Journal LittéRéticulaire de Berlol

Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur. 
Janvier 2005

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Samedi 1er janvier 2005. Moi je crois à la puissance de la littérature, absolument.

À se demander si ça vaut le coup de se souhaiter l'année bonne ! Voyez l'an dernier, par exemple. On l'a fait et puis vous avez vu comment elle s'est passée ! Et puis comment elle a fini ! On jouait sur les mots, vague orange et tout et tout... Pour l'Ukraine, ça a bien marché, finalement. Et c'est ailleurs que la catastrophe est tombée, que c'est devenu horrible ! Alors maintenant, il faudrait peut-être annuler la dette, à quelque chose malheur est bon... Mais s'il vous plaît, pas ce jeu de mots laid ! Et puis si quelqu'un qui se dit journaliste passe par ici, qu'il sache qu'on est nombreux à avoir vu sur la carte que la Birmanie est concernée par le raz-de-marée et que c'est pas la peine de faire comme si elle n'existait pas : même si vous ne savez rien, dites-le ! Et dites-nous pourquoi !

Pourtant, l'espérance est violente, une vraie compulsion de souhait... Alors, j'y vais : à tous ceux que j'aime et qui m'aiment, de quelque façon d'aimer qu'il s'agisse, je souhaite une bonne année ! (Ouf, c'est fait...).
Car tout est toujours en construction. Nous sommes des grues, des plans, des poutres, tous sans architecte. Un grand soleil, comme celui de ce matin, nous réjouit mieux qu'une voiture de sport ou un compte en Suisse — quoiqu'au fond, je n'en sais rien, n'ayant ni l'un ni l'autre...
Une publicité trouvée dans les suppléments du journal Asahi de ce matin donne une direction à ma sortie. Il s'agit de pains spéciaux que produit en nombre limité une boutique d'un grand hôtel de Waseda. Ils sont trois dans un panier, c'est le papa poule, la maman poule et leur gros poussin, ils sont farcis différemment, l'un de pâte de haricot rouge, l'autre de haricot blanc, le troisième de pâte de prune. Ils inaugurent l'année du poulet. Lorsqu'on en mange, tous les trois, après mon retour et le déjeuner, T. et son père s'en amusent beaucoup. Et en plus, c'est très bon ! Et il en reste, on en a au moins pour trois jours...

Pendant ce périple à travers la ville déserte, je ne suis pas sans munitions. Du contenu de mon baladeur numérique, je choisis du solaire : Catherine Robbe-Grillet invitée aux Travaux Publics et Hélène Cixous aux Mardis littéraires. L'une à l'aller, l'autre au retour. Avec un départ comme ça, l'année ne pourra pas être mauvaise !
Catherine Robbe-Grillet : « [...] une longue conversation que je rapporte, sur ses choix politiques, où il dit qu'il s'est toujours trompé, il dit quelque chose comme : "Quand j'ai découvert les camps de concentration... je suis content de ne pas m'être engagé dans la LVF" [Légion des volontaires français]. Et alors, quelqu'un m'a fait remarquer, m'a dit : "Oh, quand même !... « je suis content... les camps de concentration...», c'est un peu léger, léger !" À ce moment-là, j'ai dit : « mais vous savez, cette conversation, elle est rapportée avec mes mots à moi ! », et pis j'ai dit, « vous savez, j'ai un certain courage parce qu'en réalité, il suffisait de dire : "Au moment où j'ai découvert les camps d'extermination, j'ai été horrifié." C'était facile pour moi, hein, j'ai laissé la phrase telle que je l'avais écrite.» Alors je veux dire deux choses : d'une part, qu'il faut me reconnaître ce courage, et deuxièmement, que je n'ai pas employé les mots "camps d'extermination" car en 58, 59, 60, on ne faisait pas cette distinction, on parlait uniquement des camps de concentration, et la distinction entre camps de concentration et camps d'extermination s'est faite à peu près à cette époque-là.»
Jacques Henric : « Comment un écrit qui n'était pas fait pour être publié est rédigé aussi précisément ? [...] Y'avait quand même, plus ou moins consciemment, l'idée qu'un jour... »
Catherine Robbe-Grillet : « Non, pas du tout. Je le jure sur ma propre tête, et j'y tiens. Non, c'était parce que je n'avais pas de mémoire et que je pensais qu'un style télégraphique serait pas suffisant. Et d'ailleurs effectivement quand je note en style télégraphique quelques moments, je ne me rappelle pas, c'est pas suffisant. Donc, quand je développe, je suis sûre de me rappeler.»
Pascale Casanova : « Au lieu de dire : "la littérature ne suffit pas", vous dites : "je suis croyante dans la littérature". Donc, c'est un acte de foi très très étrange. Alors qu'au contraire, on pourrait penser qu'ayant commenté, lu ces textes mille et mille fois vous auriez pu en déduire le contraire, au fond, que ça ne sert absolument à rien...»
Hélène Cixous : « Ah, oui, non mais ça, c'est vrai, vous avez raison, je suis croyante. Je suis profondément croyante. En quoi, c'est une autre affaire... Mais, bon...»
Pascale Casanova : « La littérature, par exemple.»
Hélène Cixous : « Oui, tout à fait. Mais, qu'est-ce que que ça veut dire, je veux dire, je crois qu'elle existe, je crois que c'est une puissance, que c'est une très très très grande puissance. Alors, ça va à l'encontre de tout ce qu'on pense économiquement dans la mondialisation actuelle, c'est de pire en pire... Mais moi je crois à la puissance de la littérature, absolument.»
« Détail important : ce style doit être facilement reproductible par les lecteurs. Le consommateur de contenu de luxe occupe souvent ses loisirs à écrire, et il est important de lui offrir, par l'intermédiaire de ces produits, des patrons comme peuvent le faire les revues de broderie ou de tricot. Notre logiciel veillera cependant à ce que les variations de langue insérées dans ces contenus restent assimilables, et y injectera périodiquement des jeux de mise à distance, des effets ironiques qui flatteront le consommateur aisé, qui n'accepte d'être dupe qu'à l'issue d'un pacte de connivence, qu'il interprétera comme une alliance de classe.» (Philippe Vasset, Exemplaire de démonstration, p. 117)

Jusqu'au retournement final, le narrateur erre et s'égare tandis que les documents du ScriptGenerator©®™ sont de plus en plus explicites, au point qu'ils en deviennent obscènes car ils expriment le cynisme nu du capitalisme.
Dans le labyrinthe (1959), l'immortel mari de Catherine avait montré en son temps ce que pouvait être le passage non hiérarchisable et paradoxal d'un niveau de fiction à un autre, l'un englobant l'autre et réciproquement. Bien sûr, Tchouang Tseu, longtemps avant, faisait déjà le papillon sur un ruban de Möbius.



Que mes meilleurs voeux vous accompagnent tout au long de cette année qui débute!
Je ne pense pas que je vous aime ni même votre style d'écriture, par contre, j'aime vous lire et apprendre un peu plus sur vous et votre façon "d'entrevoir certains aspects de la vie". En quelque sorte, j'aime cette image de vous et votre façon d'écrire... Paradoxal? Pas tant que ça... Bonne continuation!
Jep
PS: et bon anniversaire avec du retard! Veuillez m'en excuser, je n'étais pas encore au courant!
2005-01-01 19:56:43 de Jep


Dimanche 2 janvier 2005. Tellement lentement.

Évidemment, j'ai commencé par écrire 2004... Ça dure quelques semaines, comme ça, à se tromper régulièrement. En plus, dans certains contextes de la vie japonaise, on utilise le comptage en ère impériale, ce qui correspond maintenant à l'an 17 de l'ère Heisei.

« Au milieu, — dans le profond du milieu du Palais, un visage : un enfant-homme, et Empereur, maître du Sol et Fils du Ciel (que tous les mondes et les journalistes du monde s'entêtent à nommer « Kouang-Siu », qui est la marque du temps où il régna, 
c'est-à-dire, après J.-C. de 1875 à 1908 ). Il vécut, vraiment, sous son nom de vivant mais indicible... Lui,  et ne pouvant dire le nom, je donne au pronom Européen tout l'accent incliné du geste mandchou (les deux manches levées par les poings réunis jusqu'au front baissé) qui Le désigne...» (Victor Segalen, René Leys, Gallimard, folio, p. 40)

Aujourd'hui encore au Japon, où l'on a conservé la vieille tradition chinoise, l'empereur vivant (今上天皇, kinjou tennou) n'a pas d'autre nom officiel que 天皇陛下 (tennou heika, où heika est très honorifique, on lui donne du monseigneur, du très élevé). Il perd en principe son nom d'être humain (sauf quand les semelles de plomb de l'histoire le ramènent sur terre, tel Hirohito). Les années de son règne se comptent par un nom spécial qui devient celui de l'empereur après sa mort, sa personne se confondant alors avec son temps.
Mais depuis quand emploie-t-on tennou plutôt que mikado (帝) ?

Le roman de Segalen se déroulant à Pékin en 1911, son narrateur fantasme sur la personne de l'enfant-homme ; voulant le différencier de sa fonction-essence. Je sens qu'on va s'amuser avec ça, en cours, dès samedi prochain...
Donc, j'avance dans ma préparation. Mais tellement lentement par rapport à ce qu'il faudrait que je fasse !

Le calme de ces jours du début de l'an est tout à fait irréel. Rues désertes, silence automobile et pas de travaux de construction. Je photographie mes trois citrons mûrs en me demandant quand nous allons les cueillir. Je dépote la menthe qui a fait beaucoup trop de racines. Demain, je la diviserai et la replanterai dans trois autres pots.

Redescendue de sa garde paternelle, T. a juste voulu faire quelques courses dans le quartier, gardant pour demain d'aller plus loin. Puis regarder deux DVD loués, avec entre les deux une sortie pour dîner d'une soupe chinoise. A. I. (ou Artificial Intelligence) n'a rien eu pour me plaire : histoire molle et pleine de faux questionnement philosophico-moral, mièvreries et bizarreries de scénario, rencontre fortuite sur une table de montage de Disney et d'Einstein (ou de Spielberg et de Kubrick). Et que je te retartine du mythe américain ! À les en croire, Gepetto habitait Coney Island...
Après la soupe, c'est au tour des Rivières pourpres 2, ce qui permettra de répondre aux questions de Manu. Mais demain, parce que là, il est déjà trop tard...



J'attends!
Merci d'avance!
2005-01-03 02:12:35 de Manu

Au sujet des désignqtions de l'empereur, il faut savoir que l'expression actuelle lue tennou 天皇 est utilisée dès les premiers textes historiques sur l'histoire du pays. On lisait alors ce composé "sumera mikoto", lecture liée à 皇 "sumeroki" ou encore "suberagi". La désignation "sumera mikoto" est l'une des appelation honorifique de l'empereur. Par ailleurs, on explique que le composé 天皇 aurait été créé pour distignuer ce souverain de l'empereur de Chine désigné par 天子 ou 天帝.
Le mot "mikado" est une désigantion fort ancienne et vient de 御門, c.a.d. "l'auguste porte", comprendre la porte ou se trouve derriere les divinites (par exemple au sanctuaire d'Ise, cf. Nihonshoki chuu), et par la même le leiu de résidence de l'empereur (plus grand des hommes et le plus bas des kami), l'empereur lui-même voire le territoire qu'il gouverne.
Je continuerai plus tard car j'ai besoin d'aller chercher des infos sur le 帝. Mes dicos à la maison n'étant pas assez puissant. En tout cas, pour ma part je n'ai jamais vu de passage désignant l'emereur japonais avec le 帝... C'est un empereur mais pas japonais, je crois. Je vérifie et on en reparle. Bonne journée à ton monde réticulaire.
2005-01-06 23:59:42 de LePotager

J'ai tapé trop vite et y'a plein de coquilles, gomen ne...
2005-01-07 00:00:41 de LePotager


Lundi 3 janvier 2005. Promenade et cinéma, une journée d'insouciance.

Cette fois, j'ai écrit 2005 sans me tromper. En progrès...

Pour finir avec les Rivières pourpres 2 et sans peur de me ridiculiser face à une critique globalement négative, c'est un film qui m'a bien plu, notamment par son contexte historique, nettement plus intéressant que celui du premier épisode. Si l'on retrouve une secte secrète, du sang qui coule et des agissements dans le sous-sol, c'est l'emploi de la ligne Maginot, célèbre par son inutilité en 1940, et sa connexion, historique, architecturale et géologique, avec le neuvième siècle de Lotaire II qui donne de l'épaisseur, du liant à la sauce. Contrairement à certain verdict, c'est bien cette stratification narrative à rebondissements temporels qui me plaît et m'amuse, sans quoi ce ne serait qu'un énième film d'action. Les effets spéciaux plutôt réussis, quelques bonnes répliques et les sympathiques figures de Réno, Magimel et Riaboukine n'auraient sinon pas suffi. Mais l'idée qu'un trésor volé au Moyen-Âge et des fortifications du milieu du XXe siècle puissent servir à la réalisation d'une « Europe blanche » fantasmée par quelques tarés qui doivent effectivement exister quelque part autour de nous, voilà qui est vraiment amusant, même si c'est tout de même un peu trop chargé en symboles — je vois bien Monsieur Plus passer derrière le scénariste et le bousculer pour qu'il rajoute une rasade de mythologie chrétienne.

Longue promenade ensoleillée d'Iidabashi à Ginza, à pied par le Budokan et en contournant le Palais impérial. Photothérapie dont T. avait bien besoin, elle qui n'était pas sortie depuis samedi. On déjeune très moyennement dans un restaurant qui prétend être un Wine Bar alors que sa carte des vins est ridicule, mais ça n'arrive pas à nous mettre de mauvaise humeur. On se promène dans le nouveau et kitchissime Barneys New York , installé dans un bâtiment entièrement refait, le Kojun (ou Koujun, 交詢ビル), qui avait été le lieu historique du premier club social, me dit T. : le Kojunsha, fondé par Fukuzawa Yukichi (1830-1901). Éh oui, c'est maintenant un temple de la consommation de luxe et de l'américanisation des Japonais branchés. Branchés, certes, friqués, oui, mais... mal habillés !

Pour rester dans le kitch, mais réussi, celui-là, on regarde ce soir le DVD de Thunderbirds. À l'oreille, réelle grande classe de l'accent anglais. À l'image, la lady Pénélope et son chaffeur sont les mieux réussis. Amusement sans arrière-pensée. Contrairement à A. I., ce n'est pas de l'edutainment et personne n'essaie de vous faire avaler un message moral, un sens de l'humanité !
N'ayez crainte, c'est vrai qu'on se fait ces jours-ci du cinéma de distraction. Le 7, commence à l'Institut la sélection des Cahiers du cinéma, ça va être une autre paire de manches !


Mardi 4 janvier 2005. Du carpe diem toujours vert !

Encore une journée avec trop peu de temps pour travailler... M'attendent un manuscrit à relire, un article à finir, un cours sur Segalen à préparer. Je me donne bonne conscience avec des nécessités que nous aurions, et le besoin de nous en occuper pendant ces jours de calme relatif.

À Akihabara pour acheter une autre machine à laver... On en a acheté une le mois dernier, pour l'appartement du 4e étage. On a vu à cette occasion que ce n'était pas très cher et que l'on pourrait bien remplacer la nôtre dont on a constaté le mauvais fonctionnement depuis des semaines à des traces de lessive sur le linge sec. Ce matin, le tambour a tapé sur les côtés en essorant — manière de se signaler à nous...
En profitons pour passer voir au troisième étage du magasin Onoden s'il y a des lecteurs de DVD pour le système PAL, car celui que nous avons depuis moins d'un mois n'accepte que le NTSC... En effet, si la France et le Japon appartiennent bien à la même région 2, les appareils de salon font encore la différence entre le PAL et le NTSC (ce que les ordinateurs ne font pas). Surprise : il y en a et à un prix défiant toute concurrence, à mon avis. Moins de 6000 yens pour un appareil de marque Ever Green lisant PAL, NTSC et acceptant toutes les régions, à brancher sur tout type de télé ou d'ordinateur.
De retour à la maison, j'essaie l'appareil avec un film qui attendait depuis des mois le moment opportun pour être vu avec T. : Le bonheur est dans le pré d'Étienne Chatiliez. Vraiment excellent ! Le rôle de Sabine Azéma est certainement le plus difficile puisqu'elle doit changer de comportement plusieurs fois alors que les autres vont leur petit bonhomme de chemin — et elle s'en sort très bien. Très crédible en couple avec Eddy Mitchell. Tantôt pathétique, tantôt comique, Michel Serrault compose un personnage qui vaut pour bien des hommes et des femmes lassé(e)s de ce monde de rentabilité, de concurrence, d'employabilité, et... d'absence à soi. Qu'il se (re)trouve en se faisant passer pour un autre n'est pas le moindre des paradoxes auxquels on peut être amené dans cette société. Enfin, on ne peut passer sous silence les petits rôles qu'assurent les membres de la compagnie des Deschiens.

Ce sera tout pour aujourd'hui. Demain, on sortira du tunnel des jours fériés et je reprends les lectures...
On y verra plus clair.



Où l'on apprend que "bah, c'est pas lourd le confit". C'set pour moi le meilleur film de Chatillez. Bonne fin de vacances
2005-01-04 15:57:54 de Cel

Aujourd'hui, le 5 janvier, — étrangement — la NHK a consacré près d'un quart d'heure du journal du soir au tsunami, expliquant à l'aide de photos précises et de reportages sur place l'ampleur des dégâts, et aussi qu'une aide se mettait en place afin de tenter d'y remédier. On a aussi vu la réaction du "boss" américain, au travers de la voix de Powell, expliquant les grandes directions des jours à venir pour l'aide en Asie
À les écouter, j'ai presque eu l'impression que le tsunami s'était produit hier... ... ...
Et il semble en être de même pour les autres chaînes. La question qui vient à l'esprit est : pourquoi ?
Pourquoi ce quasi-silence, cette parole étouffée durant dix jours, puis ce brusque et tout à fait remarquable changement aujourd'hui ?
Le fond du problème, n'était-ce pas qu'il fallait-il laisser "bonne conscience" à l'ensemble de la population durant la fin de l'année ? C'est-à-dire ne pas lui "gâcher"ses fêtes par ce genre de nouvelles, et par un appel à l'aide forcément culpabilisant (lorsqu'on mange ou que l'on est à la recherche de Vuittons...) ? Au lieux d'images et de temps d'information sur le tsunami, sur les morts et sur les réfugiés, il fallait mieux montrer la neige, les histoires de bébé chez mamy et le mariage de l'aristocrate trisomique ? Et maintenant, le 5 janvier, alors que la société est revenue au travail (je ne parle pas des baito, nombreux, qui eux bossent tout le temps), on pourrait enfin en parler ?
C'est bien l'impression que j'ai, très amèrement.
2005-01-05 12:10:51 de Arnaud

En France, très fréquentes rubriques spéciales dans les journaux télévisés, plus d'une heure il y a quelques jours sur France 2. Des voix commencent à se faire entendre qui critiquent sensiblerie compassionnelle, hystérie médiatique, etc. Les ONG croulent sous les dons privés, qui correspondraient au montant promis par les autorités publiques (on a pu lire qu'une très grande part des montants d'aide promis n'étaient en fait jamais versés). MSF a officiellement fait savoir que les 40 millions obtenus dès à présent lui suffisaient largement pour les missions qui sont les siennes et a demandé au public de choisir d'autres ONG, après que celles-ci ont fait connaître leur inquiétude quant au risque que cette annonce mette un terme à l'"exceptionnel mouvement de solidarité". Mise en valeur de plusieurs initiatives frisant le ridicule ou l'indécence (1 euro versé pour chaque galette vendue...).
Je suis surpris par les interprétations présentées ici du silence relatif des médias japonais. A priori, les contraintes qui pèsent sur eux sont les mêmes en France et au Japon, et il s'agit d'un sujet plus que vendeur là-bas comme ici, avec en outre la possibilité pour les médias officiels de mettre en valeur l'effort important consenti par le Japon à l'occasion de cette catastrophe.
La concomitance avec les vacances de fin d'année me fait penser à une autre hypothèse, beaucoup plus triviale et moins paranoïaque : les journalistes japonais n'étaient-ils pas tout simplement en vacances ? Comme cette société ne se caractérise pas par sa très grande réactivité face à l'imprévu (euphémisme), il a peut-être fallu tout ce temps pour que les correspondants repartent sur place, etc. pendant que les jeunes journalistes corvéables et inexpérimentés continuaient à remplir la grille du lot habituel d'infos anodines.
Voici pour illustrer la tonalité de certains commentaires récents l'extrait d'un article de Sylvie Brunel dans le Monde de ce jour :
"Tout se passe comme si le cœur avait peu à peu pris le pas sur la raison, comme si la générosité s'alimentait d'elle-même (alors qu'elle fut plutôt timide au moment où elle aurait été la plus urgente, dans les tout premiers jours qui ont suivi la catastrophe). Désormais, Etats, entreprises, ONG, particuliers, collectivités locales rivalisent dans la course aux dons, cravachés par des médias qui donnent le sentiment de s'alimenter et d'alimenter ce qui est en train de devenir une sorte d'hystérie collective de la générosité affichée.
Dans ce concert de bons sentiments, MSF vient de faire entendre une voix discordante en décidant de cesser de faire appel aux dons. Cette déclaration lui vaut l'opprobre collectif des autres ONG, toutes unies pour l'occasion. Pourtant, si une association est capable plus qu'une autre d'analyser très rapidement une situation de catastrophe naturelle et de mobiliser en un temps record les capacités logistiques et médicales pour y répondre efficacement, c'est bien MSF, qui, depuis sa création en 1971, n'a cessé d'améliorer sa force de réaction rapide. Cette efficacité, qui lui permet d'être presque toujours la première présente en cas de crise grave, lui a valu le prix Nobel de la paix en 1999.
Bien sûr, les besoins des sinistrés restent considérables, en eau potable, en médicaments, en abris et en alimentation. Il n'empêche que, comme chaque fois que trop d'aide déferle dans une région au drame trop médiatisé, un triple risque guette : celui du gaspillage, celui des détournements, celui de laisser de côté des populations et des territoires moins accessibles, moins visibles, moins intéressants politiquement et économiquement pour les gouvernements.
Les précédents ne manquent pas, qu'il s'agisse du Kurdistan en 1991, de la Somalie et de la Bosnie en 1992, de Goma en 1994, de l'ouragan Mitch en 1998 ou du Kosovo en 1999, pour ne citer que des exemples qui figurent toujours dans la mémoire collective.
Quand le président de MSF rappelle que le travail à effectuer sur place est circonscrit d'une part par les capacités opérationnelles réelles des ONG, d'autre part par les limites physiques en termes d'infrastructures, qui condamnent une partie de l'aide internationale à s'amonceler dans les ports et les aéroports sans pouvoir être distribuée, il ne fait que rappeler une vérité dictée par l'expérience. Cette vérité, il faut l'admettre dès à présent.
Trop d'agences d'aide profitent aujourd'hui de la fenêtre d'opportunité qui leur est ouverte par la couverture médiatique massive du drame pour accumuler des fonds. D'autant plus de fonds que l'argent public vient grossir les financements privés. Comment vont-elles utiliser cet argent ? Certaines ne sont même pas présentes sur place ! Affréter des avions, remplir les soutes de nourriture et de médicaments, cela a le mérite de satisfaire le donateur, qui constate ainsi la transformation tangible de son don en nature, et de faire travailler les entreprises nationales, qui peuvent ainsi profiter de l'occasion pour s'ouvrir de nouveaux marchés - ce n'est pas un hasard si les membres du gouvernement qui se précipitent en Asie égrènent à satiété la liste des généreuses entreprises partenaires. Mais cette action a deux graves inconvénients : elle sous-estime les capacités de reconstruction locales, particulièrement fortes dans cette partie du monde, et elle engorge un peu plus les structures locales, littéralement assommées par le déferlement de l'aide internationale.
Il faut se rendre à l'évidence : les sommes colossales collectées ne serviront qu'en partie aux sinistrés asiatiques. Si elles permettent de secourir des victimes oubliées dans d'autres parties du monde, au Darfour, en Tchétchénie ou ailleurs, si elles sont prudemment engrangées pour répondre aux besoins de reconstruction qui existeront toujours dans six mois, quand les sinistrés n'intéresseront plus personne, comme cela se passe en Iran aujourd'hui, il faut se féliciter de cet afflux de générosité dont bénéficient les ONG.
Mais le besoin de transparence et d'évaluation de l'aide humanitaire se révèle plus que jamais nécessaire, à la mesure de l'engouement qu'elle suscite. La concurrence et les rivalités entre structures pour collecter des fonds et prendre pied sur place dans les "meilleurs" endroits en termes de visibilité et d'accessibilité ont déjà commencé leurs ravages. Coordonner l'aide, concerter les secours, contrôler leur affectation sont des nécessités absolues pour agir efficacement. C'est normalement le rôle des Nations unies. Mais déjà les Etats rivalisent pour prendre pied dans des pays dont le fort potentiel économique est convoité. Mais déjà les ONG recommencent-elles à défendre farouchement leur indépendance et leur chasse gardée, tout en reconnaissant que, dans un cas comme celui-ci, la capacité logistique des militaires fait merveille pour rouvrir les routes dévastées et se frayer un chemin jusqu'aux populations les plus isolées.
L'indignation que suscite la décision de MSF n'est pas sans rappeler un précédent historique : il y a presque exactement vingt ans, l'association fut de la même façon clouée au pilori par ses consœurs pour avoir eu le courage de dénoncer, seule, les détournements de l'aide internationale massive envoyée en Ethiopie, qui était utilisée par le gouvernement Mengistu pour financer de meurtriers déplacements forcés de population.
Bien sûr, rien de tel aujourd'hui. Mais le désordre et l'improvisation là-bas, le pilonnage des appels aux dons ici sont en train de gâcher le magnifique effort de solidarité déployé. C'est l'expérience et la connaissance seules qui permettent d'agir au mieux de l'intérêt des victimes. Voici pourquoi il faut désormais faire prévaloir une logique rationnelle de concertation et de planification. Dans la trilogie bien connue des catastrophes, prévention avant / protection pendant / reconstruction après, les deux premières ont déjà failli. Ne ratons pas la troisième."
2005-01-05 16:49:10 de Dom

Cher Dom,
Les problèmes que tu évoques sont tout à fait préoccupant ; je pense que chacun en conviendra.
Ceci étant, citation :
« La concomitance avec les vacances de fin d'année me fait penser à une autre hypothèse, beaucoup plus triviale et moins paranoïaque : les journalistes japonais n'étaient-ils pas tout simplement en vacances ? »
« paranoïaque » ?
Je vois que tu as un style toujours aussi agréable...
Puisqu'il y avait des envoyés spéciaux sur place (on les entre-apercevait quelques instants ici ou là), je ne pense pas que les journalistes japonais étaient en vacances. Berlol ne semble pas le penser non plus.
D'ailleurs, les grands groupes de presse mondiaux, au Japon comme ailleurs, sont-ils jamais en vacances ?
Sur ce, bonne soirée.
2005-01-05 17:06:43 de Arnaud

Je ne le pense pas vraiment non plus en vrai, Arnaud dear. Mais si ce décalage entre les réactions en Europe et au Japon est avéré (qu'en est-il de la presse écrite ?), je ne pense pas plus qu'il se cache là-dessous de profondes visées idéologiques. Je croirais plus à l'effet de routines professionnelles, à un décalage aussi dans le rapport au temps, à l'urgence, à l'imprévu, qui est un des phénomènes qui m'avait le plus marqué quand j'étais là-bas.
Ou peut-être s'agit-il simplement d'une appréciation plus réaliste de la situation (après tout, on constate désormais chaque jour qu'on a affaire à des sociétés solides, capables de mobilisation efficace, loin d'être dépourvues des ressources humaines et matérielles pour faire face aux tâches de la reconstruction).
Qu'en est-il par ailleurs des dons privés, sont-ils importants dans ce cas particulier, en règle générale dans ce genre de situation, ou bien l'aide est-elle très majoritairement publique ? S'il n'y a pas nécessité de mobiliser d'importantes contributions privées, on pourrait aussi comprendre qu'il peut sembler inutile voire même contraire à une certaine déontologie minimale de s'appesantir sur la catastrophe et de verser dans l'hystérie que nous subissons en France. Resterait choquant le deux poids deux mesures, quand il est question de victimes japonaises, c'est pas vraiment toujours fait dans la dentelle...Mais ça, c'est du sans surprise, que tu dénonces souvent avec raison.
2005-01-05 20:53:16 de Dom

Enfin, on pourra dire ce que l'on voudra, mais les "secours" se sont très mal organisés au Japon sur ce coup là…
Alors que dans le cas du désastre turc, les secouristes japonais avaient été d'une grande aide, cette fois-ci, ils n'arriveront pas pour sauver des gens bloqués sous les décombres.
10 jours c'est EXTRÊMEMENT long. Si l'on voulait sauver des vies, c'était plus tôt qu'il fallait se réveiller.
Et les seuls qui manquaient encore à l'appel, c'était bien les Japonais et les Américains. Là, c'est un fait. Je ne sais pas très bien ce qu'il faut y voir par contre. L'actualité japonaise en matière de séisme et de typhon cette année a peut-être porté un coup sévère à la capacité de réaction des secouristes à l'étranger.
Et puis, il faut bien constater que les plus touchés des touristes sont des Européens du nord… (d'après Le Monde, plusieurs milliers de victimes) d'où la vitesse à réagir des secours européens (2 jours plus tard) ? Ceci-dit, nombreux sont les secouristes à s'être retrouvés bloqués sans savoir que faire en arrivant sur place, tant tout était désorganisé.
Mais d'une manière générale, je trouve que les médias se sont bien concentrés sur les touristes, et relativement peu sur les victimes locales… la remarque est aussi bien valable pour les médias européen que japonais…
2005-01-06 02:22:32 de Acheron


Mercredi 5 janvier 2005. Bouche bée : des milliers de jeunes filles.

« Où étaient les oiseaux »
?
——— Ils volaient parmi les nuées...

Depuis plus d'une semaine, je démarre le journal de France 2 de la veille au soir avec appréhension. À combien se montera le bilan des morts et des disparus ? Quelle images difficiles faudra-t-il encore affronter ? Y verrai-je passer un visage connu ? Les secours parviendront-ils à éviter les épidémies ? L'un des journalistes sur place, au nord de Sumatra, annonçait il y a quelques jours une note d'optimisme pour je ne sais plus quel sauvetage ou inversion de tendance. Mais dès le lendemain, l'air profondément abattu, il se reprochait son optimisme pour revoir le bilan plus mauvais... Attitude admirable. L'optimisme était son souhait mais la réalité lui avait lancé son démenti à la figure — brouillée comme les nôtres.

Cette lame de fond, faite d'informations et d'images, tourne électroniquement autour de la planète en permanence. On a constaté qu'elle allait cependant moins vite que les infra-sons et ondes de choc que, des poissons aux éléphants, TOUS les animaux ont ressentis. Aussi, parmi les débris des bois, des champs, des maisons, des hôtels, ne retrouve-t-on AUCUN cadavre d'animal !
Inversement, chez les animaux dits pensants, et au plus haut niveau, des dirigeants d'états ont été informés de la venue certaine d'un raz-de-marée et n'ont pas transmis l'information, craignant bien sûr de se tromper, comme tout bon (?) politique, craignant de ternir leur image par une décision qui les ridiculiserait. Car pour un mauvais politique, tout préoccupé de soi comme ils le sont presque tous, le fait qu'il ne se passe rien plutôt que quelque chose est plus grave que le fait qu'il se passe quelque chose plutôt que rien...

Hier soir, T. est tombée sur un reportage que nous avons regardé bouche bée : des milliers de jeunes filles — et exclusivement des jeunes filles — faisant la queue dès six heures du matin pour les fukubukuros, 福袋, du centre commercial 109 de Shibuya... Ces sacs-surprise que les boutiques préparent en guise de soldes au début de l'année s'arrachent donc par milliers aux premières heures d'ouverture, pour 5000 ou 10.000 yens. Une fois ouverts, elles découvrent tout excitées leurs contenus de fringues dont la valeur est effectivement très supérieure au prix payé. Elles gardent ce qui leur convient et commencent à troquer et marchander entre elles et avec les passantes, sur le trottoir, ce dont elles ne veulent pas... T. est convaincue qu'elles n'ont absolument aucune conscience de ce qu'est un 津波 (tsunami) et qu'elles ne savent même pas l'écrire !
Elles l'apprendront peut-être aujourd'hui. Je confirme en effet le commentaire d'Arnaud hier : les médias japonais ont commencé à informer le pays. Reportages, témoignages, vidéos d'amateur et animation pédagogique (au Japon, on donne systématiquement les noms des morts...). On estime que plus de 500 jeunes japonais, partis sac au dos, seraient disparus, égarés, blessés ou morts. Et on ne le dit qu'aujourd'hui à la télé, avec plus d'une semaine de retard...
On peut toujours trouver pire. Du côté de la Corée du Nord ou de la Birmanie, euh... pardon !, du Myanmar qui fêtait hier son indépendance. Attention, attention : l'ambassadeur du Myanmar au Vietnam vous parle ! Si vous pensez qu'il n'y a qu'une race humaine, vous allez découvrir qu'il y a plus de 100 races d'hommes au Myanmar... et pas un mot sur le raz-de-marée !

« Par hasard, la fin du monde a commencé sous ma fenêtre.» (Alain Fleischer, La Hache et le Violon, Éd. du Seuil, coll. Fiction & Cie, p. 13)

« J'esquissai — avec un laisser-aller nonchalant du tempo que d'habitude je ne m'autorisais guère, et opposant ce ralentissement, cette lenteur indue de la musique à la vitesse menaçante —, quelques notes des variations Goldberg, comme on griffonne pour passer le temps — c'est-à-dire pour passer d'un temps à un autre — le souvenir d'un visage, d'un paysage ou d'un objet familier, et cela m'a peut-être sauvé la vie.» (Id., p. 17)


Jeudi 6 janvier 2005. Une mouche polémique.

Lisant ce matin le journal de Jean-Claude Bourdais, je fus soudain piqué par une mouche polémique... Je lui écrivis alors un courriel qui disait notamment (et que je cite avec son autorisation) :

« [...] Suis globalement en phase avec ton questionnement qui fut le mien l'an dernier, notamment en février où j'ai plusieurs billets journaliers d'un peu la même teneur. Actuellement, je ne me pose pas trop ces questions-là et je ne sais pas pourquoi puisqu'elles me paraissent toujours aussi essentielles. Je suis un peu à la masse et je produis mon JLR et le reste de mon boulot sans trop me poser de questions. Situation familiale et catastrophe tsunamique n'y sont pas pour rien.
J'ai bondi quand même (mais ce n'est pas contre toi, rien à craindre) en lisant ta première citation de Zambrano. C'est dire à quel point je ne suis pas d'accord !
Il y a [dans son propos] survalorisation et fétichisation de l'écrit en même temps que manichéiste opposition qui n'a rien de patent. Le côté péremptoire de l'affirmation cache l'absence totale d'arguments. Suite à quoi elle fait un tableau de différences inacceptables. Certes la parole est
échangée dans l'instant. Cela ne veut pas dire qu'elle est instantanée : [il arrive que] je prépare longtemps certains de mes mots, je ne parle pas toujours à tort et à travers comme elle semble le dire, et je me souviens longtemps de certains mots entendus, de certains paquets de mots pour être plus précis et m'approcher de ce que disait [Christophe] Tarkos du langage (entendu à la radio, Mardis littéraires). De plus quand j'écris, je me dis des choses avant de les écrire, j'en écris plus ou moins que je ne m'en dis, et quand je dis ce que j'ai écrit j'en dis parfois plus que ce que j'ai écrit. Il y a un double tressage (interne et externe) d'une complexité infinie entre dire et écrire et je suis même étonné que tu cites des propos [qui me paraissent] si simplistes.
Dans la deuxième citation, elle refait une opposition avec deux choses qui n'ont pas à l'être. Mais c'est qui cette Zambrano pour nous dichotomiser le monde comme ça ?! Je ne suis pas d'accord. Je finis par croire que tu
le fais exprès pour voir s'il y aura des réactions...
« Extraire de soi avec assurance », j'en reviens pas ! On n'extrait rien de soi avec assurance... « transparente à la vérité de l'écrit », là, je ne comprends même pas ce que ça veut dire. Et poser quelque chose « devant la vérité » ! Mais c'est quoi, la vérité ?!
D'ailleurs, je ne vois même pas de rapport entre ce que tu écris et qui me touche et m'accompagne et m'interroge et ce qu'écrit Zambrano qui, avec du recul, me fait pouffer de rire.»

