J
ournal LittéRéticulaire de Berlol

Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Février 2005

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Mardi 1er février 2005. Ma mauve bulle de mots.

Va nef encor — perce sud-ouest !
Vibrez caténaires ! Résonnez tunnels !
Dans l'exacte baleine à fenêtres
Leysy Pékin me berce — incrédule
Tiède apesanteur en ma mauve bulle de mots
des heures sans limite passeraient des jours

Freinage lent pourtant, courbe plein nord, bientôt éclôre, s'y faire...

Et ressortir à l'air libre après le trajet en métro, grand soleil et froid piquant, presque l'heure d'aller déjeuner... Une demi-heure plus tard avec David au Downey, hamburger aux champignons... dont les effets euphorisants seront les bienvenus pour une surveillance d'examen... elle même suivie de séances de corrections, entrecoupées de thés, la journée passe, jusqu'à l'heure glaciale d'aller faire des courses pour le dîner. Et on remettra ça demain.

Comme promis, quelques excerpta (comme disait Quignard) de l'émission Du jour au lendemain du 17 septembre 2003 avec Frédérique Clémençon..

« Je pense que chaque groupe social génère sa propre bêtise ou sa propre folie. Personne n'en est exempt. Je ne crois pas.»

« [...] ce que je pourrais mettre dans un prochain livre... Mais ce sont plutôt des choses difficiles à dire, des thèmes. Je pourrais vous dire par exemple que si j'arrive un jour à écrire mon troisième roman, j'aimerais y parler de l'entreprise... On verra ce que ça va devenir, tout ça... Décrire un univers particulier qui serait celui de l'entreprise. Comment faire de ça,  qui me semble intéressant, on vit dans ce monde-là, comment en faire une matière romanesque sans que ce soit ni caricatural , ni sans que ce soit un stéréotype, sans que ce soit un massacre en règle... Comment faire de l'écriture avec ça ?... Sans que ce soit un roman engagé, par exemple. Ça, ça m'est complètement étranger.»

« S'il n'y avait que ça [i. e.: des trouvailles et du savoir-faire], ce serait terrible ! Ce serait un travail de faiseur. Ce serait sec, ce serait sans âme. Ce serait un travail, je pense, pour moi, un travail malhonnête, ce serait terrible.»

« C'est quand même une drôle d'affaire, ça. De s'asseoir à son bureau, sur sa petite chaise, d'ouvrir son ordinateur et... on va raconter des histoires. C'est quand même une activité très curieuse. Je n'utilise plus de crayon, plus de papier. Et c'est un bon instrument pour moi parce que le texte, je trouve, est tout de suite mis à distance. Donc c'est plus facile de le corriger, de le modifier, d'en être critique.»

« Je n'ai pas peur, quand j'écris. Je ne me fais pas peur. Ça reste d'abord, avant tout, un plaisir. Je ne comprends pas d'ailleurs qu'on puisse dire autre chose que ça. Le discours de la souffrance créatrice, je dois dire que ça m'agace ! Prodigieusement ! Oui, je trouve ça indécent.»

Ça n'avait pas l'air de se passer super bien, avec Veinstein. Y'a souvent du mou dans la connivence, on la sent un peu rétive, la Frédérique. Des gros silences gênés, des questions qui tombent à plat. Mais au final, des choses assez fortes qui sortent, quand même. Et après avoir lu Colonie, ça prend du relief.


Je rebondis, legerement, sur les propos de Frederique Clemencon concernant l'affect de la creation. Bien sur, son sentiment est tres personnel et subjectif - en la matiere, nulle regle -, mais je crois que pour de tres nombreux ecrivains (nul besoin ici de citer), la creation est un melange indistinct et ambigu de plaisir et de souffrance (ou de peine...). Sans se rallier a l'image, historiquement datee et connotee du "poete maudit", il est un peu simpliste, en tout cas largement personnel, de declarer "qu'on (ne) puisse dire autre chose"... En particulier si l'on parle de poesie, au sens large, entendue d'abord comme experience de langage, dans un esprit et un corps, aux limites perilleuses du sens, ecrire est alors une entreprise qui s'appuie bien souvent sur une douleur, un deuil mais qui les transmue en effet en joie, en infini... avec, comme dit P.Michon, "des blocs de jouissance", des moments d'extase, cependant assez rares, proches d'une extase erotique... ou d'un enfantement. Bien sur, ne pas sacraliser cette douleur ou cette joie... mais les deux sont tres souvent indissociablement lies et je ne pense pas que cela soit "indecent" de les eprouver corps et ame dans l'acte d'ecrire. Apres, c'est une question d'exigence par rapport au langage, de confrontation au mythe du langage, dans ce qu'il a d'obscur, d'imparfait, de mystere, mais aussi de ressources inepuisables, d'inventivite... Dans ce creusement de la langue, pour depasser souffrance et joie melees, peut-etre faut-il se situer dans un etat d'innocence sauvage, extremement rare, me semble-t-il... mais que certains parviennent a atteindre, sans s'y installer confortablement et durablement, "simplement" par illuminations...
Bien a vous.
2005-02-02 07:05:44 de vinteix

A Vinteix, amicalement.

Cette ambiguité dont vous parlez, je la partage et la connais. L'agacement ressenti, et que j'évoquais maladroitement au cours de cet entretien (oui, Berlol, c'était ... ah... cruel que vous êtes), concernait le discours complaisant tenu souvent dès qu'on évoque la création artistique (resucée, oui, de poète maudit mais pas seulement - il faudrait sans doute faire une petite sociologie des représentations de l'artiste à la fin du XXème et au début du XXIème siècle) et qui devient, parce qu'on tient ce discours devant un public, un spectacle, à la fin duquel on sort paré des beaux atours de l'artiste torturé (donc doué, donc touchant du doigt quelque chose comme le divin ou quoi que ce soit qui distingue, pensez : les mots sont ses maux, great), qui servent à certains de légitimation. Cette indécence serait-elle le propre des mauvais écrivains? Je l'ignore, et cela m'intéresse peu de le savoir.

Ce n'est pas la souffrance que je nie, simplement la dire pour légitimer une place (et rarement évoquer la joie immense - je suis contente que vous parliez de Michon, que j'aime tant) me donne la nausée. C'est l'indécence de ces aveux qui m'est inspportable, qui me les rend odieux - quand ça ne me fait pas rire. Mes bagarres, batailles, prises de bec avec les mots ne regardent que moi, font partie intégrante de cette activité étrange à laquelle j'ai choisi de consacrer mon temps : c'est, d'une certaine façon, mon tribu à la langue, auquel je consens avec plaisir... dans la colère de l'échec, du chagrin des mots qui ne viennent pas et restent sur le bout de la langue, c'est bien le moins, sinon il vaut mieux songer à autre chose.

Que voulez-vous... Choix et liberté (devant la page blanche qui, peut-être, résiste, je suis seule et libre - et j'oserais me plaindre?) sont un tel luxe, fût-on un écrivain pauvre, que les minauderies dans lesquelles beaucoup se complaisent ne peuvent qu'irriter. L'enfer, pour moi, au jour d'aujourd'hui, c'est :
- ne pas avoir un centime à dépenser pour nourrir ma famille
- me lever à cinq heures du matin pour aller travailler
- perdre deux heures aller, deux heures retour dans les transports en commun dans l'inconfort et le froid pour aller ...
- ...me faire insulter par un petit chef frustré que ma fatigue et ma tristesse réjouissent et excitent encore davantage
- passer huit heures de mon temps à une activité ennuyeuse à mourir et que je n'ai pas choisie
- rentrer crevée et ne pas avoir de temps à consacrer à ceux que j'aime
- dormir enfin ... jusqu'à cinq heures, et on recommence.
Là, le corps et l'âme trinquent, oui, assurément.

Entendons-nous bien : ne plus pouvoir écrire me terrifie quand je mesure ce que l'écriture me donne et ce que je perdrais si tout cela s'arrêtait, ce serait un autre enfer car la littérature fait partie de ma vie au même titre que l'air que je respire, mais je ne suis pas née dans les livres, j'ai vu autour de moi trop de gens s'éreinter à la tâche, corps et âme, et faire, une vie durant, ce qu'ils n'aimaient pas, parce qu'il fallait bien nourrir ceux qui vivaient sous leur toit, je sais assez ce que cela signifie de sacrifices pour venir maintenant faire mon intéressante et montrer mes bleus d'artiste. Ceci explique sans doute cela. Je ne nie pas la réalité de la souffrance dont vous parlez, mais qu'elle demeure à une juste place. (Innoncence sauvage me plait bien)

Bien à vous itou.
2005-02-02 10:35:07 de Frédérique Clémençon

Merci des précisions et pardon pour la cruauté... qui n'en est pas, en fait (vous le savez bien).
Différence bien notée (et approuvée) entre les souffrances de l'artiste (possibles, peut-être même souhaitables) et l'ostentation des souffrances par l'artiste même, dans un discours au statut ambigu (se faire plaindre ? se faire aimer ? se faire détester ? etc.?).
J'y suis ?
2005-02-02 11:06:50 de Berlol

Dans le mille. (oui, je le sais bien)
2005-02-02 11:12:14 de Frédérique Clémençon

Precisions faites, je vous rejoins tout a fait. Foin des parades et des postures.
2005-02-02 11:59:50 de vinteix
Et si on recollait les deux morceaux du créateur : ici la plainte et la jouissance de l'écriture en reprenant l'expression de Philippe Djian qui évoquait le "drôle" de peintre Bram Van Velde dans le titre d'un livre (chez FLOHIC) : "Il dit que c'est difficile !"
2005-02-02 20:26:37 de Marie.Pool

Est-ce que ça existe , les blogs de bien-pensants?
2005-02-02 23:34:57 de Sans

(réaction nerveuse à l'intervention précedente).
2005-02-02 23:41:05 de Sans

Ah, mon petit Sang, vous faites bien de préciser, parce que j'ai cru que j'allais encore en prendre une, là.
2005-02-03 08:27:08 de Frédérique Clémençon

"petit Sang", c'est très gentil! Vous me faites rougir!
PS: Vous aviez un doute?
2005-02-03 18:58:56 de Sans

ah mais oui on s'habitue à force - surtout après la notule du 31 ... (vous aimez bien Jean Lefèvre et Bernard Blier?)
2005-02-03 20:39:25 de Frédérique Clémençon

Vous êtes finalement assez rosse, un peu cruelle, sanguinaire.
Je vais lire "Colonie" jusqu'à la fin.
Tant pis pour vous.
S.
2005-02-03 23:42:13 de Sans

Non, vous vous méprenez sur mon compte, mais comment vous le dire... Vous foncez bille en tête, là, et hop, on ne peut plus rien faire, me voilà réduite au rang de mégère. Moi = bonne fille un rien taquine, aucun lien de parenté avec Carabosse, vous dis-je. Rosse ("assez" - merci, vous êtes une fois encore princier) ? Cruelle? Sanguinaire? De vilains souvenirs vous hantent, peut-être? Allez vous allonger sur un divan moelleux.
Mais vous ne m'avez pas répondu, tout occupé que vous étiez à me faire trembler, voire à brandir de viles menaces, vilain (je change de registre, là, maman n'est pas contente, vous avez noté?) : aimez-vous les Tontons flingueurs, oui ou non ? - référence qui ne va sans doute pas arranger mes affaires avec vous, petit Sans/Sang/S'en fiche/Sent bon le miel d'acacia.
(je vais m'exiler dans un pays sans téléphone, sans ordinateur : je ne verrai rien de vos méchancetés, vous pouvez y aller)
2005-02-04 09:17:01 de Frédérique Clémençon

Tant pis si c'est un piège, mais oui ce film est un des premiers que j'ai vus à la télévison chez ma grand-mère donc un dimanche et c'est plutôt un bon souvenir. J'adore Blier père.
2005-02-04 12:28:28 de Sans

Un piège ? Mais pourquoi ? Moi aussi, j'aime les Tontons flingueurs, j'ai même acheté le DVD l'an dernier...
2005-02-04 12:37:33 de Berlol

Vous voyez bien que vous me prenez pour une perfide... Un piège? Horreur. C'est faire injure à mes amours.
Un jour, peut-être, on jouera aux Tontons flingueurs, dont je connais des dialogues entiers. Et moi aussi, j'adore Blier père.
Merci, Berlol, de me sortir des griffes méfiantes de notre malheureux ami.
2005-02-04 20:42:06 de Frédérique Clémençon

Le Rhume du "foin" ?
"Parade "? = Actifed *" Posture"
(huit jours maximum,prendre la formule jour/nuit)

Si vous éternuez toujours au delà d'une semaine, consulter votre médecin , l'ablation pure et simple des sinus inflammés est envisageable...(Nota Bene : éviter de fréquenter des vampires tant que votre rendez-vous opératoire n'est pas fixé, vos saignements itératifs peuvent les attirer et la chute des globules devient alors irréversible...)
2005-02-04 23:19:40 de Marie.Pool

Vous ne me croirez peut etre pas mais je vais vous le dire tout de même, bien que je ne vous connaisse pas, amis bloggers (c'est con comme phrase quand meme), mais Mme Clémençon a été ma prof de français l'an dernier, pendant a peu près la moitié de l'année, en tant que prof remplacante. On a apris qu'a la fin de l'année qu'elle était écrivaine, par une autre remplacante (car la remplacante de la remplacante s'est fait remplacée... cherchez pas -___- ). Eh ben chais pas pourquoi mais tout d'un coup j'ai envie d'acheter un de ses livres :D
En tout cas, elle est SUPER sympa, toujours en train de mettre la bonne humeur ou de plaisanter :)
2005-05-20 13h34 de Saï



Mercredi 2 février 2005. Ces légumes qui n'en finissent pas de rendre.


L'arrosoir arrosé.


Au secours, il est revenu ! Cette fois, on est tous mouillés !!...

Belle empoignade aux Mardis littéraires d'hier. Ivan Jablonka défend ses Vérités inavouables de Jean Genet face à Dominique Eddé et Albert Dichy qui lui reprochent ses interprétations extravagantes dans la droite ligne, semble-t-il, de celles d'Éric Marty. Un Marty qui a dû, derrière son poste de radio, sentir le vent du boulet. Le mal vient de plus loin. Le fond du problème est, selon moi, que des intellectuels aient besoin, génération après génération, de présenter une copie propre intitulée « Toute la vérité sur... », suivi du nom d'auteur insaisissable que vous voudrez, croyant nettoyer (c'est leur besoin on ne sait d'où venu) les couches d'interprétations anciennes avec la leur alors qu'évidemment il ne font qu'en ajouter une.
Genet quant à lui, avec ou sans grano salis, me fait penser à ces légumes qui n'en finissent pas de rendre.

Je reviens de la bibliothèque où je suis allé chercher la citation que nous a faite François Bizet lundi soir...
« Les mots. Vécue je ne sais comment, la langue française dissimule et révèle une guerre que se font les mots, frères ennemis, l'un s'arrachant de l'autre ou s'amourachant de lui. Si tradition et trahison sont nés d'un même mouvement originel et divergent pour vivre chacun une vie singulière, par quoi, tout au long de la langue, se savent-ils liés dans leur distorsion ?
Pas plus mal vécue que n'importe quelle autre mais cette langue comme les autres permet que se chevauchent les mots comme des bêtes en chaleur et ce qui sort de notre bouche c'est une partouze de mots qui s'accouplent, innocemment ou non, et qui donnent au discours français l'air salubre d'une campagne forestière où toutes les bêtes égarées s'emmanchent.
[...] Si quelqu'un espère qu'au moyen d'une telle prolifération — ou luxuriance — de monstres il pourra soigner un discours cohérent, il se trompe : au mieux il accouple des troupeaux larvaires et sournois pareils aux processions des chenilles processionnaires, qui échangeront leur foutre pour accoucher d'une portée aussi carnavalesque sans portée réelle, sans importance, issue du grec, du saxon, du levantin, du bédouin, du latin, du gaélique, d'un chinois égaré, de trois mongols vagabonds qui parlent pour ne rien dire mais pour, en s'accouplant, révéler une orgie verbale dont le sens se perd non dans la nuit des temps mais dans l'infini des mutations tendres ou brutales.»
(Jean Genet, L'Étrange mot d'..., in Théâtre complet, section Œuvres critiques, Gallimard, coll. La Pléiade, 2002, p. 887 ; initialement paru dans Tel Quel, n° 30, 1967).

À l'opposé de ces accouplements infinis de mots (qui rendent vaines les tentatives d'assignation définitive du sens par des intellectuels que limite leur visière idéologique et leur carrière personnelle), il y a les mots morts-nés, la textualité-machine (opposable à la textualité-événement), le produit fabriqué pour coller à son époque et en révéler les tendances alors que tout le monde les connaît déjà. Ces défonceurs de pas-de-porte surfent sur l'innovation technologique et la performance marketing* pour faire croire à de la nouveauté, voire à de la littérature ! C'est grâce au blog de Sébastien Bailly, lui aussi bien informé, que j'ai téléchargé et lu Tookassé.com, un rapide roman de Dominique Marie Dugasse, Olivier Grenet et Sébastien Petit (trois chômeurs d'une start-up ayant fait faillite), chez Télémaque.
Mais c'est peut-être moi qui me trompe. Peut-être que ça ne prétend pas être de la littérature. Seulement une mise en scène du cynisme de la net économie, comme on dit. Sauf qu'on s'en amuse aussi, et que tout le monde ne sera pas critique. Donc ça dénonce mais quelque part ça racole aussi.

« Pourquoi, à ton avis, y a-t-il eu ce vent de folie sur Internet ?
Stéphane sourit.
— Parce que des jeunes entrepreneurs ont senti venir des États-Unis un doux parfum d'argent facile. On aurait dit le lancement d'un nouveau jeu de la Française des Jeux : grattez un investisseur, gagnez 10 millions de francs ? »
(Tookassé.com, p. 79)

« Tookassé se porte bien ! me singe Alain. On a juste décidé de tout dégager et de travailler par terre, la tête en l'air parce qu'on est vachement trendy et qu'on adore le feng shui ! » (Id., p. 145)

Le feng shui ? Celui dont parle Segalen à la page 116 de René Leys ? Dingue, il en a fait du chemin celui-là ! Justement, il sera question de Segalen, m'informe JFM, demain dans Espace 2, à la radio suisse-romande... Qu'on se le dise.

* merci au passage à Élisabeth Flory, du blog Coq-à-l'âne, pour tout ce qu'elle nous aide à savoir du milieu de l'édition.


Décidément, je suis toujours surpris par la différence de climat entre la plaine du Kantô (Tôkyô-Yokohama) et l'au-delà, tant au nord qu'à l'ouest.

... il neige à Nagoya ?
2005-02-02 02:24:54 de Arnaud

Non, pas tous !!! Certains êtres virtuels ont réussi à échapper à la matrix !! La toile permet le camouflage filet !! Filé ?? Filer ?? Fil et...
2005-02-02 08:07:33 de Au fil de l'O.

Précision : Facile d'échaper à la Matrix, suffit de connaître la Matrix, mais que la Matrix ne vous connaisse pas !!! CQFD
ouarf, j'm'amuse comme un petit fou !!
2005-02-02 08:09:55 de Au fil de l'O.

L'arroseur arrosé ! Je chez JC Bourdais, j'arrive là en plein partie de pingpong avec F. Bon, je clique... Je tombe sur un arrosoir (nippon c'est sûr, si on enlève un peu de neige, on peut voir "made in Japan") je clique encore et je reviens chez JC Bourdais. Il y a des jours où on tourne en rond.
2005-02-02 08:13:28 de Simone la rebelle

Y'a ka changer de jour...
(merci quand même du tour de ronde !)
2005-02-02 14:00:04 de Berlol

Pour Genet, il semble que certaines personnes cherchent à ne pas lire et à faire un parricide, celui des pères d'une génération : Deleuze, Guattari, Foucault, Derrida. Il convient plutôt de lire le texte de Genet en prenant en compte sa rhétorique afin de ne pas isoler une phrase en la lisant au sens littéral en dehors de l'ensemble de son réseau associatif. Celui-ci est capable d'inverser ou d'altérer le sens usuel de tel mot ou de tel thème, par exemple, , notamment par un ton ironique souvent oublié par la critique récente, trop occupée à trouver un coupable dans sa chasse aux sorcières. Pour la figure de Hitler et non Monsieur Hitler, mais aussi en ce qui concerne la dimension homosexuelle du nazisme, je me permets de renvoyer à mon étude consacrée à Pompes funèbres parue dans Europe, dossier Genet en aôut/septembre1996.
Des questions de méthode y sont abordées. Cette étude qui invalide, par avance,( je m'excuse mais..) les thèses des livres critiques récents n'est pas citée, et pour cause. Allez y voir, comme dirait quelqu'un.
Je salue les critiques énoncées par Dichy qui me semblent aussi tout à fait pertinentes. Si une personne a l'article signée Samoyaut, je serais content de le lire
Patrice Bougon
2005-02-03 06:56:42 de patrice Bougon

Merci Monsieur Patrice Bougon de preciser que J.Genet est d'abord un ecrivain, et non un ideologue, ce que certaines "jeunes pousses d'historiens, en mal de grande lessive" semblent oublier... a croire qu'ils lisent ces textes avec une naivete de nouveau-ne... Siderant ! J'ai moi aussi ete tres irrite par ces debats radiophoniques, a croire que l'on revient en arriere, a de vieilles polemiques, a de vieilles chasses aux sorcieres, mais apparemment pas si vieilles, comme celles concernant un Celine... De plus, vouloir enterrer ces "grands arbres" que vous citez (Foucault, Deleuze, Derrida), sans rien proposer d'autre qu'une critique negative et bien pensante, je ne vois pas bien ce que l'on a a y gagner, a part un ressentiment tres dangereux, comme le disait Dominique Edde, a notre epoque de racisme et d'antisemitisme saillants... Dans cet esprit, nous n'avons plus qu'a qualifier de "nazis" Artaud, Bataille, Guyotat, voire Rimbaud, Lautreamont (par anachronisme genereux)... Pourtant, il s'agit de litterature, non ? bordel de merde ! Ces gens-la nous montrent avant tout la voie d'un degagement auquel TOUS, plus ou moins intimement et consciemment, aspirons... Comment se complaire dans de telles mesquineries si eloignees de ce qu'est l'ecriture ?
Bien a vous.
2005-02-03 15:14:22 de vinteix

On ne peut quand même pas faire comme s'il n'y avait AUCUN problème, que ce soit avec Céline ou Genet ou avec Foucault, Deleuze ou Derrida, problèmes d'ailleurs à chaque fois très spécifiques. Non ? (J'en ai personnellement peu avec Deleuze ou Céline, les autres sont tous un peu trop "malins" à mon goût.) [malin au sens d'un peu trop habile, pas de diabolique] [je précise mes guillemets, au cas où].
2005-02-03 16:57:18 de Dom

Bien sur que leurs textes questionnent et soulevent des problemes. La ou ca ne va plus, c'est quand on cherche a les enfermer dans une vision univoque, partielle et partiale, alors que leurs textes et leur vie echappent, car ces gens-la, me semble-t-il, ne se sont laisses detenir nulle part et ne se laissent pas detenir.
2005-02-03 17:05:32 de vinteix

Habile : Qui a une disposition d'esprit et de caractère la rendant particulièrement apte à agir de façon appropriée à ses fins ou à se tirer d'affaire dans les situations qui se présentent (Trésor de la langue française).
C'est tip top ce que je voulais dire. Une pas bien haute vertu; certainement pas une vertu philosophique, particulièrement quand il s'agit de l'habileté à rendre sa position inattaquable en faisant un peu trop fi de toute considération de cohérence.
2005-02-03 17:06:18 de Dom

L'auteur utilise-t-il directement son habileté littéraire pour prendre le contrôle du lecteur, l'embrigader ? Ou met-il son habileté littéraire à ouvrir les esprits à plus de circonspection, à plus de réflexion, à plus de liberté ? L'auteur fait-il ceci ou cela sciemment ou est-il lui-même manipulé par un parti, une caste, un dogme ?
2005-02-03 17:44:30 de Berlol

C'est pas la rhétorique, la séduction, etc., qui me gênent, même pas non plus l'embrigadement (je crois très modérément aux pouvoirs émancipateurs du Verbe); c'est le "se tirer d'affaire", le "se défiler", quand la rhétorique "un peu trop habile" a été dégonflée. Vieux travers du scepticisme (on peut être un sceptique cohérent, mais il faudra alors demeurer silencieux. Embêtant, pour un Auteur).

Bon, mais j'aurais beaucoup de mal à détailler, je faisais juste état d'une impression, qui reste plus que vague mais que je ne crois pas totalement infondée dans les cas d'espèce. (Derrida, par exemple, on a vraiment l'impression d'une surenchère, d'un coup de poker, inaugural, sur lequel il n'a jamais voulu explicitement revenir (bien qu'il nous refile en sous-main sur la fin une came que toute sa première "philosophie" aurait dû rendre inopérante (enfin les choses sont, je le sais, beaucoup plus compliquées que ça (c'est d'ailleurs une partie du problème))) et qui l'aura conduit à une fuite en avant, acrobatique et brillante, pour des raisons de quoi, vanité d'auteur ?)
2005-02-03 18:34:47 de Dom

Cher Dom, désolé, mais là, je ne peux pas me taire !! Il est vrai que la "langue-Derrida" peut agacer certains. Soit. Mais, il n'y a jamais eu de "fuite en avant", aussi acrobatique ou brillante qu'elle soit, de sa part. Il a au contraire toujours tourné autour des mêmes problématiques, parce que, justement, en parler une seule fois n'était jamais suffisant. Derrida était le premier à se méfier d'une rhétorique qui se serait arrêtée en cours de route, ou qui se serait gargarisée d'elle-même. Dès lors, là où son problème se trouve, c'est que, d'une certaine façon, on peut avoir l'impression qu'il se "contredit" ou s'emberlificote. En fait, c'est la pensée qui est complexe et Derrida essayait justement le le rapeller, face à nombre de critiques qui tentaient, a contrario, de réduire sa pensée et de dire que finalement c'était bien plus simple. Il a toujours accepté (lorsque le débat était constructif) de répondre à ses contradicteurs et il a toujours réussi à montrer les limites de la pensée qu'on lui opposait. Cependant, il n'a jamais pensé détenir "la vérité" absolue sur les choses, il se contentait bien de montrer que c'était toujours plus complexe qu'on le croit (et il n'a jamais prétendu, non plus, pouvoir tenir un discours exhaustif sur quoi que ce soit... Et pourtant, c'est pas faute d'avoir écrit des pages et des pages...). Les 80 livres publiés ne sont qu'une infime partie (si, si, c'est possible !!) de l'ensemble du texte derridien. Malheureusement, on risque de ne pas avoir accès "au reste" avant un certain temps (voire jamais), car Derrida a interdit toute publication d'un texte qu'il n'aurait pas lui-même poli jusqu'au dernier mot et estampillé "bon à tirer".
2005-02-03 18:49:56 de Au fil de l'O.

J'y vois surtout une complaisance aux apories, alors que la sortie était à deux pas. Mais j'ai l'esprit trop simple. (Son ton n'a jamais été aussi désagréable que quand il lui a fallu répondre à des philosophes qui prenaient le risque de sortir de l'ordre métaphysique, et non pas de continuer à casser rageusement leur jouet; la réponse à Searle (certes pas excellent lui-même) est d'une méchanceté assez peu commune.) Au demeurant, pas désagréable à lire, mais de l'air, please !!
2005-02-03 19:04:34 de Dom

Biffez "métaphysique" (geste oh combien derridéen), le mot est mal choisi, ce n'est pas ce que je voulais dire; plutôt de l'ordre de la Représentation ou de la Signification. Ce sont des concepts, des notions, qui rendent toute conception intrinsèquement problématique, très bien, ne les utilisons plus et voyons si on peut vivre sans. Et, c'est admirable à dire, il se trouve que très bien, merci beaucoup.
2005-02-03 19:14:38 de Dom

Meme ancres dans un inachevement et un impouvoir a la limite de l'echec, "je crois tres profondement aux pouvoirs emancipateurs du Verbe" (pour repondre a Dom)... sinon, je ne vois pas tres bien comment on pourrait se lancer dans une aventure litteraire ou philosophique d'ailleurs.
Le scepticisme, meme affilie au silence, n'empeche pas de parler et l'ecriture n'est-elle pas bien souvent comme sortie ou retournant au silence... Les apories auxquelles on se heurte sont moins des sophistications qu'une question de lucidite... C'est la meme histoire depuis Heraclite, relaye par Blanchot :
"L'inconnu ne sera pas revele, mais indique".
2005-02-04 04:20:04 de vinteix

Grandeur de l'astronome ptoléméen.
Pour la motivation à "se lancer etc.", réponse admirable de Beckett, je crois : "Bon qu'à ça".
2005-02-04 11:22:17 de Dom

On peut en effet preferer l'immobilisme... Je maintiens le pari du saut.
2005-02-04 11:34:43 de vinteix

... quitte a se casser...
2005-02-04 11:38:16 de vinteix

"De l'air, please!!", disiez vous plus haut... J'ajouterai simplement qu'en matiere d'appels d'air, je ne suis pas sur que Beckett, que par ailleurs j'aime enormement, soit le meilleur exemple a citer.
2005-02-04 12:13:27 de vinteix


Jeudi 3 février 2005. L'ère d'une nombreuse parole à double sens.

Dans la dernière minute du 20 heures de France 2 d'hier, on dit qu'Yves Ravey est un auteur inconnu. Ça étonnera ses lecteurs.

Au Poézibao du jour, un texte de Jean-Pascal Dubost sur ceux « qu’on enjambe crashés sur une moelleuse plaque / d’égout ». Extrait de Monstres morts, recueil récemment paru. Un poète que je ne connaissais pas... alors qu'il était déjà chez Remue.net depuis 2003. Impardonnable...

J'allais pour déposer des chemises à la teinturerie, sur le chemin du centre de sport, vers Irinaka. Mais déjà j'arrivais à une boutique qui est au-delà. Je suis revenu en arrière et je me suis arrêté de nouveau à la rue qui monte abrupte vers la fac. La teinturerie, ou ce qui en faisait office, dépôt de linge en même temps que dépôt de photos et boutique d'alcools, avait... disparu. Juste à côté d'un petit parking, c'était là, oui je m'en rappelai bien. Mais à cet endroit, il n'y avait qu'un rideau de fer descendu sur un pas-de-porte de deux mètres de large, identique à deux autres à côté. Pas une trace d'enseigne — alors qu'il y en avait une, évidemment, je m'en souviens —, et pas un fil électrique qui dépasse du mur, pas une trace de peinture. J'ai remonté vite fait mon sac de chemises à la maison, parce qu'il faisait froid, et suis allé au sport. On réfléchira à ça plus tard.

Réglage du sudavélo sur 40 minutes et reprise d'Un Monde cadeau de Jean-François Paillard. À la page 71, les verbes commencent à massivement se conjuguer. Avant, je le répète, presque tous sont à l'infinitif, formant comme une longue check-list de choses à faire, ou un programme d'actions contraintes, d'où aussi l'ambiance quelque peu oppressante. Ce que j'avais nommé fadeur, puisque c'est ce que j'avais ressenti.

« vivre la vie rêvée. Assister à un spectacle folklorique au palais Nicolas en compagnie d'un amant barbu. Se promener en troïka dans un parc étrangement sombre, aux côtés d'un bras qui devient une tête de saumon, qui devient un dîner en tête à tête, qui devient une affiche sur laquelle est écrit « vin, caviar et vodka », qui devient un son de violon tzigane, puis une balalaïka, puis [...] un trou noir qui est un hôtel sous réserve d'enneigement suffisant qui est un taxi qui est un transfert à l'aéroport, puis une paire de seins exhibés au douanier moustachu, puis un crash en vol, puis une lutte sans merci avec un lièvre géant, puis, sous le coup d'un violent bombardement de votre cortex cérébral émanant principalement d'influx venant des corps cellulaires à histamine logés dans votre hypothalamus, vous arracher brusquement du sommeil paradoxal [...] » (J.-F. Paillard, Un Monde cadeau, p. 71-72)

On voit s'amorcer autre chose, par répétition de « qui devient » puis de « puis », succession d'images rêvées, film en accéléré. Sera suivi du difficile réveil, très impressionnant, d'un personnage féminin que l'écriture n'envisage d'abord qu'à la seconde personne du pluriel, pour décrire son lever (p. 76), puis une gigantesque vaisselle (p. 78), pendant laquelle l'impératif prend le contrôle, semble devenir un flux de conscience duelle, un je parlant à un tu, lui donnant des ordres, lui rappelant des souvenirs (p. 79) jusqu'à ce que ça tourne mal, dispute dans le for intérieur façon scène de ménage s'achevant en crise de boulimie (p. 81). Fin du chapitre.
Cette succession d'angles d'attaque est très maîtrisée. Pourtant, au modeste lecteur que je suis, elle semble arbitraire. Je veux dire que, dans la réalité décrite, ou ce qu'on peut en deviner, ou dans les états successifs du personnage, je ne vois pas ce qui légitime tel ou tel changement d'écriture. D'autres auraient été possibles, ou les mêmes dans un autre ordre. Comme des exercices, des gammes.
En revanche, la première section du chapitre suivant est très réussie, enthousiasmante. Un tourbillon de conscience de celui qui a reçu un choc émotionnel terrible et qui retourne dans son milieu professionnel essayer de faire semblant d'aller bien, au milieu des discours de ses collègues, des plats du restaurant et des écrans de télévision.

