sauterait de joie. D'autant que les cerisiers du campus nous font aussi leur grand jeu.
La cantine des profs a été refaite pendant les vacances. Il y a maintenant une vitrine illuminée avec des plats factices, comme au restaurant. Pour la cuisine, ça semble meilleur quoique résolument chinois. David se demande si nous en aurons envie tous les jours. Optimiste, je lui réponds qu'on n'y va pas tous les jours...

Dans le shinkansen, je relis des passages de La Nausée de Jean-Paul Sartre pour finaliser le plan des cours que je distribuerai demain. J'ai repéré trop de passages intéressants et il faut que j'en sélectionne dix en fonction de leur intérêt et de leur diversité. Quoi qu'il s'y soit essayé avec un certain de succès pour le théâtre, je trouve que Sartre a rarement réussi ses dialogues de roman. Les dialogues avec l'Autodidacte sont artificiels, même quand ils contiennent des idées intéressantes (ce n'est pas le contenu qui fait problème, c'est l'organisation même de l'échange). Vers la fin, quand même, le dialogue avec Annie présente un effet de réel au moins égal à celui du journal de Roquentin. Jeune étudiant, je me souviens que j'avais arrêté la lecture des Chemins de la liberté au milieu du second volume parce que je n'en pouvais plus de l'artificialité des situations. C'était mon sursis à moi. En revanche, j'ai eu un véritable engouement pour certaines pièces de théâtre, Huis clos en tout premier lieu. Nouvelle déception avec Les Mots* : très virtuose, très grand écrivain, mais tellement cabotin — voire roquentin... En bref, la fraîcheur de La Nausée a toujours eu ma faveur.
L'incipit que je lui ai emprunté ci-dessus, d'apparence banale, recèle déjà deux questions programmatiques : « le mieux » que quoi ? et « le mieux » pour quoi ? Mais aussi : s'il y a des événements (et qu'est-ce qu'un événement, pour ce narrateur ?), en quoi les raconter dans son journal intime peut-il être utile ? — autrement dit : écrire sa vie permettra-t-il de l'améliorer, de se la rendre acceptable. Question toujours d'actualité.

Arrivant nuitamment à Iidabashi, je constate qu'il y a foule sur l'avenue Sotobori et à l'entrée du Canal Café, ici aussi pour admirer les cerisiers. Soupe chinoise avec T. qui me raconte l'événement du jour, car c'en est un : son père est sorti dans le couloir de notre immeuble, il a marché seul, se tenant à la rambarde, jusqu'à la cage d'escalier et retour. Il était enchanté. Il a bien dormi. Nous aussi, quoique tard, en ce qui me concerne.
_________________________
* On peut encore écouter une lecture des Mots par François Périer, enregistrée en 1989, rediffusée mardi dernier dans la seconde partie de Culture Plus.


Le mieux serait d'écrire les événements au jour le jour. Tenir un journal pour y voir clair...
La nausée.J sol patre.
2005-04-09 02:21:49 de jcbourdais


Samedi 9 avril 2005. De la lévitation de bonheur à la catalepsie mélancolique.

Le premier effet Sartre : il y a près de 20 inscrits dans le cours. Habituellement, il ne se trouve par tout Tokyo qu'une dizaine de volontaires pour se lever aux aurores le samedi matin et écouter mes élucubrations sur des textes réputés originaux ou bateaux, selon la session. Le second effet Sartre : plusieurs participants souhaitent poser des questions ou s'exprimer (il est parfois difficile d'obtenir d'un étudiant qu'il prenne la parole lorsqu'on l'interroge, a fortiori pour faire en sorte qu'il souhaite spontanément s'exprimer).

L'euphorie sakurale y serait-elle aussi pour quelque chose ?
Car la sakura fubuki commence. C'est la neige de pétales. Elle a, sur un grand nombre de Japonais, un effet incroyable et parfois inverse : cela va de la lévitation de bonheur à la catalepsie mélancolique. Pour ma part, j'en ai un peu soupé, des pétales !

Alors, oui, La Nausée, du début à la page 20.
Rappeler tout d'abord la genèse du texte, les différentes périodes d'écriture, du Factum sur la contingence (1931), à Melancholia (1935), en passant par Les Cahiers retrouvés d'Antoine Roquentin, jusqu'à ce qu'un beau matin d'octobre 1937, après réduction exigée d'un dixième, Gaston Gallimard himself décide que ça s'appellerait La Nausée. Rappeler également que pendant cette période parurent quelques œuvres notables : Nadja de Breton et Les Conquérants de Malraux (1928), Les Enfants terribles de Cocteau et Courrier Sud de Saint-Exupéry (1929), Regain de Giono et La Voie royale de Malraux (1930), Aden, Arabie de Nizan et Vol de nuit de Saint-Exupéry (1931), Voyage au bout de la nuit de Céline et Le Nœud de vipères de Mauriac (1932), Le Chiendent de Queneau et encore de Malraux, La Condition humaine (1933), et ainsi de suite, pourrait-on dire. Mais nul doute qu'au Havre, à Paris ou à Berlin, il en a lu, de ces livres, le jeune inconnu qui s'appelle Sartre et pour lequel je demande à mes étudiants d'oublier ce qu'il deviendra.
Quand on passe à l'exergue, tirée de L'Église de Céline, c'est pour rappeler que le pamphlétaire n'est pas encore connu, que la guerre n'a pas encore eu lieu et que l'antisémitisme est un sport national en France au moins depuis l'Affaire Dreyfus. Bref, c'est au génial romancier du Voyage... que Sartre fait signe en relevant que la tension qui oppose l'individuel au collectif est renforcée par le double sens de « tout juste » : seulement ou exactement...

« C'est un garçon sans importance collective, c'est tout juste un individu.»

L'avertissement des éditeurs, à la page suivante, cligne de l'œil vers le manuscrit de Candide partiellement découvert sur un mort ou vers ces romans épistolaires retrouvés dans une vieille valise ou dans une poubelle (ou ce qui en tenait lieu au XVIIIe siècle). On n'y croit guère mais on y lit que Roquentin a pas mal voyagé dans les années 1926-1929, ce qui n'est pas sans rapport avec certains des titres cités ci-dessus... Mais qui est-il, ce Roquentin, pour que des éditeurs se mettent en quatre pour publier ses petits papiers ? Au fond, c'est ça, la question essentielle. Bien sûr, le livre y répondra par l'absurde. À moins que Céline y ait déjà répondu dans l'exergue... (Du coup, on comprend que chez Gallimard, ça ne se soit pas fait tout de suite, en 36, même avec le coup de pouce de Nizan).
Ainsi, on découvre qu'avant même d'entrer dans le texte proprement dit, beaucoup d'enjeux sont déjà sur le papier. Les événements dont il est question dans l'incipit cité hier sont bien sûr minuscules et tout intériorisés. C'est la table ou la rue, ou n'importe quoi dont la présence surconsidérée fait craindre la folie. On n'en sait pas encore plus. Et ça risque de s'arrêter là parce que si ça s'améliore, si les choses veulent bien rester à leur place et ne pas déranger la conscience, le diariste débutant écrit qu'il ne continuera pas à écrire. Comme on tient dans la main les 200 pages qui suivent, on se doute bien que les choses ne vont pas en rester là...

La grève continue à Radio France, perturbant fortement les deux radios que j'écoute régulièrement, France Info et France Culture. Je suis étonné de lire que « [...] une partie des ouvriers et les employés administratifs de Radio France, qui ont les plus bas salaires du groupe, ont cessé le travail depuis le 4 avril pour obtenir une augmentation mensuelle de 269,40 euros. [...] Ni les journalistes, ni les musiciens de Radio France, qui ont obtenu de leur côté une augmentation, ne se joignent à ce mouvement de grève [...] » (c'est moi qui souligne).
Cela signifie-t-il que ceux qui ont obtenu une augmentation se sont désolidarisés sans états d'âme de ceux qui gagnaient déjà moins qu'eux et qui n'avaient rien obtenu ? Un bel exemple de cynisme, le cas échéant.


Les horaires d'avion sont ils compatibles pour une inscription tardive à tes cours d'un petit francais qui ferait bien régulièrement l'aller-retour spécialement pour y assister ?
2005-04-10 12:54:10 de arte

Voilà une bonne idée, tiens ! Faudrait proposer à l'Institut franco-japonais d'avoir un abonnement avec Air France, un package économique que subventionnerait le Ministère de la Culture pour honorer l'année Sartre !...
Ceci dit, même en jonglant entre les émissions annulées, y'a pas mal d'émissions sur Sartre sur France Culture. Le "Reconnaissances à Jean-Paul Sartre" de Bénézet dans "Surpris par la nuit" du 7 était excellent (comme tout ce que fait Bénézet à la radio, d'ailleurs).
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/surpris/index.php
2005-04-10 13:19:25 de Berlol

Petit mot a propos des cerisiers en fleurs et de la "sakura fubuki"... Pour ma part, je n'en ai pas soupe et face a ce spectacle ephemere ai toujours l'impression de me retrouver face au meme abime que representent la beaute et la mort.
"Sous les cerisiers sont enterres des cadavres !" Kajii
2005-04-10 14:12:05 de vinteix

Mieux vaut un pétale de cerisier qui fait penser à la beauté de la mort qu'une racine de marronnier qui fait penser à la nausée existentielle.
2005-04-10 15:13:44 de jephro


Dimanche 10 avril 2005. L'axe des seins, la torsion du corps.

Il y a tout juste un an, T. et moi découvrions les fraises amaou. Nous venons tout juste d'en manger au petit-déjeuner. C'est moins cher, cette année.

Ping-pong. J'ai gagné !... Un peu.
Et un peu pour contredire Arnaud qui parlait dimanche dernier de l'âge de ma « désillusion sportive ». J'avais mis mon maillot rouge frappé du kanji 勝 (katsu : gagner), j'ai beaucoup travaillé mes amorties, au point de les faire revenir de derrière le filet, me suis mis à attendre la balle au milieu de la table, les jambes à demi-pliées sous la table, comme si j'allais m'asseoir, ce qui me met à moins de deux mètres de l'adversaire, Hisae ou Katsunori, qui en sont tout effrayés. L'arme psychologique et une certaine attente de la faute de l'autre ont fait que j'ai réussi à gagner un match contre Katsunori et une manche, mais c'est déjà beaucoup, contre Hisae (voir tableau). Eux, ils ont très bien joué, évidemment.
Katsunori n'avait pas le temps de déjeuner, il devait rejoindre une salle de concert où son épouse chante dans un récital à base de Cosi fan tutte et de Mariage de Figaro. Pas un fauteuil de libre. Tant pis, je n'irai pas. Mais tant mieux pour le spectacle et pour les artistes. C'est déjà gentil qu'il soit venu jouer ce matin. Il semblait avoir bien digéré la première dose de Sartre ingurgitée hier. Déjeuner de pâtes avec Hisae, la si souple ennemie si souriante. On discute de Paris, des vacances, des prix de l'université au Japon et en France, où les frais d'inscriptions sont environ ving fois moins chers.

Quelqu'un a-t-il trouvé la fine contrepèterie que j'ai glissé dans le JLR d'hier ?

L'axe des seins, la torsion du corps.
Jean-Claude Bourdais a bellement présenté la sublime Simonette et, en regardant les détails qu'il nous proposait, je me suis fait la réflexion qu'il y avait quelque chose de pas droit dans ses seins pourtant fort appétissants... Quoiqu'un peu bas, non ?
Je le lui avais écrit et le voici qui se met en quatre, bellement encore, pour me répondre et instruire un peu plus ses lecteurs. Apprenant que le portrait est posthume, je ressens sincèrement la tristesse du peintre qui peignait de mémoire et je comprends la torsion du corps (sans rejeter l'intéressante interprétation toute lacanienne de JCB) : le visage est de profil, les épaules sont tournées vers nous d'un quart (disons 25°), les seins de deux tiers (45°), Cosimo veut tout nous montrer et qu'on en jouisse ! Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que ce paysage tout imaginaire fasse partie du blason de Simonette.
Pendant que j'en suis aux blogs et journaux, je remercie Bartlebooth pour le lien vers le site d'Holger Czukay sur lequel j'ai perdu pas mal de temps à regarder des clips originaux ou hilarants.
Et puis je compatis avec Marie.Pool qui regrettait la tournure qu'avaient prise les commentaires contradictoires sur la poésie depuis mercredi. Que l'on dise que les cons tuent la poésie n'a rien d'extraordinaire. Ce qui est extraordinaire, c'est qu'il se trouve toujours quelqu'un pour venir faire le con précisément à ce moment-là. Sous le pseudonyme courageux de « L'autre », anagramme phonétique de troll, notera-t-on au passage, on venait nous dire qu'il n'y avait rien à chercher ou à étudier, qu'on serait toujours à côté de la cible, et des sophismes de ce genre. Comme ce n'est pas ma tasse de thé, ces relents aristocratiques du bon goût, j'ai répondu : « si vous n'aimez pas vous faire mousser la cervelle, congelez-la »... Éh bien, il n'était pas content du tout, l'autre.

Bon, me voilà à jour des retards accumulés depuis jeudi. Je vais reprendre la lecture de Modiano...


J'ai aussi mangé des fraises "amaou", vendredi, en ce qui me concerne.
J'ai décidé de les goûter suite à ce que tu en avais dis l'année dernière.
C'est effectivement très bon.
Et les vitamines qu'elles contiennent ne sont peut-être pas étrangères à tes exploits "tennistiques de table".
En tout cas, BRAVO !
2005-04-11 04:04:42 de Manu

Bonsoir!
Aucun rapport avec la choucroute (ton blog) mais sais-tu que tu arrives en tête de la liste de mes voisins sur le web? J'ai découvert ça avec étonnement! Tu peux cliquer sur mon nom pour aller à l'URL ci-dessous.
http://geourl.org/near?p=http://france-japon.net
2005-04-11 14:46:45 de Christian


Lundi 11 avril 2005. Roses et blancs comme nos souvenirs.

Personne n'a trouvé la contrepèterie du 9. Pas même Vinteix et Jephro qui en reprennent les termes dans leurs commentaires. Sans doute qu'eux n'ont jamais loupé de pétasse...

Sur La Nausée, très bon Carnet nomade de vendredi. Comme je continue à préparer le cours, c'est tout bénéfice. Merci, Colette !

Colette Fellous : « C'est essentiel, l'apparition de cette musique [Some of these days], qui va rythmer le livre, Michel Contat...
Michel Contat : — C'est très beau. Et puis alors ça ouvre une autre perspective sur Sartre. C'est son non-conformisme culturel. Parce que le jazz à l'époque, c'est une musique non cultivée, une musique de bastringue. Et, un peu comme Sartre a aimé le cinéma parce que c'était l'art non homologué comme tel — on ne parlait pas encore vraiment du 7e art —, éh bien pour lui le jazz c'est l'expression de la modernité dans ce qu'elle a d'inventif et de non académique. Sartre n'aime pas l'académique, il ne l'a jamais été, l'université ne l'aime pas, aujourd'hui encore. Comme il disait, je ne veux pas qu'on m'intègre. Éh bien en effet, on ne l'intègre pas. Alors La Nausée, c'est son livre, comment dirais-je, le moins adaptable, celui qu'on ne peut pas classer dans le paysage intellectuel français, l'histoire du roman. C'est un moment très singulier dans l'histoire du roman français. Je suis de ceux qui pensent que Les Mots, qui est un très beau livre, est le livre de Sartre que les gens qui n'aiment pas Sartre aiment. Alors que La Nausée, il faut véritablement l'accepter. Je comprends très bien que ce roman suscite des refus, même choqués. Il y a quelque chose d'inacceptable dans la vision que donne Sartre à travers Roquentin de l'existence.» (24 min. après le début de l'émission)

Journée pluvieuse, tous les pétales des cerisiers sont à terre, collés, encore roses et blancs comme nos souvenirs, jusqu'à demain où ils tourneront marron. Déception populaire, morne gêne de la pluie et retour au travail se conjuguent, Déjeuner avec Jephro au Saint-Martin. On n'est pas trop ému, mais on a un peu froid.

Reprise du GRAAL à la Maison franco-japonaise, retour de Laurent (après son année sabbatique à Paris). Commençons par une présentation de Modiano dans le paysage littéraire français (depuis 1968 — ou 1939, au temps pour moi...). Puis par nous interroger sur les effets de sens du titre (Un Pedigree, voir le mot et son étymologie dans le TLF) et le vague du sens inhérent à la plupart des titres de Modiano. Puis sur ce fameux pacte autobiographique que dit signer Modiano et l'horizon d'attente qui devrait en découler pour le lecteur. Et quand il écrit qu'il va suivre l'ordre chronologique alors qu'il commence par sa naissance avant celle de ses parents...
Tout cela finit au Marché aux Puces, restaurant français que fréquentent les connaisseurs d'Ebisu ou du JLR et où, le bordeaux aidant, la possibilité d'un pape plus autoritaire que le précédent n'est plus à écarter. Tout le monde est d'accord ici aussi sur l'indécence et la vulgarité des médias durant ces jours d'agonie, de deuil, de précanonisation maintenant. Jo nous dit avoir fait plancher ses nouveaux étudiants sur le thème : Y a-t-il de la vie après la mort ? Je lui sussure d'inverser la proposition : Y a-t-il de la mort après la vie ?

« J'suis snob... J'suis snob
J'm'appelle Patrick, mais on dit Berlol
[...]
J'avais la télé, mais ça m'ennuyait
Je l'ai r'tournée... d'l'aut' côté c'est passionnant »


On souffle un peu après un WE extrêmement chaud dans la région.
Je suis inquiet, il y a des signes de tensions qui font réfléchir. Surtout quand on voit comment ils s'accumument depuis une dizaine d'années.
Voici l'édito du Monde :
« Tensions Chine-Japon
LE MONDE |
Les manifestations contre le Japon dans plusieurs villes chinoises ont de quoi sérieusement inquiéter. Considérée comme l'un des foyers potentiellement les plus dangereux de la planète, à cause du problème de Taïwan et de la Corée du Nord, l'Asie de l'Est a besoin de trouver un équilibre multipolaire au XXIe siècle. Les dérapages nationalistes auxquels on assiste nous en éloignent.
Les Chinois n'ont pas tort de dénoncer le déni par le Japon de l'ampleur de ses crimes de guerre en Asie continentale. La publication de manuels scolaires qui ignorent les massacres à Nankin, en 1937, l'absence de mention de la prostitution forcée de nombreuses Coréennes durant l'occupation japonaise et la provocante visite du premier ministre japonais au sanctuaire Yasukuni, où sont entre autres honorés quelques criminels de guerre, démontrent que l'influence de la droite militariste reste, pressions électoralistes aidant, importante.
En 1995, le premier ministre socialiste Tomiichi Murayama avait exprimé les "profonds remords" de son pays. Cette voie de la repentance n'aurait pas dû être abandonnée par le gouvernement actuel. Au moment où le Japon se veut candidat à l'entrée au Conseil de sécurité de l'ONU, Tokyo devrait mettre fin à son révisionnisme latent et prendre en considération les opinions de ses voisins.
Pour autant, la grande tolérance du gouvernement de Pékin envers les manifestants n'est pas au-dessus de tout soupçon. Ses visées sont d'abord intérieures. Le boycottage des produits japonais a une valeur symbolique : ce mot d'ordre avait marqué le réveil d'une conscience nationale dans le premier mouvement de protestation du 4 mai 1919, date qui reste la référence majeure dans la politique chinoise tout au long du XXe siècle et dans la légende du Parti communiste.
Mais que le nouveau gouvernement de Pékin instrumentalise aujourd'hui les causes "historiques" de colère de son peuple démontre qu'il a sans doute un mal croissant à contrôler toutes les tensions politiques et sociales intérieures générées par son passage à l'économie de marché. Comme l'antijaponisme est devenu le seul moyen pour la jeunesse d'exprimer son mécontentement à l'encontre d'un gouvernement impopulaire, celui-ci s'engage dans une voie périlleuse : l'utiliser pour le détourner.
Pékin a aussi des visées extérieures. Le déni japonais sert sa volonté de se présenter comme l'unique puissance asiatique au XXIe siècle. Pékin pose ainsi ses conditions, sinon son refus, de voir Tokyo obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité, rejoignant ainsi les cinq "grands". Les manifestations visent aussi à mettre en garde le Japon, tenté de se ranger dans le dispositif militaire élaboré et mis en place par Washington pour contenir la montée chinoise.
La Chine a des ambitions et les Japonais ont des inquiétudes, mais les dérapages nationalistes auxquels on assiste de part et d'autre ne sont guère de nature à endiguer les uns ou à apaiser les autres.
Article paru dans l'édition du 12.04.05
Accédez à cet article sur Lemonde.fr
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3216,36-637703,0.html »
2005-04-11 18:30:47 de Arnaud

Et voici l'avis de Philippe Pons, toujours dans Le Monde.
« Des ressentiments sur fond de rivalités entre puissances régionales
LE MONDE |
Tokyo de notre correspondant
La flambée antijaponaise en Chine et en Corée du Sud ­ où elle a pris jusqu'à présent un tour moins violent ­ a été déclenchée par des différends historiques et territoriaux. Mais, au-delà du "serpent de mer" des querelles sur le passé expansionniste du Japon, se cristallise un antagonisme entre les puissances d'Asie orientale dont les enjeux sont très actuels. Il a pour toile de fond la participation active du Japon au dispositif stratégique et militaire américain dans la région, destiné à contenir la puissance chinoise.
La récente inscription de Taïwan comme "objectif stratégique commun" de Tokyo et de Washington témoigne de l'engagement japonais. La Corée du Sud voit aussi avec appréhension la montée en puissance d'un Japon qui, sous la houlette d'une droite de plus en plus virulente, redéfinit le rôle de ses forces armées et s'apprête à réviser sa Constitution pacifique. Ce regain de méfiance à l'égard de Tokyo se traduit par une campagne ouverte en Corée du Sud, et plus circonspecte en Chine, contre l'entrée du Japon au Conseil de sécurité de l'ONU, où Pékin dispose d'un droit de veto.
PHÉNOMÈNE CUMULATIF
La publication d'une nouvelle version de manuels scolaires nippons, la semaine précédente, a mis le feu aux poudres. Ils ne contiennent pourtant rien de nouveau : les passages contestés sont toujours les mêmes (le massacre de civils à Nankin en 1937 et l'absence de mention des "femmes de réconfort", Asiatiques contraintes à se prostituer pour l'armée nippone). L'escalade antijaponaise actuelle est, en réalité, un phénomène cumulatif.
Tokyo voit dans ces manifestations une manipulation par les autorités chinoises qui chercheraient à mobiliser sur un thème nationaliste rassembleur un pays où les inégalités se creusent et où l'ancien ciment idéologique marxiste-léniniste s'est effrité. On peut certes s'interroger sur la spontanéité de ces manifestations. Ce ne serait pas la première fois que Pékin joue de cette xénophobie. A la suite du limogeage, en janvier 1987, du secrétaire général du parti, Hu Yaobang, Deng Xiaoping déclencha une offensive antinippone en cherchant à doubler ses opposants sur leur gauche.
L'actuelle montée de fièvre était un dérapage prévisible. Si les relations économiques avec la Chine sont au zénith ­ les échanges entre les deux pays ont dépassé ceux du Japon avec les Etats-Unis ­, elles sont des plus difficiles en politique. Cela ne facilite pas les compromis en cas de différends, comme on l'a vu en novembre lors de l'intrusion d'un sous-marin nucléaire chinois dans les eaux territoriales nippones. De nouveaux risques de frictions en mer de Chine orientale se profilent, où croisent des navires d'exploration chinois qui pourraient, dans un avenir proche, se trouver au contact avec des unités japonaises.
CONSIDÉRATIONS ÉLECTORALISTES
Pékin joue d'un antijaponisme à fleur de peau et entretenu à dessein, alors que, au cours des vingt-cinq dernières années, le Japon a versé à leur pays 3 000 milliards de yens (22 milliards d'euros) au titre de l'aide publique. Mais Tokyo n'a rien fait pour redresser dans l'opinion chinoise l'image d'un pays agresseur "non repentant" depuis l'arrivée au pouvoir, en 2001, du premier ministre Junichiro Koizumi.
Ses visites au sanctuaire Yasukuni de Tokyo, où sont honorées les âmes des morts pour la patrie ­ dont celles de criminels de guerre ­ ont ulcéré les Chinois et les Coréens, qui y ont vu une absolution de l'agression du Japon impérial. Dictées par des considérations électoralistes ­ satisfaire le puissant lobby des anciens combattants ­, ces visites sont perçues en Chine comme une "gifle" diplomatique. En quatre ans, il n'y a pas eu de visite mutuelle des dirigeants des deux pays.
S'il souhaite renforcer son rôle sur la scène internationale, le Japon devrait davantage prendre en considération la sensibilité de ses voisins, écrit le quotidien Asahi Shimbun. A l'inverse, en quelques années, le gouvernement Koizumi a effacé l'acquis d'estime retrouvée dans la région qu'avaient valu au Japon les déclarations courageuses du premier ministre socialiste Tomiichi Murayama.
Pour le 50e anniversaire de la défaite, le 15 août 1995, M. Murayama avait exprimé les "profonds remords" de son pays pour les souffrances imposées à la région au cours de "sa domination coloniale et son agression". Une reconnaissance dans "un esprit d'humilité" de "faits irréfutables" qui avait amorcé un rapprochement longtemps attendu avec la Corée du Sud. M. Murayama critique la politique de M. Koizumi : "Il a détourné ma déclaration de son sens. C'est une honte pour le pays". A Séoul, comme en écho, on estime aujourd'hui que le Japon n'est pas "moralement qualifié" pour entrer au Conseil de sécurité de l'ONU.
L'antagonisme entre le Japon et ses voisins a pris un tour émotionnel difficilement contrôlable. Les politiques "surfent" sur la vague, l'oeil sur leur opinion publique, plus qu'ils ne maîtrisent la situation. Les violences antijaponaises en Chine risquent de renforcer au Japon une animosité diffuse à l'égard du grand voisin et ne manqueront pas d'alimenter les thèses de la droite sur la "menace chinoise".
Philippe Pons
Article paru dans l'édition du 12.04.05
Accédez à cet article sur Lemonde.fr
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3216,36-637652,0.html »
2005-04-11 18:31:56 de Arnaud

Moi je trouve que l'édito du Monde (« Tensions Chine-Japon ») est assez juste. Cependant, j'aurais aimé qu'il pose des questions plus essentielles, notamment : a-t-on raison en Europe de vouloir vendre des armes à un pays qui est en pleine montée nationaliste, qui ne laisse rien présager de bon, et ce dans le contexte de la création de la loi contre le séparatisme (au sujet de Taiwan)
Globalement, la Chine montre son visage enfin, politiquement et socialement, et l'on ferait bien de ne pas en rajouter. D'une manière ou d'une autre.
2005-04-12 03:47:29 de Arnaud

"Un pedigree" de Modiano, un livre que je n'ai pas acheté d'emblée, je l'ai lu "sans plaisir" il y a plusieurs mois . Il était , pour moi, le premier de cet auteur. Le titre me déplaisait. La quatrième de couverture m'a intriguée. L'allure autobiographique me l'a rendu attractif.
Je trouve l'écriture austère, désaffectivée ( volontaire ?). Le livre est structuré comme une visite à folle allure de souvenirs personnels dans lesquels les noms sont épinglés comme des indicateurs de sens ( direction). Tantôt je vois la mère (une intermittente de la tendresse), le père (un affairiste plutôt inquiétant ),le fils ( un ballotté qui ne veut pas le rester mais qui n'a que très peu de prise sur son environnement). Frénétiques Solitudes... L'écriture semble à peu près la seule échappatoire possible pour ce "garçon "aux aguets. J'ignore si j'aurais envie de lire un autre ouvrage de Modiano. J'ai quitté cette lecture avec soulagement. Impression d'avoir débusqué une histoire de vie très triste, vénale presque... où la honte ravalée tient le haut du pavé... J'ai pensé à Annie Ernaux pour le style et l'ambiance même si les personnages n'appartiennent pas aux même milieu.La tentative "curative" du livre est -elle aboutie ? J'ai du mal à l'imaginer...Il me semble qu'il y a encore plusieurs épaisseurs d'oubliettes mnésiques dans cette approche de la transmission familiale. Les défaillances de l'énonciation et de la nomination sont elles fortuites ?
2005-04-12 19:01:07 de Marie.Pool


Mardi 12 avril 2005. Les personnes pour lesquelles aucune limite n'existe.