Bien sûr, je conseille au lecteur sérieux de passer par le journal de JCB pour comprendre les enjeux essentiels de ce que je dis, que j'aie tort ou raison. Qu'on en discute ! (Et qu'on s'arrête un moment de sauter d'un blog à un autre, etc.) S'il s'agit là de ce que certains appellent le langage poétique, sa finesse, etc., moi, j'appelle ça de la poudre aux yeux : enfoncer des portes ouvertes (dire que la parole ne reste pas accrochée dans l'air, audible aux oreilles de tous en permanence, alors que l'écrit reste visible...) et transformer ce courant d'air en dialectique (être le contraire de, prisonniers opposé à libération, etc.). Simplisme aussi parce que beaucoup de textes écrits (Ô combien !), de Diderot à Sarraute, en passant par Céline, sont tout pétris de paroles orales comme gelées dans la forme écrite, et qu'en les lisant on les entend encore et toujours. De plus cette opposition entre dire et écrire n'existe plus, dans certaines conditions et grâce à des technologies qui n'ont que quelques siècles de retard sur celles de la fixation de l'écrit : nous possédons en effet des millions d'heures d'enregistrement des voix de ceux qui nous sont chers (ou pas), que ce soit en radio, en films, en télé, en conférences, etc. Et tant qu'il y a un support qui peut les conserver (et il y en a de plus en plus), leur disponibilité est égale à celle de l'écrit, avec un organe de perception différent. Pour ma part, c'est un scoop, j'enregistre depuis près de deux ans les cours de littérature que je donne à l'Institut franco-japonais de Tokyo, parce que je me suis aperçu que ce que je dis, dans un moment très précis, c'est-à-dire pendant le cours, n'a rien à voir avec ce que je pourrais essayer d'en écrire à un autre moment, que ce soit avant ou après le cours. J'ai hésité durant de longs mois, éprouvant une résistance à m'enregistrer moi-même, pensant qu'il y avait là une sorte de prétention, et puis j'ai essayé... À chaque instant d'un cours, devant un public que l'on ne veut pas décevoir et pour lequel lire son papier serait d'une totale incongruité, avec une préparation de notes et une bonne connaissance du texte à commenter, la parole qui vient, qui se cherche et qui vient, peut trouver des voies que l'écrit n'aurait pas trouvé.
Je ne suis pas en train d'inverser la proposition de Zambrano pour dire que la parole libère alors que l'écrit emprisonne, je dis seulement qu'il s'agit de deux moyens différents d'acheminer de la pensée et qu'ils se fixent de façon différente sur des supports différents. Il faut vivre avec la complexité et ne pas vouloir la réduire à des oppositions simples.
La vraie question serait d'aller voir pourquoi Maria Zambrano éprouve ce besoin impératif de sacraliser l'écriture et de le faire en salissant la parole. Aurait-ce été d'une difficulté à communiquer oralement avec ses congénères ? Mais ne la connaissant pas suffisamment, je ne veux pas me lancer dans de basses spéculations psychologisantes. J'irai voir plus loin dans son œuvre, si personne ne me répond (car il arrive que personne ne me réponde, ainsi du 5 décembre quand je disais qu'un chercheur de l'EFEO de 1920 embiblait une vieille légende japonaise : pas un de mes honorables amis spécialistes pour relever le gant...).



Cher Berlol,
je n'avais point relevé le gant, car je n'avais jamais entendu parler de ce mythe. Et, en l'occurrence, tu sembles avoir une vision " fort optimiste" de mes capacités. Je ne me sens en rien un "spécialiste" de la mythologie japonaise...
Au risque de te décevoir...
Mais, (re)merci de la piste... J'irai y parfaire mes médiocres connaissances...
2005-01-06 17:59:01 de Au fil de l'O.

Je répondrai un peu plus tard au sujet de l'EFEO. Là, un autre poids vient de me tomber sur la tête ce matin. À croire que c'est sans fin.
2005-01-07 13:08:00 de Arnaud

Je répondrai bien sûr dans un jour prochain sur mon journal.
Mais je te remercie de m'obliger à me positionner et de me faire réfléchir. En tout cas aucune rancune. je préfère les "choses" qui bougent. Mais je ne suis pas d'accord bien sûr avec ta lectrure des citations et de ce que dit la dame.
bien à toi
JCB
2005-01-07 17:28:40 de jcbourdais


Vendredi 7 janvier 2005. J'avance mon retard...

René Leys commence demain matin.

Sur Rimbaud après Rimbaud... forgerie de Fleischer :
« Il y avait eu ce soir-là un concert de plein air dans le parc municipal, avec l'orchestre du Conservatoire rassemblé sous le kiosque à musique — citadelle reprise aux bandes de gamins (les mêmes que ceux de la rue Paul) qui l'occupaient le jour pour leurs jeux de guerre —, avec tout autour la bourgeoisie installée sur les chaises rameutées en grand renfort, mais aussi avec la jeunesse moins éprise de commodité et de confort, et pour qui la musique livre les corps à une sensualité communicative, à une ivresse générale, ceux-là préférant les pelouses habituellement interdites, pour s'y allonger, pour froisser élégamment les étoffes des vêtements et pour s'enhardir à frotter les existences toutes neuves dans le trouble d'une promiscuité stimulante, filles et garçons mêlés.» (Alain Fleischer, La Hache et le Violon, p. 21)

Sur Léo en jouant dans La compagnie des hommes... vu à l'Institut, en ouverture du programme époustouflant. Film lui-même à couper le souffle, intense, surprenant... je cherche un mot... celui qui me vient, le mieux adapté c'est : épais. Un film épais. Par la stratification filmique, par la perfection du jeu des acteurs, par l'incertitude où l'on est souvent entre raison absolue et folie totale, par l'entrelacs de Bond et Shakespeare, par l'évidence de l'éternelle impossibilité d'être le fils que l'on n'est pas — expression que ne comprendront que celles et ceux qui ont vu le film mais tant pis.



À quand un prix littéraire (voire Nobel) pour ce blog? À quand l'académie?
Bonne année 2005!
2005-01-07 21:29:15 de Sir Reith Oubnaitch

Et à quand un titre de Lord pour toi et services rendus !
Comment vois-tu mon épée ?
2005-01-07 23:22:38 de Berlol

Bonne année M. Berlol,
Je cesse de fréquenter votre weblog, décidément un peu trop autosatisfait et légèrement (voire +) condescendant envers ceux qui n'approuvent pas votre "ligne éditoriale".
Un vrai blog de prof, que je me permettrai de citer en exemple en tant que tel, dans mon petit inventaire de ce nouveau genre de littérature (on peut peut-être appeler ça comme ça).
Sans
2005-01-08 11:33:55 de Sans

Bien que le monde soit vaste et qu'il en faille pour tous les goûts, il est toujours triste de perdre un lecteur.
Mais il est encore plus triste de se faire étiqueter.
S'il ressemble à ces livres jetables qui nous donnent les 100 ou les 1000 "meilleurs" sites et blogs du moment, j'espère bien ne jamais voir votre "petit inventaire".
S'il s'agit d'autre chose, prévenez-moi.
Et si vous trouvez ma "ligne éditoriale", donnez-moi ses coordonnées, j'aimerais bien la connaître.
2005-01-08 17:00:44 de Berlol

J'ai lu votre prose depuis plus d'un an.
Vous supportez mal un avis déplaisant mais vous aimeriez figurer parmi les 1000 (ou même 100) meilleurs sites ou blogs! Désolé, je ne suis pas prescripteur. L'étiquette que vous portez vous gêne! Ôtez-là!
Je comprends votre malaise. Comment accepter que n'importe qui vienne donner son avis ici? Un blog, quand même, c'est une propriété, une propriété au moins un peu privée, non?
Bonne continuation
Sans
2005-01-08 22:06:45 de sans

N'inversons pas les rôles : l'étiquette et l'inventaire, c'est de vous. Moi, je n'ai rien demandé et je préférerai ne pas.
Vous avez le droit de ne pas être d'accord et de le dire, y compris sur ma "propriété", comme vous dites. Mais j'ai aussi celui de me défendre et d'essayer de me dépétrer de vos trucs collants.
Et d'ailleurs... vous êtes encore là ?! Je croyais que vous étiez parti !
Merci encore pour votre assiduité !
2005-01-09 00:46:09 de Berlol

Illustration exemplaire de celui qui tente courageusement de répondre à des propos désagréables et — soulignons-le — unilatéraux, pour se voir re-répondre en retour des incohérences et une inversion de position.
Il faut dire que la critique originelle était "sans" arguments, alors forcément, qu'on le fasse remarquer et le corbeau se défile...
Sans quoi d'ailleurs ?
2005-01-09 06:24:29 de Arnaud

C'est sans espoir
Sans rancune
Salut
Sans
2005-01-09 09:27:50 de Sans

Aah beng forcémént, si tu es désespéré... Surveille tout de même ta composition sanguine, parfois il y a des signes avant l'accident.
2005-01-09 09:54:56 de Arnaud

Tiens ! Un "échange" assez triste que celui-ci. En fait, ce serait assez intéressant, je trouve, que Mr Sans veuille un peu mieux s'expliquer.
Je veux dire, s'il publie ainsi un message, c'est que j'imagine qu'il a quelque chose à dire, non ? Mais qu'il le dise de manière compréhensible de tous. Car c'est aussi ça un blog, ne pas causer par poussée d'on ne sait quoi, mais échanger des propos avec les autres.
Là, c'est un peu comme si je disais à ma voisine, via un coup de téléphone de la part de Mr X, que je trouve qu'elle est conne, et qu'après je sois bien incapable de dire pourquoi.
Donc, je pose la question : en quoi le blog de Berlol est-il trop "auto-satisfait", en quoi Berlol est-il vindicatif ?
"Sans", comme dans "sans contenu", "sans teneur" ?
2005-01-09 10:02:33 de Acheron


Samedi 8 janvier 2005. En revoyant le sourire d'Annie.

Ce trimestre de cours sur René Leys, de Victor Segalen, je voudrais le dédier à celle qui me fit découvrir ce livre dans un cours de littérature comparée de Paris 3, il y a une vingtaine d'années. Annie Cecchi nous fit aussi connaître Mishima, sur l'œuvre duquel elle préparaît une thèse. Son enthousiasme mêlé d'incertitude dans les lectures, son parler amical sans véritable hiérarchie entre étudiant et professeur, me donnèrent le goût d'une recherche où tâtonner n'est pas honteux. Plusieurs années après sa disparition, je continue dans l'élan qu'elle m'a donné. Relisant ces strates de mystification enjouée, je comprends qu'un autre Belge ait éprouvé désir et besoin d'entrer dans la famille Leys pour dénoncer les Habits neufs du président Mao (1971), à contre-courant du maoïsme français dont on sait à peu près maintenant le ridicule aveuglement. Ce matin, j'étais à mon cours et je n'y étais pas, je me sentais comme repasser par les mêmes paroles et je me souriais intérieurement en revoyant le sourire d'Annie. C'est Segalen que j'en remercie.

Le film d'aujourd'hui, à l'Institut, est à peu près l'antithèse de celui de Desplechin hier — et pourtant excellent, lui aussi. Illumination de Pascale Breton tient encore de l'exercice de corde raide : on ne sait à chaque séquence si l'on va tomber dans le comique, la violence, la mer, le discours sectaire, le parricide, la clochardisation, la beuverie, etc. L'imprévisibilité du parcours du personnage et la lenteur du scénario me font souvenir de Double Messieurs (1986). Alors pourquoi antithèse ? Parce que Léo en jouant dans La Compagnie des hommes commence bien et finit mal, dans un environnement urbain, riche et intellectuel, alors qu'Illumination commence mal et finit bien, dans un monde rural, indigent et prosaïque.

T. prépare des programmes de cours. Je lis quelques pages d'Alain Fleischer, des articles sur Modiano. Il fait froid et gris quand on sort faire des courses. L'hiver est vraiment là, enfin. Un bon nabé au poisson nous réchauffera ! Reprise de lectures après le dîner. Des blogs aussi.
Tiens ! Savigneau : placard... Quel air neuf pour 2005 ?


Dimanche 9 janvier 2005. Je sors rarement l'épée du fourreau.

Ping-pong à trois ce matin. Hisae et Katsunori m'ont battu à tour de rôle, et l'une a battu l'autre, mais j'ai réussi à gagner une manche et la belle contre Katsunori ainsi qu'à mettre 9 points dans une manche contre Hisae... Bref, ils sont très forts, je me bats comme un lion, mais ça ne suffit pas. Et puis je vieillis...

Du coup, dans l'après-midi, j'ai regardé une nouvelle fois (au moins la troisième) À mort la mort de Romain Goupil. D'abord, j'aime sa voix, sa façon de narrer, et puis j'aime les épisodes auxquels il fait référence. Je crois même que je les aime mieux par lui, évoqués en film et avec sa parole en off, que par Olivier Rolin en roman à peine travesti (Tigre en papier). Ça tient au ton, à une certaine empathie. Mais c'est personnel, ce n'est pas un jugement, ni de Rolin, dont j'avais beaucoup aimé le roman, ni de Goupil, parce que je ne suis pas bon analyste de cinéma.
Pour le voir, j'ai été obligé d'emprunter le coffret de dévédés à l'Institut alors que je l'ai acheté il y a deux ans. Mais voilà : je ne sais plus à qui je l'ai prêté, et la personne ne me l'a pas encore rendu...

Pendant le bien bon dîner de udon que T. a préparé avec le bouillon qui restait du nabé d'hier soir, nous avons regardé Sanjuro, film d'Akira Kurosawa, issu aussi d'un coffret de dévédés acheté à Paris l'an dernier. Décidément, c'est un temps de cinéma pour moi.

Enfin, je finirai la journée en confiant à mon cher écran, comme les diaristes d'autrefois se confiaient à leur papier ou à leur plume, que j'ai été assez troublé par les commentaires reçus hier sur le blog d'avant-hier. Une personne nommée Sans (oui : Monsieur ou Madame Sans) dit qu'elle me lit depuis plus d'un an et qu'elle arrête parce que je serais trop condescendant envers ceux qui ne sont pas de mon avis et que je serais "un peu trop autosatisfait". Au-delà des critiques, que j'accepte par principe puisque je me permets aussi de critiquer les autres de temps en temps, même si je sors rarement l'épée du fourreau, je me demande pourquoi quelqu'un ou quelqu'une se force à lire ma "prose", comme il ou elle dit, sans voir qu'il y a de temps en temps des vers, d'ailleurs, à moins que mes vers soient sauvables, mais bon, c'est un autre sujet, pourquoi me lire, donc, si l'on n'aime pas ça... Comme si cette personne était forcée ou s'était forcée. À mon avis, en deux ou trois semaines, un mois maximum, on doit savoir si on aime ou pas. Après, c'est un peu du masochisme. Ou quelqu'un qui fait des recherches, ou quelqu'un qui travaille pour quelqu'un d'autre. Mais un chercheur qui entre dans son champ sociologique pour dire à ses objets d'étude qu'il ne les aime pas, ça va pas l'aider dans sa recherche. Sauf s'il a fini et qu'il décide de vider son sac. Mais dans ce cas là, il devrait pouvoir dire pourquoi en détail, comme dit Arnaud : avec des "arguments". Finalement, je n'en sais pas plus. Sauf que maintenant, je me demande ce que ça veut dire "autosatisfait"... C'est vrai que je suis assez content de vivre, d'être au Japon, d'avoir un métier qui m'intéresse et des activités à côté que je trouve pas mal, je ne gagne pas des mille et des cents mais assez pour ne pas être obligé de tenir un livre de comptes pour savoir si je mangerai le mois prochain — d'ailleurs, si on veut gagner plus, faut pas faire prof ni chercheur. C'est vrai aussi que je suis incurablement optimiste bien que je ne croie ni en dieu ni en la réincarnation et que je sache que je suis mortel et que des signes m'indiquent que la courbe ascendante de ma parabole est finie depuis un petit bout de temps. Et alors, je ne le crie pas sur les toits mais je l'exprime de temps en temps dans un petit coin du vaste monde réticulaire, et donc ça, ça s'appelle être autosatisfait. Comme moi je dirai "autosatisfait" en voyant certaines tronches d'hommes politiques à la télé, ou de chefs d'entreprise arrogants, ou de starlettes plus bêtes que leurs pieds mais qui gagnent des mille et des cents et qui s'offrent des villas et des grosses voitures et que tous les gogos admirent. Si c'est le même mot et qu'il a le même sens, alors pourquoi je n'ai pas les villas et les voitures et les entreprises, etc.
Ceci dit, je sens venir Pimprenelle et Nicolas et tout ça ne va pas m'empêcher de dormir.



Alors là ! Chapeau, Jean-Claude !
Je me prosterne trois fois trois fois comme dans la tradition impériale pour manifester mon admiration à ta manga-synthèse :
http://www.jcbourdais.net/journal/09jan05.html
2005-01-10 01:55:02 de Berlol

Berlol a écrit :
« Bref, ils sont très forts, je me bats comme un lion, mais ça ne suffit pas. Et puis je vieillis... »
Mmmf, ça sent un peu l'excuse facile. Disons plutôt qu'ils sont mieux entraînés, non ? Moi, je ne te battrai pas, par exemple...
Sanjûrô est un film que j'aime beaucoup, bien que je préfère (de beaucoup même) le premier épisode, à savoir Yôjinbô (Le Garde du corps) ; mais ce dernier est un classique. Cependant, les deux sont excellents, et Mifuné y est, comme à son habitude, absolument génial. Quelle aura !
Dommage qu'il soit un peu en retrait dans Sanjûrô au profit de tous les jeunôts.
2005-01-10 02:09:25 de Arnaud

Effectivement, la synthèse de Jean-Claude est assez géniale !
On aimerait bien pouvoir la lire encore dans le futur ! ^-^
2005-01-10 02:19:27 de Arnaud

T'inquiète pas Berlol !
J'y ai en fait aussi un peu réfléchi. Je pensais d’abord t’en parler la prochaine fois qu’on se verrait, mais bon, pourquoi pas ici, tout de suite ! D’autant plus que mes réflexions rejoignent un peu les tiennes.
1) Si cet internaute a visité ton blog pendant un an, c'est que celui-ci n'était pas aussi inintéressant que cela.
2) Il est normal que tu sois (plus ou moins) satisfait de ce que tu fais. Si tu ne l’était pas, tu n’aurais pas cette assiduité à t’en occuper et tu aurais sans doute déjà abandonné. D’ailleurs, ce ne serait sans doute pas très agréable de lire quelqu’un qui écrirait sans aucune conviction que ce qu’il produit puisse avoir un intérêt. Et comme il y en a, visiblement, de l’intérêt, tu es en droit d’être satifait, je crois, non ?!
Voilà !
Sinon, il paraît qu’il y a eu une cérémonie des clics d’or (clicdor.com). Le vainqueur de la catégorie blog est : MonPuteaux.com. Je ne suis pas allé voir ce que cela vaut. Avis aux amateurs !
Dernier jour pour moi à Hong-Kong. Retour demain matin à l’aube avec dans les bagages, une fois n’est pas coutume, une surprise pour toi, Berlol !
2005-01-10 02:32:02 de Manuzik

Le clic d'or des "sans", ce ne serait pas mal du tout.
Ce qui me paraît d'une certaine lâcheté, c'est l'anonymat de quelques commentaires. On lâche sa petite crotte et on fout le camp....
J'avoue ne guère apprécier les pomémistes qui "bloquent" les commentaires. Sans doute pour ne pas avoir à exposer les arumentaires de leurs lecteurs.
2005-01-10 09:00:56 de Grapheus

MonPuteaux.com est un très bon, blog quil parle de vie et de politique locale. Pour celui de Berlol, j'avoue avoir été assez surprise de la réaction de ce lecteur... je feuilletais ce blog de temps en tant depuis un an, j'y viens à présent régulièrement et je ne sens pas cette autosatisfaction qu'il évoquait, pas plus que de condescendance... Plutôt une attitude de curiosité convaincue et un esprit de partage (peut-être est-ce la manière parfois - souvent - pointue et détaillée - et tant mieux car elle fait par ailleurs l'intérêt de ce partage - qu'il prend pour un exposé "autosatisfait", qui lui fait dire "blog de prof" ? bah, si la manière d'"exposer" dans ce journal était moins précise, plus en survol, qui sait s'il n'irait pas lui reprocher son manque de sérieux ! Non, je trouve ça assez hors-propos ici, je trouvais ça assez culotté quand j'ai découvert ce commentaire - j'ai même ri, me disant "ce type, il est pas gené, n'importe quoi", et ne pensant pas que Berlol le prendrait autant à coeur. Certes, la remise en question est indispensable parfois (et Berlol, on voit dans tes notes que tu ne manques pas de la pratiquer ed toi même), mais pas sur ce genre de bases - d'ailleurs, quelle bases ? juste l'expression d'un agacement inexpliqué.
2005-01-10 09:51:43 de Cel

Puisqu'il y a rebondissement, autant que j'en profite.
Je suis en accord avec Berlol sur la question Parole/Ecriture.
La meilleure preuve des recouvrements qui s'opèrent régulièrement d'un registre à l'autre, en est la floppée d'écrits qui nous encombrent, dans lesquels la "réflexion" est proche de 0 !! Livres écrits comme "on parle".
Alors qu'il est parfaitement possible, pour peu qu'on accepte de prendre un temps de réflexion, d'avoir un discours parfaitement articulé et intelligent. Et, de toute façon, ces deux modes viennent bien du même lieu : la Pensée. Pas de parole ou d'écrit sans que le cerveau ait fonctionné (correctement ou non, là n'est pas la question !!) préalablement. En quoi, dès lors, l'écrit aurait-il une quelconque supériorité ? Si ce n'est, dans une certaine mesure, parce que celle-ci serait "fantasmatique" ?
Il suffit de voir (pour parler du milieu universitaire) certains ouvrages ou certains cours professés, pour se rendre compte que, l'un et/ou l'autre, c'est "kif-kif" : lorsque la personne pense sérieusement, cela se retrouve dans la parole, comme dans les écrits. Il y a bien des nuances dans les modalités de mise en place, des distinctions de supports et de formes, mais sur le fond ?? Une autre preuve encore : lorsqu'on lit, il est souvent "agréable" et très significatif (voire signifiant dans certains cas) que l'on entende la voix de l'auteur (je parle ici pour les essais, il y aurait d'autres nuances encore à apporter dans le cadre de la fiction).
Derrida en a longuement analysé les tenants et aboutissants de cette problématique, dans nombre de ses publications. A commencer par "La Voix et le phénomène" (Quadrige, PUF), "De la grammatologie" (Minuit), "L'Ecriture et la différence" (Points-Essais, Seuil).
On a souvent reproché à Derrida ses positions sur la question, souvent parce que ses détracteurs n'étaient pas capables d'aller au fond des subtilités mises en place par la dialectique du philosophe. Il est vrai que parfois c'est vertigineux !! Mais, jusqu'à maintenant, je n'ai toujours pas entendu (lu) de critique pertinente contre ses propositions, et capable de montrer que Derrida aurait eu tort. Bonnes lectures !!
2005-01-10 09:57:07 de Au fil de l'O.

Tiens, Au fil de l'O, pendant que j'y pense : ta nouvelle adresse de Blog, ça va pas le faire, hein ! Y'a trop de couleurs (rouge) et on ne voit plus les infos de commentaire / link, etc. Et puis pour te laisser un commentaire, il faut se "loguer" chez 20six mais ça ne marche pas...
2005-01-10 11:46:22 de Berlol

Cher Berlol
Au japon,c’est aujourd’hui(le deuxième lundi fevrier) qu’on félicite les jeunes atteignants ses majorités.
J’ai vingt ans(et plus).Je ne laisserais personne dire que t’es le plus autosatisfait de ta vie…
Alors,j’ai visité hier Musée d’art Yokohama(http://www.yma.city.yokohama.jp).
Pour y aller, il ne faut que 2 ou 3 minutes à pied de la nouvelle station Minatomirai. Je ne savais pas cette route.
À l’exposition de Duchamp (http://www.yma.city.yokohama.jp/kikaku/duchamp/index.html),on peut voir “Fontaine”, “L.H.O.O.Q.” etc. Elle suit jusqu’au 21 mars.
Il y aura des programmes de cinéma ( http://www.yma.city.yokohama.jp/kikaku/duchamp/movie.html ) qui lui concernent.
Désolé, je ne peux trouver que les site japonais.
Hasta la vista,baby!
2005-01-10 12:13:06

Bonsoir et d'abord pardon d'ecrire un francais peu orthodoxe, sans accents ni cedille... mais j'ecris a partir d'un clavier que je ne maitrise pas encore... Cela dit, je reagis au blog d'il y a quelques jours concernant la parole et l'ecriture et a un de ses commentaires paru aujourd'hui.
Tout d'abord, je ne connais pas les propos cites de cette dame et il faut toujours se mefier des extraits hors contexte... neanmoins, les citations semblent montrer un des travers recurrents de certains a vouloir penser en dichotomies simplistes, ce qui precipite des lors dans les eternels ecueils dualistes, voire comme le disait Berlol manicheens. Comme peut-on, sur pareil sujet, pretendre a une telle assurance tranchee ? alors qu'une germination plus serieuse et feconde me semble resider dans la dissemination, les paradoxes du doute et de l'incertitude... seule chance dans le desir de reconciliation et d'unite. Faut-il rappeler que les presocratiques, Heraclite en tete, pensaient sans opposition...
A titre de petit exemple de la complexite des choses, pris cette fois dans la litterature la plus contemporaine, rappelons que Alain Fleischer ecrit ses livres oralement, en les dictant a une personne.
Neanmoins, et bien qu'il faille se mefier des fetichisations du livre qui realimentent l'ecueil, europeen et particulierement francais d'un culte de la litterature, d'une religion de l'art, dont de nombreux auteurs depuis Cervantes ont montre les dangers, le livre reste un objet a part et meme si l'oralite semble se tenir aux origines (ce qui n'est peut-etre pas le cas : cf. a ce sujet les commentaires de Simon Leys sur l'origine de l'ecriture et la calligraphie chinoise), l'ecrit venant apres, en quelque facon testamentaire, l'ecriture est le lieu et l'enjeu d'une parole bien differente de la parole au sens commun, c'est-a-dire orale, fut-elle des plus reflechies. Je veux dire, dans le sillage de Blanchot, que l'ecrit est le lieu d'emergence d'une autre parole, d'une autre voix, impersonnelle, venue d'ailleurs... et lorsque l'on parle en particulier de poesie, fut-elle orale, elle est d'abord le fruit d'un intense travail d'ecriture, la ou se joue quelque chose du devenir de la langue, et qui passe par un silence de la parole (envisagee comme outil de communication).
Dernier point, concernant J.Derrida et le commentaire d'aujourd'hui... Pour vertigineuses que soient ses analyses, elles n'en sont pas moins meticuleusement agencees, enoncees... si bien que quelque sens, a defaut de verite, a jamais hors de portee, en est discernable. Or, mes souvenirs des textes cites et d'autres m'ont laisse une toute autre lecture de la pensee de Derrida... et meme dans un sens contraire : il me semble en effet, avec toutes les precautions qui sont les siennes, qu'il n'a cesse de combattre toute une tradition metaphysique qui privilegie la voix au detriment de l'ecriture, ce qu'il appelle le "logocentrisme". A cette tradition de primaute de la parole, il oppose l'ecrit, le texte (ce qu'il appelle la "trace") au dire... Bref, s'il y a un defenseur de l'ecrit, c'est bien Derrida.
Cela dit, encore une fois, mefions-nous de toute simplification.
Sur ce, je vous salue bien cordialement.
Vinteix
2005-01-10 14:50:01 de vinteix

Ce n’est pas au « Sourire d’Annie » que je voulais répondre mais à cette histoire du « coup de sans »…
Je remets donc mon paragraphe dans la bonne case… et vous prie berlol de l’effacer dans le giron du sourire d’Annie que je salue bien au passage sans la connaître…je suis d’un naturel courtois…
"L'auto-satisfaction" est une drôle d'expression...Elle supposerait un fonctionnement parfaitement autarcique où les gratifications seraient en permanence auto-alimentées par un ingénieux système à mouvement perpétuel... Même une Eolienne ne peut se payer un tel attirail... Une Noria pas davantage...On dépend toujours de l'extérieur et votre blog n'existerait pas si vous vous auto-suffisiez...
Ce qui peut faire reculer, c'est la densité... comme pour le site de François BON,il y a dans vos propos une telle variété d'apports et d'approches que vous lire et vous répondre peut devenir une occupation à plein temps...
Le "sans" qui ne veut plus vous lire est peut-être quelqu'un qui n'a pas eu le courage de vous adresser ou de vous couper la parole... "Ca arrive !..." comme dirait Pascal Quignard à France Culture récemment...
Je ne sais ce qu'il faut en penser, ni même si il faut en penser quelque chose, cependant, cela pose une question de fond sur l'interférence des espaces intimes, privés et publics d'un blog. Si j'écris pour être lue c'est que j'ai quelque chose à faire savoir. Je peux me taire, c'est mon état le plus familier dans mes transactions sociales, au travail je profère les mots, les discours attendus et je fais bien la différence avec ce que je peux exprimer en d'autres contextes... Si je m'avisais à faire connaître à mes collègues de travail l'existence de mon blog, j'aurais l'impression de les recevoir tous chez moi et il n'est pas certain que cela soit souhaitable...Je le fais plus volontiers pour mes proches, mes amis et encore plus volontiers pour des inconnu(e)s dont j'attends précisément qu'ils réagissent autrement...
C'est incroyable le nombre de relations fortes et instructives qu'on peut se faire par le biais des échanges internet mais cela a l'inconvénient d'obliger au bout d'un temps à un choix.
Imaginez que dans la rue toutes les personnes que vous croisez veuillent vous dire quelque chose... ce serait intenable , non ? Comme en amour ou en amitié la réciprocité est incontournable... mais je suis vraiment curieuse de savoir
ce que vont devenir au long cours ces nouvelles modalités de rencontres et si elles seront ou non aussi superficielles et anonymes qu'on veut bien nous l'annoncer ...
Je pense que le pseudonyme "avec" est plus convivial et ouvert que le pseudonyme "sans"... et je trouverais élégant que cet(te ?) internaute s'explique davantage sur son ressenti qui vous a je crois interpellé...
2005-01-09 20:04:24 de Marie.Pool
2005-01-10 21:24:04 de Marie.Pool

Merci à Katsunori pour les infos sur l'expo Marcel Duchamp à Yokohama. Ça devrait intéresser d'autres personnes qui sont sur la région.
Merci à toutes et tous de vos appréciations, cela montre que de vrais échanges sont possibles, d'autant que cela m'apporte aussi d'autres blogs à lire !
On peut dire que les messages de Sans, paradoxalement, auront joué un rôle de "blog-booster"...
2005-01-11 13:39:26 de Berlol


Lundi 10 janvier 2005. Une épiphanie de joie qui décolle l'étiquette.

T. et moi avons été honorés d'une agréable invitation à déjeuner. Où l'on a rencontré une exquise Naomi, méritante d'avoir réussi tempuras et sobas dans des conditions limites, vu le peu de matériel de cuisine que possède Jephro... Un Jephro que j'aurais pu connaître bien plus tôt puisqu'il semble que nous ayons été au même concert des Cocteau Twins à l'Élysée-Montmartre, peut-être en 1986 ?...

Une amie m'ayant indiqué l'existence de pages très fortes sur un tsunami dans un roman de Lafcadio Hearn intitulé Chita (publié en 1889, le tsunami ayant eu lieu dans le Golfe du Mexique en 1856), je me suis demandé s'il existait quelque chose de Hearn dans le catalogue de Gallica. Je n'y ai trouvé qu'une référence : Le Japon inconnu : (esquisses psychologiques) / trad. de l'anglais par Mme Léon Raynal (Paris : Dujarric, 1904).
La question du sourire, en page 3 et suivantes, est toujours d'actualité si l'on en juge par le nombre de références dans Google et quelques pages que j'ai ouvertes au hasard. Dans ces premières esquisses psychologiques, Hearn parle d'une « loi d'étiquette, élaborée et cultivée de longue date » et je crois que cela explique suffisamment (voir aussi, page 9, « remettre le fer au fourreau »...).
Bien moins commentés sont les effets de ce sourire sur les honorables étrangers. Car c'est bien de l'étonnement de ceux-ci et de ce qu'ils imaginent que proviennent tous ces discours sur le sourire japonais. Maintenant que j'y suis bien habitué, je n'ai même pas l'impression qu'il s'adresse à moi lorsque je le perçois. Comme tout élément de protocole ou d'étiquette, comme le dit justement Hearn, ce sourire ne s'adresse pas à la personne qui le voit mais il meuble un cadre social dans lequel une communication pourra éventuellement avoir lieu, triste ou gaie, amicale ou pas.
Ces étrangers aux visages (trop) sérieux, au point qu'on pourrait les croire en permanence méchants et prêts à vous sauter dessus, devraient bien réfléchir à leur tour au pourquoi de leur non-sourire et de leur solennité, aux raisons pour lesquelles ils veulent que leur sérieux soit en permanence visible sur leur face, s'ils n'auraient pas quelque part une crainte de ne pas être pris au sérieux qui les pousse à toujours en rajouter une couche et à tirer encore plus la gueule, ou s'ils n'auraient pas toujours besoin que l'on compatisse à leur malheur et leur mal-être, quand bien même il s'habillerait de domination et d'arrogance...
Ce que j'aime voir, c'est lorsqu'un sourire protocolaire japonais se trouve recouvert par un sourire spécifique, venant d'un stimuli bien particulier et qui m'est adressé personnellement. Ces deux sourires, comme superposés, donnent l'impression d'un débordement, d'une épiphanie de joie qui décolle l'étiquette.
En tout cas, c'est un sourire comme ceux-là que j'adresse à Jean-Claude Bourdais pour l'honneur qu'il m'a fait et pour le temps qu'il a pris sur sa nuit, sans doute, à seule fin de répondre avec la plus grande élégance qui soit à ma mouche polémique de la semaine dernière. L'introduction de Hisae, de Katsunori et de Sans dans le truquage des phylactères d'un manga est également une grande première dans la spécularité narrative de l'univers littéréticulaire et je tiens à le signaler aux futurs Genette (ou à l'actuel !).