Voilà, je ne cache pas mes sentiments de lecteur et j'essaie d'analyser au fur et à mesure sans avoir une vue d'ensemble de l'ouvrage, contrairement à son auteur ou à quelqu'un qui aurait fini et qui reviendrait sur ses pas, ce qui deviendra mon cas dans quelques semaines.
Que l'auteur soit ou ne soit pas d'accord, cher Jean-François, on n'y pourra rien. D'autant que les lecteurs sont nombreux et que s'ils se mettent tous, ou seulement 10 % d'entre eux, à ouvrir des blogs pour décrire leurs impressions, comme ça commence à se faire, de cette façon ou d'une autre, les auteurs ne sauront bientôt plus où donner de la tête. Au long règne d'un verbe à sens unique, allant des auteurs globalement satisfaits de s'exprimer vers des légions de lecteurs muets, que représentaient ou que dirigeaient des journalistes prescripteurs, succède peut-être l'ère d'une nombreuse parole à double sens, qui permet aux auteurs de devenir lecteurs de leurs lecteurs, pour le meilleur ou pour le pire. Selon leur tempérament, certains auteurs entreront dans la danse, d'autres se tiendront à l'écart, certains s'en amuseront, d'autres seront aigris. Un petit googlage sur un ouvrage sorti le mois précédent et on aura deux cents références de blogs plus ou moins réticulés entre eux, derrière lesquels viendront les modestes articles du Monde, de Libération, de L'Humanité, dont certains auront déjà disparu des pages visibles parce que devenus payants...
Alors, délirant récit d'anticipation ou projection raisonnable ?


ah oui, bon. Nous y voilà en quelque sorte... Arbitraire, cette sortie de l'infini - tif ? Tirée par les cheveux ? A l'époque non, pas du tout : ça avait tout un sens (pour moi). Tout était construit, minuté : le basculement intervenant au moment du réveil du corps ("c'est dans l'activité du corps qu'émerge le sens du monde" comme dirait l'autre) d'un être à la fois boulimique et inactif (ce qui avait sn importance), les enchassements de deux puis trois séries de textes pouvant se lire indépendamment : du pile poil ! je voulais opérer une plongée dans l'"univers monde" du consultant "senior manager" du 21siècle, tenter d'approcher la banalité du mal à travers le travail d'euphémisation constamment à l'oeuvre dans le crâne d'un consultant en organisation, révéler par imitation-détournement la pornographie du discours de propagande publicitaire qui nous pousse à vivre ces sursauts de jouissances successives (jouir de croire à une impossible métamorphose - qui n'est que l'apanage des objets inertes) comme autant de petites mortsavortées, donner un langage à nos coduites addictives, bref, je voulais écrire un roman phénoménolo, phéloménélolo, phénoménologique! Et drôle, en plus ! Je voulais qu'on rie se marre à chaque page. Rien que ça ! Du Merleau Ponty en Pif poche en quelque sorte. Il y a aussi d'autres tentatives, d'autres explorations un peu plus loin... L'art du discours. Bon. Il est vrai que vu d'aujourd'hui, au moins deux ans après la rédaction du livre, ma tête dans un autre texte, tout ça me paraît complétement foireux... Peut être pas foireux, mais tellement présomptueux. Le résultat n'est pas à la hauteur, c'est sûr. A côté de la plaque. Fade et arbitraire : pourquoi pas ? J'accepte. Mais à la fin de la lecture. ..Un peu, sans doute, comme ce que j'écris actuellement vu dans deux ans. C'est le côté dérisoire du truc... On se met des objectifs en tête et le résultat... N'empêche qu'en me fixant ces espèces de lubies inatteignables (inavouables pour ceux qui auraient un ego littéraire : moi, franchement, je m'en fous), je me suis bien amusé à l'écrire. Mieux: j'ai cru vivre un peu à l'écrire. C'est le principal, non? Si on ne pense pas trop à uun lecteur possible, évidemment...
2005-02-03 18:53:42 de jean-françois pailard

Vous parlez du même livre? L'auteur c'est Paillard ou Pailard (c'est le libraire qui voudra savoir).
Merci
2005-02-03 19:02:54 de Sans

Il est savoureux que ce soit Sans, dit "petit Sang", qui pose des questions sur l'identité de quelqu'un...
Cher Jean-François, ne dites ni "foireux", ni "présomptueux". Mes commentaires ne constituent "qu"une" phase "d'une" lecture et ce qui paraît arbitraire à l'un (parce que du formel, en quelque sorte, dépasse) peut être fluide et parfaitement motivé pour un autre. Au demeurant, il est normal qu'engagé dans un autre projet, vous voyiez l'ancien d'un oeil critique. En tout cas, je continue celui-ci et je vous souhaite une bonne continuation pour le prochain.
2005-02-04 00:54:35 de Berlol

Moi je trouve ça intéressant d'avoir les commentaires de l'auteur sur sa propre oeuvre répondant à un de ses lecteurs (c'est différent de ce qu'on peut entendre dans une interview par exemple).
Sinon, en passant, j'ai a peu près le même problème avec la musique que je compose. J'ai une idée qui me paraît géniale dans la tête, j'essaye de m'en rapprocher mais le résultat est invariablement différent, parfois cela reste bien, du moins le pensé-je dans l'excitation de la création. Puis, quelques mois plus tard, au moment de faire écouter le morceau enfin achevé à son entourage, j'en ai honte et me dis que le nouveau projet sur lequel j'ai alors commencé à travailler est bien plus prometteur... Bon, tout cela bien sûr, à un niveau bien plus bas, rien de ce que j'ai composé n'ayant été publié. Pas de risque de tomber sur la critique d'un auditeur au détour d'un blog !
2005-02-04 08:04:49 de Manu

Complètement d'accord avec toi, Manu. D'ailleurs quand je dis que si l'auteur n'est pas d'accord avec le lecteur, "on n'y pourra rien", ça ne veut pas dire que ce n'est pas intéressant. Tu soulignes très bien l'intérêt : "c'est différent de ce qu'on peut entendre dans une interview" et j'ajouterai que c'est différent de ce qu'on trouve dans une étude, une conférence, un entretien, etc. Ça tient un peu au média, puisque des auteurs participent "en direct" à nos commentaires ET que ça reste affiché (trouvable avec un moteur de recherche par exemple), et puis ça tient beaucoup à la personnalité des auteurs, d'un naturel communicatif, qui ont un peu de temps à nous consacrer et qui n'ont pas les chevilles trop gonflées (ou un "ego littéraire", comme dit joliment JFP).
Pour ta musique, tu es modeste, mais j'invite les lecteurs à cliquer sur ton lien de site pour l'aller écouter parce que ça vaut le coup ! (et méfie-toi des détours de blog, ça vient plus vite qu'on ne croit...)
2005-02-04 11:23:55 de Berlol

Il y a aussi autre chose (et après c'est promis j'arrête...), concernant ce passage au "vous", puis au "tu" après un long dérapage à (l'infinie platitude de) l'infinitif, c'était aussi une façn de sortir du tunnel en prenant le lecteur directement à témoin (le "tu" s'dresse aussi au lecteur, évidemment) pour en qq sorte le réveiller, le secouer : d'où cette impression d'arbitraire, peut-être. Et puis derrière, enchaîner, en s'adressant à lui par un discours pontifiant (qui vient après la séance stressante du resto)... Il y a cette obsession chez moi (comme chez beaucoup d'autres romanceirs auxquels je ne me compare pas, bien sûr, qu'o ne me méprenne pas) : trouver un moment de connivence avec le lecteur pour lui dire bon, on n'est pas dupe toi et moi, c'est jamais que de la fiction hein, et la fiction, elle est moribonde depuis un bon moment, non? Et puis quand même toucher du doigt ce phénomène bizarre qui veut que lorsqu'on écrit, le lecteur est caché là, dans un coin et lorsque le lecteur lit, l'auteur est également tapi dans un coin ou plutôt derrière la porte. Or, s'il on admet qu'il y a une présence indéniablemet physique, presque palpable, il y a peut-être un moyen de faire passer quelque chose sous la porte, justement, tout en racontant son histoire comme si de rien n'était... Ce réflexe est très manifeste, très (trop ?) frontal chez Echenoz par exemple : au détour d'une phrase, lui n'hésite pas à s'adresser (pour sen emparer un peu brutalement-maladroitement à la hussarde je trouve) carrément au lecteur (je me suis parfois demandé s'il ne s'était pas constitué un lectorat d'aficionados à partir de ce truc, justement). Pour moi, le moment indépassable de cette main tendue est l'épisode des trois arbres, lorsque le narrateur de la recherche descend en calèche sur Hudimesnil (A l'ombre des jf en f, éd gallimard vol2, p145 depuis "je venais d'apercevoir" jusqu'à "Dieu" p 148)... J'ai pas fréquenté ces milieux, mais je suis prêt à parier que ce passage est étudié en hypokhâgne ou khâgn où il doit revêtir le statut de pont aux ânes, mais bon, heureusement non averti, je n'oublierai jamaiis ce moment de lecture aérienne... JF paillard (oui je m'étais rogné un 'l')
2005-02-04 11:39:24 de jean-françois paillard

apsus
2005-02-04 12:22:10 de Sans

Alors, là, Berlol ! Je sentais qu'un jour une telle réflexion s'épanouirait.
Vous me "bottez". Ça, c'était déjà acquis depuis quelques mois.
Il est urgent de remettre "Lire : un braconnage" *sur les pupitres de lecture.
Ça donnera de l'assurance à toutes celles et à tous ceux qui furent des "boss-boss" silencieux quand les "bla-bla-blas" causaient pour elles et eux.
Ce jour même, dans son TiersLivre, François Bon pose bien la problématique de l'écrit.
Décidemment, c'est bon pour un vieux et modeste lecteur d'avoir sur la Toile, la grâce (!) de fréquenter des tels gens.

*Michel de Certeau - L'invention du quotidien 1/arts de faire, 10/18, p.279-296.
2005-02-04 20:43:33 de Grapheus tis

...Même si nous disparaissons à nouveau,"délirante anticipation ou projection raisonnable", selon certains qui ne souhaitent peut-être déjà que cela.......
2005-02-04 20:46:44 de Grapheus tis

Pour revenir aux choses sérieuses : d’après M.-A., vieille habitante du quartier qui m’en parlais avant-hier, ce magasin, à l’origine uniquement d’alcools, était tenu par deux soeurs, qui ont pris un dépôt de blanchisserie il y a quelques années pour mettre un peu de wasabi sur leurs maigres sushis. Après l’ouverture du Valor (supermarché) en face de chez elles il y a un peu plus d’un an, et récemment à l’intérieur de ce Valor d’un rayon vins, sakés et spiritueux, elles viennent de jeter l’éponge.
2005-02-05 04:37:59 de JFM

Et elles l'ont jetée où, l'éponge ?...
Ceci dit, elles avaient déjà un âge canonique. Une seule des deux était sympathique. Mais je les regretterai toutes les deux.
Sinon, tout ça ne fait pas mon affaire parce que dans le supermarché Valor, il n'y a pas de teinturerie ! Il va falloir que j'aille encore plus loin...
2005-02-05 11:44:54 de Berlol


Vendredi 4 février 2005. Quelque chose que Je a tissu.


Ça me fait deux vies en une
— et des passerelles

Non pas celle de cette ville-ci et celle de celle-là
qui ne sont que deux lieux d'une même vie nomade
Mais celle de ma personne réelle
Et celle de mon personnage virtuel
Avec des passerelles

Sans les passerelles il n'y aurait
Que deux univers parallèles — sad monads — et rien
pour les rapprocher pour
leur faire profiter l'un de l'autre :
Que je dénonce un scandale en mode virtuel
Le scandale sera dénoncé mais mon réel
Ne pourra en profiter — en jouir que seul

Voyez sans... — sans les passerelles :
Jouit-on seul de protester dénoncer pester ?
Sans personne à qui s'en ouvrir quand sont séparés l'avatar
Et la véritable identité ?

L'anonym@t n'est pas l'anonymat, disais-je
Et il n'y a lieu de couper les ponts
Qu'avec péril en la demeure — jungle entrepreneuriale ou botte totalitaire
(Sinon : vaincre ... péril >>> triomphe ... gloire)

Le miracle, le plaisir de dire Je pour dire Quelque chose
Ne s'accomplissent qu'avec la Signature
— car tout le monde dit Je mais personne ne signe comme moi
— Et ma Signature n'est pas qu'en bas Je suis partout dans mon texte
dans tout le Quelque chose que Je a tissu
(et qui m'imite me rate (car qui oserait écrire Qui m'imite me rate — et ça
c'est ma Signature, par exemple, directement inscrite dans le tissu des mots))

Car la Signature enclot ma Monade et la représente partout où elle se présente
Les écrivains qui tiennent plus à leurs anecdotes qu'à leur écriture
— parce qu'ils n'ont que ça, certains —
ne sont pas des écrivains, ce sont des conteurs
Et si JFP se souvient si bien des phases textuelles verbales pronominales rythmiques
et qu'elles comptent comme on a vu qu'elles comptent pour lui
C'est qu'il est un vrai écrivain.

Je lui dédie ce poème-pensée en même temps qu'à Sans l'isolé


Merci pour la leçon.
Mais sans moi.
2005-02-05 12:22:37 de Sans

Bonsoir,
Commentaire technique: c'est une affaire de goût mais si tu veux que ton texte ne soit pas collé à ton image tu peux utiliser le code ci-dessous.

hspace="10" et vspace="10" déterminent le nombre de pixels "autour" de l'image, h=horizontal et v=vertical.
Voilà!
2005-02-05 13:52:36 de bcg

Le code a été gommé par ton blog, je le remets sans les balises de début et de fin.< et >
img src="truc.jpg" width="512" height="384" hspace="10" vspace="10"
hspace="10" et vspace="10" déterminent le nombre de pixels "autour" de l'image, h=horizontal et v=vertical.
Voilà!
2005-02-05 13:54:02 de bcg

Oui, "Les salons littéraires sont dans l'Internet". Ton livre a paru peut-être trop tôt car il y manque un chapitre sur les blogs. Mais il reste plus que jamais d'actualité et moi, j'attends impatiemment la suite.
"La suite! la suite! la suite! la suite!" (vous connaissez l'air).
2005-02-05 14:11:37 de Christian

Merci Christian.
J'ai ajouté le code pour la marge et c'est nettement plus chouette.
Pour la suite des "Salons...", tu la lis tous les jours ici même (et gratos, en plus !).
2005-02-05 14:59:07 de Berlol

sympa. Simplement, je ne suis pas si sûr de la distinction écrivains-conteurs (il me semble que Tiphaine samoyault faisait la même distinction qq part, en gros entre ceux qui aiment écrire et ceux qui aiment raconter). Sauf peut-être si l'on admet qu'il existe des (heureux) cumulards : kourouma, par exemple. Ou Coover. Ou Pynchon, ou Gaddis ou... Et puis qu'est-ce que conter ? Pour moi Raymond Carver, grand styliste (et pourtant sa prose est simplissime-bout de ficelle), est aussi un grand conteur Et pourtant, il n'a jamais raconté une "vraie" histoire, au sens traditionnel du terme : avec un début un milieu - et surtout une fin... Pas de fin chez Carver, jamais de fin...
2005-02-05 17:08:45 de jean-françois paillard

Oh oui, des cumulards ! C'est ceux-là qu'on aime le mieux !
2005-02-05 17:21:00 de Berlol

Pour JCB via BERLOL...
Grand Merci pour la "planche" Bdiste où mes accointances littéraires sont accueillies si chaleureusement... Je vous suggère de découvrir le Journal de C.JULIET sur son séjour à WELLINGTON ( Nouvelle Zélande) dans "LE PAYS DU LONG NUAGE BLANC" chez P.O.L qui vient d'être publié. Je ne suis pas "influencée" par C.J. mais je me sens très proche de son "aventure intérieure" et de ce que "ça donne" dans une écriture qui cherche avec des mots simples , "le socle", "l'essentiel", "l'universel".... Charles Juliet a rencontré de nombreuses oeuvres littéraires ( pour celle de PAVESE j'y reviendrais) . Celles qu'il retient comme "influentes" émanent rarement des contemporains ( à l'exception de François CHENG et de Pierre RICKMANS devenu Simon LEYS en littérature), elles appartiennent à la sagesse des anciens.
SHI TAO (L'unique trait de pinceau) correspond pour lui aux aspirations les plus attractives de l'art... A l'instar de Miguel TORGA et en proposant d'abraser le MOI ( le particulier) au profit du SOI (le singulier parmi les autres) il pourrait déclarer à chaque instant :

"L'universel, c'est le local moins les murs"

MERCI ENCORE !
2005-02-05 23:43:13 de Marie.Pool

Pas de problème, je fais aussi boîte postale.
Et puis, c'est pour la bonne cause !
2005-02-06 11:07:54 de Berlol


Samedi 5 février 2005. Des soldes et du soleil, mais...

« Nouvelle aventure ! nouvelle histoire un peu vexante pour ma perspicacité. Comment ai-je pu comparer René Leys à Robert Hart et même à Marco Polo ! Comment ai-je accouplé cet admirable fils d'épicier Belge à ce petit commis Anglais et au neveu des marchands Vénitiens ! Je n'aurais pas dû lui dire vous êtes aussi fort que Robert Hart et Marco Millioni ! Je lui fais toutes mes excuses, il fallait dire : vous êtes cent fois mieux arrivé, comme pénétration à la Chine, que tous les Européens connus et à connaître... Vous avez pénétré jusqu'au cœur du milieu du dedans — mieux que dans son cœur : dans Son lit. — Et voici que ce Roman secret et policier, — si jamais il m'incombait l'indécente hypothèse de l'écrire, — voici que ce Roman vient tout d'un coup d'avouer son héros, véritable, authentique, vivant : en la personne de l'oiseau le plus rare de tous les romans bleus et roses des deux mondes : le Phénix ! » (Victor Segalen, René Leys, p. 186)

Bien sûr, je ne dirai pas de qui il s'agit ni ce que Leys a réellement fait. Ici, réellement sonne creux, d'ailleurs...
Plus le narrateur approche de l'amitié avec Leys, plus ce dernier se fait insaisissable. On est maintenant début septembre 1911 car les troubles du Sichuan ont commencé (p. 172) et personne n'imagine ce qui va se passer...
Le narrateur, lui, poursuit le livre qu'il dit qu'il n'écrira pas — métonymie de son caractère — en le truffant d'allusions aux arts de son temps, et plutôt d'Europe que de Chine, il sait où sera son lectorat ! Quand il écrit : « Tout lecteur chinois de ces notes a dû comprendre », je ne crois pas qu'il parle de sujets de l'Empire du milieu, mais bien de gens tordus parmi ses compatriotes, sens que le TLF atteste déjà chez Balzac : « (Personne) qui présente des ressemblances avec les Chinois, leur physique et surtout leur caractère réel ou présumé ; qui est étranger, peu intéressant, original, compliqué, rusé. — C'est ce satané farceur de lord Byron qui vous a valu cela. Oh ! ce chinois d'Anglais était-il rageur ! (BALZAC, Un Début dans la vie, 1842, p. 368) ». Les autres occurrences balzaciennes sont assez croustillantes. Heureusement qu'il y a le présumé, monsieur TLF !

T. et moi, on a mangé au Saint-Martin, ce midi. Il y avait pas mal de Français aujourd'hui, avec des enfants et du couscous. On a bien eu envie d'aller se balader jusqu'à Ginza ou Ikebukuro, surtout qu'il y avait des soldes et du soleil, mais l'otorhino a recommandé à T. de se reposer — même si ça allait mieux. Ce qu'on a fait. Du coup, j'ai répondu à plein de courrier. Et on a regardé La Disparition de Garcia Lorca (1997), enregistré automatiquement sur disque dur une nuit de la semaine dernière. Pas un grand film, mais un bon sujet...

« ¡Ay qué terribles cinco de la tarde! »
(Federico García Lorca, La Cogida y la Muerte)
Maintenant, c'est minuit et demi et l'heure d'aller au lit, puisqu'on est encore vivant.


« ¡Ay qué terribles cinco de la tarde! »
Traduction française : «Ah quelles terribles cinq heures du soir. Ce Sans je ne veux pas le voir»
Je pousse le apsus un peu loin ?
2005-02-06 16:36:29 de JFM


Dimanche 6 février 2005. L'agneau maximal !

« [...] l'essentiel de ma vie c'est l'écriture. Il n'y a rien avant, il n'y a rien après. Et maintenant, j'ai la possibilité de pouvoir travailler tous les jours, très régulièrement, et j'ai pas laissé passer l'occasion. Je travaille à la recherche... Valery aurait dit à le recherche de l'inspiration — qui n'existe pas. Mais il arrive qu'une fois dans la journée un demi-vers vous vienne à l'esprit, comme ça, qui soit lié à ce qu'on appelle l'inspiration... alors qu'en fait c'est parce que ça fait quarante ans qu'on réfléchit à ce sujet, ou quelques jours qu'on travaille assidûment dessus.» (Franck Venaille dans l'émission Du jour au lendemain, le 26 janvier 2005, pour son livre sur Pierre-Jean Jouve).
La voix de Venaille est émouvante, elle semble devoir se casser à chaque instant. Elle attrappe l'oreille, suspend l'action. On se laisse entraîner. Son propos toujours grave est sans pathos.

Le pathos, et musical, et andalou — Ô coïncidence ! — on l'aura avec cette belle émission de la Radio suisse-romande, L'humeur vagabonde d'hier, consacrée à Federico García Lorca. Je ne l'ai absolument pas fait exprès. Je découvre ça en faisant le tour des sites radiophoniques, après mon retour inhabituel à l'université un dimanche (pas de ping-pong, donc). C'est le début de la période des examens d'entrée. Chaque enseignant reçoit sa feuille de route. Pour moi ce sera six séances de surveillance réparties sur trois jours, cette semaine.
J'ai pensé aller au centre de sport après la réunion mais, un dimanche, ça risque d'être la queue à toutes les machines. Mauvaise sueur. Vaut mieux que je finisse mes corrections de copies, puisque j'y suis...

Inspiration d'un étudiant qui doit écrire une lettre à un ami parce qu'il vient de gagner 600.000 euros au loto : « Je pourrais manger l'agneau maximal ! »
Y'a d'la joie !

Le Pape apparaît à sa fenêtre. Il réussit à articuler trois mots en latin.
Commentaires sur France Info : il est resté neuf minutes... la foule a applaudi ses efforts... il a montré les limites de son physique... un chœur l'encourage en italien sur l'air d'El pueblo unido / jamás sera vencido... Conclusion d'un martien : le Pape est un grand sportif révolutionnaire.


Je rebondirais sur ton premier paragraphe : c'est exactement ce que je ressens quand j'essaye de faire un de mes poèmes. Ca ne vient pas demi-vers par demi-vers, mais la "graine du poème" arrive à un instant de la journée et c'est souvent quelques mots ou une expression qui créé le début d'un univers qu'il va falloir mettre en mots. Chercheur en inspiration, c'est beau !
2005-02-06 16:46:02 de Guillaume

Pas de ping-pong ! ça alors, je n'en reviens pas. :-)
Alors bon courage pour les copies.
Aujourd'hui à Nogent, c'était le vélo . :-)
Courage encore.
2005-02-06 18:51:42 de jcb

Pendant que j'y suis,quelques jours avec ton bloc, j'ai d'abord en haut une bannière publicitaire. Est-ce volontaire ? si oui pourquoi, quel intérêt y-trouves-tu ? ou est-ce imposé par ton hébergeur ?. Je trouve que c'est un peu dommage, car on en est déjà tant innondé... mais "parce que c'était lui, parce que c'était moi..." je ne polèmiquerai pas et continuerai d'être un fidèle parmi les fidèles. :-)
2005-02-06 18:59:26 de jcb

Merci du soutien.
Pour la pub, ce n'est pas un choix de ma part et je la désapprouve, bien sûr. Comme je suis en formule gratuite, je suppose qu'il faut accepter n'importe quoi... jusqu'à ce que je puisse programmer tout ça moi-même et me passer d'hébergeur... Je vais y réfléchir.
En tout cas, pas de pub dans la version mensuelle !
2005-02-06 23:15:31 de Berlol

Oui d'ailleurs, je la trouve mieux qu'avant plus agréable et plus facile à lire. Il ne te reste qu'à refaire la page d'accueil du site perso Berlol qui fait un peu bazar et est un peu démodée.
mais je sais...le temps, le temps...:-)
2005-02-07 00:43:44 de jcb

Programmer un Blog n'est pas bien difficile, si jamais je passe par Tôkyô, je te montre ça en 2/3 heures si tu veux.

Sitôt mes exams terminés j'ouvre mon site (et j'aurai 500 Go d'espace vide alors si tu veux être hébergé gratuitement sur mon porte-avion…). Avis.

Le truc, c'est de trouver le temps de tout faire… vérole de moine !!
2005-02-07 03:19:23 de Acheron

D'accord avec JCB pour la page d'accueil du site de Berlol.
D'un autre côté, je ne te vois pas trop faire un truc trop carré tout bien rangé. Je pense que c'est un peu voulu ce côté bordelo-artistique, me tromp'-je?
2005-02-07 09:07:57 de Manu

Obligé de reconnaître le côté bordelo dont parle Manu, mais pas l' artistique. Je pense que Manu se trompje :-) ou qu'on n'a pas les mêmes goûts zartistiques...:-) . Il n'est pas bien sûr question de faire du tout carré bien rangé, mais de faire une page d'accueil sympa, agréable et surtout : efficace (on voit vite tout ce qu'il y est proposé...et on y va.
Et pourquoi le grand joueur Berlol ne lancerait-il pas un concours de première page par son site ?
ça serait une occasion de plus de s'amuser...
Bien à vous tous.
2005-02-07 15:01:07 de jcb

Merci de vos bons conseils mais il n'est pas question de refonte du site avant... l'automne ou l'an prochain !
Revenons à nos moutons, s'il vous plaît.
2005-02-07 15:48:20 de Berlol


Lundi 7 février 2005. Les fraises (à la louche) quai Conti.

Suivant le conseil d'un ami qui me sait robbegrilletien, quelque part, je suis retourné chez Assouline, qui parle de la problématique réception du nouvel élu sous la Coupole. Et il m'a bien fait rire ! Dès son élection, je savais qu'il mettrait le binz là-dedans...
Jérôme Garcin, qui, dès l'an dernier, ironisait méchamment sur le prix de l'habit vert aurait peut-être mieux fait de se taire. D'où lui venaient ce fiel et cette mauvaise foi ? A-t-il toujours roulé pour Butor, dont il fait un champion de droiture ?...

« Butor a eu le Renaudot. A[lain] a été content, pour lui, Lindon et les Éditions. Mais le ressentiment que Michel couvait a éclaté. Il a avoué à Jérôme qu'il n'aimait pas Alain. En serait-il jaloux ? C'est cocasse ! C'est pourtant lui le fêté, le récompensé ! [...] Le prix pouvait lancer l'école si Michel avait été bien. Au contraire, il l'a toujours ignorée dans ses interviews et en a détruit le mythe.» (Catherine Robbe-Grillet, Jeune mariée..., p. 33)

Ah, la mauvaise foi ! Je la traque chez moi aussi, mais je la trouve partout.
Par exemple dans le révisionnisme façon "génération 68" ; comme quoi tous ces faux révoltés — et eux seuls — seraient responsables du monde pourri d'aujourd'hui... Comme si les actuels dirigeants, qu'ils soient hyper-libéraux, ultra-conservateurs, super-magouilleurs, ou options-stockeurs, avaient tous lancé des boulons avec Olivier Rolin et Daniel Cohn-Bendit ! Je n'ai pas pu me retenir, voici quelques jours, de ce commentaire qui n'a jusqu'ici reçu aucune réponse :

« Avez-vous déjà réfléchi
au fait que ceux dont vous parlez (la "génération 68") étaient aussi minoritaires qu'ils étaient bruyants
et que
pour dix agités dans les rues de Paris
(et qui n'ont peut-être pas tous changé d'avis aujourd'hui)
il y avait cent silencieux (à Paris et partout en France)
qui attendaient leur heure
et parmi eux bien sûr tous ceux qui allaient un jour reprendre l'affaire familiale ou suivre la carrière bien tracée pour eux et prendre des postes stratégiques (qu'ils occupent aujourd'hui), devenir cadres de la nation, avec le souvenir très précis de ceux qu'ils exécraient déjà quand ils avaient entre 15 et 20 ans et dont ils entretiennent maintenant l'épouvantail pour l'agiter devant la jeunesse d'aujourd'hui qu'ils ont dépouillée (sauf leurs propres enfants, bien sûr)
entretenir l'épouvantail
c'est laisser dire et faire dire ces mots, "génération 68", à tous ceux qui cherchent un bouc émissaire
et pendant que l'épouvantail ramasse les coups, les crachats, les insultes...
les affaires continuent
Et vous ?
vous agitez l'épouvantail ?
vous aidez à le façonner ?
vous travaillez pour qui ? »


Cette mauvaise foi peut devenir de la connerie. Ainsi Angelo Rinaldi, lui si incisif et si comiquement injuste autrefois. À moins qu'il ne sucre les fraises (à la louche) quai Conti, car son dernier discours d'une vacuité totale est truffé d'âneries, d'académismes lèche-culs et de cette ringarde anachronie : « la supériorité de notre langue »...

« Je profite aussi de cette parenthèse pour indiquer à quoi tient à mon sens la supériorité de notre langue, étant assuré que nous sommes entre amis et que cela ne sortira pas de cette salle, car, dehors, la moitié d’un pays en voie d’anglicisation se moquerait de nous. Le français est une langue romantique par sa sonorité même. La sonorité, à savoir le corps et le destin des vocables français, cette sonorité n’est jamais brusquement et nettement tronquée, comme c’est le cas, par exemple, quand on prononce les vocables italiens ; la sonorité finale du mot français se prolonge telle une sorte de guitare, elle se prolonge si le mot s’achève par une voyelle, elle s’étend d’avantage encore s’il se termine par une consonne (poison, espoir), et que dire de l’écho si le vocable s’achève par un e muet (espérance, inexorable nous venant en mémoire)... Telle manière de se prolonger sans cesse et de se perdre dans l’infini est la marque musicale de ce qu’a de romantique la langue française, en quoi réside sa primauté. Mais vous n’ébruiterez pas la chose. Vous m’avez promis le secret. Merci.» (extrait de son Discours sur la vertu du 2 décembre 2004)

Sachez, M. Rinaldi, que la langue française n'a de primauté qu'aux porteurs d'œillères hexagonales et que d'ailleurs elle ne se perd pas car elle est enseignée dans le vaste monde par des milliers de personnes qui ont su quitter la ville de vos gargarismes.

Tout ça pour en venir aux jeunes suicidés par leur blog, même.
Ça m'avait titillé en l'entendant à la radio. Puis j'ai pensé que ce qu'en avait écrit Philippe De Jonckheere me satisfaisait. La reprise du thème par Jean-Claude Bourdais, très pertinemment hier, m'a fait souvenir d'un automatisme de la mauvaise foi entendu ici ou là : le suicide des jeunes serait directement du ressort de la psychiatrie. Autrement dit, les jeunes qui désirent — quel sens étrange prend le mot — qui désirent se suicider sont soit fous soit inadaptés ; il faut les traiter ou les enfermer. Que la société se demande si elle ne serait pas un petit peu responsable et qu'elle se réforme pour être plus accueillante, ça, il n'en est pas question ! (Mieux vaut dégager en corner : c'est la faute à l'internet. Ni vu ni connu, je t'embrouille...)