Je viens de changer l'adresse du blog de Didier Jacob dans ma colonne de gauche. Ça faisait au moins trois semaines que j'avais un message d'erreur... Je vois à la suite de sa livraison du 7 avril qu'il y a maintenant possibilité de laisser des commentaires, indépendamment de celle de lui écrire. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il ne fait pas bon s'attaquer à Philippe Muray ou à son ami Maurice G. Dantec ; il y a aussitôt de la très grosse artillerie qui sort. Tout ça ne me dit rien de bon pour l'avenir de la littérature.
Surtout si j'y ajoute l'émission que j'écoutais ce matin dans le shinkansen et que je conseille à tout le monde d'écouter toute affaire cessante : le Tire ta langue de mardi dernier (ici en audio), intitulé L'écriture génocidaire, avec Michaël Prazan. Il achève, à voix basse et contrite, sur un constat de pessimisme qui m'a vraiment fait froid dans le dos. Et qui ne concerne pas que la littérature. Presque de quoi être aussi inquiet que mon Arnaud apporte-Monde.

Il pleut comme ça pleure dans mon cœur. Premier cours avec les étudiants de première année. Puis cours de doctorat. Jonglage avec les niveaux, ça me redonne le moral, y'a qu'ça de vrai. Je ne comprends pas ces profs qui ne veulent que des cours de niveau supérieur. Ou inférieur, d'ailleurs.
Je reprends un exercice japonesque que François Bon donnait récemment en atelier d'écriture en y ajoutant des contraintes, des obligations de relatives pour forcer à l'élaboration phrastique. Et puis je m'y colle aussi, dans le temps imparti. Voici ma copie, que je dédie à T.

Choses qui font battre le cœur

Une chanteuse dont la voix se casse

Le souvenir du commissariat où je m'étais retrouvé à onze ans après avoir fait tomber des pierres sur une route de montagne

L'avion quand il décolle

Ce frisson de la mort, comme je l'appelle, qui, d'un courant d'air imprévu, m'envahit tout le corps

Mentir quand j'ai l'impression que ça crève les yeux

Les personnes pour lesquelles aucune limite n'existe

Le cerisier dont le dernier pétale vient de se détacher

L'idée que celle pour laquelle je vis puisse ne plus être


Seî Shonagon ça fait toujours un bien formidable.
mon atelier de la semaine dernière à Pantin:
http://www.tierslivre.net/spip/article.php3?id_article=79
autre lien que j'avais mis, vers ce forum Rhode Island - l'idée m'avait bien plu, mais je n'ai pas sensation que les étudiants l'ont pleinement exploitée comme on pourrait
http://www.network54.com/Forum/377876
A propos, qu'est-ce que c'est le titre exact de Seî Shonagon, en japonais, je sais qu'il s'agit d'une sorte d'appuie-tête pour se reposer sans se décoiffer la chevelure compliquée de la cour ?
Cet aprem, aux BxArts, une étudiante du nord (la ville même d'Ozamu Dazaï!) est venue me montrer un travail : des photos couleurs grands formats des étagères à livre de tous les amis ou voisins qu'elle a, toujours par diptyque, mais d'une photo à l'autre, la même bibliothèque, elle retourne un par un tous les livres - en laissant la tranche à l'arrière bien sûr : du coup, le titre, l'auteur et l'éditeur qui s'écrivaient verticalement orientés à droite apparaissent orientés à gauche... comme elle dit "ça prend beaucoup de temps, et peu de personnes remarquent" - j'ai trouvé ça génial! (elle va m'écrire un texte là-dessus pour son UV)
et à propos, tu devrais aussi indiquer l'adresse direct de mon blog plutôt que la page renvoi qui date de la version html !
2005-04-12 22:19:59 de FBon

cher monsieur,
vous aimez les contrepets, vous aimez la littérature, en voilà trois pour vous:
. Paul et Virginie : Virginie prend les bols.
. Claudel, voilà une chose qui me fait bien prier !
. Horace tâtait avec inquiétude le pouls de Sabine.
Et notez qu'avec le premier l'assonance est parfaite de votre pseudonyme Berlol.
Merci pour cette gentillesse que vous avez de notre art trop méprisé, malgré, vous savez, Rabelais: Femme folle à la messe etc, et celui célèbre de Victor Hugo que vous connaissez si bien: Le vieil artisan tisse en plusieurs passes.
Bien à vous
Ludwig
2005-04-12 22:33:36

Mentir quand j'ai l'impression que ça crève les yeux...
C'est une relative, ça?
2005-04-13 08:21:42 de Christian

"Les personnes pour lesquelles aucune limite n'existe":
un beau thème de débat . Je pense immédiatement à "la toute-puissance" de certains plumitifs qui imaginent prendre possession d'un esprit en lui imposant la médiocrité de vulgarités éculées ( ou acculées c'est selon ).
J'apprécie particulièrement votre copie qui nous transporte dans l'intime et le respect.Elle donne envie d'en donner autant.Mais faudra-t-il pour ce faire installer des filets à seule fin de mieux protéger ces semailles des becs mal fermés et inconséquents ? Ce serait dommage pour les oiseaux inoffensifs qui verraient dès lors moins bien l'essor puissant de mots partagés et mis en boutures.
2005-04-13 08:44:32 de Marie.Pool

Mentir (en disant faire des relatives) quand j'ai l'impression que ça crève les yeux (que ce n'en est pas...)
Bien joué Christian.
2005-04-13 10:33:34 de Berlol

Hé oui! Ça arrive même aux meilleurs! :)
C'était amusant parce qu'il y avait comme deux illusions d'optique avec le "quand" et le "que". En lisant vite, ça passe... comme en écrivant vite, d'ailleurs.
Au fait, t'as vu l'avion?... quand il décolle?
Mais bon, je suppose que le but était de construire des phrases "élaborées", pas seulement des relatives au sens strict et grammatical du terme.
2005-04-13 14:38:15 de Christian


Mercredi 13 avril 2005. S. F. C. D. T. (sauf de T.).

Profitant d'une réunion, je parcours le dernier Magazine littéraire, avec un dossier sur Stendhal (n° 441).
J'y lis avec plaisir (dans Ces écrivains qui séduisent l'université, p.8-10), que l'amie Anne-Élisabeth Halpern (Univ. de Reims) « rêve d'ouvrir une chaire de littérature du XXIe siècle », que Dominique Viart, déjà cité dans le JLR, « a été consulté par le ministère de l'Éducation nationale pour recenser les auteurs vivants à faire connaître dans les collèges et les lycées » et que Pierre Jourde aime bien Marie N'Diaye, « à l'inverse de Tanguy Viel qui sent la pure fabrication et l'effet de mode.»
Déjà de bonnes pages !
Philippe Muray dont je parlais hier est qualifié de « fine plume » (p. 12) en signalant L'Imbécile où dessine Pajak qui dessine aussi dans le ML. Un petit coup de pouce qu'on aurait pu éviter.
Dans le débat où j'entre, Modiano à la main — il faudra que je réponde au commentaire de Marie-Pool sur ce sujet —, l'entretien avec Oliver Rohe me sera utile (p. 13) : à propos d'un numéro de la revue Inculte consacrée au « faux » (Inculte, n° 2), il déclare que « la demande de vrai répond à une injonction morale parfois extérieure au champ artistique.» Dans le sobre, c'est parfait. Et cela aurait sans doute plu à Alexandre Vialatte que l'on fait naître en 1978, avec justesse lorsqu'il s'agit de sa notoriété.
Décidément, ça s'est bien amélioré, le ML ! J'y ai aussi trouvé des chroniques d'Enrique Vila-Matas et de Simon Leys. Ce dernier nous rappelle (p. 22) un trait de Randall Jarrell (plus cinglant que Célébration de la poésie de Meschonnic parce que plus rapide) : « Un bon poète est quelqu'un qui, passant une vie entière à s'exposer dehors à tous les orages, réussit à se faire frapper cinq ou six fois par la foudre.»

Le dossier Stendhal est superbe. Articles et illustrations. Juste une petite réserve au sujet de Sarga Moussa qui prétend, en chapeau puis dans son article (p. 53-55), que le mot touriste fut employé par Stendhal « à une époque où ce mot n'était pas encore connoté négativement ». Ayant justement fait des recherches sur ce sujet (article sur Stendhal et Mérimée dont j'ai déjà parlé, à paraître dans quelques jours dans la revue de mon université), je peux dire qu'il n'y a pas à aller bien loin, dans Gallica par exemple, pour se rendre compte que c'est dès le début (entre 1810 et 1830) que le mot a été connoté négativement en français. Mais il vaut peut-être mieux SFCDT que de contredire un directeur de recherche au CNRS...

Si vous êtes à Paris et que vous ne savez pas quoi faire ce soir, allez donc écouter Philippe Berthier parler de Stendhal à la BnF (18h30-20h00).
À moins que vous préfériez y aller demain à la même heure : Alain Robbe-Grillet parlera d'auteurs qui l'intéressent (Saer et Kirkegaard). Dans un cas comme dans l'autre, je veux bien que vous m'enregistriez ça en MP3, on fera des échanges...

Allez, je file au sport, lire Grozdanovitch !


Rien a voir avec Stendhal... Misere de moi ! d'etre tombe dans le panneau, piege par un tel talent de contrepeteur ! Bravo ! Il est vrai que j'etais un peu etonne par ce "souper" de petales...
2005-04-13 13:32:37 de vinteix

Bonsoir!
Tiens, puisque je vois que ta liste de blog s'allonge: celui de Sekken no awa (mousse de savon) t'intéressera sûrement. À cette adresse, elle y parle de sa récente visite au temple Yasukuni, le fameux qui suscite tant de passions et surtout la colère des Chinois quand le premier ministre s'y rend.
http://www.blogg.org/blog-9904-themes-27046.html
Arnaud-qui-n'a-pas-le-temps-de-faire-son-propre-blog-mais-apporte-Le-Monde lira aussi avec intérêt.
2005-04-13 14:29:06 de Christian

Je file de ce pas acheter le ML, comme tu dis.
2005-04-13 17:00:35 de Frédérique Clémençon

J'ai toujours trouvé que le ML comme tu dis, faisait des dossiers intéressants ...la plupart du temps, et je pense, depuis 20 ans, que c'est une bonne revue.
Quant à Viel, il me semble intéressant aussi. C'est toujours un peu facile de dire que c'est "fabriqué".Et n'est-ce pas ton travail justement de montrer (et tu le fais très bien quand tu aimes) de dé-mont(r)er comment c'est "fabriqué" et pourquoi c'est valable (ou pas) selon toi ?
Pour ceux qui veulent approcher Viel voilà un lien point de départ :
http://www.inventaire-invention.com/melancolies/viel_partie1.htm
Quant à ce que dit Marie Pool sur Modiano, je suis tout à fait d'accord avec elle. je ne le lis plus. D'abord, on ne peut pas tout lire, et puis toutes mes tentatives (et il y en a eu plusieurs) se sont soldées par une indifférence de ma part, mais sans aucune animosité ni envie de le critiquer. plutôt envie de le laisser tranquille. Il me semble ne faire de mal à personne.
Je pronostique pour le ping-pong encore une râclée. :-)
2005-04-13 18:21:15 de jcb

Tu échangerais des mp3 contre "certaines" photos ?
2005-04-13 19:15:12 de arte

Un lien, qu'une amie vient de me donner, vers un site qui a l'air très intéressant, autour de la sémantique des textes.
http://www.revue-texto.net/index.html
JCB et Marie-Pool : Vous me faites de la peine.
Arte : Une photo de mon oreille droite contre une photo de votre gros orteil gauche.
2005-04-13 22:22:34 de Frédérique Clémençon

Une photo de mon oreille droite contre une photo de votre gros orteil gauche est une magnifique contrepèterie pour Une photo de mon oreille droite contre une photo de votre gros orteil gauche. A condition bien sûr d'interpréter. Nous savons cela.
2005-04-13 22:58:06 de Ludwig

A Fréderique Clémençon : peine de quoi ?
A moi, vous ne faites rien. Je ne vous connais pas. Rien dans ce que j'ai lu de vous sur le blog ne vous rend antipathique à mes yeux.Vous butinez sans vous soucier des opinions contraires,vous n'avez pas l'air de vous en faire ni de vous enferrer...C'est rassurant. Je vous rassure encore plus. Je dis ce que je pense sans crispation des zygomatiques et je me distrais aussi beaucoup. On apprend beaucoup en se confrontant aux mots sautillants des autres. J'irai fait un tour de sémantique à l'occasion. Même si je préfère des bains moussants de poétique. J'ai le raisonnement lascif parfois, mais je ne le photographie pas .
Si c'est mon commentaire sur Modiano qui vous peine, alors je le retire immédiatement.Admettez simplement que j'ai lu et que je n'ai moi non plus , pas envie d'embêter cet écrivain . Les questions que je me suis posées sont réelles .J'aime les écritures plus moelleuses lorsqu'il s'agit d'amortir les coups de
la vie. C'est ainsi !
Les jeux de mots pour les mots et non pas pour le sens ne me nourrissent pas. Je n'y peux rien ! Mille excuses je vous prie de m'accorder pour mes insuffisances.
2005-04-13 23:29:26 de Marie.Pool

Oui, bien sûr, nous savons cela, Ludwig... Et même, puisqu'il faut interpréter, nous lavons ce ça. Le ça freudien, bien sûr.
Chère Marie.Pool, les jeux de mots pour les mots ne sont pas que pour les mots. C'est une traduction possible de la deuxième ligne du Tao Te King, le grand livre du Tao. Et c'est peut-être dans les jeux de mots soit disant poétiques ou élevés, intellectuellement parlant, qu'il y a le plus de vent. Vous me direz que le vent ou le pet, c'est presque la même chose...
Par contrecoup (et pas contrepet) je comprends la peine de FC, qui n'est qu'une façon de parler, entendons-nous : l'une dit n'avoir rien lu de Modiano que "Un Pedigree", ce qui ne me paraît pas être une bonne stratégie pour aborder Modiano (mais bon, on est libre, après tout), l'autre dit ne plus le lire après que ses essais se sont soldés par de l'indifférence (ce que je respecte, par ailleurs), et malgré cela ils se rejoignent dans un "tout à fait d'accord" on ne peut plus superficiel. Il suffirait peut-être que Marie.Pool lise "La Place de l'étoile", par exemple, et la face du monde en serait changée...
Et ne prenez pas mes mots trop à la lettre. Laissez-leur du jeu. Soyez connivent(e)(s) !
2005-04-14 01:50:29 de Berlol

Pourquoi je vous fais de la peine ?
Je ne comprends pas. Qu'ai-je dit ? qu'ai-je fait ?
je vous ai trouvé très sympathique quand on s'est rencontré.
J'ai aimé vos livres, et je trouve que vous êtes non seulement
sensible mais avec un certain humour, et que vous écrivez bien.
Vraiment je ne comprends pas pourquoi vous dites ça. Vous auriez pu faire un effort et en donner une raison ou un motif, une cause...
J'ai beau relire mes rares mots sur le blog de Berlol, je ne vois
pas où j'ai pu être agressif ou désagréable envers vous ou quelqu'un d'autre.
Bref, ma soirée se termine mal et votre remarque m'a "touché" pour ne pas dire bléssé.
Si ce sont mes propos que vous trouvez insipides ou qu'ils vous peinent dans le sens où vous les trouvez pitoyables, j'en suis désolé. J'essaierai désormais de dire à Berlol directement ce que
j'ai toujours pris plaisir à oser exprimer sur son blog.
Bien à vous tous.
2005-04-14 01:52:03 de jcb

Marie.Pool, JCB, j'ai peut-être pas tout suivi et pas bien compris, mais il me semble que FC est juste triste que vous n'aimiez pas Modiano !
Vous n'allez quand même pas arrêter de poster des commentaires pour si peu !
FC, dites quelque chose !
2005-04-14 03:26:00 de Manu

Merci, Manu. En fait, JCB a posté son dernier commentaire presque en même temps que le mien (juste après) et n'a donc pas lu comment j'interprétais la "peine" de FC. J'espère que tout va s'arranger.
Pour Frédérique, voilà une des règles des conversations en ligne : le second degré n'est jamais bien perçu par tout le monde "à la fois", dans la mesure où l'on ne se connaît pas, où l'on n'a pas les mêmes cultures, d'ici ou là dans le vaste monde, où l'on n'a pas eu du tout la même journée les uns et les autres, etc., et surtout dans la mesure où l'on n'a pas vu ton œil malicieux qui avait bien plu à JCB au Physicien, et qui semble aussi passionner Arte (oui, échange de MP3 contre JPG, c'est possible, à négocier...).
Par le passé, j"ai vu comme ça dans des forum ou des listes de discussion, des flambées d'invective qui partaient d'un tout petit différend sur le sens d'un mot, malicieux ici, cynique là, insultant encore ailleurs, etc. D'où l'invention des emoticons et autres signes indiquant quand rire ou pleurer. Ce renforcement de la fonction phatique est nécessaire, même si je pense qu'en étant souple et connivent, cela devrait aller mieux.
2005-04-14 05:12:05 de Berlol

ben moi j'ai jamais réussi à lire Modiano et là je viens de relire pour mes BxArts Le Jardin des Plantes et Lettrines et ça m'étonnerait que je puisse modianer encore d'ici loin, voilà et en suis bien à la peine
il y a un mot aussi à son propos dans le blog Volkovitch d'avril
http://www.volkovitch.com/
ai pas eu le même enthousiasme pour l'article du ML, qui s'intéresse à nous tout d'un coup sous prétexte que des profs de facs atypiques (comme Bruno Blanckmenan qui est cité dans le même article et fait quand même moins "faiseur de coup" que ton Jourde, lequel tire sur tout ce qui bouge à condition que ça ait fait parler déjà bruyamment et seulement en fonction de ça) ont lancé des mémoires ou DEA sur nos bouquins, qui n'en demandent pas tant
vive le phatique
2005-04-14 07:24:22 de FBon

ouais j'ai trouvé ce que ça veut dire "phatique" chez Berlol on en apprend toujours un peu
* definitions
* COMMENTAIRE / Analysis
* BIBLIOGRAPHIE / References
CORRÉLATS / Links
* COMMUNICATION / Communication
* FONCTION / Function
* ONOMATOP�E / Onomatopoeia
ÉTYMOLOGIE / Philology
XXe si�cle, du grec �parole� par l'expression anglaise phatic communion compos�e par Bronislaw Malinowski, (1884-1942)
ÉTUDE SÉMANTIQUE/Definitions
COMMENTAIRE / Analysis
La communication spontan�e, imm�diate d'�motions vive sous forme de cris, d'avertissements, d'injonctions rel�ve du langage phatique tel que l'ethnologue Bronislaw Malinowski l'a d�fini, par opposition � la communication raisonn�e d'id�es ou de raisonnements. Les messages phatiques ont peu de chance d'acqu�rir un statut litt�raire dans la mesure o� par d�finition, ils ne sont pas un produits d�lib�r� de l'art; ils peuvent cependant entrer dans des textes � vis�e litt�raire en repr�sentant la communication humaine, par la bouche des personnages au th��tre notamment. Tout cri, f�t-il lanc� dans le d�sert, est la manifestation d'une �motion qui est adress�e � l'autre.
j'aime surtout la quanté de points d'interrogations, et irai phatiquer un bon coup à votre santé dans l'heure
et bien sûr c'est de Bruno Blanckeman que je voulais parler, on coquille vite sur ce système
2005-04-14 07:46:14 de FBon

T'inquiète pas, le ML l'orthographie "Blanckman"...
2005-04-14 09:20:03 de Berlol

Seigneur! Voilà qui m'apprendra! Il n'y avait dans ma remarque rien de plus que la manifestation légère, très légère, d'une surprise, maquillée en chagrin, et non l'expression d'une peine profonde, avec mouchoir et gros sanglots.
Mille excuses, donc, à JCB et Marie-Pool - ne retirez rien, bien entendu, à vos commentaires sur Modiano. Pour tous les deux, afin de me faire pardonner : les premières fraises de la saison, rouges à souhait, avec un peu de sucre en poudre par dessus. Laisser fondre.
Les malentendus filent, courent, volent, sur le blog, tant qu'on n'a pas vu la pupille de son interlocuteur - ainsi parle Berlol, qui a raison.
(Suis d'accord avec François Bon pour l'article dans le ML concernant l'étude des auteurs récents à l'université. Le nombre des auteurs cités reste en outre très limité. La position pétillante, pleine de curiosité pour les textes les plus récents, de Jean-Yves Tadié ou de Bruno Blanckeman est réjouissante, mais sans doute exceptionnelle. Ce que j'ai lu sur Stendhal est en revanche épatant. Merci encore)
2005-04-14 10:16:16 de Frédérique Clémençon

Ah non Berlol ! interdire le second degré à cette femme, ce serait comme priver le champagne de ses bulles ... Il suffit quand on lui fait un peu de peine de lui offrir une paire de bottines, et hop ... elle vous offre une oreille !
D'ailleurs, gros orteil gauche suit ! (je cours chez le pédicure...)
2005-04-14 11:00:58 de arte

Je ne sais pas si c'est dans le grand livre du TAO, mais j'aime bien lorsqu'à la fin d'un échange aux prétentions philosophiques et lorsque les arguments flottent trop pour être navigables, il ya un péremptoire et malicieux sage qui dit à l'autre "Et maintenant, va laver ton bol !" (Après avoir mangé les fraises de Frédérique bien évidemment).
En ce qui concerne les vents de ventriloques impénitents concoctés par des érudits épris de formules trompe-lire, je ne les mets pas au même plaisir que les jeux de mots subtils qui parviennent à sculpter le réel ou l'imaginaire pour mieux les savourer ou les comprendre. Je fais un métier assez près du corps et des hontes des gens ordinaires pour pouvoir m'éviter d'en rajouter des couches. Non BERLOL le vent est le vent, le pet le pet : le premier permet au pollen de circuler, le second ne sert même pas d'engrais... J'espère que ça vous fait rire, sinon mon souffle buccal est raté !
Quant à "Pedigree" j'en ai fait une lecture "honnête" et sans a priori. Je lirai Modiano si l'occasion se présente . Dites-moi ce qu'il représente pour vous et nous en reparlerons.
Le second degré ne m'est pas inaccessible quand je ne comprends pas du tout ce dont il s'agit, le reste du temps j'aime bien réfléchir et m'émotionner au ras des fraisiers...
Quant à la fonction phatique, je l'utilise peut-être moins que ma fonction rêvante (Déformation professionnelle probablement -Je me sauve ainsi de tout ce que je vois et entends- Si vous saviez tous les gens possibles et imaginables qu'on se coltine dans une journée d'hôpital vous seriez sans doute plus indulgent- Mais je ne vous en veux pas).
Je vous souhaite le BonJour .
2005-04-14 12:20:29 de Marie.Pool

Je suppose que tous ceux qui résident au Japon ont vu à la télévision que la tension entre la Chine et le Japon a encore monté d'un cran depuis deux jours.
Incroyable, cette façon qu'ont les relations diplomatiques d'avancer à reculons...
« La tension entre Pékin et Tokyo s'accroît à propos de l'exploration de champs gaziers
LE MONDE | Tokyo de notre correspondant
La décision du gouvernement japonais, mercredi 13 avril, d'accorder des droits de forage à des compagnies pétrolières dans une zone de la mer de Chine orientale dont la souveraineté est contestée par Pékin, envenime une situation déjà tendue entre les deux pays, comme en témoignent les récentes manifestations antijaponaises dans plusieurs villes chinoises. Bien que Tokyo fasse valoir que sa décision n'est pas liée à la détérioration du climat entre les deux pays, elle a été interprétée à Pékin comme une "grave provocation".
L'octroi de ces droits de forage est, certes, une question pendante depuis plusieurs mois. Mais dans le contexte actuel, la décision de Tokyo prend une dimension politique alors que l'on attend une nouvelle vague de manifestations à l'occasion de la visite à Pékin, le 17 avril, du ministre japonais des affaires étrangères, Nobutaka Machimura. Au cours de ses entretiens, le chef de la diplomatie japonaise compte faire valoir aux Chinois qu'il est impératif de trouver une solution de compromis à l'exploration des champs gaziers au risque, à défaut, de mettre au contact des unités des marines des deux pays.
DEMANDES RÉPÉTÉES
Pékin ne reconnaît pas la délimitation des zones économiques exclusives de 200 milles en mer de Chine orientale et a construit, en 2004, des plates-formes de forage à 4 kilomètres de celle-ci. Le Japon estime que ces forages peuvent assécher les réserves qui se trouvent de son côté. Ces champs gaziers situés à l'est d'Okinawa contiendraient 200 milliards de mètres cubes de gaz naturel.
Au cours des trente dernières années, en dépit des demandes répétées de compagnies pétrolières nippones, Tokyo s'est abstenu de leur accorder des droits de forage afin d'éviter de provoquer des tensions avec la Chine. Au début de cette année, Japan Petroleum Exploration et Teikoku Oil ont réitéré leurs demandes d'exploration. En donnant son "feu vert", Tokyo espère amener la Chine à une exploration-exploitation commune.
La grande difficulté, pour les Japonais, est de parvenir à persuader les Chinois de dissocier la question du passé de l'enjeu actuel : l'accès à des ressources énergétiques dont les deux pays ont impérativement besoin. Le ministère des affaires étrangères japonais rappelle, dans un communiqué, que Tokyo a exprimé à plusieurs reprises ses "profonds remords" pour le passé et que son attitude n'a pas changé depuis la déclaration en ce sens du premier ministre, Tomiichi Murayama, en 1995.
Le communiqué ne mentionne cependant pas les visites répétées du premier ministre Junichiro Koizumi au sanctuaire de Yasukuni, où sont honorés, parmi les morts pour la patrie, des criminels de guerre, ce que Pékin ressent comme une absolution du passé. Parmi les "âmes honorées" figure, en effet, celle du général Hideki Tojo. Celui-ci, avant d'être ministre de la guerre puis le premier ministre qui engagea le Japon dans la guerre du Pacifique, avait été chef d'état-major de l'armée du Guandong qui, à partir de 1937, s'était lancée à la conquête de la Chine. Condamné à mort par le Tribunal international de Tokyo, il a été pendu en décembre 1948.
Les propos du chancelier allemand Gerhard Schröder, mercredi 13 avril, à l'occasion de la visite à Berlin du président sud-coréen Roh Moo-hyun, selon lesquels "on ne perd pas ses amis en abordant sa propre histoire de manière sensible et en faisant son autocritique", résonnent comme un désaveu de la voie suivie par le gouvernement Koizumi. S'il était permis de penser, dans le passé, que les propos "négationnistes" tenus par des personnalités japonaises reflétaient des points de vue individuels, cette fois, c'est l'Etat qui semble entériner cette attitude. Une position qui avive, en Chine, un ressentiment aisément manipulable.
Philippe Pons
Article paru dans l'édition du 15.04.05 »
2005-04-14 17:17:04 de Arnaud

Bonjour!
Est-il bien légal de recopier comme ça des articles du Monde?
À propos des visites du sanctuaire Yasukuni, je vous recommande la lecture d'un blog d'une Française qui nous y raconte sa visite.
Édifiant!
Cliquez sur mon nom ou recopiez l'adresse ci-dessous:
http://www.blogg.org/blog-9904-themes-27046.html
2005-04-15 02:13:07 de Christian

Ça va, Christian ? Je te signale que tu nous as déjà donné cette info ce même jour dans le second commentaire...
À part ça, tu viens à la Journée Derrida à l'Institut, demain ?
2005-04-15 02:54:49 de Berlol

J'avais raison alors !
Tout est bien qui finit bien !
2005-04-15 03:23:05 de Manu

Une autre vingtetuniémiste, qui travaille d'ailleurs, je crois, avec Blanckeman : Aline Mura-Brunel (Université de Pau).
2005-04-15 08:03:26 de 63/2B

Aline M-B, ne travaille pas seulement avec Blanckeman, mais aussi avec Viart ou Marc Dambre. Elle est, à la base, XIXiste... Et vient de publier un ouvrage sur la relecture de Balzac par les contemporains dans leurs écrits, aux éditions Rodopi : Silences du roman : Balzac et le romanesque contemporain, 2004. Pour info : Aline M-B n'a aucun lien avec un certain Pierre, mais tout à voir avec Henri Brunel, l'auteur de la série des "Contes zen" et autres textes inspirés du Japon... Comme quoi, la terre est vraiment petite !!
2005-04-15 09:42:38 de Au fil de l'O.