Le montage et le résumé faits par JCB sont vraiment excellents. Fort amusants, mais aussi très synthétiques aussi, doit-on souligner.
2005-01-10 16:48:04 de Arnaud

Cher Patrick,
Ma petite ballade japonaise via ton blog est toujours aussi agréable.
Hors sujet : mais juste un mot pour te remercier d'avoir rapidement envoyé l'annonce du colloque "Lévinas-Blanchot" sur Litor.
Bien à toi, dans l'amitié,
Eric
2005-01-10 20:12:15 de Eric

De rien, Éric, c'est normal !
À propos de JCB, il faut voir aussi les deux jours suivant (j'écris deux jours après...) qui sont tout aussi sublimes !... Des cas d'école, par ailleurs, pour chercheurs et étudiants...
http://www.jcbourdais.net/journal/11jan05.html
2005-01-12 12:28:18 de Berlol


Mardi 11 janvier 2005. Sarina gara son camion en double file...

Des choses à dire sur des émissions de radio écoutées dans le shinkansen... Mais après la reprise des cours, le tri du courrier et quatre paquets de copies corrigés, je ne pense qu'à mon lit. On verra demain... Peut-être...

Le lendemain...
Je ne reprendrai qu'une de ces émissions pour aujourd'hui (hier, en fait...), celle des Mardis littéraires du 31 août dernier, avec Philippe Forest pour son livre Sarinagara, dont j'extrait ceci qui reprend en partie des choses déjà dites dans le JLR notamment sur le haïku :
Philippe Forest : « J'ai tendance à aborder la littérature plus en termes éthiques qu'en termes esthétiques. Il y a quelque chose à quoi il faut être fidèle. Et ce quelque chose à quoi il faut être fidèle permet de relancer en permanence l'écriture. Mais sans se faire d'illusion au sens du grand romantisme passé qui considère que la poésie permet de surplomber le deuil et de triompher de la mort...
Pascale Casanova : — À ce propos, vous dites des choses tout à fait réjouissantes sur le haïku. Vous dites : il y a une mystification occidentale sur le haïku qui consiste à faire croire qu'il aurait une signification métaphysique, une profondeur, une gravité, alors que toute la tradition japonaise du haïku est construite sur le refus du symbole, sur le refus de la profondeur, justement, qu'on lui attribue. Voilà. Il y a quelques colères dans ce livre... On pourra revenir sur la bombe atomique et sur la version officielle de la bombe atomique, mais aussi sur le discours poétique à propos du haïku.
Philippe Forest : — Oui, je suis content que vous remarquiez ce point, parce que c'est un livre qui peut prêter à un contresens dans la mesure où on peut s'imaginer que je cède à une certaine fascination pour la sagesse et la spiritualité extrêmes-orientales alors qu'en réalité c'est tout le contraire. J'essaie de montrer comment, en oscillant, en France, aux États-Unis, en France et aux États-Unis particulièrement, il y a une sorte de folklorisation de la culture japonaise qui en présente une image totalement lisse, idéaliste, mysticisante, et il s'agit de réagir contre ça. Le haïku, à l'origine, c'est un exercice qui assume sa part de dérisoire.»

Euh...
« Sarina gara son camion en double file et fit chier toute la rue. C'est vrai que Forest jouit d'une aide, notamment sollersienne, peu en rapport avec sa platitude littéraire. Certes tout le monde à le droit d'écrire sur le Japon après quelques jours de passage mais je préfère les moins pédagogiques (Bouvier, Toussaint, Ferrier).
Pour ce qui est des fautes, elles sont inexcusables ! Forest a largement assez de relations pour faire relire son manuscrit. Ce qui signifie que l'on s'est pressé pour le sortir, ou qu'on s'en foutait... Bref : inexcusable.»


Or, le 29 novembre dernier, je laissai le commentaire ci-dessus au Grain de sable, peu amène pour Philippe Forest. N'ayant à ce moment-là que vaguement feuilleté son livre, je me trouve maintenant entre deux approches radicalement différentes. D'où obligation de le lire. Mais... car il y a un mais, je viens de recevoir une commande de livres contenant le journal de Catherine Robbe-Grillet qui aura la priorité absolue. J'espère que Philippe me comprendra.

Enfin, je relaie Philippe Forest, si ça peut servir :
« Je peux lancer un appel aux auditeurs. C'est une émission que j'ai vue il y a quelques années. Mais que j'ai vue à la télévision, un documentaire, tout simplement, mais sans me douter à l'époque que j'en ferai quoi que ce soit littérairement et donc j'ai peut-être complètement réinventé cette émission dont j'ai un très vague souvenir... Il s'agissait, je crois d'une émissions américaine, des journalistes américains, cinquante ans après le bombardement de Nagasaki, essayaient de retrouver la trace des victimes qui avaient été photographiées par Yamahata. Ce qui était bien sûr un pari assez fou puisque la probabilité de retrouver ces victimes cinquante ans après était extraordinairement faible puisqu'il était évident que la plupart étaient morts dans les heures qui avaient suivi le bombardement ou avaient été victimes plus tardivement de cancers comme on sait que ça avait été le cas pour la plupart des personnes irradiées. Or il se trouve, dans mon souvenir en tout cas et peut-être qu'un jour je retrouverai cette émission et je pourrai vérifier si ce souvenir est fidèle ou pas, il se trouve que cette femme qui donnait le sein à son enfant comptait au nombre des survivants et donc cinquante ans après on la confrontait à l'image qui avait été faite d'elle par Yamahata...»



Dans mon blog, demain (en date du 12/01, j'ajouterai un complément d'analyse sur le rapport Parole/Ecriture chez Derrida. Le philosophe, contrairement à ce que certains pourraitent penser, ne défend pas l'écriture contre la parole. C'est plus complexe. Mais, il est vrai qu'en la matière ses positions peuvent prêter à confusion. Pour résumer (avant le développement demain), tout est écriture pour Derrida. Ou plutôt : archi-écriture, voire littérature....
Alors, un peu de patience !!!
2005-01-11 19:56:34 de Au fil de l'O.

j'attends donc avec "un peu" de patience.Merci pour ce que vous allez dire et pour le temps que ça va vous prendre, car cela m'interesse, et j'apprécie Derrida... JCB
2005-01-12 02:55:12 de jcb

Bonjour.
J'ai une question à Fil de l'O, en rapport avec le post deux cases plus haut.
Vous mentionnez ici la philosophie, et je suis tout à fait d'accord avec vous, bien qu'il faille bien sûr préciser le corpus visé.
Mais par exemple, dans le cas de la théologie, et plus précisément la théologie des religions du livre, c'est-à-dire des religions de la Révélation (Christianisme, Islam, Judaïsme), la parole c'est l'écrit. Je veux dire qu'il n'y a pas de distinction entre les deux, puisque l'écrit sert de support à la parole en soi (celle de Dieu ; de façon plus nette encore dans le Coran, puisque Dieu dicte à Mahomet).
Je me demandais, en vous lisant, si dans le cas de la théologie et plus largement des religions du livre, si on ne pourrait pas dire que la parole "écrase" l'écrit, qui lui-même ne trouve donc sa légitimité que comme véhicule de la parole.
Ce débat sur la prééminence de la parole sur l'écrit (ici réduit au rôle de média de cette première) ne viendrait-il pas plutôt des religions de la Révélation ?
2005-01-12 04:47:20 de Arnaud

D'une manière plus terre-à-terre, sur le rapport parole qui écraserait l'écrit, moi je dirais plus exactement que la réalité dicte et écrase l'écrit. Je parle d'histoire de l'écriture, bien sûr.
Je veux dire par là que les documents écrits qui existent en d'abord dans l'histoire de l'humanité… ce sont avant toute chose des archives comptables !! C'est-à-dire… le besoin de gérer d'une part, et d'autre part de fixer la parole donnée dans le cas d'accords (en effet, on a d'abord des inventaires puis des "contrats").
Et ce qui est marrant dans l'action de marquer la parole de "Dieu", c'est précisément qu'on s'y prend dans une forme proche de ces procédés connus depuis Sumer : comme un acte "notarié", un engagement, une liste de "chose".
Par conséquent, plutôt qu'une théologie propres aux religions du livre qui mettrait en évidence un écrasement de quoi que ce soit, ou l'usage abusif de plante hallucinogène (hum !), moi je pense que la "parole divine" est en fait fixée de la manière la plus banale qui soit pour l'époque dans un certain milieu. Un tel à dit ceci, un tel à fait ça, et un tel a promis machin, et truc a ordonné ceci… Je parle bien sûr des textes les plus anciens, pas de la science fiction d'après le IIème siècle.
2005-01-12 05:24:30 de Acheron

Tiens rien à voir mais génial le dernier albume de Rammstein : Reise, Reise
Peut-être leur meilleur album. "Épais", lui-aussi, et lourd.
et un des titres : Amerika
We're all living in Amerika
Amerika ist wunderbar
We're all living in Amerika
Amerika, Amerika
Wenn getanzt wird will ich führen
auch wenn ihr euch alleine dreht
Lasst euch ein wenig kontrollieren
Ich zeige euch wie es richtig geht
Wir bilden einen lieben Reigen
Die Freiheit spielt auf allen Geigen
Musik kommt aus dem Weißen Haus
und vor Paris steht Micky Maus
We're all living in Amerika
Amerika ist wunderbar
We're all living in Amerika
Amerika, Amerika
Ich kenne Schritte die sehr nützen
und werde euch vor Fehltritt schützen
Und wer nicht tanzen will am Schluss
weiß noch nicht dass er tanzen muss
Wir bilden einen lieben Reigen
Ich werde euch die Richtung zeigen
Nach Afrika kommt Santa Claus
und vor Paris steht Micky Maus
We're all living in Amerika
Amerika ist wunderbar
We're all living in Amerika
Amerika, Amerika
We're all living in Amerika
Coca-Cola, Wonderbra
We're all living in Amerika
Amerika, Amerika
This is not a love song
This is not a love song
I don't sing my mother tongue
No, this is not a love song
We're all living in Amerika
Amerika ist wunderbar
We're all living in Amerika
Amerika, Amerika
We're all living in Amerika
Coca-Cola, sometimes war
We're all living in Amerika
Amerika, Amerika
2005-01-12 05:28:05 de Acheron

Tu fais bien, Acheron, de mentionner ce type d'exemple, qui illustre parfaitement le parler réfléchi, muri, comme un texte, ce qu'il est aussi puisqu'on le compose à la fois par écrit et par oral, et que, comme un texte, on teste, on reformule, et enfin on chante et on publie — simultanément.
Bien sûr, je ne parle pas des chansons d'amour, mais de la chanson comme support — au niveau qui est le sien — d'une pensée, d'une réflexion, d'un avis sur une question. Comme sait l'être (je préfère écrire ainsi, plutôt que noter "l'est") l'écrit.
La chanson est tout sauf de l'oralité sûre de soi et caractérisable par son "immédiateté" ; elle pourrait difficilement être opposée à l'écrit, qui en est une partie fondamentale, inaliénable.
N'est-ce pas une illustration parfaite du tressage entre oralité et écrit, donc parlait Berlol ?
2005-01-13 01:40:14 de Arnaud

Bonne illustration du tressage, en effet.
Ai écouté le fichier qu'Arnaud m'a envoyé. C'est pas mal !
Je signale que l'antépénultième quatrain est une citation de P.I.L.
(Cf. http://www.lyricscafe.com/n/nouvelle_vague/005.htm)
(Cf. http://www.fluctuat.net/musique/paris99/bacs/rock/pil.htm)
A+
2005-01-13 02:45:10 de Berlol

Berlol, merci pour l'information.
Ce groupe est intéressant, peu être différent de MuGa, mais après coup, en voyant Acheron le mentionner, je me suis dit que ça devrait peut-être bien te plaire. Je te ferai écouter en détail tantôt.
2005-01-13 09:30:10 de Arnaud

Rammstein est grand. Et en concert, c'est grandiose visiblement. J'ai les DVD, pour ceux que ça intéresserait.
Sur leur dernier album, une autre chanson, Moscau, est également excellente.
Berlol, utilises-tu toujours ton adresse Gmail ? : )
2005-01-13 11:15:45 de Acheron

Yes, of course ! que j'utilise Gmail !
2005-01-13 11:35:19 de Berlol


Mercredi 12 janvier 2005. Sécurisants microcosmes de la parole connivente.

Ce matin, quand j'arrive au bureau, à 8h11, il y a, parmi les courriels, un message perso de Michaël Ferrier et, allumant les hauts-parleurs reliés à l'ordinateur, j'entends le même Michaël en train de parler de Tokyo, petits portraits de l'aube avec Alain Veinstein. Étonnant, non ?

Les deux derniers cours passent très vite. Il y a de l'excitation dans l'air. Les questions, les rires fusent comme rarement. Les étudiants veulent savoir ce qu'il y aura à peu près dans les examens qui auront lieu dans deux semaines. Comme à la boulangerie, quand on voulait voir le contenu des pochettes-surprise. Comme ces fukubukuros empilés par dizaine à côté d'une vitrine qui montre le contenu alléchant d'un d'entre eux, sans garantir qu'ils seront tous pareils...

Déjeuner avec David et JFM. La petite heure de détente. Quelques mauvais jeux de mots pour commenter notre matinée, quelques références littéraires ou musicales ici ou là. Sécurisant microcosme de la parole connivente. En oublierions presque que nous sommes mortels. Mais ces intersections de nos bulles font tellement de bien !
Et puis on y retourne : travail au bureau, courrier à trier, deux réunions. Finalement, pas le temps d'aller au sport. Ça sera pour demain !

« J'ai fait le brouillon d'une lettre à Annette où, une fois de plus, je fais allusion à "ce cher Butor", comme il est maintenant d'usage entre les Lindon et nous depuis quelque temps déjà. C'est un gag inépuisable qui nous amuse toujours autant. Les exégètes, s'il s'en trouve plus tard, auront bien du mal à savoir où Butor résidait l'été 1959. On soigne suffisamment bien le mythe pour faire illusion.» (Catherine Robbe-Grillet, Jeune Mariée - Journal, 1957-1962, Fayard, p. 210)


Jeudi 13 janvier 2005. Le langage tresse traces, sons et nous fonde.

On se rappellera (ou on reli(e)ra) que j'ai maintes fois pesté contre le silence réticulaire, contre la paradoxale faiblesse réticulatoire dans les blogs qui prétendent parler de littérature et qui ne montrent souvent que « l'extraordinaire fond narcissique de notre temps », selon Michaël Ferrier. J'ajouterai que beaucoup sont encore dans l'addiction du papier, du livre et de la reconnaissance que ces supports procurent à leur orgueil quand leur nom y figure (quand ce n'est pas des pépettes), qu'ils répugnent à galvauder de surcroît leur talent en pure perte. Comme dit ma mère (que l'amour aveugle), je devais être trop en avance... Car ça commence à exister, tout ça. Il suffit de voir, par exemple dans mon JLR, la nébuleuse de commentaires croisés et élaborés qui se forme ces jours-ci en réaction à une opinion en théorie légitime mais en fait incompréhensible du dénommé Sans. Première réaction, déjà signalée : la bédé truquée de Jean-Claude Bourdais — géniale ! (Voir sitation ci-contre, comme il dit.) Seconde réaction, la mise au point Écriture/Parole selon Derrida sur le blog d'Au Fil de l'O — gros boulot !

Mais tout cela, est-ce de l'écriture, est-ce de la parole ? Ne sommes-nous pas en train de nous parler en nous écrivant, voire en nous dessinant ? Et d'être lus par d'autres qui nous lisent comme si on se parlait... Ce faisant, c'est-à-dire, pendant que nous nous parlons de cette façon écrite ou dessinée, ne sommes-nous pas en train de nous écrire, de faire implicitement des bouts nos portraits, de fixer un nous à la fois distinct et inclus dans une communauté quasi invisible, de fixer une trace sous forme d'instantanés successifs de nos pensées et positions — trace qui restera, sait-on jamais, dans les siècles des siècles pour la mémoire collective du XXVe siècle ?
Et de nos dispositions à faire tout cela — quand on a le courage, la rage, le temps, l'inconscience de le faire — que faut-il penser ? (Je reprends un quatrième calisson parce que le sucre est bon pour le cerveau... Faut dire que ceux que David m'a ramenés d'Aix, de La Cure gourmande, sont les meilleurs que j'aie jamais dégustés !) Comme je l'écrivais ce matin en commentaire des SeuilsEtChantiers de la veille, je trouve très juste l'analyse des concepts derridéens mais je ressens un manque. Il y a comme des pièces détachées posées sur une paillasse et je ne vois pas comment la machine fonctionne ni l'énergie qui l'alimente. Or il y a bien évidemment des bribes de notice sur le montage et l'alimentation dans l'œuvre complet de Derrida... N'ayant pas le temps d'y aller voir, je rentre à la Meschon où je dispose de mon « simplissime nous qui nous lie », qu'il soit considéré en amont par l'intentionnalité ou en aval par la connivence — le tout, œuvre de Derrida incluse, supposant présentes des deux côtés les compétences linguistique et discursive.
Réglons tout de suite ce dernier problème : sans compétences linguistique et discursive existantes des deux côtés de l'échange langagier, qu'il soit visible, auditif, tactile ou olfactif, il n'y aura que quiproquo, frustration ou fantasme.

Revenons maintenant au sujet. Qu'on prenne par l'ontologie (l'individu) ou par la phylologie (l'espèce), le langage tresse traces, sons et nous fonde. Le langage nous permet d'accumuler du palpable visible et de l'impalpable audible dans des engrammes neuronaux — en même temps que le langage EST cet ensemble d'engrammes. Chercher l'antériorité de l'un sur l'autre, écrit avant parole, parole avant écrit, c'est comme œuf et poule (que l'enfant entende puis parle avant d'écrire est une vision externe du phénomène langagier ; en fait, dès le début, il écrit en lui ce qu'il perçoit et qui l'écrit pour fonder son identité en créant son langage propre).
Mais tout cela n'existe que parce que nous sommes de ceux qui veulent extérioriser quelque chose, que ce soit pour le mettre dans un coin caché de tous ou pour le montrer tout de suite à quelqu'un d'autre (avec toutes sortes de modalités intermédiaires) — intentionnalité —, et nous devons trouver ceux qui veulent et peuvent recevoir au mieux ce que nous extériorisons — connivence.
Il y a donc cinq éléments : le langage lui-même (même si je ne sais pas ce que c'est) en tant qu'il est disponible quelque part en moi, le quelque chose qui est tout ou partie (je ne sais pas) fait de langage, l'expression et la réception du quelque chose (qui ne peuvent pas ne pas être faits de langage), et le au mieux que j'appelle la connivence et qui est bien sûr une modalité du langage. Il n'y a donc QUE DU LANGAGE (ou presque ?), mais qui se manifeste à nous de plusieurs manières :
  • un stock de langage disponible parce que reçu et appris (engrammé)
  • un objet issu de soi ou du monde
  • un acte d'extériorisation d'une formulation de l'objet
  • un acte d'intériorisation d'une perception de la formulation de l'objet
  • une possibilité, formulation et perception réussissant à être assez proches, que la perception par l'un de la formulation bien perçue par l'autre et réciproquement entraîne une résonance du sens que l'on identifie généralement comme une forme de plaisir, de bien-être-ensemble, voire de sécurité.
La connivence apparaît ici comme l'aspect suprême du langage, la prime. Certains y trouveront sans doute à redire (qu'ils le disent !). Dans mon envoi d'hier, j'ai évoqué deux situations de connivence réussie, à l'oral pendant le déjeuner, à l'écrit entre les Lindon et les Robbe-Grillet. En revanche, le (ou la) dénommé(e) Sans illustre le cas d'une connivence finalement impossible.
À tout cela, il faut, chaque fois, un lieu, un lieu où ça se produise, qu'il soit réel ou virtuel. La définition du lieu de l'échange langagier connivent, c'était en partie le sujet de mon ouvrage : Les salons littéraires sont dans l'internet...
J'ai bouclé la boucle. Je vais peut-être m'arrêter là. Et puis, c'est l'heure du dîner. En tout cas, ça faisait longtemps que j'essayais de dire-écrire quelque chose comme ça... Même si c'est pas parfait.



Pas toujours facile les arcanes dérridéennes...
J’ai fait un copier/coller de l’intervention d’Au fil de l’O.
Et puis je me suis souvenu d’un chercheur brésilien qui, sur Litor, quêtait entre les oralités antiques et la naissance des écritures. Je lisais alors “Une voix venue d’ailleurs” de Blanchot. Il évoque à propos de la “Bête de Lascaux” de René Char, Socrate parlant (!) à travers l’écrit (!) de Platon, du “doute qu’a pu faire naître, quels problèmes a suscité l’usage nouveau de la communication écrite”.
Je lui ai proposé d’aller faire un tour de ce côté.
Quand l’homme a quitté le dénombrement et les listes de ses terres, de ses moissons pour tracer/tresser sa pensée, où était-il déjà entre :
•Héraclite : “Le maître dont l’oracle est à Delphes, ni ne dit, ni ne cache, mais signifie.”
et
•René Char : “Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux. “
Où sommes-nous encore entre ces paroles proférées que nous tentons de maîtriser et cet artisanat qui nécessite de nous attention et labeur ?
2005-01-13 19:09:30 de Grapheus

"Pulsion" ou "Poussée" à aborder votre questionnement et vos pistes d'énonciation avec mes lunettes trempées dans quelques potions psy. Ne vous inquiétez pas… ce n’est pas la « trempette » du film Roger Rabbit…
Je voudrais rappeler tout d’abord que « le miroir sonore précède le miroir visuel » ( Didier ANZIEU ?) , je transpose et c’est un lieu commun en « la parole précède l’écrit « …..
Jusqu’à plus ample informé sur nos « engrammages « métaboliques, nous savons que la construction de nos capacités langagières est à la fois universelle et unique. Voir aussi du côté de Piera AULAGNIER dans « La violence de l’interprétation »…
Il est assez fascinant voire vertigineux de penser l’idée qu’aucune des combinaisons de potentiel langagier que nous utilisons n’a de gémellité possible dans l’univers… même chez les jumeaux monozygotes il n’y a pas de conformité absolue possible. Est-ce à dire que sera voué à l’échec tout ce que nous tentons de faire pour parvenir à échanger ,par exemple des pensées sur DERRIDA ? Est-ce à dire que cela ne peut converger de façon constructive qu’à la condition que nous le décidions consciemment et de façon forcément parcellaire et réductrice ? On va parler de ceci et pas de cela . Il peut y avoir nécessité de préalables, de pré-requis cognitifs sur « le sujet » sinon l’écueil est inévitable .
Avez-vous remarqué à quel point les grands penseurs sont seuls à penser ce qu’ils pensent ? Et cela même s’ils ont intégré une multitude d’apports pour construire leur « discours » ?
Lorsqu’on cherche à couper court dans les velléités de discussion parmi les membres d’un forum anonyme en introduisant un discours expert, un discours de spécialiste l’effet de relance est immédiat . Il y a de réels bénéfices secondaires ( narcissiques) à mesurer sa pensée à une autre, ou à s’en croire capables ( « Seigneur je ne suis pas digne mais dis une parole et je serai guéri « ) je pense soudainement à ce jeu de foire où il s’agit de taper très fort avec un gant de boxe sur un piston pour faire monter le « viriloscillodynamomètre… »Ca amuse un moment…Soit ! Après chacun repart de son côté…
Si je reprends cette anecdote du « sans » internaute, je pourrais lui attribuer le rôle du joueur qui n’accepte pas la consigne du jeu, soit par ce qu’il ne sait pas jouer, soit parce qu’il refuse de jouer pour des raisons non explicitées. C’est son droit et n’importe lequel ou laquelle d’entre-nous peut jouer ce scénario à un moment ou à un autre. Les blogs permettent le fameux mécanisme de défense psychologique « attaque-fuite », quel bénéfice en est retiré ? Là aussi les réponses sont subjectives. Je fais le pari que les questions correspondantes ne sont quasiment jamais posées par ceux qui les induisent… Nous sommes inégaux devant la parole qu’elle soit orale ou écrite. L’expression « Prendre » la parole indique bien qu’il n’est pas naturel du tout qu’on se la donne à soi ou mutuellement…
Le don de parole, à qui appartient-il ? La « profération » est-elle à tout coup une exclusivité et l’objet d’une rivalité ? Quels sont les ingrédients d’un échange ? Bernard Noël, à propos de poésie parle de la distinction à faire entre « l’« effusion « et « l’articulation »… Peut-on, doit-on … parler à n’importe qui et de n’importe quoi ?
Ce qui m’intéresse dans ces mouvements internautiques c’est la possibilité de circuler… de sortir des sentiers battus aériens sans autorisation … j’arrive, je me pose, je me repose un moment, j’observe, je réfléchis, je réagis, je me tais, je m’étonne, je m’amuse, je m’agace, je m ‘énerve, je me calme, je réfléchis, je repars d’un pas tranquille…je reviendrai si ça me chante, sauf si la maison n’existe plus ou que la porte est fermée… J’ai appris des tas de choses y compris sur mes propres capacités d’expression écrite…Tout se passe sans bruit, sans fureur… le clapotis du clavier me berce… Je suis contente de mes rencontres « virtuelles », certaines sont devenues concrètes et elles ont une profondeur que je n’aurais jamais imaginée possible avec des inconnus auparavant. A l’écrit on trace un sillon très visible et la plupart du temps mémorable même s’il est recouvert… les maladresses en font partie…
Je voulais aussi vous parler du statut de « l’objet » selon Serge Tisseron mais ce sera pour une autre note…
2005-01-13 20:42:33 de Marie.Pool

A part la question de la trace (et qu'on peut pourquoi pas appeler écriture) en nous que fait le langage - ce que tu expliques très bien - ce débat écriture/parole me laisse perplexe. Le point de vue linguistique m'en dit plus que le philosophique : la linguistique dit aussi bien, sinon mieux, que langages parlé et écrit sont distincts : l'écriture n'est pas parole, est différente du langage parlé, ce qui n'empêche pas que chacun agit sur l'autre.
C'est pourquoi je préfère Derrida quand il travaille la langue d'Artaud au corps. Puisque je l'évoque, c'est Artaud, inscrit en moi, qui a à redire sur cette connivence :
"Tout vrai langage
est incompréhensible,
comme la claque
du claque-dents ;
ou le claque (bordel)
du fémur à dents (en sang)." (in Ci-gît, 1948).
Mais, après tout, on peut prendre du plaisir à n'y rien comprendre, ça peut faire écho de n'y rien entendre, plus que de trop saisir (de la parole ou de l'écrit comme muzzak).
Ecriture ou parole ? Ce que tu écris est parole parce (tu sais) qu'il est lu, et qu'il y a réaction et (semblant de) dialogue ("qu'ils le disent !"). Plus j'écris, ici et maintenant, plus je me rends compte que la parole y est devenue secondaire. C'est à moi que je parle, que j'explique. Occupé à formuler, formaliser pour être en accord avec une ombre de pensée. Quelquefois, la parole c'est pareil. On se fout de la réception, du moment que ça nous convient. C'est peut-être l'effet de l'écrit sur la parole. (Jack Goody in La Raison graphique : "Certains individus passent plus de temps à lire et à écrire qu'à parler. Mis à part les effets que cela peut avoir sur leur personnalité (un tel abandon au dialogue perpétuel avec soi-même doit bien influencer d'une manière ou d'une autre le psychisme), quels effets cela a-t-il sur le langage ?"). Quelquefois j'aime être confus, brouillon (hier non). L
2005-01-13 22:10:27 de Bartlebooth

(oups) La lecture de la littérature fragmentaire influe-t-elle sur ma parole.
Je suis allé relire le poème et je me suis encore interrogé : pourquoi ce poème dédié à celui qui méprise tant la poésie (sauf la sienne) ? tu penses quoi de ce que dit la châtaigne de Maulpoix (http://www.maulpoix.net/Meschonnic.html) ? est-il plus excusable que Forest de massacrer autant (combien !) de noms ? tu as vraiment aimé sa Célébration (?) de la poésie, tu le conseillerais comment ? n'est-il pas trop méprisant pour être ami (je me souviens de son air suffisant, à une conférence, à la seule évocation d'Anne-Marie Albiach et de quelques autres noms, tous balayés d'un revers de main, et d'une phrase assassine mais sans consistance) ? il parait qu'il a de l'humour, sa Célébration en est-elle une forme, si oui laquelle ?
2005-01-13 22:24:19 de Bartlebooth

Merci de ces apports, de ces pistes supplémentaires qui s'ouvrent. Je craignais de passer pour ridicule... mais bon, je m'étais lancé...
En ce qui concerne Meschonnic, pour répondre à Bartlebooth, je le connais bien et suis allé participer au colloque de Cerisy qui lui était consacré en 2002. Ses travaux sur près de 40 ans sont importants pour diverses disciplines. Personne ne peut lui retirer cela. Cependant, je ne comprends pas, je le dis dans mon poème, les querelles des savants ou des poètes qui s'originent souvent dans d'anciennes mesquineries n'ayant rien de scientifique ni de littéraire. Avec "Célébration de la poésie", je me suis quand même pas mal amusé... À force de garder les poètes dans la ouate des espèces en voie de disparition, on oublie de dire qu'il y en a de très mauvais, des moyens, etc., que les egos des uns et des autres sont parfois plus enflés que les chevilles de Meschonnic. Évidemment, dès qu'il y a un pavé dans la mare, tout le monde se rue sur le lanceur, oubliant que c'est à cause de l'immonde consensus que tout le monde s'ennuyait.
2005-01-15 17:02:03 de Berlol


Vendredi 14 janvier 2005. Gagner du cœur au change.

Matinée au bureau (courrier). Déjeuner avec David (tonkatsu-ya). Shinkansen pour Tokyo, dormant et lisant Segalen...

« Avez-vous remarqué comme la route sonnait creux ?
— Non... Ah ! oui, peut-être... C'est un égout du Palais...
— Un égout... ou un aqueduc ? Au fait, par où les eaux des trois lacs entrent-elles au Palais ?
Il n'en sait rien. Il ne sait rien du Palais, sauf tout ce que "les gens" en connaissent... l'extérieur, le crépissage. Je lui propose de rentrer avec moi.
— Par le Nord ?
— Par le Nord, si c'est possible.
je me suis perdu une ou deux fois sans arriver à contourner le ras des remparts.
— C'est possible. Excusez-moi...
Il passe devant et s'engage dans un lacis de ruelles. Voilà que le mur se poursuit de tout près ; avec des à-coups ; — on le perd, on le rattrape, on s'en écarte, on le rejoint à travers des places vagues encombrées de fumiers et d'enfants. L'itinéraire que je croyais constant à angles droits dans la grande Ville échiquière, prend le dessin d'une marche du cavalier.»
(Victor Segalen, René Leys, p. 58)

Une case à droite, deux cases à gauche et j'arrive juste à 17 heures pour faire la queue — y'a foule ! — à l'Institut et avoir un ticket pour voir L'Intrus et Claire Denis, ce soir avec Kurosawa Kiyoshi et Jean-Michel Frodon pour débat ultérieur. Inspirée des réflexions de Jean-Luc Nancy après sa transplantation cardiaque (dans L'Intrus, Galilée, 2000), Claire Denis a réussi un film fort et quelque peu déroutant. Le sens ne se donne pas sans effort de la part du spectateur. Pour moi qui n'avais pas apprécié Trouble Everyday, fors la musique, car il m'imposait une vision de la maladie empreinte de complaisance déviante, je vois l'intensité qui parcourt L'Intrus comme une forme lyrique cette fois pleinement justifiée par la totale transfiguration du personnage principal. J'ai aussi été très heureux de (re)voir jouer Michel Subor, qui était, jeune, dans Le petit Soldat de Godard (1960) et, toujours excellent mais âgé, dans Sauvage Innocence, film bouleversant de Philippe Garrel (2001), aux côtés de Mehdi Belhaj Kacem, lui aussi sublime.

Fort de ce nouveau cœur, je m'éclipse au début du débat pour aller dîner avec T. et préparer le cours de demain matin. Elle a vécu une tout autre journée qui vient de s'achever par un décevant entretien avec son avocat. Il lui conseille d'entamer au plus vite et parallèlement deux procès contre ses sœurs... mais pas avec lui comme avocat.
Euh... répète-moi ça, un peu... C'est ça ou la misère dans moins de six mois. Passe le spectre de la misère.


Samedi 15 janvier 2005. Notre regard trop docile.

Ricanant squelette qui nous chante la misère sur sa gratte électrique pendant que le fisc et les créanciers envoient l'ange huissier qui nous menace d'une brûlante épée de factures —

Je me lève tout embué de ce faux rêve — pensée obsédante dont je cherche la faille

Pluie froide et grisâtre qui ne cesse jamais — même pas la beauté d'une neige d'un jour

Nous cherchons l'issue du labyrinthe — mais y en a-t-il un ? Ou n'est-ce qu'une illusion macabre qui a été imposée à notre regard trop docile —

Dans telle situation, expliquer Segalen m'est un baume — cheval quittant l'échiquier — et puis je me revois sur le lac Beihai gelé...

Mystification, intimidation, manipulation — mais faiblesse du manipulateur comme des autres — chercher la faille

Grand calme après le troisième chapitre — même plus envie de participer à la folie collective que déclenchent les deux films d'Assayas projetés aujourd'hui —

Nous allons voir au Saint-Martin, sous la pluie toujours, s'il y a un manteau à partager — terrine de shimonita et poulet-frites — joie de vivre ou illusion du bordeaux ?

Quelques heures plus tard, un ami, psychiatre de surcroît — nous propose d'autres lunettes, comme dans Cléo de 5 à 7 (1962) où Varda incluait son court-métrage Les Fiancés du pont Mac Donald (1961) — on les essaie...

Et la vie continue — un meuble de chevet arrive, commandé voilà deux semaines — un vieil ordinateur part pour être recyclé à Nagoya — faisons des courses à Kagurazaka, toujours sous la pluie froide — à la télé japonaise, ce soir, Ocean's Eleven, pour bien nous faire comprendre qu'Ocean's Twelve arrive en salles — ça nous va, ce soir, cette distraction-là — et lire, pour finir.



L'issue du labyrinthe ?
J’en suis encore, en débutant du blogue, à éprouver beaucoup de chaleur à la lecture des commentaires qui me sont offerts. Merci donc.
Rapacité ? il est possible de lutter. Bêtise ? complètement désarmé et plus écœuré encore !
Vous me faites reposer Guyotat sur la table de lecture.
Lecture dans l’insoutenable et cependant quelle justesse : à la fois par le recours au quotidien le plus banal et par un surgissement de nos monstres les plus nocturnes, dans une “logorrhée” - au sens étymologique - qui peut nous submerger, lui et nous.
En décembre 2003, pour la sortie en Folio de “Vivre”, Kéchichian le citait parlant de Sa peur : “... J’ai peur, mais cela depuis toujours, j’ai peur pour les autres. Peur pour leur sécurité.”
À réécouter sa lecture publique de “Progénitures”. Lira-t-il à Tokyo ?
Étonnante aussi cette dédicace du “Tombeau pour cinq cent mille soldats” à son oncle (!) mort en 1943 à Orianienburg par laquelle il lie et les camps d’extermination et la guerre d’Algérie. Stupéfiant raccourci que je me prends en pleine gueule.
Quand je pense que le “Tombeau” n’est même pas cité dans la bibliographie du monument que prétend être - qu’est d’ailleurs - le “Guerre d’Algérie” de Harbi et de Stora. On a peu écrit, à peine mentionné “les Feuillets d’Hypnos”, quand il est question de la Résistance.
Quand les historiens ne maîtrisent point les typologies littéraires, préféreraient-ils faire silence ?
Bon vent à vous !
2005-01-16 16:25:39 de Grapheus tis

Oui, je pense qu'il lira à Tokyo. Le voyage se prépare actuellement et je n'en connais pas les détails...
Il y avait aussi sur France Culture il y a quelques jours une rediffusion d'une lecture de Charlotte Delbo ainsi que, samedi dernier, rediffusion d'une émission sur Robert Antelme (dans Radio Libre). Ma crainte, c'est que "trop" de commémorations entraîne un ras-le-bol d'une grande quantité de gens habitués à consommer de l'événementiel sans trop comprendre le fond (ou ne voulant pas le comprendre).
2005-01-17 03:13:23 de Berlol


Dimanche 16 janvier 2005. Notre musique, non. Le Château ambulant, oui !