Bonjour,
a peine une reponse. Plutot, une gene. Votre pub empeche quelque peu la lecture de vos mots.
Bien cordialement.
2005-02-07 17:55:07 de Mot

Les yeux m'en tombent... La supériorité de notre langue ? Il nous fait tout un chapître sur la sonorité des mots français ? Mais il n'a jamais parlé d'amour en italien ? Jamais dit du Shiller en V.O ? S'il sortait de son quartier, de temps en temps, il ne penserait pas la même chose, ou alors, c'est qu'il y a une idée un peu tordue derrrière ça. Je ferais référence aux émissions rediffusées sur Arte racontant la vie de Thomas Man et de sa famille. Thomas Man avait la même idée de la culture allemande, rêvait de pan germanisme. Sauf que les nazis se sont servi de ces idées et de la supériorité de la culture on en est vite arrivé à la supériorité de la race et on a vu ce que ça a donné. Rappelons que Thomas Man, dépassé par la folie du III Reich a choisi l'exil. La comparaison est un peu maladroite de ma part, mais parler de supériorité m'inspire la crainte de dérapages de ceux qui se croient faire partie des supérieurs.
Quant à la mise en accusation des blog, le phénomène n'est pas neuf. À la sortie des "Souffrances du jeune Werther", une épidémie de suicide avait traversé l'Europe ou du moins, ces suicides se référaient au roman de Goethe. Fallait-il interdire "Les souffrances du jeune Werther" et traîner en justice son auteur ? Grotesque.
2005-02-07 18:07:49 de Caroline

Pour Alain (de Mot) : vous avez tout à fait raison et je n'y peux rien, sinon déménager vers un site de blog sans pub (comme vient de le faire Bartlebooth, peut-être pour cette raison) — mais jusqu'à quand ?! — ou faire le blog moi-même (voir hier)... — ce qui va finir par arriver. (ceci dit, chez vous, il y a aussi un joli petit logo Yahoo!...)
Pour Caroline : Bel exemple de mode suicidaire, en effet. D'accord avec vous pour la dérive toujours possible... Rinaldi en collabo... en exilé... who knows... Sinon, chez vous, la couture, ça avance ?
2005-02-07 21:03:24 de Berlol

L'absence de pub est un must, certes. Chez toi, la pub ne me gêne pas, mais j'ai bloqué les pop-ups.
Concernant Robbe-Grillet, ta citation du rapport de voix à son élection à l'Académie m'a, malgré le ridicule d rappelé une anecdote, racontée par David Bellos dans sa biographie de Perec, qui m'a rendu l'ex-nouveau romancier définitivement sympathique :
"François-Régis Bastide, un membre du jury, vint féliciter personnellement Perec en lui disant combien il était heureux que le prix lui ait été attribué. Entendant cette remarque, Robbe-Grillet intervint d'une voix de stentor : "Vous avez du culot ! Vous n'avez pas voté une seule fois pour La Vie mode d'emploi !".
"Perec devait son Médicis au soutien sans faille d'Alain Robbe-Grillet, soutien dont celui-ci l'avait assuré au mois de juillet précédent sur le ton de la plaisanterie. Robbe-Grillet et Jacqueline Piatier avaient voté pour lui à tous les tours, et malgré cela, Perec ne l'avait emporté que de justesse, au huitième tour, par six voix contre cinq."
(David Bellos, Georges Perec, une vie dans les mots, Seuil, 1994, p. 664)
En espérant que Robbe-Grillet continue de tenir cette attitude subversive au sein de l'institution, qu'il refuse compromis et habit vert : en tant que comédien, il doit savoir que ça porte malheur.
2005-02-07 22:49:57 de Bouvard

* malgré le ridicule de la situation !
comme un chien dans un jeu de quille un quatorze juillet
2005-02-07 22:51:38 de Bouvard

merdre, j'avais gardé mon pseudo de copiste
2005-02-07 22:54:29 de Bartlebooth

J'aime beaucoup le très rimbaldien "quitter la ville de vos gargarismes"... sans léchage de cul.
D'autre part, comme le rappelait d'ailleurs Derrida dans sa dernière interview donnée au "Monde", il faut se méfier des généralisations sur la "génération 68" qui était en fait très composite, traversée de pensées multiples et porteuses d'appels d'air (ce qui nous manque tant aujourd'hui !) et que tous les commentaires réactionnaires révisionnistes actuels tendent bien souvent à caricaturer. Se rappelle-t-on que nombre des slogans les plus connus de l'époque portent la marque et la signature anonyme d'un de nos écrivains penseurs les plus secrets, M.B....
Pensées fidèles.
2005-02-08 01:46:19 de vinteix

Très cher Berlol, tu ne risques pas d'avoir un jour une réponse à ton commentaire sur le site du gros réac' anti 68, voici les propos tenus par Maurice G. Dantec, dans une interview que ledit réac' reproduit en applaudissant des deux mains. Dantec prône :"l'unité mondiale des Chrétiens, du combat aux côtés de l'Amérique Impériale et du Royaume d'Israël contre l'alliance Verts-Bruns-Rouges."... Sans parler du reste... Donc, oui, tu avais raison... Il roule pour les plus réac' qui agitent l'épouvantail... Tout en prétendant être anarchistes de droite... Comme si ça existait !!! Ce sont très clairement de petits nazillons mal masqués qui prétendent que la démocratie est devenue le nouveau totalitarisme, et en plus ils osent emprunter les arguments de Hannah Arendt pour défendre leurs positions... A gerber !!
2005-02-08 08:52:08 de Au fil de l'O.

Puisque nous parlons aujourd'hui de nationalisme linguisitique (la langue étant, on le saiti, une base fondamentale du nationalisme moderne), et puisque je me rappelle qu'un certain nous parlait, ici même, il y a quelques mois du nationalisme "pacifique" voire sympathique des pays nordiques, je me permets donc de citer in extenso cet article du monde sur ces gens du nord qui n'ont, je le crois, pas encore bien compris que leur allié et ami eugéniste était mort il y a soixante ans. Mais peut-être que le monde n'a pas changé ?

« Le Danemark a rendu ses frontières hermétiques
LE MONDE | 07.02.05 | 13h58
A la veille des élections, les partis de la coalition ont promis de durcir la politique d'immigration.

Copenhague de notre envoyé spécial

Peter Skaarup n'est pas peu fier de l'affirmer. Son pays, le Danemark, est devenu "un modèle pour les autres Etats européens en matière de réorganisation de la politique d'immigration". Le Parti du peuple danois, dont ce grand quadragénaire blond est le vice-président, s'y sent pour quelque chose.

Sous la pression de cette formation d'extrême droite, qui avait recueilli 12 % des voix aux élections législatives de 2001 et assure, depuis, l'appoint au Parlement du gouvernement minoritaire dirigé par le libéral Anders Fogh Rasmussen, le royaume scandinave a rendu ses frontières nettement plus hermétiques.

Ce bilan explique, en partie, pourquoi la coalition de droite qui dirige le pays depuis novembre 2001, avec l'appui de l'extrême droite, devrait, d'après les sondages, sortir vainqueur des élections mardi 8 février. Dans son bureau de député, M. Skaarup se félicite des mesures adoptées par la coalition sortante. Les critères exigés pour faire venir des personnes au Danemark dans le cadre du regroupement familial ont été considérablement durcis. Le délai nécessaire pour obtenir un permis de résidence permanent est passé de trois à sept ans, période durant laquelle les étrangers sont loin de bénéficier des mêmes avantages sociaux que le reste de la population.

Ces mesures, qui jouissent de l'approbation tacite d'une majorité des 5,3 millions de Danois, ne figurent pas, par conséquent, parmi les thèmes les plus débattus de la campagne électorale. L'opposition social-démocrate n'ose pas remettre en cause cette politique qu'elle a contribué à lancer lorsqu'elle était au pouvoir. Seul un petit parti centriste, les Radicaux, semble en mesure de presque doubler ses voix (à 10 %), parce qu'il réclame un assouplissement du régime en vigueur.

Les signaux de sévérité envoyés par Copenhague ont découragé les candidats à l'immigration vers le Danemark, naguère réputé assez ouvert. En trois ans, le nombre de demandes d'asile acceptées a été presque divisé par quatre (3 222 en 2004), selon la direction des étrangers. Dans le même temps, le taux d'acceptation des demandes est passé de 53 à 10 %.

Du côté des réfugiés, le gouvernement a annoncé, en novembre 2004, qu'il préparait un projet de loi visant à faire le tri parmi les 500 personnes que lui propose l'ONU chaque année et à n'accepter que celles pouvant "contribuer à la société danoise", selon l'expression de Bertel Haarder, le ministre (libéral) de l'immigration et de l'intégration. Autrement dit, le royaume préférerait ne recevoir ni analphabètes ni personnes âgées. M. Haarder explique au Monde que "93 % des réfugiés résidant depuis trois ans au Danemark sont sans emploi, piégés dans l'Etat-providence". Il faut donc "faire plus attention" au profil des personnes accueillies, tout en renforçant l'enseignement de la langue danoise et la formation professionnelle qui leur sont proposés.

A l'étranger, des critiques se sont élevées. Le Haut-Commissariat de l'ONU aux réfugiés craint que le projet de loi annoncé ne crée un inquiétant précédent. Le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Alvara Gil-Robles, a vilipendé certaines des règles introduites en 2002 sur le regroupement familial. Le nombre de personnes acceptées à ce titre a été réduit par trois entre 2001 et 2004 (3 835). Pour pouvoir bénéficier du regroupement, deux conjoints doivent prouver que leurs liens avec le Danemark sont plus "forts" qu'avec aucun autre pays. Une notion floue laissée à l'appréciation de la direction des étrangers. Les conjoints doivent, en outre, être âgés d'au moins 24 ans pour espérer être réunis.

"La conjonction de ces deux exigences constitue une violation de la Convention européenne des droits de l'homme", estime Birgitte Kofod Olsen, de l'Institut danois des droits de l'homme. Le 5 février, une manifestation a réuni à Copenhague une cinquantaine de citoyens danois qui ne peuvent pas faire venir leurs maris ou femmes étrangers. Le ministre de l'immigration voit dans ces dispositions le moyen de lutter contre les mariages forcés et de mieux intégrer les étrangers présents. Ce dernier chapitre reste encore à écrire. Ce sont le plus souvent deux sociétés parallèles qui se côtoient au Danemark, pays qui n'a connu d'immigrants non occidentaux qu'à partir des années 1970. Représentant 5,8 % de la population, ceux-ci sont nettement plus touchés par le chômage que les autres.

Parce que le gouvernement sortant a fait siennes une bonne partie de ses propositions, l'extrême droite a dû se livrer à de la surenchère durant la campagne électorale. Elle a promis d'oeuvrer en faveur de tours de vis supplémentaires. Les deux partis de la coalition ont promis, eux, de durcir les règles d'expulsion des immigrés condamnés pour actes criminels.

Antoine Jacob
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 08.02.05 »
2005-02-08 09:10:45 de Arnaud

Le "Parti du peuple danois". Ça fait frémir.
2005-02-08 09:29:47 de Arnaud

Bonjour,
À propos de la pub sur ton blog.
La seule solution est d'installer ton propre blog sur un espace perso. Je te conseille b2evolution (multi-blog, développé par un Français). Pour l'espace et l'installation, contacte-moi, je connais des hébergeurs très très bon marché. Tu pourrais en profiter pour acheter ton propre nom de domaine. À 12 dollars/an, ça ne vaut pas le coup de s'en priver.
2005-02-09 00:42:54 de Christian

Merci des infos, Christian. Comme tu sais, le problème, c'est le temps. Sinon côté espace et domaine, ça fait près de 6 mois que www.berlol.net est ouvert... Avec 2,5 Go.
2005-02-09 09:50:27 de Berlol

Oui, c'est vrai, j'avais oublié. Il ne te reste qu'à télécharger b2evolution, à le copier sur ton site dans un répertoire et à procéder à l'installation. Après, tu seras "chez toi". Plus de pub, mon fils! Et un grand bond en avant, technologique!
2005-02-10 09:37:10 de Christian


Mardi 8 février 2005. Tête vide et douloureuse.

Suis-je puni de mes attaques bille en tête ? Ou seulement d'avoir mangé hier soir tout ce qu'il ne fallait pas (poulet, piment, sauce, sel) ? À moins que je couve une gastro ?
En tout cas, j'ai passé une sale journée, avec deux réunions et un crachin glacial... Il n'y a guère que la douce voix de T. au téléphone et les commentaires du JLR d'hier pour me mettre un peu de baume.
Et à part écrire cela, la tête vide (et douloureuse, comme l'estomac)...
Ça ira mieux demain, j'espère.


Un remède à la monotonie des "gastro" : aller s'en payer une bonne tranche et jouer aux petits coureurs avec Bourdaily.
Je n'avais plus jouer depuis des années. Et c'est la première fois que j'éclate de rire sur un blogue.
Mais comment fait-on pour lui dire qu'à cette heure, "Sans" est sans(!) doute dans la voiture-balai ?
2005-02-08 17:47:53 de Grapheus tis

Un preté pour un rendu : je t'ai "lié" (à la folie ...)!!!
2005-02-08 18:19:37 de arte

1- pour arte : le lien indique berTol. Est- ce volontaire ?
2- pour Berlol : une de mes cent vérités sur les blogs que je commencerai à dévoiler demain est : LES BLOGS SONT CONTAGIEUX, car moi aussi aujourd'hui je suis malade. Certes après des fraises (à la louche) ça pourrait se comprendre pour toi, mais dans mon cas ? Je ne vois pas d'autre explication que la lecture des blogs.La prochaine fois que tu tombes malade, préviens moi :-)
2005-02-09 00:04:43 de jcbourdais

Tu es malade toi aussi ? Moi, je sors enfin de ma traversée du désert, après cinq jours bien pénibles. Apparemment, pas mal de trucs peu sympathiques traînent dans l'air en ce moment. Donc, précaution et repos s'imposent.
2005-02-09 04:10:51 de Arnaud

La gastro c'est peut-être aussi l'excès de sport bloggologique sous intempéries mal diagnostiquées... Les anciens regardaient toujours le ciel avant de sortir de chez eux et nous nous figurons qu'il n'y a pas de coups de vent ou d'orages tonitruants sur nos écrans d'ordinateur, mais c'est faux ...En préventif je propose un tricot de corps thermolactyl , un passe-montagne, une écharpe et des moufles isolantes... Avec tout ce dispositif , on peut transformer la course en promenade et s'arrêter à toutes les auberges pour vérifier les constantes (pouls , température) et le moral...
2005-02-09 08:49:08 de Marie.Pool

Merci à vous tous pour le soutien moral. Je m'en sors pas trop mal... Finalement, ça devait n'être qu'une indigestion, banale mais pénible. Nuit agitée, quand même, et matinée vaseuse. Allez, on s'y remet !
2005-02-09 09:31:28 de Berlol

Non, je ne me "ballade sur les blogs et envoie des messages en signant toujours SANS" comme l'affirme méchamment Bourdais (qui ne reçoit pas les commentaires lui, on le comprend!). Le seul blog où je suis intervenu, certainement maladroitement, est celui de Patrick Rebollar parce que j'en étais client depuis le début et par hasard d'ailleurs, suite à une mention sur LITOR.
Bon rétablissement.
2005-02-09 10:06:36 de Sans

Moi aussi: mal de gorge, nez qui coule, toux, éternuements voire état fiévreux...
Bon rétablissement à nous tous !
2005-02-09 10:26:44 de Manu

Mais moi aussi j'ai une petite mine ces derniers temps. Empathie? Contagion comme le suggère JCBourdais?
Sieste, thé, friandises, douceur, musique douce : vous sentez que vous allez beaucoup mieux, là?

(et petit Sans qui fait encore son grognon. Qu'il est mignon, ce gros ronchon)
2005-02-09 11:32:08 de Frédérique Clémençon

Je ne savais pas ce qui s'est passe....Excuse-moi.
Maintenant, je suis en forme mais dans quelques jours, l'allergie au pollen se commancerait.
Ca me fait peur.
2005-02-09 11:55:21 de Katsu

Cher Sans, que voulez-vous dire par être "client" de P. Rebollar ?
2005-02-09 12:54:55 de Arnaud

Les 3 définitions suivantes du Robert électronique me conviennet.
------------------------------
3. (1832). Personne qui se sert toujours au même endroit. - Habitué; fidèle. Il est client de la banque X. être cliente de tel coiffeur, de tel marchand. Servez-le bien, c'est un client. Ménager un client, une cliente. La maison ne fait crédit qu'aux clients. Perdre un client. Faire un nouveau client. Agent qui visite les clients (- Démarcheur, représentant).
- 4. Écon. N. m. - Consommateur, importateur. La Belgique est un très gros client de la France sur le marché automobile.
Adj. (aussi au fém.). Les pays clients. Les sociétés clientes.
- 5. Fam. et péj. Individu. - Type. C'est un drôle de client! - REM. Cet emploi ne semble pas reçu au féminin.
------------------------------

Elle est marrante votre adresse. Vous êtes client chez qui, vous?
(http://www.etainsisefinitlhistoiredelechapeliertueparlescontresrevolutionnaires
commemaratquelquesmoisplustardmontrantquelaclemencenepayaitpas-louis.com/).
2005-02-09 13:23:16 de Sans

Je ne savais pas qu'on pouvais attraper des virus (des vrais, des forts, pas ces machins capables uniquement d'attaquer les systèmes Windows) par les bogs. Je me sens patraque aujourdh'ui, éternuments et gargouillements intestinaux. Et dire que j'ai mes bouquins à coudre pour samedi !!!
2005-02-09 13:32:29 de Caroline

Oh la la !! Lisant les commentaires d'aujourd'hui, on se croirait a l'hopital ou a l'hospice...
Sans mechancete.
2005-02-09 13:40:46 de vinteix

- autre constatation : ce ne sont pas toujours les textes les plus longs (et les plus intéressants) qui provoquent le plus de commentaires. Pour un texte de 7 lignes, Berlol obtient 14 commentaires (jusqu'ici si je compte bien). S'agit-il là d'une nouvelle sorte de nouvelle convivialité, assez sympathique d'ailleurs ?
- En ce qui concerne Sans, sa remarque (7ème commentaire) me fait sourire : primo, aucune personne sensée à moins qu'elle soit totalement démunie d'humour, ne peut qualifier ma remarque de méchante, secondo, toute personne qui veut m'envoyer des commentaires ou me répondre peut le faire, je ne suis pas anonyme (moi) et mon email est accessible dès la première page de mon site. Beaucoup de gens d'ailleurs l'utilisent, ne serait-ce que lui-même qui m'a envoyé plusieurs mails !et encore je ne dis pas tout.
- Enfin, pour ceux qui savent lire, ils ont compris avec mon "vous ne pouvez pas les laisser tranquilles" que je ne parlerai plus de Sans ni dans mon journal ni dans les futurs commentaires de ce blog. J'ai décidé de l'ignorer définitivement. Mais je continuerai de lire les commentaires de ce "client" "gros rochon", car accro comme il est, je suis sûr qu'il ne pourra pas s'empêcher de continuer de nous lire ni d' envoyer ses remarques très intéressantes et constructives, il faut bien le dire...:-)
2005-02-09 14:21:51 de jcb

Les mots en -on sont bons pour les ganglions. Mais pas "rochon", monsieur Bourdon!
Vous avez raison, je suis (encore) "accro" à ce blog parce que j'y ai trouvé ce que celui qui le fait y a mis. J'ai aussi relu "Colonie" et changé d'avis, grâce aussi à P.R.
Mettez en ligne, si vous le voulez, le message que je vous ai envoyé, votre réponse et la mienne à la suite (comme vous le dites ça fait 2 donc plusieurs). C'est pas joli-joli mais tant pis.
2005-02-09 15:05:22 de Sans

Oui, Jean-Claude, j'avais aussi constaté que des textes courts recevaient parfois beaucoup de commentaires. Peut-être que des lecteurs se trouvent frustrés de ne pas trouver leur "dose" et qu'ils compensent en s'exprimant...
De même, lorsque le texte du jour est plus long, il arrive souvent que les commentaires se focalisent sur un ou deux détails. C'est alors moi qui suis frustré qu'on ne me "réponde" pas sur les sujets principaux (bien sûr, je n'en veux à personne, c'est une loi du genre).
Tout cela participe sans doute d'une nouvelle convivialité car les commentateurs réguliers ne se retrouvent pas que chez moi, ils vont chez toi, se rendent visite les uns aux autres, se laissent des commentaires ailleurs. Et ce n'est pas pour remplacer une vie "réelle" que nous n'aurions plus, cela vient en supplément, et parfois avec beaucoup plus de pertinence par rapport à soi qu'avec les gens que nous rencontrons physiquement au quotidien.
Le rôle de Sans, que je salue au passage, n'est d'ailleurs pas négligeable. Il a catalysé une sorte de défense que je ne demandais pas, puis il est revenu, à l'étonnement général je crois, enfin il montre qu'il peut changer d'avis, ce dont je suis très content pour Frédérique, ce qui le rend sympathique (les mots en -ique, ça va ?).
Bon, vous m'excuserez, je finis le billet du jour...
2005-02-09 15:24:49 de Berlol

Fantastique - mirifique - esthétique - chic.
(on a repris du poil de la ... bique?)
2005-02-09 21:26:35 de Frédérique Clémençon

J'ai lu les commentaires très vite, et donc omis celui de Sans - NOOOOON, Sans, c'était involontaire, je le jure.
Eh bien oui, cela me fait plaisir.
2005-02-09 21:32:17 de Frédérique Clémençon

L'élargissement de la page est dû à la copie de l'adresse farfelue d'Arnaud faite en clair par Sans. Cela n'affecte que ce jour...
2005-02-10 01:33:57 de Berlol

Du virus dans l'air… encore la faute à Microsoft.
2005-02-10 03:04:33 de Acheron

Les définitions du dictionnaire données ne semblent pas expliquer l'emploi de sans du mot client. Peut-être qu'il estime ne pas en avoir assez pour son argent ?
Mais justement, il ne paie pas ce site, me semble-t-il.
2005-02-10 08:29:54 de Arnaud

Je paie de ma personne.
Et vous êtes-vous payé pour les commentaires que vous déposez ici? C'est une idée ça. Et je constate que vous aussi êtes sans domicile fixe... (sur internet)
2005-02-10 10:41:00 de Sans

C'est parce que je suis un esprit errant de l'internet. Ou du moins client minimum.
Ceci-dit, je ne suis pas payé pour venir ici, sinon je ne pourrais pas être "client" puisque du coup cela serait P. Rebollard qui serait mon "client". Votre propos est donc contradictoire.
D'un autre côté, je ne paie pas non plus pour lire. Je ne suis donc pas client moi-même : on n'est pas "client" d'un salon de discussion en plein air, mais participant. Comme pour la démocratie.
2005-02-10 16:40:09 de Arnaud

Eh bien, bonne fête, esprit errant, client minimum.
2005-02-10 18:51:45 de Sans
Merci à vous.
2005-02-11 03:37:56 de Arnaud

Je viens d'apprendre quelque chose. Pour que son nom ou pseudo apparaisse en bleu, il suffit donc de renseigner la ligne URL????
2005-02-11 13:58:26 de Sans

C'est mieux en bleu, non?
2005-02-11 14:02:46 de Sans

Y'a pas (que) de petits plaisirs dans la vie
2005-02-11 14:06:51 de Sans

Vous êtes long à la détente décidément.
2005-02-11 14:26:26 de Arnaud

- Pas vous?
- Dommage!
2005-02-11 14:58:40 de Sans

Vous êtes connecté en permanence ? Alors comme ça, on profite de ses heures de travail pour pianoter sur le net ? ;)
2005-02-11 15:05:31 de Arnaud

Nan mais vous avez quel âge, tous les deux !?...
2005-02-11 15:09:50 de Berlol


Mercredi 9 février 2005. L'hypertexte des maux en mots.

Il doit y avoir comme ça, dans tous les journaux intimes, de ces jours où le diariste exhibe les maux de son corps. Qu'il y incorpore des pensées élevées ou qu'il déchiquète l'obscène détail, qu'il soit entouré de médecins désolés ou qu'il sombre dans la solitude hypocondriaque, il témoigne d'un renversement de la hiérarchie commune entre le corps et l'esprit. Qu'il aille bien, notamment chez ceux qui font métier de penser et d'écrire, et le corps n'est qu'un organe transparent de fonctionnalité. Il n'est guère besoin d'en parler. L'exécration du sport chez nombre d'intellectuels repose précisément sur cela : leur corps n'est qu'un auxiliaire de vie, de la vie de l'esprit, et il n'a pas à produire lui-même de l'événement. Mettons à part la sexualité où même des penseurs savent faire des prouesses.
Mais qu'il aille mal ! Et que sa plume tienne encore entre ses doigts, ne serait-ce que quelques instants par jour, s'impose alors l'aveu paradoxal : l'esprit est sous l'emprise du corps. Tantôt gémissant, tantôt révolté sous la douleur ou l'infirmité, il arrive parfois au comble de l'indigne qui est pour lui de s'apercevoir, vaseusement, qu'il ne peut même plus... penser.
Il y aurait un hypertexte à faire ainsi, celui des maux en mots, ou en peinture, ou en photo — chacun a tout de suite trois ou quatre noms qui lui viennent à l'esprit. Mais comme on pourrait croire à une complaisance méphitique... on se détourne du sujet dès que l'on va mieux, on le laisse au corpus technique du médecin.

miettes de thon
olives vertes
petits morceaux de melon et d'ananas
yaourt sucré

pomme golden
gelée de mangue
olives vertes
œuf coque
morceau de jambon cuit
yaourt sucré

légère soupe de nouilles au shoyu
olives vertes
petite salade concombre, tomate, cottage cheese
yaourt sucré

Et de l'eau, beaucoup d'eau, répète T. au téléphone. Heureusement, je n'avais ni cours, ni réunion, ni surveillance aujourd'hui. Je suis allé au sport ce matin mais j'ai dû arrêter de pédaler après huit minutes : plus de souffle. Deux machines à pectoraux chargées de 30 kilos, vingt mouvements, et basta ! Longue station dans le bain chaud — en fait, je suis venu pour ça, et le sauna. Et ça fait du bien. Dans l'après-midi ensoleillé, tranquille promenade avec David dans le parc de l'université. On ne s'y était pas tant attardé depuis la visite de Christine pour repérages architecturaux !

J'ai remarqué aujourd'hui — et suis revenu en arrière dans son livre pour le vérifier — que Jean-François Paillard intègre la douleur et la gêne du corps très tôt et régulièrement dans son Monde cadeau. Pourtant, ce n'est jamais le thème principal : cela surgit, accompagne, ralentit, de toute façon parasite l'action en cours. Cela entrait-il dans le sentiment négatif que les soixante premières pages m'avaient laissé ?

« Mais la Douleur n'est pas d'accord. Elle le fait savoir en mordant le genou gauche...» (p. 14), « S'étonner que la Douleur n'en ait pas profité pour planter ses dents là où ça fait mal.» (p. 17), « bonne vieille chienne la Douleur... / D'habitude, elle enfonce ses crocs à droite, la traîtresse, juste là, entre la septième et la huitième côte. Ensuite, elle descend le long de la colonne vertébrale, la garce, jusqu'au sacrum, broyant au passage la vertèbre lombaire L1. Puis elle trace ses sillons le long de la cuisse, la rosse, pour atteindre en fin de course le genou gauche, qu'elle arrache d'un terrible claquement de mâchoires.» (p. 23)

Enfin, pour changer de sujet :
« Eh bien ! je vois que monsieur est décidément très en forme : il en déduit fort justement que Malvy est situé au carrefour de deux grands axes — celui de Lyon-Turin et celui de Paris-Genève.» (J.-F. Paillard, Un Monde cadeau, p. 124)
Sur une carte, ça se croise vers... Turin.


...Turin faisant partie, comme chacun sait, de l'Euroland unifié (as-tu visité son quartier franc, chef-d'oeuvre du groupe Viladis ?). Il y a d'autres invraisemblances apparentes de ce même acabit (et bon, c'est vrai, quelques fautes d'orthographe), mais qui, j'en suis sûr, pendront tout leur sens dans quelques années : à quoi peut bien ressembler une usine "Moraine Motrice" (des écrins) ? Un "complexe multisport intersaison" ? Et des cheveux impeccablements "boldés"? En quoi est fait le Zitoplass? Qu'est-ce qu'un centre de profit dédié à l'emballage d'humains en batterie? A quoi ressemble réellement une plateforme de simulation? Quelle crédibilité donner à un canapé denim stretch brodé et perlé ? Et enfin, last but not least: que recouvre exactement le module "C" du projet Sapiens ? Hein? Hé? Ho? Quant à la douleur, la gène du corps - le corps comme frappé d'incapacité (l'esprit aussi, et par conséquent le récit : répétitions, ressassements, passages pour la plupart malaisés, léthargiques, quasi mutiques, entre deux vaines agitations de corps mal assortis) sauf à être contraint d'agir, par obligation ou pulsion, aidé par l'ingestion de substances psychoactives, quand on n'est pas purement et simplement "appareillé", comme ces ouvriers, serveuses et autres agents de maintenance que l'on croise de temps à autre, au loin... Bref, oui, cent fois oui : en plein ds le mille. Dernière chose, curieuse, et pour tout dire troublante, au bas de ta page, cette publicité de Google, qui dit :
"Soins Corps
Institut à Paris : Tous nos soins
Des pochettes cadeau beauté-détente
Soins Corps
Découvrez les soins du corps
et les conseils du professeur Poelman "
Or, je retourne la question : qui est au juste le professeur Poelman ?
2005-02-10 01:51:16 de jean-françois paillard

Certainement un professeur qui aime rire. Avec un nom pareil, il vaudrait mieux pour lui.
2005-02-10 03:07:15 de Acheron

À propos de "quartier franc", j'en ai vu en Australie, on les appelle "Private Estate". Les murs ne font pas 30 mètres mais bien 4 de haut, oui (voir au JLR du 23/12/2003).
2005-02-10 04:56:47 de Berlol

Quand j'evoquais hier l'impression d'hopital et d'hospice que j'avais en lisant les commentaires, c'etait surtout en raison de ce ton de complainte compatissante qui egrenait une litanie a la limite de l'obscene...Certes, il ne s'agit pas de jeter le voile sur les miseres de la vie et l'espace du blog est peut-etre aussi ouvert a ces confessions, qui revelent aussi des liens amicaux, n'est-ce pas ? En tout cas, la ou ca devient plus interessant (mais bien sur, il fallait attendre le reveil des forces de la "sante essentielle", c'est-a-dire hier pourBerlol, apparemment... ?), c'est quand la confession a la limite de la plainte (qui est un genre tout a fait respectable) s'accompagne d'un discours comme celui d'aujourd'hui : on ne saurait en effet separer le corps de l'esprit, et les moments d'abattement physique sont la pour nous rappeler la puissance du corps et combien l'esprit vient apres l'animal, la pensee se construit sur de la matiere. Petite parenthese : peut-etre qu'au-dela du materialisme actuel, avant tout vulgaire, c'est une des grandes lecons a tirer du marxisme. Mai on pourrait aussi evoquer Spinoza ou Nietzsche... En tout cas, se garder que les mots de nos maux ne sombrent dans l'etroitesse mesquine et obscene du journal intime, coince dans le cadre exsangue de sa petite anemie personnelle... a moins d'en faire, comme disait Deleuze, un enjeu cosmique, une source organique d'orgie emotive et d'eventuel verbal(mais la bien sur, je parle de tout autre chose que du journal fragmentaire...) Irrefutablement, cette affaire de sante (essentielle ou pas) porte notre empreinte genetique.
Il y aurait la un immense et passionnant travail a faire sur les liens entre la maladie et la creation...
Sur ce, bon retablissement. Pensees fideles.
"L'esprit n'est que l'etat d'esprit des corps" (Gherasim Luca)
2005-02-10 06:00:24 de vinteix

« Un travail sur les liens entre la maladie et la création... »
Lire (peut-être difficile à trouver) une étude réalisée par Stéphane GRISI , Psychiatre Hospitalier Lyonnais, chez DESCLEE DE BROUWER , « Dans l’intimité des maladies : de Montaigne à Hervé Guibert »,

Quatrième de couverture
Les calculs rénaux de Montaigne, le sida d'Hervé Guibert, la tuberculose de Thomas Bernhard, le cancer de Fritz Zorn, la dépression de William Styron... La maladie, la souffrance ont engendré nombre de textes littéraires. Parmi les livres qui évoquent la maladie, les écrits autobiographiques se caractérisent par leur projet d'expression de l'intimité. Stéphane Grisi propose de rassembler sous le néologisme d'autopathographie ces témoignages où l'auteur aborde, en son nom, sa maladie. L'originalité de ces textes provient aussi de la modalité singulière de lecture et de communication entre auteur et lecteur qu'ils suscitent. Ainsi, qu'il soit malade ou indemne, qu'il soit profane en matière de médecine ou engagé quotidiennement dans les soins aux patients, le lecteur d'autopathographies sera confronté à la puissance émotionnelle qui est propre à ces écrits.
SDM
Après une longue introduction sur la maladie exprimée dans la littérature et, particulièrement, dans l'autobiographie, l'auteur nous fait adopter le terme "autopathographes" pour les grands auteurs impliqués soit en tuberculose, cancer, sida ou folie et qui ont nom, entre autres, T. Bernhardt, Fritz Zorn, Hervé Guibert ou William Styron. Approches et analyse intéressantes. Bibliographie thématique. -- Services Documentaires Multimédia
Éditeur : Desclée de Brouwer (1 février 1996)
Collection : Intelligence du corps
Format : Relié - 268 pages
ASIN : 2220037509
2005-02-10 09:16:30 de Marie.Pool

Merci, Marie.Pool, je vais essayer de le trouver.
Reste à voir s'il étudie comment une pathologie s'inscrit dans le tissu et le rythme des mots ("engendrer") ou s'il ne fait que relever des éléments thématiques et narratifs pour en donner une interprétation médicale ("évoquer", "témoignages"). Dans le second cas, ce serait évidemment moins intéressant (a priori), à mon avis...
2005-02-10 10:13:20 de Berlol

"En face de la lucidité de van Gogh qui travaille, la psychiatrie n'est plus qu'un réduit de gorilles eux-mêmes obsédés et persécutés et qui n'ont, pour pallier les plus épouvantables états de l'angoisse et de la suffocation humaines, qu'une ridicule terminologie,
digne produit de leurs cerveaux tarés."
arto pas trop grave à esteban grizzli
Reste à voir comment la pathologie du corps médical s'inscrit dans le tissu et le rythme des mots : "Si vous employez encore le mot "envoûtement", monsieur Artaud, vous aurez un électrochoc".
2005-02-10 15:25:38 de Bartlebooth