Modiano,mon RTT et la pluie...
Je suis rentrée à 20H. Embusquée depuis la fin d'après-midi dans un bistrot ,près de la librairie...Je voulais lire ce bouquin d'une traite... en finir avec lui en quelque sorte...Berlol me l'avait conseillé, j'ai trouvé "La place de l'étoile" en Folio. J'ai même poussé le zèle jusqu'à acquérir "Dora Bruder" et "Accident Nocturne" au cas où... Bon... Va falloir que je dise...mon "impression" n'est pas meilleure que pour "Pedigree"... Cette écriture truffée d'hallucinations mnésiques ne parvient pas à me convaincre de son efficacité sur mon psychisme. J'ai relevé plusieurs formulations qui indiquent pour moi des points d'achoppement : "tissu d'invectives" - " Le rêve ne se vend plus mon vieux !" - "J'étais un vrai jeune homme, avec des colères et des passions. Aujourd'hui, une telle naïveté me fait sourire.Je croyais que l'avenir de la littérature juive reposait sur mes épaules. Je jetais un regard en arrière et dénonçais les faux jetons..." - "L'abbé Perrache s'attriste de l'intérêt que je porte à Judas. "Vous êtes un désespéré, me dit-il gravement. Le péché de désespoir est le pire de tous." - La fin du livre me met profondément mal à l'aise la violence s'y révèle au travers de scènes ordaliques de vengeance où, une fois de plus la femme est ravalée au rang d'objet souffre-douleur...
Consentante bien sûr si elle est vénale...
Ras-les -couettes et les cacahuètes Messieurs Mesdames!... On n'a d'autres vies à
souhaiter. L'holocauste on l'a dans les veines et les pensées... pas besoin d'en faire un cauchemar de plus...On a donné, on a morflé... Je ne comprends pas encore exactement ce que Modiano cherche à exhumer, livre après livre , de ce mal-être hérité qui n'est sans doute pas uniquement le sien. En tout cas, le lire reste pour moi une épreuve. La face du monde n'en sera pas pour autant perturbée.
2005-04-15 22:05:12 de Marie.Pool

Nous avons au moins une amie en commun.
2005-04-16 11:25:06 de Bartlebooth

Bartlebooth, c'est pour Marie.Pool ou pour moi, ce message ?
Chapeau, Marie.Pool ! D'essayer, comme ça, pendant le temps libre, façon commando, et de nous dire franchement que ça n'a pas marché et qu'on a autre chose à faire dans la vie, je comprends parfaitement -- et vous en remercie.
J'en pense de même pour des tas d'auteurs, donc ne nous prenons pas de bec. Il est même heureux que nous différions sur quelques points, voire la plupart. Car si nous nous intéressons les uns aux autres, c'est bien pour ce qui diffère (brille ?) au-dessus d'une base commune d'ailleurs fluctuante, et plutôt postulée que (dé)montrable.
Ce qui achoppe pour vous ne le fait pas pour moi, sans doute. De plus "La Place de l'étoile" date de 1968, écrit en 1967 par un tout jeune homme dont on sait maintenant un peu que la jeunesse ne fut pas toute rose...
2005-04-16 11:35:54 de Berlol

Je comprends ,en vous lisant ,qu'à sa sortie ce livre ait pu avoir un salutaire effet sur une génération qui avait à interpeller de façon radicale une fonction parentale intouchable au temps des patriarcats abusifs et inefficaces ( en termes d'évitement de catastrophes guerrières par exemple).Vous avez raison, on ne peut pas lire un tel livre sans le contextualiser un minimum.
Encore une fois, ne pas pouvoir adhérer "aujourd'hui" à l'écriture de Modiano, telle que découverte dans ces deux livres est un constat que j'assume mais il n'a rien d'une descente de police( je lis "Accident Nocturne" pour ne pas abandonner la place sur un échec et je lirai d'autres livres de cet auteur ).
Dites-moi pourquoi vous le lisez et ce que vous y trouvez pour vous. C'est cela qui peut infléchir mes choix, pas le fait de me reprocher de passer à côté de quelque chose qui vous intéresse. Dois-je mentir pour trouver grâce à vos yeux ?
Je ne cautionnerai jamais en littérature et en art ce qui rajoute du dégoût au dégoût. Je ne récuse pas la fonction cathartique de l'écriture mais j'ai besoin de mesurer les doses toxiques que cela m'envoie dans les neurones. Certaines évocations et leur réitérations complaisantes me font bondir au plafond. Je vous prie de croire que cela s'appuie sur du vécu et une réflexion solide .Que le jeune Modiano ait été méritant sur ce qu'il a réussi à exprimer dans un livre est incontestable, qu'il soit lisible par tous et par toutes est une autre étape.Je n'ai rien contre le jeune homme Modiano, vraiment, c'est sa façon de dire que je ne comprends pas facilement.
Acceptez calmement ma réaction, elle est , vous l'avez perçu "viscérale", favorisez plutôt son évolution par des remarques subjectives sur votre propre lecture. Etes-vous de la génération de Modiano ?
Je vous en remercie.
2005-04-16 13:05:58 de Marie.Pool

Tiens salut Bartle, heureux de te revoir, ca va toi?
2005-04-16 15:12:12 de arte

Ce message, Berlol, t'était destiné, j'aurais du signer Fantomas ou Plume.
Salut Arte, tout va bien, j'ai pensé à t'envoyer, de ma poésiesonorothérapie, une carte illustrée de Chloé à l'hôtel mais je n'avais pas de temps d'or didisponible.
2005-04-17 11:28:23 de Bartlebooth

J'y étais à la BNF ! Passionnant, à l'exception de la piètre prestation de Valérie Marin de la Meslée, du Magazine littéraire, qui animait (?) la conférence !
Je ferai du compte-rendu de la conférence le feuilleton de la semaine, au Coq à l'âne.
2005-04-17 12:14:34 de Eli Flory


Jeudi 14 avril 2005. Ma tête en citrouille.

Bon, là, il est minuit moins quatre et je n'ai rien préparé. Fortes chances que mon JLR se transforme en citrouille dans les grappes de secondes qui viennent. En même temps, ça serait amusant à voir. Et puis rien n'empêcherait d'en refaire un autre ailleurs... Comme dans un conte de fées.

Faut dire, à ma décharge, que j'avais trois cours à donner, une affiche à préparer pour la conférence de Jean-Philippe Toussaint le mois prochain et une réunion de département dont l'ordre du jour était pas mal long vu que c'était la première de la nouvelle année universitaire. Et puis... et puis... des commentaires à rajouter sur le billet d'hier pour remettre certains dans les bons rails de la comprennette collective.

Voilà, le temps que j'écrive ça, le sablier est vide. Et rien ne se passe. Coup d'œil à droite, coup d'œil à gauche. Non rien. Rien de rien.
Éh éh ! C'est que j'ai encore sept heures de répit ! Heure de Tokyo ! (ah bon, tout le monde le savait, j'ai raté mon effet, alors...).

« C'était un petit garçon (encore un enfant !) qui rentrait de l'école par un chemin de terre à travers champs et bois et qu'un vent violent ébouriffait — de même d'ailleurs que toute la végétation alentour. Il y avait dans cette toile (difficile à déchiffrer, encore une fois, tant tout y était déformé, incertain et entortillé) quelque chose qui se dégageait avec un pathétique poignant.» (Denis Grozdanovitch, Rêveurs et Nageurs, p. 176)

Lisant cela, au sujet d'une toile de Soutine que je ne connais pas, je ne peux m'empêcher de revoir ce que T. m'a montré la semaine dernière. Provenant de cartons dans lesquels une de ses sœurs avait accumulé tout un bric-à-brac de la maison familiale maintenant rasée, il s'agit d'une peinture faite par T. à l'école : des herbes penchées par le vent, un petit enfant sur un chemin, imprécis, dont la chevelure épouse la forme des herbes...
Si je réussis à la photographier correctement, j'ajouterai ici la photo de cette peinture d'enfant. En attendant, je cherche le Soutine avec Google et la description de Grozdanovitch...
Il y a plus de vingt pages de résultats mais aucune toile qui corresponde, si l'on excepte deux enfants au retour de l'école et l'homme bleu sur la route... Le souvenir parfois amalgame et déforme, il est donc possible que Grozdanovitch décrive un tableau qui n'existe pas (sauf, depuis peu, chez moi). Il parlait d'un tableau vu « treize ans auparavant [...] dans la petite Philips Gallery de Washington ». Il est aussi possible que l'internet ne recèle pas encore l'image de cette toile de Soutine ou que Google ne sache pas la trouver. Affaire à suivre...

Minuit et demi. J'arrête, sinon c'est ma tête qui va être transformée en citrouille. Et ça, on ne m'en fera pas une autre ailleurs.


à preuve, réouverture immédiate et simultanée du site
http://www.citrouille.net
très sympathique d'ailleurs, preuve qu'il est magique Berlol, mais préviens à minuit quand tu seras retransformé dans l'autre sens
personne dans les Japonisants du lieu ne m'a répondu sur titre de Seî Shonagon en japonais ? arrigato d'avance, si ...
2005-04-15 07:25:41 de FBon

Si si, ça va venir... Tu sais, c'est d'un temps où la vie avançait très lentement...
2005-04-15 08:00:17 de Berlol

surtout à l'heure où tu es en Shinkasen
bon riz du matin en passant devant le Fuji, doit être magnifique
2005-04-15 08:14:05 de FBon

FBon a l'air d'aimer le Fuji.
Berlol, n'hésite pas à lui transmettre mes photos de décembre si tu penses que cela peut l'intéresser...
2005-04-15 08:31:24 de Manu

Ainsi l'humanité se diviserait-elle entre Fuji Jifu et Fuji ceux qui n'y furent ? Ainsi les mots jouent, qui ne sont vent. Je ne suis d'hôpital mais serviteur d'école, les volcans pour nous sont au-dedans, le quotidien aussi regarde aux fenêtres, le train passe au loin mais on reste. Cela sonne, je clos.
2005-04-15 09:05:39 de Ludwig


Vendredi 15 avril 2005. L'œil déçu ne l'est plus.

Avant le départ du shinkansen...

Au rose clairsemé des pétales tardifs s'ajoute le vert luisant de feuilles tellement débutantes qu'elles émeuvent l'œil encore un peu déçu.

Du clairsemé rose des pétales tardifs
jaillit de feuilles tellement débutantes
Tendre, le vert luisant émouvant
sous le vent l'œil déçu ne l'est plus

Après l'arrivée...
Déjà deux commentaires et une belle tentative de JCB sur le thème proposé. À quelque degré que l'on se refuse de se dire poète, il peut nous venir une petite envie d'associer des mots et de les sentir tinter et faire des bandes dans notre petite sorbonne redesignée pour l'occasion en billard dont le tapis c'est ma vie. Dès lors, les associations multiples (si synapses bien nourris), on n'arrive même pas à les choper toutes, on en transcrit quelques-unes et on laisse les autres rameaux partir mourir un peu ou pousser par en-dessous, si le rhizome ça repoussera ailleurs. Et aussi sur un mot la butée, vingt minutes à regarder le parc par la fenêtre en tournant juste trois mots devenus trois pauvres sons qui ne vont pas bien ensemble alors que l'idée si. Mazette, souffrance, mains tordues vers le ciel, centaines de boulettes de papier par dessus l'épaule, allez les clichés dégagez, je ferme mon sac et à moi la pointe de vitesse sur l'axe Nagoya-Tokyo.

À l'arrivée, petit dîner chinois avec T., qui dit être fin prête pour demain matin (terme de longues semaines de préparation...) et, pour moi, grosse confrontation nocturne avec Poulou. Une dizaine de pages de La Nausée à passer au peigne fin façon Berlol pour la quinzaine de fondus prêts à se lever aux aurores un samedi, franchement...


D'ailleurs, c'est maintenant au tour des "hanamizuki" de fleurir tandis que les "itchou" comment à voir leurs feuilles pousser...
2005-04-15 08:34:55 de Manu

Des pétales tardifs
Au rose clair parsemé
Jaillit le ver luisant
De l'oeil débutant
Tellement déçu.
2005-04-15 09:13:39 de jcb

En France, a Paris,
Le vert aussi des feuilles nouvelles
aux buis des haies des jardins de Montmartre
(je ne peux toujours pas accentuer les mots sur ce texte - une contrainte faible mais une contrainte)
2005-04-15 20:46:14 de Mot

"Sans souci
sur mon oreiller d'herbes
je me suis absenté"
Ryôkan

"Sous un voile de lune
ombre de fleur
ombre de femme !"
Natsume Sôseki

Anthologie du poème court japonais,
Présentation et traduction de
Corinne Atlan et Zéno Bianu,nrf Poésie/Gallimard,2005.
2005-04-15 21:19:20 de Marie.Pool

Allez faire un tour sur http://www.haiku-provence.net
Même en Provence on fait des haïku.
2005-04-16 07:42:15 de Caroline

"Tout ce qui n'est pas réellement présent dans le coeur ne relève pas du haïku."
Santoka, moine japonais né en 1882
2005-04-17 07:55:59 de Caroline


Samedi 16 avril 2005. Elles ne se sont pas étripées...

Franchement, ça n'a pas très bien marché hier soir. J'étais assez fatigué et je relisais dix fois mes mêmes lignes sans rien y comprendre... Donc, au lit et lever à 5h30 pour finir. Et tôt le matin, La Nausée, ça marche bien. Je suis le fil du texte et je l'aiguise.
On relèvera que Roquentin a passé (fui ?) six ans à l'étranger dont une partie en Indochine où il a trempé dans des trafics façon Malraux à Angkor, que, de dégoût mais sans le savoir, il est revenu en France et qu'il zone à Bouville, sa vie en boule depuis trois ans — trois ans qui n'ont presque aucune existence dans le texte ! Là, on se dit : mais qu'est-ce qui a pu arriver à ce pauvre garçon, par ailleurs pas bête et dont l'intelligence s'est focalisée sur un personnage historique dont il établit la biographie, pour qu'il soit à ce point forclos ? Le roman commence précisément au moment où des sensations étranges, voire des hallucinations, provoquent un début de prise de conscience que l'esprit cartésien essaie de mettre en ordre (« classer », p. 13), notamment en tenant un journal. Notre diariste remonte la filière et exhume un superbe amalgame : statuette khmère devant lui, parfum écœurant de la barbe noir roux du trafiquant ou tout comme (Mercier, étymologiquement vendeur de tissu = pourvoyeur de texte...) et « indolence » d'une « idée volumineuse et fade », c'est-à-dire le moment où après six ans d'absence à lui-même et d'obéissance à une sorte de père (Roquentin est roux) insupportable parce que trempant dans le crime, un sursaut de « colère » le fait déguerpir et retrouver la paix dans l'indolence de la solitude. Mais après trois ans de ce régime, le sens de la vie ?
Suite des notes ici. C'est pas que ça, ma journée ! Dès le cours de l'Institut franco-japonais terminé, il faut que je courre à Akasaka...

Cérémonie de premier anniversaire de décès de la mère de T., dans un temple à Akasaka, sur fond de guerre entre les quatre filles de la défunte, suivie d'un déjeuner en bento de luxe dans une salle attenante servant d'école maternelle et où les quatre filles ont l'une après l'autre commencé leur scolarité. Elles ne se sont pas étripées mais c'était moins une... Le père, lui, zen comme il est, a prétexté son état et son âge pour éviter de se faire transporter au temple en fauteuil roulant. On lui a ramené les fleurs.

Une commande Amazon effectuée il y a près de deux mois est enfin arrivée, les livres intacts à l'intérieur malgré une boîte presque méconnaissable, et une petite étiquette d'excuse des douanes rajoutée sur le dessus précisant que le colis avait transité par... l'Amérique du Nord. D'où son retard, la fouille à la douane, le carton défoncé, etc. Dedans, s'y trouve notamment le dévédé de Pépé le Moko (de Julien Duvivier, d'après roman d'Ashelbé, pseudonyme d'Henri La Barthe, 1936 — ne pas confondre HLB et BHL...), Sordidissimes de Pascal Quignard, le Manuel universel d'éducation sexuelle à l'usage de toutes les espèces d'Olivia Judson, Peinture avec pistolet de Jean-Luc Benoziglio et... Une Saleté, de qui vous savez.

Il y a quelques jours, l'Élizabeth du Coq-à-l'âne m'informai d'un article de la Quinzaine littéraire présentant les colloque de l'été à Cerisy et où l'Internet littéraire francophone n'était pas signalé. Dommage pour eux. J'ai vérifié ça cet après-midi, à la médiathèque de l'Institut franco-japonais, alors que je m'étais fait refouler de la salle où avait lieu l'hommage à Derrida (films et table-ronde) pour cause d'affluence maximale. Ce qui m'a intéressé, plutôt, c'est l'article au-dessus de celui sur Cerisy. On y présentait un site www.edistat.com permettant d'obtenir les résultats des ventes de livres au détail. J'ai cru un moment que c'était un poisson d'avril, mais je découvre ce soir que le site existe vraiment. Progression de la mentalité comptable : maintenant, dès qu'un auteur passe à la radio ou à la télé, il peut vérifier dès le lendemain si ça se vend mieux que la veille et se rapprocher ainsi de sa future Jaguar... ou du RMI.


heu... ouai, si tu veux
2005-04-16 18:12:05 de gerard de suresnes

On peut donc dire qu' Une saleté est passé par les états unis, et qu'un douanier américain l'aurait même touché ?
2005-04-16 18:26:47 de arte

Salut Berlol, salut Arte. Suis revenu faire un tour ici. Je vois que tout lemonde s'est déchaîné mercredi, et que Berlol lit toujours intensément, et glose intelligement. Berlol, as-tu reçu mon mail à propos des héritiers AGUIRRE-BASUALDO qui réclament ta Thèse ?
Un bonjour aussi à Marie-Pool, sans rancunes.
2005-04-16 23:04:50 de bromius

Désolé, je ne me suis pas relu "intelligemment"
2005-04-16 23:07:51 de bromius

Edistat... tout un programme. L'info m'a frappée aussi, mais pour l'heure je la garde sous le coude.
Intéressant toutefois pour mesurer l'impact des médias sur la vente d'un livre. J'y rechercherai par exemple le nombre d'exemplaires vendus par Bénier-Burckël, histoire de voir si la polémique lancée par Comment et Rolin avaient dopé les ventes. J'ai déjà ma petite idée !
2005-04-17 12:18:12 de Eli Flory

Ce qui est le plus gênant, à mon avis, dans ce "service" Edistat, c'est que 1 - c'est payant et 2 - tous les livres ne sont pas repris !!! C'est tout de même fort de demander aux "visiteurs" de payer juste pour savoir à combien d'unités s'est vendu un ouvrage... Surtout que ce ne sont pas vraiment les écrivains qui vont s'en servir (sur ce coup-là je ne suis pas d'accord avec Berlol), puisque pour eux, il suffit qu'ils demandent les chiffres à leur éditeur...
En plus faire payer pour un "service" même pas fiable... J'ai testé avec des titres d'ouvrages... Pour Edistat, ces livres n'existent pas... C'est dire la rigueur du truc...
Dans tout ça, je ne saurai toujours pas combien d'exemplaires de son excellent ouvrage "Les Salons littéraires sont dans l'internet" notre chez Berlol aura vendu jusqu'aujourd'hui !!
2005-04-17 22:13:27 de Au fil de l'O.

Il se trouve que moi non plus je ne sais pas combien j'en ai vendu, comme tu dis ! Les éditeurs ne sont pas tous honnêtes avec leurs auteurs et je n'ai JAMAIS reçu aucun courrier des PUF au sujet des ventes de ce livre. Par ailleurs, les Actes d'un colloque que j'ai co-organisé sont en préparation chez un autre éditeur parisien depuis près de 2 ANS, alors que nous avions donné une assez forte subvention. Ces preuves patentes de malhonnêteté font que je n'ai plus depuis longtemps aucune confiance dans cette profession. Alors Edistat ne sera qu'une couche de connerie supplémentaire !
2005-04-18 01:53:18 de Berlol

Bonjour,
Les éditeurs... il faut les contacter! Pour un petit bouquin paru au Japon et présentant les bases du français, je ne recevais que des demandes d'autorisation de réédition (la plus récente étant la 8e). Je les ai appelés, ils m'ont dit qu'ils allaient me payer des arriérés de droits d'auteur (très faibles mais quand même)! C'était il y a deux ans et ça m'avait largement payé un voyage en France! Bien sûr, tout dépend du contrat d'édition que tu as. Depuis, je les appelle une fois par an! :)
2005-04-18 04:14:55 de Christian

Quant au livre de Berlol, allez, on redonne le titre pour ceux qui ne l'ont pas encore lu, "Les Salons littéraires sont dans l'internet", avec tout ce qui a dû se vendre, notre ami va pouvoir s'acheter une Rolls, à sa grande surprise.
Au fil de l'O a écrit: "J'ai testé avec des titres d'ouvrages... Pour Edistat, ces livres n'existent pas... C'est dire la rigueur du truc..."
Mais justement, il me semble que les éditeurs n'ont pas tellement intérêt à ce que les auteurs sachent combien ils ont vendu d'exemplaires! Logique, non?
L'argument publicitaire Edistat serait donc une arme à double tranchant pour les éditeurs.
2005-04-18 04:21:55 de Christian

Tout à fait d'accord avec ce qu'écrit Christian !! Mais, nous ne savons pas qui est à l'origine de Edistat... Sont-ce les éditeurs ? De toute façon cela ne change rien (à mon sens) aux deux critiques que je formule... Mais, il est vrai que ce doit être le genre de "service" qui ne se préoccupe que des auteurs qui ont un GROS chiffre de vente... Donc pour ceux dont les éditeurs suivent déjà les chiffres avec le plus d'attention... Bref... Comme d'habitude, pour ceux qui ont en on le moins besoin...
Par ailleurs, cher Berlol, je te trouve effectivement peu curieux des ventes de ton livre !! Même si nous ne vendrons jamais 200 000 exemplaires (enfin, moi en tout cas !!), je trouve que tu devrais être plus ferme avec PUF-PUF !! A moins que cela ne t'intéresse vraiment pas du tout...
2005-04-18 08:29:53 de Au fil de l'O.

Vanités cachées, petits tracas : conversation avec une amie libraire.
"Si vous saviez combien d'auteurs [et pas nécessairement ceux, comment le croit au Fil de l'O, qui ont le plus gros chiffre de vente...] tournicotent dans les librairies, l'air de rien, le nez en l'air, mais n'en lorgnant pas moins, comme par distraction, vers la pile où patiente leur dernier opus... prêts à chouiner (ils ne sont pas si rares) parce qu'il n'y a pas assez d'exemplaires de leur livre, parce que la pile est mal placée, parce que le dernier Amélie N. leur fait de l'ombre...", dit-elle, en glissant, vipère, quelques noms pour le moins inattendus. Je me dis, pour ma part, qu'Edistat évitera à ces anxieux un bon torticoli et qu'ils seront plus nombreux qu'on ne pense à utiliser ce service - payant.
Faut-il pour autant les en aimer moins? Que nenni.
2005-04-18 09:41:50 de Frédérique Clémençon


Dimanche 17 avril 2005. On pourrait parler de trois bucherons.