Il y a 330 ans, naissait le duc de Saint-Simon... Lecture toujours fraîche de celui dont j'ai cru apercevoir le nom sur la tranche d'un livre dessiné chez JCB, chez qui se continue, rhizomant, le débat sur la langue, comme d'avant hier à aujourd'hui chez Bartlebooth.
Laissez pousser !

Pluie froide continue... Beurk... Pour veiller sur T., en petite forme ce matin, je renonce sans difficulté au ping-pong. J'en préviens les amis, qui n'ont aucun mal à trouver autre chose à faire. Par ce temps, rien de plus normal !

Matinal, Katsunori fait la queue à l'Institut, depuis 9 heures, je crois ; il essaie d'avoir une place pour le film de Godard (Notre Musique) qui passera à 17 heures. La folie continue à l'IFJT où l'on n'a (sciemment ?) prévu qu'une seule séance !...
J'espère que le week-end prochain sera plus calme. J'aimerais bien voir Les naufragés de l'Île de la Tortue (1976) de Jacques Rozier... Il n'est jamais trop tard : j'ai vu Adieu Philippine (1961) il y a moins de deux ans...

On se décide quand même à sortir après que T. a réservé et payé par internet deux places au cinéma de Roppongi pour Le Château ambulant (Howl's moving Castle, ハウルの動く城) de Miyazaki Hayao. toujours génial, cet homme, et humaniste.
La pluie s'est arrêtée, il fait moins froid. Sortie de tunnel ? On mange une soupe de ramen vers neuf heures et demie et on rentre tranquillement pour lire-écrire jusqu'à une heure du matin.



Cher Berlol
Hier,finalement j’ai renoncé le film de Godard.Trop de monde m’a découragé…
J’aimerais voir “Super size me” réalisé par Morgan Supurlock. ( japon http://www.supersizeme.jp/ etats-unis http://www.supersizeme.com/).
A bientôt.
2005-01-17 06:24:41 de Katsu

Zannen desu ne ! (Dommage, hein !)
Je me demande bien pourquoi on a fait cet entonnoir avec une seule séance ! Un problème de droits, peut-être ?
Wakaran (je n'en sais rien).
2005-01-17 07:31:57 de Berlol


Lundi 17 janvier 2005. Ces arduments nous ont mis en abétit.

Le soleil revient en force et éclaire les deux citrons encore sur la branche. On a cueilli le troisième la semaine dernière et il avait très bon jus. Dans la matinée, je retouche la page d'hier, ajoutant deux liens Gallica pour lire Saint-Simon et une photo de manuscrit.

« Ce grand jour qui s'opalise avec douceur à travers le papier translucide de ma maison sans fenêtre, et si doucement lumineuse, — me dépouille et me lave de mes rêveries d'hier. Ce grand jour est plus distant d'hier et de cette nuit qu'un lendemain n'est obligé de l'être.» (Victor Segalen, René Leys, p. 64)

Ce grand jour, c'est surtout celui de la reprise du GRAAL. François Bizet partage ma place de meneur de revue (!) pour un mois et pour travailler sur Progénitures de Pierre Guyotat. Le toast d'ouverture est porté avec un vin de cerise de Turquie. Panachant lecture des premiers paragraphes et chevauchée à travers l'œuvre guyotienne depuis une quarantaine d'années (ce que fait aussi ici magistralement Dominique Dussidour), nous tournicotons, interrompant François autant que nous pouvons de questions taquines, autour des concepts d'opacité et de compacité du texte.
Ces deux écueils où s'échouent la plupart des lecteurs de mauvaise volonté, nous les transformons en plongeoirs, avec l'aide de quelques commentateurs, dont l'héroïque Éric Hoppenot qui mit les pieds dans le plat en disant haut et fort que l'illisibilité n'était pas une cause de rejet mais une condition de départ pour un jour peut-être le lire...

« Le monde putain, le monde carnavalesque est donc essentiellement polyphonique, polyphonique jusqu’à la saturation du sens, polyphonique jusqu’à l’indiscernable, jusqu’à l’illisible. La langue n’est évidemment pas la seule à être affectée par cette carnavalesisation (si j’ose dire) de l’épique, la mimesis, elle-même, d’une certaine manière n’a plus lieu d’être.» (Éric Hoppenot, « Et Pierre Guyotina lal'angue..., chronique d'une absence de lecture », in Stratégies de l'illisible, colloque du GRES, Barcelone, juin 2003, p. 5)

Bel exercice oratoire ou façon de se défiler ? Le commentaire de Bartlebooth, en fin de l'édition blog de l'article, récuse cet accroissement de l'illisibilité...
À quoi j'ajouterai qu'il ne faut surtout pas postuler l'existence d'un lecteur pour lequel la lecture de Guyotat serait d'emblée facile, idée qui permettrait de proroger le fantasme aristocratique d'une caste de bons lecteurs, face à des lobotomisés qu'ébahissent les prix littéraires. Non : devant le texte de Guyotat, tout le monde est nu et doit reconquérir son droit de lire. Malheureusement, ni Éric ni François n'ont dit, pour l'instant, si le livre de Guyotat a une diégèse — et laquelle...
Pour les deux nouvelles participantes, Karine et Daniella, la quête du Graal commence rudement. Espérons qu'elles s'accrocheront. Cela leur permettra, en mai, de déguyoter en public avec aisance et doigté. Et puis, avec Alain Fleischer en février et peut-être Le Clézio ou Modiano en mai et juin, on va vers plus de lisibilité. Les jours rallongent — et un nom en « O », c'est bien pour le printemps !

Ces arduments nous ont mis en abétit, on se rendonc au Marché aux puces, restaurant français bien connu du quartier d'Ebisu (excusez ces petits guyotements dans matex tu alitais, et le bordeaux goulait y'a flot). Je ne sais comment, d'une conversation sérieuse, on en est arrivé, consternation !, au défi lancé par Michaël et relayé par Bill que je ne pourrais pas écrire dans mon journal d'aujourd'hui ceci que je venais de dire : « Après chaque party, il y a une partouze » (en voulant expliquer pourquoi les enfants des familles royales et princières d'Albion ne sont pas toujours ceux des personnes que l'on croit et n'ont pas toujours le comportement que l'on attendrait d'eux...).
Bon voilà, je l'ai écrit.
Il faudrait par ailleurs — je lance un appel — que tous les aficionados des cours de Michaël à l'Institut se liguent pour le prier de reprendre sa chaire. Il hésite...



Cher Berlol,
Comme je crois imaginer savoir à qui tu penses quand tu parles d'Albion, j'ai une petite question : est-ce que ta formule sous-entendrait que le fait qu'il ne soit pas le fils de son père entraîne le fait qu'il agisse comme il fait ?? Y aurait-il un essentialisme ou une consubstantialité ?
Bon, allez, je te taquine....
2005-01-17 18:52:22 de Au fil de l'O.

rien à voir avec blog
The SMTP Server program
: host mail.inter.net[203.176.60.150] said: 550-Blocked - see
http://www.spamcop.net/bl.shtml?193.252.22.23 550 mail from 193.252.22.23
rejected: administrative prohibition (host is blacklisted) (in reply to
RCPT TO command)
3 refus cet aprem (14h/ 16h, 19h) sur ton adresse...
F
2005-01-17 19:54:17 de FBon

Ça y est, ça remarche, U-blog ?! Ce matin, c'était bloqué pendant au moins 5 heures... Sur site perso, j'ai installé le JLR avec cadres, en test.
Quant au courriel, François, je ne vois pas de quoi il s'agit. Sans doute un problème temporaire, je vais essayer de t'envoyer un message... Par contre, j'ai reçu tout à l'heure un courriel de JCB. A suivre.
Sur Albion, ça venait surtout du bordeaux... et c'était aussi pour taquiner Bill qui affectionne les têtes couronnées.
2005-01-18 06:56:20 de Berlol

Sorry, poor Bikun... J'ai retiré ton commentaire parce qu'il ne vaut mieux pas écrire les adresses mail dans les blogs, vu que c'est les premiers trucs que les moteurs pompent et qu'après on se retrouve avec tout plein de pubs indésirables (pour des prêts, des médicaments, des filles, etc.).
T'inquiète pas, FB connaît mes adresses...
En tout cas, c'était sympa de voir ta frimousse graphique...
2005-01-18 08:48:02 de Berlol


Mardi 18 janvier 2005. La béance du parme.

Travaux d'intérieur de la version mensuelle de ce journal. Je me souviens avoir, sur de vrais murs, étalé cette couleur. Une laque brillante, parme. Il doit y avoir presque vingt ans. Je scrute le coloris. Son pigment s'ouvre, me fait revenir toute la maison, une autre compagne, un paysage urbain avec la grande cheminée d'un incinérateur, son panache de fumée à l'orientation variable, les rues d'Ivry, un centre commercial, la côte vers le métro, la rue pavée jusqu'à la Porte de Vitry pour attraper le 27...
Je ne sais pas encore si je pourrai laisser là longtemps cette béance du parme. Si j'arriverai à le ramener dans le présent. Je ne regrette pas spécialement mon passé, loin de là, mais peut-on ainsi se laisser tirer par la manche en arrière à chaque regard ?

C'est l'indisponibilité du site U-blog — j'allais écrire l'indisposition : Monsieur U-blog a peut-être eu une gastro, ou il a fait sauter le disjoncteur en chauffant trop...  — bref, l'indisponibilité de U-blog pendant une bonne partie de la journée qui m'a donné l'idée de ce petit coup de peinture.

J'ai un peu écouté Paul Léautaud, justement né un 18 janvier (1872), dans les entretiens rediffusés ces jours-ci sur la radio web Les Chemins de la connaissance. J'ai bien aimé Le Petit Ami et des bouts de correspondance, lus il y a une petite dizaine d'années, mais je n'arrive pas à apprécier ces entretiens. Quelque chose de goguenard, d'impulsif et de ridicule, repoussant les questions par esprit de contradiction pour y répondre après, se contredisant, etc. Robert Mallet avait bien du mérite !
C'est aussi le jour de naissance de Gilles Deleuze, qui n'a pas eu 80 ans aujourd'hui.

Je n'ai rien fait de notable, au sens propre, plans des cours, quelques courses. Même pas eu le temps de lire. En fin d'après-midi, un peu de détente avec un DVD : Rififi à Tokyo (1962).
Un film moyen. Quelques bribes de dialogues font un peu comme de l'Audiard mais sans truculence, sans panache de la part des acteurs, non plus. Par contre, la façon de filmer Tokyo n'a rien de spectaculaire, ne cherche pas à faire exotique : quelques scènes d'intérieur ozuesques, des extérieurs volontiers mal cadrés, utilitaires. Le Tokyo de l'époque apparaît, sans ostentation, comme pragmatique, souvent grisâtre de pollution, avec des rues en terre, des tramways, des gens qui vont et viennent, à peine hostiles devant l'étranger, plutôt indifférents, sauf une bande de malfrats qui en veulent à notre bande de cambrioleurs occidentaux, mais on ne sait pas pourquoi. La banque où le casse doit avoir lieu est bien sûr ultramoderne ; on a suivi dès le début le diamantaire hautain traversant les contrôles et testant les protections ; il faudra mettre sur le coup un spécialiste véreux de la physique des particules (pour un résultat ridicule), affublé d'une épouse dont on voit dès le début qu'elle va semer la zizanie. Ah non, c'est pas zizanie, c'est rififi...
Ça serait presque Wasabi, à quarante ans de distance. Avec moins d'effets spéciaux et de trucs pour rire, et un meilleur jeu d'acteurs (parce que, quand même, Charles Vanel et Karl Böehm jouent bien).
Allez, je poste ça et je me replonge dans La Hache et le Violon.



Bonsoir.
À propos de ce que tu notes sur Rififi à Tôkyô et Wasabi, il me semble — toute différence de contexte socio-culturel bien considérée (et surtout aussi ma faible connaissance du sujet) — qu'il y existe des effets cycliques dans les questions de modes (pour les vêtements, c'est certain) et plus largement de goûts et d'esthétiques, y compris dans cet art très récent qu'est le cinéma. Comme c'est un art récent, cela n'apparaît peut-être pas encore bien, mais il est probable qu'en étant attentif, ou érudit, on remarque qu'il suffisse qu'un film un peu ancien ait été (suffisamment) oublié pour qu'un réalisateur plus jeune le refasse, en le remodelant au contexte et aux références de sa contemporanéïté. (Mais ça, ce n'est pas de l'effet cyclique de goûts et de l'esthétique, mais plutôt du plagiat à longue distance... ^-^)
2005-01-18 16:52:08 de Arnaud

Cher Arnaud, au cinéma, on n'appelle pas ça du plagiat, mais du "remake"... Et c'est vrai qu'il y a depuis 5 ou 6 ans (maintenant que je commence à m'y intéresser de plus près) une floppée de "remake" et parfois avec des films pas si vieux que ça... Un des derniers en date : "Irrésistible Alfie" qui n'est que le pâle remake du "Alfie" tout court des années 70.
Est-ce mode ? ou effet de prolifération du genre filmique qui provoque cet arrêt dans la recherche de production de choses inventives, au profit de celles qui ont payé dans leur temps et dont on espère qu'elles referont "cracher" le spectateur ?? Plutôt que de redonner une seconde vie à un film, remakez-le avec des acteurs "dans le vent" !!!
2005-01-18 21:59:21 de Au fil de l'O.

Oui, tu as raison, cher Au fil de l'O.
En fait, je voulais parler de ce type très particulier du remake qui est le remake non-officialisé comme tel. Les deux films évoqués par Berlol me faisaient penser à ce cas de figure.
Pour les remakes, qui prolifèrent ces derniers temps, peut-être est-ce parce que les grandes firmes préfèrent ressortir une version actualisé d'un film ayant déjà prouvé qu'il pouvait connaître un succès, plus que tenter leurs fonds sur un projet peu certain.
En tous cas, tout cela ressemble un peu à une sorte de "canonisation" d'une poignée de films, comme s'ils étaient voués à être produits et reproduits sur le temps long. Peut-être est-ce cela, la différence et la répétition ?
2005-01-19 06:33:19 de Arnaud

Le problème des remake ne me gêne pas.Je regarde chaque film comme une proposition à part entière, et ne juge que le résultat. Qu'il soit basé sur un scénario original ou non, qu'il soit une adaptation d'un livre ou non, qu'il soit qu'une énième version de telle ou telle histoire, ce que je vois et juge est l'oeuvre ou le travail d'un type qui signe comme réalisateur ou metteur en forme. Je trouve alors le film bon ou mauvais ou médiocre ou facile ou sans originalité etc...Que l'auteur soit au service d'un studio, d'une machine à fric, d'un système de production, d'une mode, ou de la création, libre à moi de le regretter le critiquer ou le déplorer...Quand il s'agit d'un remake déclaré, on peut par la suite voir et juger en plus quelle en est l'originalité, l'utilité, l'intérêt ou l'inutilité, les apports, lees choix faits...par rapport à l'original, mais ce n'est qu'un niveau d'argumentation ou de critique supplémentaire. Il peut ainsi arriver qu'un remake me plaise alors que l'original ne me plaisait pas. Mais au départ je n'ai rien contre un remake ni aucun a priori. Sinon, dès qu'une histoire, qu'un thême...aurait été traité une première fois, cela ne laisserait aucune chance aux autres ... Et puis, ne filme -t-on pas, n'écrit-on pas...toujours la même chose ? Je suis de ceux qui pensent que c'est la forme, le style qui font l'oeuvre et qui "causent"...et que c'est la manière de traîter une histoire ou un sujet qui compte, (surtout d'ailleurs pour un film), même si celui prend pour sujet le cinéma. mais je crois que nous avons tous, notre propre manière de regarder un film, de lire un livre...Et comme toujours, on y trouve aussi un peu...que ce qu'on y cherche. Bien à vous tous qui illuminez mes longues soirées à Nogent le Rotrou. JCB
PS : SANS me manque :-)
2005-01-19 14:20:59 de jcbourdais

Bonsoir JCB.
Je suis tout à fait d'accord avec votre appréciation générale des remake, et je précise tout de suite (car ce n'était peut-être pas clair dans le post plus haut) que je ne les conçois pas comme un "problème". Je voulais juste tenter de réfléchir un instant sur le pourquoi du remake.
De même, je suis d'accord avec les remarques que vous faites sur la forme et le style plutôt que l'histoire.
Burnouf, lorsqu'il traduisait Tacite au milieu du 19e siècle, insistait dans sa belle préface sur la nécessité de réactualiser le propos des Annales en langage contemporain, c'est-à-dire donc de retraduire Tacite en français de son temps. Longtemps on a été satisfait avec sa traduction, puis, suivant son bon conseil, on le lui a appliqué à lui-même et on a retraduit. On a laissé Burnouf lui-même de côté, pour passer à Grimal, qui est notre contemporanéité à nous. Tacite nous devient ainsi enfin "parlant".
Peut-être que la question des remake serait, d'une certaine façon, similaire à cette question de traduction (depuis le latin) ? C'est-à-dire, un besoin, une nécessité peut-être, de réactualiser, bref de "retraduire" en références et dans un style contemporains une histoire qui, bien qu'étant toujours la même, aurait besoin de cette "retraduction" pour enfin nous toucher ?
2005-01-19 14:39:10 de Arnaud

Je suis d'accord, un remake contient forcément en lui, qu'elle soit consciente ou non de la part de l'auteur, une réactualisation, une sorte de mise au point, sur l'idée, l'époque, la technique (surtout au cinéma où l'on peut dater un film sur sa pellicule, ses trucages, le son...) le monde où l'on vit. Toute oeuvre d'art est inséparable de son contexte social historique culturel etc...(même si l'auteur ne veut pas le reconnaître ou n'est pas intéressé par cet aspect des choses et se concentre sur son histoire ou son sujet). C'est tout le bien fondé et l'intérêt de l'histoire de l'art, de l'histoire littéraire...Il n'y a qu'à écouter les émissions de Daniel Arasse par exemple pour comprendre comment on peut passer à côté de la plaque et dire des bêtises sur une peinture, si on ne la replace pas dans son contexte. C'est la raison pour laquelle aussi j'aime l'art contemporain, car il dit beaucoup plus sur notre époque et ses problèmes (et les choix à faire) que ce qu'il donne à montrer et qui souvent fait bondir les gens... peindre un carré blanc sur fond blanc aujourd'hui ne voudrait pas dire la même chose qu'en 1918. Oui donc à Arnaud pour "réactualiser" et "retraduction". C'est une manière de dire que quoiqu'on fasse, de quelque manière que cela soit, ça "cause" aussi d'autre chose que de nous-même...
2005-01-19 15:23:34 de jcb

Jcb,
je suis entièrement d'accord avec ce que tu notes tant sur le rapport entre art et contexte socio-historique — ce qui m'a toujours fait me fustiger contre les critiques de l'art "pur et en soi" —, que sur la place donc nécessairement très spécifique de l'art contemporain (par rapport aux individus vivant dans l'époque concernée).
Ce sont deux points, liés, très importants pour discuter sur l'art en général, je pense. Ca a l'air peut être un peu trivial que de l'écrire, mais ce que nous notons ici est, forcément, critiqué par les tenants d'une définition normative et hiérarchique de l'art (définition donc a-historique, ou du moins tendant à l'être). Et ils sont nombreux. (Complexes, ces questions de définitions de l'art...)
2005-01-19 17:35:28 de Arnaud

Pour ajouter une touche au débat, je suis en parfait accord avec ce qu'ont dit mes prédécesseurs. Il y a tout de même un point qui me turlupine toujours dans la question du remake. Autant, en effet, s'il s'agit d'une "retraduction" dans un contexte qui nous est plus contemporain, je comprends les enjeux et les suis sans sourciller ; autant (et c'est là le plus grand nombre des remake actuels au cinéma !!) je n'arrive pas à comprendre ce que peut signifier les remake américains de films contemporains (je pense notamment aux films japonais de plus en plus nombreux dans le genre de l'épouvante à être SYSTEMATIQUEMENT retournés en version américaine, ou d'autres films encore d'autres pays, toujours dans le même registre d'ailleurs). Si l'on suit la proposition de la "traduction", cela voudrait dire qu'en VO ils seraient incompréhensibles pour les autres pays... Pourquoi, dès lors, le seraient-ils plus en anglais, pour nous francophones ou pour d'autres non anglophones de naissance ?? Sans parler des remake (non avoués) des films américains eux-mêmes... Est-ce que les années 70 sont déjà si loin de nous pour refaire un remake d'Alfie, par exemple ?? J'ai ma petite idée sur la "nécessité" de donner une version "actualisée" du film, mais je réserve mes hypothèses pour plus tard... Lorsque j'aurai pu comparer les deux films...
2005-01-19 20:00:22 de Au fil de l'O.

Pour moi, ces "remakes contemporains" évoquent l'impérialisme (oups, je l'ai dit) américain dans son aspect le moins sûr de lui-même, ainsi quei dans sa volonté de se montrer (à lui-même) qu'il peut avoir confiance. Contradictoire ? Peut-être bien.
Lorsque Rome entrait dans sa phase impérialiste, c'est-à-dire au début du 2e siècle avant notre ère (après la seconde guerre de carthage et la conquête de l'Afrique, puis celle de l'Orient grec), la contre-partie de cette domination fut l'entrée des influences hellènes dans la péninsule italienne. Ces echanges qui voudraient fonctionner à double-sens ne sont-ils pas similiaires de ce que l'on observe avec une montée en puissance américaine, à coups de traités de libre échange intégral, qui voit (surprise ?) des produits estrangers tenter de "pénétrer" son marché ? Après l'échec du conservatisme de Caton l'ancien, toujours au 2e siècle, la solution employée par Rome fut très précisément la transposition des produits originaux : non pas la traduction, car ce n'étaient pas les produits ni les oeuvres originales (les textes grecs) qui pénètrèrent Rome, mais leurs versions réécrites. Depuis le théatre de Plaute qui ne fut que transposition en contexte romain de pièces grecques jusqu'à la "pensée" de Cicéron qui ne fut que réécriture en contexte romain de celle de Platon, c'est le conquête du marché intellectuel romain qui se vit ainsi interdite. Était-ce une preuve de confiance en soi, ou plutôt l'inverse ? L'histoire a jugé.
Il me semble que ce phénomène des "remakes contemporains" de films estrangers, qu'on refuse donc d'importer, est structurellement, oserais-je dire, similaire à ces procédés romains de transpositions plutôt que de traduction. On pourrait aussi, peut-être, dire que la pax americana implique que vu des États-Unis, le monde entier soit américain.
2005-01-20 02:32:07 de Arnaud

A propos de ta dernière phrase, Arnaud, n'est-ce pas à peu près ce que vient de (re)dire Mademoiselle Condoleeza Rice ?
2005-01-20 04:52:10 de Berlol

Ha bon ? Mais c'est terrible.
2005-01-20 12:25:45 de Arnaud

Nouvelles du Pentagone :
« Des espions sous contrôle du Pentagone opéreraient dans le monde
LEMONDE.FR | 24.01.05 | 10h18
Dans son édition du dimanche 23 janvier, le "Washington Post" affirme que le ministre de la défense américain, Donald Rumsfeld, est à la tête d'une "Unité de soutien stratégique", sorte de CIA-bis, qui échapperait à tout contrôle parlementaire. Le ministère a démenti les propos du journal, tout en déclarant qu'il était normal que le Pentagone tente d'améliorer la qualité de son renseignement humain.
Le Pentagone aurait créé une agence de renseignement secrète qui mène des opérations clandestines à l'étranger, sous le contrôle direct du ministre de la défense américain, Donald Rumsfeld, écrivait le Washington Post dans son édition du dimanche 23 janvier.
Cette unité, appelée Unité de soutien stratégique (Strategic Support Branch), opérerait déjà depuis deux ans notamment en Irak et en Afghanistan, selon le Post, qui cite des documents et des entretiens avec des membres de cette unité, sous le couvert de l'anonymat.
Une note en début d'année adressée à M. Rumsfeld souligne que l'agence se concentre maintenant sur "des cibles potentielles, telles la Somalie, le Yémen, l'Indonésie, les Philippines et la Géorgie", toujours selon le journal.
POUR EN FINIR AVEC LA "DÉPENDANCE" À L'ÉGARD DE LA CIA
Cette organisation secrète doit également fournir des informations sur le côté "humain" du renseignement, comme les interrogatoires de prisonniers et le recrutement d'espions étrangers.
Parmi ces agents peuvent figurer des personnalités tristement célèbres dont l'association officielle avec le gouvernement américain serait embarrassante, toujours selon les documents cités par le Post.
S'appuyant sur des documents du Pentagone et des entretiens avec des officiels, le journal affirme que M. Rumsfeld a créé cette structure pour en finir avec sa "dépendance quasi totale" à l'égard de la CIA en matière de "renseignement humain" (par opposition au renseignement technologique basé sur les observations satellite ou les écoutes).
Le général William Boykin, sous-secrétaire adjoint chargé du renseignement, a admis que M. Rumsfeld souhaitait assumer le commandement de certaines missions jusque-là conduites par la CIA, poursuit le Washington Post, dont les informations recoupent partiellement l'article publié la semaine passée dans le New Yorker et qui affirme lui aussi que "la CIA continuera d'être rétrogradée" et que "Rumsfeld deviendra encore plus important durant le second mandat" de George W. Bush.
"La guerre contre le terrorisme serait étendue et placée en réalité sous le contrôle du Pentagone", ajoutait Seymour Hersh dans le New Yorker.
Cette division secrète serait financée par un redéploiement interne du budget du Pentagone, échappant de fait à un contrôle parlementaire, et sa création n'a pas été explicitement approuvée par le Congrès, poursuit le Post.
Cette création donne à M. Rumsfeld un pouvoir que n'avait pas ses prédécesseurs sur les activités de renseignement, alors même que le Congrès cherche à regrouper toutes les agences travaillant dans ce domaine sous l'autorité d'un chef unique.
M. Rumsfeld est très opposé à cette idée, et a largement contribué à retarder la réforme des services de renseignement entreprise par le Congrès.
LES "MENTALITÉS TIMORÉES" SONT DÉPASSÉES
Cité dans le Post, Thomas O'Connell, secrétaire assistant à la défense chargé des opérations spéciales, déclare que Donald Rumsfeld s'est débarrassé du "mode de pensée obtus" et des "mentalités timorées" d'anciens responsables du Pentagone.
Sur son site Internet, le département de la défense a démenti ces affirmations. "Il n'existe aucune unité qui en réfère directement au secrétaire à la défense en ce qui concerne des opérations clandestines ainsi que le rapporte l'article du Washington Post", affirme le porte-parole de M. Rumsfeld, Lawrence DiRita.
"En outre, le département ne cherche pas à 'interpréter' les statuts pour les plier aux activités qu'il souhaiterait mettre en œuvre, comme l'article le laisse entendre", ajoute M. DiRita.
Pour Lawrence DiRita, il n'est pas surprenant que le Pentagone tente d'améliorer la qualité de son renseignement humain car il s'agit d'une des principales recommandations de la commission sur les attentats du 11 septembre 2001.
"Le département reste en contact régulier avec les commissions concernées au Congrès et avec les autres agences de la communauté du renseignement, y compris la CIA", affirme toutefois le porte-parole.
Avec AFP et Reuters »
2005-01-24 11:55:23 de Arnaud


Mercredi 19 janvier 2005. Récupérer le sable d'une mémoire qui fuit.

« Il faut bouleverser l'imaginaire des humanités. Il faut absolument. Parce que c'est par cet imaginaire que se maintiennent les peurs, les refus, les oppositions, les conflits et les haines irrépressibles. [...] Les actions politiques, qui sont nécessaires, [...] ne sont pas suffisantes. Parce qu'il y a quelque chose dans l'imaginaire des groupes humains qui fait que, si un groupe considère qu'il est, lui, du domaine de l'humanité et que les autres ne sont pas du domaine de l'humanité, vous aurez beau par des actions politiques, militaires, économiques, etc., intervenir entre ces différentes sortes de groupes, ce sera temporaire, et dès que l'intervention aura cessé, l'antagonisme renaîtra et reviendra. La seule possibilité qui serait absolument permanente, c'est de bouleverser les imaginaires des peuples d'aujourd'hui et d'en arriver à ce point où... — je le dis toujours, à chacun de mes discours, et je le répète, et je le répète et je le répète — d'en arriver à ce point où je considère que je peux changer en échangeant avec l'autre sans me perdre pourtant ni me dénaturer.  [...]  Ce que je proposerai, c'est que nous developpions à travers nos politiques une nouvelle poétique du monde ; et cette poétique du monde serait la poétique de la relation, qui permet de ne plus avoir peur du contact de l'autre et du changement avec l'autre.» (Édouard Glissant dans l'émission La Nouvelle Fabrique de l'Histoire, le 13 décembre 2004, dans le cadre de la semaine sur l'histoire de l'esclavage.)

« Je fais des excerpta, comme disaient les Romains. Je fais des extraits. Comme on pratiquait dans la lecture, autrefois. C'est un plaisir de noter. De toute façon quand on lit, dans un livre de 500 pages, on trouve parfois un quart de page absolument fabuleux, on le note et puis on se dit : Oh, j'en ferai peut-être profiter celui qui me lira [...] Et puis, de chapitre en chapitre, de conte en conte, de fiction en fiction, je cherche toujours à ce que le chapitre suivant soit le plus imprévisible par rapport à celui qui le précède. Donc, pour moi c'est une forme d'une liberté folle. Pour celui qui me lit aussi. Parce qu'il faut toujours contraster... C'est une suite baroque, si vous voulez.» (Pascal Quignard dans l'émission Tout arrive, le 7 janvier 2005 à l'occasion de la sortie des Paradisiaques et Sordidissimes, vol. 4 et 5 du Dernier Royaume.)

« De toute façon, j'oublie tout. C'est un de mes... C'est autre chose, ça... Une des raisons pour lesquelles j'écris, c'est pour essayer de récupérer le sable d'une mémoire qui fuit, depuis toujours. Je suis un Alzheimer de naissance.» (Daniel Pennac dans l'émission Du Jour au lendemain le 8 janvier.)

C'étaient les excerpta sonores dont j'avais noté la position numérique durant le shinkansen matinal et que je recopie ce soir. Ces éblouissements rendent la bêtise plus bête. Par exemple celle d'une réunion sur le harcèlement sexuel où l'on nous soumet des cas trop simples, où l'on prétend faire le travail du policier ou du psychologue, où l'on conclut en disant que si l'on voulait d'aventure avoir des relations avec un étudiant ou une étudiante (pas de genre en japonais), il vaudrait mieux en prévenir la commission ad hoc.

Ces éblouissements accompagnent les étincelles, nombreuses aujourd'hui et maintenant encore, de la douleur. À chaque changement de position, une hanche me lance des éclairs suffocants sans que j'en sache le pourquoi. Ni choc récent ni faux mouvement ne m'ont permis d'expliquer ce qui n'était hier encore que légère ankylose et aujourd'hui quasi invalidité.
Après le thé pris réglementairement à cinq heures avec David, après nous être informés sur l'absence de gravité d'un tsunami annoncé vers quatre heures au sud de Tokyo (pendant qu'à Kobe on décide d'un système mondial de surveillance et de prévision des catastrophes climatiques), je me suis quand même décidé à aller au centre de sport. J'y ai pédalé normalement quoique sans la satisfaction d'une bonne lecture. Un monde cadeau, de Jean-François Paillard ne m'apporte pas le plaisir que j'escomptais. Mais je n'en suis qu'à la page 35 ou 37, donc encore un peu de crédit...

Beaucoup plus de plaisir à faire une salade d'endives (avec des endives soldées mais très bonnes, sinon c'est trop cher !) et, après dîner, à partager la galette de JCB. Qui s'étonne d'être entre Chloé et Maïa dans ma colonne de gauche (version U-blog) — mais c'est le principe de contraste de Quignard, cher Jean-Claude ! Et qui a parfaitement raison de réaffirmer la nécessité du contexte pour apprécier les entretiens de Léautaud sur lequel je daubais hier.


cool
http://ecrivain.tk
2005-01-19 17:02:02 de forum de poesie

L'étonnement n'est pas plainte ! j'adore les interfaces froid/chaud dans mon assiette ou ailleurs...gel dehors/maison chaude (ou le contraire en été), chambre froide/lit chaud...ah le plaisir de la couette ! Quant aux nouveaux Quignard ("né à Verneuil sur Avre en 1948") la libraire de Nogent le Rotrou en a vendu pour l'instant un seul exemplaire (12.000 habitants). mais "je ne "désespère pas"
dit-elle...Je partage la citation que tu fais, applicable entre autre aux blogs...et au reste. Vive les suites baroques et le principe de contraste !
2005-01-19 17:44:03 de jcb


Jeudi 20 janvier 2005. Dans les premiers dessillements.

J'ai à peu près récupéré ma hanche. Enfin, l'usage de ma hanche. Quant à savoir ce que c'était...
Utile pour marcher, pédaler, parcourir le vaste monde. Suis allé en vélo réel à Motoyama pour quelques produits de base que je ne trouve pas, ou pas en quantité suffisante, au supermarché le plus proche : de l'huile d'olive, du vinaigre de vin, des olives, des cornichons, etc. Un vent froid s'est levé, mélangé au soleil.

À part le déjeuner avec David et une réunion en fin d'après-midi, ma journée baigne dans les relectures et vérifications de citations, et celle que l'on trouve au dernier moment, pour achever un article sur le mot touriste chez Stendhal et Mérimée.
Tombant sur ces phrases de Daudet que je n'avais pas lues depuis plus de vingt-cinq ans, je ne peux m'empêcher de penser à Colonie de Frédérique Clémençon... Clin d'œil :

« Et ne pas partir comme un oiseau... Avant toutes choses, le tarasconnais voulut lire les récits des grands touristes africains, les relations de Mungo-Park, de Caillé, du docteur Livingstone, d'Henri Duveyrier.
Là, il vit que ces intrépides voyageurs, avant de chausser leurs sandales pour les excursions lointaines, s'étaient préparés de longue main à supporter la faim, la soif, les marches forcées, les privations de toutes sortes. Tartarin voulut faire comme eux, et, à partir de ce jour-là, ne se nourrit plus que d'eau bouillie. — ce qu'on appelle eau bouillie, à Tarascon, c'est quelques tranches de pain noyées dans de l'eau chaude, avec une gousse d'ail, un peu de thym, un brin de laurier. — le régime était sévère, et vous pensez si le pauvre Sancho fit la grimace...»
(Alphonse Daudet, Tartarin de Tarascon)

Est-ce un hasard ?
Les deux morceaux que je préfère dans la discographie des Simple Minds, réécoutés pour stockage sur ordinateur, s'intitulent This Earth that you walk upon et Theme for great Cities (sur Sons and fascination — page sur laquelle je découvre qu'ils étaient produits par Steve Hillage, décidément pas de hasard...).
Tant de fois écoutés avant de partir moi-même.
Et plus avant encore, appris par cœur dans les premiers dessillements, Wish You where Here des Pink Floyd, quand ça dit : "We're just two lost Souls [...] Running over the same old ground". Avec une façon de dire : « the same old ground »...
Entre 1975 et 1982, une part de mon imaginaire (c'est le mot de Glissant) s'est construite. Et je ne le savais pas.