'tain, y'a une super ambiance, aujourd'hui...
2005-02-10 15:34:09 de Berlol

Quand on ne comprend pas ce qui se passe à l'intérieur de soi on peut s'inventer des théories explicatives qui ont valeur de pansement moral (dérisoire mais parfaitement utile pour ne pas imploser à longueur de temps....)à défaut de pouvoir échapper à la souffrance, on lui confère une origine ou des facteurs aggravants ( accuser l'autre est le premier réflexe d'auto-guérison).
J'ai du respect pour ceux qui comme le poète Antonin Artaud , vivent l'enfer dans leur esprit et à cet égard le peintre Van Gogh n'aura pas eu lui non plus une vie facile . Une vie difficile n'empêche pas de créer et on peut faire le constat assez courant que la plus part des oeuvres artistiques procèdent de "blessures" de vie...
La psychiatrie n'a pas vocation (vous vous trompez probablement )d'interpréter mais d'accompagner ,de "contenir" parfois ,des douleurs psychiques insupportables. Les artistes qui parviennent à vivre et à concrétiser leurs talents d'expression sans s'effondrer n'ont pas besoin de psychiatres. Ces derniers ont une grande habitude d'être décriés et raillés, il n'empêche que tout groupe humain, toute famille confrontée au délire de l'un des leurs ont majoritairement le réflexe de se décharger sur la psychiatrie des mesures de contraintes au soin. Le jour où vous me prouverez le contraire n'est pas encore venu.Considérez de près le prochain plan Douste-Blazien sur la santé mentale et vous verrez que le retour du refoulé fonctionne à plein. Heureusement qu'il reste quelques soignants en psychiatrie pour dénoncer le manque de solidarité humaine à l'extérieur autour des personnes concernées par "le danger pour soi ou pour autrui"... Venez vous coltiner tout cela et on en reparlera "sérieusement"... Les médicaments qui "calment" un peu n'ont été disponibles que dans les années 50,la promiscuité et l'enfermement ( réclamé par les gens bien pensants ou oublieux de leurs proches...) ont produit bien plus de folie que vous n'imaginez... Aujourd'hui on reproche aux anciens Asiles de ne plus l'être, aussi de ne pas répondre aux demandes pressantes de l'extérieur et des patients eux-mêmes ... A trop tirer sur l'ambulance,je ne serais pas étonnée que le retour du refoulé laisse un certain nombre de personnes sans appui et sans compassion accessible... Le dire clairement n'est pas de nature à éradiquer les peurs et les hostilités habituelles...
Je répondrai plus tard pour le livre sur lequel Bartlebooth tire à bout portant sans pour autant (je l'imagine mais je peux me tromper)l'avoir lu...Je suis abasourdie...Qu'ai-je touché ?
2005-02-10 21:58:26 de Marie.Pool

Cher Berlol, merci de lire la plupart au lieu de la plus ...part des oeuvres artistiques, je n'aime pas plus les fautes d'orthographe que les fautes de goût, j'en sème dans les deux cas et je m'en fustige dès que possible... Si vous en voyez d'autres , ne vous gênez pas, éradiquez sans sommation...
2005-02-10 22:39:18 de Marie.Pool

j'ai beau relire, je ne vois pas ce qui, ici, abasourdit. N'empêche que j'avais tout de même envie de réagir. Je n'ai pas lu le livre auquel Marie pool vous faites référence, ce qui n'interdit aucunement d'émettre un avis sur sa quatrième de couverture (après tout, c'est seulement ce qui présente son propos ici, vous qui l'avez lu pourriez peut être en parler de manière plus intéressante, voire critique).
J'ai tiqué sur le terme "engendré" (apparemment je ne suis pas la seule) placé entre la maladie et la production artistique. L'idée que j'y lis et qui est loin d'être nouvelle me fait toujours réagir par la méfiance (Comme ce que vous dites ensuite : "procèdent de"). En effet je n'ai jamais rien croisé (d'argumenté suffisamment pour rendre le propos pertinent) qui puisse valider cette "logique" allant de la maladie et la création, faisant procéder l'une de l'autre (et en quoi celà s'appliquerait à la plupart des oeuvres artistiques ?).
Il me semble qu'Artaud ne voyais pas en Van Gogh l'image qu'on lui a trop collée de génie malade, artaud parlait du peintre, de sa peinture, de son intelligence dans la création et de la puissance de sa lucidité. Artaud d'ailleurs, ce faisant, déployait un discours bien plus pertinent et argumenté que d'autres abordant ce peintre par ses souffrances et difficultées reconnues.
Que des artistes parlent ouvertement de leurs blessures, ok, qu'elles intègrent dans la mesure de ce qu'ils souhaitent leur production, certes. Que certains ne soient capable que de parler de leur blessure, d'une blessure, initiale ou non, pourquoi pas (boltanski parle assez bien de ça, j'essaierai de retrouver la source). J'y vois de la transformation, de la décision aussi, et non un engrennage "obligatoire".
D'autres part : vrai qu'il est courant de voir la psychiatrie décriée et moquée, mais il arrive aussi trop souvent de la voir posé comme autorité inattaquable et primordiale sur tout sujet (pour parler de la peinture de Van gogh la psychiatrie est bien en dessous d'Artaud, non ?)
2005-02-11 00:08:52 de cel

posée, oups
2005-02-11 00:11:48 de cel

Bref, ni l'art ni la psychiatrie ne sont des sciences exactes...
Il y a des artistes sains d'esprit...
Il y a des psychiatres fous...
Tout homme qui croit à un dogme sans faille, sans relativité, sans distanciation, sans aléa est un fou dangereux...
Si tout fou est un homme déréglé, personne n'a encore dit ce qu'est un homme bien réglé...
Ce qu'on répute homme bien réglé n'est qu'une norme de contrôle social...
L'humain de l'humanité est une question nouvelle... à laquelle Jean Cayrol essayait (car il n'est plus) de répondre, presqu'aussi discrètement que Blanchot...
Il faut tout de suite le relire, le réimprimer : il était, est, sera un garde-fou de notre condition.
2005-02-11 00:51:19 de Berlol

Encore une fois, c'est la généralisation et les jugements non étayés d 'hypothèses qui font croire à des vérités qui n'ont de solidité qu'imaginaire. Cependant , nier ou banaliser les phénomènes de débordement et de détresse psychique est risqué. Le seul intérêt d'aller y voir de plus près est d'individualiser les problèmes posés par toute souffrance déclarée ou implicite. Ni Artaud, ni Van Gogh n'ont demandé à être psychiatrisés, il faut considérer et interroger le contexte de l'époque et les moyens humains s'y afférant. Aujourd'hui, nous assistons à une régression de la réflexion sur les mêmes réalités : des personnes sont mal tolérées en société en raison de leurs symptômes ,de leur difficulté à entrer ou rester dans les circuits de production et la réponse qui est faite s'apparente beaucoup moins au "contrôle social" qu'à l'abandon pur et simple dans l'errance pathologique avec des réhospitalisations d’urgence qui auraient pu être évitées ou moins nombreuses. On oublie trop souvent qu'une grande majorité de personnes tente de se mettre à l'abri de persécutions intérieures et extérieures en fréquentant des psys et en avalant des médicaments . On ne peut pas (pardonnez cette affirmation que je ne peux réprimer étant donné mon métier) de répondre "discrètement" à la question de l'humain de l'humanité. J'irai voir de quoi ça parle du côté de CAYROL,promis. On peut y répondre avec pudeur ce qui est autre chose, l'éthique est questionnée à tout moment dans toute relation d'aide et de soin. Ce ne sont pas les politiques actuelles logico-économiques en santé publique qui vont faire diminuer le contrôle des dépenses liées à la dépendance des personnes qui ont besoin des autres. La question de la répartition entre le normal et le pathologique est peut-être complètement dépassée, nous sommes tous des handicapés à divers titres. Le débat crucial se tient dans les questions de liberté et de dignité individuelle. Quelles sont les instances qui les garantissent ? Mystère et boule de gomme (une question qu'on efface assez facilement de sa propre ardoise tant elle est angoissante...). On est pourtant jamais aussi bien servi que par soi-même. Balayons devant "les portes de la perception" et ayons déjà une idée juste de nos propres zones de turbulence, prélevons à l'intérieur de nos sensibilités les germes de la compassion et évitons de stigmatiser tel ou tel en son absence.
La Psychiatrie n'est pas une science, elle relève de pratiques qui doivent être mieux connues et questionnées (en présence des intéressés). Elle ne doit pas être le bouc émissaire de nos propensions à désigner l'enfer et la persécution, à reconstruire des murs d'exclusion pour circonscrire le lieu de toutes nos peurs( la première pouvant être de devenir "fou" ou d'être abandonné ...) . L'enfer se visite dit-on...On en ressort probablement moins dogmatiques, plus distanciés et en capacité de mieux relativiser...
Je suis "abasourdie" devant toute "attaque" gratuite...car ne pas respecter "le soignant", c'est peut-être aussi faire prendre un risque de disqualification du "soigné". La place du pouvoir médical est aussi celle que nous lui prêtons, le contre-pouvoir est entre nos mains. Plus nous choisissons ceux qui nous soignent et moins nous subissons ,mais là aussi , qui paye ? « L’humain c’est aujourd’hui du temps et de l’argent » comment se sortir de ce cynisme ? "Le garde-fou de notre condition" passe très concrètement par des choix de société et de politique , et une lucidité active..
2005-02-11 08:54:13 de Marie.Pool

Marie pool, ici ce sont des considérations sur l'évolution de l'accueil médical, et vous semblez largement informée sur celà - personne ici n'a nié l'importantce de quoi que ce soit (ou j'ai vraiment très mal lu). Je ne vois pas trop ce qu'il y avait d'attaque gratuite contre le soignant. Peut on dire, avec ce par quoi il est passé, qu'Artaud attaquait "gratuitement" ? car ce n'était qu'un exemple de ses dires, et non une généralisation sur la psychiatrie, qui était donnée
2005-02-11 14:55:12 de cel

Quand je vois qu'un psychiatre se mêle de création, je sors mon pistolet à eau (ou plutôt ma mitraillette à giffles, parce que l'hydrothérapie, je laisse ça à l'histoire de la psychiatrie).
Il y a un autre réflexe d'auto-guérision, Mary Pool, c'est l'humour, je vous le conseille, Artaud n'en manquait d'ailleurs pas.
Artaud a écrit dans un premier temps son Van Gogh en réaction à un article puant d'un psychiatre sur le peintre (allez voir, il est fourni dans les notes du tome XIII de ses oeuvres complètes)
Mes citations d'Artaud avaient surtout pour intention de proposer une piste parallèle de recherche : si nous voulons comprendre l'effet de la maladie sur l'écriture, nous pouvons aussi nous intéresser à celui du discours de la "bonne santé" sur l'écriture. Si on étendait largement l'horizon de cette recherche, je peux fournir comme exemples de ce discours vos propres commentaires sur mon blog.
On peut reprendre le premier paragraphe de votre première réponse et l'appliquer aux médecins comme à vous : quand on ne comprend pas ce qui se passe à l'intérieur de l'autre et dans son écriture et sa parole, on s'invente des théories explicatives, etc, accuser le délire ou l'illisibilité est le premier réflexe d'auto-déculpabilisation.
2005-02-11 16:53:09 de Bartlebooth

Vous avez raison ! Ne vous dérangez pas pour si peu de chose... Ce que j'écris ne vaut que pour moi et pour quelques autres... Je ne veux pas vous causer d'idées irrecevables... Bonne Nuit !
2005-02-11 21:16:33 de Marie.Pool

merdouille, qui sont ces happy few ? ne répondez vous jamais aux avis, questions simples et directes que par bonds ou retraits ? (à mon tour d'être abasourdie)
2005-02-11 22:21:26 de cel

Soyez indulgente CEL,Je ne sais pas répondre à toutes les questions , aux avis "déconcertants" ou implicitement non bienveillants ( pour des raisons qui restent opaques...).Après une grosse journée de travail "dans la pâte humaine", permettez que je prenne du recul, ma respiration et un peu de répit.
Par ailleurs, Les discussions sur ARTAUD et VAN GOGH me semblent trop partielles et je ne sais pas par quel bout les aborder car il y aurait beaucoup de choses à dire ( qui sont dans de nombreux livres...). Je n'ai pas assez de temps personnel pour me lancer dans des débats qui aboutissent simplement à comparer des savoirs plus ou moins élaborés, et des démonstrations plus ou moins infiltrées de parti-pris indéboulonnables. Ce que j'écris sur les blogs s'inscrit dans une volonté de rencontre et d'échange. Si je constate que cela ne fonctionne pas, je peux en effet choisir le retrait.Cela ne recouvre pas une idée de mépris mais tout simplement de limites personnelles face à une réalité humaine donnée.
Il n'y a pas d'happy few, seulement des gens avec qui il est plus facile d'échanger, ce n'est pas un scoop, c'est un constat.
2005-02-12 09:45:21 de Marie.Pool

Idées irrecevables, avis déconcertants et pâte humaine... pâte humaine et parti-pris indéboulonables (et chapeau de paille et paillasson), comment voulez-vous qu'il soit facile d'échanger face à ces qualificatifs qui montrent surtout une volonté d'arrêter et limiter en de nombreux points un échange entamé. La réalité humaine n'est en rien "donnée", en rien à ce que je sache incapable de varier et rebondir en fonction de réponses que vous, donneriez. Une pâte est par définition plastique, malléable, et comment l'imprimer sans adapter vos façons d'échanger. Comparer des savoirs, voici encore une définition limitée de l'échange qui est possible ici, et quand bien même ce ne serait que ça, des savoirs biens exposées et argumentés, afinés dans leurs formulations pour être mieux entendus, au gré des avis et demandes émis , que déjà ça ne serait pas si mal, et se placerait plus dans l'idée d'un échange que dans celle de propos platement posés en parralèlle à d'autres, et qui parlent beaucoup de qualifier certaines formes que prennent ces autres propos, par vous jugés implicitement non bienveillants pourquoi ? parce qu'ils sont des réactions imprévues peut-être (mais en quoi irrecevables) à des points de vos dires que personnellement j'attendrais mieux définis : pourquoi ne pas avoir, par exemple, répondu à mes réactions sur l'engendrement d'une production artistique par une maladie, ou je ne parlais que de méfiance face au termes, pas d'incapacité à écouter ce que vous aviez à en dire. Excusez moi de le préciser mais je trouve tout de même qu'on n'est pas loin d'un certain mépris, et c'est dommage.
2005-02-12 10:37:20 de cel

Il m'est difficile de répondre à plusieurs personnes en même temps.Or c'est ce que le blog induit . Le mépris n'est pas de mise je le répète. Votre question sur "l'engendrement d'une production artistique par une maladie" est très difficile,car l'idée de cause à effet est loin d'être démontrée.C'est toujours au cas par cas qu'il est envisageable de repérer à partir des faits et non toujours des idées, que tel ou tel ayant proposé une expression artistique était aussi quelqu'un qui avait telle ou telle caractéristique personnelle dont la maladie (constituée ) fait partie. On remarque et on le fait remarquer. Les raisonnements qui en découlent dépendent du type d'approche que l'on peut en avoir. Un historien, un neuroscientifique,un psychanalyste, un anthropologue, un sociologue, un somaticien, un psychomaticien, un psychothérapeute, un chaman, un homme de la rue, un autre artiste... vont éclairer bien différemement les mêmes faits. Il faut aussi tenir compte du contexte qui va permettre ou non l'émergence de certains regards plutôt que d'autres sur une même réalité. Il y a mille façons de nommer et de qualifier la réalité , les mots ne sont que des outils et nous ne les utilisons pas de façon consensuelle la plupart du temps. Je n'ai rien à vous apprendre que vous ne sachiez déjà par ailleurs. Je ne vous crois pas incapable d'écouter non plus.Je n'ai pas envie de vous répondre n'importe quoi juste pour éviter que vous pensiez que je n'ai rien à "vous" répondre.
Ne vous méprenez pas et laissez-moi le temps de la réflexion.
La non- bienveillance ( ou tout autre chose de non identifié) est manifeste dans ce que j'ai lu sur cette intolérance à l'évocation de la psychiatrie et ce n'est pas de votre fait.
Restons-en là , voulez-vous je ne veux pas devenir "brasse- moutarde" sans en mesurer clairement les enjeux et la dose de fatigue à endurer.
2005-02-12 12:11:02 de Marie.Pool


Jeudi 10 février 2005. Poissons crus et viandes saignantes.

Dans la grisaille du matin
Je me souviens de ces matins d'hiver dans la nuit sombre et glacée...
et par trois chemins
Une au sud, une à l'ouest, une au nord, trois stations de métro nous les déversent...
les écoliers montent
Difficilement naître à soi-même pour une ascension que l'université porte en son nom...
vers leur possible destin
en moyenne chaque écolier passe trois concours et sa réussite ici ou là détermine souvent tout son avenir...

09:35, rassemblement des ogres surveillants dans un hall où des assistants les pointent et tiennent prêtes les grosses enveloppes de sujets de concours et de feuilles de réponses. 09:40, le chef des examens vérifie la présence de sa meute, lit les dernières recommandations et ajuste l'heure pour tous à la seconde près. 09:45, les équipes de surveillants partent vers la salle qui leur a été désignée ; pour l'équipe dont je suis, un secteur de tables disposées à l'intérieur d'un gymnase et circonscrivant 12x12 candidagneaux, nous nous pourléchons, ouvrons les enveloppes et procédons à la distribution en respectant, pour certaines feuilles et consécutivement, l'identité des numéros de convocation, de place et de feuille. 10:00, sonnerie stridente, l'épreuve est ouverte par le chef du gymnase équipé d'un microphogre et pour les six secteurs rassemblant (12x12x3)+(12x14x3), soit 936 candidagneaux qui inscrivent leur identité sur les feuilles et qui ont été bardés, préparés avant l'arrivée des surveillants par un personnel d'encadrement afin de n'avoir que des crayons, des gommes, des montres analogiques, aulx et fines herbes, des affaires rangées sous leur chaise, des téléphones éteints, morts, et interdiction de parler ou de se pencher pour ramasser quelque chose afin d'éviter toute possibilité de tricherie ou de fuite ; dès ce moment les surveillants surveillent en passant entre les rangs, se pourléchant les babines pendant que le chef de chaque section reporte sur un tableau les éventuelles corrections du bois à apporter aux sujets de concours ; certains candidagnelets étant loin du tableau ou ayant une mauvaise vue lèvent le bras pour que l'un des surveillants leur montre, le cas échéant, ces mêmes corrections bien méritées. 10:15, les document des absents sont retirés des tables, rangés dans une enveloppe spéciale et mystérieuse que quelqu'un vient chercher pour collecte dans les prés au poste de commande situé dans un autre amphithéâtre ; les enveloppes qui contiendront pour l'éternité les feuilles finalement collectées sont contresignées à sang par les ogres surveillants ; le chef des surveillants de chaque secteur de chasse indique à ses sbires le sous-secteur qu'il aura à collecter sauvagement à l'issue du temps imparti ; les ogres surveillants font des rondes et grondent entre les rangs, constatent que le sol est entièrement recouvert de carton plastifié afin de ne pas abimer le revêtement spécial ni laisser de traces de battue, ramassent des crayons, des gommes ou des têtes qui tombent, comptent les candidagneaux qui ont plus de cinq crayons devant eux, ceux qui sont enrhumés et incomestibles, ceux qui ont une montre à gousset prêtée par leurs parents d'oignons, les jolies filles vers des plages, les avachés à des îles, ceux qui ont retiré leurs chaussures et montrent patte blanche, ceux qui ont un hokaron alors qu'il fait 23 °C, pressentant la suite, les inscriptions sur les vêtements, comme le pertinent ou le fayot « learning develops personality » (qui n'a aucune occurrence webb). 10:50, l'ogre en chef du gymnase annonce qu'il ne reste que dix minutes avant la faim, la consommation de sucre par les cerveaux arrive à son apogée, sauf pour les bons agnélèves qui ont déjà terminé et qui se relisent comme vient de l'indiquer le chef, croyant ainsi passer entre les mailles du filet. 11:00, sonnerie stridente, ordgre du chef du gymnase d'arrêter d'écrire, suivi d'ordgres de vérifier la bonne inscription du nom de chacun, de disposer les feuilles de thym et de laurier dans un certain sens et un certain ordre pour la collation ; début de récolte des documents selon l'ordre prévu par le chef de section, compotage et recompotage des documents dont on vérifie la succession numérique, mise sous enveloppe des paquets consti tués sous la mère, attente du rond signal positif de chaque chef de section au chef des ogres du gymnase, indiquant naseaux frémissant que tout est correct et sans tache. 11:05, le chef du gymnase déclare l'épreuve terminée, demande aux candidagneaux de ne surtout plus bouger et autorise les surveillants repus et chargés à quitter le gymnase. 11:10, nous rejoignons l'amphithéâtre du PC dans lequel des assesseurs de tous sexes nous attendent bardés de pinces d'élastiques de dés en caoutchouc, avisons l'emplacement correspondant à la section de gymnase où nous officiions et déposons entre les mains de nos deux assesseurs particuliers les enveloppes de feuilles des candidats ; les assesseurs recomptent incessamment les feuilles, vérifient qu'elles sont dans l'ordre et dûment signées. 11:20, un signe de tête de chacun des assesseurs de tous sexes nous avertit que tout est en ordre et que notre missiogre est terminée, pour cette fois ; nous remontons à l'air, libres et pantelants.

Idem peu ou prou, si possible sans incident, avec différents assistants, surveillants et assesseurs de tous sexes, mobilisant la plupart des salles, amphithéâtres et gymnases durant quatre jours à raison de trois sessions de 60 ou 90 minutes par jour, dans toutes les universités du pays. La planification des concours d'entrée se continue partout d'une année sur l'autre au moyen de comités d'administration des inscriptions, d'encadrement, de comptabilité, de rédaction de sujets, de manutention, de correction, de sécurité et d'hygiène, etc., de plus en plus sous-traitée par des trusts de jukus et de moins en moins supervisée par le ministère de l'enseignement.

Ce soir, jour de la Saint Arnaud, c'est protéines à haute dose : poisson cru et viande saignante.


Merci de votre reponse. Je ne l'avais pas vue. Yahoo n'est pas un lien. C'est le souvenir d'avoir ete reference vite par qq'un qui me connaissait et a un moment ou mon site etait encore plus lamentable que maintenant. C'est dire. Je ne sais meme pas accentuer les mots!
2005-02-10 18:23:59 de Mot

Je viens, par ailleurs, de decouvrir que vous etiez le moderateur de Litor. J'adore. Je recois depuis un lustre ou deux votre lettre, toujours tres interessante. Je me souviens de la houle a propos de l'auteur des Antigones. Merci, donc.
2005-02-10 18:41:08 de Mot

Et même sur Litor, il y a parfois du pètage de plombs. Ça rassure sur l'humanité. (Heureusement qu'elle n'est pas intégralement agrégée, c.à.d. composée d'agrégés.)
2005-02-10 18:45:52 de Sans

Même les trois petits cochons et la course poursuite avant la mort de la mère de Bambi c'était pas si effrayant que cette histoire !!! Et le pire, c'est que celle-ci se répète tous les ans avec de la nouvelle chair fraîche !!
Terrible, vais-je dormir cette nuit ??
2005-02-10 22:58:44 de Au fil de l'O.

Alors ? Dormi ? Bien dormi ?... As-tu compté les candidagnelets qui sautaient la barrière ? Jusqu'à combien ?...
2005-02-11 09:35:30 de Berlol

Au fait, merci d'avoir pensé à ma fête.
À répondre sans conviction, je n'avais pas bien vu les derniers messages.
2005-02-13 08:00:00 de Arnaud

Bon, finalement, bien dormi pendant le week-end parisien...
Tout de même en me demandant, non combien de candidagnelets j'aurai l'année prochaine, mais simplement si j'en aurai tout court et où ?!
2005-02-14 10:00:26 de Au fil de l'O.


Vendredi 11 février 2005. Désolé... / Regain !

Bref, suite des commentaires d'avant-hier, ni l'art ni la psychiatrie ne sont des sciences exactes...
Il y a des artistes sains d'esprit...
Il y a des psychiatres fous...
Tout homme qui croit à un dogme sans faille, sans relativité, sans distanciation, sans aléa est un fou dangereux...
Si tout fou est un homme déréglé, personne n'a encore dit ce qu'est un homme bien réglé...
Ce qu'on répute homme bien réglé n'est qu'une norme de contrôle social...
L'humain de l'humanité est une question nouvelle... à laquelle Jean Cayrol essayait (car il n'est plus depuis hier) de répondre, presqu'aussi discrètement que Blanchot...
Il faut tout de suite le relire, le réimprimer : il était, est, sera un garde-fou de notre condition.
Il faut remuer ciel et terre
pour que la première pelletée de l'aurore
ne soit pas celle du fossoyeur.
____________(Jean Cayrol, « 12 juillet » [1968], Poésie-Journal, Éd. du Seuil, 1969, p. 23)


En hommage, je me suis proposé de donner plein sens au poème ci-dessous en le liant aux événements auxquels il fait référence. L'orthographe des noms propres est celle de Cayrol dans l'édition citée.
Mais il y a des allusions que je n'ai pas pu identifier (voir liste ci-bas) et j'ai pensé qu'on pouvait la jouer collectif.
Si vous voulez ou pouvez rallumer des ampoules, en commentaires, à votre bon cœur !

15 octobre
Nous ne connaissons que les vingt-quatre heures
d'un événement,
incident clos, éphémère, éphéméride,
après,
il disparaît dans la corbeille,
le vide-ordure,
ou le tonneau percé de mesdames les Danaïdes
dont la nuit de noces
rendit leur époux plus ammanite que phalloïde...

Après,
le dénouement se fait sans nous,
dans d'autres veilles,
par d'autres télétypes ;
on entend au loin les noms
gronder encore dans la variante et dans le flou :
Agadir, Malpasset, amants diaboliques,
enfants pliés sur leurs genoux,
Lumumba, Wachinsky, Krouchtchev
et sa godasse magique,
deux vieillards crevant, la bouche ouverte,
dans la bouche d'un métro ;
le petit Didier Kovak, le noir curé d'Urruffe,
des chanteurs exténués dès l'automne,
des guerres fermées, des guerres ouvertes,
Kennedy et Luther King, Charonne,
et plus cachés dans une brume artificielle
les époux Rosenberg
qui voulaient une terre modèle,
Édith Piaf et l'Appel de Stockholm,
du temps où la bombe laissait la foule déserte
et les 121,
Makarios et George Braque,
Ben Bella et Guy Burgess,
La fête des âmes errantes, les mineurs des Asturies,
la réforme de Fouchet dans l'ombre de Ferry
et l'invasion de la baie des Cochons
et la Callas à l'Opéra-kermesse,
Joanovici, les règlements de compte,
les règlements amiables,
et les pavés de mai,
le hula-hop et l'affaire du hold-up
sur le train postal Glasgow-Londres,
la wilaya IV, les maquis de la Sierra Mestra
et Régis Debray montant par un escalier de meunier
jusqu'à mon bureau étroit,
un matin de 1963...
Ce n'est pas la peine
d'aller plus loin dans la lecture.
Il y a de grandes taches blanches,
(terres inconnues de la rengaine),
sur la page des journaux.
La mémoire fait sa censure
et le moisi se met sur les éditions spéciales
et sur nos vieux sanglots.

Alors les quotidiens prennent une odeur végétale
et de sous-bois,
(torchon, torchis)
font des nids pour les souris,
rallument le feu des pauvres et des meurtris,
c'est le meilleur emballage pour les Halles.
... Et parfois, dans un coin d'ombre,
un homme seul les relit,
puis les étend sur sa poitrine
contre le froid de minuit.
____________(Jean Cayrol, « 15 octobre » [1968], Poésie-Journal, Éd. du Seuil, 1969, p. 147-149)

Noms et allusions problématiques :
  •  amants diaboliques (il semble y avoir eu un parricide à Montpeyroux...)
  • Wachinsky ou Waschinsky (en rapport avec procès de Nuremberg ?)
  • le petit Didier Kovak (introuvable...)
  • George Braque (allusion à quoi ? événement, accident, sa mort en 1963 ?)
  • la fête des âmes errantes (jour de fête au Vietnam, lié au mouvement de libération ?)
  • Debray en 1963, n'était-il pas en Bolivie ? Quelle raison l'amenait voir Cayrol ?
  • etc.
Suppléments :
  • La référence à Khrouchtchev se trouve également dans Je me souviens de Georges Perec, et au numéro 125 dans Je me souviens de "Je me souviens" de Roland Brasseur (Castor Astral, 1998). Mais Khrouchtchev l'a-t-il réellement fait ?
  • Pour Charonne, il y a un lien par lettre du mot.


Cher Berlol, a ces deux noms que vous citez, permettez-moi d'ajouter celui de Robert Antelme (d'une certaine facon lie a Jean Cayrol) dont le temoignage bouleversant affirme l'unite infracassable de "l'espece humaine"...et meme si on est un peu loin de la discussion sur art et psychiatrie, sa meditation sur l'enfer peut nous aider a reconsiderer ce qu'est "l'humain de l'humanite", sans pour autant recoller a de vieux humanismes.
2005-02-11 10:30:15 de vinteix

C'est en vous lisant ce matin.
"Je sens que tout surgit d'une cendre fervente
Adieu Terre, encore toute mâchée par nos os qui s'éveillent
Nous sommes d'un pays qui ne peut rien sans nous."
Jean Cayrol
Il écrit ceci en 1939.
Nous sommes désertés !
2005-02-11 14:33:22 de Grapheus tis

En avril 1963, Régis Debray n'est pas encore à Bolivie. Il est à Alger, assistant René Vauthier qui lance, pour le ministère de la Jeunesse et des Sports algérien l'opération des "Ciné-Pop (ministre : Bouteflika, directeur de cabinet : Hervé Bourges).
Je participe à ce regroupement qui se déroule à Tixeraïne, sur les hauts d'Alger, comme responsable des "Ciné-Pop" de l'arrondissement de Biskra-Aurès.
J'ai revu Régis Debray, en janvier 2002, puis le 30 janvier de cette année et nous avons (trop !)brièvement évoqué cette époque. Nous avons été très émus, l'un et l'autre en faisant resurgir ce passé. A-t-il rencontré Jean Cayrol après son séjour à Alger et avant son départ en Bolivie ?
Mince contribution à votre questionnement, Berlol ! Il me renvoie à des jours de bel espoir.
Voilà d'un bien vieux "bon cœur"
Jacques ANDRÉ.
2005-02-12 00:27:33 de Grapheus tis

Merci, cher Jacques. Il m'avait bien semblé, en lisant quelques-unes de vos pages web, que vous étiez un témoin/acteur de cette période, que vous souhaitiez en parler (plutôt que, comme beaucoup, jeter le voile) et que nous pourrions ainsi, avec d'autres, j'espère, faire cette sorte de nouvelle pratique de l'histoire contemporaine, sans nuire à la poésie (clique qui veut !).
La suite des commentaires dira si ça peut marcher et je remercie par avance toutes les personnes qui voudront bien y contribuer (au lieu de les remercier à chaque fois, allongeant d'autant la liste des commentaires).
2005-02-12 00:42:45 de Berlol

Patrick écrivait hier que « tout homme qui croit à un dogme sans faille, sans relativité, sans distanciation, sans aléa est un fou dangereux... ».
Les nouvelles du monde, très proches de nous au Japon celles-là, viennent nous rappeler avec gravité la vérité de ces mots...

« LA CORÉE DU NORD S'EST PROCLAMÉE PUISSANCE ATOMIQUE
LE MONDE | 11.02.05 | 14h14
Pyongyang affirme avoir mis au point l'arme nucléaire par mesure d'"autodéfense" face à une volonté de Washington de l'"étouffer". Le régime de Kim Jong-il n'a cependant pas encore procédé à un seul essai.

Tokyo de notre correspondant

La Corée du Nord est-elle devenue une puissance nucléaire ? Le communiqué diffusé jeudi 10 février par l'agence officielle de presse de la République populaire démocratique de Corée (RPDC) est l'annonce la plus explicite du régime qu'il posséderait l'arme atomique. Dans ce texte, le ministère des affaires étrangères déclare que le pays "a fabriqué des armes nucléaires par mesure d'autodéfense face à la politique de moins en moins déguisée d'isolement et d'étouffement" des Etats-Unis à son égard. Jusqu'à présent, la RPDC se contentait de se dire "en droit de se doter" de l'arme atomique.

Ces deux dernières années, en marge de rencontres internationales, des représentants du régime avaient fait des déclarations plus directes sur la possession par leur pays de l'arme nucléaire. Cette fois, l'annonce a le sceau officiel. Pyongyang affirme que "ces armes resteront en toutes circonstances une force de dissuasion" et annonce la suspension "pour une période indéterminée" de sa participation aux négociations multilatérales à six (Chine, deux Corées, Etats-Unis, Japon et Russie).