Je m'aperçois qu'en toutes ces années au Japon, j'ai (ou je n'ai) réussi à former, animer et conserver (que) deux groupements de personnes : le ping-pong et le GRAAL. Bien sûr, j'ai participé à d'autres groupements (C.A. d'association, groupes d'enseignants de F.L.E. et heu...) mais sans qu'ils me satisfassent ou sachent mettre ma participation à profit (et quand on sent qu'on ne sert à rien, rien ne sert de rester). De même en France où je n'ai qu'Hubert de Phalèse à quoi me rattacher moralement. Je parle ici de petits groupes réels, non de la famille, ou de grandes corporations (comme l'université où je travaille) ou de relations individuelles, ou de relations réticulaires.
Les petits groupes, presque dans l'esprit du phalanstère, même si la réalité matérielle en est très éloignée, ont ceci d'incroyable, lorsqu'ils réussissent, qu'ils émulent et défoulent en même temps. Ils peuvent se distendre dans le temps et l'espace mais se reforment à la première occasion.

Ainsi ce matin, Bikun exceptionnellement avec Katsunori et moi au ping-pong, malgré les défections d'Hisae et de Manu. On pourrait parler de trois bucherons. Les smashs et les lifts ne font pas dans la dentelle — et les gens des tables alentour n'ont qu'à bien se tenir. Les scores souvent serrés sont tout de même à l'avantage de Bikun et j'arrive bon troisième malgré quelques manches gagnées de haute lutte. Après le réglementaire déjeuner de pâtes, nous passons tous les trois dans un magasin voisin où nous trouvons de jolis petits cadeaux pour les enfants de Manu et de son épouse car nous les allons voir dans l'heure qui suit, rejoints à la gare de Futako-Tamagawa (traduction littérale : la rivière des deux boules...) par N., amie de Bikun. Chez Manu, tout le monde fait la sieste, ce qui nous permet de nous installer tranquillement et de surprendre les enfants quand ils sortent de leur lit. Je ne reste qu'une heure (devant rejoindre T. ailleurs) mais c'est un très bon moment, immortalisé par de nombreuses photos. Même si j'approuve le choix de Manu et souhaite de tout cœur que leur bonheur familial ne fasse que croître, c'est aussi l'occasion pour moi de vérifier une fois de plus que la famille n'est pas mon truc.

« Des groupes de touristes américains incrédules, un peu ahuris, traversaient l'endroit [le Grand Musée de Philadelphie] sans s'y arrêter, jetant des regards circonspects et méfiants sur cette architecture bizarre [la galerie du cloître de Saint-Pierre-en-Lauraguais, transportée pierre par pierre]. Un gardien noir obèse, assis sur une simple chaise dont la solidité étonnait, somnolait dans un coin de la cour, bercé par le bruit de l'eau.
En observant à la fois ce pauvre bibendum anéanti par la graisse et les touristes américains moyens, pour la plupart tout aussi adipeux, j'avais le sentiment — dans ces musées gratuits — d'assister à une autre supercherie : celle de cette prétendue démocratisation d'une culture raffinée auprès d'une population par ailleurs hypocritement et soigneusement maintenue dans les limites d'une sous-culture prophylactique. Le résultat était que, pour ceux qui venaient faire le tour de ces salles au pas de course afin d'occuper quelques heures perdues, ce qui aurait éventuellement pu encore émaner du passé, à travers ces vieilles pierres, n'avait pas plus de chance d'être perçu que des messages énigmatiques venus d'une autre galaxie.»
(Denis Grozdanovitch, Rêveurs et Nageurs, p. 213-214).

L'énorme taux d'émissions annulées sur France Culture me fait m'interroger sur l'évolution du conflit social, dont on n'obtient d'ailleurs que peu d'information. L'absence de solidarité entre certains personnels ayant été augmentés et les grévistes qui demandent à l'être aurait-elle envenimé la situation ? Ou au contraire, un regain de solidarité aurait-il (eu) lieu, démentant l'article que je citais le 9 avril ? Ainsi ce journaliste (peut-être seul) qui déclare : « en haut de ma fiche de paie c'est marqué Radio France, comme pour les techniciens ou les femmes de ménage


En parlant de phalanstère, j'ai un poele Godin à vendre, bleu émaillé, très beau... pas cher !
2005-04-17 19:31:56 de arte

En réponse à FBon sur Seî Shonagon :
le titre exact est Makura No Sôshi,
"On en rencontre l'explication vers la fin de ses mémoires, où elle raconte comment, à l'impératrice qui lui montrait une grosse liasse de papier en demandant ce qu'il faudrait écrire là-dessus, elle répondit qu'elle en ferait un makura ; d'habitude on traduit ce mot par "oreiller" ; mais à vrai dire il désigne un support, une pièce de bois plus ou moins rembourée à la partie supérieure, et qui, soutenant la nuque, peut permettre aux élégantes de ne pas trop gâter, pendant leur sommeil, la belle ordonnance de leur coiffure : quelque chose, on le voit qui est assez différent de notre oreiller. Aussi bien, le contexte prouve que la dame d'honneur, prenant le papier qu'on apportait, pensait l'employer à noter ses impressions, le soir, dans le silence de sa chambre. En donnant aux esquisses de Sei le titre qu'elles ont gardé, les Japonais ont sans doute été heureux de mettre à profit la ressemblance du mot makura avec un autre, makkura, qui signifie "très sombre", et qui rappelle justement le début du chapitre. Ainsi entendu, le titre convient fort bien à un ouvrage qui a besoin d'être éclairé."
(in introduction d'André Beaujard à Sei Shônagon, Notes de chevet, Gallimard/Unesco, Connaissance de l'Orient, 1997, pp.18-19)
2005-04-17 22:40:46 de Bartlebooth

À propos de littérature japonaise, j'ai trouvé il y a quelques mois le blog "Le vieil étang": http://furuikeya.canalblog.com/ .
Et on y parle aussi, entre autres, de Makura no Sôshi.
2005-04-18 04:26:31 de Christian

grand merci
mon livre de Seî Shonagon est dans un bel état d'usure à force d'être promené en stages et ateliers, mais pas au point que l'introduction n'y soit plus lisible: j'aurais quand même dû aller la relire au lieu de me la faire recopier ici!
il pleut ce matin en Touraine
quant au fait que la famille soit pas "son truc" à Berlol, on comprend ce côté dandy dans l'utilisation du temps libre et la fréquentation des restaurants ou des vélos à suer comme si ça servait à autre chose qu'à compenser le fait qu'on a tellement de temps à perdre
quand je serai en retraite de mon propre statut de père de famille, je relirai son blog pour prendre des cours particuliers, mais c'est pas demain
2005-04-18 05:56:22 de FBon

Bartle, tu veux pas un poele Godin bleu émaillé ?
2005-04-18 08:53:12 de arte

Berlol, t'y es quand même un peu en ce moment dans la famille, avec le père de Tadako...
Apparemment, tu te débrouilles pas trop mal !
Moi, je ne savais pas trop si c'était mon truc ou non, mais j'apprécie de plus en plus. Je crois que pour le père, c'est de voir ses enfants grandir, évoluer, progresser qui est le plus enthousiasmant, d’où une satisfaction et un plaisir peut-être moins immédiats que du côté de la mère, mais croissant avec le temps...
Puis, d’ailleurs, viendra sans doute aussi notre tour de nous occuper de nos parents respectifs, en espérant que le désir de voir leurs petits-enfants grandir les fasse tenir le coup encore de nombreuses années !
2005-04-18 10:11:16 de Manu

en tout cas, cher Manu, bien profiter de l'heureuse époque où ils font encore la sieste , et pas encore le peer-to-peer les guitares et les chaussettes pas ramassées ou le bac pas révisé et le frigo qu'est toujours vide quand on vient de le remplir et et et et et
plus lire des livres (ah oui quand même ils lisent des livres)
et à ce propos, Christine F m'avait demandé l'an dernier coordonnées de Claude Ponti, notre star nationale de l'imaginaire, pour une venue chez vous ? je sais pas s'il y a eu suite...
ps: pas besoin de poêle godin
2005-04-18 13:23:50 de FBon

Paternité-Ecriture-Vie de Famille,
voilà un excellent sujet pour un superbe colloque universitaire à... Cerisy ou au Japon ?
J'imagine déjà des fraisiers parfumés plantés au pied de la Tribune et plein d'enfants sages ( adultes assagis ?) ou d'ados ayant révisé leur bac en train d'écouter ( enfin !) les exposés paternels brillants sur le retour de la Culture dans les lectures et la saveur des Repas gastronomiques familiaux préparés à tour de rôle, dans la plus sereine des traditions épicuriennes.
Pour goûter les plats : les femmes et les enfants d'abord (On ne sait jamais s'il y a "une corne de taureau" dans le gratin...) .
Pour faire la vaisselle et le ménage
ne laisser personne ne pas se lever de table !
Pour les guitares, engager des Ménestrels , ils donneront un coup de sourdine aux répertoires- hyper-décibels de nos têtes pubéro-hérissées... "L'important ",disait Winnicott aux parents d'adolescents ,"c'est de survivre !"...
2005-04-18 14:58:36 de Marie.Pool

Ne pouvant pas me joindre aux séances hebdomadaires tokyoites, j'essaierais de participer à celles de Nagoya!
A commencer par demain si les horaires correspondent!
Moi je suggère que devenir parent soit considéré comme un métier, un job à plein temps rémunéré! Je vois bien les cartes de visite: "père (ou mère) de famille"! Et pour les horaires d'ouverture...euh, ca sera au bon vouloir de chacun!
Si j'étais ministre, j'octroierais une prime aux parents pour "manque de sommeil" jusqu'à 3 ans, prime de patience de 12 à 18ans ...etc!
Quoique...c'est presque déjà le cas avec les mères porteuses....
2005-04-18 15:52:25 de Bikun

dans le genre brillant non je fais pas dans l'exposé
me trouve même l'air assez con quand ils débarquent avec Hannah Arendt et qu'ils voudraient que j'explique
je retourne à mon repassage
2005-04-18 16:54:49 de FBon

« Je voyais à nu les misères de l’ouvrier et ses besoins, et c’est au milieu de l’accablement que j’en éprouvais que, malgré mon peu de confiance en ma propre capacité, je me disais encore : si un jour je m’élève au-dessus de la condition de l’ouvrier, je chercherai les moyens de lui rendre la vie plus supportable et plus douce, et de relever le travail de son abaissement. »
Voilà ce que pensait le fondu Godin dans les années 1830 avant d'inventer son poêle...
Cf. http://www.sciences-sociales.ens.fr/hss2001/logement/realisations/familistere.html
2005-04-18 17:56:54 de Berlol

Ah Berlol, enfin... quelqu'un qui me comprend.
Cliquer sur le panorama pour une visite quicktime du familistère à :
http://www.familistere.com/site/decouvrir/panorama/panorama.php
2005-04-18 21:57:03 de arte


Lundi 18 avril 2005. Ça va encore les incrémenter.

Intégration du mois de mars dans l'index des anthroponymes du JLR, dont la consultation est (encore) gratuite. Peu de nouveaux noms. Grozdanovitch est incontestablement le gagnant du mois alors qu'il n'entre que le 17. Balthus fait une percée mémorable ainsi que le commentateur Bromius ; Jean-Paul Collet n'était pas nommé l'an dernier mais il l'est cette année, vive la librairie La Boucherie ! ; Romain Duris est venu se ranger sous Marguerite Duras tandis que Pascal Michon s'est placé au-dessus de Pierre ; concurrence de grâce entre Judith Godrèche, Mathilde Seigner, Sylvia Kristel et Anicée Alvina ; entrées non commentées des trois linguistes Greimas, Austin et Searle, ainsi que d'une dizaine de cinéastes ; enfin une belle coïncidence, Isabelle Aveline fait une deuxième apparition, exactement à la même date qu'en 2004.
Évidemment le fait de parler d'elles et d'eux aujourd'hui va encore les incrémenter, et pour pas grand-chose...
C'était mon quart d'heure on s'tâte les stats.

Deuxième rendez-vous chez le dentiste, accompagné par T. qui veut s'assurer que j'apprends bien mes vocables dentaires. On projette de me mettre deux vis en or et on me moule les quenottes pour avoir les dimensions du trou à boucher par une couronne, qui sera en porcelaine, c'est plus sérieux. Le prix aussi : or et porcelaine, il m'en coûtera 130.000 yens (soit un peu moins de 1000 euros). Bien sûr, je ne sais pas du tout ce que ma sécu et mutuelle japonaises me rembourseront... (T. me dit : rien.) Seulement une demi-heure aujourd'hui, avant de me recoller la fausse dent en résine, jusqu'à la prochaine séance qui durera au moins une heure trente... En mai, on ne fait pas que ce qui plaît.

Le Monde des livres n'étant plus accessible gratuitement en PDF, j'ai erré un peu dans le site de Libé et de L'Huma pour préparer la chronique actualité du GRAAL de ce soir. Bel article de Lançon sur le livre de Philippe Roussin, Misère de la littérature, terreur de l'histoire. Céline et la littérature contemporaine (chez Gallimard). Voilà longtemps qu'on ne m'avait pas donné envie de lire quelque chose sur Céline ! Tir groupé d'ouvrages sur et de Baudrillard, à suivre. Je signale les derniers livres de Kundera et Eco, bien que je n'aie pas du tout envie de les lire. Puis ceux de Jean Rolin et d'Éric Chevillard dans lesquels j'espère bientôt me plonger. Enfin, je me permets d'opposer les auteurs de fragments littéraires et biographiques que sont Grozdanovitch et Quignard, l'un allant dans un sens agréablement littéraire, l'autre, selon le mot de Laurent, allant sur la pente ésotérique d'une théologie négative.
La grosse heure consacrée à Modiano nous met tous d'accord : nous sommes admiratifs de cette écriture en apparence économique et précise mais qui cultive le flou et le changement de point de vue. La figure du père, fil rouge d'Un Pedigree, n'est en quelque sorte jamais abordée de face. Ce sont de multiples témoignages latéraux et d'importantes quantités de détails sur d'autres personnes qui permettent d'en avoir le contour, comme en creux. Seul le coup sentimental du chow-chow qui se suicide ne nous paraît pas convaincant. Le fond du questionnement est l'identité. Le narrateur ne veut pas le reconnaître mais la compulsion identitaire sur ses parents ne peut être que le contrecoup d'une sorte d'abandon (père trafiquant d'on ne sait quoi et maqué avec une fausse Mylène Demongeot qui déteste le petit Patrick, mère au cœur sec et toujours entre deux voyages, entre deux cachets de mauvais théâtre), ce qui fait que l'enfant pousse on ne sait trop comment et sans bien savoir lui-même (de) qui il est. Mais à l'opposé de la compulsion, il y a sans doute déjà, chez le Modiano de soixante ans, le désir de se détacher de tout cela, une certaine indifférence qui l'empêche d'approfondir et lui enjoint de finir pendant qu'il en a encore l'envie.

« Je vais continuer d'égrener ces années, sans nostalgie mais d'une voix précipitée. Ce n'est pas ma faute si les mots se bousculent. Il faut faire vite, ou alors je n'en aurai plus le courage.» (Patrick Modiano, Un Pedigree, p. 82).

À propos de Makura no sôshi, Laurent, qui a traduit autrefois du Sei Shonagon en anglais me confirme ce que je pensais : makura (枕) est bien l'oreiller un peu spécial de la tradition japonaise, plus proche de l'appuie-tête anti-décoiffant que du polochon en plume de canard, mais signifie aussi quelque chose comme mots-clé pour des jeux de mots car autant dans des wakas que dans ses Notes de chevet, Sei Shonagon joue abondamment des  expressions à sens multiples, ce que les traductions ne rendent pas, sauf parfois par des notes qui plombent la lecture, surtout aux heures tardives où expliquer un jeu de mots, c'est non seulement le tuer mais aussi le meilleur moyen de précipiter le lecteur dans un profond sommeil, celui-là même où je vais de ce pas.


Vous lisant ( Vous écoutant...) Cela m'a sauté aux yeux : ce (presque) anagramme de "Pedigree" = Digér(é?)Pèr...A soixante ans ,il est grand temps ! L' ex-petit-Patrick veut-il faire place nette ? Oui, Duras le disait aussi à la fin de sa vie ... Mais pour nos ressentiments hérités de nos pères ou de Mathusalem, 6O ans c'est encore jeune ! Le déplacement et l'annulation sont des mécanismes de défense inconscients efficaces contre l'angoisse du ressassement. Les écrivains ont tous (?)une dette à écrire mais l'ardoise n'est jamais la même d'un individu à l'autre. Lire peut-être à ce sujet celle de Philippe Djian qui en a fait un titre de livre.
2005-04-18 22:00:22 de Marie.Pool

Makura s'écrit : 枕 ?
2005-04-18 22:08:13 de arte

Ben oui, "makura" s'écrit : 枕, ça vous pose un problème ?
Merci, Marie.Pool, pour l'anagramme !
2005-04-19 05:31:01 de Berlol

On peut poser des kanji sur ce site ? makura 枕 et futon 布団 ? C'est bô la technologie !
Sinon, Berlol, ça rentre le vocabulaire du dentiste ? C'est qu'il vaut mieux comprendre ce qu'il dit lui !! ;-)
2005-04-19 06:43:02 de Arnaud

le probleme de mon manque total d'érudition, et la surprise emerveillée qui s'en suit lorsque je découvre de belles choses !
2005-04-19 10:03:51 de arte


Mardi 19 avril 2005. Une journée avec des gros morceaux dedans.

Jour sans lecture (rare).
Ai dormi dans le shinkansen matinal, sans essayer d'ouvrir un livre ou d'écouter une émission de radio. Puis mes deux cours de la journée.
Ensuite, c'est le gros morceau de l'après-midi : méga séance de ping-pong avec David, Bikun (qui se rencontraient pour la première fois) et des collègues japonais, notamment Monsieur G. et Mademoiselle K. qui sont des pros de la taille de notre Hisae tokyoïte. David a réellement franchi son deuxième palier, dans le sens où son taux de retour de balles est supérieur à celui des balles égarées ou mises dans le filet et dans le sens où il mouille réellement le maillot (et il a reçu beaucoup de compliments de la part des collègues...). Bikun, lui, est heureux, il n'a pas écourté sa séance de photos à la journée des Pays-Bas de l'Expo pour rien ! (Demain, Danemark, je lui ai demandé de me ramener du salami...)
Enfin, l'autre gros morceau, c'est le dîner à l'occidentale, Bikun, une amie, M.-A., et moi, dans un restaurant du quartier de Yagoto nommé Saint-Marc où, en sus du menu qui arrive dans l'ordre normal des plats (soupe, entrée, poisson, viande, dessert), une serveuse très souriante passe toutes les cinq minutes en proposant des petits pains chaque fois différents... De temps en temps, c'est le troisième cycle du lieu, une pianiste vient poser ses mains sur le clavier et joue en live des morceaux qui sont juste un peu moins bien interprétés que ceux qui sortent d'un cédé le reste du temps (c'est comme ça qu'on la repère). Dans ces conditions, et avec de bons plats, dire que l'on est repu est tout à fait insuffisant !

Le lendemain matin...
Finalement, le nom du restaurant était plutôt bien choisi et mon titre pas si mauvais puisqu'un autre gros morceau est venu s'ajouter à ma liste : l'élection du pape Benoît XVI. Je constate avec plaisir que l'Église est toujours capable du pire. Ceci dit, « XVI », c'est bien. Si on a l'ouïe fine, on y entend toujours un petit bruit de guillotine.

Pour la citation promise, comme c'est très important, je la mettrai demain...


oui parce que aujourd'hui c'était la Hollande! Et la Hollande c'est les tulipes! Je vois que tu préfères le salami!
2005-04-19 17:24:08 de Bikun

Je vois que vous vous amusez bien à Nagoya...
2005-04-20 06:43:36 de Manu

Et pendant ce temps, mon ping-pong s'effrite sous la pluie bruxelloise et ses 10 petits degrés... Oh, mon ping-pong "ses frites"... Je n'avais même pas fait exprès...
N'empêche, pour notre XVIème du nom, qu'est-ce qui nous dit qu'il ne va pas pouvoir officier pendant 10 ans ?? Même 5... Il y aura déjà eu pas mal de dégâts... Et dans tout ça, la "France d'en haut" est aux anges (on en attendait pas moins...)
2005-04-20 09:33:10 de Au fil de l'O.

Et dire qu'on nous avait annoncé un pape original, un pape "marrant" (juif, latino-américain, africain, que sais-je encore ?), tout ça pour se retrouver avec un héritier de la Sainte Inquisition !
Cela dit, on est vraiment cons: tantôt - en 2002- on se force à croire que Chirac, élu avec des voix de gauche, va faire une politique de gauche; tantôt on s'attend à voir apparaître Place Saint-Pierre un pape rigolo, criant: "Prolos de tous les pays, unissez-vous!" (cri qui, dans le monde actuel, serait, il est vrai, presque aussi ringard que ce qu'on entend d'ordinaire au Vatican...)
En tout cas, la "prophétie" de Malachie, chapeau !
2005-04-20 10:25:06 de Patapon

Reveil en sursaut a 6:10, ce matin, a Fukuoka : puissant seisme ! Serait-ce un effet de la benediction Urbi et Orbi de Benoit machin... heureusement, ce n'etait pas l'extreme onction.
Mais rassurez-vous, a part le fait que tout est de nouveau par terre, tout va bien.
2005-04-20 10:33:34 de vinteix
Cher Vinteix, ici on n'a rien senti ! Et j'ai pas regardé la télé ! Bonne chance pour le rangement. Vous avez votre kit de survie en cas de besoin ? (eau, gants, radio, casque, biscuits, photocopie de passeport, etc.)
2005-04-20 10:56:07 de Berlol

Merci. Pour le kit de survie, comme ma femme vient du Kanto, elle me l'avait deja vivement conseille... et j'ai fini par l'ecouter... Mais je n'avais pas pense a la photocopie de passeport ! Merci.
2005-04-20 11:02:35 de vinteix

Bonsoir,
Puisqu'on parle des conseils pour se préparer à la survenue d'un séisme, je conseille ce site à nos amis résidant au Japon.
http://forum.urgences-tokyo.com/
2005-04-20 12:15:53 de Christian

PS: Le même site ne parle pas encore de la manière de se protéger des dinosaures...
2005-04-20 12:16:39 de Christian


Mercredi 20 avril 2005. La première comète un peu grosse.

Dans la première émission de la série hebdomadaire des Chemins de la connaissance : Heidegger et le nazisme, Emmanuel Faye est très clair sur l'engagement nazi du philosophe. De ce fait, il nie toute valeur à sa philosophie et estime que ceux qui ont été influencés par Heidegger ont été bernés. Les invités de mardi (Bruno Pinchard) et aujourd'hui (Claude Romano, que j'écoute en ce moment même) tentent de réintroduire l'existence et l'importance de la philosophie de Heidegger, sans essayer de nier la responsabilité nazie.

Jacques Munier : « Pierre Bourdieu dit notamment, à propos de Heidegger, "il n'a pas cessé de penser à sa manière la crise profonde dont l'Allemagne a été le lieu ou, plus exactement, la crise de l'Allemagne et de l'Université allemande n'a cessé de se penser et de s'exprimer à travers lui"...
Emmanuel Faye : — Oui, mais ce qui est terrible, c'est que non seulement il exprime la crise mais il la suscite, en participant au moment où tous les professeurs juifs sont exclus. Et là, Heidegger a quand même signé une des premières lettres, c'est dans le tome XVI...
Jacques Munier : — C'est la mise au pas de l'Université allemande...
Emmanuel Faye : — Oui, ça c'était un moment très très dur...
Jacques Munier : — Alors Martin Heidegger a été recteur de l'Université de Fribourg mais il a démissionné...
Emmanuel Faye : — Oui. Il a démissionné par solidarité envers Erik Wolf qu'il avait nommé à la tête de la faculté de Droit, puisqu'il nommait désormais comme führer de l'Université. Et on sait maintenant, j'ai consacré un chapitre entier à cela, que Wolf était lui-même radicalement nazi, il se réclamait de Rosenberg et de Schmitt, il défendait l'eugénisme et les lois raciales. Je cite et traduis ses textes. Donc, c'était pour son extrémisme que Wolf avait été mis en cause. Si vous voulez, il faisait trop de troubles à un moment où le parti voulait plus de calme, c'est le moment du Concordat, le moment où Hitler lui-même mettait un petit peu une sourdine, jusqu'en 35. Et là, Heidegger et Wolf sont apparus comme trop radicaux et c'est ce qui est dit dans le rapport que je cite à la fin. C'est pour des raisons tactiques qu'il a été amené à démissionner. Mais pas du tout par retrait à l'égard de l'engagement politique puisque, dès 34, Heidegger s'engage dans quelque chose d'encore pire qui est la Commission pour la, entre guillemets, philosophie du droit qui est dirigée par Carl Schmitt, etc. : ceux qui vont élaborer les lois raciales de Nuremberg. Donc, c'est encore plus grave, comme compromission, que l'année du rectorat. Et ça on ne le dit pas assez. Ça commence en 34 et ça dure jusqu'en 42.»

Comme le rappelait Jacques Derrida en 1988 (que Jacques Munier nous fait écouter) : « Il n'y a pas eu de chape de silence, d'abord parce que dès 45-46 puis à de nombreuses occasions l'essentiel du problème a été documenté, publié, etc., et j'appartiens à  la génération de ceux qui, quand ils ont commencé à lire Heidegger, savaient, en gros [...] »

À quoi Emmanuel Faye répond ce lundi : « Derrida pense que le Kampf n'est pas la guerre et que Heidegger ne désigne jamais l'ennemi, c'est dans Politique de l'amitié. Or Heidegger, dans ses cours et ses conférences, qu'on a maintenant, désigne maintes fois ses ennemis comme l'asiatique ; et il parle du combat comme une guerre qui doit conduire jusqu'à l'anéantissement total, Vernichtung, de l'adversaire. Donc, désormais, il nous faut reconsidérer ces points.
[...] Ce que je pointe à la fin tout de même, c'est une postérité encore plus problématique et véritablement négationniste, en Allemagne avec [Ernst] Nolte et en France avec les représentants des ayants droit qui défendent la même ligne révisionniste [François Fédier]. Ça c'est extrêmement grave [...] »


Tout le problème, on le voit, est de savoir si de nouvelles informations ou publications apportent réellement un nouvel éclairage et mènent à une réinterprétation susceptible de changer la face du monde, ou s'il ne s'agit que de détails supplémentaires qui établissent un peu mieux ce sur quoi nous sommes déjà assis, et même mal assis.
N'étant pas de formation philosophique, j'assiste à ces joutes avec effarement, et humilité, car je me sens totalement incapable d'en débattre moi-même. Et dans l'impossibilité matérielle de lire tous les ouvrages qu'il faudrait lire pour pouvoir comprendre vraiment et me faire un avis. Je dois accepter mon rôle modeste d'enseignant de langue et de lettres, me convaincre de mon utilité en cela, et renoncer aux cimes de la pensée, comme un amateur sans crampons renonce à gravir un sommet.
D'un coin de mon cerveau encore disponible, gravir fait résonner gravité... Qui soudain sonne creux. Et si toutes ces montagnes de livres, de conférences, de diplômes, de suprématies et de supériorités en tous genres, toutes ces sublimes et orgueilleuses élaborations de pensées et de mots, toutes ces morgues de bretteurs n'étaient que des poudres aux yeux, des divertissements eux-mêmes méprisables, des châteaux de phrases qu'emporte le moindre doute — et que ferait disparaître à jamais la première comète un peu grosse qui, sans aucune idée préconçue, viendrait droit sur notre planète.
Il pleut. Je ne sais plus.