Que la honte et le désespoir m'étouffent! Je n'ai jamais lu, j'ose l'avouer, Tartarin de Tarascon.
Est-ce que c'est grave? Au lit avec une fessée?
2005-01-20 19:05:21 de Frédérique Clémençon

Non surtout pas, jamais de honte ni de désespoir parce que l'on n'a pas lu, pas vu, pas écouté...Lisez ou relisez Asphyxiante culture de Dubuffet. Je n'ai jamais supporté le pouvoir (s'il le prend ou en abuse) de celui qui SAIT ou " CONNAIT" sur celui qui ignore...La honte et le deshonneur ne sont pas de ce côté là.
jcb
PS : on sait, c'est comme on science, que plus on sait, plus il reste à savoir, et le "savoir" ne fait qu'agrandir notre ignorance. Une réponse trouvée pose vingt questions nouvelles. Et une réponse à ces 20 questions, foutra en l'air tout ce que vous croyiiez savoir jusque là.
bien à vous Frédérique.
2005-01-20 21:43:34 de jcb

Au lit avec le livre, plutôt !
Moi, je trouve ça bien, tous les trucs qu'on n'a pas lu, ça fait de l'avenir. Et merci à JCB de rappeler Dubuffet. Je l'avais en 10/18, je crois bien, mais où l'ai-je mis ?...
2005-01-21 02:10:12 de Berlol

Merci, messieurs, pour ces paroles de réconfort. Ne croyez pas cependant que ma conscience soit à ce point torturée par le fantôme de Tartarin et de tous ceux dont j'ignore jusqu'à l'existence. La légèreté sur ces questions est plutôt ma modeste devise et je me préfère me réjouir, comme le suggère Berlol, des lectures qui s'annoncent - en ce moment "Scènes de la vie d'un jeune garçon" de J.M. COETZEE, très beau, et tous les autres du même, j'en piétine d'impatience.
Puisque vous êtes de bons conseils, et pas seulement sur l'épineuse question de la fessée punitive, j'ai un autre problème, là, que je vous soumets, à régler d'urgence pour cause de soldes et de stocks limités :
Entre la petite robe noire qui me tend les bras dans la grande vitrine du centre commercial et les bottines vernies noires de la boutique de la rue d'en face, vous choisiriez quoi?
2005-01-21 09:56:38 de Frédérique Clémençon

Les bottines ! Les bottines !
(fait trop froid pour la petite robe. Ici, en tout cas...)
2005-01-21 11:23:33 de Berlol

C'est comme si c'était fait.
2005-01-21 11:46:56 de Frédérique Clémençon

la petite robe noire bien sûr, car petite et noire et robe.
Et qui vous tend les bras.
Les bottines oui...mais vernies...attention au vernis.
JCB
2005-01-22 00:21:13 de jcb

ou alors , pourquoi pas les deux ?
JCB
2005-01-22 00:21:48 de jcb

Les bottines (pointure 38) sont sans doute à l'heure qu'il est aux pieds de je ne sais quelle dinde de mon quartier : si je la vois avec mes chaussures, je laisserai tomber négligemment la cendre de ma cigarette sur le vernis. Quant à la robe, n'en parlons plus : me va pas, l'air d'une poule dans ce machin.
Néanmoins, je vous remercie tous les deux de votre empressement à me guider sur la voie difficile de l'élégance.
Bon week-end, messieurs.
2005-01-22 11:25:29 de Frédérique Clémençon

Vraiment dommage, chère Frédérique ! C'est rapé pour les bottines et grillé pour la robe. La prochaine fois, faudra qu'on soit encore plus rapide.
2005-01-22 17:27:04 de Berlol


Vendredi 21 janvier 2005. Un exercice périlleux.

Fin de rédaction — enfin — d'un article sur la définition du « touriste » chez Stendhal et Mérimée, l'idée étant que Stendhal suit le trip anglais de l'époque — faut avoir du goût innément, un chouilla snob et les connaissances un peu dans le désordre voire piquées aux autres — alors que Mérimée ferait volontiers dans le culturel lourd (voir l'hommage du ministère du XXIe siècle pour le fonctionnaire qu'il a été, alors que, deux ans après la commémoration, les notices de ses œuvres qui étaient promises depuis le début ne sont toujours pas en ligne ; ça frise l'abandon de site ou je suis médisant ?... question que je me posais déjà il y a un an !). Finalement, coupant à la hache entre les deux, l'histoire a choisi une troisième voie : le tourisme de masse et de clichés, soutenu par le développement des transports et alimenté par les fantasmes coloniaux jusqu'au milieu du XXe siècle, voire au-delà...

Déjeuner avec David dans un restaurant du Sichuan, pas très loin de la fac. Les Quatre Fleuves, la soupe poivrée, ça me rapproche un peu de Segalen... C'est qu'il y a le cours à préparer pour demain, et tant de notes à synthétiser ! La double triangulation linguistique-culturelle-littéraire franco-sino-japonaise est vraiment un exercice périlleux... mais jubilatoire aussi !

Dans le train qui m'enmène à Tokyo, écoute d'une émission sur la préparation de la loi Taubira (présentée en 1998 et définitivement adoptée en 2001) :
« Y'a eu discussion sans cesse [sur la question de l'esclavage considéré comme crime contre l'humanité], il y a eu une profonde gêne, il y a eu aussi, même, des dérapages, du genre « mais s'il y a eu acheteur, c'est parce qu'il y avait vendeur », mettant sur le même plan un système organisé par les puissances européennes, avec les appareils d'État, avec des compagnies de monopole, avec un dispositif fiscal, avec un Code Noir, donc un arsenal juridique, avec toute une série de justifications. Donc, ils mettaient sur le même plan ça, d'une part, et d'autre part des rabatteurs, des intermédiaires africains, qui sont condamnables, incontestablement, mais qui sont des supplétifs, qui ne sont pas à la hauteur de l'entreprise qui a concerné toute l'Europe atlantique qui sera impliquée dans ce commerce triangulaire, qui est la première mondialisation, qui va concerner toute l'Europe, toute l'Afrique et toutes les Amériques.»

« [...] Ensuite, il y a la réparation par les politiques publiques, parce que, à la fois le système esclavagiste et le mode de sortie du système esclavagiste, où les maîtres ont été indemnisés, où on les a pratiquement obligé à devenir une oligarchie financière parce qu'ils ont dû consacrer un huitième de leurs indemnités dans les actions des nouvelles banques créées, mais où l'esclage n'a reçu aucune indemnité, où au contraire les lois contre le vagabondage souvent l'obligeaient à retourner sur les plantations... Donc ce mode de sortie a consolidé la propriété foncière entre les mains de certaines catégories, et la pauvreté, l'indigence pour d'autres catégories.» (deux extraits de Christiane Taubira-Delannon dans l'émission La Nouvelle Fabrique de l'Histoire du 14 décembre dernier.)

Emmanuel Laurentin : « Y'avait pas simplement une condamnation morale à avoir par rapport à cela mais une sorte de démontage socio-économique des mécanismes qui avaient favorisé cette traite.
Olivier Barlet : — Tout à fait. On est confronté, avec la question de l'esclavage et de la traite négrière à une question qui apparaît beaucoup à l'heure actuelle et qui est celle du Rwanda. On est confronté à la même chose, c'est-à-dire à une sorte de mauvaise conscience qui se développe, accompagnée très souvent de paternalisme et qui met l'accent sur le fait qu'on parle plus d'un crime que d'une logique. Et d'une logique qui est à la fois politique et économique. Je crois que c'est très important de revenir à cette connaissance-là, c'est-à-dire de véritablement étudier en quoi les 400 ou 450 années de traite négrière ont complètement destructuré l'Afrique, ce qui explique tous les problèmes actuels [...] » (Olivier Barlet, d'Africultures, même émission)



Cher Berlol
Katsu désu.
J’ai commancé un blog chez Rakutén.
Tu m’autorise de fair un link(comment dire en français?)?
À demain,non,à ce matin.
Oyasuminasai!
2005-01-22 16:41:31 de Katsu

Félicitations !
あなたのブログで私は日本語を勉強しますから、どうもありがとうございました。。。
Bien sûr, je t'autorise à faire un lien !
A bientôt (chalut...).
2005-01-24 05:35:50 de Berlol


Samedi 22 janvier 2005. Même bien monté.

« Je dis, en plaisantant, à René Leys combien je le félicitais de ses nouvelles fonctions : Grand Suiveur à la Garde Impériale. Je le complimente de monter avec tant d'aisance les poneys mandchous sellés à la chinoise. Je me promets, quelque jour, de m'en aller le voir défiler de nouveau... Et j'attends quelque impertinence... une dénégation... Il aime si peu Chinois et Mandchous qu'il ne pourra souffrir que j'aie pris au tournant d'une rue, un Chinois ou un Mandchou, même bien monté, pour lui...
René Leys ne nie rien, et ne se renie point. Il prend toutefois quelque temps avant de répondre :
— Vous ne me verrez plus défiler dans l'escorte : je viens d'être nommé... ailleurs.»
(Victor Segalen, René Leys, p. 105)

Le « même bien monté » est savoureux, tout de même. C'est pour ce genre de choses, j'imagine, que Claudel et Saint-John Perse faisaient la moue quand on leur parlait de Segalen...

Non seulement c'était lui qui était dans l'escorte à la sortie du Grand Conseil (p. 88-89), mais c'est bien lui qui est l'ami et le meneur de ces dignitaires impériaux en goguette, sous les yeux incrédules du narrateur. Plus de doute possible, comme quand  il n'y avait que des paroles rapportées...
J'essayais d'expliquer ce matin que nous franchissions une étape importante de la lecture, celle de l'épreuve (et de la preuve) de la vérité dans la fiction.
Et ce « grand jour » que je citais lundi dernier, répété trois fois en dix lignes (p. 64), c'est celui de l'installation de René Leys chez le narrateur, et c'est peut-être bien celui de Pâques, celui de la résurrection du Christ, c'est-à-dire quand le fils du ciel, du syel, ou du Leys, est re-né... Des Oh ! et des Ah ! dans l'assistance... C'est fou comme l'onomastique étonne ou choque (comme ici Katsunori) alors que, si l'on y réfléchit, l'idée que les noms des personnages n'auraient pas de sens est tout aussi choquante.

Et puis me voilà parti pour, du fait d'une obligation exceptionnelle et inévitable, faire un aller-retour Tokyo-Nagoya dans la journée. Photo-témoin de mon passsage au pied du Fuji.
Donc pas de déjeuner au Saint-Martin, pas de cinéma, pas le temps de combler le journal vacant d'hier... Ça sera pour demain.
Au retour écoute de ce qui suit, qui n'est qu'un extrait d'une émission plus longue. Quizz : qui est l'auteur(e) ?

« Nous vivons dans une société qui organise la séparation. La séparation de tout et de tout. Entre les sexes, entre vous et vous-même. Qui vous oblige à vivre tantôt sur tel mode tantôt sur tel autre, de gagner votre vie, la plupart du temps de façon assez moyenne, voire misérable. Et puis d'inventer aussi quelque chose qui ressemblerait à votre vie intérieure, pourvu que vous en ayez une et que vous en ayez le privilège ou le temps. Donc, c'est une organisation de la séparation. Autrement dit, cette critique de la séparation, cette apologie de la non-séparation a une portée que je peux dire politique.»

Impromptu, nous nous réunissons, T., Nono, Zouzou et moi pour dîner au Saint-Martin. Et fêter, avec quelques jours d'avance, notre anniversaire de mariage.



Avant de répondre, 2 petites questions : dans "la séparation de tout et de tout", est-ce que l'un des "tout" ne devrait pas être "tous" ?
Et sinon, les deux dernières phrases me semblent contradictoires, est-ce une coquille de transcription, ou moi qui n'aie pas compris ?
Sinon, pour tenter une réponse, mais sans conviction : Hélène Cixous ?
2005-01-22 20:29:20 de Au fil de l'O.

Salut Patrick.
Et bien, rentrer si tard, t'occuper du blog et enchaîner ce matin sur le Pong, tu es vraiment un surhomme....
Ca fait six ans, c'est ça ?
2005-01-23 02:19:01 de Arnaud

Au fil de l'O,
C'est vrai que lu c'est un peu étrange, mais je pense que ça vient du fait que c'est de l'oral. Lorsqu'il dit "cette critique", il désigne le fait qu'il énonce ce qui est avant dans le but de le critiquer. A mon avis, écouté ça passe mieux.
2005-01-23 02:22:22 de Arnaud

Réponse probable : Guy Debord : "Critique de la séparation", oeuvres cinéatographiques complètes, Gallimard ?
2005-01-25 11:21:12 de Damien

Un demi bravo ! C'est vrai et faux en même temps...
J'explique sur la page du 25.
2005-01-25 12:09:41 de Berlol


Dimanche 23 janvier 2005. Chats pitres.

Ping-pong.
Manu et moi avons été systématiquement défaits, avec bonne humeur mais dans une salle trop froide, par Hisae et Katsunori, égaux à eux-mêmes, jusqu'à ce qu'arrive un troupeau d'enfants braillards. La résonance que prennent leurs cris dans l'étage de béton nous pousse vers la sortie...

Pin-pon.
Je viens, enfin, de compléter le journal d'avant-hier (avec citations sur l'esclavage et la loi Taubira)...
Pour le quizz d'hier, je ne vais pas révéler l'auteur(e) maintenant. C'est un peu trop tôt. On va attendre quelques jours... (À moins que tout le monde s'en foute.)

Pi-po.
Pour aujourd'hui, je vais mettre les deux photos-mystère en renvoyant à Chris Marker et je raconterai demain...


J'insère ici l'additif du lendemain, entre les deux K. anonymes, ci-dessus féminin, ci-dessous masculin. On me reconnaît à la veste à col rouge que je n'ai pas retournée. J'ai vu et entendu quelques personnes qui ne voulaient pas jouer le jeu. Je trouve cela dommage. Il ne s'agit pas de vendre une quelconque soupe ni de commémorer quoi que ce soit, mais de participer, festivement, à une interrogation sur l'esprit de liberté tel que Chris Marker l'expose assez clairement dans son film, Chats perchés, le second que je suis allé voir hier à l'Institut. Qu'un artiste de sa trempe et de sa rareté nous livre ce si clair message sur l'intime relation entre la banalité, la vulgarité voire la cruauté de l'actualité (inter)nationale de notre début de millénaire et l'anonymat joueur d'artiste(s) (libertaire(s) ? et) en apparence apolitique(s) parce que refusant tout dogme, voilà qui mérite que nous acceptions ce petit instant de ridicule.



Le premier film nous fit suivre Les Naufragés de l'Île de la Tortue de Jacques Rozier (1976), certes amusant mais sur lequel j'aimerais bien entendre M. Frodon, à l'occasion, parce que je ne vois pas en quoi il est exceptionnel au point de figurer dans ces 10e semaines des Cahiers du cinéma...



Je ne savais pas que vous fréquentiez des soirées SM....
2005-01-23 16:41:33 de Arnaud

Euh... tout habillés, quand même !
2005-01-23 17:35:50 de Berlol

Moi,lequel?Je ne me souviens pas....
2005-01-23 23:28:13 de Katsu

Je plaisantais ! ^-^
L'homme masqué, c'est bien toi, Berlol ? Par contre, je ne vois pas qui peut estre la petite demoiselle qui t'accompagnoit, ni l'autre homme sur la seconde photo. Amis japonois ? Estudiants peut-estre ?
2005-01-24 02:41:28 de Arnaud

ils sont jolis les chats ils sonts a toi??? c'est quelle race??? bon c'est tout aller a plus -=][scorpion][=-
2005-01-24 04:01:17 de scorpion

C'est la race Level 5, en hommage à Chris Marker...
Salut à toi, Scorpion. Et gare ton dard...
2005-01-24 06:11:29 de Berlol

Le film de Marker m’a fait evoquer un célèbre roman de Soséki;un chat qui observe les actions humaines.Et puis les spectateurs portants la masque patricipent.
“Je suis un chat” ou plutôt “Nous sommes un chat”.
2005-01-24 15:31:55 de Katsu


Lundi 24 janvier 2005. Êtres — Souris de poésie.
Êtres d'atomes
fait
éternellement regrettable



Emmanuel Laurentin : « Si on revient à cette question des écrivains et du peuple ou des écrivains du peuple, en l'occurrence, c'est vrai qu'on a l'impression qu'il y a dans ce terme, histoire de la littérature prolétarienne, les écrivains du peuple, un parfum d'antan, c'est-à-dire quelque chose qui ne correspond plus à aujourd'hui, même si quelqu'un qui est issu de la même région que vous, à savoir François Bon, fait perdurer par exemple ce lien justement entre le monde ouvrier et le monde de la littérature, Michel Ragon...
Michel Ragon : — Bien sûr, Sortie d'usine, et son dernier livre Daewo, par exemple. Il reste... (pour lui qui est aussi de famille populaire de l'Ouest, de Vendée, du Poitou),  d'une autre manière... [...] Mais, oui. D'une autre manière que moi, c'est-à-dire moins populaire, si l'on veut, moins d'expressions populaires. Il a révélé quand même ce monde singulier, ce monde méconnu, ce monde de la pauvreté et du prolétariat, enfin de ce qu'on appelait autrefois le prolétariat [...] » (dans l'émission La nouvelle fabrique de l'histoire du 17 janvier, « Lectures pour tous 1/4 »)

Si le prolétariat fonctionnait bien, il n'y aurait pas besoin de le révéler... Le problème c'est le cynisme, le mépris et en même temps la grande bêtise d'une classe qui se dit dirigeante (qui veut diriger et qui veut être une classe) et qui provoque la décomposition, la désolidarisation, la désolation de ce avec quoi elle travaille, de ceux qui travaillent pour elle et qui, du fond de leur dépendance méprisable, n'ont que pitié pour cette classe dirigeante qui n'a ni l'intelligence de bien savoir les employer ni la droiture qu'elle exige hypocritement pour sa progéniture, pitié qui se transforme en colère et en haine quand ils sont acculés de la dépendance misérable à la misère totale (j'en reviens à ma question sur la littérature de la déréliction...). Tuer la poule aux œufs d'or, c'est ne pas comprendre que c'est la poule elle-même qui compte et pas ce qu'il y a dedans : à démanteler des êtres humains, c'est l'être-en-soi de l'humain qu'on fait disparaître.
Michel Ragon a bien parlé ensuite de cette disparition du prolétariat traditionnel (qui avait un statut, une fierté, etc.).  Puis il a évoqué un sous-prolétariat plus fragile parce qu'en grande partie d'origine étrangère...
Mais pas pour dire que c'est à la dimension de minuscules choses diversement répétées que ça se fait. Et qu'un certain travail littéraire doit servir à révéler cela, en s'approchant par la parole de l'endroit où la machine grippe, que ce soit la machine humaine, la machine sociale, la machine économique — et je crois que c'est ça que François Bon essaye de faire.

Mais où je vais, là ?
J'ai eu une journée qui n'a rien à voir avec tout ça, moi ! Ni avec le poème ci-haut qui m'était inspiré hier d'Agamben (La Communauté qui vient), ne me demandez pas comment...
Le poulet-frites du Saint-Martin devait être drogué, ou bien c'est la décision de Maïa d'arrêter son blog qui m'aura égaré.
J'ai fait un tour de web littéraire et j'ai ramassé des articles sur Modiano, Le Clézio et Bénoziglio, qui seront mes propositions pour le prochain trimestre du GRAAL (avril-juillet) — un trimestre qu'on ne pourra même pas appeler Histoires d'O parce que je ne crois pas qu'aucun des trois parle de cul...
Pour le GRAAL d'aujourd'hui, on a guyotâté du Livre et des Progénitures, en revenant sur l'histoire de l'écriture, du volumen au codex, de la scriptura continua à la ponctuation et à la mise en page. Ça permet de mesurer le projet de Guyotat. Mais l'ambition n'est-elle pas disproportionnée ? N'est-ce pas une montagne de mots qui accouche d'une souris de poésie ? Au virage d'une comparaison avec Mallarmé, j'ai cru entr'apercevoir l'envers du projet guyotien : chez Stéphane, un minimum de mots produit un maximum d'effets.
À moins qu'il ne faille pas comparer ce qui n'est pas comparable...



voila ca au moins ca a le merite d'etre clair net et precis continu com ca !!! -=][scorpion][=-
2005-01-24 03:59:30 de scorpion

Quelqu'un est-il décédé ?
2005-01-24 06:14:01 de Arnaud

Pas dans mon entourage.
C'est un petit poème ontologique, ne t'inquiète pas.
2005-01-24 06:17:00 de Berlol

réponse au Quizz : l'auteur ne serait-il pas Bernard Stiegler ???
2005-01-24 08:39:41 de vinteix

Stiegler ? Ah, pourquoi pas tiens !
2005-01-24 09:32:41 de Arnaud

Si on donne plusieurs réponses, est-ce qu'on est disqualifié?
- Miguel Benasayag
- Jean-Pierre Le Goff
- Dominique Méda
- Danièle Gilbert (pardon)
Un être d'atome parmi vous
2005-01-24 11:16:49 de Frédérique Clémençon

Allez, je vous aide un peu... Stiegler a 4 lettres en commun avec l'auteur(e) recherché(e)...
Frédérique, je vous pardonne. Ça doit être l'irradiation par la télé en bas âge qui a provoqué cette réponse...
2005-01-24 15:05:18 de Berlol

.... C'est Sting ? ^-^'
2005-01-24 15:21:43 de Arnaud

Il nous embête avec ses devinettes (peut-on dire "casse-pieds comme un japonais" ? )
- Lydie Salvayre ?
- Robert Castel ?
- Richard Morgiève ?
L'inconnu habite-t-il près de chez moi? Quels sont ses occupations préférées? Est-il plutôt Proust ou plutôt Joyce ? Aime-t-il les bottines vernies noires ? Veut-il aller voir le Château ambulant avec moi?
2005-01-24 16:17:38 de Frédérique Clémençon

Morgiève apporte une lettre de plus...
Allez, c'est minuit et demi, je vais me coucher.
Bonnes nuits.
2005-01-24 16:27:30 de Berlol

Oups, moi j'ai déjà eu des mauvais échos du Château de Raoul. Je vais plutôt attendre que ça sorte à la location.
Pour l'auteur, tu te serais pas mis à Douste-Blazy ? (4 lettres en commun ^-^)
2005-01-24 17:04:47 de Arnaud

Bonne nuit !
2005-01-24 17:06:48 de Arnaud

Réponse au quizz : Sollers. Eh, fastoche. Qu'est-ce qu'on gagne ?
(Je veux bien aller au Château ambulant avec Frédérique Clémençon).
2005-01-24 17:28:37 de Jo Mannix

Le quiz : je resume : TILR + O, manque le A et le B, non ?
B.A.-BA (ou pas) ?
2005-01-24 17:37:32 de JPT

hé bé, il reste de la place après tout ça ?
suis d'accord avec ta remarque - cette position ragonienne a tendance de + en + à m'énerver, et je la subis sans cesse - et le fait qu'on soit né dans la Vendée, qu'on m'explique en quoi ça me prédispose intellectuellement à la communion avec De Villiers plus qu'avec Ragon, ils en parlent comme si c'était un zoo, les parigots
moi j'ai pas le choix, j'aime Proust et je parle de ce que je vois devant moi
ai relu l'autre jour "qu'est-ce que la littérature" de Sartre, alors que j'avais un peu trop tendance à ne relire que la réponse d'Adorno, ça planait quand même à une autre hauteur
le seul écrivain prolétaire que je connaisse c'est Samuel Beckett, il cause de ceux qui n'ont tellement rien (enfin si, dans Godot, une carotte, une godasse qui pue) qu'ils ne sont presque plus rien
allez, je vous laisse à votre Questions pour un champion...
et si je vous dit:
"Cela dit, passons."
hein, c'est de qui ?????
:- (
: - (
: - (
Victor Hugo, l'Homme qui Rit, livre II, chapitre III
2005-01-24 21:48:55 de FBon

C'était Sollers !
Bravo Jo Mannix, je crois que c'est une bonne idée de récompense d'aller voir le Château ambulant avec Frédérique !
(Pis, ça me coûte rien, hein...)
J'expliquerai ce soir pourquoi j'ai fait ce quizz.
Merci à François de sa mise au point, c'est toujours un problème d'être catégorisé, étiqueté, pieds-et-poings-liés...
J'ai ajouté un lien ci-desssus sur la question de la déréliction, à laquelle je vois que je peux ajouter Beckett...
2005-01-25 00:23:10 de Berlol

A propos de ce qu'écrit François Bon.
Ces histoires d'étiquette, de catégories et autres boîtes sont, hélas, un prêt-à-penser auquel on échappe rarement. Que je sois provinciale a, de toute évidence, enfermé les lectures qu'on a pu faire de mes deux (modestes, hein, pas de blague) romans.
Lorsqu'on m'a interrogée sur Colonie (je suis tout à fait lamentable d'ailleurs à ces jeux-là) pour la partie relative au notaire,on a cru bon de convoquer Balzac pour comprendre et justifier sa présence dans le livre, ce qui sous-entendait, sans doute, qu'une telle figure est, dans un roman écrit en l'an 2000, impensable, incongrue, sauf à renvoyer à d'autres textes, à l'histoire littéraire - et de sauter à pieds joints sur l'écriture palimpseste, l'intertextualité... c'est chic, on a l'air moins bête. Ce qui sous-entendait aussi qu'il est des figures indésirables pour tout écrivain soucieux de se coltiner la modernité ou, pour être plus précise, qu'il est des figures indésirables (celle du notaire en fait partie et n'aurait plus droit de cité dans un texte aujourd'hui) aux yeux de qui juge de ce qu'il convient d'écrire de nos jours afin de se voir décerner le titre d'écrivain moderne, figures indésirables parce qu'elles draînent un je ne sais quoi de poussiéreux que la connaissance de l'histoire littéraire excluerait d'office, je ne sais quoi de rance qui relève bien plus de représentations stéréotypées et convenues (sur la littérature comme sur une certaine réalité) partagées par des citadins (souvent) n'arpentant les campagnes que de gîte en location et de location en gîte, entre deux pauses repas-du-terroir-avez-vous-mangé-de-cette-délicieuse-garbure-qui sent-l'étable-comme-c'est-chou, que d'une vision perspicace de nos vies provinciales, dont la réalité échappe pour le moins, déformée qu'elle est par toutes sortes de voiles, politiques, idéologiques ou simplement géographiques, tout cela se nourrissant de concert : de l'autre côté du périphérique, petit scarabée, un autre monde t'attend.
On pourrait sur ce sujet broder à l'infini, ce ne serait pas drôle, tant il est vrai que sont pénibles ces manières de violence qui avancent masquées, car pleines de civilité, mais qui excommunient très vite, ce qui n'a d'ailleurs pas été mon cas jusqu'à présent.
La difficulté - dans le désir d'être juste - est ailleurs (c'est l'écriture, le style, la manière, qui sont le coeur de tout cela et non le recours à quelque figure que ce soit) et je me fous pas mal des convenances et de ces tyrannies douces. J'ai lu Balzac, j'aime Balzac, mais la présence d'un notaire dans Colonie ne lui doit rien. Point.
Mais ce sont là paroles de débutante, qui feront peut-être sourire.
Maintenant, au boulot, fillette. Arrête de faire ton intéressante. Un café, une cigarette, et hop.
(Jo Mannix, tu es le king, Sollers, j'aurais pas cru)
2005-01-25 15:01:34 de Frédérique Clémençon

On en vient à regretter l'âge des anthologies littéraires... ;)
2005-01-25 16:51:29 de Arnaud


Mardi 25 janvier 2005. Surprises et têtes coupées.

De toutes les écritures
celle des sols des rues
une des plus jouissives
Longues lignes droites
comme des gammes
et au bout : tomare, とまれ
l'injonction du STOP

(près du Saint-Martin, devant un restaurant d'Okinawa)

Déjeuner au Saint-Martin en petit conseil de famille avec la cousine venue d'Australie, son fils mi-nippon mi-germain et T., d'où un choix judicieux de porc à la bière pour tous, avant d'aller rendre visite à l'ancêtre tellement zen qu'il a demandé hier au test psychologique à quoi pouvaient bien servir toutes ces questions, (sous-entendu) idiotes, auxquelles il répondait systématiquement Non ou À quoi ça sert ? : avez-vous besoin d'argent de poche ? savez-vous où vous êtes ? voudriez-vous sortir ?

La réponse au quizz d'avant-avant-hier est : Philippe Sollers.
Le 15 janvier, il parlait du Jour au lendemain de son Dictionnaire amoureux de Venise. Il contestait la politique de la séparation de toutes les choses entre elles (« de tout et de tout ») par le système actuel, en référence bien évidemment à Guy Debord dont il est toujours le défenseur et peut-être une sorte de continuateur viable. Félicitations à Damien et Jo Mannix qui ont identifié l'un Debord l'autre Sollers.
Alors pourquoi avoir proposé ce jeu et ne pas en avoir parlé tout simplement comme d'habitude ? D'abord pour voir si ce type de propos était automatiquement identifiable, puisqu'on entend ici ou là que Sollers dit toujours la même chose. Ensuite parce que lorsqu'on dit qu'on va citer Sollers ou parler de lui, il y a souvent un mouvement d'humeur, pour ou contre, qui crée un filtre au travers duquel le contenu du propos a peu de chance de passer. On dirait un courant électrique passant dans un banc de poissons.
D'une façon générale, j'aimerais bien que des textes soient lus sans ce mémotropisme que provoque involontairement la perception du nom de l'auteur. D'où les étiquettes (voir hier avec les contributions de François Bon et Frédérique Clémençon).
Et, je ne crois pas être le premier à le dire : si on faisait des lectures aveugles pour élire les prix littéraires, il y aurait beaucoup de surprises et de têtes coupées...

Justement, je voulais avoir quelques informations sur le dernier Benoziglio. La décapitation de Louis XVI étant encore toute fraîche, quatre jours, j'avais entendu mentionner quelque part que l'homme qui mit le Feu au lac venait de laisser vivre le serrurier couronné. Voilà, il s'en explique dans Tout arrive du... 21 janvier, jour fatidique. Éric Loret du journal nommé Libération vante aussi les mérites de Louis Capet, suite et fin, mais après trois pop-up de pub qu'après il faudra refermer que c'en est pénible, M. de Rotschild !

Préparatifs d'Exposition universelle...

À Shirakawa-koen, un parc de Nagoya, on vire les clochards manu militari. Leurs misérables tentes bleues — leur trésor construit comme un nid — sises dans des parcs ou sous des autoroutes urbaines sont purement et simplement détruites et on ne leur propose rien. Manifestation d'une centaine d'entre eux à la mairie de Nagoya. « Pourquoi on nous oblige à partir ? Pour cette exposition de m... ? » (Cf. article et commentaires à la suite, beaucoup plus importants).