L'annonce de Pyongyang semble avoir surpris les Américains. Quelques heures avant, John Bolton, sous-secrétaire américain chargé des questions de sécurité et de contrôle des armements, en visite à Tokyo, admettait que, dans le cas de la Corée du Nord, le temps n'était pas du côté des Etats-Unis mais qu'il s'attendait à un retour de Pyongyang à la table des négociations. A Pékin, l'agence Chine nouvelle a publié le communiqué sans insister sur le passage dans lequel la RPDC dit posséder l'arme nucléaire. Laconique, le premier ministre japonais, Junichiro Koizumi, s'est contenté de déclarer que c'est "l'intérêt de la RPDC de renoncer à son programme nucléaire". A Séoul, le gouvernement minimise l'annonce de Pyongyang qui, selon lui, ne fait que confirmer les ambitions nord-coréennes qui restent une "source de préoccupation majeure".

L'annonce de Pyongyang n'était pas inattendue en soi. L'interrogation portait sur le moment où la RPDC se déclarerait puissance nucléaire. Depuis des années, des services de renseignements américains affirment que la RPDC posséderait de six à huit bombes. En octobre 2004, l'ex-secrétaire d'Etat Colin Powell admettait cependant que les experts américains ignoraient à quel stade d'avancement se trouve le programme nucléaire nord-coréen et qu'ils extrapolaient à partir d'estimations anciennes. Reste une inconnue de taille : si elle s'est effectivement dotée de la bombe, la RPDC ne l'a jamais encore testée. On ignore, en outre, si elle est capable de la placer sur des missiles balistiques.

"AU BORD DU GOUFFRE"

Par son annonce, Pyongyang a fait monter d'un cran les enchères de sa "diplomatie au bord du gouffre". Le régime ne rejette pas la négociation mais attend que les Etats-Unis proposent des garanties de sécurité. A l'exception d'une timide allusion de Colin Powell à ce que pourrait obtenir la RPDC en renonçant à ses ambitions nucléaires, Washington a toujours exigé que le régime fasse les premières concessions.

En dépit de la relative modération du discours récent de George Bush sur l'état de l'Union, Pyongyang juge que la politique américaine ne change pas et vise toujours à renverser le régime. Placée dans l'"axe du Mal" en 2002 en compagnie de l'Irak et de l'Iran, la RPDC demeure "un avant-poste de la tyrannie", selon Condoleezza Rice. "Une attitude qui ôte toute justification à une participation de la RPDC aux pourparlers à six", affirme Pyongyang dans son texte.

A la veille de son 63e anniversaire, le 16 février, le leader du Nord, Kim Jong-il, peut souhaiter rehausser le prestige national en tenant la dragée haute aux Etats-Unis. Le moment peut lui paraître opportun : l'administration Bush enlisée en Irak est l'objet de critiques de droite comme de gauche pour sa gestion de la crise coréenne. Les négociations à six, destinées selon les Etats-Unis à isoler la RPDC, ont eu un effet contraire : c'est Washington qui, en refusant de négocier sur d'autres bases que les siennes, s'est progressivement isolé. Personne ne souhaite une nucléarisation de la RPDC mais la Chine, la Russie et la Corée du Sud prônent une approche plus souple ; une position que Tokyo n'est pas loin de partager.

L'étape franchie par Pyongyang est révélatrice d'une impasse. Les critiques de l'administration Bush estiment que loin d'avoir enrayé les ambitions nucléaires nord-coréennes, elle a aggravé le risque. Comme pour les armes de destruction massive en Irak, Washington a martelé avoir les preuves du programme d'enrichissement d'uranium sans jamais les fournir. "Nous sommes dans une très mauvaise situation. Si l'administration Bush croit que la crise va être résolue sur les bases de ses positions, elle se trompe", estime Selig Harrison du Center for International Policy de Washington. Selig Harrison est l'auteur d'un article dans Foreign Affairs sur la faillite de la gestion de la crise coréenne par l'administration Bush.

Pour l'instant, la RPDC en reste à la rhétorique des annonces, laissant une marge à la négociation. Elle aura vraiment franchi le Rubicon si elle procède à un essai nucléaire. Après quoi la négociation se poserait en des termes différents car la nucléarisation de la RPDC entraînerait vraisemblablement une course à l'armement atomique dans la région.

Philippe Pons

La montée en puissance de la crise

Octobre 2002.
Washington affirme, après des entretiens bilatéraux à Pyongyang, que le régime conduit un programme secret d'enrichissement d'uranium malgré ses engagements passés. La crise ainsi ouverte conduit à arrêter les livraisons de pétrole, puis à suspendre la construction de deux centrales nucléaires à eau légère (difficiles à détourner à des fins militaires), qui étaient les contreparties d'un accord de 1994 par lequel Pyongyang gelait son programme nucléaire.

Janvier 2003.
Pyongyang se retire du traité de non-prolifération (TNP) et affirme commencer l'extraction du plutonium de 8 000 barres de combustible nucléaire.

Août 2003. Des pourparlers à six pays s'ouvrent à Pékin. Après trois cycles de rencontres, ils se trouvent dans l'impasse depuis le mois de juin.
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 12.02.05 »
2005-02-12 03:19:56 de Arnaud

Franchement, je sens qu'on se dirige tout droit vers un gros problème au niveau mondial. Les signes avant-coureurs de la crise sont trop nombreux, et surtout ils sont éparses et ne concernent pas que l'Asie Orientale.
Plus tard, lorsqu'on écrira l'histoire du processus qui mena à la 3eme Guerre mondiale, on dira : Regardez, l'affaire du sous-marin nucléaire chinois avait fait monter la défense nippone d'un cran, préparant les dispositifs militaires ultérieurs, etc.
En entre dans la crise lorsque tous les problèmes apparaissent simultanément, pour en devenir ingérables et se reconstituer en un faisceau lui insurmontable, alors que chaque problème pris isolément pouvait être, peut-être, réglé. Parce que c'est pas la seule puissance nucléaire belliciste du coin, la Corée du nord. Depuis ce pays jusqu'à, à l'ouest, l'Iraq, c'est fort peu stable.
2005-02-12 03:26:56
Merci, Arnaud, de nous donner l'occasion de lire sur la même page le blog de berlol et un article du Monde.
2005-02-12 08:52:03 de Christian

Une simple hypothèse concernant Régis Debray :
Nombre des livres de Régis Debray ont été édités au Seuil. C'est le cas du premier : "La Frontière", suivi de "Un jeune homme à la page", nouvelles, en 1967.
Même s'il préparait l'agrég de philo (obtenue en 1965), on peut imaginer que Régis Debray a rencontré Jean Cayrol à plusieur reprises, et ce dès 1963, par simple amitié et/ou afin de poser des jalons pour une édition éventuelle de son œuvre commençante.
Voir son site http://www.regisdebray.com/
2005-02-12 10:33:21 de Dominique Hasselmann

1er trimestre 1963, Jean Cayrol co-signe avec Claude Durand un bouquin sur le cinéma : "Le droit de regard" - au Seuil.
Régis Debray "bosse" avec René Vauthier sur le cinéma (cf. mon commentaire ci-dessus).
????
Le nez du "médiologue" se pointe ?
2005-02-12 12:52:21 de Grapheus tis

Pourquoi Montpeyroux, au fait ?
2005-02-12 15:38:08 de Bartlebooth

Copié pendant que c'est disponible...

DISPARITION
Jean Cayrol, l'inclassable
LE MONDE | 11.02.05 | 14h04
L'écrivain, qui fut aussi un éditeur enthousiaste, est mort jeudi, à 93 ans.

Le poète, romancier, cinéaste et éditeur Jean Cayrol est mort, jeudi 10 février, à Bordeaux (Gironde). Il était âgé de 93 ans.

C'est en 1947 que le nom de Jean Cayrol atteint une notoriété soudaine avec le prix Renaudot qui couronne Je vivrai l'amour des autres, son premier roman publié au Seuil, comme le sera la quasi-totalité de son œuvre, et composé de deux récits, On vous parle et Les Premiers jours. En 1948, Le Feu qui prend complète cette trilogie inspirée de l'expérience concentrationnaire.

Qui est Jean Cayrol ? Ce ne sont pas ses romans qui apportent une réponse directe. Né le 6 juin 1911 à Bordeaux, ville aimée autant que détestée où il effectue ses études de droit, il écrit à vingt ans des poèmes. Ses premiers recueils, Le Hollandais volant et Les Phénomènes célestes (1936) reflètent déjà un univers incertain, sans attache, porté à l'envol plus qu'à la recherche des racines.

Ce qui n'exclut pas l'engagement : résistant, Jean Cayrol est dénoncé en 1942, incarcéré à Fresnes, déporté au camp de Mauthausen. Epreuve cruciale qui décidera du reste de sa vie et de son œuvre, dans ses romans comme au cinéma. En 1950, il publie un essai, Lazare parmi nous, où il trace la silhouette de ce héros de la résurrection, et de récits en romans, de La Noire (1949) à L'Espace d'une nuit (1954), il ne cessera de se perdre pour mieux se retrouver dans cette zone frontière de l'identité volée.

Pour Alain Resnais, il écrit le commentaire de Nuit et Brouillard (1955), puis en 1963 le scénario de Muriel, qui prend pour cadre une autre guerre, celle d'Algérie. De cette collaboration naîtront un essai, Le Droit de regard, écrit avec Claude Durand, puis un film qu'il réalise en 1965, Le Coup de grâce, avec Emmanuelle Riva et Michel Piccoli où, dans un Bordeaux kafkaïen, il traque l'homme qui jadis l'envoya à la mort. Mais c'est en littérature que le cinéma exercera son influence la plus durable. Le Froid du soleil (1964) s'inscrit dans la continuité des Corps étrangers, le plus célèbre et le plus accompli de ses titres, et annonce Je l'entends encore (1968).

"SUR LE QUI-VIVE"

Après 1968, il semble conquérir une nouvelle liberté avec la série des Histoires (d'Histoire d'une prairie à Histoire du ciel) et deux livres où ressurgit l'enfance, Les Enfants pillards (1978) et Il était une fois Jean Cayrol (1982). Peu à peu, il se détache du roman pour renouer avec ses premières amours, et ajoute au premier tome de Poésie Journal (1969) d'autres volumes où il évoque le monde et sa fureur sans en devenir l'otage. A la fin de sa vie, il ne publiera que de brefs et poignants recueils de poèmes instantanés (A voix haute, De vive voix, A pleine voix). En janvier 1997 paraît enfin en édition de poche, chez Fayard, le commentaire de Nuit et brouillard, qui figure quelque temps sur les listes des meilleures ventes.

"J'écris d'une manière instantanée, presque désinvolte, confiait-il au Monde en 1988. Il doit y avoir une espèce d'organisation subconsciente des choses. (...) Ecrire, c'est rester sur le qui-vive." On aura beaucoup écrit sur cette œuvre insaisissable, mais c'est sans doute Roland Barthes qui, dans "La Rature", postface aux Corps étrangers (UGE, 1964), en définit le mieux la force de déstabilisation à partir de laquelle tout le roman nouveau se reconstruira en France après la guerre : "L'œuvre de Cayrol, dès son début, a été immédiatement moderne ; toutes les techniques littéraires dont nous créditons aujourd'hui l'avant-garde, et singulièrement le Nouveau Roman, se trouvent non seulement dans l'œuvre entière de Cayrol, mais encore, à titre de programme conscient, dans Le Romanesque lazaréen : l'absence d'anecdote, la disparition du héros au profit d'un personnage anonyme réduit à sa voix ou à son regard, la promotion des objets, le silence affectif, dont on ne sait s'il est pudeur ou insensibilité, le caractère ulysséen de l'œuvre, qui est toujours longue marche d'un homme dans un espace et dans un temps labyrinthiques."

Sa jeunesse massacrée autant que son tempérament ont retenu Cayrol de jamais se mettre en avant sur la scène littéraire parisienne. Homme discret, s'il est élu en 1973 à l'Académie Goncourt, il ne participe à aucun jeu mondain et privilégie avant tout son activité d'éditeur aux éditions du Seuil, où du début des années 1950 à la fin des années 1970 il défendra, imposera, publiera des inconnus qui s'appellent Philippe Sollers ou Didier Decoin, Roland Barthes ou Erik Orsenna, Bertrand Visage ou Marcelin Pleynet, Denis Roche ou Kateb Yacine. C'est dire si la curiosité de Cayrol était ouverte à des talents divers, parfois opposés, et son goût assez sûr.

On sait que le monde de l'édition est entré dans une phase de mutation : il est plus que probable que les chiffres parleront désormais plus vite que les directeurs littéraires, qu'on aura de plus en plus de difficulté à rencontrer un interlocuteur patient et compétent. Qui aura le temps. Qui pariera sur l'avenir d'un débutant. Cayrol, pour ceux qui l'ont connu, aura été un exemple irremplaçable d'accueil, d'écoute, d'intuition, le modèle même de celui que tout romancier en herbe rêve de croiser sur son chemin pour être éclairé sur ses propres ténèbres.

Cayrol grimpait son petit escalier raide de la rue Jacob, où bien des gens connus ont failli se rompre le cou, il s'excusait du danger, du plafond bas, du fauteuil désossé, de la lumière un peu faible de son grenier. Il avait l'œil malicieux, toujours plus jeune que le vôtre, quel que soit votre âge, sautillait d'enthousiasme derrière son bureau comme un oiseau dont il avait le profil et l'humeur vagabonde. Mais c'était lui le plus fidèle, le plus affectueux, le plus inspiré des oiseleurs.

Michel Braudeau
• ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 12.02.05
2005-02-14 05:02:06 de Fab

Merci Fab, mais je ne soutiens pas spécialement un tel mouvement (www.copillons-sans-vergogne.com/)...
Ça rappelle d'ailleurs la pratique d'Arnaud, copie et adresse.
C'est toi, Arnaud, ou c'est une nouvelle mode ?
2005-02-14 06:20:36 de Berlol

Pas de mention d'un Montpeyroux dans la biographie, y en a-t-il dans l'oeuvre (à part peut-être ces amants diaboliques) ?
Je me demandais parce qu'à 8 km du Montpeyroux de l'Aveyron se trouve un village nommé Le Cayrol...
2005-02-14 12:17:43 de Bartlebooth

Étrange coïncidence en effet.
En fait, il y a un ou deux livres que je n'ai pas sous la main et qui relatent "le parricide des amants diaboliques de Montpeyroux", comme ce "Roman noir du Périgord" (chez Fanlac, http://www.fanlac.com/perigor2.htm).
2005-02-14 15:53:44 de Berlol


Samedi 12 février 2005. Dedans et dehors à la fois.

Hier et aujourd'hui, des surveillances, plus ou moins joyeuses selon le protocole de base énoncé avant-hier.  Les visages des candidagneaux se brouillent dans ma tête... Certains parmi eux, peut-être, seront dans ma classe en avril.
Dans le gymnase, rectangle de 40 mètres par 60, tous les élèves sont tournés vers l'ouest. L'administration a fait le choix de cette occidentation alors que les trois autres directions étaient possibles. L'ont-ils eux-mêmes remarqué ?

Plaisir d'entendre qu'Olivia Rosenthal sort un nouveau livre (Les Fantaisies spéculatives de J. H. le sémite, chez Verticales). Elle en parlait hier à Tout arrive. Juste quelques phrases, comme ça, pour l'eau à la bouche...

Olivia Rosenthal : « Je pense pas que je suis romancière, je pense que simplement je suis écrivain. Et au fond ce qui m'intéresse, c'est à chaque fois de traverser des frontières. Je pense que c'est aussi notre travail d'écrivain de traverser des frontières, de passer d'une forme à une autre, de chercher aussi... Il me semble que ça fait partie de la recherche formelle. Et donc pour moi, le théâtre, ça faisait partie de cette recherche-là et je crois que j'ai découvert dans le théâtre des choses que j'aurais peut-être pas découvertes dans le roman. Il faut que je continue à chercher...»
[...]
Gilles Rozier : « Olivia Rosenthal a apporté, bien malgré elle, je crois, une question qui est extrêmement intéressante, c'est-à-dire que son texte a été reçu par la critique avec une telle violence que finalement on lui a pratiquement reproché de faire intrusion dans un domaine qu'elle ne connaissait pas. Et ça, j'aimerais savoir quel est votre sentiment par rapport à cela...»

O. R. : « Non, ce qui était intéressant dans la critique, au fond, qui m'a appris quelque chose, c'est que brusquement, en lisant les critiques, j'ai découvert, bien malgré moi, comme vous dites, que j'étais romancière. Ça, personne me l'avait dit avant. Moi, je pense pas du tout que je suis romancière, je pense que j'écris des textes qu'on appelle des romans, enfin que l'éditeur appelle des romans pour diverses raisons, mais qui sont pas nécéssairement des raisons strictement littéraires. Peut-être que ça s'appelle des romans. Donc, voilà, je le découvre à cette occasion. Au fond, je pense que ce qui est important c'est quand je commence à écrire je me dis pas j'écris un roman, je me dis j'écris.»
[...]
O. R. : « Ce qui était important pour moi, c'était aussi de parler d'un discours communautaire, tout simplement. C'est-à-dire de la manière dont on est contraint de se définir par rapport à ce discours [de la judéité]. Si on veut être dedans, ou alors il faut être dehors... à quelles conditions on peut être dehors. Donc moi, enfin le personnage, si vous voulez, il est dans une contradiction, parce qu'il veut être dedans et en même temps il veut être dehors. Donc comment est-ce qu'on fait pour être dedans et dehors à la fois. Et c'est pour ça que son parcours est extrêmement tortueux et il passe d'un extrême à l'autre...»


Hors actualité de ton blog et sans doute un peu et perdus dans le flot des réactions, j'ai mis quelques extraits d'un article de Vasset en commentaire de ta note du 31 décembre
2005-02-12 16:33:50 de cel

Merci Cel, je l'ai vu (grace au menu gestionnaire) et c'est très intéressant. Je vais essayer de trouver la revue en question.
Mais c'est bien de le dire ici pour ceux que ça intéresse et qui ne peuvent le savoir.
2005-02-13 00:22:56 de Berlol


Dimanche 13 février 2005. Sans le problème.

J'ai finalement viré les commentaires de Sans de la page d'avant-hier, ainsi que les miens et celui d'Arnaud le concernant.
Il était venu, le malfaisant, salir un de ces jours où je ne puis accepter son indécent parasitage : celui d'un hommage sincère. Tous les autres jours, on peut en discuter.

Par exemple aujourd'hui. Et on ne va pas se gêner. En reprenant ses commentaires effacés de l'avant-veille. À suivre ce soir ici même...

Enfin, le soir...

Voici donc, ci-dessous les commentaires que j'ai effacés de la page du 11...

Les rubriques nécrologiques, sciences exactes?
Je ne connais J. Cayrol que de nom (en espérant que ce soit le bon). Mais j'aurais 1000 fois préféré que vous en parliez avant sa mort . Maintenant , il ne peut même plus se défendre de ce que vous dites sur lui.
2005-02-12 13:22:09
Sans, je crois que je vais m'énerver...
Il ne s'agit en rien d'une nécro et je vous prie d'arrêter vos insinuations : Jean Cayrol n'est pas ici attaqué, il n'a donc en rien à se défendre.
Son texte a été publié en 1969, il est public et je suis libre d'essayer de lui donner du sens.
A moins que vous ayiez cru que parler de Debray était faire insulte à Cayrol ? Je n'arrive pas suivre la bêtise de vos raisonnements...
Essayez d'abord de savoir qui était Jean Cayrol et revenez ensuite.
Je le dis publiquement, j'effacerai vos commentaires désobligeants s'il y en avait d'autres.
2005-02-12 13:59:33 de Berlol
Eh bien, effacez mes "bêtises" que je maintiens ...

Mais plus simplement si vous souhaitez que je n'intervienne plus dans la rubrique commentaire de ce blog, envoyez-moi simplement un message vide à l'adresse e-mail que vous connaissez (si vous ne souhaitez pas le signifier simplement ici).

PS: Dans votre blog du 26 décembre 2004 vous avez été moins élogieux à propos de l'écriture de monsieur Cayrol... mais c'était certainement un autre Cayrol que vous critiquiez.
2005-02-12 14:44:02 de Sans
Voilà bien la preuve que vous ne savez pas lire !
Il s'agissait du même Cayrol mais ce que vous avez pris pour un jugement de l'oeuvre ("indigence et déreliction") est une dénomination pour une thématique ou un genre textuel pour lesquels j'ai beaucoup de respect (ce qui ne semble pas être votre cas).
Je ne risque pas d'effacer votre commentaire !
Quant à vous écrire, il n'en est pas question, c'est à vous de savoir ce que vous avez à faire...
2005-02-12 14:55:22 de Berlol
Tiens donc, la critique littéraire qui ne serait pas élogieuse de la façon la plus remarquable et la plus visible pour tous (notamment pour ceux qui ne la comprennent pas) se verrait-elle donc sansurée ? Hallucinant.

Quand bien même cela fut sans lumière ou sans génie, voire totalement aveuglé par un fan-atisme sans explication, cette sansure est intolérable.

Si vous voulez critiquez la critique, et bien faites-le en publiant vous-même une critique des ouvrages que vous appréciez, et non en venant demander à ceux qui parlent de se taire. (Encore que pour publier une critique il faille au préalable "comprendre" les textes concernés...)

Ridicule.
2005-02-12 15:32:10 de Arnaud
"servile" est le mot que j'ai utilisé à votre propos dans un échange de messages avec JCBourdais.
Salut.
2005-02-12 21:11:20 de Sans
pas de malentendu!
Le message précédent est destiné au tenancier du blog! (et à nul autre)
2005-02-12 22:25:39 de Sans
Puisque vous censurez , supprimez toutes mes interventions SVP
2005-02-13 00:18:47 de Sans
(copies d'écrans) à demander à bi.fidjet arobase gmail.com
2005-02-13 00:24:29 de Sans

L'irrespectueux avait eu la scélératesse !... Non.
Le scélérat avait eu l'irrespect... Non plus.
L'irrespectueux scélérat était allé jusqu'à...
Enfin, bref, on me comprendra. Je renonce à développer une rhétorique de l'accusation alors que la simple lecture suffit à la comprendre.
Ce qui m'a fait rire, mais rire vraiment ! là, devant l'ordinateur !, c'est le moment où il a eu fabriqué son propre piège pour s'y jeter ! Renvoyer au paragraphe du JLR du 26 décembre, sans doute après avoir cherché Cayrol dans l'index, pour dire, par euphémisme, que je n'aurais pas été élogieux pour Cayrol !
Le texte du 26 décembre n'ayant ni ambigüité, ni ironie, ni double sens, il en découle une totale disqualification de Sans à comprendre quoi que ce soit. De lui-même. Et au vu de tous !
Du coup, pas étonnant qu'il emploie à son tour les mots à tort et à travers, et ce depuis fort longtemps sans doute. Quel sens a pour lui le mot « servile » ? Ce mot qu'il a ensuite la bassesse de ressortir de son galetas encombré de copies d'écran de tout ce qui pourrait méchamment servir un jour...

De plus, ces insinuantes nuances vulgaires concernent  tout le monde. Car selon Sans dont j'assemble le puzzle, tous les lecteurs sont des clients d'un servile tenancier. Ces mots qu'il lâche nous enferment dans une sorte de bouge, l'idéal et indicible lieu de sa jouissance, ou de sa vengeance. Mais je ne veux rien savoir de son histoire.
Pas un mot de plus, Sans !
Rentre sous terre, Sans !
Couvre-toi de cendres, Sans !
Éloigne tes « S » bifides, Sans, de ces terres virtuelles dédiées au bon entendement des mots !
Va déverser ton vil fiel sur d'invivables galaxies !
Ou mieux... Vois cette herbe là-haut ! C'est la ciguë ! Aie le courage virtuel de la boire ! Et dégage !

(Voilà, c'est fait. Je répète : le courage virtuel ; qu'il soit bien clair que je n'incite pas Sans à réellement se suicider..)

Maintenant, quelle leçon en tirer pour l'art du blog ? Certainement d'abord qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Des malfaisants mal comprenants de cet acabit ont évidemment existé de tous temps. Ils jouissent même parfois de positions fort enviables, ou fort puissantes, au point de mettre en permanence en danger la vie d'un grand nombre de personnes.
Plus récemment, depuis que nous avons des forums électroniques et des listes de discussion, nous avons bien remarqué et décrit comment un seul individu, un troll, je crois, peut pourrir un débat (en disant qu'à son avis telle question n'est pas intéressante, en lançant une insinuation ou une insulte qui sème la zizanie, etc.). Et tandis que je reprochais récemment à ceux qui font des blogs en y interdisant les commentaires, voici que par ce problème je pourrais être amené à les supprimer pour que l'on cesse de m'em...

Au fond, c'est l'aporie de la démocratie. Être tolérant avec l'intolérant, jusqu'à ce qu'il pervertisse tout le système (et ici, le risque que plus personne ne vienne me lire sans craindre, avant de cliquer, que ses yeux ne glissent et se salissent sur ce Sssss...). C'est pour cette raison, je crois, qu'il existe une zone paradoxale du concept de démocratie, face à des situations qui mettent la démocratie en péril et dans lesquelles elle s'autorise à regret et de façon fulgurante à être antidémocratique, à couper des têtes (l'hydre en a mille), à bannir...

On est loin du luxe de la connivence ! Aux antipodes ? Pas sûr. Mais quelques crans en-dessous, dans un autre lieu d'indigence, là où hasardeusement se produit ou ne se produit pas le minimum sémantique non pas d'une lecture mais d'une lisibilité.


Faut pas se laisser emmerder non plus ;-))
2005-02-13 00:54:00 de lysp

C'est bien !
2005-02-13 09:54:59 de Grapheus

Cette plante là haut, c'est pour faire des infusions purgatives ? Nom commun et latin siouplè...Depuis que je fréquente Richard sur son blog écolo-poétique je veux savoir... Mourir idiote ce n'est pas très marrant... Sans-Rancune et Sans-Adresse c'était beaucoup de sport en dehors des heures ouvrables et je suppose que vous avez vous aussi de temps en temps des envies de tête vide et de regard allégé...
Vieillir c'est aussi apprendre à décompter ses forces et ses abattis. Je regrette sincèrement que Sans n'ait pas compris à temps que le ticket ne correspondait plus au bon wagon.
La rétorsion est sévère mais elle est justifiée.

P.S Je suis allée hier chercher des livres de CAYROL à la FNAC Lyon Bellecour : Pas un seul exemplaire sur les rayons !
Chez mon Libraire des Nouveautés,non plus, alors je lui ai commandé trois livres , au hasard d'une liste tirée d'un ordinateur... Cela va être une totale découverte... Mais que faut-il lire en premier d'après vous ?
2005-02-13 10:15:30 de Marie.Pool

Bonnes questions. Je réponds dès à présent pour Jean Cayrol. Personnellement, je recommanderai "Poèmes de la nuit et du brouillard", "Je vivrai l'amour des autres", "Poésie-Journal". Ceci dit, je n'ai dû lire que la moitié de son oeuvre, ou moins...

Voir aussi : http://www.fabula.org/colloques/document61.php

Il dirigea une revue qui accepta et "forma", dit-on, beaucoup d'écrivains (Cf. Deguy, ici : http://www.histoires-litteraires.org/les%20articles/entredeguy17.htm).
2005-02-13 11:02:15 de Berlol

Un ouragan sur votre blog pendant que je gambadais. Seigneur, mais quelle mouche a piqué ce marsupial?
Ne vous faites pas un sang d'encre avec toute cette histoire, hein, mon petit Berlol. Vous êtes encore convalescent.
(je prends la cigüe pour l'octogénaire du 5ème étage, qui éructe sous mes pieds).
Dimanche, c'est trop létal.
2005-02-13 17:28:51 de Frédérique Clémençon

Vous avez ri. Pas moi.
Vous êtes trop fort pour moi. Dommage que les règles du jeu soient différentes selon les joueurs. Et je ne suis pas vraiment habitué aux mini-raquettes à manche souple.
Je suicide le marsupial "sans" (au whisky) et je m'engage à ne plus faire de commentaires sur votre blog.
Salut
2005-02-13 20:05:04 de Sans

Il n'y a pas matière à rire...ni à alcooliser un pseudo qui se prend un rateau qu'il a laissé lui-même traîner...Soyez honnête et reconnaissez vos maladresses et vos indélicatesses au lieu de retourner l'agression contre vous.
Présenter ses excuses n'est pas déshonnorant, ni lever le masque qui vous a fourvoyé. Vous coller une casserole de Troll devrait vous faire réviser vos convictions sur l'effet de vos invectives...Je vous souhaite autre chose que le mutisme rancunier."Les mini-raquettes à manche souple" n'existent que dans votre imagination, les règles du ping-pong sont officielles et très conventionnelles, les matériels sont homologués... les coups tordus ne sont pas les coups de génie qui (à tour de rôle) décontenancent l'adversaire. Et on se serre la main après chaque challenge... Question de courtoisie et de bon sens... Pour devenir "fort" il faut accepter d'affronter sereinement et de perdre souvent sans paniquer, c'est une question de travail sur soi et en situation d'exercice... On n'apprend jamais tout seul...
2005-02-13 21:58:51 de Marie.Pool

Ca me rappelle un épisode très peu sympathique, car totalement incontrôlé sur la fin. Il s'agit du mouvement pour les personnes âgées au Japon, mis en place par le médecin Nadainada (que Berlol connaît bien d'ailleurs).
Le site internet du dit-mouvement comprend lui aussi des forums, au sujet desquels Nadainada s'est demandé longuement s'il devait en contrôler l'accès, en instaurant des fiches d'internautes par exemple, afin que les non-membres n'y ait pas accès. Le problème était évidemment de limiter les trolls de la part d'opposés à l'aide des "vieux", voire de professionnels d'extrême-droite.
Finalement, bien fidèle à lui-même, Nadainada a décidé qu'il était anti-démocratique que de contrôler les accès, et a laissé la parole aux intolérants et aux opposants en soi au projet. Bref, il a laissé la parole à ceux qui ne nous la laissent pas. Au nom de la démocratie.
Résultat : les forums ont été torpillés.
Conclusion : comme le dit Berlol, la démocratie c'est le respect des règles communes, et certainement pas le respect de ceux qui ne respectent pas les règles communes.
Je ne souhaite pas entrer dans un débat sur le désordre sur internet comme fascisme (car je pense qu'il y a en réalité de tout). Mais il est certain que ces éléments que l'on y voit sont anti-démocratiques par essence, et donne à méditer à ce sujet.
Dans une revue sur la mémoire et les fascismes, il y avait une illustration résumant le problème, qui attend tout au bout la démocratie tolérante vis-à-vis de l'anti-démocratique. Un type en costume paramilitaire disait à un autre, qui représentait la démocratie :
« Je me confère des droits au nom des vôtres. Je vous retire vos droits au nom des miens. »
N'est-ce pas cela le problème, finalement ?
2005-02-14 03:29:29 de Arnaud

Oui, ou encore "la liberté des uns s'arrête où commence celle des autres", pour être encore plus classique dans ses références.
N'importe qui à le droit de critiquer ceci ou cela. Je pense que personne n'a mis cela en cause. Le tout est de ne pas se contenter de vendre du vinaigre, pour rester dans le champ de la relation de clientèle…
Sans s'est fait attraper les culottes baissées par Berlol (Sans culottes, quoi), en plein "trollage", comme on dit, et puis voilà tout. Pas de quoi en faire un mélodrame ridicule. Quand on argumente ou critique (où ça des arguments ?), il vaut mieux éviter de reposer sur du vent.
Quand aux adieux de Sans, c'est du Cyrano, parce que depuis le temps qu'il nous disait partir pour de bon avec froissements de cape et claquements de talons…
Tout ce que l'on peut souhaiter, à lui et à nous autres lecteurs, c'est que cette fois-ci il change vraiment de crèmerie.
2005-02-14 06:45:51 de Acheron

bel article de Michel Braudeau du journal Le Monde en hommage à Jean Cayrol :
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3246,36-397796,0.html
2005-02-14 18:21:52 de jcb

J'aime bien cette formulation de "minimum sémantique" reliée à la "lisibilité" dans le terreau des blogs... Merci, de développer...cela m'intéresse...
2005-02-14 22:25:58 de Marie.Pool

Voici la hp (en japonais) du Rôjintô, le Parti virtuel des seniors.
http://www.6410.jp/
2005-02-15 06:21:43 de Arnaud


Lundi 14 février. La littérature est une question d'honnêteté, dit Jauffret.

Suis allé sur le site du Monde pour voir de quoi il retourne (encore) avec le Seuil et Flammarion, sur la foi du Coq-à-l'âne, et ces chics aises que prend maintenant l'antisémitisme.
« Nous n'avons jamais été favorables à l'interdiction des livres. Mais nous avons toujours pensé que la publication relevait d'une responsabilité de l'auteur (mot qu'on devrait préférer à celui d'écrivain, pour rappeler l'autorité qui s'engage) et de l'éditeur », déclarent Bernard Comment et Olivier Rolin.