Nouvelles de la révision constitutionnelle "programmée".
« Le Japon songe à modifier sa Constitution pacifiste
LE MONDE |
Tokyo de notre correspondant
Une commission parlementaire, formée de membres de la coalition gouvernementale et de l'opposition, a soumis, vendredi 15 avril, une recommandation au président de la Chambre basse en vue d'une profonde révision de la Constitution pacifiste de 1947. Il s'agit d'autoriser le pays à se doter d'une véritable armée et de permettre à une femme d'accéder au trône impérial. La commission propose un référendum national sur la question. Le Parti libéral-démocrate (PLD, conservateur) pourrait avancer son projet dès le mois de novembre, pour son 50e anniversaire.
Au fil de cinq années de discussions, les membres de la commission sont arrivés à la conclusion que la Loi fondamentale adoptée sous l'occupation américaine présente trop de "disparités" avec les réalités contemporaines. Les petits partis de gauche, social-démocrate (PSD) et communiste (PCJ), s'opposent aux conclusions de ce rapport, dont la publication coïncide avec un regain de tension sino-japonaise qui ravive les craintes suscitées dans l'opinion nippone par le développement de l'arsenal militaire chinois. Les voisins du Japon, eux, observent avec défiance les nouvelles ambitions nippones qui, avec l'aval de Washington, inscrivent davantage l'Archipel dans le système stratégique régional américain.
L'amendement de l'article 9, par lequel le Japon "renonce à la guerre comme moyen de régler des différends internationaux", est au coeur d'un mouvement de fond qui vise à faire du Japon une grande puissance à part entière. Celui-ci dispose de l'une des armées les plus modernes du monde, mais son utilisation est limitée par la Constitution à des actions défensives, entendues de manière restrictive. La participation des "forces d'autodéfense" ­ l'armée ­ à des missions de maintien de la paix dans le cadre des Nations unies, puis l'envoi de troupes en Irak pour une "mission non combattante", ont progressivement vidé l'article 9 de sa substance. La commission parlementaire propose de modifier les dispositions de cet article, tout en maintenant le principe du rejet de la guerre, mais en élargissant le droit au recours à la force en permettant notamment au Japon de participer à un système de défense collective, ce qui lui est impossible actuellement. Les parlementaires sont loin d'être d'accord sur l'ampleur de cet élargissement de la conception de la défense. Pour certains, il ne doit pas y avoir de limites ; d'autres veulent astreindre le Japon à certains critères ; d'autres enfin s'y opposent.
SITUATION HUMILIANTE
Lors de la guerre du Golfe de 1991, les Etats-Unis avaient demandé à Tokyo de participer à une force multinationale. Invoquant les contraintes constitutionnelles, le gouvernement de l'époque s'était dérobé. Vexés par le dédain avec lequel les alliés avaient accueilli leur forte contribution financière (13 milliards de dollars), les Japonais ont progressivement tourné les dispositions de l'article 9 pour éviter de se retrouver dans une situation aussi humiliante. Les attentats du 11 septembre 2001 et la politique de suivi de l'administration Bush ont permis à Tokyo de franchir de nouvelles étapes vidant un peu plus l'article 9 de son sens : les mesures spéciales de reconstruction ont ainsi permis l'envoi de troupes en Irak. Il a fallu conclure que la Constitution n'était plus en accord avec la réalité et qu'il convenait de la réviser au plus vite.
Sur l'autre grand thème de débat constitutionnel, l'accession au trône d'une impératrice, les conclusions de la commission reflètent un consensus national plus entier. La majorité des Japonais est favorable à une telle possibilité, exclue par la loi salique de la Maison impériale depuis 1889, qui devrait mettre celle-ci davantage en phase avec son siècle.
Philippe Pons
Article paru dans l'édition du 20.04.05 »
2005-04-20 14:04:08 de Arnaud

Merci Patrick pour ce tres interessant commentaire sur Heidegger. Grace a toi j'ai ecoute avec plaisir l'emission. Est-ce vrai ce que Faye dise... les nouveaux documents, des textes inedits, des desaveux des amis comme Arendt et Derrida...le tout un grand canular orchestre par le maitre de Messkirch... J'en ai des doutes. Encore une fois le melange de l'histoire et de la philosophie.
A lundi,
Bill
2005-04-21 01:54:30 de bill

Tiens, enfin un commentaire d'un "Graalien" !
Salut Bill !
2005-04-21 02:57:31 de Manu


Jeudi 21 avril 2005. Le feu — en l'occurrence l'eau.

« Sans diminuer en rien l'importance des causes économiques de la guerre, on est en droit d'affirmer que la guerre impérialiste, dans ce qu'elle a précisément de plus dur et de plus néfaste, est partiellement déterminée par la disparité entre les moyens gigantesques de la technique et l'infime travail d'élucidation morale dont ils font l'objet.» (Walter Benjamin, Théorie du fascisme allemand, première publication en 1930, repris in Œuvres II, Gallimard, 2000, coll. folio essais, n° 373, p. 199).

Cette double mention, à la fois d'une disparité et d'un infime travail d'élucidation morale me paraît être la meilleure voie pour éviter les tonnes de discours foireux sur l'essence de la technique. D'autant que ces discours sur l'essence de la technique ont généralement eu pour visée de la condamner ou de la considérer comme inférieure à la pensée, truc abstrait que l'homme ferait sans avoir besoin d'objet technique (comme si le livre et le stylo n'étaient pas déjà de la technique). D'autant (bis) que ces discours sur la technique ont généralement eu pour visée inconsciente de dédouaner les abrutis qui faisaient n'importe quoi avec de la technique, je veux parler de scientifiques qui, parce qu'ils sont scientifiques et qu'ils ont ou veulent obtenir l'aval des politiques, considèrent qu'ils n'ont pas à se poser de questions morales.
Dans son célèbre Apprenti sorcier, Goethe, plus d'un siècle avant Benjamin, fait d'emblée la différence entre le « vieux sorcier » et le crétin qui joue avec le feu — en l'occurrence l'eau — sans se demander s'il saura l'arrêter, mais surtout sans autre objectif que son désir de « faire obéir les esprits », c'est-à-dire son désir infantile de domination. Sans doute que le vieux sorcier savait, lui, qu'il ne faut user des formules qu'à bon escient et en dosant avec précision et précaution l'usage au besoin.
On pourrait comme cela remonter à la nuit de l'homme et toujours trouver des phares dont les bateaux de moutons humains n'ont pas vu la lumière, guidés toujours par un führer et sa flûte... Bel objet technique, la flûte ! (et même sans flûte, s'il siffle, c'est qu'il utilise ses cordes vocales comme d'un instrument, donc un objet technique pris sur son corps).
Et puis redescendre après Benjamin, passer la frontière espagnole, et voir les dégâts jusqu'à aujourd'hui. Le travail d'élucidation morale que l'on demande pour les OGM, pour l'Europe et pour l'Irak, pour prendre trois domaines différents, consisterait à allumer la lumière (elucidare) avant d'entrer dans une pièce où l'on ne sait pas ce qu'il y a (plutôt que d'entrer d'abord, faire des dégâts et se demander ensuite comment réparer — tout en sachant les juteux contrats que réparer permet d'obtenir, alors qu'allumer la lumière coûterait...).

Ceci parce qu'écoutant la suite des entretiens sur Heidegger et le nazisme dont je parlais hier, je me suis dit qu'il devait y avoir en même temps que Heidegger son contrepoids, son antidote... Et il se pourrait bien que ce soit Walter Benjamin.
Comme on le voit ici, la vie événementielle peut disparaître totalement du JLR quelques dizaines de lignes durant. Et puis revenir... avec ce que je disais ce midi à Jean-François, à savoir que la plupart des pseudo-concepts de Virilio dérivaient d'une simple constatation : être vivant, c'est risquer de mourir, ou inventer la vie, c'est inventer la mort. En effet, Virilio est l'auteur de pensées décoiffantes du type : inventer l'avion, c'est inventer (la possibilité de) la catastrophe aérienne... Je crois que Bigard a fait un sketch qui, tout vulgaire qu'il soit, montait déjà un cran au-dessus de Virilio !
Alors quand (le personnage que) Romain Duris (joue) se demandait, dans les premières minutes de L'Auberge espagnole que je regardais tout à l'heure avec mes étudiantes de séminaire, comment il se fait que le monde soit devenu un tel « bordel », mot que je n'ai pas hésité à leur faire répéter avec un malin plaisir pendant qu'elles en regardaient les définitions dans leur dictionnaire électronique (car plus personne n'a de dictionnaire papier en 3e année), hé bien j'étais et je suis parfaitement au diapason, encore, avec lui, car dans le même temps il ne refuse pas de s'y confronter, à ce monde, ni d'essayer d'y faire sa vie.


Benjamin antidote de Heidegger ?? Pas sûr !! Derrida a montré dans plusieurs textes (notamment Force de loi, Galilée, 1994) que sur bien des points Benjamin était en accord avec Heidegger et même Carl Schmitt :
"Entre autres choses dont je ne peux parler ici, nous avons étudié certaines analogies, parmi les plus équivoques et les plus inquiétantes parfois, entre les discours de certains "grands" penseurs allemands non-juifs et de certains "grands" penseurs juifs allemands : un certain patriotisme, souvent un nationalisme, parfois même un militarisme allemand (pendant et après la première guerre) n'étaient pas la seule analogie, loin de là, par exemple chez Cohen ou Rosenzweig, et chez ce juif converti que fut Husserl. C'est dans ce contexte que certaines affinités, limitées mais déterminables, entre ce texte de Benjamin [sur la violence] et certains textes de Carl Schmitt, voire de Heidegger, m'ont paru devoir être sérieusement interrogés. Non seulement en raison de l'hostilité à la démocratie parlementaire, voire à la démocratie tout court, non seulement en raison de l'hostilité à l'Aufklärung, d'une certaine interprétation du polemos, de la guerre, de la violence et du langage, mais aussi en raison d'une thématique de la "destruction" alors très répandue. Bien que la Destruktion heideggerienne ne se confonde pas avec le concept de la "Destruction" qui fut aussi au centre de la pensée benjaminienne, on peut se demander ce que signifie, ce que prépare ou anticipe entre les deux guerres une thématique aussi obsédante, d'autant plus que dans tous les cas, cette destruction veut aussi être la condition d'une tradition et d'une mémoire authentique" (Force de loi, p.72-73). Par ailleurs, pour Derrida, Benjamin avait eu "conscience", ou plutôt la "préscience" de la solution finale... Là, je ne connais pas suffisamment les textes pour m'avancer, mais peut-être faut-il aller voir (entre autres) du côté des textes de Benjamin sur l'histoire et sur la technique...
2005-04-21 22:36:55 de Au fil de l'O.

et ben voilà, j'ai omis un bout : "Benjamin [aurait eu] la "préscience" de la solution finale dès 1921 !!" selon Derrida, donc...
2005-04-21 22:39:03 de Au fil de l'O.

A propos d'une pensée vraiment pertinente de la technique (ce qu'a quasiment omis de faire toute l'histoire de la philosophie) et ancrée dans les enjeux les plus décisifs de notre monde actuel, je pense au travail de Bernard Stiegler... pas le temps de développer tout de suite (préparation de cours et rangement post-sismique...) Y reviendrais plus tard...
2005-04-22 05:16:01 de vinteix

Pas sûr que je suive Derrida dans toutes ses intuitions (parce que là, le travail n'est pas fait, hein !).
Pour Stiegler, oui, en effet, je pense qu'il est celui qui articule le mieux technique, évolution et monde contemporain.
A bientôt...
2005-04-22 14:47:26 de Berlol

J'écoute aussi l'émission de france Cul, du moins j'ai écouté celle d'hier : assez dérouté que ces messieurs les distingués philosophes, bien qu'en en reprenant quasi texto certains thèmes (la doxa, la langue, l'esprit völkisch, la poétique etc.) pour (enfn) tirer sur l'ambulance Heiddeger, n'aient aucunement cru bon de citer "l'ontologie politique de Martin Heidegger" de Pierre Bourdieu (le défroqué ? est-ce ainsi qu'il est encore considéré par eux ?), un texte publié pour la première fois en 1975 (il y a trente ans!) dans les ARSS et qui disait déjà (presque) tout sur le nazillon de fribourg en Brisgau. Risible et désésperant à la fois. Jean-François Paillard
2005-04-22 14:58:39 de http://

Merci de ce rappel. En tout cas Munier citait précisément Bourdieu dans l'extrait que j'ai transcrit hier. Je crois que c'est Pinchard, dans l'émission de mardi (je n'ai pas le temps de réécouter maintenant) qui parle de Bourdieu comme d'un naïf, ou quel mot utilise-t-il ? Enfin, le disqualifiant totalement...
2005-04-22 15:27:30 de Berlol

Bruno Pinchard? m'étonne. Trop facile, non ? Et puis au fond m'étonnerait pas. Posture ! A force de vouloir absolument se retrouver aux avant postes du post post et repost modernisme soit disant énervé et empêcheur de je ne sais plus quoi en carré (tout en exerçant tranquilos son petit sacerdoce de fonctionnaire des universités, faut pas déconner quand même bobonne, y a la r'traite, non ? à la fois adolescent écorché et cureton en somme) on finit par ne même plus s'apercevoir qu'on joue au plus malin que soit... Mais brhm réécouter quand même l'émission...
2005-04-22 16:04:35 de http://

oups, oublié de signer,moi : JF Paillard
2005-04-22 16:06:16 de http://

dernière tentative, en espérant que je vais faire de la peine à personne. Benjamin ... il suffit de le lire, pas le prendre comme un cachet contre untel ou untel...et puis, à chacun son usage...Mais on peut s'accrocher derrière...Et je ne me sens pas obligé d'argumenter, ni d'argumenter ou de prouver quoique ce soit. Comme pour le reste : à chacun son Benjamin...
Bien à vous tous...
2005-04-22 23:04:01 de jcb

C'est vrai, tu as tout à fait raison. Il ne faut pas ravaler Benjamin (ou dautres) au niveau du comprimé... Je ne voulais pas l'instrumentaliser mais montrer qu'il avait (eu) une vision très décomplexée de la technique et qu'à le suivre sur ce terrain on éviterait les égarements (selon moi) sur l'essence de la technique...
T'es pas d'accord ?
2005-04-23 05:02:16 de Berlol

Bien sur, il ne s'agit pas de placer tel ou tel ecrivain, tel ou tel penseur en face d'un autre, comme sur un ring de la pensee. Neanmoins, je trouve que les propos de Derrida cites par l'ami O sont un peu courts et simplistes. Oui, je pense que l'on peut oser affirmer que Benjamin est sur un autre versant que Heidegger et qu'il insuffle un appel d'air... et bien au-dela de la seule pensee du politique ou de l'histoire... Un autre exemple de champ epsitemique serait celui de l'esthetique ou de l'histoire de l'art, si tant est que l'on puisse parler d'histoire (en tout cas dans le cas de Benjamin, comme de Carl Einstein, dans une acception et une ouverture tout a fait originales et iconoclastes pour l'epoque). De plus, dans sa reflexion sur l'art et l'esthetique en general, Benjamin a eu un souci du monde contemporain que Heidegger ne semble pas avoir partage, saisisant l'actualite de Proust, de Brecht, de Kafka, du surrealisme, du cinema... En reaction aux emissions de France Cul sur "Heidegger et le nazisme", je crois quand meme qu'il ne faudrait pas en arriver a une reduction simplificatrice et caricaturale. Certes, il est imperatif de devoiler tous ces textes, encore inedits en francais, et d'analyser les implications de l'engagement nazi (irrefutable et inexcusable) de Heidegger dans son oeuvre, mais que ce soit d'une maniere objective et serieuse, comme le soulignait fort justement Claude Romano. Les propos de Emmanuel Faye qui visent a jeter dans la cuvette des chiottes l'integralite de l'oeuvre de Heidegger sont irrecevables ! Il est absurde de reduire cette oeuvre a un discours de propagande nazie. Ce serait une amputation de la pensee et une paresse infantile. Les textes philosophiques de Heidegger ne sont pas de l'ideologie et ses declarations de propagande ne sont pas de la philosophie... bien sur, il ne s'agit pas de dresser des barricades hermetiques entre les deux, mais que la critique soit un peu plus subtile ! Cela me rappelle un livre recent, de je-ne-sais-plus-qui d'ailleurs (benefice de la memoire selective...), sur Jean Genet... et on pourrait en dire autant de certains ecrits sur Celine... a croire que c'est dans l'air du temps de reduire les oeuvres a des messages, a de la "communication" et de vouloir regler des comptes, souvent a bon escient et partialement... Un peu court... regne de la pensee molle.
2005-04-23 06:31:19 de vinteix

PS : et sur la question de la technique, tout a fait d'accord avec Berlol : on a avec Benjamin les premisses d'une veritable pensee de la technique... Encore une fois, aujourd'hui, Stiegler me semble le plus pertinent a ce sujet... Desole de ne pas developper... Je renvoie a ses livres>
2005-04-23 06:34:40 de vinteix

Pour le dire vite, a mes yeux, Heidegger est d'abord le grand penseur de l'impossible deuil de la metaphysique, de meme que Blanchot en est le grand ecrivain. Occulter absolument Heidegger est sauter allegrement a pieds joints par-dela cet abime et ses apories
2005-04-23 07:28:37 de vinteix

Comme disait Alphonse Allais: il vaut mieux hériter à la poste qu'à la poste hériter.
2005-04-23 09:17:35 de Ludwig

"Jamais n'oserai-je insinuer que les intellectuels sont des putes. Ce serait faire injure à ces braves filles qui gagnent si durement leur vie."
Anne archet - Aphorismes
http://archet.net/journal/index.php
2005-04-23 10:43:28 de arte

Y aurait-il une insinuation dont la visee serait a peine voilee dans le message ci-dessus... Arte, soyez un peu plus explicite au lieu de vous refugier derriere la citation de bons mots...
Mais attention ! Personnellement, je ne me considere pas comme un "intellectuel" et hais ce terme... d'ailleurs, je ne me considere pas. Je pense par contre qu'on peut parler de certains debats d'idees (par exemple Heidegger ou n'importe quoi d'ailleurs) sans etre un "intellectuel". Et pour citer un vrai poete, je ne separe pas la main a charrue de la main a plume... ou, selon un autre, nulle difference entre un poeme et une poignee de main. A bon entendeur salut !
2005-04-23 11:52:45 de vinteix

Oui, je crois qu'Arte ferait bien de réviser sa tendance lapidaire... avant que les pierres ne lui reviennent en un superbe effet boomerang !
2005-04-23 12:00:23 de Berlol

Ceci dit, je ne vous jette pas la pierre, Pierre !...
2005-04-23 12:01:16 de Berlol

Je pensais a Heiddeger et à ses commentateurs sur F C ... (dans la lignée de : et si "toutes ces morgues de bretteurs n'étaient que des poudres aux yeux...") et non aux ci-présents éminents blogueurs !
Heiddeger que je me suis "tapé" pour écrire dans une revue d'Architecture, du temps ou je suivais les conférences de Bourdieu, un article sur la correspondance entre la pensée Techniciste des CIAM et Heiddeger (je n'ose dire la "pensée" Nazi)... Bourdieu, le misérable, m'avait félicité, j'en ferai sans doute un blog dans mes vieux jours !
Mais ces temps "intellectuels" sont révolus, en Bartleby de la pensée, je m'adonne désormais à la littérature érotique... et j'adore Anne Archet - je veux dire ses écrits, sa passion du sexe, et surtout son humour (souligner "humour").
Toujours loin des "bons mots", je ne suis pas étonné que ses aphorismes aient été remarqués et publiés. Directement du blog à l'imprimerie, aux cotés des plus beaux noms de la littérature...
Etes vous allés, avant lapidation, voir son site ?
(Mon dieu, moi qui ne voulais que faire connaître une de tes plus belles et viles créatures ...)
2005-04-23 13:40:43 de arte

Euh... une coïncidence de plus : Stiegler dans le tout arrive d'avant-hier !
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/toutarrive/fiche.php?diffusion_id=30751
Dingue, la vie !
2005-04-23 13:41:28 de Berlol

Merci Arte, je suis actuellement chez Anne Archet, virtuellement, je veux dire... Et ça pulse !
Pour ton sens d'"intellectuels", je m'en doutais, mais parfois vaut mieux être précis dans sa visée. Allez, on range les lance-pierres...
2005-04-23 13:47:56 de Berlol

Tres bien de faire connaitre de "belles et villes creatures"... Merci. J'irai faire un tour a l'ombre de cette dame en fleurs (?). Cela n'empeche pas de lire Heidegger... et point n'est besoin de tant de respect vis-a-vis des presents "blogeurs". Entre le clown de Michaux, Bartleby, les creatures erotiques de Duits ou de Sade, Stavroguine, le Docteur Faustroll, le Consul de Lowry ou Don Quichotte, et tant d'autres... on peut s'interesser a tout, et peut-etre est-ce la un certain ideal de "l'honnete homme", heteroclite, ouvert... dans un sens chinois ou a la Montaigne... Vive le grand ecart ! Enfin tout fait signe, sans faire forcement sens.
2005-04-23 15:13:22 de vinteix

"Si nous n'etions si emus par les balbutiements de l'enfance, jamais nos pensees profondes n'auraient la legerete qui en mesure la profondeur." G.Bataille
2005-04-23 16:51:42 de vinteix

Heu, ma référence à Derrida n'avait pour seul but que de rappeler que, là encore, les oppositions trop marquées étaient à nuancer... Je ne pense pas (et Derrida non plus) que Benjamin soit superposable à Heidegger, mais ce qu'il souligne c'est bien que certains traits (représentatifs d'une époque) se retrouvent chez ces différents écrivains et chez eux deux aussi donc, alors que l'on pourrait avoir tendance (justement) à les mettre en parfaite opposition (bref, c'est juste que ce n'est pas si simple, comme d'habitude). Derrida n'a pas développé (il ne s'agissait pas seulement "d'intuitions"), parce que dans ce texte qui est issu d'une conférence, ce n'était pas le lieu de le faire... Il a développé la chose ailleurs (c'est ce qu'il signale dans le début de la citation), mais je dois avouer ne pas savoir si cela a été publié ainsi... En effet, ce qui est "lisible" de Derrida ne représente que la moitié de ce qu'il a vraiment écrit... Mais il n'est pas sûr qu'on ait un jour l'autre, car Derrida s'était opposé au fait que quelque chose qu'il n'avait pas lui-même corrigé soit édité.
2005-04-23 19:34:49 de Au fil de l'O.


Vendredi 22 avril 2005. Achat de routeur... et de confitures.

Comment les choses s'enchaînent ! Souvent ça m'étonne.
Ce matin au centre de sport pour le sudavélo, un peu d'entretien musculaire, le bain et le sauna, je pédale en continuant mon Denis Grozdanovitch — dont je ne savais pas encore qu'il interviendrait dans le Tout arrive du jour... Le chapitre consacré à diverses impressions des États-Unis s'achève par de très belles considérations dérivées de la lecture de Kerouac, et qui seront toujours utiles pour régler des comptes...
« [...] je m'interrogeai sur cette funeste habitude que nous avions — dès l'instant où ceux-ci nous avaient éblouis aux instants de leur plus grande grâce — de vouloir à tout prix sanctifier, idolâtrer, ceux que nous admirions, car celle-ci nous obligeait à sans cesse occulter la réalité mouvante des faits, à nous mentir à nous-mêmes par fidélité prorogée, par incapacité à nous adapter à la loi d'entropie généralisée.
Combien n'en avions-nous pas connus ainsi qui, après une période d'éclat, s'étaient ensuite ternis jusqu'à la matité la plus consternante sans que nous autres, zélateurs impénitents, ayons pu envisager de nous l'avouer à nous-mêmes, agrippés comme nous l'étions à notre irréductible soif d'idoles indestructibles ? » (Denis Grozdanovitch, Rêveurs et Nageurs, p. 268).
Le plus étonnant est encore à venir. Je tourne la page, entre deux coups de pédale et en évitant de mettre de la sueur sur le papier de chez Corti, pour voir commencer sous mes yeux un chapitre intitulé La prison de l'idée unique, traitant de tendances nationalistes allemandes de l'époque de Luther et d'Érasme, étonamment semblables à des discours du XXe siècle et comme en écho à mes réflexions de ces deux derniers jours ! Puis Grozdanovitch s'interroge (encore, c'est sa façon d'avancer des idées)...
« [...] sur la fascination que ce type de talent (Céline, Hamsun, Nietzsche, Ezra Pound, Chardonne, Bernanos, Drieu la Rochelle, Gorki, Malraux, Sartre, Aragon, et pas mal d'autres...) exerce souvent de prime abord — avant que nos yeux ne s'ouvrent à l'aspect purement rhétorique de leurs brillants discours. Car il n'en deumeure pas moins après coup (au-delà de la séduction opérée sur notre sensibilité lyrique) que là où le bât blesse toujours — même lorsque, sur un plan poétique, leur œuvre en conserve une sorte de conscience diffuse — c'est que ces âmes impétueuses paraissent vouloir occulter la diversité, la disparité inéluctables qui fleurissent ici-bas, qu'ils semblent n'avoir jamais été effleurés par le soupçon que ce monde puisse n'être qu'une des nombreuses facettes d'un kaléidoscopique "Multivers" (selon la belle expression de John Cowper Powys) plutôt que le centre d'un simple et logique Univers. Il en résulte que, quand bien même leurs théories, leurs visions ou leurs revendications seraient excellentes en ce qui concerne le groupe social, la partie de la planète ou la sorte d'humanité qu'ils représentent, ils perdent trop vite la notion de la spécificité qu'ils incarnent, laquelle — qu'ils le veuillent ou non — ira fatalement s'insérer parmi une multiple variété d'autres, tout aussi excellentes que la leur.» (Denis Grozdanovitch, Rêveurs et Nageurs, p. 273-274).
Bikun, David et moi déjeunons chez Downey, près de la fac, avant d'aller en voiture à Osu, quartier de Nagoya dont il a déjà été question et dont les galeries commerciales sont fréquentées par David et moi depuis deux ou trois ans dans le seul but d'acheter du matériel informatique. Aujourd'hui, en ce qui me concerne, pour un achat de routeur... et de confitures. Parce qu'il y a aussi un petit magasin de produits importés où il serait bien dommage de ne pas faire un tour, voire une razzia.