Pour les pop-ups, Firefox. Kiss.
2005-01-25 19:27:46 de Dom

Ah Sollers, sa critique de la séparation doit lui sembler pratique pour justifier sa façon de tout mélanger. Manière de se couvrir : s'il fait l'Artaud mondain, le Bataille pour midinettes, c'est évidemment parce qu'il ne faut pas séparer ! Défenseur de Debord ? Défenseur de sa propre cause, oui et le seul point qu'il a en commun avec Debord, c'est qu'il sait en changer.
Allez, quizz, qui a dit :
"[...] "la société du spectacle"". Celle-là elle est mise à toutes les sauces depuis deux ans que Sollers l'a découverte [...]. Il y a vingt-cinq ans, du temps où nous lisions La Société du spectacle de Guy Debord, il nous avait semblé que Sollers n'était pas encore maoïste mais encore très PC, le situationnisme il n'avait pas l'air de connaître, en tous cas il n'a rien vu venir, on ne peut pas dire qu'il ait brillé en 68, pas plus d'ailleurs que Godard "le plus suisse des pro-chinois", Mai 1968 qui a laissé Sollers sans autre voix que le marxisme-léninisme corrigé vite fait en trois semaines, et Tel Quel et quelques autres si me souviens bien 68 les a surpris en train de courir après l'avant-garde du prolétariat. Se sentant dépassé, ça l'a figé net Sollers, il en est devenu maoïste (rayon dialectique, restons chic), croyant prendre le train d'avant le premier (et oui, il n'y a pas qu'en province qu'on est province). Et depuis, se jurant qu'on ne l'y prendrait plus à se tromper de train d'avance, Sollers colle à l'actualité au moindre coup de sifflet, au cas où l'Histoire passerait au train de 20 heures, pour ça qu'on le voit partout, lorsqu'au journal télévisé de 20 heures on lira du Sade notre société pourra se dire libérée, pas avant, qu'il a dit, pas avant 20 heures [...]".
Pour vous aider, c'est de 1992 et d'un critique qui avait de l'avance, lui...
2005-01-25 22:07:03 de Bartlebooth

En un mot, ce sont des fumiers. Le problème n'étant pas que Nagoya elle-même, car je pense qu'ils auraient fait pareil dans beaucoup d'autres municipalités.
Le clochard, c'est ce que la société n'a pas réussi à intégrer, dans tous les sens de ce terme : pas réussi à former, ou bien, plus généralement, parce qu'il n'y avait plus de place pour lui. En marge du corps social, il est tout juste toléré. Mais on peut l'écraser, puisqu'il n'est plus personne, tel l'homo sacer décrit par Agamben. Espace de vide absolu au beau milieu de la cité, cafard glissé dans les recoins encore disponibles, à peine visibles, de "notre" tissu social.
Et puis, ont-ils des noms, ces gens-là ? D'ailleurs, est-ce que ce sont encore des gens ?
La mairie de Nagoya a tranché. Les vrais "gens" viennent pour l'exposition, alors il faut nettoyer la merde. Parce qu'ils ne sont plus que ça : quelque chose qu'on nettoie.
2005-01-26 03:57:16 de Arnaud

Je devrais même dire, plus précisément : quelque chose dont on se nettoie.
2005-01-26 04:01:04 de Arnaud

Tout à fait d'accord avec Bartlebooth à propos de Sollers... même si je rejoins Berlol sur la critique des étiquetages... Néanmoins, même sans tout rejeter de Sollers (comme ces propos cités d'ailleurs), comment supporter la parade de l'homme de lettres drapé dans sa posture... Ayant assisté une fois à une de ses interventions sur Rimbaud, l'envie de v.... m'a presque pris au ventre... Tout lui est prétexte à paraître, et dès lors, les propos les plus justes et intelligents qu'il puisse dire ne sont que des mises en scène de soi, soucieuses de son panthéon, sans le tragique vécu par ceux dont il parle (Sade, Rimbaud, Bataille, Artaud, Michaux, etc.) et qu'il aime sûrement... mais quelle distance de lui à eux !!! EUX, dont la parole vécue et vibrante, la parole dévorante et brûlante passe bien avant leur propre personne, le souci de soi. Trêve de monstration de soi et de pose égotiste ! Je préfère des voix sans visage ou presque (de Shakespeare à Blanchot, en passant par Sade, Lautréamont et j'en passe...)
Quant à Sollers, Paix à son âme, et encore... comme disait l'autre (sans vouloir jouer encore au Quizz)
2005-01-26 07:35:38 de vinteix

Je comprends mal ce débat sur l'étiquetage. Classer (= reconnaître) et évaluer sont probablement les deux procédures qu'applique de façon permanente notre cerveau pour construire des descriptions acceptables et cohérentes du monde, et on a du mal à en envisager d'autres qui puissent rendre le même service tout en étant "implémentables" dans un organe qui partage les propriétés que nous commençons à connaître du cerveau.
Quand on étiquette, on fait ça : on reconnaît, on classe et on évalue, puis on pose l'étiquette. Le lecteur le fait, mais l'auteur aussi bien quand il interprète ce qu'il a produit (l'auteur choisit, retient, corrige, précise, etc., en fonction des interprétations qu'il construit de ce qu'il vient lui-même d'écrire, et il est peu probable que les mécanismes mis en jeu par le lecteur et par l'auteur soient de nature essentiellement différente).
Au sens propre (en partie étymologique), vouloir renoncer à ces pratiques serait adopter une posture "idiote" face au monde. L'idiotie dans ce sens a fait récemment l'objet de propositions visant à en faire un concept esthétique majeur pour l'interprétation des pratiques artistiques contemporaines (Jean-Yves Jouannais). Vouloir échapper (l'auteur) ou renoncer (le lecteur) à tout étiquetage, c'est assumer cette idiotie.
Or ni François Bon ni Frédérique Clémençon ne sont idiots, ni en ce sens ni au sens ordinaire (qui se recoupent largement). Ce n'est d'ailleurs pas seulement à eux d'en décider, tout le monde peut publiquement le soutenir en s'appuyant sur le type de pratique que nous sommes amenés à supposer pour rendre compte de certaines propriétés de leurs textes (cohérence, intention, respect de certaines conventions linguistiques, génériques, de pertinence, etc.).
Que les étiquettes soient différentes, c'est pour cette raison qu'on se parle, souvent. Que l'auteur réclame pour soi seul le monopole de l'étiquetage légitime, c'est là une revendication exorbitante du droit commun que nous avons tous à proposer et à défendre publiquement nos descriptions du monde. Par ailleurs, tous les classements et évaluations ne se valent évidemment pas, ou plutôt ils valent en proportion du soin avec lequel aura été conduite l'enquête qui les justifie. Mais si nous pouvons changer les étiquettes, il paraît impossible de s'en passer totalement intelligemment.
Reste à détailler l'articulation entre reconnaissance (beaucoup à dire sur les usages communs et philosophiques de ce concept), classement et évaluation (fait et valeur), et tout particulièrement à savoir si on peut juger intelligemment du monde sans classement et mise en ordre préalable et si on peut classer intelligemment sans disposer de critères indissociablement liés à la fois à notre savoir et à nos évaluations ? Je répondrais avec d'autres non, mais ce serait trop long pour vous et trop difficile pour moi que de le justifier.
Quant à Sollers, on le "reconnaît" bien, après coup, et on comprend alors pourquoi certains points du passage cité irritent tant (dans l'ordre décroissant d'irritation : "pourvu que vous en ayez une", "de façon assez moyenne, voire misérable", "une portée que je peux dire politique", "une société qui organise").
2005-01-26 10:00:37 de Dom

Quant à la parade des hommes de lettres drapés dans leur posture... Peu en sortent indemnes, même ceux qu'on a pu encenser ici pour leurs travaux, et à juste titre, bien entendu. Cela tient, me semble-t-il, pour une large part, au statut des lettres dans nos sociétés éprises de distinction (le temps passe mais Bourdieu reste : on brille davantage en trimbalant dans la poche de son pardessus un vieux Montaigne qu'en parlant de physique quantique). Je note avec amusement que c'est là une coquetterie qu'on ne rencontre guère qu'en sciences humaines - généralement - et en littérature - plus particulièrement - et que les brillants esprits issus des sciences dures (qui ne sont pas les ignares qu'on présente au reste bien souvent) n'ont pas ces manières ridicules et d'un snob à se tordre, entretenues largement par les essaims de créatures prêtes à se prosterner au pied de leur génie (je parle d'expérience, pour m'être étranglée plus d'une fois de rire en assistant aux rondes grâcieuses des dits essaims lors de conférences organisées à la Bibliothèque nationale de France, rondes entretenues par les caprices de diva poussant des soupirs extatiques en évoquant les mânes d'Henry James et les vers de Saint John Perse, et réclamant un taxi dans la minute, un hôtel 4****, des petits fours plus chauds ou plus froids, piétinant parce que tout de même il y a bien peu de monde, soupirant de condescendance car monsieur X dans l'assistance semble ne pas connaître l'oeuvre EXTAORDINAIRE de Z dans l'édition de 1984, exigeant pour une heure de prestation des sommes exorbitantes après avoir dit dans un soupir n'aimer que la poésie (non, je ne citerai aucun nom) etc etc... Drôle, très. Pour autant, car l'homme est double, hein, les poses et les afféteries (le souci de soi, comme le dit Vinteix) ne permettent pas - et sans doute même jamais - de juger d'une oeuvre : on peut évoquer avec brio l'oeuvre des autres et être soi-même un écrivain médiocre, bredouiller des âneries sur son propre travail et celui des autres et n'en avoir pas moins du talent, être d'un narcissisme exaspérant et avoir du talent ou n'en avoir pas, etc... Aussi, me contenterai-je de prendre ses parades pour ce qu'elles sont (presque) toujours : pffft.
Adulation et Sacralisation me cassent les pieds.
2005-01-26 10:09:33 de Frédérique Clémençon

Cher Bartlebooth, je vous croyais plus près de Sirius que de la Terre. Par ailleurs, vous connaissez ma position quant aux relations inter-individuelles qui n'ont rien à voir avec les relations entre les oeuvres.
Que Debord lui même ait détesté Sollers, ce n'est pas un secret. Il suffit par exemple de lire les propos de Jean-François Martos pour une sombre histoire de publications, de photos, etc., en 2000 (je cite : "Vous n'ignorez pas non plus ce que je pense de Philippe Sollers, ni ce qu'en pensait Guy Debord : "ce n'est qu'insignifiant, puisque signé Philippe Sollers" (et c'est encore bien en dessous de ce qu'il pouvait m'en dire verbalement).", Cf. http://www.geocities.com/jf_martos/etrange_guerre.html).
Comme le dit Vinteix, l'homme peut être détestable (qu'il m'excuse, j'avis commencé ce qui est écrit ci-dessus avant de lire son commentaire). D'ailleurs, je ne prend pas sa défense, je laisse seulement apparaître le phénomène de sa détestation et j'affirme qu'il y a des oeuvres de lui que j'aime et que je ne renierai pas, fût-il condamnable par ailleurs pour toutes sortes de méfaits mondains (au mauvais sens du terme), de récupérations opportunes et de retournements de veste. Son maoïsme est en effet très drôle. Mais quel maoïste n'est pas "très drôle", vu d'aujourd'hui ? (nous avons la bonne place, et le livre de Christophe Bourseiller est aussi très drôle...).
Enfin, pour Godard : il me semble que "La Chinoise" est un film qui ridiculise dans l'oeuf le maoïsme. Ces jeunes bourgeois qui se pavanent dans des apparts de luxe en déclamant des vers, sur des poses révolutionnaires, etc., ça ne fait pas la promotion d'un mouvement politique, tout de même ! Ou alors j'ai vraiment mal compris...
2005-01-26 10:14:28 de Berlol

Merci Dom pour étiquettes et cerveau. Mais le dessous du problème ici évoqué c'est le statut de la critique, et tu le sais. Constituée d'individus qui pondent régulièrement des articles sur des livres qu'ils ne lisent pas toujours et qu'avançant dans l'importance de leur carrière-situation-rente ils lisent de moins en moins, des gens qui recoivent des piles de livres assorties de sollicitations et de menaces et qui travaillent avec des routines de simplification des oeuvres pour se faire gagner du temps, quand ce n'est pas des sous ou des places, et des gens qui n'ont pas toujours le cerveau assez grand pour bien concevoir les étiquettes à créer-attribuer.
N'a-t-on pas un critique littéraire à l'Académie ? Certes il a du style et des flacons d'acide mais son jugement est exécrable.
2005-01-26 10:24:45 de Berlol

Oh là, je viens de lire le message de Dom, et le remords me prend.
Je me suis sans doute très mal exprimée. Les classements et les évaluations ne sont nullement des tares. Je disais simplement que les étiquettes et classements effectués ne sont simplement pas toujours pertinents, pris qu'ils sont, souvent, dans une glu ne relevant en rien de la pensée, de l'analyse, mais de, pour aller vite, de l'ère du temps, de clichés, de stéréotypes, de réflexes de toutes sortes. C'est tout.
Je suis la première à regretter l'indigence d'un grand nombre de critiques (méritent-elles ce titre d'ailleurs?) littéraires, qui n'analysent guère et donc s'avèrent incapables d'évaluer vraiment (activité sur laquelle il y aurait naturellement beaucoup à dire) mais excommunient et encensent de plus en plus souvent, quand elles devraient se déployer dans une direction plus fructueuse, d'approche véritable du texte.
C'était bien plutôt, banalement, les étiquettes, disons, paresseuses, qui m'ont conduite à tenir ses propos, et non, comme le croit Dom, le désir de garder pour moi seule le droit d'étiqueter.
2005-01-26 10:31:47 de Frédérique Clémençon

Ah mais c'est que vous allez trop vite. Tous ces messages, je me noie.
Moi = tout d'accord pareil avec Berlol pour ses deux derniers messages.
J'ai soif maintenant. Je vais me faire un petit thé.
2005-01-26 10:36:59 de Frédérique Clémençon

Moi aussi, un coup à boire, tiens. Et puis, hop, au sport !
2005-01-26 10:41:20 de Berlol

"Étiquettes" et "air du temps, clichés, stéréotypes, réflexes", c'est largement du pareil au même, sinon l'étiquette n'aurait pas tellement d'utilité, elle ne permettrait pas de faire l'économie d'une analyse toujours encore à recommencer. La pertinence, c'est aussi le moindre effort. (En revanche, l'idiotie : la cire vierge à tout moment.) La revendication d'une évaluation sans préjugés, parti-pris, etc., me semble elle aussi exorbitante. Il faut bien partir de quelque chose. Nous le faisons dans nos évaluations ordinaires, c'est revendiquer l'extraterritorialité de la littérature, de l'art, etc., que de vouloir y imposer des procédures d'évaluation qui seraient non pas en fait (de par les méthodes, habitudes, normes, etc., partagées) mais essentiellement différentes. (Là, tout un développement sur l"'ordinaire" : les pratiques qui nous paraissent, parce que nous ne les maîtrisons pas, tout à fait extraordinaires, ne le sont nullement pour les personnes qui les maîtrisent, et celles-ci ne mettent pas en jeu d'autres capacités que celles de l'homme ordinaire : elles n'ont fait qu'adopter d'autres habitudes (écrire tous les jours, pratiquer son instrument dix heures tous les jours, lire des publications savantes, rédiger chaque jour sa recension, etc.)) et les règles du jeu qui les accompagnent.
On comprend mal comment on pourrait toujours taxer d'erreur une évaluation "paresseuse", parce qu'incorporée en quelque sorte et par le jeu des habitudes acquises, quasiment réflexe. C'est ce qui distingue l'expert du novice : il "voit" immédiatement et avant même toute réflexion ce qu'il ne fera que détailler pour le justifier, si on le lui demande. Et encore n'est-il bientôt plus vraiment en mesure d'accepter de refonder à chaque fois ce qu'il juge ; si vous partagez la reconnaissance publique de son statut d'expert, vous lui accorderez ce droit, ses jugements vous serviront plus que ses justifications. C'est en fait ce que nous ne pouvons pas ne pas faire. (Qui sont vos "experts" : votre éditeur, vos proches, vos amis, votre ami(e), vous-même, vos lecteurs, etc.?)
Y a-t-il d'autres critères de jugement en la matière (de la relation entre auteurs et critiques) que les critères ordinaires, à commencer par la bonne foi ? Tenu compte de qui on est, de ce qu'on veut faire, de ce qu'on vise, on se trompe rarement, heureusement. (On reconnaît immédiatement l'"ennemi" et l'"ami".) Encore peut-on exiger (et on est fondé à le faire par nos normes d'acceptabilité des propos publics) la bonne foi. (Et d'autres qualités fondamentalement morales, comme celle de reconnaître son erreur, d'adopter un principe de charité dans l'interprétation que l'on fait des propos et des actes d'autrui, etc., et qui sont indissociables de la quête de l'objectivité, assez paradoxalement) C'est peut-être le tout de ce qu'on peut exiger ; pourrait-on sans risque refuser à quiconque le droit d'être méchant (mordant, féroce, etc.) et d'assumer ses détestations ? Êtes-vous toujours de bonne foi quand vous critiquez de façon "réflexe" les critiques ? Y a-t-il ou non un préjugé anti-critique (bien ou mal fondé) chez les auteurs ? Décider au cas par cas. Rien de mieux. Tantôt la critique apparaîtra injustifiable, tantôt on ne pourra que constater le choix de styles de vie et de jeux de langage incompatibles, et guère aller au-delà.
2005-01-26 13:07:55 de Dom

Et les sans-abris là-dedans ?_?
2005-01-26 13:29:33 de Arnaud

Monsieur Dom,
Je vous crois trop malin pour ne pas comprendre à quel genre de critiques renvoient les remarques que j'ai pu faire, ainsi que Berlol, je crois - critiques qui n'engagent pas aussi souvent la bonne foi de leurs auteurs qu'on pourrait l'espérer, et c'est bien là le problème, pour des raisons qui tiennent, pour une large part, aux conditions d'exercice de l'activité critique, au pouvoir qu'elle détient - qui est un des coeurs du problème - et dont on ne saurait avoir la naïveté de croire qu'elle use toujours à bon escient, qui tiennent aussi aux pressions éditoriales, à celles des auteurs eux-mêmes, ce que Berlol, précisément, rappelle. Les dernières manoeuvres dans le monde de l'édition comme dans celui de la presse n'ont à cet égard rien de particulièrement rassurant.
Sur le fond, et pour autant que je vous comprenne, je souscris presque entièrement à ce que vous dîtes.
N'est simplement pas Starobinski qui veut, dont la puissance critique possède cette force de dévoilement merveilleuse, où l'extrême subjectivité nourrit sans cesse la pertinence (oui, ce mot me plaît, qui ne fait à mes yeux qu'ouvrir la voie vers des lectures et des interprétations possibles) de propos qui invitent le lecteur à relire avec des yeux nouveaux.
Je n'ai pas la prétention de dire que je n'ai, à l'égard de la critique comme à l'égard de n'importe quoi en général, aucun préjugé. je suis une pauvre petite bonne femme, mon cher Dom. Pour autant, j'en sais assez (et vous aussi, j'en suis certaine) sur son mode de fonctionnement objectif (je parle de faits et de pratiques sonnantes et trébuchantes) pour la considérer, le plus souvent mais pas toujours - car il est de belles plumes, que je respecte sans être toujours d'accord avec elles - avec beaucoup beaucoup de circonspection. Rien de plus.
(Quant à reconnaître ses amis et ennemis d'un coup d'un seul, vous êtes bien heureux, Dom, les malentendus faisant souvent autant de mauvais ennemis que de faux amis chez les esprits de bonne foi, las...)
2005-01-26 14:20:43 de Frédérique Clémençon

Pour Arnaud, qui s'impatiente avec raison. Pour Bébert, qui a disparu.
Au bas d'un immeuble très respectable du 5ème arrondissement vivait, jusqu'à ces derniers temps et depuis une bonne douzaine d'années, Bébert. Les habitants de l'immeuble le connaissaient, lui apportaient à manger ainsi que quelques commerçants, le laissaient passer la nuit là, dans un coin chauffé du hall, derrière ses cartons. Et puis certains locataires ou propriétaires sont partis. D'autres sont arrivés, qui ont trouvé que Bébert faisait désordre dans ce joli coin de Paris. L'amusant est que les petits nouveaux ont le coeur bien à gauche et pas de mots assez durs pour dénoncer le démantèlement des services publics et autres nobles acquis.
Exit Bébert, on ne sait pas où. Il fait très froid à Paris, ces jours-ci, et on espère que Bébert va bien.
2005-01-26 14:41:34 de Frédérique Clémençon

"l'homme peut être détestable" : ne séparons pas trop l'homme de l'oeuvre, ce serait faire injure à sa pensée (guy) débordante. Mais que reste-t-il de l'oeuvre ? N'est-elle pas derrière lui ? Perso, même si j'aime le charrier autant qu'il aime se rendre ridicule, je ne le rejette pas en bloc et garde un bon souvenir de Paradis, Nombres et autres expériences textuelles, et même de certains articles de Tel Quel. Ces derniers temps, des biographies sur un personnage similaire, BHL, sont publiées. Cela semble annoncer que bientôt viendront, espérons-le, des études de la vie et l'oeuvre sollersiennes autrement plus objectives que celles d'un Forest.
L'extrait que je citais plus haut est de J-P Domecq, d'une lettre à la revue Esprit, republiée en 2002 dans "Qui a peur de la littérature ?" du même auteur. Lettre qui s'occupait d' "interroger la critique littéraire", la démontait avec un bel acharnement, et dénonçait une certaine forme de terrorisme ("(11) septembre noir", date hautement symbolique également du terrorisme de la "rentrée littéraire") intellectuel auquel Sollers participe bel et bien (ce qui est perçu depuis longtemps : "je n'aime pas du tout Sollers, j'ai l'impression qu'il n'y a là que du terrorisme, et voilà tout.", G.Perec dans une interview de 1974 ; "Sollers est ce général qui met au pas dialectique et maoïste tous les hétérodoxes et les petits fauteurs d'écart.", J. Sojcher, in La Démarche poétique, 1976). Sollers ne fait pas tâche au milieu de cette critique de la critique.
Pour Godard, je ne souscris pas à l'expression citée (qui semble venir de Debord lui-même et plus précisément doit être "le plus con des suisses pro-chinois")
A propos de l'exemple du notaire de Frédérique Clémençon : si ces critiques font référence à Balzac, ne serait-ce pas, plutôt que pour sauter sur les notions d'intertextualité et de palimpseste, parce qu'il fait partie de leur "horizon d'attente" et ne peuvent pas s'empêcher de penser à Balzac en voyant un notaire dans un roman ? L'auteur peut déplorer qu'on le rapproche de Balzac alors qu'il ne veut aucunement y faire référence, il ne peut empêcher que, pour certains, notaire dans un roman = Balzac. Si le notaire était vraiment une "figure indésirable" dans la littérature contemporaine, la critique n'aurait pas salué unanimement (sauf Philippe de Jonckheere) "Place forte" de Sébastien Brébel (à ce propos en faisant une recherche dans google sur ce bouquin, on tombe tout de suite sur une petite critique s'intitulant "La comédie humaine" et elle est élogieuse, étonnant non ?)
2005-01-26 19:15:01 de Bartlebooth

Je me retiens d'être grossier, mais, franchement, ce passage de haute voltige, j'y crois pas...
Je cite :
« Y a-t-il d'autres critères de jugement en la matière (de la relation entre auteurs et critiques) que les critères ordinaires, à commencer par la bonne foi ? Tenu compte de qui on est, de ce qu'on veut faire, de ce qu'on vise, on se trompe rarement, heureusement. (On reconnaît immédiatement l'"ennemi" et l'"ami".) »
Alors c'est ça, les résultats de l'éducation contemporaine, censé inculquer un certain esprit critique ? Alors c'est ça, la quintessence de la critique littéraire ? Les « critères ordinaires » et la « bonne foi » ? Mais de quoi on nous parle là ? Du "bon sens" bourgeois, qui se permet de juger x ou y (« l'ami et l'ennemi », alors là, franchement, je gerbe) uniquement en référant à lui-même — et de façon infaillible ! (« on se trompe rarement » !!). Quel est-il le fondement du bon sens si ce n'est.... le bon sens lui-même ! On est en plein délire là. Ce type de discours sur le sacro-saint « ordinaire » et la soit-disant normalité, c'est le refus de l'argumentation. D'ailleurs pourquoi voudrait-on discuter avec nous, puisque nous sommes « l'ennemi »...
Comme quoi entre leur sacro-saint jôshiki 常識 des conservateurs de tous les jours au Japon, et le discours comme refus du dialogue de certains en France, l'écart est faible. Si j'étais anthropologue, j'en croirais que c'est structural...
2005-01-27 03:06:05 de Arnaud

Si j'étais anthropologue, je dirais que c'est également ironique, non ? Je l'espère, très sincèrement.
Sinon, dans un second temps, j'irais immédiatement mesurer, à la Broca, les mensurations de la boîte crânienne, juste pour savoir à quel morphotype, et donc quelle catégorie évidente d'être j'ai affaire.
Mais n'ayez craintes, mon bon sens me guiderai, bien sûr, tout au long de l'opération.
2005-01-27 04:01:31 de Acheron

Un créateur mature et lucide ne se préoccupe pas vraiment de la critique (en a-t'il le temps ?), il lui laisse faire son travail, qui est comme tout travail plus ou moins bien fait et lisible...Il répond éventuellement aux questions... et il parle de son propre travail qu'il estime prioritaire.
Quant au lecteur, à quoi peut lui servir le travail des critiques ?
A faire des choix ... sachant comme le dit Pascal QUIGNARD que "toute lecture est une errance"...
La vie est trop courte pour ne pas aller directement à l'oeuvre... les commentaires enthousiastes de critiques pouvant le cas échéant servir de tremplin pour l'effort de curiosité, sont parfois utiles mais pas indispensables.
"La conversation est un luxe" a écrit quelque part LE CLEZIO
et il m'arrive de penser la même chose.
Distribuer les bons et les mauvais points aux critiques est peut-être un métier à plein temps pour rentiers ou pour justiciers ... Bon, je me moque un peu... c'est L'EFFET BERLOL...SGDG.
2005-01-27 12:07:39 de Marie.Pool

POST SCRIPTUM :
Je préfère les biographes aux critiques...
2005-01-27 12:12:35 de Marie.Pool

My dear Arnaud, ce que ça doit être quand tu ne te retiens pas. As-tu vu les guillemets ? As-tu vu les points d'interrogation ? Si tu as des critères qui ne se ramènent pas aux critères d'admissibilité que j'évoque, je t'en prie, une liste. Quant à penser qu'en ces matières, l'argumentation pourrait déboucher souvent sur un accord ? Quand on passe de la discussion au différend, l'énergie qu'il faut y investir est souvent disproportionnée à la qualité de l'accord péniblement obtenu (et c'est souvent au mieux de s'accorder sur le désaccord, "agreeing to disagree"), mais on a déjà évoqué ce problème, non ?
Sur ami/ennemi [il ne s'agit pas de guerre, Arnaud dear, mais d'affinités, pas plus, c'était pour ça les guillemets] : bien sûr qu'on se trompe, mais moins souvent qu'on ne le croit ou que les récits imaginés ne nous le font croire (c'est plus intéressant quand il y a des renversements). Mais ce qu'il m'intéressait de dire, c'est surtout que la perception est globale et s'attache à des constellations de détails. C'est un peu comme les 10 ou 30 ou 50 premières pages de Berlol ou la lecture de survol des critiques. Comment se fait-il que finalement on se trompe si peu (je persiste), mais est-ce que ça suffit ? Est-on légitimement fondé à revendiquer toujours plus d'attention ? Est-ce sans fin ? Faut-il déplorer que ne soit pas à chaque fois prise en compte l'individualité de chacun dans ses replis les plus fins ? Est-ce que ça disqualifie toute évaluation ?
Sur les critères : peut-on exiger plus que l'application de critères de procédure ? [Que, par ailleurs, je croie qu'il n'existe pas de critères d'acceptabilité rationnelle qui ne présentent aucune composante éthique est assez indifférent sur ce point.] Frédérique voudrait au moins une "orientation vers le texte", mais c'est déjà un critère substantiel, qui suppose un choix "théorique" (par rapport à une "orientation vers les personnages", etc.). Sinon, en reprenant rapidement toutes les critiques faites à la critique dans les contributions, je ne trouve rien d'autre que des réprobations morales (insinuations de corruption, etc.).
Je ne développe pas, mais la littérature comme la critique sont des institutions et l'acceptabilité publique y joue un rôle capital à ce titre. D'où le rôle du paratexte (parlons d'étiquette : éditeur, marque, collection, préface, citations, etc.), etc. Ce n'est jamais un dialogue singulier entre un lecteur et un texte. Ou plutôt ça l'est aussi, mais ce n'est pas sur ce dialogue que s'est institué la littérature. Après c'est un choix de vie, qui ne va pas sans quelques conséquences désagréables...
2005-01-27 15:36:38 de Dom

Moi j'aime bien le relativisme distingué de Dom. Il démonte nos emportements... et ça nous embête. Pourtant, il ne veut pas la guerre.
2005-01-27 15:50:55 de Berlol

Non bien sûr qu'il ne la veut pas. Personne ne la veut d'ailleurs. C'est bien connu. Ca arrive toujours par hasard. Et puis, il est de "bonne foi" (notez les guillemets ; si on en met on peut écrire n'importe quoi, paraît-il).
(N'empêche que ce que j'ai écrit semble partagé.)
Et puis, le dernier post, moi je ne le comprends pas très bien. Notamment : de quelle définition de la littérature y est-il question ? Car l'usage qui y est fait de ce mot semble restrictif.
La littérature comme institution ? S'agit-il de la littérature nationale, c'est-à-dire celle issue de la modernité nationale, ciment de la nation ? (Oups, je sais que tu nous parlais de "nation gauloise" et que tu considérais ces débats sur l'État-nation comme du discours "foucaldien" ; dans ces conditions le débat sur la littérature est mal barré). Ou bien s'agit-il de la soit-disant haute littérature, c'est-à-dire des canons, par opposition aux genres vulgaires considérés comme non littéraires ? Si tu me réponds que tout texte est littéraire, alors pourquoi parler d'institution ? Moi, quand j'écris, je ne suis pas une institution. Ou alors tout est institution. (Ou alors que je n'aurais pas le droit de "prétendre à être "littéraire"...)
2005-01-27 17:16:05 de Arnaud

Qui sème le vent...
2005-01-27 17:19:07 de Arnaud

Citation de Berlol :
« Moi j'aime bien le relativisme distingué de Dom. »
Ce qui est bien avec Dom, c'est qu'il relativise le sens des mots, voire de ses propres déclarations. (Tout en "persistant".)
Du coup, on parle dans le vide. (Le vide relativiste, peut-être...)
2005-01-27 17:26:55 de Arnaud

Une institution c'est ce qui est institué,établi... ça commence à partir du moment où il y a deux interlocuteurs qui entament ou tentent de produire un dialogue... Un dialogue n'a de vocation littéraire qu'à partir de sa reconnaissance par un tiers habilité à le faire (ou qui se croit habilité à le faire, on a inventé les diplômes et les examens pour empêcher qu'il agisse en électron libre) .C'est la fonction sociale des comités de lectures patentés, institutionnalisés qui rejettent ou mettent en exergue les textes qui sont autorisés à circuler
pour atteindre au plus grand nombre ( marchés de l'édition).
"Prétendre être littéraire" n' est pas plus présomptueux que de se déclarer buveur d'eau. Reste à convaincre... et ce n'est jamais seulement une partie de plaisir... il y faut de la
"persistance" et des aptitudes à "relativiser" les déboires narcissiques qui accompagnent " l'exposition" au regard d'autrui par l'écrit. Ceci dit , bien des auteurs ne se préoccupent pas des lecteurs potentiels lorsqu'ils écrivent.
2005-01-27 18:03:57 de Marie.Pool

Je constate qu'on s'empoigne encore joyeusement sur les affaires de la critique. En ce qui me concerne, pouce, plus envie.
Sur le feu, car l'heure du dîner sous nos latitudes approche :
- une minestrone
- une omelette à la ciboulette
- une tarte aux pommes au beurre à la cannelle au caramel et à la crème pour ceux qui aiment
Je vous sers?
(Euh, la littérature comme institution, c'e'st quoi c't'machin? - non, j'ai dit que j'arrêtais)
2005-01-27 18:28:27 de Frédérique Clémençon

la tarte au pomme au caramel au sucre à la confiture à la crème à la cannelle pour conclure un débat houleux, ça devrait être une institution
2005-01-27 20:50:49 de Cel

La confiture, Cel, sur ma tarte ? Ach, malheur.
2005-01-27 21:08:56 de Frédérique Clémençon

j'ai ici une délicieuce confiture au gingembre, je pense que ce serait une expérience à tenter (sans vouloir en débattre !)
2005-01-27 21:11:17 de Cel

Toutes mes excuses pour les accents (ce que c'est que d'acheter, purs snobisme et nostalgie, un Vaio dernier cri mais tout japonais...).
Berlol, merci pour ton petit mot gentil. Mon relativisme, reel, l'est tellement qu'il est tres relativise...
Arnaud, my precious, ce n'est pas moi qui relativise, tu proposes toujours des interpretations tellement outrancieres de ce que j'avance [la venerable bonne foi confuceenne devient bon sens, et bourgeois pour faire bon poids, why not paysan] que le simple fait de les reformuler parait effectivement une attenuation, par simple contraste. Et je pensais que tu nous ecrirais pour nous donner ta liste des criteres non moraux d'une pratique critique acceptable. Et tu me mets en double bind : tu veux des definitions et tu dedaignes les dictionnaires. Que faire ?
Madame Frederique (la, je vais etre didactique, encore plus que d'habitude, mais puisqu'on semble devoir jouer a se faire passer pour plus idiot qu'on est, let's roll), la litterature est fait d'institution parce qu'activite publique, reglee par des normes [a moins que sans qu'on m'en ait informe, la quete des criteres indiscutables de la litterarite ait enfin aboutie ? Tell me please], distribuant des roles dans des organisations, definissant une portion de l'espace social dans laquelle peuvent se deployer des anticipations reglees et plus ou moins stables. Accord total avec Marie.Pool, sauf pour sa derniere phrase, peu plausible, tant qu'on n'utilise pas un langage prive (la langue elle-meme est aussi fait d'institution). Des exemples : maisons d'edition, collections, prix, seances de signature, etc. Tout ce qui fait passer du fait d'ecrire au metier d'ecrivain, et qui vous pese ? Tant qu'"Unix mode d'emploi" n'aura pas recu le prix Goncourt, ou que tous les livres ne seront pas publies anonymement, au meme format, dans la meme typographie, et sous une immaculee couverture blanche du meilleur aloi, je croirais que la litterature est une institution. (C'en serait d'ailleurs aussi une dans ces cas-la, mais alors pour le coup fondee sur le rapport singulier texte-lecteur, ce qui historiquement n'a pas ete le cas, et qui aurait ete tres onereux au plan cognitif, ceci expliquant sans l'ombre d'un doute en partie cela).
Sur la critique, je voulais distinguer les reproches moraux, tres recevables et bien fondes, et ceux qui porteraient sur les fondements du jugement critique (ils ne lisent pas vraiment, apposent hativement des etiquettes, etc.), qui me semblaient relever d'une description depreciative de leurs pratiques des textes, qui ne sont certes pas celle des auteurs ou des archi-Lecteurs, mais qui precisement parce que la litterature est un fait de convention, ne les induisent pas tant que ca en erreur; il est normal qu'un editeur, un critique, etc., juge vite, l'autorite qui leur est institutionnellement reconnue l'est precisement pour cette raison meme (leurs jugements nous sont plus utiles que leurs justifications, comme ceux d'un medecin, etc.).
2005-01-27 21:51:41 de Dom

Oups ! Diète... J'ai la littérature à l"estomac tout par un coup ! Le gingembre et la cannelle en tisane, ça se fait ?
2005-01-27 21:57:48 de Marie.Pool

Et puis il y a aussi d'excellents critiques ! Même dans les journaux et magazines...
Allez, je veux bien une part de tarte, moi aussi. Merci, Frédérique, pour ce moment de détente.
En tout cas, je me suis bien marré en voyant toute cette série de commentaires. C'est vraiment un sujet inépuisable...
2005-01-27 23:40:47 de Berlol

Dom, il faudra que tu nous expliques à quel moment, lorsque tu écris tu te situes dans le cadre d'une discussion, et non pas simplement dans le registre permanent de l'assertion, voire même de la "leçon" ?
Et pour finir, serais-tu brachycéphale ?
Signé : "un pacifiste"
2005-01-28 01:03:04 de Acheron

Cher Dom,
Tu écris des choses très vraies sur le rapport entre édition et livre. Très bien.
Mais je remarque que tu ne réponds pas à la question cruciale que j'ai posée, à savoir ce que tu entends pas le mot de littérature. L'insistance sur la notion de critique à laquelle tu tiens, ou le renvoi au Goncourt, laisse penser que tu penses aux livres dits "reconnus", c'est-à-dire à la fameuse haute littérature. (Je me souviens également que tu semblais considérer la science fiction comme un genre non-littéraire...)
Ensuite, l'emploi de l'adverbe "historiquement" laisse entendre que tu parles d'un objet qui aurait une bien plus grande ancienneté que ce que les historiens (les vrais) lui admettent dans les faits. La littérature au sens qu'on lui admet aujourd'hui, c'est-à-dire un corpus national organisé de textes ayant valeur esthétique, est un concept qui naît au 18e siècle en Europe. Avant cela, ce que l'on appelle littérature c'est l'ensemble de ce qui est écrit, sans rapport aucun avec la critique ni autre chose. Et tout le reste, ce n'est qu'illusion nationale retrospective. Comme la "nation gauloise" d'ailleurs.
p.s. Croire qu'on puisse s'appuyer sur son dictionnaire pour produire des définitions opératoires afin d'analyser ce type de questions, définitions qui soient d'un niveau suffisant pour une discussion (encore que tu sois plutôt adepte du "cours") précise post-lycée, c'est se foutre le doigt dans l'oeil. Le mot "altéroréférentiel", il est dans ton dictionnaire ? Je me demande si l'adjectif "foucaldien", que tu employais comme une insulte, y serait lui aussi... ?
2005-01-28 02:23:41 de Arnaud

Arnaud,
litterature ou nation, je crains que ce ne soit effectivement entre nous le meme debat. Je ne me defile pas, mais on l'a deja eu. Juste une citation approximative de Hilary Putman qui signale la piste a suivre pour en comprendre les enjeux : la verite d'une conception ne fixe pas la reference des concepts (tout ceci est exceptionnellement difficile et je me debats avec en ce moment, je ne suis pas vraiment capabe d'etre tres clair, mais je peux vous conseiller, pour terminer ma lecon, le petit libre de Claudine Tiercelin, Hilary Putnam, l'heritage pragmatiste).
Bon, maintenant, c'est la recre.
2005-01-28 08:53:05 de Dom

Voilà qu'il me donne du Madame, maintenant, et qu'il me la fait didactique, mais qu'est-ce qu'on va faire de lui... qu'il se fait traiter de brachycéphale par Achéron... qu'Arnaud en remet une couche ...
Tout cela finira mal, moi je vous le dis. Berlol, gaffe.
Il reste encore de la tarte avec ce que vous voulez dessus :
- confiture au gingembre ou à la carotte
- crème de chou
- coulis de didactique
- purée pacifiste
- moutarde à la cannelle
2005-01-28 09:05:31 de Frédérique Clémençon

Eloge de la" Littérature" et du "Gloubiboulga"(Pour mémoire =Nourriture de Casimir dans l’île aux enfants), Merci Madame Frédérique pour vos joyeuses recettes multiréférentielles et sédatives...Après un repas copieux, il faut bien digérer les concepts au repos et au lit (si possible accompagnés), a fortiori lorsqu'il y a suralimentation accidentelle...Par ailleurs il est très difficile de faire manger la même chose à des convives à qui on donne le choix du menu.
En littérature c'est pareil...On ne choisit bien qu'avec le coeur... la raison et l'érudition sont des cache-frontières...
Berlol ne risque rien, il fait goûter tout ce qu'il mange par les étudiants et les bloggeurs à "sens unique"..."Pas fou le gars!"
2005-01-28 09:57:26 de Marie.Pool

Je reviens d'une séance de séminaire, à écouter un jeune chercheur parler du moderne et de la modernité, sans définir les termes, en balançant des références à Deleuze, Heidegger, voire Benjamin etc. toutes les trois phrases, le tout ornementé de concepts conceptualisés (comme qui dirait) en guise d'"arguments". Je précise que le propos concernait (paraît-il) l'urbanisme moderne à Tôkyô durant l'ère Meiji.
Mais où est le rapport à l'histoire, c'est-à-dire au réel, là-dedans ? Car on a beau modéliser (comme certains disent), à vouloir "réfléchir" sans rapport aux sources...
Une fois de plus, j'ai eu a fâcheuse 'impression d'un discours qui s'auto-entretient. Ca doit être ça, la "pensée immanente"...
2005-01-28 14:00:28 de Arnaud

Éh, éh... J'ai failli y aller, je l'avais noté sur mon agenda, et puis je me suis dit que j'avais mieux à faire. J'ai presque fini mon cours, mais mes yeux se ferment. Je finirai demain matin...
2005-01-28 14:08:21 de Berlol

Berlol, je t'en donnerai le texte écrit. Tu verras voir, c'est assez puissant. Notamment les passages où Latour est évoqué.
2005-01-28 14:13:24 de Arnaud


Mercredi 26 janvier 2005. On est coincé sur la paillasson.