Suite du tour matinal par le Monde des livres où je trouve de quoi confirmer mon intuition sur le colonialisme comme point de départ du bordel ambiant, je m'en vais commander Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l'État colonial d'Olivier Le Cour Grandmaison (chez Fayard)...
« Avec Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’Etat colonial (Fayard, 365 p., 22 €), Olivier Le Cour Grandmaison poursuit une réflexion entamée depuis une dizaine d’années sur les effets des violences coloniales en Europe. Son propos : montrer comment des mesures d’exception, d’abord employées contre les « indigènes », vont peu à peu devenir la règle et être parfois importées dans l’Hexagone – ainsi à la veille de la seconde guerre mondiale, puis sous Vichy. La thèse prête à discussion. L’auteur, toutefois, l’étaye avec érudition et rigueur, se risquant à cet exercice difficile entre tous : comment penser la continuité et la rupture, l’avènement de l’absolument inédit (la Shoah) et les éléments ayant pu contribuer à sa mise en oeuvre, discrimination légale, internement administratif, notion de « race inférieure », etc. ?
C’est l’autre intérêt de ce livre. Pour faire face à la difficulté, Olivier Le Cour Grandmaison, maître de conférences en science politique à l’université d’Evry, a en effet opté pour un double refus : refus des frontières chronologiques figées et refus des cloisons étanches entre savoirs académiquement consacrés.
Il est en cela représentatif de toute une génération de chercheurs quarantenaires. Dans son dernier livre, Haine(s) (2002), il naviguait déjà entre histoire, philosophie et politique, s’érigeant contre l’enfermement dans une de ces disciplines aujourd’hui « moins défendues pour cultiver l’esprit que pour le contraindre », constate-t-il avec regret.

Votre titre est-il délibérément provocateur ?
Ce titre ne reflète aucun désir de provocation ou de polémique – c’eût été aussi dérisoire qu’irresponsable. Je me suis résolu à employer le verbe « exterminer » parce qu’il est couramment utilisé par les nombreux auteurs français et étrangers du XIXe siècle que j’exhume ici. Eux savaient que la conquête de territoires nouveaux en Afrique, en Amérique et en Australie avait souvent pour conséquence l’anéantissement physique d’une partie des peuplades vaincues. Tocqueville comme Michelet parlent d’« extermination » pour rendre compte du sort réservé aux Indiens d’Amérique du Nord pendant la conquête de l’Ouest.
Ce sont donc les liens entre la colonisation et l’extermination que j’ai souhaité analyser. Autre point essentiel : à l’époque, le mot « exterminer » n’avait pas le sens qu’il a depuis Auschwitz. Il ne désignait pas une entreprise génocidaire visant à détruire l’ensemble d’un peuple, mais des exactions individuelles ou des massacres de masse.

Vous analysez quand même la conquête coloniale et ses méthodes comme un « laboratoire » des violences extrêmes du XXe siècle. En quoi ?
Après avoir étudié les représentations des acteurs (hommes politiques, militaires...), j’examine les pratiques de l’armée française en Afrique lors de la conquête de l’Algérie (1830-1847) : massacres organisés d’individus désarmés (« enfumades »), razzias systématiques destinées à terroriser et à chasser les populations de leurs villages en y rendant la vie impossible, destruction de villes et bourgades. Et, déjà, le recours à la torture, les exécutions sommaires et la mutilation des corps. On assiste ainsi à une extraordinaire « brutalisation » des conflits coloniaux via la militarisation complète de l’économie, de l’espace et des populations. Ce processus résulte de l’abolition consciente, méthodique et durable de la distinction essentielle entre soldats et civils, champs de bataille et zones hors combat. Par opposition aux guerres conventionnelles, il me semble donc possible d’analyser les guerres coloniales comme des guerres totales, au sens où aucune borne ne subsistait, ni territoriale ni humaine.

Du colonialisme au totalitarisme, en somme… ?
Les origines de la guerre totale sont peut-être moins à chercher en Europe que dans les nombreux conflits qui se sont déroulés en Afrique notamment. C’est là que furent conçues certaines techniques de destruction, introduites au XXe siècle sur le Vieux Continent par des régimes politiques d’une radicale nouveauté. Ces derniers les ont perfectionnées pour les rendre plus meurtrières que jamais. D’autres techniques, en revanche, se sont avérées totalement inédites.

N’est-il pas excessif de parler de « racisme d’Etat » sous la IIIe République ?
Non, si le « racisme d’Etat » se reconnaît à ce que des mesures discriminatoires, reposant sur la combinaison de critères raciaux, culturels et religieux, sont votées et appliquées dans des territoires donnés. Or le code de l’indigénat (1881) me semble être un monument du genre ! Considéré par des juristes prestigieux de l’époque comme une « monstruosité juridique », ce code prévoyait infractions et peines spéciales pour les « Arabes ». Il fut par la suite étendu aux autres territoires de l’Empire. D’un côté, l’Etat de droit destiné à une minorité de Français et d’Européens installés dans les colonies. De l’autre, pour les « indigènes », un état d’exception permanent. Cette situation a perduré jusqu’en 1945.
Propos recueillis par Alexandra Laignel-Lavastine
Je reprends le GRAAL que j'avais laissé entre les mains guyotateuses de François la semaine dernière. Notre salle de la Maison franco-japonaise étant exceptionnellement occupée ce soir, nous avons rendez-vous dans le hall de... l'Institut franco-japonais — lieu à ne pas confondre avec le précedent (près de dix kilomètres les séparent). À 17h15, on renonce à attendre François (qui a donc confondu...) et l'on s'en va officier dans un café de Kagurazaka, avec des chocolats offerts par Fumie et Bill pour la Saint-Valentin. Je traite d'abord des deux sujets ci-dessus puis je fais une présentation d'Alain Fleischer. Photographie et arts plastiques, avec documents du Forum des Images, puis choix de multidisciplinarité plutôt que de transdisciplinarité (Cf. interview Exporevue), enfin projet balzacien qu'on lui prête... Pour finir, nous lisons les premières phrases de La Hache et le Violon. Comment un cadrage (fenêtre) contient un petit événement (instantané) qui révèle un point de vue (fausse fin du monde puisqu'annoncée par un narrateur qui se situe après...). La semaine prochaine, nous découvrirons la parabole totalitaire de 1933 et le fil de l'histoire amoureuse.
Apothéose au dîner chez Peter. Un menu de Saint-Valentin excellent de bout en bout, accompagnant nos vineuses élucubrations sur Nietzsche, Heidegger et Derrida, mais dont je retiendrai surtout la sériole (鰤, buri, le gros à côté du fugu) sur daikon, tranche frite sur tranche grillée, sauce translucide, aux herbes, légèrement acide...

Dans Lire, une interview avec Alain Fleischer et Régis Jauffret, dans laquelle ce dernier déclare une chose superbe :
« Qu'importe les oppositions [entre Fleischer et lui], réelles ou pas. La seule chose qui compte, c'est que la phrase soit irréprochable sur le plan éthique. Nous sommes entourés de gens malhonnêtes de ce point de vue, et la littérature est une question d'honnêteté.»


À l'horizon moins large, mais tout aussi sanglant :`Massacres coloniaux" de Yves Benot - 1944-1950 : la IVe République et la mise au pas (!) des colonies françaises,
Poche/découverte. C'est préfacé par Maspéro.
... Et il nous faut donc encore relire Guyotat.
2005-02-15 06:56:10 de Grapheus

C'est bon Yves Bénot. J'ai beaucoup apprécié son livre sur la Révolution et les colonies, ainsi que celui sur la démence coloniale sous Napoléon.
Pour tout ce qui est présenté ici par Berlol, je pense que c'est très important. En un certain sens, cela semble évident qu'il y ait d'immenses continuités entre la pratique et la violence coloniales d'une part, et d'autre part la guerre totale entre États-nations occidentaux au 20e siècle — non pas que cela soit la même chose, mais parce qu'il faut bien considérer les continuités. Je trouve qu'il est plutôt étonnant qu'on s'en étonne encore aujourd'hui, notamment lorsqu'on connaît l'histoire de la médecine en Allemagne après 1870, et il faut également soulignercet 'épistémè moderne qui saisit l'Homme avant tout comme biologique, inséré dans une hiérarchie raciale et dont le sens suprême se trouve dans sa relation avec une totalité de Peuple.
Quand on considère les bases que le 19e siècle a mises en place (et notamment la France et l'Allemagne), le 20e siècle n'est pas du tout étonnant. Même s'il reste effroyable, bien sûr.
2005-02-15 09:08:19 de Arnaud

Un autre auteur, Enzo Traverso, défend la même thèse de la continuité dans un ouvrage excellent, dont le titre indique bien la perspective: La Violence nazie. Une généalogie européenne. Le deuxième chapitre est consacré aux colonialisme exterminateur, à ce que Hannah Arendt appelait déjà les "massacres administratifs". C'est un livre très informé, on y trouve toute une progéniture d'idéologues qui ont participé à cette "biologisation de l'histoire" dont parle Arnaud (bonjour Arnaud!). Je ne sais pas quel âge a Traverso (la quarantaine?) mais il me semble faire partie de cette génération nouvelle d'historiens, las des carcans et de la rigidité des "frontières chronologiques".
2005-02-16 01:18:31 de François Bizet

Bon ben voilà des lectures complémentaires... Merci à vous trois !
2005-02-16 02:29:22 de Berlol

Salut François.
Concernant l'histoire de la médecine en Allemagne et la montée du discours biologisant sur le peuple, ainsi que l'eugénisme, je conseille l'excellent et monumental traval de Paul Weindling, toujours une référence incontournable sur cet immense sujet : Health, Race and German Politics between National Unification and Nazism, 1870-1945 (Cambridge University Press,1989).
2005-02-16 02:48:51 de Arnaud

Deux textes pour poursuivre
Noirs dans les camps nazis de Serge Bilé au Serpent à Plumes
Hitler, l'Europe etla Shaoh de Robert S. Wistrich, chez Albin Michel Histoire
2005-02-17 17:53:10 de hecate

Merci pour ces références.
Je me permets cependant de noter, juste au passage, que je ne sais si une discussion sur la violence au 20e siècle doit se focaliser sur le nazisme. Bien sûr, le nazisme en constitue l'apogée et est unique en ce sens. Mais beaucoup de recherches (dont celle que je cite plus haut) ont été menées justement pour se dresser contre une conception d'un nazisme qui serait arrivé d'un seul coup, comme une champignon après la pluie, dans la "haute civilisation européenne". Alors que, lorsqu'on voit les discussions sur l'amélioration de la race et l'eugénisme dans toutes les branches de la médecine en Allemagne, y compris les Juifs, dès la fin du 19e siècle, on comprend que c'est toute une époque qui était vérolée.
Et le livre d'H. Arendt sur les Origines du totalitarisme reste toujours excellent, soit dit en passant.
2005-02-18 02:27:00 de Arnaud


Mardi 15 février 2005. L'angle exact de la lance.

Me promenant dans les rues d'Ichigaya, je me disais tout à l'heure que les jours que nous vivons en ce moment, T. et moi, resteront dans nos mémoires comme ceux durant lesquels elle vint à bout des dragons, sans faillir. Son père, plus zen que jamais, a repris assez d'esprit, du haut de notre appartement du quatrième étage, pour être jugé apte à décider de lui-même. Ses sœurs se rabougrissent à vue d'œil dans l'espoir d'un procès qu'on ne leur fera pas. La fatigue, morale surtout, qu'il faut juguler en évitant de décider trop vite.

Quand j'ai vu tout à l'heure que Carle van Loo (alias Charles-André van Loo) était né il y a 300 ans — autant dire sur une autre planète —, j'ai senti une vibration de l'espace-temps, je me suis demandé pourquoi son nom me disait quelque chose.

Non pas comme nom connu puisque je connais ce nom d'une famille d'artistes, les van Loo, dont Carle n'est peut-être pas le plus connu. Et je reconnais ce nom sans hésitation.
Non, plutôt un titillement personnel, quelque chose attaché à ce nom et qui n'est pas le nom lui-même, et qui m'est beaucoup plus personnel, mais enfoui, un souvenir peut-être. Le plus simple est d'essayer de voir ses œuvres jusqu'à ce qu'un détail, peut-être, ramène quelque chose de mes fonds vaseux...
J'ai trouvé sa toilette de Vénus, mais c'est ici d'un autre titillement qu'il pourrait être question... Son Énée portant Anchise me rappelle des lectures d'école. Et plus récemment le film américain. Mais il ne s'agit pas de ça. Par contre, lire que ce tableau était dans la collection de Louis XVI me fait souvenir d'une chose que j'ai oubliée d'écrire hier : que pour le prochain trimestre du GRAAL, d'avril à juillet, nous avons choisi Un Pedigree de Patrick Modiano et Louis Capet, suite et fin de Jean-Luc Benoziglio, remisant à plus tard L'Africain de J.-M. G. Le Clézio. Côté Graal, il y a aussi une nouvelle traduction partielle de la Queste, spécialement pour l'agrégation.
Oui, bon, van Loo, alors... Sa résurrection n'a rien réveillé en moi. La Pompadour, c'est du jasmin qu'elle tient dans sa main ? Et puis j'ai enfin vu comment était le Soufflot (Jacques-Germain) qui donne son nom à la rue... pas terrible.

Le déclic est venu quand j'ai vu son Saint-Georges terrassant le dragon. L'angle exact de la lance, la spirale de la queue, les regards convergents du cheval cabré et de l'homme auréolé, je me souviens soudain de les avoir parfaitement connus.
D'un battement de cils, je traverse les décennies pour retrouver le livre sur la peinture que l'on m'avait offert quand j'avais six ou sept ans et qu'extatiquement je feuilletais des heures entières. Cent ou cent cinquante œuvres reproduites en petit format, deux ou trois par page, réparties en chapitres historiques et géographiques...
Il y avait deux Saint-Georges et le dragon, dans ce livre, celui de van Loo, que j'aimais bien, et celui que je préférais pour sa totale irréalité, celui d'Ucello (version de 1456, maintenant à Londres, parce que je ne découvrirais la version de 1460, maintenant à Paris, que bien des années plus part) : les ailes océlées du dragon, la laisse qui en fait un animal domestique (et pourquoi le tuer, alors ?), la coiffure comme japonaise de la femme, la spirale de la queue du dragon qui vise le tourbillon des nuages...
Mais ce n'est que maintenant que je remarque que le dragon de van Loo est femelle.


Moi, c'est ton "jasmin" qui m'a rappelé quelque chose.
La bouteille de thé que j'ai laissée dans le frigo au bureau.
Merci!
Oui, bon, ben quoi, un peu de banalité de temps en temps, ça ne fait pas de mal, non?
2005-02-16 06:00:59 de Manu

Petites et grandes remembrances sont sœurs jumelles
Toi et moi n'aurons bientôt plus besoin de mail
Et hop ! A qui d'écrire les deux prochains vers ?
2005-02-16 13:10:57 de Berlol


Mercredi 16 février 2005. Il n'y a guère que la pluie qui ne soit pas encore immatérielle...

Tremblement de terre pendant la nuit.
Je me colle contre T. Elle me rassure, au milieu des secousses : « ... pas grave, c'est seulement horizontal...».

Pluie et froidure. Passage à la banque pour effectuer un transfert vers l'agence de voyage, en vue de mon voyage en France en mars. Pour la première fois, j'ai effectué en une dizaine de jours tout le processus renseignements / réservation / devis / confirmation / paiement / envoi de voucher sans aucun vis-à-vis ni courrier postal (encore est-ce moi qui ai préféré attendre une semaine pour aller payer...). Tout est entièrement dématérialisé, sans gêne ni ostentation de la part du personnel de l'agence. Outre les courriels échangés avec la personne qui s'occupait de mon dossier, j'ai reçu d'elle deux documents au format pdf (le devis il y a quelques jours et le voucher cet après-midi). Encore fallait-il que je sois déja référencé auprès de cette agence de voyage, que mon numéro de passeport corresponde, que mon transfert soit contrôlé, etc. C'est un grand progrès. Et l'indice que tout est sécurisé ou assuré en amont, même si cela reste invisible.
Il n'y a guère que la pluie qui ne soit pas encore immatérielle...

Re-plongée dans une longue correction d'épreuves pour des Actes de colloque à paraître.

« Il est impossible quand on écrit tous les jours de faire autre chose que de noter chemin faisant ce qui vient de vous toucher. C'est ce que j'ai fini par faire presque sans m'en douter, en tâchant pourtant que ce livre de notes fût aussi impersonnel que possible.» (Victor Hugo, Choses vues, 29 juillet 1847)
En voilà un qui aurait été un sacré blogueur !


Jolie phrase poétique de T. En pleine nuit !!! Chapeau !!
2005-02-18 23:27:30 de Au fil de l\\\'O.


Jeudi 17 février 2005. Les mains plongées dans du sacré.

Chaises musicales au Monde et au Monde des Livres. La partie continue. Mais qu'est-ce qu'il y a sous la rigolade ? Des sous, des places, des rentes éditoriales... Misère !

Trouvé par hasard en cherchant à vérifier des vers, un fac-simile truqué des Fleurs du mal. Hélas, partiel ! À moins que ça suffise comme ça. Après, ça ferait procédé. Jean-Sébastien Rossbach semble d'ailleurs avoir bien d'autres cordes à son arc. Mais n'est-ce pas trop chic pour être sincère ?

Suite des corrections d'épreuves signalées hier.
Aussi, bien que je me déplace à l'Institut franco-japonais pour les aller écouter, n'ai-je pas la disponibilité d'esprit pour apprécier pleinement les propos de Yuko Tsushima et Philippe Forest. Certes ils ont chacun perdu un enfant et c'est tragique, insurmontable, à l'échelle individuelle — et je n'ironise pas, je ne me permettrais pas. Kenzaburo Oe était dans la salle, modestement. Il n'a même pas pris la parole.
Le juste propos des deux conférenciers, intelligemment modérés par Corinne Quentin, était de montrer comment la douleur, le refus, la difficulté de vivre la perte de l'enfant ont été investis dans une création littéraire à part entière, qui n'est pas juste un témoignage, un exutoire, un cri. Fort de ses études littéraires, comme le lui dit Tsushima, Forest a su faire un livre complexe au titre mallarméen et oxymorique : L'Enfant éternel. Ce qui a mis en marche un autre livre, puis un autre. Difficile de s'empêcher de penser à de la compulsion. De mauvaises langues parleraient de filon (j'en ai entendu). Moi, je le crois sincère : il suit une voie, comme on dit en montagne.
Étant une femme dans un monde de brutes, le Japon, surtout vingt ou trente ans en arrière, Yuko Tsushima a forcément autre chose à dire. De façon presque sarrautienne, elle parle des assauts de son écriture contre la langue figée des douleurs toutes faites, telles qu'on les entend dans les médias, contre la langue morte que tout le monde veut entendre pour enterrer plus vite les morts, contre le prêt-à-porter du deuil. Philippe Forest dit d'elle qu'elle l'a aidé à trouver un moyen littéraire pour le pathos, qui serait selon lui devenu impraticable dans la littérature française actuelle. Je ne comprends pas très bien ce que cela veut dire, mais c'est de ma faute puisque je n'ai lu ni Forest ni Tsushima.

Une heure plus tard, je m'interroge. Si la légitimité des œuvres est indiscutable (je parlerai de leur qualité quand je les aurai lues moi-même), c'est peut-être leur réception qui pose problème. Les deux le disaient, ils ont ressenti, dans leur entourage proche ou littéraire, une sorte de réticence, de réserve, voire d'agressivité à l'encontre de leur œuvre inspirée du deuil (c'est comme cela que je choisis temporairement de l'appeler). Dans le même temps, ils ont reçu de nombreux témoignages de gens qui, ayant vécu la mort d'un enfant, se confient à eux ou les remercient d'avoir su..., d'avoir su quoi ? Exprimer quelque chose à leur place, quand ils n'arrivaient pas à le faire ? D'avoir été leur porte-parole ? Leur porte-deuil ? Oui, sans doute qu'à de tels moments il est normal de chercher une bouée, de chercher à s'accrocher à quelque chose, de trouver une voie vers le deuil. Qui le leur reprocherait ?
Mais alors que devient l'œuvre littéraire ? Rejetée par ceux qui s'intéressent à la littérature mais ne sont pas (ou refusent d'être) concernés par le deuil, et dans le même temps prise au premier degré par ceux qui le sont trop. L'œuvre inspirée du deuil aurait-elle une réception impossible ? L'impossibilité de la réception de l'œuvre inspirée du deuil serait-elle symptomatique d'un malaise dans nos sociétés, ou constitutive d'un genre littéraire aporétique ? Car après tout, il s'agit de créer, de générer, de donner vie à une forme artistique en transmutant son défunt, la chair morte de sa chair. Les mains plongées dans du sacré, dans du sang sacré, dans du vivant mort pour mouler l'œuvre, qui sera une autre forme de vie, catharsis pour les uns, obscénité pour les autres.
Et pour Tsushima et Forest, qui sont chacun les premiers lecteurs de leurs livres, pendant qu'ils les écrivent, ou quand ils corrigent les épreuves ? Comment ça se passe ? Avec des mots différents, ils ont dit qu'ils en étaient insatisfaits, qu'ils avaient approché d'un but qu'ils sentaient confusément mais qu'ils ne l'avaient pas atteint, qu'il faudra recommencer avec un autre livre. D'où la compulsion. D'où la voie. On revient ainsi à une sorte de légitimité de toute sincérité. Puisque tout est vain, autant se consacrer à ce qui sourd en soi. Celui qui écrit sur les morts n'en sera pas sauvé pour autant, mais il sculptera et scellera sa pierre différente dans le pavement de l'humanité.


Diificile sujet, certes, mais en vous lisant, cher Berlol, j'ai pensé surtout à ces textes de deuil si beaux, si forts, si profonds que sont les oeuvres, toutes du registre de la poésie il est vrai, de Roubaud, de Michaux, de Deguy, de Ancet, de Valente, de Rouzeau, pour n'en citer que quelques-uns, ou plus récemment le coeur du livre de Grozdanovitch sur le thème de "nos morts".... ; les livres que j'évoque ne concernent pas il est vrai le deuil d'un enfant (sauf Valente) mais le deuil d'une femme, d'un père, d'un ami. Ces textes là ne posent pour moi aucun problème de légitimité. Et il n'y aucune ambiguité entre oeuvre littéraire et témoignage. On est pleinenent dans le registre du littéraire.
J'ajouterai que j'ai essayé de lire Sarinagara de Forest qui m'est tombé des mains, en dépit des thèmes abordés (le haïku, Issa, le deuil précisément....) mais je n'ai pas fait preuve jusqu''à présent de beaucoup de persévérance. Quelqu'un me convaincra-t-il de m'y remettre....
2005-02-18 15:45:31 de florence Trocmé

Bel avis de Florence. Que je partage.
En ajoutant que le genre choisi (autofiction ou roman du je, je vois pas ce que la seconde dénomination dit ) pour dire la douleur me rend méfiant, et encore plus s'il est suivi de conférences : le propos peut être différent, j'aurais trouvé le geste aussi indécent que si les auteurs étaient allés témoigner télévisuellement à "ça se discute". Peut-être bientôt écriront-ils des livres en "autopathographologue" ou "pathographologue du je" :d
Permettez que je voie l'oxymore jusque dans le rapprochement Mallarmé-Forrest. Quand l'un n'aboutit pas, par excès d'exigence, à un livre (fut-il avec majuscule) ni même au poème pour Anatole, l'autre en produit trois dont il se dit insatisfait.
A propos de Michaux, il y a un poème qui dit la douleur de la perte de l'enfant, même s'il est aussi délicieusement cruel sur l'enfantement ("Eh bien, enfanteur de malheur ! Tu cries à ton tour ! Tu cries, trouvant avec sûreté par l'oreille le chemin de la peine des autres.", j'imagine comme ça claquerait en exergue du livre de Forrest à la place de celle choisie), qui dit à la fin cette douleur avec une légéreté si dérangeante et si lourde de sens :
"Sa mère en eut chagrin et misère, se consumait en y songeant, tout devenait noir devant elle et sans intérêt. Moi ? Eh bien ! de quoi qu'il s'était mêlé ce damné ours ?
Peut-être me serais-je fait un jour à l'idée d'être père ?"
("Tu vas être père", 1943)
2005-02-18 17:18:43 de Bartlebooth

Je ne m'avancerai pas en ce qui concerne Forest, "Sarinagara" attend encore que je le lise et je n'ai pas lu "L'Enfant éternel"... En revanche, en ce qui concerne Tsushima, dont j'ai lu "Vous, rêves nombreux, toi la lumière" (Piquier), le travail d'écrivain ne se résume pas à un "témoignage" de la douleur d'avoir perdu un enfant !!! Loin de là... Il y a un rythme, u souffle (même si je n'ai lu que la traduction cela se sent !!) et un véritable travail sur la langue. Par exemple (Tsushima a donné une conférence à ce sujet à Paris 7 il y a 2 ans) tout le roman non seulement joue sur l'alternance des chapitres écrits à la première personne du singulier et ceux écrits à la troisième. Déjà, cela instaure une distance entre ce qui est narré, l'écrivain et la narratrice qui se répercute sur le lecteur. De plus, ce qui malheureusement disparaît dans la traduction, car rien ne le signale (comme si c'était une chose normale, alors que cela ne l'est pas du tout dans la pratique japonaise aujourd'hui), tous les chapitres écrits à la première personne ne sont écrits qu'en hiragana !! Ce qui instaure, donc, un double rapport de distance au texte. Sans conteste, il y a une véritable écriture et un enjeu littéraire profond chez Tsushima... A qui, par ailleurs, je tire mon chapeau bien bas, car non seulement elle a perdu un enfant, mais elle a aussi perdu son père alors qu'elle était très jeune (il a fini par réussir un suicide après de nombreuses tentatives ratées... Il s'appelle Dazai Osamu...). Heu, si je ne me suis pas mélangé les pinceaux... En tout cas, son père était un grand écrivain reconnu au Japon, et suicidaire qui a fini par ne plus se rater... Il me semble bien que c'est Dazai...
2005-02-18 23:20:34 de Au fil de l'O.

Oui, oui, c'est Dazai.
Vos trois avis sont très très intéressants. Cela prolonge ma réflexion...
2005-02-19 00:01:41 de Berlol

la perte d'un être cher ou proche est une des expériences les plus éprouvante qui soit pour l'être humain, même si elle est abordée et vécue différemment selon les civilisations les individus et les époques. La littérature a donc aussi abordé ce problème ou cette expérience, comme les autres...et depuis toujours,et elle est donc très riche en titres concernant ce thème. Ce n'est pas le sujet qui fait la littérature mais le texte et l'écriture. Je ne vois donc pas en quoi choisir le deuil comme "sujet" ou "prétexte" empêcherait qu'il puisse s'agir de littérature. Tout dépend du résultat ! J'ajouterai que suite à la mort de mon frere, seule la littérature m'a fourni une "voix" acceptable et audible, et elle m'a accompagné et aidé plus que tout autre discours ou condoléances habituels à supporter cette épreuve.
2005-02-19 05:18:45 de jcb

Peut-être que les deuils que tout un chacun traverse à un moment ou à un autre de la vie ne sont que des figurations douloureuses parfois insurmontables de tout ce qui manque fondamentalement et plus ou moins brutalement ( la conscience qu'on peut en avoir face à l'événement ou au sentiment d 'insécurité) à la vie désirante.A chaque fois que nous devons renoncer à quelque chose nous effectuons sans toujours le savoir un deuil ,c'est à dire un "travail psychique et émotif" qui vise à colmater une faille, une béance plus ou moins grave et qui revient de façon traumatique lors de la perte d'un être cher. Certaines pertes ou certains manques rendent le deuil difficile, cahotique, inacceptable , voire impossible. L'environnement joue un rôle important dans ce processus.Mais certains endeuillés recherchent la solitude, le retrait, le rameutement intérieur des pensées,ils ferment les écoutilles pour empêcher l'effraction par toute douleur supplémentaire, ils optent aussi parfois pour l'anesthésie (Certains disent : "c'est curieux je n'ai pas pleuré au moment ou les autres pleuraient"). Le deuil est une affaire intime qui est pourtant contrôlée par la culture et les normes qui s'y rattachent.
Pour moi, la littérature est"Le grand jardin des morts", on s'y promène avec plus ou moins de détachement ou de compassion. On y lit des épitaphes plus ou moins consolantes, on peut le traverser sans jamais imaginer que toute écriture procède d'un appel face au manque ontologique qui se déguise en profusion de mots . La "voix" acceptable de la littérature dont parle JCB, c'est la voix qui décolle l'affect personnel de sa représentation possible par d'autres qui portent le deuil symboliquement et collectivement. Rien n'est plus émouvant que le corps d'un défunt porté sur les épaules des siens ou des familiers dans un silence où la musique sans mots absorbe le sanglot. Le sacré, même profane,se niche là.
Dans cet accompagnement que la littérature prolonge et embellit. Nous avons besoin de maisons solides ou de ciels lumineux pour nos douleurs, nous avons besoin d'alcôves et de refuges aux lueurs atténuées aussi. La valeur littéraire d'un texte sur le deuil dépend du lecteur qui s'en approche.
Je n'ai jamais aimé les péplums de la littérature qui ne comptabilisent même pas les morts au nom de la moindre importance de toute vie humaine.
2005-02-20 11:54:56 de Marie.Pool

vient de paraître :
Deuil et littérature, textes réunis et présentés par
Pierre Glaudes et Dominique Rabaté, revue Modernités, n° 21, Presses
universitaires de Bordeaux, ISSN 0986-6019, ISBN 2-86781-349-2
http://www.pub.montaigne.u-bordeaux.fr/FicheOuvrage.php?OUV_CMD=719
2005-03-29 16:59:25 de Bartlebooth


Vendredi 18 février 2005. Les cols blancs deviennent chatoyants.

Troisième jour consécutif de correction d'épreuves. J'achève enfin ma pile de feuilles vers 18 heures, après y avoir travaillé deux heures le matin et deux heures l'après-midi. Entre temps, il a fallu que je fasse place nette à la maison. En effet, T. recevait avocats et médecins pour faire avancer la situation de son père, affaire de famille dans laquelle elle souhaite me voir intervenir le moins possible — d'autant que si j'interviens, il faut traduire, réexpliquer, etc. N'allez pas croire que je sois léger et que je me défile : j'ai proposé mes services mais, cette famille étant déjà installée dans une guerre de tranchées et d'escarmouches longtemps avant mon arrivée (plusieurs siècles, pour tout dire), ils ont été refusés.
J'ai donc emballé mes feuilles à corriger, mon ordinateur portable, un data stick de 64 mégas pour les sauvegardes, L'Africain de Le Clézio emprunté à la médiathèque de l'Institut et René Leys parce qu'il faudra bien que je me décide à préparer le cours de demain.
Comme convenu, je suis d'abord allé dejeuner avec Manu, au Champ de soleil de Kanda, restaurant d'obédience belge pas loin de son boulot et où l'on a toujours la gentillesse de nous offrir le dessert par fidélité à un vieux copinage. Cela nous a permis de parler de l'organisation de plus en plus compliquée de sa vie avec sa femme puisqu'ils vont avoir un second enfant et qu'elle ne souhaite pas pour autant arrêter de travailler (après les congés de maternité), ce qui est toujours aussi mal accepté par la société japonaise, c'est-à-dire qu'on ne vous reproche rien directement, quoique parfois..., mais que rien ou presque n'est prévu pour (aménagement du temps de travail, relations avec collègues et supérieurs, horaires de crèches, de médecins, etc.). On a aussi parlé du JLR, mon enfant à moi, puisque maintenant on est des papas ce qui nous change de l'époque il y a quatre ou cinq ans quand on était des jeunes qui n'avaient pas encore charge de famille ah ça va vite mais bon il faut bien faire face bébé ou blog le problème c'est le temps alors qu'il y a plein d'autres choses qui nous en bouffent sans arrêt mais on a des satisfactions t'as vu tous ces commentaires c'est dingue quelquefois quoique là depuis trois jours c'est super calme tu crois que ça veut dire quelque chose il y a des vacances scolaires en France enfin bon moi je m'en fous je l'ai déjà dit c'est pas pour les commentaires l'audiâânce que j'écris d'ailleurs si l'on se fiait à ça ça voudrait dire qu'il n'y a que douze ou quinze personnes qui lisent mais je sais qu'il y en a beaucoup plus et des gens que les commentaires de quelques-uns intimident d'ailleurs mais tu sais pas combien t'as pas mis de compteur nan sans doute plusieurs millions naaaan je déconne (en plus, c'est même pas ça qu'on a dit à la fin, j'ai laissé mes doigts sur le clavier, et voilà...). Enfin, on a bien rigolé quand même et le déjeuner était bon. J'ai pris des spaghettis sauce tomate à l'ail, un truc que même des heures après T. me reproche...
Manu ramené à son bâtiment — c'était sa pause déjeuner —, je suis allé me promener un peu dans le quartier de la gare de Tokyo. Il y a dix ans, je m'en rappelle, je n'aurais pas passé une heure dans cette zone hostile et austère uniquement habitée de cols blancs robotisés. Mais depuis trois ou quatre ans la transformation est radicale, les cols blancs deviennent chatoyants, salarymen et office ladies peuvent dépenser sur place. Suite à la réfection du Marunouchi Bldg, c'est tout le quartier qui a été pris d'une frénésie de nouvelles architectures, d'art contemporain, de zones piétonnes à nature intégrée, de boutiques de luxe et de cafés chics sertis dans les maisons-mères des banques et assurances, de sous-sols réticulés comme s'il faisait moins cinquante en surface. C'est commercial, monumental, animé, dynamique même, mais ça reste artificiel. Je pense qu'il n'y a pas un appartement habité par un particulier à trois kilomètres à la ronde.
Dans l'énorme tour construite au sud-ouest de la gare, il y a, sur trois ou quatre étages, une grande librairie Maruzen que je voulais voir depuis des mois. Du quai où je prends chaque semaine le train qui me ramène à la maison, j'ai vu les fondements, les travaux de construction, puis les marbres et les vitres d'habillage, puis les premières enseignes et depuis quelques mois des clients à l'intérieur. Quels fumeux brainstormings ont abouti à nommer cette tour OAZO ? Je doute qu'on le sache jamais. Son rez-de-chaussée a un large hall avec des bancs simili-cuir qu'occupent une majorité de cadres mobiles rivés à leur portable, ordinateur ou téléphone, parfois les deux à la fois. Personne n'a d'attention pour une copie grandeur nature du Guernica de Picasso. Les guerres commerciales dans lesquelles nous sommes ne sont même pas représentables — en tout cas, les artistes y peinent.
Là où le contraste — le mariage ? — m'a paru le plus harmonieux, dans un de ces ensembles postmodernes et fonctionnalistes où le souci n'est pas souvent celui de l'harmonie, c'est dans l'orientation de la grande façade de verre vers la vieille gare de brique rouge. Du grand escalator, orienté spécialement pour cela, j'imagine, on a ce panorama mobile et lumineux finement quadrillé par les structures de la verrière. En été, cela chatoiera bien mieux dans l'OAZO, on s'y rafraîchira en dégustant un café glacé au milieu du hall climatisé, en pensant au protocole de Kyoto et au rapport qu'il peut bien y avoir avec Guernica...
Pour l'instant, c'est encore l'hiver. Je suis revenu sagement à la médiathèque de l'Institut pour finir de corriger mes épreuves. J'y ai encore trouvé des césures à coucher dehors, comme si notre éditeur français ne disposait que de logiciels en version étrangère. Vers 18h30, T. m'a rejoint, elle avait besoin de prendre l'air, les choses avancent, on va vendre la maison de son père sans attendre l'accord des sœurs de toute façon improbable puisque pour elles il s'agit du patrimoine familial, de leur héritage et non du moyen de payer les frais médicaux de leur père...
On a rejoint son cousin et son amie pour aller dîner dans un restaurant chinois. Rapidement, parce qu'il faut que je me mette au cours de Segalen de demain. Lecture et notes jusqu'à une heure du matin...