Arrivé à Tokyo, je voulais regarder les infos sur I-Télé mais ça ne marche pas... Déçu, je vais voir le site de Canal +, sa maison-mère. Les derniers épisodes des Guignols sont moyennement drôles mais je découvre qu'il y a bien d'autres émissions à regarder, et de manière plus pratique qu'auparavant. La Semaine du cinéma reçoit Patrick Timsit, pourquoi pas, et présente différents films, jusqu'à celui qui fait tilt pour moi : celui de Rachid Bouchareb, Indigènes, consacré aux tirailleurs sénagalais et nord-africains. Il est également question de son film d'animation, L'ami Y'a bon, dont je retrouve la trace grâce au web-magazine Altérités et qui résume en images poignantes le drame de Thiaroye. Drame auquel Ousmane Sembene, je l'apprends ensuite, a consacré un long métrage, Le Camp de Thiaroye (1987)... qui n'a jamais pu être distribué en France. Comme c'est étrange !


Moi aussi je me suis mis à regarder les Guignols ces derniers temps. Un petit moment de détente au milieu mes obligations.
Effectivement, parfois lourd, comme le répétitif festival de Bourges, mais bon, j'ai bien aimé le Medef par exemple...
2005-04-23 14:44:20 de Manu

Bonjour,
J'ai trouvé le mot "carnetier" pour "blogueur". Tu connaissais?
Heu, faut plutôt dire "vous" maintenant parce qu'il y a du monde, ici!
Donc, vous connaissez?
http://www.leweblog.com/0001123/stories/2003/03/19/parolesDeCarnetiers.html
L'adresse donnée est d'ailleurs intéressante à plus d'un titre...
2005-04-23 14:58:21 de Christian

Merci de cette adresse, Christian. Je viens d'y aller et c'est effectivement pas mal.
Pour ma part, je préfère les mots "chroniqueur" et plus encore "diariste". Pourrait-on tenter aussi "notuliste" ou "notulier"?
"Blogueur" n'est pas très joli et "carnetier" l'est moins encore. Enfin, pour moi, qui en sens trop la carne...
2005-04-25 01:11:47 de Berlol


Samedi 23 avril 2005. Phototrope comme nous tous.

« Un soleil torride, dans ma tête, glisse roidement, comme une plaque de lanterne magique. Il est suivi d'un morceau de ciel bleu ; après quelques secousses il s'immobilise, j'en suis tout doré en dedans.» (Jean-Paul Sartre, La Nausée, Folio Gallimard,  p. 54).

Dans les pages 53 à 56 de La Nausée dont j'ai préparé l'explication hier jusque tard dans la soirée, Sartre fait dire (calmement, trop calmement, il le regrettera...) à Roquentin comment ce dernier prend conscience de son état, disons..., dépressif. Alors qu'il traite ces thèmes avec le plus grand sérieux dans L'Imaginaire — livre à mon avis plus facile à lire que le roman, contrairement à ce qui est dit au bas de cette page —, il montre un Roquentin fébrile, essayant de s'auto-analyser par l'écriture de son journal. Son mal-être semble venir de l'amalgame entre la grisaille de février 1932 et la dégradation de ses souvenirs radieux et exotiques des années 20. Phototrope comme nous tous, il a la nostalgie des colonies où il avait fui après un échec amoureux. Et constatant que ses souvenirs se dégradent, il élabore l'hypothèse suivante, encore aujourd'hui admirable : nos souvenirs s'estompent jusqu'à se résumer à des détails focaux ; dans le même temps ou par la suite, ils sont remplacés par des expressions généralisantes, c'est-à-dire des mots dont la vertu, quand ils nous reviennent, est de générer des images stéréotypées qui n'ont en vérité plus rien à voir avec ce que l'on ne se souvient plus avoir vécu. Ainsi dit-il à sa façon comment on ré-invente ses souvenirs pour se les raconter à soi-même en même temps qu'aux autres, occasionnellement.

Rituel poulet-frites au Saint-Martin en compagnie de T., de son cousin R. et de l'ami Bernard, japonophile internaute d'Angoulême qui a quitté brièvement l'Hexagone et voudrait réussir ici (on lui souhaite bonne chance !)...
T. doit faire le point avec R. au sujet de la concession familiale au cimetière de Gaienmae, endroit chic pour se faire enterrer s'il en est. L'une de ses sœurs en avait fait changer le nom sans que l'on sache pourquoi, privant d'avance son père de sépulture (ce dont il n'a pas besoin pour l'instant, il se porte comme un charme, d'ailleurs c'est le printemps, merci...). La réunion familiale de samedi dernier avait en outre permis à T. de récupérer les documents de la concession pour tenter de les remettre au nom de son père, ce qui semble déranger quelque peu l'administration du cimetière, peu coutumière des demandes d'attribution de concession dans le sens enfants-parents...

Pour continuer sur la lancée anticolonialiste d'hier, je vais à l'Institut assister à la projection de deux films ethnographiques. Zoo humains, tourné par Éric Deroo, suivi de Hitomaku hitoba : Okinawa Jinruikan, de Katsu Moriguchi, projection suivie d'un débat avec Deroo et Shunya Yoshimi. Pas mal du public. Disons une bonne moitié de la salle, ce qui, pour ce thème, est une grande prouesse. Excellents documentaires et débat sans mondanités ni effet de manche. On dirait un nouveau champ d'étude, dans lequel la sclérose d'aucune langue de bois n'a encore fait son nid...

Avis aux membres du GRAAL qui n'auraient pas lu mon courriel d'hier :
La séance de lundi sera détournée au profit d'une rencontre avec l'écrivain Philippe Claudel, intitulée : Le statut du héros / anti-héros dans la littérature ultracontemporaine française. Cela aura lieu à partir de 18h00 à l'Université Waseda, Bâtiment 33 de la Faculté des Lettres, salle 1.
On pourrait se retrouver à Waseda (métro Waseda, ligne Tozai) à 17h00 et prendre un café avant d'aller à la conférence. Je connais le Café Goto, dans une ruelle sur la gauche du Mac Donald, en haut d'un escalier externe. On y trouve en principe le meilleur cheese-cake. Rendez-vous devant le Mac Donald à 17h00.


et pour finir tout ça te sartre à rien
2005-04-23 17:35:34 de ali guieri

"phototrope comme nous tous" et plus ou moins prisonnier d'une pensee qui arrive toujours trop tard... dire ce qu'on qu'on a vu ou ce qu'on n'a pas vu. "On a beau dire ce qu'on voit, ce qu'on voit ne loge jamais dans ce qu'on dit", Deleuze-Guattari, "Mille plateaux"
2005-04-23 18:21:40 de vinteix

Si j'étais vous (membres du Graal), je ne raterais pas le café Goto !
2005-04-24 06:08:35 de Manu


Dimanche 24 avril 2005. Vigie 新芽.

« Voilà des bourgeons ! » (新芽, shinme), dit la vigie. Enfin !, ça pousse, sur le citronnier. On a failli s'inquiéter !

La vigie, c'est un cadeau de Katsunori, une miniature de statuette antique. Quand j'ai demandé hier soir à Katsunori si Hisae viendrait au ping-pong, il m'a répondu : « Oui, la reine viendra.»
Veni, vidi, vici, peut-elle se dire intérieurement. Mais mes scores frôlent dangereusement les siens, en partie grâce à de nouveaux services, imités des siens, auxquels je me suis entraîné mardi dernier. Quant à Katsunori, j'ai fini par le battre. Sans gloire puisque, couché fort tard après une fête avec des amis, il était de moindre péril qu'à l'accoutumé. Enfin, ça m'a fait plaisir quand même...

« [...] je fus bloqué par l'arrivée en sens inverse d'un troupeau de vaches.
[...] leurs grosses têtes incompréhensives lorgnant vers moi par la vitre ouverte, me lançant au passage un regard aussi profond, impénétrable et abscons que la notion d'« être » dans la philosophie hiedeggerienne.»
(Denis Grozdanovitch, Rêveurs et Nageurs, p. 288).

J'ai appris que l'Europe ouvrait une enquête au sujet des importations de textiles chinois. La forte augmentation des produits de l'Empire du Milieu sur nos marchés risquerait de nuire fortement à l'emploi et aux productions européennes.
Nous sommes ici très exactement dans le cas de l'Apprenti sorcier que j'évoquais jeudi. Les réglements du marché dit libre, jusqu'aux récents accords dits multifibres, ont été élaborés par des hommes et des femmes avides de gagner de l'argent et persuadés de mauvaise foi de l'autorégulation des systèmes. Pour bien les imposer à tous, ils ont nommé cela loi du marché, comme on dit loi de la gravitation universelle... Tant que le système leur profite (plusieurs siècles, en fait), ils sont très heureux des conditions de pauvreté qu'ils maintiennent dans les pays où ils exploitent la main-d'œuvre peu coûteuse. Mais que l'un de ces pays exploités ait su mieux que d'autres prendre la maîtrise des outils qui lui ont été imposés pour en faire une arme économique précisément dirigée contre ces pays tuteurs-exploiteurs, alors ces hommes et ces femmes si fiers de leurs formules magiques affolantes et tiroirs-caissantes lèvent le doigt et crient : « Pouce ! »
Et bientôt : « Grâce !...» Dès que le jeu ne leur est plus favorable, ils veulent en changer les règles...
Moi je dis bravo et vive la mort... Ah non, ça, c'était une remontée de Thiéfaine. Moi je dis bravo à la Chine (rappelons que la Chine a été morcelée par les Européens au XIXe siècle, agenouillée et décervelée au XXe et qu'elle se relève, titubante, depuis moins de 30 ans, rappelons aussi que c'est pour éviter ce genre de mésaventure que le Japon s'était fermé trois siècles durant). Et maintenant, Europe, tu n'as plus qu'à baisser tes salaires au niveau de ceux des Chinois dont tu as bien profité. Ainsi tous tes citoyens comprendront bien à quel jeu débile toi et ta copine américaine vous vous êtes livrées sur leur dos.
À côté de ça, la Constitution est un faux problème, un leurre avec lequel on obstrue littéralement les cerveaux et les médias.
J'ai reçu mon texte du Traité la semaine dernière. J'en lis des bouts de temps en temps...

« Article III - 203
L'Union et les États membres s'attachent, conformément à la présente section, à élaborer une stratégie coordonnée pour l'emploi et en particulier à promouvoir une main-d'œuvre qualifiée, formée et susceptible de s'adapter ainsi que des marchés du travail aptes à réagir rapidement à l'évolution de l'économie, en vue d'atteindre les objectifs visés à l'article I-3.»
(p. 42, c'est moi qui souligne).

Tout angéliques que soient lesdits objectifs de l'article I-3, ces deux expressions soulignées ne laissent pas de m'inquiéter. En effet, si l'évolution de l'économie ne se décide pas à aller dans le sens des objectifs visés, je crains que s'adapter et réagir rapidement soient interprétés en vue d'un sauve-qui-peut général des grandes entreprises et des banques qui ne devrait certainement pas profiter aux populations. Je n'ai pas lu qu'il était question précisément de garantir des salaires ou des niveaux de vie, par exemple. Dans l'article I-3 (p. 9), je crains de même qu'il puisse facilement y avoir contradiction entre « le bien-être de ses peuples » (I-3-1) et « la cohésion économique » (I-3-3). D'ailleurs bien-être et cohésion sont des mots bien commodes. Quant à ce qu'ils signifient...


Les vaches me font penser à une blague idiote ... une blague sur le vétérinaire et les vaches ... , mais non, finalement elle est trop idiote la blague sur les vaches et le veterinaire ...
2005-04-24 19:38:01 de arte

Allez, te fais pas prier ! Donne-la-nous, ta blague.
2005-04-25 05:11:20 de Berlol

symptome de la vache folle : la vache qui rit et se prend pour un fromage
2005-04-25 05:35:26 de http://

oublie de signe le message precedent
2005-04-25 05:38:44 de vinteix

Pour "Berlol", qui aime et pratique l'art de vieille contrepeterie:
Cette grosse vache veut des herbes des Vosges.
Et pour les informaticiens:
Ce fou de Mac n'arrive pas à enclencher le bouton.
2005-04-25 06:21:28 de Ludwig

Vous avez déjà reçu le traité dans votre boîte aux lettre, là-bas au Japon ? Moi, rien. Juste la sous préfecture qui est fermée pour mettre sous plis. Je m'en ferais pourtant bien la lecture de quelques versets tous les soirs... Jusque là, j'en prends un morceau à droite à gauche (appréciations qui n'ont rien à voir avec le politique) et je me dis que j'ai bien raison de vouloir voter ...
2005-04-25 07:41:44 de Caroline

Un seul mot, pardon 2 : "Entièrement d'accord" (aussi bien sur la Chine que sur la Constitution...).
2005-04-25 08:55:29 de Au fil de l'O.

http://www.constitution-europeenne.fr/index.php?id=54
pour telecharger le texte (Pdf)...
2005-04-25 10:19:09 de arte

Bon, alors c'est l'histoire du vétérinaire qui...
Non ! c'est vraiment trop idiot.
2005-04-25 13:02:59 de arte

Pououououououououououououou............................
2005-04-25 15:42:08 de vinteix

(il a inséminé (artificiellement) tout le troupeau, un gros boulot, pas malheureux d'avoir fini, enfin il va pouvoir rentrer chez lui... ah que c'est idiot... non, j' peux pas !)
2005-04-25 20:18:07 de arte


Lundi 25 avril 2005. Des montagnes bleues aux âmes grises.

Pendant que je fais le tour de mes blogs habituels, en ce lundi matin pluvieux, arrive un courriel de Christian, le meilleur limier du réticule. Je lui ajoute des accents pour la lisibilité :

« Je viens de découvrir un blog en anglais sur la chaine d'écoles NOVA.
On y apprend les "méthodes" de gestion peu reluisantes de cette entreprise. Ainsi, ce n'est pas seulement le niveau de l'enseignement mais également les conditions de travail des enseignants qui sont tirées vers le bas (on s'en doutait un peu !) et cette école agit parfois même dans l'illégalité par rapport au droit du travail et de l'assurance sociale. On frémit quand on pense que certains "gestionnaires" d'université érigent Nova en modèle et envisagent de lui "déléguer" l'enseignement des langues. Un blog intéressant à lire dans notre contexte général de dévalorisation de l'enseignement en général et de celui des langues en particulier.»


Ça tombe bien : j'ai toujours eu en horreur cette école et ses spots publicitaires.

Déjeuner avec Laurent Flieder, enseignant de Paris 7 invité un mois à Kyoto, en virée tokyoïte pour deux jours. Il est aussi l'auteur du roman Le Machiniste, livre que j'ai reçu il y a quelques semaines et que je n'ai pas encore eu le temps de lire. Il n'est pas du genre à s'en formaliser, fort heureusement.
Passage à l'Institut franco-japonais de Tokyo pour le lui faire découvrir (il ne connaît pour l'instant que celui de Kyoto).
La pluie laisse la place au soleil et nous décidons d'aller nous promener à Aoyama. Nous visitons les montagnes bleues, c'est le sens d'Aoyama, en allant de Spiral Building à Harajuku, par les Champs-Élysées de Tokyo (Omote-Sando dori), puis par de merveilleuses ruelles jusqu'à Gaienmae.
On se quitte pour qu'il aille visiter Roppongi alors que je vais à mon rendez-vous du GRAAL déplacé à Waseda, c'est-à-dire d'abord au café Goto où seule Fumie-san est au rendez-vous. Elle est donc la seule à goûter avec moi à leur cheese-cake insurpassable et elle me fait le résumé du livre de Philippe Claudel, Les Âmes grises, que j'ai acheté l'an dernier et pas encore lu non plus.

La conférence de Claudel est intéressante (Héros / anti-héros dans la littérature ultracontemporaine française). Il brosse d'abord un tableau historique de ce qui est pour lui héros et anti-héros dans la littérature classique (avec comme exemples marquants Julien Sorel et Fabrice del Dongo, opposés à Jean Valjean et Emma Bovary, portes tellement défoncées qu'il n'y a même plus de pas — ceci dit, affirmer qu'Emma est un anti-héros parce que son destin est commun ne va pas de soi). Puis il passe à la production actuelle, dégageant le Nouveau Roman et l'autofiction dans un superbe drop (Angot morfle) pour prendre trois exemples patents, selon lui, des processus d'héroïsation, parfois anti héroïques, d'aujourd'hui, à savoir Michel Houellebecq, Éric Reinhardt et Régis Jauffret. Il dit également beaucoup de bien du dernier roman de Patrick Deville (Pura Vida) et plus encore de Modiano dont il assemble le premier (La Place de l'Étoile) et le dernier (Un Pedigree) pour en faire un diptyque de correspondances entre fiction et autobiographie.
Puis dîner avec une douzaine de collègues et Laurent Flieder revenu des hauteurs ropponguiennes.
Je complèterai demain avec quelques confidences supplémentaires... Car tellement c'était bien qu'il est très tard, maintenant...


Je suppose que tu vas corriger, mais c'est joli aussi "Harakuku" !! Allez, bonne nuit... Enfin, bonne journée, puisque tu liras sûrement ceci demain matin... Enfin, ce matin, pour toi (pas pour moi)... hou làlà, c'est compliqué...
2005-04-25 18:15:55 de Au fil de l'O.

PS : Heu, je n'aimais pas spécialement Nova quand j'étais au Japon, mais c'est peut-être bien chez eux que je vais finir en octobre prochain... Visa et tutti quanti...
2005-04-25 18:22:03 de Au fil de l'O.

C'est vrai que c'est mignon, Harakuku. Je le laisse ? Non, allez, je le corrige... Mais je laisse tes messages quand même. Ça gêne pas, j'espère...
2005-04-25 18:26:28 de Berlol

les temps d'accès à U-blog de + en + agaçants...
ds dernier bouquin Stiegler, p 60-61, il y a une digression sur les blogs (il cite même page d'accueil de u-blog) comme façon d'apprivoiser et normaliser nos pulsions de sauvageries, il nous intègre un peu trop vite je crois dans sa "misère symbolique" et j'aurais préféré que sur ce point il ne nous classe pas si vite, les blogueurs, dans la masse des sky-blogs du "syndrome de saturation cognitive" - bon, il reste hyper excitant, Stiegler, je rebondis sur l'avant avant-dernier débat, mais Benjamin a l'avantage qu'il nous présente la pensée comme rêve, et nous offre de nous la construire nous-mêmes comme un gosse avec ses cubes, en prenant plein le temps
à part ça, dis moi donc un peu les gadgets que tu lui as fait acheter, au copain Laurent, pour ses 2 garçons ou pour lui tout seul ?
pour ceux qui ne le connaissent pas, voir
http://www.remue.net/litt/tardieu_01.html
à Censier, vendredi soir, personne de chez Hubert: ce serait pas vaguement clanesque, l'ambiance ?
2005-04-25 19:29:18 de FBon

Seulement 2 au café Goto, quel dommage pour les autres !
2005-04-26 05:37:52 de Manu

...il rejoint sa voiture, jette sa veste sur le siege arriere, s'installe au volant...
2005-04-26 08:23:06 de arte

je m'interrompt ...
"Les âmes grises", passe (peut-être le film ... ), mais Pura Vida !!!
Sous-titre : Vie et mort de William Walker.
Sujet prometteur... Helas totalement vide, ce William n'a AUCUN interet. Que faire ? Raconter l'amérique ? Imaginez, une saga des conquistadors faisant et refaisant les frontières... Bien sûr que non : D'abord SE mettre en scène, je raconte MON enquête, MON voyage, MES rencontres, les hotels glauques, la serveuse négligée, le journal crasseux, les taxis malpropres... clichés de l'amérique latine pour écrivain (moderne, donc anti-heros ) à la recherche d'un William Walker inexistant. On append sur lui qu'il nacquit ... puis mourut. "Vie et mort de William Walker" ... beau sous-titre !
Je pense à la page du Chant General retrouvée dans la poche du Che ! L'amérique latine a ses poetes ...
2005-04-26 09:01:12 de arte

C'est pas "Harakuku", c'est Harajuku, mais ça se prononce "Haradjuku". Quelquefois le "j" tombe, on ne prononce que le "d". C'est dans ce quartier d'Haraduku qu'ont été portées les premières minijupes au Japon, ce qui explique l'origine du mot minijupe en japonais: "Haraduku Yakatate".
2005-04-26 14:43:24 de Cucu

Merci à Christian et à Berlol pour cette information concernant Nova.
Dans le contexte actuel, et connaissant un peu le milieu, ce n'est finalement pas étonnant. Mais ça n'en reste pas moins abject.
Les blogs sont intéressants aussi de ce point de vue : favoriser la transparence dans la gestion des entreprises.
Changeant totalement de sujet, je me permets de mettre ici un texte très préoccupant, au ton grave, sur la Chine. On parle souvent en ce moment, en vantant les vertus du "neolibéralisme" du "21e siècle chinois", mais moi je pense que face à un tel pays impérialiste, il y a un moment où une logique purement politique va venir s'opposer aux ambitions de la Chine. A la différence des apôtres du "marché", je pense qu'on ne peut vraiment pas lire les années qui arrivent.
« Le régime communiste oublie ses victimes
LE MONDE |
Cette phrase vaut d'être gravée dans le marbre des relations internationales : "Seul un pays qui respecte l'Histoire, assume sa responsabilité devant l'Histoire et reçoit la confiance des peuples peut prendre des responsabilités plus importantes dans la communauté internationale." On la doit à Wen Jiabao, premier ministre de la République populaire de Chine. Elle était adressée au Japon, candidat à un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies ­ dont la Chine communiste est elle-même membre depuis 1971, et où elle est le seul représentant des Asiatiques.
Le Parti communiste chinois, au pouvoir depuis 1949, n'est sans doute pas le mieux placé pour formuler de tels conseils à un pays qui représente la deuxième économie mondiale. Il tente par là de faire écho au reproche réel du peuple chinois envers le Japon officiel pour son refus de repentir sincère à propos des atrocités commises par l'armée impériale nippone en Chine et à travers l'Asie au milieu du XXe siècle. Mais Pékin joue-t-il franc jeu dans cette affaire ?
Si l'extrême droite japonaise ternit l'image du Japon par ses hommages répétés à quelques criminels de guerre de l'époque militariste, il faut tout de même rappeler que le pays a rompu avec son passé de manière déterminante, sous la houlette américaine, même s'il l'a fait moins radicalement que l'Allemagne postnazie. Il s'est doté d'une Constitution démocratique encore plus contraignante que celle de la République fédérale d'Allemagne, s'interdisant d'emblée tout acte militaire hors de ses frontières et limitant rigoureusement ses dépenses en matière de défense.
Pour ce qui le concerne, le pouvoir de Pékin n'a pas renié par un acte aussi tranché le passé de souffrances qu'il a infligées à son propre peuple depuis sa fondation. Il n'a présenté aucune excuse sérieuse à la mémoire des dizaines (centaines ?) de millions de victimes des purges et violences qui ont marqué son histoire.
Sa colonisation du Tibet demeure, officiellement, une "libération". Hors des frontières, le pouvoir chinois n'a pas non plus exprimé beaucoup de regrets pour son soutien passé aux auteurs khmers rouges du génocide cambodgien des années 1975-1979.
INCONTRÔLABLES TENSIONS
Pour l'heure, la "contrition" du régime de Pékin se borne à un document datant de 1981, la "Résolution sur l'histoire du Parti communiste chinois". Ce texte officiel exonère le régime de bien des tragédies dont les historiens reconnaissent la réalité : purge des toutes premières années du régime, famine du grand bond en avant (1960-1962), révolution culturelle (1966-1969)... De plus, au motif que Taïwan, voilà bien longtemps, a appartenu à l'empire mandchou (1644-1911), le gouvernement de Pékin vient de légiférer afin de justifier une éventuelle attaque contre l'île qu'il revendique comme sienne. Celle-ci, en fait, à l'époque moderne, n'a été gouvernée depuis le continent chinois qu'entre 1945 et 1949.
Dans son dernier numéro (23-29 avril), l'hebdomadaire britannique The Economist fait remarquer que, si le Japon présente encore un "problème" au regard de l'Histoire, la Chine, elle, se comporte dans une bonne mesure comme l'empire du Soleil-Levant, conquérant, des années 1920-1930. A la faveur d'un décollage économique qui, dans l'ensemble, représente un bienfait pour la planète, elle manifeste des ambitions de souveraineté maritime, de suzeraineté régionale et d'arbitrage mondial qui s'affranchissent de plus en plus des règles que la communauté internationale démocratique s'efforce d'imposer depuis 1945.
La Chine officielle passe aux oubliettes les sacrifices que sa population a endurés pour en arriver là où une petite partie seulement de celle-ci est parvenue. Or ces sacrifices ne sont pas seulement des faits du passé. Une affaire comme la contamination de 300 000 à 700 000 personnes (voire plus) par le VIH à la faveur d'un commerce du sang organisé par des fonctionnaires corrompus, au milieu des années 1990, telle que l'expose en détail Pierre Haski, le correspondant de Libération en Chine (Le Sang de la Chine. Quand le silence tue, Grasset), montre que l'absence de contrôles démocratiques en Chine fait encore de nos jours des victimes sur une grande échelle. Le procès des responsables ne se profile pas à l'horizon.
En cultivant un nationalisme étroit, populaire mais ambigu, le pouvoir de Pékin joue un jeu dangereux qui risque de susciter, en réaction, des passions malsaines chez tous ses voisins. Celles-ci conduiraient alors la région vers d'incontrôlables tensions, sur des échelles démographiques et économiques bien plus considérables qu'en Afrique. Plutôt que d'encourager implicitement une telle dérive, les pays responsables de la sécurité internationale feraient mieux d'allumer les clignotants rouges à l'intention de Pékin.
Francis Deron
Article paru dans l'édition du 26.04.05 »
2005-04-26 14:44:30 de Arnaud


Mardi 26 avril 2005. On n'entendait plus toujours nos balles.