Je pensais pouvoir interroger mes collègues sur la situation des sans-abri de Nagoya mais on n'a eu que peu de temps et il y avait d'importants problèmes à l'université... Donc je n'ai pas osé la ramener avec ça. On verra demain.
Ceci pour répondre un peu à Arnaud (je vois que Frédérique Clémençon vient de le faire aussi, c'est presque du temps réel, le blog, ces jours-ci) dont les commentaires ulcérés d'hier sont tout à fait légitimes. Il faut croire qu'il nous est collectivement plus facile de parler de littérature et par exemple de Sollers, avec tous les avis du monde, que des clochards.
Et puis en parler pour dire qu'il y en a et que les administrations ont des attitudes indignes, ça ne fait pas beaucoup avancer la situation et ça risque même de nous donner bonne conscience d'en avoir parlé, ce qui serait le pire.
On est coincé.

Lors d'une réunion qui a quand même duré trois heures, nous avons été plusieurs à constater que l'un de nos collègues (mais pas du département de français, grands dieux !) renaudait comme un clochard — en trois heures, on a bien le temps de se rendre compte... Il jouit pourtant d'un traitement confortable et doit certainement avoir une douche et l'eau chaude. Par ailleurs, il est très intelligent et parle couramment cinq ou six langues.
Ceci pour répondre au Premier Ministre australien, John Howard, conservateur et raciste, dont JCB a bien voulu nous faire connaître les indignes propos dans son journal d'hier.
Son « Tyger, Tyger burning bright » blakien, j'y associe en toute liberté et sans souci de haut et de bas de la poésie :
« Lions always hit the heights
Because to kill it's always been an easy way out »

(Daniel Ash, Lions, dans l'album du groupe Tones on Tail, Night Music, 1987 — lignes de basse, arrangements et voix sussurantes en font un des disques les plus incroyables de ma discothèque — dans ma série de numérisations, j'en suis ce soir à Bauhaus, Tones on Tail, Daniel Ash...).

À vélo statique, j'ai repris contact avec Jean-François Paillard. J'en étais resté la semaine dernière à une impression mitigée. Fadeur rythmico-sémantique des phrases infinitives et énumérations consuméristes ne menaient nulle part. Ces deux défauts persistent, voire empirent, c'est un système, je crois, mais j'ai accroché un peu mieux parce que deux personnages se sont rencontrés et parce que des incidents urbains se sont produits. Mais ça reste quand même très moyen. Et fade.

« Penser à une braderie monstrueuse de paillassons 100 % coco et frissonner.» (J.-F. Paillard, Un Monde cadeau, Éditions du Rouergue, p. 54)



Pour les clochards (?) japonais, il nous faudrait des infos et encore des infos. Sinon, que dire ? Si on admet (ça me paraît peu contestable) que les autorités françaises n'accepteraient pas un seul instant l'installation des campements de toiles bleues qui existent dans quasiment toutes les grandes villes japonaises (ton illustration est très claire pour ceux qui ne voient pas à quoi ça peut ressembler, sinon qu'il existe parfois des regroupements sous le couvert des bosquets de dizaines de telles tentes, en tout cas c'était le cas à Ueno il y a quelques années), alors quoi : cette tolérance est-elle l'effet de la mauvaise conscience des autorités municipales japonaises qui savent que rien n'est prévu par ailleurs pour accueillir ces marginaux, si c'est effectivement le cas et l'est-ce ? comment s'organisent ces campements ? cette organisation est-elle encouragée ou découragée par les associations qui interviennent dans ces campements (il y avait des soupes populaires régulièrement à Ueno) ? s'agit-il vraiment de marginaux, ou de sans-abri exclus du marché de l'immobilier par les pratiques indécentes des propriétaires privés mais pourvus par ailleurs de jobs plus ou moins permanents ou recrutés comme journaliers sur les marchés informels plus ou moins contrôlés par la pègre et donc sans doute très pauvres mais pas totalement marginalisés ? etc etc.
Et encore : quelle est la position des autorités interpellées par les sans-abri ? Proposent-elles des solutions de rechange ? Répondent-elles à des injonctions de l'État ? Quelle est l'orientation politique de la municipalité de Nagoya ? Est-ce que ça a une influence sur les décisions prises ? Que dit l'opposition municipale ? Les autorités municipales peuvent-elles réellement envisager de laisser les camps en place pendant l'expo ?
2005-01-26 18:50:53 de Dom

« Les autorités municipales peuvent-elles réellement envisager de laisser les camps en place pendant l'expo ? »
Dom, au-delà de tout ce que tu as écrit au-dessus, n'est-ce pas plutôt cette dernière question qui résume à elle seule tout le problème ?
2005-01-27 03:20:59 de Arnaud

Beaucoup de questions que je me pose aussi. Et je crois que la réponse à celle d'Arnaud est "Non"... Le lien sur la photo mène à une sorte de journal d'un "homeless".
Je vais faire des recherche en japonais (n'ayant pas eu beaucoup de temps, je n'avais encore cherché qu'en anglais)...
L'ironie, c'est que les organisateurs de l'Expo ont fourni des garanties quant à l'environnement, les espèces naturelles (végétales, animales), la pollution, le réemploi des constructions, etc., mais au sujet des êtres humains, que dalle !
2005-01-27 04:15:08 de Berlol

N'oublions pas ce qu'est la "place sociale" du clochard au Japon : rien.
Ca ne veut pas dire qu'en France on invite ces personnes à manger chez nous, juste qu'au Japon, comme à la mairie FN d'Orange, on leur met des tontons Makoute aux fesses pour les faire bouger… et ce dans toutes les grandes villes comme Ôsaka ou Tôkyô, et les passants trouvant que de toute façon, les clochards, c'est moche… alors…
Aussi, il faut souligner la petitesse des assos d'aide au Japon, par rapport même aux assos que nous avons en France. Une des plus actives sur Tôkyô et Yokohama c'est… MSF !!!
2005-01-27 04:54:19 de Acheron

Ces dispositions sont prises, en France, dans la plupart des villes, et pas seulement dans les villes dont les maires sont au FN, ou à l'UMP. Un grand nombre de villes brillant notamment par leurs festivals estivaux, ou simplement soucieuses d'offrir aux habitants (et consommateurs) un cadre de vie (et de consommation) propice au bonheur leur ont fait savoir qu'ils devaient partir sans autre forme de procès. Il est d'autant plus difficile de lutter contre ces décisiions qu'elles sont naturellement souvent prises en catimini.
Quant aux associations en France (je ne connais rien d'autre sur celles du Japon que ce que vous en dîtes), s'il est vrai qu'elles ont su s'organiser de manière efficace et jouer un rôle parfois central, et pas seulement dans les zones urbaines, la politique de l'actuel gouvernement en a obligé plus d'une à mettre la clé sous la porte : suppression totale ou partielle des subventions (la plupart ont perdu entre 30 à 50% des moyens qui leur étaient jusque-là octroyés) et c'est la fin.
(Merci à Arnaud pour sa diatribe d'hier. Ca m'a réconfortée. Ce sont là paroles de bonne foi..., d'une petite bonne femme pleine de bonne volonté)
2005-01-27 09:02:16 de Frédérique Clémençon

Ce qui est grave (aussi) dans tout ça, c'est que visiblement bon nombre de Japonais continuent de penser qu'il n'y a pas de clochards au Japon. Il y a encore quelques jours, j'ai eu une conversation assez vive sur le sujet avec mon cher et tendre K. Il m'a fallu ramer plusieurs minutes avant d'arriver à lui faire (à moitié seulement, voire 1/4) entendre raison sur la question. C'est à se demander si le déni ne serait pas une façon de "penser" systématique dans ce genre de cas, afin de ne pas se sentir coupable. Evidemment, je ne parle pas de ceux qui, comme partout ailleurs et notamment en France perpétuent le mythe que les clochards le sont parce qu'ils le désirent !!
Et bien, dans tout ça, puisque nous ne pouvons malheureusement pas empêcher qu'ils se retrouvent à la rue, il ne nous reste qu'une chose à faire (ce que j'essaie de faire dans les limites de mes moyens) : donner, sans préjuger de savoir si la personne qui reçoit est "bien en droit" de recevoir. Alors, parfois, pour éviter de donner de l'argent (je redoute que cet argent soit bu, mais là encore j'essaie de ne pas porter de jugement sur ce qui est fait de l'argent qui est reçu lorsque c'est le cas) je fais quelques courses et je les distribue. A la gare du Midi, il y a souvent un groupe de "homeless" qui fait la manche, alors c'est assez facile de donner. Je me souviens, d'ailleurs, que dans le quartier de Nagoya incriminé, il m'est arrivé de me faire aborder par ces sans abris qui osaient me demander de l'argent, parce que j'étais étranger (ils avaient sûrement moins honte de demander à un blanc qu'à un Japonais, mais parfois le ton était assez agressif... Un peu comme si c'était un dû... Pensaient-ils, comme beaucoup, que je leur volais du travail ?? Je ne sais !)
Bruxelles semble organisée sur la question, un soir j'ai découvert par hasard qu'il y avait distribution de nourriture dans un long couloir de la gare Centrale (est-ce le cas tous les soirs ?? aucune idée, j'imagine que oui).
Pour ce qui est des Japonais, le gouvernement cherche peut-être à rester aveugle sur ses propres incompétences et disfonctionnements (comme beaucoup de gouvernements), car tout "homeless" lui rappelle qu'il n'est pas en mesure de prendre en charge totalement les habitants dont il est censé être le représentant et le protecteur. De même que ces "homeless" sont bien la preuve que des êtres humains ne se gèrent pas comme des pions (on ne peut pas les mettre "à la casse" après usage)... Et que, là encore, certains doivent en éprouver un sentiment de "perdre la face"... Il est donc plus facile de dire que ceux qui sont "homeless" l'ont bien cherché (voulu), ainsi, cela évite de penser aux problèmes de fond et de se dégager du sentiment de culpabilité... Evidemment, cela n'a jamais fait avancer le schmilblick...
2005-01-27 09:17:18 de Au fil de l'O.

Quelque chose me revient en mémoire, un reportage édifiantvu il y a quelques mois sur la manière très sympathique dont on aborde (et résoud) le problème des clochards dans notre beau pays - mais je suppose que vous en avez déjà entendu parler.
Les municipalités - toutes tendances confondues - et les entreprises privées demandent à des urbanistes (tout à fait tranquilles, où est le problème?) de concevoir du mobilier urbain "inhospitalier", c'est-à-dire susceptible d'empêcher les clochards de :
- dormir sur les bancs du métro ;
- s'agglutiner sur une petite place avenante ;
- s'agglutiner devant la vitrine d'une banque ...
On use pour ce faire de toutes sortes d'objets et trucs très chous tels que :
- barrières cloutées devant la vitrine de la banque ;
- bancs bien connus transformés en barre dans le métro ;
- rivières d'eau autour de la sculpture de la jolie placette...
Et le reportage de montrer les réalisations de nos valeureux urbanistes dans la plupart des grandes villes de France, où se retrouvent donc, main dans la main, les municipalités désireuses de faire place nette et les entreprises privées.
L'est pas belle, la vie?
2005-01-27 09:24:09 de Frédérique Clémençon

En recherchant des infos sur l'artiste Gilles Paté et sur l'un de ses films, "Le Repos du fakir", j'étais tombé sur des articles semblables sur les nouvelles stratégies du design urbain imaginées pour exclure les indésirables :
- http://www.nouvelobs.com/articles/p2088/a255128.html
- et cet article de Gilles Paté : http://www.lesperipheriques.org/article.php3?id_article=309
Je me souviens également de cet article de Philippe de Jonckheere : http://www.leportillon.com/article.php3?id_article=581 ...
2005-01-27 12:31:49 de Bartlebooth

Merci à Bartlebooth pour toutes ces adresses. Ravie de trouver de nouvelles informations sur ce sujet.
2005-01-27 13:22:46 de Frédérique Clémençon

U-blog.net/berlol/;
konnichiwa from japanese islands. i noticed that some people visited to our web site yesterday. so, i visited to your web site today. your web site uses my foto on the top of your web site. i 'm so surprised it. i can not read french words at all. our homeless comrades in nagoya suffer from nasty politics of nagoya city. also we,homeless comrades & supporters in osaka, suffer from nasty politics of osaka city. governments and japanese medias insist on homeless squatters in many park prevent "citizen's life". who are robbing our works? who are never providing the work to the people that need their work for their lives? japanese law shows "people living in japan must work." kidding are everywhere. dignity NOT SELFISH WAR! works NOT AUSCHWITZ! are right, i think. thanx for your reading. (rebel_JILL)
2005-01-28 03:29:32 de rebel_JILL from osaka, jpn

Konnichiwa rebel_JILL,
Thank you for your visit. I've used your foto to get informations in french about the situation of the homeless people in Japan, and specially in Nagoya with the "cleaning" by authorities for Bampaku ("nasty politics", as you said and I agree).
We try to have 'true" informations but we cannot find very much in the medias. Many of my visitors, I hope, would go to visit your website (and some others homepages) to understand the situation and give you some support or help.
2005-01-28 05:52:51 de Berlol


Jeudi 27 janvier 2005. Des heures exceptionnellement Gracq... et Modiano.

J'ai commencé à écouter les archives Gracq que diffuse ces jours-ci France Culture sur son canal web
Les Chemins de la connaissance. C'est exceptionnel !
  • Les entretiens de Julien Gracq avec Jean Paget, enregistrés en 1968.
  • "Connaissance de l'Homme : le XXème siècle", consacrée à l'oeuvre de Julien Gracq, par Raymond Polin, avec Jean Deschamps, professeur à la Faculté de littérature de Lille, enregistrée en 1958.
  • "Heure de culture française : art et littérature", consacrée à l'idée de Dieu chez Julien Gracq, par Gérard Mourgue, enregistrée en 1965.
  • "Archives littéraires : Julien Gracq" :
    • "Les chemins de la connaissance" par Vera Feyder, enregistrés en 1971.
    • "Enquêtes et commentaires" par Saint-Clair Dujon, enregistrés en 1961.
    • "Morceaux choisis" par Jean Paget, enregistrés en 1967.
Attention, comme ce sont des archives INA, ce n'est pas stocké sur le site. Il vous reste à choper l'une des plages restantes : vendredi 28 et dimanche 30 de 13h à 17h,  samedi 29 et lundi 31 de 1h à 5h du matin (dur dur !). En fait, c'est une alternance assez simple à piger. Après Gracq, ce sera Lévi-Straus, pas mal non plus...

Pour la suite de la critique de la critique, on se déplace chez Bartlebooth qui nous offre un très beau texte à déguster.

Suite des recherches d'information sur les sans-abri délogés de Nagoya. On les nomme homeless, ホームレス. Après googlage adéquat en japonais, j'ai trouvé : un site associatif (d'où vient la photo), un documentaire à aller voir le 29 (sur Toyko), une page où on les chiffre à 1500 (en anglais en bas de page), une photo de démontage, noir-et-blanc, un blog d'un M. Kosaka, enfin la compilation encyclopédique Wikipedia... qu'Arnaud pourrait lire pour en tirer la quintessence.
Pour nos lecteurs qui ne connaîtraient pas le Japon, ce qu'écrivait Acheron hier est très important : il n'existe quasiment aucune aide aux sans-abri car aux yeux des administrations, ils n'existent pas.
On voit ici que la tolérance muette n'est institutionnellement pas viable. On croit durant des années à une sorte de bienveillante bonhommie du pouvoir, de souplesse du corps social qui n'aurait pas besoin de mouvements de soutien ou d'associations d'aide (machins qu'on laisse aux Occidentaux qui en sont encore à avoir besoin de ça)... Mais, qu'une opération de prestige déploie ses fastes dans la région, les sans-abri sont éjectés comme s'il ne s'agissait que de sacs poubelles.

J'ai eu une journée à trous. Deux examens à faire passer le matin, un déjeuner vite avalé parce que David était en retard, un examen à surveiller en début d'après-midi et un dernier à cinq heures. Ça m'a laissé un peu de temps pour préparer ce qui précède.
Un peu ramolli par tout ça, quand même, je suis retourné au sport pour activer autre chose que des neurones. Mais j'ai changé de bouquin, j'ai pris La Petite Bijou de Modiano. Encore une fois, j'ai oublié que je pédalais en retrouvant la tendre efficace de son mode hésitatif. Et encore une fois je suis entré dans son tourbillon temporel à la recherche d'une identité. Ou de plusieurs. Sans difficulté, sauf un peu d'interférences personnelles en prenant le métro « Direction Château-de-Vincennes ». Et en me disant que je devais encore être en train de me faire avoir.

« Souvent, quelqu'un reste présent tout le long de votre vie, sans que vous parveniez jamais à le décourager. Il vous aura connu dans les moments fastes, mais, plus tard, il vous suivra dans la débine, toujours aussi admiratif, le seul à vous faire encore crédit, à éprouver pour vous ce qu'on appelle la foi du charbonnier. Un clochard comme vous.» (Patrick Modiano, La Petite Bijou, folio 3766, p. 16)

Allez, j'y retourne...



la photo de tente et le reste m'évoquent le travail de cette artiste, Lucy Horta, dont j'avais un peu parlé il y a quelques temps, et qui réalisait des tentes : des genres de k-ways transformables, des tentes incluant l'idée du corps dans leur structure même, des habitats-habits, des tentes réseaux également. Objets que je trouvais subversifs, répondant à la fois au critères du "design sport" le plus contemporain (matériaux haut de gamme, couleurs vives...), tout en ne présentant qu'une idée de possible appropriation par des individus sans domicile. Il se trouve que cette femme est une plasticienne, et que je l'ai vue au hasard du web classée comme designer... or il me paraissait évident qu'elle n'adressait pas ces objets aux baroudeurs et randonneurs qui font leurs courses chez Décathlon, bref à un "réel" usage, mais bien à une réflexion. Le duvet, la tente, le pliable - autrement dit le temporaire, la solution d'urgence, l'aisément déplaçable et démontable. Si la situation au Japon et l'exemple que tu cites est purement honteux, en France elle l'est plus discrètement - à vrai dire je me demande dans qu'elle pays à l'économie fonctionnelle elle ne l'est pas. Quand on ne cache ou ne nie pas, on s'en remet au structures associatives, les interventions issues de l'état n'étant que quelques ouvertures momentannées de lieux pour se rechauffer, que l'on n'accorde aux sans abris qu'à titre exceptionnel, en préssentant le mauvais coup médiatique que serait l'annonce d'un nombre massif de décès. Bref, on n'ouvre que quand il devient certain que le froid va être mortel (en ce moment la ville de Rouen où j'habite - qui par ailleurs ne semble pas avoir une trop forte politique de cache-misère, ni d'ailleurs de solidarité - ouvre ses gymnases pour la nuit aux sans abris, et ne manque pas de l'annoncer sur son site internet - mais aucune affiche dans la rue.)
Bref, que faire, en parler et risquer de le faire dans cette quête de bonne conscience déjà évoquée sur ton blog, donner sa pièce quand on peut, la donner aux associations si on peut - toutes ses petites interventions qui restent dans le temporaire, la survie, qui s'accompagnent d'une certaine envie de vomir, un peu sur soi de ne pas savoir proposer d'idées ou une révolte autres, et beaucoup sur ces pouvoirs qui pourraient, mais qui préfèrent étouffer les recherches de solutions stables par des déploiements de petits moyens, bien médiatisés mais n'agissant qu'à très court terme - une semaine à dormir au chaud dans un gymnase.
Loin d'une une vraie prise en compte du logement solide - et non du duvet (on en distribue aux sans-abris, en france) ou de la tente - comme simple nécessité...
2005-01-27 13:39:11 de Cel

Lien oublié...
quelques photos des pièces de lucy Orta : http://celblog.freelinuxhost.com/index.php?p=99
2005-01-27 13:41:55 de Cel

Merci de nous ouvrir ces fenêtres sur l'art.
Je m'en vais de ce pas visiter tous ces sites.
2005-01-27 15:36:25 de Berlol

Thank you for introducing our website!
"Homeless" is one of our big probrems in Japan.
2005-01-27 16:40:02 de kosaka

Sur les conseils de Cel, je suis allée consulter quelques sites consacrés à Lucy Orta, dont je ne connaissais pas le travail - beau travail.
Je vous laisse ici l'adresse de l'un d'entre eux, dont la page d'accueil commence par une citation d'Orwell, où apparaissent de nouveau les clochards indésirables. Elle est courte. Je la cite - mais le texte qui suit est aussi intéressant, qui offre, me semble-t-il, tout de même, des perspectives à ceux qui se demandent ce qu'on peut bien faire pour lutter, même à une très modeste échelle, contre toutes ces saletés.
"Le gâchis était étonnant et les circonstances consternantes. Des morceaux de viande à moitié mangés, des seaux entiers de légumes et de pains entamés étaient jetés comme des ordures et souillés par des feuilles de thé. J’ai rempli plus de cinq poubelles à ras bord de nourri­ture comestible. Et pendant ce temps, cinquante clochards attendaient à l’asile, le ventre à demi rempli du dîner de l’asile, composé de pain, de fromage et de deux patates parce que c’était dimanche. D’après eux, la nourriture était délibérément jetée plutôt que d’être redistribuée aux pauvres."
George Orwell, Down and out in Paris and London2.
http://www.esse.ca/no50/edito50.html
2005-01-28 09:47:13 de Frédérique Clémençon


Vendredi 28 janvier 2005. Vers un mépris des sens uniques.

Il n'y a qu'un ou deux liens de ma colonne de gauche, section ÇA BLOG.LITT'!, qui mène(nt) à des espaces à sens unique. Les ceusses qui tiendraient blog en déversant leur cargaison de n'importe quoi SANS autoriser qu'on leur réponde, je vais bientôt ne plus les considérer du tout. Si telle est leur intention (désir d'offrir, croix de recevoir), qu'il fassent des sites web classiques...

J'ai sorti La Question (Henri Alleg, 1961) de ma bibliothèque pour le prêter à quelqu'un, alors que...

Et puis faut qu'je prépare le cours de demain sur René Leys. Alors ce soir, tintin...
(Ça vient d'où, d'ailleurs, faire tintin ?)



Faire tintin
(Je recopie intégralement la définition de mon dictionnaire d'argot (Larousse) pour le plaisir de recopier les exemples. L'explication vient à la fin.
Tintin, n.m. 1. Faire tintin ou (vx) tintin-ballon, être privé de ce qui est attendu ou dû : "Notre chambre n'étant pas retenue, nous avions donc beaucoup de chance de faire tintin (Tachet) 2. Tintin! rien du tout, rien à faire : Le sana où je suis reçoit les assurés sociaux et même les A.M.G., assistance médicale gratuite. Mais pour les mutilés de guerre, Tintin. (Paraz, 1)
Tintins, n.m.pl. Vx. Espèces sonnantes
Etymologie : onomatopée imitant le tintement des pièces de monnaie. - 1935 (Esnault). - 2. 1938 (i.). - 3. pluriel 1918 (id.)
Voili.
2005-01-28 09:23:15 de Frédérique Clémençon

Pour ma part, je trouve dans le Robert des expressions et locussions :
Tintin, onomatopée.
Fam. Faire tintin, "être privé, frustré" (1935, Esnault). Le mot tintin, qui a la même origine (latin tintimare) que tinter, tintouin, tintamarre, etc, évoque un bruit métallique, habituellement celui d'une cloche, et en l'occurence, celui des pièces de monnaie. Wartburg atteste dès 1503, en Dauphiné la loc. faire tintin, au sens de "payer en espèces sonnantesé". Ce n'est qu'en 1918 (Esnault) que l'argot redécouvre tintins au sens de "monnaie" ; la loc. faire tintin réapparaît en 1935. Le retournement de sens pourrait s'expliquer par une allusion à un signal sonore marquant l'échec (analogue à faire tilt) ou par une allusion au bruit de la monnaie seul, sans la possibilité d'y toucher (cf. La fumée du rot).
"Tout le monde a raison, voilà tout [...] les goinfres de becter et les ascètes de faire tintin." (A. Boudard, Cinoche, p.43)
2005-01-28 09:40:16 de Pécuchet

Locutions, andouille !
2005-01-28 09:41:17 de Bouvard

Autre nuance sur "Faire tintin" dans le petit Robert
• XIIIe « bruits des verres qui s'entrechoquent »; onomat.
¨ Loc. fam. (1935) Faire tintin : être privé, frustré de qqch. (cf. Se mettre la ceinture*). Pour l'héritage, ils peuvent faire tintin ! Ellipt Tintin ! rien du tout (cf. La peau !). « Tintin, conclut-elle en se tapant le menton avec l'index et le médius de la main droite » (Queneau). C'est, ça va être tintin : c'est, cela ne sera pas possible.
P.S. 1 : Et qu'est-ce qu'on dit, Berlol ? Elles travaillent pas bien les petites fourmis?
P.S. 2. Bouvard, tu n'es pas très gentil avec Pécuchet.
2005-01-28 10:03:35 de Frédérique Clémençon

Ceusses qui jactent comme l'Berlol des queuqu'choses dans le genre "faire tintin", z'auraient ptêt plutôt dit :
" Jongler : Jeûner, subir une abstinence quelquonque, être privé de quelque chose. C'est aussi ne pas toucher ce qui vous est dû.
Synonymes : faire ballon, faire tintin, se mettre la ceinture (pop.)
Exemple : 46eme leçon : Quelques ponettes au rade d'un tapis :
- Gina (enquillant) : Ca vraiment, les potes, j'ai la scoumoune ! Juste ça tombe que j'ai mes ours la veille que mon Jules décarre du ballon ! J'étais déjà toute joisse : sans charre, y'a qu'avec Dédé que je peux reluire. Depuis une pige qu'il est au placard je me suis pas envoyée en l'air une seule fois !
- Zaza-la-Rouquemoute : Et alors ? Après une pige à jongler... y va pas y zieuter de si près, non ?
- Gina : Cézig, je sais que ça le déponne un chouïa ; y va renauder ! Surtout que son régal, c'est la descente au barbu ! "
Alphonse Boudard et Luc Etienne, "La Méthode à Mimile (L'Argot sans peine)" (ed. poche, pages 136-137)
- ouais la cel, on s'en temponne, r'mets plutôt un coup su'l'zing qu'on fasse tchin tchin !
2005-01-28 10:29:09 de Cel

- Pecuchet : Tamponne, andouille !
2005-01-28 10:31:41 de Cel

Je vois qu'on s'amuse bien pendant que je tourne le dos pour faire 500 km...
Mais bon, faut pas que je me laisse distraire, René Leys m'attend.
En tout cas, merci pour ces joyeuses étincelles !
A demain.
2005-01-28 10:58:59 de Berlol

Lu par hasard tes remarques sur mon roman un monde cadeau. Ce qui me scandalise, ce ne sont pas les commentaires fielleux - chacun est bien sûr parfaitement libre d'exprimer son avis sur tout -, mais c'est le fait que tu t'arroges le droit de les exprimer avant même d'avoir été au bout de la lecture. Il y a là une forme de déni de son propre jugement - et de sa propre liberté de juger - qui me paraît emblématique de tous ces faux intellos / vrais paresseux (et dès lors fachos en quelque sorte à leur corps défendant) qui prétendent jeter un regard critique sur le monde qui les entoure, sans même se rendre compte qu'ils sont phagocytés par lui. C'est précisément contre ces phénomènes de pensée fade (justement!), si bien décrits par mes maîtres à penser que sont Pierre Bourdieu et Luc Boltanski, que mes romans s'élèvent - comme ils le peuvent.
Jean-François Paillard
2005-01-28 14:28:38 de jean-François Paillard

Euh... rien de fielleux dans mes commentaires du 19 et du 26, je crois, et si vous me lisiez autant de pages que j'ai lu des vôtres, vous verriez que je ne suis pas trop paresseux. Mais vous n'avez sans doute fait que chercher votre nom, tomber sur la page, voir que c'était pas élogieux et vous y mettre, exactement de la façon que vous dénoncez (un peu facho...).
Ah, oui mais ce que je fais moi, c'est pas imprimé dans un beau livre comme vous, c'est ça que vous allez me répondre ?
Bon, je ne relève même pas...
De plus, je donne mon avis au fil de la lecture, donc c'est risqué et évolutif. Et je n'ai pas encore fini votre livre, mais je ne l'ai pas abandonné, non plus.
Quand je dis que c'est un système de phrases infinitives, vous ne pouvez pas me dire le contraire !
Prenez du temps (ou passez par l'index), voyez quand j'ai parlé de Vasset, j'ai justement montré ce qu'il y avait de variété et de poésie.
Comme vous avez mis le même commentaire au 22 puis au 28, des fois qu'on ne le verrait pas, je l'efface du 22. Il est suffisant ici.
2005-01-28 15:58:16 de Berlol

Non, il ne s'agit pas d'un système de phrases à l'infinitif. Ecoute ( ne prends pas mal le tutoiement, je le pratique avec tout le monde) : finis le roman (si, bien sûr, tu le désires : manquerait plus que j'impose quoi que ce soit à qui que ce soit) et on en reparlera peut-être un jour. Je nevoudrais surtout pas polluer ce blog avec mes poussées perso d'adrénaline.
2005-01-28 16:35:24 de jean-François Paillard

Jean-François Paillaird, bonsoir.
Sans vouloir entrer dans le micro-débat ci-dessus, je voudrais juste faire une remarque rapide. Je lis très fréquemment ce blog et je sais que son auteur a l'habitude de noter ses impressions de lecture au fur à mesure. Il utilise le blog entre autres à cet effet. (De fait, le blog n'est-il pas, dans sa forme même, dédié à l'expression d'impressions quotidiennes ?) Mais, au-delà, ces impressions de lecture au jour le jour sont toujours suivies d'un commentaire global et sérieux de l'ouvrage, une fois la lecture achevée. Les deux relèvent de deux plans différents, qui se complètent mais ne s'identifient pas.
2005-01-28 17:17:21 de Arnaud

C'est l'heure des travaux pratiques.
2005-01-28 17:56:54 de Dom

"Sois prompt à écouter, mais lent à donner ta réponse. Si tu as une opinion, répond à ton prochain ; sinon, mets ta main sur ta bouche. Gloire et déshonneur sont dans la conversation, et la langue de l'homme peut devenir sa ruine." (Siracide 5, 11 sq. )
2005-01-28 18:01:20 de Frédérique Clémençon

L'expression "d'impressions au jour le jour", comme tu dis, n'interdit pas qu'on puisse s'élever contre elles lorsqu'elles nous paraissent (à tort ou à raison) relever d'un jugement hâtif ou atrabile... La posture du bloger me rappelle un poème d'Henri Michaux, intitulé "une vie de chien", dans la nuit remue... Si j'avais le courage, je le reproduirais in extenso. Mais bon, je suis crevé et je crois que je vais laisser tomber.
2005-01-28 18:43:53 de jean-François Paillard

Intéressant.
Il y a donc une censure aussi sur les blogs et des conditions y pour rester visible.
Ça rassure, non? Que deviendrait l'intelligence si tout le monde et n'importe qui pouvait y balancer sa purée?
Personellement je n'ai pas de lien ni avec les clients ni avec les fournisseurs de ce blog (non ce n'est pas une blag).
PS/ "Colonie" m'est tombé des mains. (j'étais couché, y'a pas de mal).
2005-01-28 20:48:10 de Sans

allez, du calme dans la maison virtuelle!
un petit tour dans le travail multimedia de Jean-François Paillard, pour mieux comprendre l'ensemble, une belle satire qui a le mérite de convoquer d'emblée les images et le web en parallèle du texte, c'est là:
http://www.territoire3.org/pagePrincipale.htm
(désolé, berlol ne prend pas les liens!)
ça renvoie aussi à ce qui s'élabore dans ces blogs avec échanges et images, et qui ne tient plus du seul journal perso
un virage de ton carnet, Patrick, fini que tu parles seul, c'est un atelier collectif...
je croyais que "sans" s'abstenait définitivement ? c'est très cohérent qu'il n'apprécie pas Fr Clémençon, après tout!
2005-01-28 21:24:07 de FBon

On n'est pas obligé de tout aimer. Je dis aussi que Bon n'est pas bon à la radio; je le répète en sachant que j'ai été pire ((mais pas à la même échelle, d'accord).
Maintenant s'il faut présenter sa carte d'identité (de parti, de partie, bancaire, ... ou autre) il suffit de le dire. ...
Quelqu'un qui met ses "pensées", ses menus, sa vie en ligne sur un site visible par presque tout le monde devrait accepter des remarques, critiques ou simplement constats à ce propos par presque tout le monde aussi.
Berlol attaque SANS. SANS répond (Bonsoir M. Bon.)
2005-01-28 21:36:36 de Sans

Non, on n'est pas obligé de tout aimer.
Bonsoir, Monsieur Sans. - aurais-je dû vous entendre à la radio? mais qui êtes-vous? Tout de même, comprenez que je sois curieuse.
2005-01-28 21:41:22 de Frédérique Clémençon

Je vais lire "Une saleté".
Et puisque vous avez l'air d'être assez copine avec le modérateur de ce blog, il vous donnera mon e-mail.
Bonsoir
2005-01-28 22:33:50 de Sans

Ouh la laaa ! J'ai dormi tout ce temps-là, moi !
Une première chose pour être très clair : je n'ai pas l'intention d'abandonner votre livre, Jean-François, et vous n'êtes pas polluant, au contraire.
Certains (merci Arnaud d'avoir expliqué ma démarche) se souviendront de mes atermoiements avec "Une Vie française" et de ma première impression de "Colonie" (voir au 15 septembre sur "JLR mensuel") qui était à peu près comme ce que dit Sans (qui parle de François-Bon-à-la-radio, chère Frédérique, mais qui ne fait peut-être pas de la radio lui-même, en tout cas il est le bienvenu de retour).
Merci Dom et François de voir l'état, souhaité, du blog : travaux pratiques collectifs !
Amusant, tout de même, que cela se produise le jour où je parle des sens uniques, non ?
Y'a pas de hasard...
2005-01-28 23:02:25 de Berlol