Samedi 19 février 2005. L'air pimpant de la prose segalenienne.

À partir des notes prises sur les pages 195-209 de René Leys de Victor Segalen, je m'en vais à mon cours dans la purée de pois... (Heureusement, l'Institut est tout près, je peux y aller les yeux fermés.) Mais ouvrir le livre, en discuter quelques lignes, entamer une réflexion qui n'est pas dans les notes et que je ne prévoyais pas, voilà qui éclaire la matinée et lui donne l'air pimpant de la prose segalenienne.
Avec lui, même dans le Pékin de 1911, ou surtout dans le Pékin de 1911... vous êtes toujours en même temps dans les cercles littéraires parisiens. Rien de nouveau sous le soleil, dira-t-on, et quand le narrateur de Segalen vous torche un de ses poèmes où « le Phénix-femelle reçut dans son nid le fils de l'Aigle Etranger » (p. 199), il est difficile de ne pas y voir une charge contre un Rostand propulsé à l'Académie française après deux pièces néo-classiques... D'autant que le thème de L'Aiglon correspond à l'un de ceux de René Leys, l'affaiblissement du pouvoir dans la progéniture débile.
Avec ces pages qui achèvent le troisième quart du roman, les chapitres raccourcissent, l'écriture traverse les genres, l'à-la-fois de tout nous emmène dans un tourbillon : Leys à la fois porté par la grâce aux plus hautes fonctions et soucieux de sa carrière comme un Jarignoux, le narrateur à la fois admiratif et ironique, à la fois confiant et inquiet, à la fois lui et l'autre, en fait...
À la fois pris ensemble dans le mouvement de l'écriture, l'humour, les jeux de mots, la liberté de ton mais aussi l'érudition, la prétention au sérieux, l'opacité symbolique font penser à un mélange instable de Jules Renard, de Mallarmé et de Pierre Louÿs... De quoi ne pas plaire à un Claudel, par exemple.

Déjeuner, repos, courses, rien de bien intéressant. Et puis dans cette purée de pois, tout se perd... Après le dîner chez Peter avec des amis (délicieux foie gras poëlé sauce cassis, s'il n'y a qu'une chose à retenir), T. et moi regardons un film enregistré automatiquement une de ces nuits, D.A.R.Y.L., film américain de 1985, moitié navet moitié expérimental, en tout cas beaucoup plus intéressant que A.I.


Dimanche 20 février 2005. Cette attitude tranquillement asociale.

Je croyais que j'allais passer une journée sans littérature, avec ping-pong, courses, ménage et des choses de ce genre. Or dès le départ, dans le métro pour Shibuya, vers une séance pongistique où je n'ai d'ailleurs guère brillé (mais c'est devenu chose courante maintenant (et encore merci à Hisae pour les délicieux chocolats !)), il a bien fallu que je me rende à l'évidence : Le Clézio arrivait, pour la première fois, à m'intéresser...

« Nous étions, mon frère et moi, les seuls enfants blancs de toute cette région [Ogoja, Nigeria]. Nous n'avons rien connu de ce qui a pu fabriquer l'identité un peu caricaturale des enfants élevés aux "Colonies". Si je lis les romans "coloniaux" écrits par les Anglais de cette époque, ou de celle qui a précédé notre arrivée au Nigeria — Joyce Cary, par exemple, l'auteur de Missié Johnson —,  je ne reconnais rien. Si je lis William Boyd, qui a passé lui aussi une partie de son enfance dans l'Ouest africain britannique, je ne reconnais rien non plus : son père était D. O. [district officer] (à Accra au Ghana, me semble-t-il). Je ne sais rien de ce qu'il décrit, cette lourdeur coloniale, les ridicules de la société blanche en exil sur la côte, toutes les mesquineries auxquelles les enfants sont particulièrement attentifs, le dédain pour les indigènes, dont ils ne connaissent que la fraction des domestiques qui doivent s'incliner devant les caprices des enfants de leurs maîtres, et surtout cette sorte de coterie dans laquelle les enfants de même sang sont à la fois réunis et divisés, où ils perçoivent un reflet ironique de leurs défauts et de leurs mascarades, et qui forme en quelque sorte l'école de la conscience raciale qui supplée pour eux à l'apprentissage de la conscience humaine — je puis dire que, Dieu merci, tout cela m'a été complètement étranger.» (J. M. G. Le Clézio, L'Africain, Mercure de France, 2004, p. 19)

Je ne prétends surtout pas que la spécificité de son enfance donne une clé de lecture de ses œuvres, mais elle rend la personne-même intéressante. Assez pour revoir à la sympathie l'avis méchamment drôle de Gombrowicz dans les années 60, que Bartlebooth citait récemment. Car c'est d'abord cette attitude tranquillement asociale qui nourrit le malentendu...

« La question sociale. Vous ne la prenez pas, en tout cas telle que je la pose, c'est-à-dire comme une question importante, comme une question en soi, comme une question sociale. Comme une question qui justement nous fait échapper aux identités, aux communautés, et qui est une grille de lecture de notre réel quel qu'il soit, universel, mondial ou national. Je pense à cela par rapport au discours qu'a fait Condolizza Rice à l'Institut d'Études politiques [...]. Mais quand elle fait son discours, elle parle, elle dit : nous sommes d'accord sur les menaces et puisque nous sommes d'accord sur les menaces, combattons ensemble pour la propagation de la liberté. Et quand elle énumère les menaces, ce ne sont que : armes de destruction massive, terrorisme, états criminels. Ce ne sont que des menaces de l'ordre de l'obsession sécuritaire. Les déséquilibres sociaux, les désordres environnementaux, tout ce qui fait qu'il y a des hiérarchies de classes, de pays, entre Nord et Sud, qu'il y a des gens qui ont faim, qu'il y a des gens qui gaspillent, etc. Tout ça n'entre pas ! Je pense aujourd'hui et je le pense vraiment, depuis ces vingt ans de deuxième restauration, comme dirait Badiou, de retour, au fond, du tout économique, je pense que la question sociale est un gros mot. Est un gros mot. Est un mot qu'on n'aime pas entendre.» (Edwy Plenel in Répliques sur France Culture, hier)

Grapheus tis a bien dit ce qu'il fallait penser de Finkielkraut et Plenel, de leur péguysme divergent (étonnant qu'à la troisième minute de l'émission on cite le bien pratique « divers [qui] décroît » d'un Segalen qui, ceci dit en passant, n'était ni républicain ni démocrate ni pugnace).
Pour ma part, je savoure l'interaction des mots de Plenel et de Le Clézio. Le rapprochement de leurs champs magnétiques pourtant lointains fait errer mon esprit sur un chemin littérocailleux où je me tords les pieds souvent — mais que je continue sans savoir où il me mène, tel le marcheur de Préhistoire de Claude Ollier.
Demain, le chemin passera par l'Afrique de Gallica et par les colonies de Bouge dans ta tête...
Frédérique, ça vous dit, un petit tour ?


Doux Jésus, j'ai des siècles de retard ! Vous qui me sollicitez, là, direct, dans le blog, et moi qui vous snobe... C'est triste.
Mais oui, Berlol, ça me dit.
(merci pour toutes ces dernières informations, j'étais sur une autre planète)
2005-02-23 18:36:01 de Frédérique Clémençon


Lundi 21 février 2005. Grugé sur toute la ligne.

Après avoir bien écouté Bouge dans ta tête de samedi, consacré à la colonisation et à l'ouvrage d'Olivier Le Cour Grandmaison, je me suis mis en quête du texte du Régime de l'indigénat instauré en Algérie dès 1881 (28 juin, si j'ai bien lu) et généralisé à l'ensemble des colonies en 1887. J'ai googlé à donf pendant une bonne heure ! Éh bien, je ne l'ai pas trouvé !
Le plus étonnant a été la découverte d'une sélection de lois archivées — (on se dit que ça va être pratique, et puis que c'est sérieux, ça, de la part de nos Institutions) — mais... dont beaucoup de liens sont obsolètes, et qui de toute façon ne recense pas le Régime de l'indigénat.
Cela ferait-il partie, inconsciemment, du négationnisme colonial ?
D'ailleurs, à bien lire la liste, il semble que l'on n'ait mis en ligne ici ou là (ou sélectionné pour cette liste) que des lois en quelque sorte positives, des lois que l'on peut juger encore aujourd'hui bonnes, utiles à la démocratie. Les autres, les stupides, les iniques, les racistes, les aberrantes, les délirantes, les inutiles, les honteuses, etc., on n'a plus besoin de les voir, s'est-on dit quelque part. Le vice, si je puis dire, est que cela donne à la suite chronologique à laquelle peut accéder le quidam moyen l'apparence d'un progrès constant, sous-tendu discrètement par une pensée téléologique d'une histoire progressiste.
Il me semblait qu'on était un peu revenu de ça, non ? En tout cas, un beau maquillage collectif et inconscient...

Je n'en ai lu encore que quelques pages, mais j'ai l'impression que L'Algérie et la Tunisie de Paul Leroy-Beaulieu (1887) va m'apprendre beaucoup de choses sur les mentalités de ce dernier quart du XIXe siècle... (Ci-contre, extrait de la page 2.)
J'ai beau essayer de me souvenir, je n'ai aucun souvenir de comment on m'a appris l'histoire coloniale quand j'étais à l'école, dans les années 60-70. Comme j'étais moi-même d'origine espagnole, je ne posais pas trop de questions et je laissais dans le flou. Quand j'étais ado, j'ai rencontré des pieds-noirs dont les propos me paraissaient bizarres mais personne pour m'expliquer quoi que ce soit. À l'école, j'ai eu des copains noirs mais on ne parlait jamais des questions familiales ou des origines. À la fac, j'ai eu des copains juifs qui essayaient de ne pas le montrer, ou de ne pas l'être, je n'ai pas bien su. Et quand une amie a fait sa maîtrise sur Élie Wiesel, on discutait avec ferveur de la Shoah et de la nécessité du combat pour la mémoire, même si moi je n'étais pas trop sartrien. Dans ce temps-là, je pensais que l'antisémitisme n'existait plus. Je me disais bien qu'il s'était passé des tas de choses pas nettes, en Afrique ou en Asie, en plus de ce que j'avais appris pour l'Europe, mais je croyais que c'était fini, qu'on passait l'éponge et qu'on avait décidé de l'égalité, de l'entraide, etc. Qu'est-ce que j'ai été bête ! Mais quand ai-je vraiment commencé à comprendre que j'avais été grugé sur toute la ligne ? En voyant Moi, un Noir de Jean Rouch à la cinémathèque de la fac ? En lisant attentivement Circonfession de Derrida ? Ce sont les deux titres auxquels je pense spontanément... Depuis, je lis tous azimuts et je n'en finis pas d'être déçu de mes congénères.

Au GRAAL avec mon ordinateur portable pour faire écouter Alain Fleischer qui présentait très intelligemment La Hache et le Violon dans Du jour au lendemain, le 28 octobre 2004. C'est tellement bel et bien dit, que je le mets ici (attention, 9,4 Mo quand même !). Il y a même des trucs qu'il dit, on dirait moi...

« Ça se projette comme se projettent les images d'un film. En direction de quelqu'un évidemment puisqu'on dicte à quelqu'un, moi je ne dicte pas à un magnétophone. Je dicte à quelqu'un qui écoute, qui saisit ce que je dis et ça me donne une très grande liberté d'écriture sans inscription. Écrire sans inscrire. Écrire en parlant. Retrouver cette oralité de la parole qui est en fait originelle puisqu'on sait qu'il y a des langues sans écriture et que ces langues sans écriture ont quand même produit des histoires, des mythes, des contes, etc. Maintenant, je me suis habitué à ce dispositif qui est très productif pour moi. [...] Je trouve beaucoup de commodité, de confort intellectuel à dicter, c'est-à-dire à parler l'écriture et à ne la regarder que dans un deuxième temps [...] Je ne travaille pas en reportant ou en allant consulter tout le temps des sources. J'ai quand même tout ça plus ou moins en tête. Même si c'est proche de moi. Mais parce que voilà depuis des années j'ai accumulé. Je me suis mis à écrire finalement assez tardivement et, ayant différé ce passage à l'acte, j'ai pendant des années accumulé non seulement des projets mais des matériaux. Donc, ils me reviennent tout d'un coup, dans telle ou telle circonstance, pour traiter tel ou tel sujet. Et à ce moment-là, bon, je peux replonger dans quelque document de référence mais finalement je retrouve tout cela comme une mémoire personnelle. Il y a un moment où ce qu'on a appris, ce qu'on a vu, ce qu'on a noté, ce qu'on a accumulé fait partie de l'identité, ça s'incorpore totalement à la mémoire et que la mémoire et l'imagination se mêlent dans un seul et même mouvement. [...] Je dicte absolument sans rien dans les mains rien dans les poches. Et d'ailleurs c'est une chose assez étrange et parfois impressionnante parce que quand je dicte, voilà, j'arrive sans notes, sans rien, sans préparation et il y a un moment où on ne peut pas faire attendre la personne à qui on dicte et on est donc sommé de dire quelque chose, il faut y aller, il faut se jeter à l'eau, il faut commencer. Et donc, quelle que soit la façon de commencer, il faut trouver les premiers mots, même si on considère qu'ils ne sont pas définitifs, si on pourra éventuellement les retoucher. Mais c'est très important pour moi, même, d'arriver à la séance, puisque ça ressemble à une séance, sans notes. Parce qu'à ce moment-là, il y aurait une sorte de tricherie. Je retrouverais dans la nécessité de consulter des notes un frein. Alors que dans la dictée, je suis dans un espace d'absolue liberté, sans aucune résistance de l'air.» (Alain Fleischer, de la sixième à la neuvième minute, à peu près...)


Merci de prendre souvent la peine de nous faire part de propos radiophoniques. Je sais la transcription fastidieuse...
Bien à toi,
Eric
2005-02-21 19:25:13 de Eric

ce serait à suggérer à Anne Brunel (Fr Culture) un système qui décrypterait même avec des erreurs la totalité de ce qui se dit à la radio (toutes les radios) et en ferait une masse texte brut, on pourrait lire à travers l'énorme masse, rechercher avec des mots clés, et quand quinze lignes de Fleischer ou de Berlol-on-dirait-moi résonnent plus en profondeur on fignole la transcription - ça ferait une drôle de mémoire du monde - au lieu d'avoir des webcams on installerait des micro-bars ou des micro-carrefours ou des micros-TGV-shinkansen qui nous donneraient comme le bruit sous les belles phrases de Sarraute - après tout, avec les systèmes de codage voix des ordis on pourrait essayer rnous-mêmes? ça pourrait à terme ressembler à "l'invention du monde" d'Olivier Rolin, 24h de toutes les paroles échantillonnées dans le monde entier
2005-02-22 07:33:33 de FBon

au fait, merci pour la rubrique "autres blogs" avec "comme ça du Japon" et "made in tokyo" ça fait voyager la tête, y reviendrai...
2005-02-22 07:40:29 de FBon

je garde d'ancienne frequentation du tchat yahoo-litterature, la copie d'un texte qui avait été publié en room. Il faisait reference à un bouquin que je n'ai jamais trouvé, parlant à vif de la colonisation, d'un autre continent cette fois. Je le livre ici , avec, je l'avoue, une idée derrière la tête : qui sait, certains disposeraient peut-etre d'une vieille édition (même en anglais) :
"…
Ce terrible fossé séparant les colonisateurs anglais du vaste monde asiatique n'a jamais été comblé. Il a toujours protégé un isolement antihumain, une méconnaissance totale des valeurs et de la vie indigènes.
Le colonialisme avait ses exceptions, comme il me fut donné plus tard de le vérifier. Brusquement, un Anglais du Club Service devenait amoureux fou d'une beauté hindoue.
Il était aussitôt expulsé de son poste et isolé comme un lépreux de ses compatriotes.
C'est aussi vers cette époque que les colons ordonnèrent de brûler la paillote d'un paysan cingalais, pour l'obliger à décamper et s'approprier ses terrres.
L'Anglais qui devait exécuter les ordres et raser la cabane était un modeste fonctionnaire. Il s'appelait Leonard Woolf. Ayant refusé d'agir, il fut suspendu de ses fonctions. Rendu à l'Angleterre, il y écrivit l'un des meilleurs livres qu'on avait rédigé sur l'Orient : A Village in The Jungle, chef-d'oeuvre de la vie authentique et de la littérature du témoignage, un peu et même beaucoup écrasé, il est vrai, par ceux de la femme de Woolf, la célèbre Virginia, grand écrivain subjectif de renommée universelle."
Neruda - J'avoue que j'ai vécu.
2005-02-22 09:43:15 de arte

Pour Arte : je n'ai pas le livre de Neruda mais je vais regarder à la bibliothèque de la fac. Sinon quelqu'un d'autre peut-être... J'ignorais que le mari de Virginia avait écrit. Ça a l'air intéressant, en effet.
Pour François : on va faire la suggestion à Anne mais je ne suis pas sûr que Laure accepte la dépense (matériel, personnel, espace de stockage, bande passante, etc.). Déjà les deux nouveaux canaux, c'est extraordinairement gonflé ! (ces jours-ci St-John Perse et Giono, Pierre Dac et francis Blanche, etc.).
Pour Eric : Comme tu t'en doutes, je le fais d'abord pour moi... Mais je suis content que ça serve.
2005-02-22 13:17:48 de Berlol

Juste un petit mot au sujet de la discussion très intéressante d'il y a quelques jours sur l'écriture du deuil. Aux nombreux noms déjà cités, je me permets d'ajouter ceux de Hugo, Mallarmé, Ungaretti, Miyazaki (même s'il s'agit de la mort de sa soeur... certains de ses poèmes sont d'une beauté et d'une pureté sidérantes)... Je crois que c'est Genet qui disait quelque part que l'on écrit toujours pour les morts.
On pourrait aussi s'interroger sur le silence d'autres écrivains, qui ont eux aussi connu un deuil majeur comme celui de la perte de leur enfant mais n'en ont pas parlé dans leurs écrits, laissant cette douleur-là dans un grand trou noir de silence... je pense en particulier à cet inconnu majeur que fut Michel Fardoulis-Lagrange.
Voir aussi les magnifiques portraits photographiques de ces morts de la deuxième moitié du XIXeme siècle, derniers instants d'immobilité fixée, les yeux parfois encore ouverts, avant le grand recouvrement de l'ombre... objet d'une très émouvante expo au Musée d'Orsay il y a quelques années et partiellement repris par Nathalie Rheims dans son livre intitulé "Lumière invisible à mes yeux" (Léo Scheer).
2005-02-22 15:07:14 de vinteix

Je ne connais pas du tout Michel Fardoulis-Lagrange. De qui s'agit-il ?
Pour le silence littéraire du deuil, on peut dire peut-être comme Fleischer dans "La hache et le Violon", quand la musique est interdite : le silence est encore de la musique.
Ici, quand la littérature est rendue impossible par la douleur, le silence de l'écrivain est encore de la littérature. Est-ce à quelque chose comme cela que vous faites allusion, cher Vinteix ?
Ce silence pourrait aussi laisser une trace en creux dans l'oeuvre postérieure...
2005-02-22 15:52:13 de Berlol

C'est très intéressant. Pas forcément étonnant quand je me souviens de ce que m'avait dit des chercheurs français tentant de travailler sur les archives de la Police à Paris, et qui se voyaient tout simplement opposer des refus de consulter (« Untel a déjà été nommé par le Ministère pour ce travail »), mais tout de même, ce que tu dis est effrayant.
2005-02-22 16:22:04 de Arnaud

Trés sensible également au sujet du colonialisme, sans doute parce que mon père a participé aux "événements" d'Algérie et que j'ai voulu en savoir plus. La lecture de Césaire me fut très marquante. Et, comme toi, un film de Jean Rouch, Les Maîtres fous, qui montre violemment les ravages du colonialisme.
L'hypocrisie de l'enseignement au lycée sur ce sujet entre autres m'énervait. Est-ce que ça continue ? Il faudrait faire l'étude, si elle n'existe pas déjà, du mensonge des manuels scolaires sur le colonialisme.
2005-02-22 17:41:43 de Bartlebooth

A Bartlebooth, sur les oublis des manuels scolaires
Oui, ça continue, puisqu'on n'évoque guère - et très rapidement car les programmes sont denses et longs et lourds - que la décolonisation, et non la colonisation à proprement parler, ce qui est, naturellement, gênant, pour dire les choses sobrement.
Mais, de toute façon, compte tenu du tout petit nombre d'heures dont disposent désormais les professeurs d'Histoire-géo (dont je ne suis pas) pour chaque classe, l'enseignement de l'histoire passe par des coupes (très) sombres dans les programmes, de sorte qu'on ne sait plus quoi enseigner, c'est-à-dire quoi supprimer sans commettre un crime... On est en là...
L'enseignement de l''histoire est, d'autre part, une discipline rescapée du récent rapport Thélot, puisque, dans une première mouture, il avait tout simplement disparu des disciplines dites fondamentales (et ne fait du reste nullement partie des disciplines "chaudement" recommandées par les instances européennes qui, en 1999, à Lisbonne, avaient dressé la liste des objectifs désormais assignés à l'école, une école capable de faire de l'Europe une puissance économique.... je continue ? Autant dire que l'histoire ... )
Ceci étant dit, l'oubli du colonialisme dans l'enseignement reste un scandale - questions qui sont en passe de devenir obsolètes.
2005-02-23 15:53:29 de Frédérique Clémençon


Mardi 22 février 2005. Feraient mieux d'acheter des casseroles et de cuisiner.

Certes, j'aime bien retranscrire des propos radiophoniques, quand ils ont une profondeur ou des accents qui m'émeuvent et m'instruisent, voire quand ils propagent un parfum de scandale. Néanmoins, je ne retranscrirai rien de l'émission Tout arrive du 17 tant la confusion y a atteint un point de stupidité, tant on tournait en rond pour la millième fois dans le même débat sur Céline. Pour finir en piqué polyphonique sur Pogrom. Frédéric Beigbeder, qui l'édite chez Flammarion, doit se frotter les mains : je pense que c'est de ça qu'il rêvait depuis toujours, le scandale à dimension ignoble, la grande pagaille. Heureusement que l'ennemi n'est pas aux portes de Paris, il irait les lui ouvrir. Non parce qu'il aimerait cet ennemi ou qu'il croirait en lui (il ne croit en personne) mais juste pour jouir du désordre et nuire à ses semblables. L'auteur de Pogrom ? Il n'a aucune importance, c'est un instrument habilement manipulé. Une truffe. C'est l'éditeur, le groin !
(En tout cas je le mets de côté pour quand quelqu'un accusera l'internet de véhiculer n'importe quoi : les éditeurs traditionnels aussi ! Pire : ils donnent une caution élitaire et esthétique que l'internet ne peut pas donner !)

Alain Badiou semble répondre par avance à tout cela dans Art Press (n°310) :
« Le 20e siècle fait encore partie des conditions actives de la pensée, pour ce moment de transition où nous sommes. Il n’y a qu’à voir le discours dominant, qui le réduit, ce siècle, à ses atrocités : l’extermination des juifs d’Europe par les nazis et l’emploi sans limites du matériau humain par Staline. Nous ne parviendrons pas à ouvrir un nouveau siècle si nous ne brisons pas ces images dominantes. Nous ne serons que les rescapés frileux de l’atroce, tout contents de notre abri « démocratique ». Nous survivrons en consommant, dominés par la peur.
Bien entendu, ces atrocités ont eu lieu. Tout négationnisme doit être combattu. Je soutiens seulement que bien d’autres choses ont eu lieu au 20e siècle, dont certaines admirables, je dirais : éternelles. Et qu’en outre, pour avoir une intelligence des atrocités et en interdire le retour, il faut partir des passions affirmatives du siècle, et non d’une sélection de ses résultats désastreux.
Ce travail n’est pas nostalgique : ni je ne pense, ni je ne souhaite, que fassent retour les passions du 20e siècle. Il ne contient non plus aucune imprécation contre notre fragile présent. Car rien n’est encore décidé de ce que nous serons.»

Et chaque jour,
individuellement,
nous sommes.

Chez nous, le compteur électrique a été changé. Il avait au moins trente ans et menaçait de court-cicuit.
J'ai lu quelques pages d'Alain Fleischer au soleil sur le balcon.
Remarqué que notre citronnier n'avait encore aucun bourgeon, contrairement aux arbres que nous croisons dehors. Qu'en penser ?
Avons déjeuné d'un couscous au Saint-Martin avant d'aller à Ginza acheter des casseroles au grand magasin Matsuya. Finalement, nous en revenons, des revêtements façon Téfal ! Ça finit toujours par se rayer, et des particules de je-ne-sais-quoi sans doute concérigènes se mêlent à la viande, à l'omelette, à tout ce que l'on touille (je fais mon beauf, un peu...). Cette fois, on a investi dans du Fissler stainless à fond épais, garantie dix ans.
Au sous-sol, prenons plusieurs sortes de pain au coin Kayser de Matsuya-Ginza, et des chaussons aux pommes. Passage chez Ito-Ya où T. achète des cartes pour répondre aux vœux de nouvel an qu'elle n'aurait pas dû recevoir, de la part de gens qui ignoraient le décès de sa mère l'an dernier. Pour bien faire, elle aurait dû y répondre avant le 3 février, commencement de l'année dans le calendrier traditionnel. Mais bon... Compliqués, les codes japonais.
De retour à la maison, j'écoute la radio en préparant une fricassée de légumes avec oignons, carottes, tomates et asperges. C'est l'inauguration des casseroles, une autre façon de nouvel an. Et puis, avec du bon pain, c'est délicieux.
Il y a plein de gens qui, au lieu d'écrire des livres, feraient mieux d'acheter des casseroles et de cuisiner.


Je corrige d'abord une petite erreur que j'ai commise hier : à la place de Miyazaki, il fallait bien sûr lire MIYAZAWA.
Ce que vous dites, cher Berlol, sur le silence de la musique ou de la littérature correspond assez bien à ce à quoi je songeais en effet, tant la parole est parfois ancrée dans l'inouï (ce mot si cher à Rimbaud, "le maître du silence", in "Enfance")... Quant aux traces que peut laisser dans l'oeuvre l'impossible deuil, je m'interrogeais justement sur leur présence-absence dans l'oeuvre de Michel Fardoulis-Lagrange, sans en voir franchement les sillons... mais c'est comme vous dites, une trace en creux, enfouie quelque part, qui se laisse difficilement déchiffrée tant le texte résiste à toute interprétation unique et demeure énigmatique. "Limbes et destinées seraient réunis en profondeur sous la calligraphie de signes à la surface des sables, texte exhaustif inspiré par l'esprit des vents." ("L'Observance du même", p.122).
Qui était donc cet inconnu majeur, passager clandestin de la littérature contemporaine, aérolithe inclassable comme il y en a peu par siècles, reconnu par quelques esprits perspicaces comme G.Bataille, M.Leiris, J.Paulhan, G.Henein... Pour le dire vite, MICHEL FARDOULIS-LAGRANGE (1910-1994) est un enfant grec du Caire, arrivé en France en 1929 dont l'oeuvre, à nulle autre pareille et sans filiation, suscite un éblouissement peu commun. Ecriture d'une exigence folle, forement ancrée dans la parole obscure des Anciens Grecs, à la poésie éblouissante, porteuse aussi d'une philosophie forte, des sommets vertigineux et aporétiques. Chaque fois que je le relis, l'impression d'être au matin du monde.
La plupart de ses textes sont réédités chez J.Corti... A lire notamment "L'Observance du Même", "Apologie de Médée", les entretiens avec Eric Bourde : "Un art divin, l'oubli", "Théodicée", les poèmes solaires et oraculaires de "Prairial"...
"Il faut durer,
les pas dans le sable se meurent
sous le règne d'hier.
L'aube n'a jamais cessé,
en retrait,
da
2005-02-23 09:57:48 de vinteix

(petit dérapage manuel sur le clavier... je poursuis)
"(...)
en retrait,
dans l'observance du Même,
en puissance des jours futurs,
délavés."
Comme le disait Robert Lebel, "l'extraordinaire tonalité de ses textes tient à son pouvoir de suggérer simultanément la naissance du réel et la formation de la pensée qui le réfléchit". Je cite aussi Michel Carrouges :"Poésie vigoureusement enracinée dans la terre et douée en même temps de la puissance visionnaire d'une cosmogonie. (...) C'est une métaphysique toute spontanée, simultanément sensorielle et hermétique."
Une écriture en ébullition, dont le questionnement vacille entre poésie et philosophie, qui ouvre les failles du langage, de plain-pied dans le mythe du langage, dans son recouvrement perpétuel, qui renvoie aux arcanes de l'existence, à ses "évidences occultes". Il s'est emparé de la langue française pour la livrer nue aux rivages des origines et à la blancheur du non-vécu, amoureux de l'ouverture des "matins triomphants'", comme dit Victor Hugo, au-delà du temps connu, guettant les horizons ouverts de l'utopie, "cette seconde instance du présent". Son texte ne décrit pas une extase mais est EXTASE; pas de hauts-faits, sinon ceux du langage.
Bonne découverte (j'espère n'avoir pas été trop bavard, mais bien que je n'aie guère l'âme d'un missionnaire, c'est chaque fois les pémices d'un bonheur partagé, et un peu secret, que de parler de M.F-L.)... en attendant notre découverte réciproque en chair et en os, évoquée hier par l'ami O FIL DE L'O sur son blog.
2005-02-23 10:10:02 de vinteix

Détail sur un détail (mais Citonnier m'émeut) : est-il en pot?
2005-02-23 12:22:24 de arte

Merci, cher Vinteix. L'éloge est impressionnant et donne envie. Comme je serai à Paris dans 3 semaines, j'irai faire un tour chez Corti...
Pour Arte : oui, le citronnier est en pot sur le balcon, plein sud. Selon le JLR mensuel : acheté le 15 mai dernier, arrivé à la maison le 17, citronneau en photo le 19 juin, feuilles mangées par des chenilles le 30 août ou le 2 octobre... et je recommande son jus du 17 janvier !
(J'ai sauté quelques mentions. En tout cas, ça me confirme dans l'utilité du journal pour moi-même... et peut-être pas seulement.)
2005-02-23 12:51:55 de Berlol

Vous n'avez pas plus de citronnier que de raquette de ping-pong.
2005-02-23 15:27:35 de Frédérique Clémençon

La phrase est logique mais sa logique n'entraîne pas sa vérité.
Comme il se trouve que j'ai bien une raquette de ping-pong (trois, en fait), automatiquement, j'ai un citronnier (je pourrais même en avoir deux autres, vous êtes bonne avec moi).
Ce qui ne signifie pas non plus que tous ceux qui ont une raquette de ping-pong ont, comme automatiquement, un citronnier... D'ailleurs, qu'en feraient-ils ? Ils n'ont pas tous le scorbut.
2005-02-23 15:58:48 de Berlol

Raisonneur.
2005-02-23 17:31:45 de Frédérique Clémençon

Phraseur.
2005-02-23 17:52:05 de Frédérique Clémençon


Mercredi 23 février 2005. Des îles et des mots.