Petite nuit. Repartir matin. Shinkansen à tituber entre corriger des copies et somnoler. Achat de petits plats traiteur à la gare de Nagoya. Aujourd'hui, il y avait aussi des gros pretzels, il n'y en a pas toujours, je ne sais pas pourquoi. Comme tous les mardis des périodes de cours, je déjeune au bureau en finissant de préparer les cours. Ça se passe très bien. Nos étudiants de première année sont vraiment agréables, souriants, participatifs. On en fera quelque chose. D'ailleurs, j'ai intérêt à les avoir à la bonne parce que je vais en accompagner une bonne partie l'an prochain à Orléans pendant un mois !
Le ping-pong fait tache d'huile. Aujourd'hui, en plus de David après ses cours et de Bikun revenu de l'Expo, un autre collègue français se joint brièvement à nous (il a un autre cours après), puis deux collègues japonais de notre département de français dont un que l'on n'a jamais vu faire de sport... Mais qui retrouve petit à petit son ping-pong d'il y a quinze ans ! Deux autres collègues japonais non francophones sont effarés de cette surreprésentation de la section française. C'est comme si c'était un de nos sports nationaux. Alors que non... L'ambiance est boostée par un groupe d'une vingtaine de cheerleaders qui nous ont demandé l'autorisation de s'entraîner dans une moitié de la salle de ping-pong, qui est très grande ; elles ont débarqué avec leurs tapis, leur sono, se sont synchronisées et ont commencé à répéter leurs figures pyramidales en braillant de concert. On n'entendait plus toujours nos balles. Avec le même morceau de musique, une version techno de Smoke on the water... Voyez l'ambiance.
Deux heures et un litre d'eau plus tard, on est complètement vanés. Bikun et moi allons dîner au family-restaurant chinois Bamiyan du quartier. Puis retour à la maison et travail chacun devant un ordinateur connecté, grâce au routeur acheté vendredi, moi par câble pour lire du courrier et préparer le JLR, Bikun par wifi pour trier et envoyer ses photos, je suppose.

J'ai commencé l'écoute du feuilleton Sur la route d'après Kerouac. Je ne suis pas encore très accroché, ça me paraît moyen. J'ai lu ça il y a tellement longtemps, et ça ne m'avait pas laissé un souvenir impérissable. C'est son centenaire ou quoi ?... Bah non, même pas, il est né en 1922 et mort en 69. Ça doit être en hommage à Denis Grozdanovitch dont je viens de finir avec tristesse le Rêveurs et Nageurs. Heureusement, je pourrai bientôt me lancer dans son Petit Traité de désinvolture. Mais avant cela, je vais faire un break avec un autre en sandwich. Sera-ce Le Machiniste de Flieder, Une Saleté de Frédérique (petit salut au passage), Les Âmes grises de Claudel, Oreille rouge de Chevillard ?... Mon coeur balance. Ça se décidera demain après-midi...

À propos de Philippe Claudel, ça m'est revenu, il a insisté sur l'importance selon lui d'American Psycho de Bret Easton Ellis. Dans la littérature française, même ultracontemporaine, ça m'a paru déplacé. Je ne suis pas sûr que ça ait eu une grande influence sur les auteurs français... Faut que je réécoute mon enregistrement.


a propos de claudel lis voir le soulier de satin moi il m'a fallu 6 mois pour m'en remettre
2005-04-26 17:13:41 de ali guieri

C'est déjà fait, merci, et ça m'a effectivement pris du temps... Mais là, on ne parle pas du même Claudel. Quoi qu'ils soient tous du même village vosgien...
2005-04-26 17:22:20 de Berlol

Coucou.
Sans lien avec l'actualité berlolienne et sans transition, comme on dit. Simple clin d'oeil.
Très contente hier soir d'avoir entendu, en écho lointain aux interventions des uns et des autres dans le JLR, Olivier Le Cour Grandmaison en invité et commentateur, après la projection, du film de Nicolas Klotz et Elisabeth Perceval, "La Blessure". Une intervention qui portait non sur le colonialisme à proprement parler mais sur la manière dont on traite, aujourd'hui, les immigrants, notamment les immigrants venus d'Afrique, frappés de suspicion et d'indignité - lesquelles, dès lors qu'elles sont acquises (il suffit pour cela de déconsidérer, de délégitimer d'emblée les motifs mêmes de leur exil : il est loin, dit Le Cour G., le temps où l'on considérait, précisément, les opposants - en fuite - à un régime politique) justifie des pratiques étatiques ignominieuses, que La Cour Grandmaison et Klotz qualifient de racisme d'état. Le film est magnifique - mais je préfère ne pas m'étendre, me souvenant, le coeur meurtri, des commentaires de Berlol à propos du "Cauchemar de Darwin". J'en pleure encore.
Pfff, cette démonstration de puissance pongistissime...
2005-04-26 18:24:54 de Frédérique Clémençon

Berlol, tu as fait pleurer Frédérique Clémeçon?
Tu as fait ça?
Et bien je ne raconterai pas l'histoire du veterinaire qui insémine (artificiellememnt) un troupeau de vaches, et qui rejoint sa voirure, heureux d'avoir terminé sa journée, lorsque qu'il "fut bloqué par l'arrivée en sens inverse DU troupeau de vaches. [...] leurs grosses têtes incompréhensives lorgnant vers LUI par la vitre FERMEE, LUI lançant au passage un regard aussi profond, impénétrable et " ....
Non, je ne le raconterai pas !
2005-04-26 20:02:17 de arte

je crois aussi à une très forte influence d'american psycho (un chef d'oeuvre dans son genre) sur les auteurs français contemporains aussi disparates que les beigbedder boys de flammarion et certains jeunes auteurs de POL et Verticales.
2005-04-26 20:29:06 de JF Paillard

réaction à ta remarque : "Deux autres collègues japonais non francophones sont effarés de cette surreprésentation de la section française. C'est comme si c'était un de nos sports nationaux. Alors que non..."
Non mais le ping pong japonais a perdu sa domination depuis fort longtemps (pour les hommes dans les années 50), alors que laFrance a encore eu aux jeux olympiques une médaille de bronze en 2000 avec Chila et Gatien, et en 92 une médaille d'argent avec Gatien en simple (japonais rien du tout depuis belle lurette) Aux championnats du monde, la dernière médaille japonaise remonte à 79, et la française avec les célèbres vedettes de ma jeunesse Secretin et Berger en 77. Y'a pas de la part des japonais à être surpris. La FFde T de t se porte bien et de nombreux jeunes (y compris dans nos campagnes aiment ce sport). Qui dit T de table ne veut pas dire plus japonais que français. On sait que la suprématie est chinoise, hongroise et suédoise depuis plus d'une décennie non ? Il faudrait peut-être mettre aux parfums ces deux collègues japonais...qui n'ont pas à être surpris.
2005-04-27 01:31:41 de jcb

Merci JCB pour ces données ! A chaque fois que j'ai essayé de convaincre un japonais que la France était loin d'être ridicule au ping-pong, il m'a manqué quelques arguments de ce type. En général, c'est tout juste s'ils connaissent Gatien !
2005-04-27 03:01:31 de Manu

Allez, Frédérique, tu vas pas pleurer pour ça... T'as vraiment aimé "le Cauchemar de Darwin" ? Et si je te dis que je commence "une Saleté" ce week-end, ça va mieux ? Ou alors, c'est Arte, avec son histoire qui n'en finit pas de commencer, ça t'a fragilisé les nerfs...
D'accord avec Manu pour un grand merci à JCB. Infos très utiles pour tenir tête aux récalcitrants. Ce que je disais, c'était aussi par rapport aux autres départements de la fac parce qu'en fait il n'y a pas beaucoup de profs qui font du sport...
Sinon, quelqu'un a-t-il trouvé les solutions des contrepéteries dominicales de Ludwig ?
2005-04-27 15:35:32 de Berlol

Bon d'accord...
Alors c'est l'histoire du veterinaire qui insémine (artificiellememnt) tout un cheptel bovin, et qui rejoint sa voiture, heureux d'avoir terminé sa journée, lorsque qu'il "fut bloqué par l'arrivée en sens inverse DU troupeau de vaches. [...] leurs grosses têtes incompréhensives lorgnant vers LUI par la vitre FERMEE, LUI lançant au passage un regard aussi profond, impénétrable et " ému qu'une Fan de Johnny insistant pour un autographe. Toutes lorgnent par la vitre du conducteur...
Ah, c'est d'un bêta ... je ne puis ...
2005-04-27 16:51:14 de arte

Oh, pas de flagornerie, hein! Je vais vraiment finir par me vexer.
(Il est trop tard pour une partie de ping-pong, Berlol? Allez, allez,
au boulot.)
2005-04-27 17:05:28 de Frédérique Clémençon


Mercredi 27 avril 2005. It takes a river and one swimmer.

Alors qu'il y a l'Expo d'Aichi à ma porte et que j'évoquais ces derniers jours les exhibitions de colonisés, j'apprends qu'il y a juste 100 ans, c'était l'inauguration de l'Exposition universelle de Liège qui allait accueillir 5 millions de visiteurs et où il fut bien sûr question de la colonisation alors florissante. On en attend 15 millions cette année alors qu'il y en eut plus de 60 millions pour l'Exposition universelle d' Osaka, en 1970. Les coûts, la politique sécuritaire et l'absence de trésors amenés de l'un ou l'autre des pays participants seront sans doute pour quelque chose dans cette décroissance.

« Imaginons un fleuve, un fleuve impétueux. Vous avez d'un côté un personnage qui essaie de traverser, qui de toutes ses forces nage, qui vainc le courant et qui arrive à atteindre l'autre berge. C'est le héros. Tandis que notre anti-héros serait quelqu'un qui se laisserait flotter dans ce courant, emporté par lui, tentant simplement de surnager et de respirer, de ne pas couler mais ne faisant rien pour atteindre l'autre rive.» (Philippe Claudel dans sa conférence d'avant-hier, fin du préambule...)

Réécoutant un bon bout de la conférence, je trouve que ce n'est pas mal du tout, cette parabole du fleuve. Ça ne s'applique pas aux textes, je veux dire qu'il ne faut pas chercher pour chaque roman qui fait le nageur et ce qui fait fleuve, mais la distinction entre un vouloir-traverser et un laisser-flotter me paraît convaincante.

To make a novel, it takes a river and one swimmer
One river and a swimmer
And weavery
The weavery alone will do
if swimmers are drowned
(clin de web Au fil de l'O)

Maurice Toesca : « Si vraiment nous nous fondons sur le côté scandaleux de l'histoire, ça me semble extravagant car ce n'est pas suffisant pour expliquer le succès du livre puisqu'il avait paru quelques années avant un livre d'une autre jeune femme, très jeune aussi, qui avait écrit un livre beaucoup plus scandaleux qui s'appelait Le Rempart des béguines et qui dans son fond était beaucoup plus audacieux et qui n'a pas tiré à 250.000... [...]
Jean Dutourd : — Éh bien, moi, je crois que j'ai une petite explication pour ça, qui vaut ce qui vaut, mais enfin je vais vous la donner. Je crois que les critiques, et je les connais bien, les critiques, sont tous de vieux roquentins... Et que lorsqu'ils ont vu cette histoire un petit peu leste, un petit peu ambiguë — mais pas trop, j'y insiste, pas trop ambiguë, pas trop leste — écrite par une si jeune personne, ça leur a agacé les dents, ils ont été contents. Alors que je crois que Françoise Mallet, dont Toesca parlait à l'instant, Françoise Mallet leur a fait peur. Parce qu'on a beau être roquentin, on a quand même de la morale. Et voilà pourquoi le succès de Françoise Sagan a été si grand et celui de Françoise Mallet, qui aurait été dans une certaine mesure plus légitime, a été si restreint. [...] » (dans La Tribune de Paris, émission de radio de 1955, rediffusée cette semaine dans la série Un Morceau du délice / Des enfants prodiges, sur le canal Les Sentiers de la création / France Culture)

Comme quoi, rare de nos jours, le mot pris par Sartre pour nommer son personnage dans les années 30 était encore en 1955 un nom commun...


Dis-nous, Berlol, tu auras une connexion dans le Kyushu ?
Sinon, rien à voir avec la page du jour, mais bon, je ne connais pas de meilleur endroit pour poser la question suivante à propos du japonais:
Prenons un 'exemple:
'aketearu' et 'aketeiru' (ou 'aketeru')
-les formes polies sont 'aketearimasu' et 'aketeimasu' (ou 'aketemasu')
-les formes polies négatives sont 'aketearimasen' et 'aketeimasen' (ou 'aketemasen')
-les formes négatives (non polies) sont bien 'aketenai' et 'aketeinai' (souvent prononcé ou même écrit 'aketenai'). Fait-on vraiment la différence entre les deux à l'oral? Jusqu'à présent, en entendant 'aketenai', je n'avais jamais remarqué que cela pouvait avoir deux sens différents, mais est-ce bien différent?
Désolé de polluer ton blog, Berlol, mais ça me travaille depuis ce matin cette question...
2005-04-28 03:01:08 de Manu

Pour les finesses du japonais, je laisse cela aux spécialistes...
Et pour le Kyushu, je n'en sais encore rien. Je vais emporter un ordinateur mais je ne sais pas si ça va marcher. Au pire, il y aura quatre jours à copier-coller à mon retour... Je l'annoncerai pour que personne ne me croie tombé dans un ravin.
2005-04-28 05:02:52 de Berlol

Bon? Je peux finir mon histoire, oui ou non ?
2005-04-28 05:19:44 de arte

Cher Arte, avec vos minauderies à répétitions, on n'a plus envie de l'entendre cette histoire... De toute façon, de votre propre aveux, elle est idiote !!!
2005-04-28 09:40:09 de Au fil de l'O.

Pour revenir sur les propos de Claudel, je trouve que ceux-ci en reste à une vision très dichotomisée de la chose : le héros serait "positif", parce que "agressif" et "mordant dans la vie" alors que "l'anti-héros" est négatif, car lui, au contraire "se laisse aller" et n'y croit pas (ou plus)... Il me semble que le nouveau roman et ses suites avaient permis de montrer que c'était (comme toujours) autrement plus complexe... Chez un Henry Bauchau, par exemple, on voit très bien l'évolution de la figure du "héros" qui finalement se rend compte qu'être "héros" c'est beaucoup plus difficile que d'accomplir des exploits... Mais que se faire aussi "humble et discret que possible", c'est là le véritable tour de force...
D'ailleurs, j'en viens à me demander si la conception que l'on se fait de la figure héroïque ne dépend pas aussi de ses convictions politiques (ou inversement et réciproquement...). A approfondir, je crois... Du moins, c'est une question qui me préoccupe depuis l'année dernière, où la question du "héros" était justement le point focal de l'équipe de recherche dans laquelle je travaille (encore pour quelques mois...).
2005-04-28 09:50:46 de Au fil de l'O.

"Très dichotomisée", c'est le moins qu'on puisse dire. En fait, il a une grille a priori, et il remplit les cases avec des personnages de romans qu'il connaît. Alors que des chercheurs essaient d'effectuer un travail heuristique, attendant d'assez connaître un champ d'étude pour que des catégories finissent par apparaître, d'autres viennent avec leurs gros sabots idéologiques et vous dégueulassent tout le paysage (parce que maintenant, pour récupérer ces étudiants bien dopés aux catégories manichéennes, macache !).
Enfin bon, c'est pour ça que je réintroduis le concept de "weavery", "tissage" (si proche du "revery" de Dickinson, l'as tu remarqué ?), tellement plus efficace du point de vue littéraire que le fleuve et le nageur... Mais qui s'en soucie, du sens profond de mon poème, hein ?...
2005-04-28 14:41:55 de Berlol

Mais, on s'en soucie, cher Berlol, on s'en soucie !! Même si on le crie pas haut et fort !!
2005-04-28 18:38:35 de Au fil de l'O.

Dis, Manu, il y a des forums spécialisés pour ça. Tu pourrais, par exemple, poser tes questions sur http://france-japon.net ou http://www.lejapon.org . Des gens très pointus dans ce domaine te répondront!
2005-04-29 17:27:53 de Christian

Ouais, pasqu'ici, t'as pas eu beaucoup de succès !...
2005-04-29 18:48:03 de Berlol

Par exemple, Christian. Il aurait pu te répondre excellemment. Mais il a préféré te renvoyer ailleurs... Ceci dit, sur le fond, il a tout à fait raison.
2005-04-29 18:50:53 de Berlol

Je suis tout à fait d'accord ! En fait, c'est plutôt ça que j'aurais dû demander, quel site recommanderiez-vous pour poster des questions sur la langue japonaise, sachant effectivement qu'il y a des spécialistes qui passent par ici.
Mais bon, il y a déjà eu des petits débats sur des kanjis dans ce blog, alors je me suis dit pourquoi pas essayer directement...
2005-04-30 09:28:24 de Manu


Jeudi 28 avril 2005. La moisissure qui emporte tout le fruit.

Dernier jour de cours avant petites vacances, dites de Golden Week, ou GW, en fait toute la semaine prochaine. Donc, avec les week-ends, une dizaine de jours. Après quoi, il faudra enfiler 10 semaines de suite jusqu'à la mi-juillet, avec derniers cours le 14 ! En fait, c'est à ce prix-là que l'on pourra faire décoller, comme chaque année, les trois tonnes d'étudiants de première année, jusqu'à l'altitude du français de base. Ayant suivi quelques reportages dithyrambiques et idéologiques sur notre A380 (ça roule pour le "oui" au référendum), c'est la métaphore du décollage qui me vient pour parler des progrès fulgurants des étudiants de première année. Alors que c'est moins flagrant en deuxième année, quand il faut reprendre les bases pour étayer, combiner des règles, introduire des nuances...

Côté JLR, on serait peut-être bien dans le même état : un temps de floraisons thématiques, verbales, combinatoires, disons pendant un an, suivi maintenant de reprises, ressassements, consolidations qu'interrompent l'actualité ou mes velléités provocatrices. Ce n'est peut-être pas mauvais en soi. C'est peut-être naturel, qu'un processus ne se maintienne pas éternellement dans sa nouveauté. Cela n'en est pas moins décevant pour moi-même. Toujours en essayant de n'avoir cure du lecteur, sauf dans les commentaires qui constituent un espace de dialogue bien disctinct des billets journaliers — je crois d'ailleurs ne pas écrire de la même façon dans les billets et dans les commentaires.
Justement, parlons-en, des commentaires ! Si une sorte d'ambiance sympathique s'y maintient, faite de remarques incidentes, de greffons hors-sujet et de quelques saillies amusantes auxquelles je participe volontiers — et j'en remercie ici les auteurs — il faut bien reconnaître que rares sont les fois où un débat de fond y a lieu, et que, quand parfois cela semble advenir, il se trouve toujours un trollble-fête pour faire tout le monde se recroqueviller...
La connivence sourd et développe ses belles couleurs, répand son calmant humaniste ou humanisant, nous ouvre son salon opiacé. Et soudain c'est la goutte de citron et la crispation qui s'ensuit, l'averse et l'ouverture des parapluies, la moisissure qui emporte tout le fruit. Après trois ou quatre occurrences du truc, ici ou là (pas seulement chez moi, bien évidemment), tout le monde devient prudent. On avance quelques mots à l'échelle 1/10e de ce qu'on voudrait dire — ou rien, pour tout une foule de butineurs dont le bruit zappant des élytres ne m'atteint même pas, foule de mes admirateurs transis, foule de mes ennemis ricanants, foule des froids analystes du comportement webique, foule qui ne comprend rien à ce qui se dessine entre les lignes d'un journal de plus de 500 jours, foule de ceux qui comprennent trop bien et me tiennent pour une bille.

J'aimerais bien savoir en quoi L'auberge espagnole serait un mauvais film. Deux personnes qui n'ont rien à voir entre elles m'ont déjà donné cet avis, sans prendre la peine de me dire pourquoi, craignant sans doute, et à raison, que je ne me contente pas de deux ou trois arguments d'autorité. Le voyant pour la énième fois (et pour la seconde avec mes étudiantes dans le cadre d'un séminaire), je ne me lasse ni des personnages et de leur parcours, ni des acteurs, ni de la construction filmique et narrative, ni même du pathos émanant des bons sentiments que Klapisch affiche (l'Europe, l'identité collective, etc.). À l'usage visible et répété du quadrillage visualisant des actions synchrones ou de l'accéléré sautillant qui ridiculise le monde des stressés, correspond un emploi moins visible, quoique récurrent lui aussi, du contrejour avec silhouettes lentes ou d'un souple mouvement tournant de caméra pour accompagner le vertige du désir. L'antagonisme entre Audrey Tautou et Judith Godrèche, la brune et la blonde, se redouble d'oppositions moins visibles : fort contraste des champs-contrechamps Tautou-Duris, contradiction verbale systématique de Duris par Tautou, jusqu'à l'opposition pluie-soleil lors d'un coup de téléphone ; en revanche, fluidité des regards Godrèche-Duris, plans systématiquement allongés de quelques secondes inutiles quand ils sont ensembles, etc. L'histoire paroxystique de l'arrivée du petit ami de l'anglaise, avec mobilisation de tous les colocataires, et surtout la chute de cette histoire, que je ne révèlerai pas ici, ont captivé mes étudiantes qui ont sursauté de surprise et de rire au moment opportun, confirmant par là même le talent narratif du réalisateur.


À propos des trollble-fête (sic), je signale ce site très amusant et édifiant que certains habitués de www.lettres.net connaissent peut-être déjà: "Trollomètre - Suis-je un Troll authentique?"
Les "ficelles" des trolls y sont bien démêlées.
http://www.lettres.net/troll.htm
Je suggère qu'on y envoie paître et se repaître nos visiteurs trolliens et trollble-fête.
2005-04-29 07:10:20 de Christian

le débat c'est peut-être avant tout l'écoute réciproque, et de savoir la disponibilité à l'intervention de l'autre - moi aussi grande disproportion entre le nombre de consultations de mes petites blogueries, même si je ne m'astreins pas au quotidien, et les interventions qui viennent s'y ajouter en forum
je suis heureux que tu prennes distance, non pas avec le JLR, mais juste assez pour en indiquer le mouvement, les structures: c'est aussi ça être ensemble: constituer une expérience, se faire laboratoire de soi-même
et très bien aussi de redresser un peu la barre pour ces petites cases où on aime que tu nous accueilles: que ça reste un atelier
2005-04-29 07:33:22 de FBon

C'est-a-dire que sans trop savoir pourquoi, on revient lire de vos nouvelles parce qu'ici plus qu'ailleurs votre style a l'efficacite d'une conversation litteraire tres agreable.
Conversation ou, ma foi, on reste libre de se mouiller ou pas.
Cependant qu'intervenir est une autre paire de manches. Vos references, vos amities choisies, votre niveau au ping-pong intimident.
2005-04-29 10:46:11 de Mot

Salut Berlol.
Ais-je déjà retenu mes mots sur ton blog ? Mesuré, oui certainement, pesé aussi, mais retenu je ne crois pas. C'est notamment en toute clareté que je m'inquiète de la dernière déclaration de ce suppôt d'extrême-droite qu'est le maire-préfet de Tôkyô, Ishihara, qui a demandé il y a trois jours au gouvernement de ne pas pardonner la Chine et de profiter de l'occasion pour envoyer les Forces de Défense (jitei-tai) occuper militairement l'ilôt Senkaku, disputé avec la Chine. Très loin de souhaiter un apaisement, on sent que certains veulent très sincèrement la guerre.
Mais le monde s'en fout. Il faut dire que vu d'Europe, l'Asie de l'Est c'est loin. Alors on parle de vendre des armes à la Chine...
Dans un même temps, les préfets des départements limitrophes de Tôkyô, à Kanagawa, Chiba, Saitama, puis au nord à Ibaraki, ont, comme Ishihara, assuré qu'ils allaient soutenir à fond le manuel d'histoire nationaliste. Le processus de sélection a commencé et l'on connaîtra les résultats début août. Dans quel pays est-on...
Sincèrement, il va bientôt faire bon rentrer en France...
Pour ce qui est de L'Auberge espagnole, pourquoi penser que cela serait un mauvais film ? Et bien tout simplement parce qu'il se passe en Espagne déjà.
L'argument peut sembler idiot, mais chez certains il peut avoir du poids. Par exemple chez un individu comme M. le maire-préfet : que penserait-il de "L'Auberge coréenne", lui qui explique que les ressortissants des anciennes colonies japonaises sont l'origine de la montée de la criminalité au Japon... À réfléchir.
Bien sûr, cela va de soit, je gerbe sans retenu sur l'ensemble des électeurs de la capitale, qui eux-même gerbent sur la "démocratie" japonaise.
2005-04-29 13:51:24 de Arnaud

D'accord avec Arnaud. A ceci près : il faut préciser que ces derniers "gerbeurs" sont fin saouls, et qu'ils ignorent sur quoi au juste ils gerbent.
En "démocratie", on a ce qu'on mérite. Et le fleuve sombre continue à emporter et à charrier…
Concernant le JLR, mon silence de ces derniers mois provient plus généralement de la tonalité "littéraire" (ce n'est pas un regret que j'exprime là) de ce dernier. Tonalité avec laquelle je suis peu à l'aise dans le cadre du discours. Pas de quoi se formaliser : je suis bel et bien toujours de l'autre côté du moniteur.
2005-04-29 15:15:31 de Acheron

Je suis assis, silencieux, à la table de l'auberge, si vous voulez. Le silence, ce n'est pas "mal", vous savez ;).
2005-04-29 15:30:18 de Acheron

Tu as raison de souligner le problème de la désinformation au Japon.
Cependant, il reste la presse et les revues : après tout, on peut acheter celles que l'on veut, et se renseigner si l'on estime que les grands médias ne le font pas correctement (car ils ne le font pas). Enfin comme tu le dis, en "démocratie" on a ce qu'on mérite.
2005-04-29 16:00:01 de Arnaud

Pour "estimer" quelque chose, il faut avoir des doutes, se poser des questions, prendre, éventuellement, conscience de certains problèmes.
Là, on est dans la spirale des neuneux qui ignorent qu'ils ignorent. C'est plus grave que la simple mauvaise fois je pense, car cela veut dire que c'est le système/la société/l'éducation/la télé (et puis quoi d'autre encore ?) qui est globalement abrutissant et politiquement déresponsabilisant.
Ce n'est jamais bon de faire croire aux gens que tout est simple et qu'on est toujours du côté des "gentils"…
2005-04-29 16:19:44 de Acheron