J'arrive peut-être un peu tard - il y a beaucoup de commentaires à lire avant de pouvoir répondre ! - mais je voulais simplement émettre la proposition suivante:
Chacun est libre de porter un jugement selon les critères de son choix, non?
Après, libre aux autres, à vous, d'attribuer une valeur à ce jugement (en quelque sorte le jugement du jugement).
Ce n’est peut-être pas la peine de critiquer les critiques, il s’agirait plutôt de choisir celles auxquelles se fier, selon ses goûts et affinités personnels.
Certains préfèrent l’avis de Télérama pour choisir leur film, d’autres liront Télé 7 jours.
Il n’y a pas de critique « universelle », qui conviendrait à tous, mais il en faut de plusieurs types, pour toute sorte d’auditorat.
Au fur et à mesure qu’on lit des critiques, on distingue le ou les auteurs qui se rapproche(nt) le plus de son propre jugement.
Cela va même plus loin : si je ferais confiance à l’avis de Berlol à propos du dernier « Chemical Brothers » (au fait, tu l’as écouté ?), je ne lui demanderais (plus) jamais ce qu’il pense d’un album de « Radiohead »!
Laissez Berlol exprimer son avis, à sa façon, et à ceux qui le lisent le soin d’en tenir compte ou non !
Bon, je sens que je vais m’attirer les foudres, mais enfin, j’ai décidé de me lancer.
Ne soyez pas trop durs !
2005-01-29 07:03:32 de Manu

Ce que j'ai écrit plus haut commente aussi les jours précédents du blog.
J'aurais dû écrire:
« Laissez Berlol et les critiques exprimer leurs avis, à leur façon, au fil de la lecture, en usant d'étiquettes, etc., et à ceux qui les lisent le soin d’en tenir compte ou non ! »
2005-01-29 09:37:57 de Manu

Salut!
Pourquoi tu veux virer les ceuss qui bloguent à sens unique? Si tu les as mis dans ta liste, c'est que tu les apprécies pour diverses raisons, non? Le "sens unique" annulerait tout le reste?
2005-01-29 09:48:30 de Christian

Salut Christian, ça faisait une paye !
Dans une première version, je n'avais pas écrit "mépris" mais "boycott". Et puis je me suis rendu compte que ça serait de l'intolérance pure et simple. Avec "mépris", c'est plus subtiil. Je ne veux donc pas les virer, mais leur faire comprendre que l'impunité du sens unique n'est pas la meilleure situation, même pour eux...
Je crois que "désir d'offrir, croix de recevoir" résume bien mon opinion, non ?
2005-01-29 10:07:53 de Berlol

"Est-ce ainsi que les hommes vivent"... et s'écrivent sur les blogs ? "C'est une maison bleue, accrochée à la mémoire, on y vient le soir, on ne frappe pas, ceux qui vivent là , ont jeté la clé..." Sera-t-elle dernière à rester debout ???
On y est... il y a dans l'air "délit de copinage"... Pffff !
Rivalités de voisinage... Confrontations d'egos...
Lectures contondantes...
On voit tout çà et On se gratte les rétines...
"Lisez-moi Lisez-moi " intenta le Bloggeur Contr'Atrabilaire...
"Jocker Jocker" ré-intenta le Bloggeur "Sans" Unique
"Pas de problème "répondit Berlol , "au ping-pong, je smatche sans blesser l'adversaire"... question d'entraînement... allez, j'y retourne..."
2005-01-29 10:14:40 de Marie.Pool

arrêtez arrêtez, on se croirait chez assouline (c'est l'heure de la tarte,non ? (au pommes-canelle, pas à la crème))
2005-01-29 11:33:30 de Cel

- bouvard : Aux, andouille !
2005-01-29 11:34:35 de Cel

Moi je pense que le sens unique annule tout le reste. Le sens unique, c'est le refus du dialogue, bref le refus de l'autre.
2005-01-29 12:26:12 de Arnaud

Non, le sens unique n'annule pas tout le reste. Le don, le don gratuit et désintéressé, ça existe. Sinon, qui serait prof? Quelle attitude adopter face au sens inique? Ne pas laisser faire, certes, mais ne pas non plus stigmatiser. Chacun son rythme, que diable! (Vous voulez changer les gens par un coup de baguette magique?) Et toujours dialoguer, pour ça on peut faire confiance à Berlol.
Au fait, les sens-uniqueurs (ou les sangsues niqueuses) savent-ils/elles au moins que tu existes, Berlolus Magnus? :)
2005-01-29 12:40:03 de Christian

Moi, j'avoue que tous ces cris cybernétiques, ça me donne le tournis. On efface tout et on recommence, d'ac? Et on tient en laisse les psychodrames.
(Y en a-t-il un qui boude encore?)
2005-01-29 12:49:17 de Frédérique Clémençon

Ben, quoi? Faut juste descendre du manège pendant un petit moment. Après, ça ira mieux. Surtout, pas effacer! On va voir jusqu'où ça peut aller...
2005-01-29 13:24:07 de Sir Reith Oubnaitch

À propos des onomatopées, y a aussi:
Tintin, tintin, tintaine et tintin... comme dans la chanson.
Elle commence comme ceci:
"Ah, mes amis, versez à boire,
Versez à boire du bon vin,
Tintin, tintin, tintaine et tintin.
Je m'en vais vous conter l'histoire,
De Caroline la Putain,
Tintin, tintin, tintaine et tintin."
...
2005-01-29 13:28:18 de bcg

D'où que tu nous la sors, cette chanson-là ?
(A propos du don, tu n'es pas sans savoir ce qu'il y a d'orgueil dans le don, et de mépris dans l'empêchement du contre-don. Quelqu'un qui veut faire un blog mais qui "ne veut pas être emmerdé par les commentaires", comme je l'ai entendu dire (ce n'est pas quelqu'un de ma colonne de gauche), peut-on le considérer comme celui qui "fait don" de quelque chose ?)
Merci Marie.Pool pour ces instants de voltige humoristique !
Chère Cel, comme je ne vais plus chez Assouline depuis un bail, je ne vois pas bien ce que tu veux dire... Mais c'est sans gravité, je te fais confiance.
2005-01-29 16:06:48 de Berlol

En réponse à Christian.
Lorsqu'on parle de don désintéressé, on signifie que la personne donne sans rien attendre de matériel, d'affectif ou de dévouement (etc.) en retour. Mais le prof, dans son enseignement, il ne travaille pas non plus pour rien (mis à part le salaire, qui n'est pas à mépriser svp).
Le prof travaille pour les autres, il travaille pour la société et pour la communauté. Il travaille pour son pays.
Je pense d'autre part qu'il faut arrêter de confondre (volontairement ?), à propos de ces blog unilatéral, le mot de désintéressement et celui d'unilatéralité justement. Depuis quand l'unilatéralité est-elle devenue synonyme de désintéressement ? À ce rythme-là, bientôt Rumsfeld nous dirait que la politique américaine dans le monde serait désintéressée... ?
Le blog qui se cause tout seul, ou qui cause aux autres sans avoir la moindre intention de les écouter — par la structure même qu'il adopte, notons bien —, c'est soit du nombrilisme narcissiste fort prononcé (parce que structurellement autoréférentiel), soit — dans la pire option — du discours en essence propagandiste (parce qu'émis en continu mais unilatéral).
Quand un discours est unilatéral, il n'y a rien à en faire. Moi je suis partisan du dialogue, pas de la parole sans oreilles.
Ce n'est pas rien. C'est l'essence de la démocratie.
Et n'oublions pas que tout ce que nous faisons ici est impossible un "blog" fermé.
2005-01-29 17:42:41 de Arnaud

Vous voulez la suite de la chanson? Cliquez sur bcg ou allez à http://www.remede.org/spip/article600.html
Désintéressé: "Qui manifeste un renoncement à son intérêt personnel" (PL)
Unilatéral: Devons-nous le prendre ici au sens de "qui n'est pas réciproque"?
La réciprocité doit-elle être obligatoire? Si oui, pourquoi?
2005-01-30 23:45:35 de bcg

Non, la réciprocité n'est pas "obligatoire".
Il n'était question dans mon propos que de la "possibilité" de recevoir des commentaires dans les blogs, n'est-ce pas ?
Et ce, parce que le média le permet.
Ne nous lançons pas dans un débat général où chacun fait des moulinets avec ses bras, svp !
Pour tenter quelques comparaisons, ce serait comme s'asseoir dans une voiture et ne pas aller quelque part avec (on en a le droit, mais ce n'est pas ce qu'on peut faire de mieux avec), ce serait comme aller au cinéma pour voir un film où il n'y aurait que du son (c'est une possibilité limite que des artistes peuvent tester mais ce n'est pas l'usage principal), ou encore comme paramétrer son logiciel de courriel pour envoyer des messages mais ne pas pouvoir (vouloir) en recevoir...
Chaque objet ou chaque média offrant certaines possibilités d'usage et de communication, ne pas les utiliser manifeste un choix personnel qui peut être justifiable mais qui n'est pas nécessairement compréhensible et acceptable par les autres.
Dans le cas précis des blogs que certaines personnes paramètrent pour NE PAS recevoir de commentaires, prévoyant que ces commentaires pourraient être désagréables (désaccord, insultes, etc., ce que j'appelais "croix de recevoir") ou estimant qu'elles n'ont pas d'informations à recevoir des autres mais que les autres seront bien venus de prendre connaissances des leurs (ce que j'appelais "désir d'offrir"), dans ce cas précis, donc, je dis que je désapprouve, personnellement, cette décision et que je me laisse le droit de ne pas/plus afficher de lien vers ces blogs dans ma colonne de gauche, sans que cela constitue un jugement quant à leur contenu. C'est tout.
2005-01-31 04:03:13 de Berlol

Pourtant, c'est génial de rester assis dans une voiture et n'aller nulle part! Au moins, ça ne pollue pas.
La première fonction d'un blog est bien d'exprimer quelque chose.
Pour quelles raisons? C'est selon. Si d'aucuns pensent que ça leur suffit... Si ça leur plaît comme ça... En te lisant, j'ai l'impression que tu veux infliger une punition à ces braves gens.
2005-01-31 06:41:51 de bcg

À Bcg.
Une « punition » ? Et selon quelle protocole ?
Berlol ne parle pas de punir, mais simplement de ne plus avoir de relation avec ceux qui refusent d'avoir une relation.
Et le blog qui se parle tout seul, ce n'est pas une relation. Je n'ai jamais eu l'impression d'avoir une relation avec ma radio parce que je l'écoute.
2005-02-01 11:53:57 de Arnaud

Réponse à Arnaud.
Voilà le message: "Les ceusses qui tiendraient blog en déversant leur cargaison de n'importe quoi SANS autoriser qu'on leur réponde, je vais bientôt ne plus les considérer du tout. Si telle est leur intention (désir d'offrir, croix de recevoir), qu'il fassent des sites web classiques..."
Pas question de punition, en effet. À moins que la punition soit le fait de les supprimer de son blog à lui!
C'est l'avertissement qu'il va couper les relations, en clair, enlever les liens qui mènent à ces blogs qualifiés de "cargaison de n'importe quoi". On se demande bien pourquoi il avait mis lesdits liens alors... ???
Allez, à toi, Arnaud! ;)
Tiens... on peut aussi jouer au ping-pong sur ce blog. J'aime bien cette table. Mais je doute que notre partie soit du goût de notre hôte à qui je fais un clin d'oeil amical en passant.
2005-02-02 14:32:40 de bcg

Pas de problème pour moi, vous pouvez continuer.
On peut aussi aller ensemble autour d'une vraie table (avec raquette et balle ou avec couteau et fourchette...).
2005-02-02 15:05:15 de Berlol



Samedi 29 janvier 2005. L'être humain est un oiseau migrateur.

« Au nord de la Ville Chinoise se planit la Ville Tartare, posant ses trois portes comme un formidable trépied sur le faubourg tributaire de l'autre, ses trois Portes, ses trois pieds ! C'est elle que j'habite, en conquérant, mais discrètement, dans son coin de droite, et en bas. Carrée, ou presque (il a fallu les décamètres des agents voyers Européens pour prouver que ses quatre côtés diffèrent), elle hausse ses murailles à trente pieds au dessus de la plaine... C'est mon vrai domaine. C'est mon bien : je possède un carré minuscule juste au coin de droite et d'en bas, — compris entre l'Observatoire classique, dont les Jésuites de ma race ont fondu les bronzes, et le K'iao-leou, le Pavillon d'angle d'où la citadelle domine au loin la campagne planie comme une mer calme, la mer alluvionnaire de la plaine...» (Victor Segalen, René Leys, p. 141-142)

Petit extrait du gros chapitre [13], entre crochets parce que pas numéroté par Segalen, de même qu'il n'avait pas daté les pages du journal autrement qu'avec un « X...» (à l'exception de la première), ce que rétablit opportunément cette édition folio de Sophie Labatut, à la différence de celle, classique, de la collection L'Imaginaire dans laquelle on trouvait les dates arrangés par Jean Lartigue, ami de Segalen. Et ça change beaucoup de choses. L'incertitude du lecteur est permanente. Deux choses à commenter.

Tout d'abord le thème du trépied. Je me souviens qu'en cours de chinois, j'avais appris que le tripode (ding ou ting) était à la fois un objet sacré, « matière mythique » (G. Durand & C. Sun), un ustensile de base de toute grande maison, la symbolisant par métonymie, et un caractère chinois servant de base (radical 206) à toute une série d'autres. C'est sans doute ce dernier sens que (le narrateur de) Segalen emploie ici, puisqu'il avait des cours de langue qui devaient comporter des exercices de calligraphie. En japonais, il s'agit du kanji kanae, 鼎.
Ici, c'est le plan même de la ville qui laisse entrevoir à Segalen la forme d'un tripode, le chaudron (comme sur cette photo, mais carré plutôt que rond) figurant la ville Tartare (qui contient la Ville impériale ou Cité impériale) et ses trois pieds étant des encoches munies de portes donnant accès à la ville chinoise, dévalorisée par l'auteur que fascine la puissance mandchoue. L'analogie assimile la ville elle-même à un langage et sa construction à un tracé calligraphique autant que cartographique.

L'autre point à commenter, c'est évidemment l'usage du mot race. Segalen, loin d'avoir été un progressiste démocrate, héritait de nombreux siècles durant lesquels l'humanité avait été pensée en différentes races qui auraient eu des origines radicalement différentes (les uns venant des singes, d'autres du ciel, etc.) et qui ont fini par être hiérarchisées de façon à servir l'esclavagisme, l'expansionnisme et le colonialisme des blancs (trépied du capitalisme naissant), notamment au XIXe siècle, jusqu'à des extrémités insoutenables au XXe : le génocide, c'est-à-dire le désir d'éradication d'une race par une autre.
Mais ces emplois du mot race, si l'on est raisonnablement informé, ne sont plus acceptables aujourd'hui où il est reconnu par de nombreuses études que l'ensemble de l'humanité est de même race, qu'il n'y en a qu'une, lentement subdivisée et différenciée par les voyages, les climats, les cultures, les langues, etc.
Heureusement, il m'a semblé ce matin qu'aucun de mes étudiants ne se pensait d'une autre race que moi (pensée tout de même assez répandue au Japon).

Après le déjeuner au Saint-Martin, T. et moi allons au Tokyu Hands de Shinjuku pour des courses de bricolage (l'être humain améliore sans répit son habitat). Puis nous dînons avec la cousine d'Australie qui va bientôt rentrer finir l'été là-bas (l'être humain est un oiseau migrateur). Dernières considérations sur les affaires familiales : T. a décidé, avec l'accord du médecin et de son père, de vendre la maison de Yokohama pour couvrir et provisionner les frais de l'entretien médicalisé de ce dernier chez nous, sans faire de procès à ses sœurs ; ce sont elles qui, si elles veulent contester, engageront une procédure qu'elle perdront à l'évidence (l'être humain adapte son comportement au milieu, il ruse même avec ses proches mais il arrive parfois que ce soit pour une noble cause...).

Pendant ce temps-là...
François Bon rate sa journée dans la grève des trains... Et c'est dommage !
Chloé Delaume se décide à dire quelque chose dans son blog... Et ça fouette !
Philippe De Jonckheere s'emporte contre le politique qui n'est plus que de l'économique... Et ça donne !
Jean-Claude Bourdais part en week-end sans connexion... On a du mal à y croire !



lool
2005-01-29 15:56:53 de loumy

La page de Philippe De Jonckheere est absolument excellente. Ca fait du bien de lire de la pensée en colère.
2005-01-30 02:42:21 de Acheron

Juste une petite précision philologique, pour quand tu publieras ce blog dans tes oeuvres complètes : ding est une des clés les moins "productives" qui soit, seule en japonais courant, regroupant trois ou quatre misérables caractères de sens hyper specialisés et tous en rapport avec le trépied (petit, grand, couvercle de, à petit orifice) en chinois. En fait, il est significatif que ce hanzi ait ete hissé au rang de clé, que son statut "grammatologique" ne justifie pas, parce qu'il désigne effectivement une réalité culturelle de grande importance.
2005-01-31 00:06:45 de Dom

Oui, tu as tout à fait raison, sa fréquence est très très basse. Segalen, élitiste, élit cette valeur symbolique rare.
Dans les oeuvres complètes, est-ce qu'on prévoit une note pour ton identité réelle ?
2005-01-31 00:52:10 de Berlol


Dimanche 30 janvier 2005. Tuyaux débranchés.

Belle séance de ping-pong ce matin, avec Manu et Katsunori. Ce dernier nous a encore bien battus ! Ce n'est pas nouveau mais... c'est pénible de sentir ses propres limites, de voir ce qu'on réussit, que ça pourrait suffire, mais que l'autre déjoue, fait mieux, vainc, et ce, de façon répétée, avec de nombreuses variations, mais qui mènent imparablement au même résultat.

Hébétude, questionnement : depuis deux jours mon adresse principale de courriel est en panne. Le logiciel Pegasus appelle le serveur mais se voit refuser l'entrée pour défaut de mot de passe, alors que rien n'a été changé. Ça avait commencé jeudi et vendredi par des refus momentanés. Mais depuis deux jours, c'est devenu permanent. Je viens d'envoyer un message au support, comme on dit, parce que je peux envoyer, ça sort sans problème.
Il s'agit d'ailleurs de l'adresse dont je veux me défaire depuis des mois parce que j'ai constaté que les services du serveur inter.net étaient moins intéressants que d'autres. J'ai créé depuis un moment déjà une adresse dans le domaine berlol.net, où j'ai déplacé mon site web, mais je n'arrive pas encore à me défaire de la précédente adresse, notamment à cause de Litor et de Paris 3... Enfin bon, ça c'est ma cuisine. L'important, c'est que ça me fait réfléchir à la nécessité du courriel, à la dépendance dans laquelle je suis. Ou pas.
En même temps — et ces coïncidences nous font toujours une impression étrange — toutes les pages de U-blog sont inaccessibles depuis 18 ou 19 heures (heure de Tokyo). Et c'est encore le cas maintenant, sept heures plus tard. Y a-t-il une relation avec le fait que le créateur de U-blog était à Davos ?... En tout cas, ça fait deux tuyaux qui me reliaient au monde et qui sont momentanément débranchés. Sur quelques heures, comme ça, l'effet est à peu près nul ; je me suis remis à Segalen et à Modiano (le livre de Paillard est resté à Nagoya). Faudrait attendre quelque jours pour voir l'effet. Je crois que ça serait d'abord un grand regret...

Avec T., on est sorti dîner au Hong-Kong Shokudo, comme souvent quand on n'a pas envie de se mettre à la cuisine. Le dimanche soir, il n'y a pas trop de monde. Et ce soir pas de fumeurs, que T. un peu enrhumée préfère éviter. Même quand on n'est pas enhumé, d'ailleurs, on préfère les éviter. On n'empêche personne, notez. Mais on préfère éviter. Si on pouvait aussi éviter de travailler, d'utiliser de l'argent, d'avoir une famille, de prendre les transports en commun. On se rêve souvent dans une bulle, elle et moi... Le lendemain, on se demande : « Où avais-je la tête ? » et on vaque à tout ce qui nous attend. C'est de là peut-être que les dimanches sont exécrés, parce qu'on y trouve ce petit temps de flottement dans sa peau.



est-ce que ça ne voudrait pas dire que les blogs c'est fini, grosse machine molle ayan tellement glonflé qu'elle n'en peut plus ?
depuis 96 que je m'y suis mis, j'ai toujours l'impress qu'Internet a comme ça des phases, repli, explosion, presque comme un corps physique
dans les blogs, en 2 ans, on a réinventé un lien entre le contenu informatif et le fait qu'on soit quelques-uns à le porter, en tout cas on a retrouvé une voix et une façon d'implanter langage, pas seulement logos, mais dans le matériau même du net, avec images et surtout dans cette relation au présent
un programme genre spip.net, libre, ce qui est bien c'est qu'on peut faire même chose que blog, y compis forum et archivage, mais en le gardant sur hébergeur propre - l'avantage des blogs c'est d'avoir cru un instant qu'on pouvait s'occuper des contenus sans s'occuper du "cambouis"' (comme dit l'ami de desordre.net) - pour l'instant, pas de contenu sur Internet sans s'occuper de comment on le balance
par exemple notre vénéré Henri, qui annonce sur Litor son intervention sur DVD Europe, pourquoi il ne nous donne pas son plan, ses notes, un peu de matière à réfléchir, ou ce sur quoi il réfléchit, suis sûr que ça n'aurait entravé en rien son intervention elle-même
2005-01-31 07:46:42 de FBon

Je crois que spip, par exemple, va permettre a beaucoup d'acquérir plus d'indépendance, mais ça veut dire, comme dans ton cas, quelques dizaines d'heures à apprendre, essayer, refaire, tester, seul ou en collectif. Et ça, tout le monde ne le fera pas.
Donc, encore de l'avenir pour les solutions toutes faites, mais sécurisées, mises en concurrence par leur propre dépendance de la pub.
Pour Henri, là, tu amalgames un peu vite. D'abord, c'est pas dans son genre de filer des trucs à l'avance, surtout qu'il en reparlera à Cerisy (demain, ça sera la version beta...). Par contre, on peut peut-être demander à Michel d'enregistrer...
2005-01-31 08:07:13 de Berlol

alors là oui, installer fichier son de son séminaire, c'est pas des "dizaines d'heures à perdre" ?
ma question, c'est que dans les "dizaines d"heure" que de toute façon on perd devant l'écran, à nous de les partager entre logos et ce qu'on installe pour le rendre accessible
un peu comme ta fiction du ping-pong comme métaphore de l'écvhange dialogique - génial, puisque chacun sait au bout de 2 ans que tu n'as jamais tenu une raquette, que les photos sont des montages et que chaque description de séance de ping-pong correspond exactement à la situation d'échange discursif du blog adjacent, tu nous as servi depuis 2 ans un système quasi borgesien d'interprétation du monde, on te respecte et on t'admire tous pour ce passionnant travail d'invention textuel, où on finirait par croire (celui d'aujourd'hui, dans sa métaphore très georges bataille de la "limite") qu'il s'agit simplement de ping-pong et que tu y joues réellement
moi ça me déplaît pas, finalement, les heures qu'on grignote à tel moment ou tel autre dans la programmation, parce que c'est aussi elle qui induit les contenus
on est un peu dans le thème de ton Cerisy, non ?
2005-01-31 08:34:14 de FBon

Berlol ne joue pas au ping-pong ??????? gââââââârsp ! Je viens de recevoir un coup de raquette niponne sur l'os du nez
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(36 étoiles vous pouvez recompter...)
J'aurais dû me méfier... c'est vrai... il n'a jamais utilisé le terme technique de "Tennis de Table"... de la part d' un intellectuel cela aurait dû m'alerter...
Quoiqu'il en soit et les choses étant ce qu'elles peuvent... cela ne m'empêchera pas de continuer à lire, et notamment ceci :
"La pensée de Borgès, pensée hypothétique et antidogmatique s'il en est, est une pensée métisse.
Elle ouvre à tous les sens du possible nés de la rencontre. Loin de chercher une caution dans l'être, qui serait cachée sous le paraître, elle vise à dire le peut-être. Elle montre le caractére inépuisable de la textualité. Elle nous raconte dans des récits d'une extrême concision, dessinées avec une calligraphie aussi légère que les peintres chinois d'autrefois, que l'infini est dans le langage dans tous ses états. C'est bien en effet la littérature qui nous fait errer. Elle est , selon le mot de Melville dont Borges fut le traducteur,"le langage sorti de ses gonds".
François LAPLANTINE,dans Métissages de ARCIMBOLDO à ZOMBI,Dictionnaire conçu par François LAPLANTINE et Alexis NOUSS, Pauvert,2001, p.118.
2005-01-31 11:21:32 de Marie.Pool

Ma raquette étoilée est ratée...gââââââârsp ! C'est bien la preuve qu'il ne joue vraiment pas au..."ping-pong" !
2005-01-31 11:23:10 de Marie.Pool

N'oubliez pas que François est (aussi) un auteur de romans. Il est capable de romancer même votre vraie vie !
La prochaine fois, il vous dira que je n'habite pas au Japon, que T. n'existe pas ou que j'écris moi-même les commentaires de Marie.Pool !
Vous allez voir...
Dommage pour la raquette étoilée, maintenant ça fait un P comme... Pool, justement.
2005-01-31 14:35:39 de Berlol

je maintiens, Patrick, mon grand respect et mon admiration pour le système virtuel que tu construis depuis 2 ans
notamment :
le jour où pour la première fois un de tes personnages supposés partenaire de ping pong s'est mis à intervenir pour de vrai dans le forum, alors (j'ai vérifié) que ce jour-là tu t'interrogeais sur ses sites Internet de télévision ou un personnage de l'émission (le Pikachu du Pokemon) en répondant aux questions des internautes déplaçait le statut de réel de la fiction
le jour où tu t'es mis à introduire dans tes compte-rendus de ping-pong des éléments biaisés des règles uniquement pour nous mettre en garde, en affirmant comme dans la "Lettre volée" d'Edgar Poe une vérité bien en façade (et ce jour-là tu t'interrogeais sur la capacité à déchiffrer les signes sur l'écran même quand une indication portant sur la nature réelle ou fausse du contenu était présente sur le même écran
le jour-même, il y a exactement 1 an, où je suis arrivé pour mon séjour au Japon, et que la jeune fille détachée par l'Institut pour m'accueillir à l'aéroport m'a négligemment dit : "Oui, je connais PR, il m'arrive de jouer au ping pong avec lui" et là j'ai compris que vraiment tu en faisais trop, et qu'en souhaitant me faire accepter, le jour où je rencontraits PR réel et non virtuel, que le ping pong était réel, tu soulignais grâce à cette jeune fille l'ambiguïté même d'Internet (à l'époque, te passionnait l'auto-fiction, tu lisais Christine A)
enfin, la disparition jamais signalée des archives septembre 2004 de ton journal en ligne, où figurait cette théorie de l'échange dialogique Internet comme "une balle qui ne cesserait de sortir de l'écran et d'y revenir avec un angle qui dépendrait des 2 joueurs" : par malheur pour toi, cette phrase je l'avais archivée - et il y avait tout ce passage, qu'à mon regret je n'ai pas archivé où tu disais en substance: "quelqu'un qui voudrait faire recevoir une théorie littéraire via l'outil virtuel, pourrait rendre compte au jour le jour de performances sportives ou d'habitudes quotidiennes (menus, météo, voyages) qui seraient l'exacte figure en réduction de l'échange souhaité avec le lecteur et lui donnerait son statut de réalité, tandis que le modèle théorique n'aurait plus qu'à être exposé, tout le statut du lecteur-virtuel définitivement assis par ce ping pong virtuel..."
et te redis le plaisir d'assister en direct à la reprise de ce qui serait une parfaite version Internet du "Jeu des perles de verre" d'Herman hesse
2005-01-31 14:59:52 de FBon

Ah, là, Mister PR, vous êtes dans de vilains draps. Quelle grâcieuse pirouette allez-vous donc trouver pour retomber sur le manche de votre raquette?
2005-01-31 15:19:34 de Frédérique Clémençon

C'est que si je retombe sur le manche, je me fais mal !
Mais... ne s'agirait-il pas plutôt du fameux Hermann "Ace" ?
"Ace", comme mes services !
En fait, il y a longtemps déjà, j'avais créé un personnage romancier nommé François Bon, en lui faisant assumer mes travaux universitaires sur Rabelais. Ensuite, je lui avais fait endosser la création, avec d'autres, d'un certain Pierre Michon.
Puis j'étais dans le besoin, je l'ai revendu, un peu cher, certes, mais je n'ai pas le droit de dire à qui. Maintenant, le nouveau propriétaire, voyant que le maniement n'en est pas aisé (c'est quelqu'un qui est un peu limité, voyez), il se rebiffe, le cave !
On est salement dans un trip möbien, là !
2005-01-31 15:32:17 de Berlol

ouais, là, ce serait pas vaguement "vioché" comme balle (comme on disait dans le Poitou pour lifter, puisque nous on en faisait, du ping pong?)
2005-01-31 15:51:48 de FBon

Du coq à l'oeuf à la coque (version Pool )
Ponte spéciale pour le match BON/REBOLLAR
1er Service REBOLLAR ( Attention aux balles rasantes près du filet,on paume de l'énergie pour rien...)
"Maintenant - mais tout cela me trouble, dit la [raquette]manola,je les écoute à peine - ce n'est plus de la monnaie qu'on entend, réaux, c'est d'une autre espèce sonnante aussi qu'ils parlent, ce sont des noms lourds qui volent avec les guêpes lourdes et le vin dans nos têtes, c'est avec les grands noms qu'ils s'engueulent, ils se partagent la tâche, nos larrons,à toi Murillo, à toi Vélasquez; je prends Ribera, dit del Castillo."
PIERRE MICHON / Maîtres et Serviteurs/VERDIER/2002/p.38
2005-01-31 16:12:45 de Marie.Pool

Et Marie.Pool (que certains appellent déjà "Ma poule" sur des blogs adjacents) est-elle vraiment une création virtuelle ou sévit-elle en réalité?
Je doute
Sans doute
2005-01-31 17:40:30 de Sans

Ne doutez plus !
2005-01-31 18:27:01 de Marie.Pool

On va me croire vraiment très matérialiste mais les raclés que j'ai mis à Berlol n'avaient rien de virtuel! Et celles que j'ai pris non plus d'ailleurs!! D'ailleurs amitiés à mes camarades pongistes que je salue au passage!
NE vous ALARMEZ pas, je n'existe pas vraiment, un "architecte" m'a "programmé" et j'en suis à la version Bikun 25.657 service pack 2 patch level 5 beta 92, une version particulièrement instableuuuuuu :-) Heureusement j'ai des "security fix" régulièrement...
Va falloir "upgrader" avec une nouvelle "release"...
Bon je vous laisse, je vais aller "checker" mes emails...
2005-01-31 18:41:15 de Bikun

Et le jour ou on me demande de faire des portraits de FBon, Marie.Pool, Sans, Berlol et compagnie, j'enverrais mon avatar...!
2005-01-31 18:42:52 de Bikun


Lundi 31 janvier 2005. Un peu de métalangage surnage le cloaque.

Quand je me lève, je réveille l'ordinateur, qui dormait comme nous. Je prépare le café et j'appelle T. en lui rappelant ses activités, enfin ce qu'elle m'en a dit. Alors que plus rien ne marchait hier, je reçois normalement tous mes courriels, quarante et quelques, et je peux poster sur U-blog le JLR d'hier soir. Il y a grand soleil et des chaussons aux pommes. On en profite pour ouvrir, après le petit déjeuner, et je passe l'aspirateur pendant que T. fait les comptes pour son père.
En général, l'aspirateur, c'est plutôt moi. Et T. s'occupe de la machine à laver. La vaisselle, ça dépend. Du temps qu'on a. L'immeuble neuf, de l'autre côté de la rue, dont la construction nous a tant pollué les oreilles, est habité depuis hier. Des gens viennent de passer là leur première nuit.

En allant à Ebisu et jusqu'à la Maison franco-japonaise, j'écoute Frédérique Clémençon, dans l'émission Du jour au lendemain, le 17 septembre 2003. Éh oui, j'ai des archives audio !... Je vais essayer de trouver un peu de temps pour en copier des bouts demain.

Troisième séance du GRAAL consacrée à Progénitures de Pierre Guyotat. L'illisibilité, comme monumentalité marmoréenne de l'œuvre, s'érode. Des vrilles de sens l'assaillent de toutes parts grâce aux propositions patiemment élaborées par François Bizet devant une assistance d'abord blindée mais dont la garde se relâche. Des règles apparaissent, morphologiques d'abord, comme des ouvertures diérésiques (jiarret pour jarret, par exemple), puis des rythmes, de la scansion. Pour que des trames de sens forment du narratif ou du fictionnel sur du moyen terme lectural, il faut que l'esprit s'adapte à une matière sémantique chargée de sexualité, de violence, d'ordure, à des contraintes articulatoires qui affectent indifféremment la lecture muette ou sonore. Alors que Guyotat travaille à un effacement de LA représentation, comme on dit (comme il dit), et peut-être grâce à cela, c'est de la représentation qui se refait directement dans le lecteur, avec des brumes d'images fantasmatiques venues du fond du lecteur, chacun dans son coin entr'apercevant son quelque chose.
Un peu de métalangage surnage le cloaque : « broch' marmit' napp' nourrir mes ptiots mes epouz' / renourrir mes frèr' sœurs pèr' mèr' leurs lèr' mèr', / leur changer chairs os sang reprocréer leur descendanç' ? » (p. 12), ce que pourrait dire le démiurge des mots, ou encore : « l'bon verb' d' entr' pé d' pé dessus la grand' baignoir', ptet d' ptet à-dassous, / l' non-humain y fixer, matièr', Temps, l' humain les desintegrer » (24), ce qui revient dès l'alinéa suivant : « — l' verb' l' Progenitur' idéal »...
Pour fêter ça, dîner à six dans un restaurant d'Hokkaido, tout en haut de la tour d'Ebisu Garden. Sashimi, oursons (Ah non, oursins, pardon !), saumon en papillote, des trucs comme ça, et du saké, choisi au pif par Michaël — dans Tokyo, petits portraits de l'aube, le narrateur est un fin connaisseur, mais c'est de la fiction. Quoique... il était très bon, finalement.



M'écouter? NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON. Allez plutôt faire du ping-pong.
2005-01-31 17:49:56 de Frédérique Clémençon

SI
Ça donnera peut-être envie d'en savoir plus. (Le ping-pong n'est qu'une corvée sentimentale).
2005-01-31 18:20:34 de Sans
Les oursons, tu les trempes dans le shoyu?? Pardon les oursins!
2005-01-31 18:45:11 de Bikun

Sans, "toujours princier avec les dames" (citation d'un nanar avec Jean Lefèvre et Bernard Blier) . Mes hommages du soir, avant de poursuivre l'écriture d'un autre pensum. (Quel entêtement, tout de même.)
2005-01-31 21:30:47 de Frédérique Clémençon

« rythmer la turpitude » (P. Guyotat, "Explications", p. 59)
2005-02-01 00:24:12 de Berlol

Inventaire Express des supposées "Corvées Sentimentales":
1. Jouer au ping-pong avec n'importe qui ou n'importe quoi
2. Prendre en considération les propos de son voisin de palier ou de blog littéraire dans l'ascenseur social
3. Lire les livres des auteurs qui ramollissent la vindicte
4. Accepter d'avoir tort... parfois...
5. Penser que les femmes ont des pensées qu'on n'a pas et qui ne sont pas"à tout coup"castratrices... ( du boulot...)
6. Utiliser l'humour pour détendre l'atmosphère
7. Utiliser l'amour pour défendre l'atmosphère
8. Rythmer la turpitude avec des airs de clavecin bien tempéré
9. Parler sans dominer Ecouter simplement
10. Dire bonjour et aurevoir, se quitter sans encombre...
2005-02-01 10:02:17 de Marie.Pool

Belle liste ! Je serais corvéable...
Et dans le mille pour le 8 : j'ai mis un disque de clavecin (Rameau) hier soir, après rédaction et avant coucher !...
2005-02-01 10:19:06 de Berlol


©Berlol, 2005.