Attendez, euh... Depuis quand le Japon est-il une démocratie ? Le statut d'électeur conféré aux Japonais n'a jamais été accompagné de la formation civique qui lui donnerait valeur. Aussi le "droit de vote" est-il souvent considéré ici comme une charge supplémentaire et inutile car quoi qu'on vote, shouganai, les jeux sont déjà faits (par en-dessous, par derrière, etc.).
Encore merci à tous ceux qui accompagnent souvent mes billets de leurs commentaires. Mon texte du jour oublie de mentionner qu'il y a aussi souvent d'excellents commentaires, et aussi qu'il ne faudrait surtout pas que "tout le monde" se mette à commenter parce que ce serait la cacophonie générale...
Comme toujours, on est (je suis) pris dans des contradictions insolubles !...
2005-04-29 16:33:40 de Berlol

Mais je suis entièrement d'accord avec toi Berlol.
Le tout n'est pas d'avoir une super-structure démocratique. Si rien n'est fait pour l'activer d'une part, et, d'autre part, que d'innombrables micro-règlements ne visent qu'à empêcher son fonctionnement, la super-structure n'est qu'une carcasse vide. Ou habitée par autre chose plutôt.
2005-04-29 17:01:07 de Arnaud

Pourquoi peu de débats de fond? Peut-être tout simplement parce que nous sommes sur un blog, le blog de Berlol, et que, malgré les invites et les encouragements, ce blog restera le lieu d'expression d'un individu avec des commentaires qui lui sont plutôt adressés personnellement qu'aux autres auteurs de commentaires. Simple, non?
Pour le débat, c'est le forum qui s'y prête le mieux. Il me semble d'ailleurs que LITOR devrait passer à cette forme d'expression.
D'aucuns opposent que la liste de diffusion arrive jusque dans sa boîte aux lettres et que c'est bien pratique, qu'on n'a pas à faire l'effort d'aller sur le site. (On le fait pour les blogs!)
C'est méconnaître l'une des fonctions de la plupart des forums livrés "clés en mains": on est averti par courriel de réponses postées à des sujets auxquels on a participé ou que l'on a choisi de "surveiller".
Chaque outil a ses particularités, ses avantages, ses inconvénients, ses limites. Il faut donc se demander ce que l'on recherche exactement!
Mais je n'oublie pas que je parle à l'auteur de "Les salons littéraires sont dans l'internet".
Il me semble que les forums n'étaient pas ou peu abordés dans ton ouvrage. Les blogs non plus d'ailleurs.
Mais je sens que tu vas te rattraper!!
2005-04-29 17:16:31 de Christian

Autre chose: chaque jour, on passe à une nouvelle version de ton journal. Les débats lancés meurent de mort naturelle. Ils sont poussés dans les archives, les oubliettes! :)
Ceci ne se produirait pas avec un forum, les sujets restant bien visibles, pouvant stagner plusieurs jours ou semaines et se trouvant d'un seul coup relancés...
Techniquement aussi, les discussions sont favorisées par un nombre important de fonctions très utiles. Par exemple, on peut diviser un sujet de discussion en plusieurs sujets lorsque le débat part dans plusieurs directions, etc...
Il y a aussi un moteur de recherche... bon, la liste est longue, je vais me coucher!
2005-04-29 17:24:39 de Christian

Sans doute as-tu raison, Christian. La forme nodale du blog pourrait être moins propice à la discussion que le forum dont tu te fais volontiers le chantre.
Cependant... cependant... Le "salon" où l'on invite et où l'on a éventuellement plaisir à revenir, même sans bien savoir pourquoi, comme le disait finement Alain ci-dessus, c'est le salon de quelqu'un, c'est un lieu typé et relativement clos. En revanche, le "forum" est ouvert à tous, à tous les vents, à la voix qui s'élève plus fortement, au débat de la cité.
Il s'agit donc bien de deux lieux de débat distincts, selon moi...
2005-04-29 17:37:12 de Berlol

larvatus prodeo.
Votre "salon" ne souille pas celui qui vient. C'est comme une visite amicale ou on ne connait personne. On a le temps brusquement. Nulle obligation. Parce que, apparait-il, le style, j'y reviens, ne nous tape pas dans le dos. C'est tres tenu, voila.
Le printemps, le Japon, Simonetta Vespucci, ou que sais-je encore qui passa ces temps-ci rappellent un livre de Toussaint ou un cours de Barthes au college de France.
2005-04-29 18:50:49 de Alain

Je suis d'accord avec ce que dit Christian dans sa dernière intervention. Un jour pousse l'autre, qui disparait tout à fait dès qu'il sort de l'écran... Poussière, poussière. La tentation du commentaire meurt donc de mort naturelle, me semble-t-il, avant de se porter sur un autre objet.
En outre, à mes yeux - mais je n'ai qu'une brève expérience de la chose - les échanges, les conversations qui auraient l'ambition que tu affiches, Berlol, se déploient sur une durée incompatible avec celle du blog : un commentaire en appelle un autre, qui va en faire naître un troisième, lequel, à la faveur d'une digression, en provoquera un quatrième ... tout cela fait qu'il est très difficile - sauf à appliquer des règles déterminées à l'avance (interdire les digressions, par exemple - mais ce serait sans doute frustrant) - de véritablement construire ensemble quelque chose qui ressemble à une réflexion ambitieuse, défaut (voire) intimement lié à la nature du support employé. J'ai, pour ma part, bien plutôt l'impression d'être sur une rive, d'attraper sur la barque berlolienne des commentaires, une petite chose, une petite idée, à laquelle je peux, si je le désire, venir m'agréger - et cette possiblité est en soi, déjà, très plaisante.
Le silence des lecteurs, par ailleurs, n'est pas une marque de désintérêt : nul ne sait quelle influence véritable a la lecture des blogs en ligne. Combien de silencieux ont ouvert un livre évoqué dans ces lignes? écouté un auteur avec plus d'attention grâce à ce que tu as dit? à ce que vous avez dit?
Cela a sur moi assez d'influence - encore suis-je beaucoup plus réservée que vous sur le caractère révolutionnaire, absolument novateur, de l'affaire - pour penser que d'autres font de même. C'est déjà pas mal, non?
Bonne promenade, Berlol, et point d'autres de mornes pensées.
2005-04-29 19:01:57 de Frédérique Clémençon

et point trop de mornes pensées, j'veux dire.
2005-04-29 19:04:10 de Frédérique Clémençon

Pour ma part, j'opte "Evolution plutôt que Révolution "dans cette forme de communication que constitue le blog. Un outil qui est utilisé tient-il son utilité du seul fait qu'il est utilisé ou bien est-il la résultante d'un désir de communiquer autrement?
Que nous manque-t-il dans la proximité langagière pour que nous nous mettions à inventer des destinataires, des interlocuteurs que nous croyons ne pas avoir sous la main ou sur le même palier ? Comment se fait-il que nous prenions autant de plaisir à échanger avec de parfaits inconnus et avec des gens dont nous ne connaissons ni l'aspect physique (qui est souvent un critère de choix dans la vie ordinaire) ni la fortune, ni les manies qui agacent ou amusent ceux celles qu'ils côtoient au travail ou à domicile ? Nous nous parlons parce que parler est un besoin aussi vital que manger, boire, vivre l'amour et l'amitié. Certains on peu faim, peu soif et n'aiment pas être amoureux ou aimés. Sur les blogs on rencontre de grands affamés, de grands assoiffés et des amoureux qui ne s'ignorent pas, des amoureux des mots aussi, les mots-liens qui font des chaînes associatives plus ou moins constrictives ou restrictives... Le blog sert à désentraver les langues , à les rendre plus libres et nomades. Le blog est un espace où on ne coupe pas sa propre parole sans une bonne raison. On reste libre de dire ou de taire. On reste libre d'entendre ou de se boucher les écoutilles. On va là où cela donne à penser, à vibrer, à construire quelque chose de neuf, d'inédit, de non reproductible en l'état. J'aime bien l'idée de "profération" et "d'énonciation". Ce qui est proféré, énoncé est aussi "adressé". Il est parfaitement hypothétique que le véritable destinataire se reconnaisse.Tout se passe par rebonds et disparition finale de l'objet écrit. ll est perdu au fur et à mesure et ce n'est pas un drame puisqu'on sait comment refabriquer du lien et de l'objet tant qu'on raisonne et qu'on accepte de prolonger le raisonnement. Dans un blog on n'est pas obligé à quoi que ce soit, on baisse le rideau pour cause d'inventaire si on n'a pas envie de montrer ce qu'on pense au présent. On peut mettre en vitrine les archives, les laisser longtemps et partir en voyage...
Je me demande ce que dirait au sujet de nos pratiques internautiques sans contact physique, l'auteur de "La dimension cachée",
EDWARD TWITCHELL HALL
"La dimension cachée, c’est celle du territoire de tout être vivant, animal ou humain, de l’espace nécessaire à son équilibre. Mais chez l’homme, cette dimension devient culturelle. Ainsi, chaque civilisation a sa manière de concevoir les déplacements du corps, l’agencement des maisons, les conditions de la conversation, les frontières de l’intimité. Ces études comparatives jettent une lumière neuve sur la connaissance que nous pouvons avoir d’autrui et sur le danger que nous courons, dans nos cites modernes, à ignorer cette dimension cachée : peut-être est -ce moins le surpeuplement qui nous menace que la perte de notre identité."
L’original anglais du livre est de 1966. L’auteur, anthropologue, s’intéresse aux problèmes des relations interculturelles. La "dimension cachée" dont il traite ici, est celle du territoire de tout être vivant, animal ou humain. Quatorze chapitres sur des aspects variés, chez les animaux et chez les hommes : distance, surpopulation, perception de l’espace, espace visuel, perception par l’art, anthropologie de l’espace, proxénies comparées (chez les Allemands, les Anglais et les Français, puis chez les Japonais et les Arabes), villes et cultures, etc. -- Services Documentaires Multimédia
2005-04-29 21:18:31 de Marie.Pool

ERRATUM + post -scriptum :
Certains onT peu faim " dans second paragraphe et
" proxéMies comparées" dans dernier paragraphe.
"L'auberge espagnole" mes grands adolescents ( et leurs copains) l'ont regardée "en boucle" pendant plusieurs mois, et je crois avoir compris qu'ils y ont trouvé un intérêt personnel tout à fait convaincant. .Les jeunes aiment qu'on leur parle de leurs propres questionnements avec les mots et les références qui ont l'âge de leurs neurones.
2005-04-29 21:29:40 de Marie.Pool

Très touché par la partie " côté JLR". Ca fait toujours plaisir de s'apercevoir que tout le monde se pose des questions et qu'on est tous dans les mêmes interrogations donc doutes, et qu'on est capable de penser, et de contempler la réalité sans s'emporter. Pour ceux que cela intéresse, je suis tombé sur une page intéressante, non pas spécialement pour la page qui dit que le blog est mort vive autre chose, mais par les commentaires d'une vingtaine de personnes, comme il arrive aussi chez BERLOL...Comme quoi ça bouge toujours...ce qui est rassurant...
Bien à vous tous fidèles comme moi au JLR...
http://embruns.net/blogosphere/002151.html
2005-04-29 22:45:42 de jcb

"Cependant... cependant... Le "salon" où l'on invite et où l'on a éventuellement plaisir à revenir...".
Oui, d'accord avec toi, le blog remplit pleinement son rôle de "salon", lieu privilégié d'échanges informels, "bouillon de culture" et point de départ de bien des idées qui chemineront ensuite, seules parfois, et qui iront loin! ... oublieront leur point de départ.
Le salon aussi comme expression de l'impermanence des choses... on est très "zen" finalement!
2005-04-30 00:20:46 de Christian


Vendredi 29 avril 2005. Fini, le bucolique !

Jour férié, donc. Le jour de la verdure ou de la nature, midori no hi (みどりの日). C'est sympa, c'est bucolique, on imagine des familles qui se promènent gentiment dans les parcs, dans les serres chaudes, dans les forêts de bambous, dans les chemins creux, les sentiers montagneux, des amoureux qui se photographient sous les arbres, des petits oiseaux, et tout et tout. En 2007, m'écrit Arnaud, ça deviendra, ça redeviendra, par la volonté du parti au pouvoir, le jour de l'Empereur Shôwa (昭和の日), de son vrai nom Hirohito, oui, c'est bien ça : celui de la guerre. Le nom avait été changé en 1989, sans doute pour l'oublier un peu, l'accompagner sous la terre. Mais les temps changent...
Fini le bucolique. Toute honte bue, nouvelles coliques.

Je monte au bureau quand même, pour me débarrasser de quelques tâches réticulaires et jeter quelques kilos de vieux papiers. Puis je passe au centre de sport où je vais pédaler en lisant Le Machiniste de Laurent Flieder, celui-là même que j'ai vu à Tokyo lundi (Cf. photo ci-contre où on le reconnaît malgré mon oubli du flash) et qui vient de m'écrire que sa dulcinée est arrivée à Kyoto ce qui, pour ceux qui la connaissent, constituera, j'en suis sûr, une nouvelle de premier choix.

Dans une langue châtiée assumée par un mémorialiste zélé qui aurait été le secrétaire de Leibniz et qui se confierait à Fontenelle, Laurent Flieder nous fait revivre une pensée philosophique dans son quotidien de vieil homme podagre.
Avec ce que l'on croit être une épidémie de peste, je retrouve un instant l'ambiance d'un roman de Fred Vargas lu l'an dernier et dont Flieder resitue justement le titre : « le dicton que le vrai remède contre la peste c'est de fuir de bonne heure et de revenir tard » (p. 68)...
Le narrateur novice découvre progressivement et sans l'avoir voulu la philosophie. Il est une manière de Candide à qui les leçons du Maître profiteraient :

« [...] un homme qui vieillit devient sa philosophie même. Elle transpire au travers de sa peau, imprègne ses gestes, donne saveur au moindre de ses mots et s'entend jusque dans sa manière de les prononcer.» (Laurent Flieder, Le Machiniste, Grasset, 2005, p. 35)

Soirée tranquille avec T. à préparer notre départ de demain matin. Quatre jours dans le Kyushu, principalement pour rendre visite à des cousins et cousines de son père. Lui, il ne peut pas nous accompagner. Pourtant il va mieux, T. me dit qu'il a nettoyé le balcon cet après-midi. Gros effort, dont il a été le premier étonné quand on le lui a rappelé moins d'une heure après... Son dernier choc à la tête, la semaine dernière, qui n'a pas été une chute aussi grave que celle(s) de l'an dernier, l'aura sans doute à nouveau privé d'une partie de la mémoire qu'il avait recouvré progressivement depuis quelques mois.
Ce qui étonne le plus T., c'est qu'il n'a aucune angoisse, qu'il semble même se distraire de plus en plus de l'existence. Aussi a-t-il déclaré qu'il ne comptait pas mourir de sitôt ce qui nous arrange bien, je dois dire.
Par ailleurs, bien que je prenne mon ordinateur portable avec moi, j'ignore tout à fait si je serai en mesure de poster mon JLR durant ces quatre jours d'ethnographie en terres lointaines. Au pire, je ferai du copier-coller à mon retour mardi ou mercredi.


Des scrupules.
Oui, les commentaires sont de petits cailloux ajoutes qui ne peuvent s'empecher de se demander ce qu'ils font la, tout de meme.
Deleuze notait la disparition, le changement, l'evolution des frontieres entre espace intime et espace prive : manger en public, telephoner en public... et ici, ouvrir son carnet de bord.
Dire ca aussi.
2005-04-30 06:29:26 de Alain

Un lien à rajouter?
Ce blog s'intitule "Un mot par jour". Tout un programme!
http://jclat.typepad.com/think/
2005-04-30 15:19:26 de Christian

Le connaissant (comme vous tous), j'imagine que Berlol doit écrire le texte de son JLR tous les soirs, et qu'il montera quatre jours d'un seul coup mercredi.
Va-t-il le faire... ? Notre capacité de lecture va être mise à l'épreuve ! ^-^
En tous cas, il semble qu'ils aient bieng chaud. Temps dégagé et plus de 30 degrés à peu près tous les jours dans le Kyûshû.
2005-05-02 04:04:06 de Arnaud

Bien vu, Arnaud. Ça sera pour demain...
Pour ce soir, je vais me contenter de lire les autres amis.
2005-05-03 14:50:10 de Berlol

Ah le voila ... Welcome back
Depuis peu, ECOUTE a LA CARTE sur le site de France culture ouvre sur les enregistrements de :
BNF
Cité des sciences
College de France
etc...
Dont conférence BNF sur Sartre ...
2005-05-03 17:07:13 de arte

on compte sur photos du Kyushu...
2005-05-03 19:43:05 de FBon


Samedi 30 avril 2005. En chair, en os et en MP3.

Avec T., aéroport de Haneda (stupidement et officiellement renommé Big Bird). Vol normal, paraît même court quand on a l'habitude du shinkansen hebdomadaire et des vols de onze heures pour la France... Peu de monde dans l'aéroport. Ça devait être hier et ça sera à nouveau l'affluence mardi prochain — on voit toujours de ces images à la télé avec des taux de remplissage des trains dépassant les 150 % !...
Dans le contexte de l'accident de train de la semaine dernière, ça sonne drôlement, ce chiffre. Moins d'un an de métier, deux ou trois petites erreurs, harcèlement moral de la hiérarchie obsédée de commerce, le conducteur aurait bien pu sciemment accélérer avant la courbe, pour faire dérailler le train — forme post-moderne du hara-kiri... (reprise du suicide-remontrance, dans le but d'accuser quelqu'un)

Aéroport de Ooita (faire la diérèse : O-o-i-ta), péninsule volcanique de Kunisaki, prise en main de notre voiture de location. Pas de problème, c'est comme le vélo (ou le ping-pong), juste bien penser à rouler à gauche. Autoroute presque déserte dans des vallonnements qui font penser au Massif Central, n'étaient les bambous et quelques palmiers peu courants près des Ballons. Enfin loin de Tokyo tous les deux !
Entrée à Beppu par le haut, vue sur la ville construite à flanc de montagne dans une grande baie protégée. 別府でございます・・・

杉乃井ホテルはずっと面白いです。
Étonnant hôtel Suginoi ! Dominant la ville par l'arrière, à mi-pente, quatre ou cinq longs bâtiments construits dans le prolongement l'un de l'autre. Du bâtiment où se trouve la réception, le plus bas, au bâtiment où se trouvent des boutiques, des restaurants et la partie principale des bains (銭湯、せんとう), on emprunte un couloir qui est ici au 5e étage et finit là au rez-de-chaussée. Il faut près de cinq minutes...

Pendant qu'on nous monte les bagages, T. reçoit la visite, prévue de longue date, de la cousine de son père, 82 ans, visiblement en pleine forme. A d'abord besoin de s'asseoir et verse une petite larme sous le coup de l'émotion. Se reprend aussitôt. Se tient droite. Découvrirons ensuite, par son histoire, combien elle est — a été — une femme courageuse. T. l'installe dans un fauteuil et nous commençons tous les trois par un thé vert. Après quelques minutes, elles commencent à sortir de très vieilles photos et à discuter de gens de la famille, à remonter dans l'arbre généalogique.
Je m'éclipse discrètement, non sans avoir disposé à côté d'elles un enregistreur numérique dont T. aura bien besoin pour fixer sur papier, un autre jour, son pedigree...

Deux heures plus tard (j'ai bien avancé dans mon Flieder, on est à Cassel, maintenant) et la cousine partie, nous sortons en voiture. Visite de la ville, arpentant le front de mer une bonne heure à petite allure pour nous imprégner de l'odeur éternelle des ports. T. fait un somme pendant que je descends un peu la côte vers Ooita. Nous arrêtons presque au hasard à l'aquarium Umitamago de Takasaki-yama. Bientôt le couchant. Établissement ultra-moderne, superbes éclairages, ambiance musicale discrète. Voir des poissons, des phoques, des pingouins, des méduses, des mambos (まんぼう) — et toute la vie aquatique tellement fascinante, tellement reposante...
Revenons en ville vers 20h30, presque trop tard pour trouver un restaurant à Beppu, petite ville quand même deux ou trois fois comme Orléans. Surtout quand on ne connaît pas, et regarder un guide à la lumière du plafonnier... pas notre genre. Mon radar nous fait ralentir près d'un restaurant qui s'avèrera être de cuisine occidentale à la japonaise (洋食、ようしょく), chez Kimura : sashimi, salade avec du tofu, croquettes à la crème, morceaux de poulet marinés frits... D'ailleurs recommandé dans notre guide, quand on y regarde.

Pendant le dîner et après, sur le chemin du retour à l'hôtel, T. me résume ce qu'elle a appris tout à l'heure : que sa mère, de famille tokyoïte ancienne, avait menti depuis la guerre sur ce qu'il en était de la famille de son mari à l'Île de Kyushu (il s'agit du père de T., donc, 92 ans maintenant et pris en charge par deux gardes-malade au-dessus de chez nous). Réfugiée à Kunisaki et à Beppu en 1941 ou 1942 avec deux enfants, son mari étant en Mandchourie, elle aurait été mal accueillie — ou c'est elle qui aurait mal accueilli les conditions qui lui étaient proposées, la vie à la campagne, les travaux de la terre auxquels on lui suggérait peut-être de prendre part, l'ennui insupportable dans cette région alors tout à fait arriérée... Toujours est-il qu'à la fin de la guerre, elle rentra illico à Tokyo et dut d'ailleurs passer en train à Hiroshima quelques jours après l'atomisation de la ville.
Or pendant qu'elle se morfondait ainsi dans le Kyushu tout au long de la guerre, une cousine germaine de son mari, de Beppu, celle-la même avec qui nous discutions tout à l'heure et qui était alors élève-infirmière, continuait à Tokyo sa formation, sans doute en soignant des blessés au combat. Elle y resta jusqu'à la fin de la guerre, logée par une tante, dite tante de Kanda, couturière montée elle aussi de Beppu à la capitale au début du XXe siècle. Ce regrettable chassé-croisé entre la mère de T. et la cousine de son mari est devenu pour cette dernière, sans doute trop serviable, un objet de remord puis de culpabilité, comme si elle aurait dû secourir aussi la citadine « au cœur sec » (Modiano, Un Pedigree, p. 11), comme T. la décrit.
La cousine voulait s'ouvrir à quelqu'un qui pût la comprendre, à défaut de la consoler. Quelqu'un à qui elle pourrait aussi transmettre l'histoire familiale. Donc, presque soixante ans après les faits, ce 30 avril 2005, ce fut chose faite. En chair et en os, et en MP3 — matière romanesque dont T. voudrait faire quelque chose, un jour...



Polémiques au Japon autour du train fou d'Osaka
Depuis la privatisation du rail nippon, la rentabilité prime sur la sécurité.

Par Michel TEMMAN
vendredi 29 avril 2005

Tokyo de notre correspondant

Après le choc et l'émoi causés par le déraillement du train de banlieue, lundi près d'Osaka, la polémique grossit au Japon autour des causes de cette catastrophe ferroviaire, la pire au Japon depuis 1963. Alors que le bilan s'alourdit jour après jour (104 morts étaient annoncés hier, plus de 445 blessés dont 150 dans un état grave) et que les chances de retrouver des survivants étaient jugées hier soir «minces, voire nulles» par les sauveteurs, l'heure est à l'interrogation.
Morgue improvisée. Les familles des victimes, traumatisées et pour certaines révoltées, veulent comprendre. Dans un Japon rodé en matière de transports publics, qui dépense sans compter pour la sécurité du rail, et dont les trains et métros transportent 60 millions d'usagers par jour (pour 127 millions d'habitants), comment un tel drame a-t-il pu se produire ?

Mardi, dans le gymnase d'Amagasaki ­ la ville où l'accident a eu lieu ­ transformé en morgue improvisée, les excuses formulées par le président de la Japan Railways West (JR West), la société de chemin de fer d'Osaka qui exploite la ligne Fukuchiyama, ont été rejetées par des parents en colère, accablés de douleur. L'entière responsabilité de la catastrophe, d'après eux, incombe à la JR West, première société de chemin de fer de l'archipel. «Je prie pour l'âme de ceux qui sont morts», s'est fendu le patron de la JR West. Colère et rancoeur visent surtout le conducteur du train, Ryujiro Takaini, 23 ans à peine, qui a lui aussi péri dans l'accident. Lundi matin, peu avant le drame, il aurait tenté de rattraper le retard pris après avoir dépassé de 40 mètres un point d'arrêt en gare. C'est un train fou, roulant à 100 km/h (contre 70 km/h requis), qui a déraillé quelques instants plus tard dans un virage, faisant voltiger ses deux premiers wagons dans un immeuble d'habitations. «Comment la JR West a-t-elle été assez stupide pour confier la conduite d'un train à un si jeune employé ? », a demandé un homme ayant perdu son épouse. Le conducteur avait à son actif onze mois d'expérience. La JR West a précisé qu'il avait déjà commis, par le passé, des fautes professionnelles. Le rejet du blâme sur son jeune employé ne peut suffire à exempter la JR West de ses propres responsabilités.

Les zones d'ombre abondent depuis sa privatisation, menée l'an passé au pas de charge. C'est en fait l'organisation du réseau ferré national, considéré à tort ou à raison comme un des plus performants au monde, qui fait de nouveau débat. Pour éviter sa banqueroute, il avait été privatisé et éclaté en 1987 en six grandes compagnies ferroviaires JR (Japan Railways). Auxquelles se sont greffées depuis 16 autres grandes sociétés ferroviaires et 58 plus petites. C'est cette mosaïque d'intérêts privés, faite de participations croisées typiques du capitalisme nippon, qui est sujette à débat. D'après certains experts, la sécurité sur les rails n'est plus la même au Japon depuis 1999, quand l'Etat a vendu (pour 5,6 milliards de dollars) ses parts dans la maison mère East Japan Railways.

Règles élémentaires. Au lendemain de la catastrophe d'Amagasaki, lundi, un de ses trains Shinkansen (le train express nippon) a déraillé dans la préfecture d'Ibaraki (nord-est de Tokyo), sans faire de victime. Le débat sur le lien entre privatisation, efficacité commerciale et sécurité est d'autant plus virulent, ces jours-ci, que la JR West a été elle aussi privatisée il y a un an sans que l'Etat n'impose de garanties sur le plan de la sécurité. Il s'est en quelque sorte délesté de ses parts en mars 2004... et de son rôle de gardien. Depuis, pour accroître un peu plus ses profits, la JR West aurait oublié certaines règles élémentaires en matière de sécurité. Et mis un peu plus la pression sur des conducteurs déjà stressés. Dont les cadences ne tolèrent jamais la moindre «minute de retard.»


©Berlol, 2005.