Ce matin, nouvelle séance de travail avec T. sur La grammaire est une chanson douce d'Erik Orsenna, en vue d'un cours pour étudiants de 3e année. Il s'agit de faire suivre l'histoire joliment racontée tout en programmant des activités susceptibles d'ordonner des questions de langue (les déterminants du nom, les expressions figées qui contredisent la grammaire, la typologie du questionnement, ou de l'allusion, etc.).
De plus, on n'échappera pas à quelques explications culturelles et littéraires : les contes traditionnels, l'époque des croisières transatlantiques, des chansons d'Henri Salvador, et quelques autres).

« De ce moment-là, ma vie d'avant m'a fait honte, la vie d'avant le naufrage, une vie de pauvre, une existence de quasi-muette. Combien de mots employais-je avant la tempête ? deux cents, trois cents, toujours les mêmes... Ici, faites-moi confiance, j'allais m'enrichir, je reviendrais avec un trésor.» (Erik Orsenna, La grammaire est une chanson douce, Éd. Stock, p. 46).

En page 7 du livre, on peut lire : « Pour Jeanne et Jean Cayrol.» Pas de hasard, donc.

Enfin ! J'ai eu des nouvelles de mes deux collègues partis à Orléans avec vingt-deux de nos étudiants de 1ère année ! Eux n'y sont pas allés en bateau. Autres temps... Il paraît que les rencontres avec les familles d'accueil se sont très bien passées (j'ai vu les photos, ça m'a ému, j'aurais voulu y être...). Il semble que nos ouailles ne soient pas trop effarouchées par les formateurs orléanais. Par contre, côté météo, c'est nettement moins bien qu'au Japon ! Tout le monde a-t-il pris ses hokarons ?
En Belgique, c'est chez Au fil de l'O que des étudiants japonais sont arrivés. Avec en prime Vinteix, grosse surprise ! là non plus, pas de hasard, alors ?...

Ai quand même un peu de mal à réfléchir au journal à rédiger parce qu'après avoir enregistré ce matin des heures d'archives de Francis Blanche et Pierre Dac, puis trois (assez pénibles) heures sur Saint-John Perse, j'en arrive maintenant à la fin de quatre superbes heures sur et avec Jean Giono. Je n'écoute pas tout attentivement, parce qu'en plus j'ai un boulet au courriel et une intimité avec T., mais quand même, j'arrive au bord de la saturation auditive...


Name :
shaahnaah@yahoo.fr
Country : athlandys
Message : Entre le noir et le blanc
Il y a ce chant
De la couleur des temps.
Rose des vents
Des fers de l'aimant
Dirige le nord rituel
Vers le point du reel.
Horloge de la pierre
Toque la fin de cette guerre !
Grande main
De l'equerre de la faim
Pointe cette petite main
Vers l'etoile de demain ...
Jamais plus, avec l'aide de Dieu
Pour voler les cieux !
!ICH DIEN NIET MEER!
shaahnaah
2005-02-26 15:57:52 de shaahnaah


Jeudi 24 février 2005. Cinquième aporie des métablogueurs.

Première aporie (10 janvier 2004) :
Quelle que soit la police
Celui qui écrit "je"
N'est pas celui que "je" écrit.

Seconde aporie (13 janvier 2004) :
Le réseau centripète
Trop exploité étouffe le cri
De celui qui s'écrit dans le réseau.

Troisième aporie (19 janvier 2004) :
Tête-à-queue sur le réseau ;
trop vouloir savoir qui t'y lit
t'en lie tout dire stérilement.

Quatrième aporie (21 avril 2004) :
l'intime mort dans sa pureté taiseuse
je la respecte et je l'inscris
au coeur de la webuleuse inutile.

Cinquième aporie (aujourd'hui) :
Où que soit littéréticulairement l'appelé
c'est l'appel l'énergie infinie
que reçoit quiconque connecte et sait lire.

Je pressens qu'il y en aura sept. La septième est indicible, elle concerne la lisibilité et le sens après ma mort. Quant à la sixième, je la pressens mais elle n'est pas mûre, elle devrait concerner le désaccord ou la mauvaise foi.

Pour ce qui est d'aujourd'hui, c'est après avoir lu le commentaire de Frédérique du 20 que l'aporie m'a parue évidente. L'interpellation qui termine le JLR de dimanche dernier semble ne concerner qu'une personne. Cependant, tout lecteur de la phrase est susceptible de cliquer pour suivre le lien. Ce qui signifie que tout lecteur qui n'est pas Frédérique, qui n'est pas la Frédérique interpellée, peut néanmoins, tout en sachant bien qu'il n'est pas Frédérique, cette Frédérique-là, prendre pour soi l'apostrophe et cliquer et recevoir et lire ce qu'a priori je ne destinai qu'à une seule personne. (Personne ne se dit Ouh la attention, ça c'est un lien pour Frédérique, je n'ai pas le droit d'y cliquer donc je n'y clique pas... — ce serait quelqu'un qui ne comprendrait que le sens premier des propositions phrastiques).
Cet artifice aporétique que l'apostrophe contient n'est bien sûr pas nouveau. Dès les premiers usages du langage, il y a eu interpellation. On pourrait même penser que la toute première profération était un appel. Et très vite, si ce n'est dès la toute première fois, l'apostrophé n'était pas présent, pas vivant, même pas humain peut-être.
Parmi toutes les situations de groupe avec apostrophe, on peut opérer une dichotomie simple : soit l'interpellé est présent (et présent veut aussi dire vivant) soit il ne l'est pas. S'il l'est il répond et s'il ne répond pas ce n'est qu'une variante du cas où il répond. S'il y a d'autres personnes autour, elles ne se sentent pas appelées, elles peuvent tout au plus entendre ce qui se dit sans prendre pour elles-mêmes les conseils, les ordres et autres formes langagières qui suivent l'apostrophe (même si ça ne tombe pas dans les oreilles de sourds). Si l'interpellé n'est pas présent (et présent veut toujours dire vivant) et qu'il est clair pour l'interpellant qu'il ne peut être entendu, la situation entière devient une figure de style. La poésie, la religion, la politique recourrent de toujours à cette figure (de Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? ou À quoi m'as-tu abandonné ? à la lettre ouverte au colin froid ou à un banc de poissons.., en passant par Aline, pour qu'elle revienne (paraît que c'est un moment poilant dans le dernier Benoziglio...). Quand Baudelaire appelle le lecteur son frère, je me sens concerné, et quand Hugo me dit qu'il sait que je l'attends, je me sens concerné alors que je suis vivant et qu'il est mort. Et tous les mots de tous les morts m'apostrophent, à la limite.
Mais revenons à Frédérique. Elle est finalement passée. Elle aurait pu ne pas, ne plus. Qui l'en aurait blâmée ? Personne ! Même pas moi. Même si je l'aurais regrettée. Mais elle est revenue. Pas comme Aline, donc. Et elle commente en opposant « direct » à « siècles de retard » et à « autre planète ». Nonobstant l'emphase ironique (marque d'affection, peut-être, ou son naturel joueur), elle indique que l'absence est un espace-temps majoré par l'apostrophe, dont le hiatus gît dans l'a priori (ci-dessus, en gras). Car si j'avais voulu ne destiner qu'à elle ce lien vers Brazza, je lui aurais écrit un courriel, et l'apostrophe que j'aurais pu lui adresser privément n'aurait absolument pas eu le même sens qu'inscrite dans une page publique que regardent des millions dizaines de personnes...

Pour se reposer
le calme d'un lac
gelé
ni à Tokyo ni à Pékin
mais à Orléans
où je plains bien
après les avoir enviés hier
mes collègues
Je peux prévoir que pour nos étudiants
la France sera maintenant cette Sibérie
de leur premier séjour ;
un été effacera l'impression
mais tous leurs févriers en souffriront...
Sachez qu'il y a du soleil à Nagoya !
(enfin il y en a eu dans l'après-midi parce que là maintenant il pleut Ah non ça s'est arrêté et d'ailleurs c'est déjà vendredi...)


Berlol,
Tu aimes bien Winnie l'ourson?
Dis-moi oui.
2005-02-24 18:00:51 de Frédérique Clémençon

Euh... oui...
mais pourquoi ?
2005-02-24 18:05:52 de Berlol

à cause bien sûr de Brian Jones, qui avait racheté la maison de W l'O, gardé les statues à la gloire de W et Bourriquet dans le jardin, et qui s'y est noyé de détresse...
http://www.geocities.com/Heartland/Woods/6912/cotchford.html
2005-02-24 19:16:52 de FBon

Cher François Bon,
Bourriquet n'a rien à voir dans cette affaire, laissez-le tranquille. Quant à Brian Jones, il n'a nullement racheté la maison de W l'O, mais celle de Oui-Oui, sur la colline d'en face.
(je traverse depuis quelque temps une période difficile, on me pardonnera, je l'espère)
2005-02-24 19:24:49 de Frédérique Clémençon

À propos du colin froid lire.... http://passouline.blog.lemonde.fr/livres/
Interessant.
Et puis, moi, j'ai chanté Alien ! pour qu'il revienne... Gore !
2005-02-24 20:02:26 de Simone la rebelle

Merci de m'avoir bien fait rire au réveil !
Surprise des commentaires, qui partent souvent dans une direction imprévue, comme ayant leur vie propre, amis qui discutent dans un coin du salon ou du jardin, un cocktail à la main. Attention à ne pas glisser dans la piscine, s'il vous plaît. Là, voyez, c'est dangereux, il y a des pierres qui roulent.
2005-02-24 23:59:48 de Berlol

Salut,
De Morioka, un signe amical; AS TU LU> DE DERRIDA? SINGULIERE INSCRIPTION AUTOBIOGRAPHIQUE DANS UN DISCOURS ACADEMIQUE; BIEN INTERESSANT PETIT LIVRE que je decouvre cette semaine deux ans apres sa publication
As tu vu l'exposition ARAKi à Tokyo, c'est où et jusqu'à quand? Quelle est ton opinion sur ce photogrpahe , tu devrais prendre, tel un agent secret des photos de l'expostion et aussi le visage des visteurs fasciné parfois, Je passe à Tokyo le 5 mars, faisons des phrases et après Paris, pour 3 semaines BINE A MAICALEMENT
ps aU FAIT J AIMERAIS RENTRER EN CONTACT AVEC LES DeRRIDIENS DU jAPON OU DE frANCE DE CETTE LISTE ET CONNAITRE LEURS NOMS PRORPRES? PAS LEUR PSEUDONYME?SVP? MERCI PATRICE
JOHPER64@HOTMAIL.COM
2005-02-25 04:12:56 de patrice Bougon

Problème de clavier ou de lunettes ?
Quoi qu'il en soit, je n'ai pas encore lu ce Derrida. J'ai justement mis de côté dans le JLR mensuel un lien vers un entretien réédité dont je voudrais parler.
Pour Araki, tu peux cliquer sur TokyoArtBeat dans ma colonne de gauche, puis catégorie photo, puis chercher (Ctrl F) Araki, je crois qu'il y en a deux. Pas encore eu le temps d'y aller. Suis pas très fan.
Le 5 mars, j'ai cours à l'Institut et ne serai libre qu'après 15 heures.
Au plaisir.
2005-02-25 06:23:25 de Berlol

Je conseillerais d'enlever le commentaire de Patrice Bougon, parce qu'avec son adresse email bien en évidence, victime toute trouvée pour le prochain moteur à spam et à virus qui passe par-là, je ne donne pas cher de sa boîte à courrier électronique...
2005-02-25 07:15:33 de Manu

est-ce qu'il y a un Araki acceptable et un autre qu'on ne supporte pas ?
sa nouvelle expo virtuelle (son site, lien 1) c'est encore plus violent que d'habitude, bondage, poses - et pourtant, les photos urbaines qu'on y retrouve, les visages de Tokyo, le dessin des parkings il n'y a que lui à les offrir
dans les diaporamas présents depuis longtemps sur son site (lien 2), il y a ces séries avec les visages du métro, et les clichés au jour le jour sur sa terrasse avec les 3 mêmes objets et le chat, c'est comme un blog photo longtemps avant tout le monde
je me suis tours refusé à acheter un bouquin d'Araki, parce que ces trucs bondage et prostitution je trouve ça périmé, et qu'il y a tellement mieux à trouver dans l'éloge - en littérature ça me fait un peu pareil d'ailleurs
mais Araki c'est comme tout à l'autre bout de la chaîne Mario Giacomelli (lien 3, et expo magnifique en ce moment à BNF), un photographe obligatoire si on veut penser ou tout simplement recevoir l'image aujourd'hui - c'est autre chose qu'être "fan" ou "pas fan" (un peu comme de Brian Bourriquet donc!)
si à Tokyo vous avez liens sur cette expo, suis preneur
lien 1
http://www.arakinobuyoshi.com/update_gallery.html
lien 2
http://www.arakinobuyoshi.com/special_feature.html
lien 3
http://www.photology.com/mariogiacomelli/
2005-02-25 20:52:36 de FBon

Tu fais bien de me mettre le nez dedans...
Mon "pas fan" est un euphémisme parce que pas le temps de développer. Mais à te lire, je vois mieux ce qui me pose problème. Faudra qu'on recueille l'avis de Ph.d.J. qui est, lui, je crois, "fan"...
2005-02-25 21:41:21 de Berlol

L'aporie-attitude empêche peut-être de s'emmieller les neurones ad vitam infernale...W. l'O a toujours une main ou le museau empégués de sucre collant,mais il a un beau pull rouge.Oui-Oui a des grands yeux de manga (un précurseur sans doute) et il ne prend pas la vie au tragique. Plus jeune, je rêvais qu'il se fasse adopter par le club des cinq mais il est encombrant dans les aventures, ils ont beau être fraternelset solidaires, ils ne peuvent pas passer leur temps à le porter sur leurs épaules pour déguerpir en cas d'alerte... J'ai aussi pensé le faire convoler avec Martine... mais elle est trop sage (une future institutrice ?). J'ai hésité pour lui présenter la Sophie de la Comtesse d' Insécure... Mais je me suis dit qu'avec la perversion ambiante le petit était bon pour prendre des cours de résilience ou pour devenir acteur dans la prochaine distribution d'un remake Sadien...Blog ou pas blog,il faut convenir qu'on ne peut pas faire le bonheur des ogres contre leur gré...
2005-02-25 21:42:11 de Marie.Pool


Vendredi 25 février 2005.  À phraseur, phraseur et demi...

Qui a dit : « si j'étais un grand bourgeois, je n'aurais pas de problème de logement » ?

Je vous aide : la logique du propos n'empêche pas l'orateur d'être propriétaire de deux maisons et trois appartements.
Dans mon cas, comme pour le neveu de Rameau, le jeu sur la langue sert à pointer des questions humaines, notamment des injustices, des erreurs, des privilèges. À chercher du poil aux œufs, comme disait un agriculteur sur France Info (je ne connaissais pas l'expression).
Pour d'autres, cette même pratique langagière sert à dissimuler et participe du cynisme que procurent les sentiments de supériorité et d'impunité.
Il n'est pas interdit de posséder et il ne servirait (presque) à rien de se dépouiller maintenant. Mais il n'est pas acceptable de berner ceux qui n'ont rien ou très peu. Ce mépris, cette inconséquence dont procèdent ces mensonges et jeux de mots, c'est la faute la plus grave que peut commettre un homme au service de l'État.
Je vote pour la démission immédiate.

Quelques heures plus tard...

Je viens d'apprendre que j'avais été entendu. Ceci dit, Gaymard renvoyé en Savoie, faudrait un Hercule pour nettoyer les écuries de la République !

Le titre renvoie bien sûr à une remarque lapidaire de Frédérique Clémençon dans le JLR du 22... Sinon, j'ai eu une vie normale aujourd'hui : sport le matin où, sur sudavélo, j'ai fini le Monde cadeau de Jean-François Paillard. Que j'ai finalement beaucoup apprécié, je développerai demain, parce que là, je prépare le cours du samedi matin sur Segalen... Juste dire que, comme pour nombre d'œuvres hors norme, il me paraît normal qu'un lecteur commence par être réticent, voire hostile — point de vue que JCB exposait très bien le même 22.
Puis j'ai répondu à des courriers pour faire avancer le colloque de Cerisy. J'ai laissé tomber les émissions de France culture pour aujourd'hui parce que l'enregistrement était plein de blancs, problèmes de connexion, en notant que l'entretien avec Oliver Rohe mérite une écoute attentive. Enfin, je suis parti pour Tokyo où j'ai retrouvé une T. fatiguée par ces deux journées durant lesquelles elle vient blitzkrieguesquement et un peu à la façon de ma sorcière bien aimée de consolider la situation de son père dont nous avons la charge en le soustrayant aux meurtriers désirs d'héritage de ses sœurs. Enfin, moi j'ai l'impression qu'elle a fait ça magiquement, mais sa fatigue atteste du caractère pénible des diverses démarches qu'elle a concentrées en deux jours pour ne pas laisser aux autres le temps de se retourner (pour suivre un minimum l'affaire, voir les 3 et 11 décembre 2004, 29 janvier, 15 et 18 février).
Rapide dîner chinois pour que je puisse enfin m'occuper de Segalen (pages 219-233 de René Leys). Je voulais parler un peu de cet entretien avec Derrida mais... pas le temps. Juste celui de préparer cette photo pour faire un petit signe aux arakistes...


C'est vrai que les nouvelles entendues ce matin font sourire jaune ; notamment que cet homme qui n'aime pas l'argent est assujetti à l'impôt sur la fortune alors que je connais quelqu'un qui n'aime pas l'argent et qui est au RMI.
Mais comme je le disais hier dans ma note, je ne suis pas certain que sa démission change grand-chose à l'ensemble des pratiques du pouvoir ... Alors, est-ce vraiment la solution ?
2005-02-25 07:50:19 de Lysp

Il y avait la fable de savetier et du financier...
Il faudrait faire celle du fils de cordonnier devenu financier à Bercy.
La morale de l'histoire, je la laisse à votre appréciation.
2005-02-25 09:57:44 de Simone la rebelle

Oui, et sans attendre que des communiquants et conseillers de toutes sortes le leur recommandent expressément, au prétexte que "c'est mauvais pour l'image, coco". Rêvons, rêvons. Las...
2005-02-25 11:52:45 de Frédérique Clémençon

Alors là je n'ai AUCUN problème métaphyqique : oui que ce type se barre, même si c'est pour être remplacé par une crapule du même acabit.
J'en ai marre de marre de marre, alors éjectez-les tous. Les uns après les autres. quand on peut, quand on arrive à les coincer. Et bonne chance à ce fils de cordonnier...
Mais non de dieu ce que j'en ai marre de tous ces charlots, ces pingouins, de tous bords, de tous milieux, de toute culture...
Berlol, tu as raison de voter pour la démission immédiate, même si t'as encore un peu tord d'avoir même pris le temps de réfléchir un minimum avant...
bien à vous tous ...
JCB
2005-02-25 22:39:14 de jcb

A y est, l'est parti, on l'a un peu aidé, hein, allez petit bonhomme, ça ne fait pas très joli dans la décor tes petites saletés, tous ces pauvres qui ne peuvent pas comprendre, et puis il aimait tellement servir la France, infortuné chaton... mais, comme le dit JCB, c'est un autre charlot pas très glamour qui va le remplacer, Thierry B et sa réforme tendresse à France Télécom... et c'est vrai que la colère et l'indignation finiront par nous étrangler tous, à voir ces bandits (comment les appeler autrement) se servir sans scrupule et faire la leçon à la France d'en bas.
2005-02-26 10:05:43 de Frédérique Clémençon

Rions ensemble. Ci-dessous,quelques unes des meilleures déclarations de Clara et Hervé G., brutalement sommés d'aller faire de la luge en Savoie avec Tigrou et Bourriquet, déclarations compilées sur le site du Nouvel Obs.
HERVE
"C'est vrai que je ne me suis pas personnellement occupé de ce dossier, et je considère que ça a été une erreur de ma part, c'est la raison pour laquelle j'en tire les conséquences". Il a ajouté qu'il "ne correspond pas du tout à l'image qui a pu être donnée de lui" dans cette affaire.
"Je ne suis pas un grand-duc en goguette". Il a par ailleurs démenti que cinq "fonctionnaires de Bercy" aient été mis à sa disposition dans cet appartement, mais seulement "un cuisinier et un serveur" pour les réceptions, a-t-il dit. Il a indiqué ne pas encore savoir où il allait déménager : "Je ne sais pas, je vais me retourner, je vais prendre mes dispositions le plus rapidement possible", a-t-il dit.
"Il faut respecter qu'un homme ou une femme engagé dans la vie publique puisse en même avoir vie familiale et conjugale normale", a-t-il souhaité.
Déclarations lors d'un point-presse, à Bruxelles, jeudi 17 février : Il a indiqué "qu'il n'avait pas eu le temps de chercher son appartement car il travaille 120 heures par semaine". "Je me reproche de ne pas m'être occupé moi-même de l'appartement mais quand on travaille 120 heures par semaine, on n'a pas le temps de chercher un appartement".
Déclarations sur France-2, lors de l'émission "100 minutes pour convaincre", jeudi 17 février : "Je ne savais pas le prix de cet appartement quand je suis entré dedans", et "dès que je l'ai su, je me suis dit que je n'allais pas y rester".
Déclarations au Monde, samedi 19 février : "Je suis un homme honnête, issu d'un milieu modeste."
Déclarations au Monde, édition datée du dimanche 20 et lundi 21 février : "On a d'abord cherché un appartement dans un local républicain. Même si l'appartement était vétuste, pas très beau, je m'en fichais" .
Déclarations au Figaro, jeudi 24 février : "Je ne vais pas me laisser épingler comme un papillon alors que je suis propre comme un sou neuf et que nous travaillons comme des fous pour la République". Une démission du gouvernement "n'est pas à l'ordre du jour. Je suis complètement soutenu, autant à Matignon qu'à l'Elysée" par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et le chef de l'Etat Jacques Chirac.
L'appartement boulevard Saint-Michel "est loué avec un bail de trois ans régulièrement signé. Je ne pouvais donc pas le récupérer en demandant à ses occupants de le libérer en plein hiver".
Déclarations à Paris-Match, jeudi 24 février (Rencontre avec une journaliste intervenue avant les dernières révélations du Canard Enchaîné): "J'ai toujours vécu humblement. Je n'ai pas de fric". "Evidemment, si je n'étais pas le fils d'un cordonnier-marchand de chaussures, si j'étais un grand bourgeois, je n'aurais pas de problème de logement. Je serais propriétaire de mon appart, et il n'y aurait pas toute cette affaire". "Faut-il être fils de bourgeois ou bien d'une riche famille pour faire de la politique ou être ministre ? Voilà le débat".
CLARA
Déclarations à France-Soir, jeudi 17 février : "C'est un appartement de fonction, dans lequel mon mari organise des réceptions, cela fait partie de son travail de ministre (...). Ce n'est pas évident de trouver un appartement pour une famille de huit enfants et mon mari est un père de famille normal : il a envie de vivre avec ses enfants. Aujourd'hui, à cause de l'article et de la photo, on sait où nous habitons (...) J'avoue que ça m'affole. Dois-je demander à l'Etat huit officiers de sécurité pour mes enfants ?".
Déclarations au Figaro, jeudi 24 février : "J'ai visité avec mon mari l'appartement cinq minutes de nuit". Son erreur aura été de "laisser faire les services: c'est vrai, il y avait beaucoup de chambres mais ce n'était pas ostentatoire".
2005-02-26 10:29:48 de Frédérique Clémençon

Merci, Frédérique, pour cette compilation hilarante !...
2005-02-27 13:37:25 de Berlol

Cette affaire a fait couler beaucoup d'encre. Le plus étonnant est que tout cela était légal. C'est un des nombreux dysfonctionnement de notre république. La tranparence que tout le monde souhaite ne va pas faire que des heureux. Puisqu'on veut le règne de la transparence allons-y (Le CE d'EDF, le Crédit Lyonnais) J'aimerais que la presse fasse son travail mais elle ne l'a malheureusement pas fait pendant les années Mitterrand. Seul Hallier avait eu le courage de dénoncer ces affaires à cette époque. Mal lui en pris. Maintenant plus personne ne se revendique de Mitterrand. C'est trop facile après.
Actuellement véronique Marrion ex-directrice de Diapason est en train de dénoncer toutes les malversations d 'une association d'insertion qui met en cause plusieurs élus de gauche. Le Parisien a été l'un des rares médias a enquêter sur cette affaire où on apprend que chaque année 150 000 € ont été détournés. Les médias sont assez silencieux sur cette affaire.
2005-02-28 19:36:33 de Fabrice Trochet

Eh oui, cher Fabrice, tout cela était légal. Et c'était bien pire avant ! Et même avant Miterrand ! A l'époque de la noblesse, par exemple, les privilèges étaient encore plus exorbitants ! Et personne ne pouvait protester !...
Vous introduisez, avec conviction semble-t-il, une distinction gauche droite qui n'était pas encore dans le débat et vous en rajoutez avec Marrion ! Auriez-vous une intention précise dans ce sens ? Par exemple dire que la gauche est plus magouillarde que la droite ? Ou que les gens de gauche savent moins bien cacher leurs privilèges et malversations ?
Il me semble que Chirac et Pasqua, pour n'en citer que deux au hasard, se trimballent pas mal de casseroles, non !?
2005-03-01 02:19:16 de Berlol

L'époque de Mitterrand n'est pas si lointaine. J'ai l'impression que les journalistes ont plus de liberté maintenant. Je ne dit pas que la gauche est plus magouillarde que la droite mais qu'il est plus facile de dénoncer les agissements sous des gouvernements de droite.
2005-03-01 12:48:41 de Fabrice Trochet


Samedi 26 février 2005. Elles ont fait attention à pas embaucher.

« Elles ont fait attention à pas embaucher.»
C'est une des raisons des profits records des grandes entreprises françaises donnée par un interviewé du 20-heures de France 2, hier soir. Dans le même journal, on annonce le dépassement des 10 % de chômeurs.
Dans la France d'en-haut, on pense sans doute que la France d'en-bas est trop bête pour ne pas voir de relation entre ces deux informations...

On en causait, Christine, Arnaud et moi en passant un bon moment à déjeuner au Saint-Martin, après le cours sur Segalen dont je parlerai une autre fois. Nous n'allions pas chez le dentiste mais devions nous quitter en ce point de la rue Kagurazaka...

Le cynisme devenant mode de communication prioritaire, l'économie premier principe de gouvernement et la technologie principale ressource d'une sécurité aspirant au terrorisme d'État, si possible mondialisé, il n'y a alors pas loin de notre monde actuel au Monde cadeau que Jean-François Paillard nous a présenté.
Nous avons entraperçu déjà que notre résistance à lire et apprécier ce texte pouvait être liée au désagrément d'une telle vérité d'un monde prochain, à quoi s'ajoutent les réserves que je maintiens quant à l'emploi récurrent de l'infinitif car il rend toutes les actions en quelque sorte optionnelles, contrecarrant ainsi la force du projet.
Mais il faut dépasser cela pour dire tout l'intérêt que cette œuvre a finalement suscité en moi.

Dans son commentaire au JLR du 9 février, JFP écrivait : « à quoi peut bien ressembler une usine "Moraine Motrice" (des écrins) ? Un "complexe multisport intersaison" ? Et des cheveux impeccablements "boldés" ? En quoi est fait le Zitoplass ? Qu'est-ce qu'un centre de profit dédié à l'emballage d'humains en batterie ? À quoi ressemble réellement une plateforme de simulation ? Quelle crédibilité donner à un canapé denim stretch brodé et perlé ? Et enfin, last but not least : que recouvre exactement le module "C" du projet Sapiens ? » Ces questions ont nourri une partie de ma réflexion en cours de lecture et m'amènent tout d'abord à l'idée que si la littérature dite de science-fiction ou d'anticipation, voire fantastique, et je sais que ce n'est pas la même chose, a parfois du mal à être reconnue (et appréciée, en ce qui me concerne, malgré des exceptions mais ce n'est pas le moment), voire à survivre à son époque (relire aujourd'hui Wells, Verne ou Van Vogt m'est pénible), c'est notamment parce qu'elle s'efforce trop de définir et de décrire certains éléments d'un monde imaginaire alors que l'évocation seule arrive mieux à l'objectif littéraire, voire poétique.
Par conséquent, je remercie JFP de ne pas avoir essayé de décrire en détail le Zitoplass. Le faisant, il aurait montré que le besoin d'expliciter un monde artificiel (plus qu'imaginaire) primait sur le projet littéraire en rapport avec l'actuelle condition humaine. Il aurait fait passer une pure construction intellectuelle avant l'action politique dans laquelle la lecture même de son texte nous engage. Et il aurait eu tort. (Comme si on avait besoin de savoir ce qu'est et comment est fabriqué le plastique pour connaître comme nous les connaissons ses avantages pratiques et ses inconvénients environnementaux).

« Ne pas s'empêcher de gémir silencieusement, quoique de façon irrépressible, à la vue de cet homme de peine dont les mains visiblement reconstituées ressemblent à s'y méprendre à l'ensemble robinet-mitigeur à bec démontable, levier monobloc fondu et tirette de vidange, vu un samedi matin, dans l'allée robinetterie du rayon bricolage de l'espace Art de la maison du centre commercial Les Trois Bornes.
Concevoir à cette image une paralysie momentanée du tronc, de la tête et des membres.
Mais déjà sursauter et porter une grappe de doigts à sa bouche.
Tenter de reprendre ses esprits en fixant son attention sur un caquelon en cuivre martelé d'un service fondue six pièces vu à la télé. Réprimer en catastrophe une envie de vomir une perceuse à percussion.»
(Jean-François Paillard, Un Monde cadeau, p. 145)

Il est également très fort et très nouveau — et peut-être très vrai — que des émotions passent par des références involontaires au consumérisme et à la publicité, comme ici la déception : « Et déjà votre corps décomposé en sachets de quarante tranches de pain de mie dont dix sont offertes.» (p. 159)
La scène de boulimie (p. 165-167 et infra) et plus encore la séquence hilarante de distribution gratuite de consoles de simulation Pornoclash dans un grand magasin (p. 193-203) nous font rire et froid dans le dos car il s'agit bien de nous et non d'un hypothétique être humain du futur.


Moi je dis, il faut arrêter l'hypocrisie sur la "rationalisation" du travail. Ce qu'on vise à rationaliser, c'est-à-dire à améliorer, ce sont les bénéfices. Le reste on s'en fout. Et même lorsque l'entreprise va bien, si elle pourrait aller mieux alors c'est dramatique, c'est comme si elle allait mal.
« La situation est difficile. Nous allons vous demander de faire des efforts. Courage ! »
Mais là, avec Live Door qui vient d'afficher très haut et très fort ses volontés d'accroître son emprise sur les capitaux japonais, les champions de la "libre" concurrence, du marché "libre", de la rationalisation, de la "flexibilité" et du "dégraissage" sont face à un mur. Ca, les capitalistes aiment bien jouer tant qu'ils gagnent, mais dès qu'ils rencontrent un "confrère" qui pousse leur logique jusqu'au bout, ils tentent de changer les règles du jeu et prônent maintenant l'isolationnisme et la défense des entreprises "nationales". Laissez-moi pleurer. Comme s'ils avaient jamais quelque chose à faire de leur (très éventuelle) "responsabilité sociale".
Tout ce qu'ils montrent, c'est que l'Etat vient protéger le capital, comme dirait l'orthodoxie marxiste... Mais le problème c'est que Live Door étant bien sûr loin d'être lui-même communiste, du point de vue de l'État, ça ne change certainement rien... (D'aileurs, les Etats-Unis n'ont jamais démantelé le groupe "américain" de l'internationale de Microsoft).
Le jour où l'on pourra remplacer tous les humains par des robots, si le revenu dépend toujours principalement du travail, que fera-t-on ? On ira habiter dans les forêts ? Ha benh non, ce sont des propriétés privées...
2005-02-26 09:43:01 de Arnaud

A l'hôpital public aussi, on fait de plus en plus attention à ne pas embaucher ou alors du personnel mal payé. Des médecins étrangers venant de pays où ils risquent leur peau sont recrutés comme infirmiers, des infirmier(e)s comme aide-soignants... et le nombre de soignants n'est même plus suffisant pour assurer le confort et la sécurité des patients. On remplace la vigilance humaine par des protocoles qui, s'ils ne sont pas appliqués peuvent en cas de plainte aboutir à des fautes professionnelles sanctionnées par des tribunaux.Tout le monde est excédé par le cynisme managérial et le manque de respect des personnes à tous les niveaux.On ne remplacera jamais une bienveillance humaine par un robot et c'est bien une lame de fond qu'on soulève lorsqu'on dénonce la loi du fric et du marché qui remet triomphalement en place médecine de pauvres et médecine de nantis. La santé est une richesse que les exploiteurs soutirent à une certaine frange de population.Il existe un néo-colionalisme qui sévit devant nos yeux et il inclut maintenant tous ceux qui ne peuvent se soustraire au pressoir économique.L'hôpital public est l'un des bastions de l'accés aux soins mais il est gangréné de l'intérieur.
2005-02-26 11:51:57 de Marie.Pool

Il esixte un néo-colonialisme...of course...
2005-02-26 12:55:14 de Marie.Pool

Heureusement que tous les capitalistes n'étaient pas aussi idiots que celui que nous connaissons aujourd'hui. Il y eu des Ford et d'autres qui ont donné un certain pouvoir d'achat à leurs ouvriers pour qu'ils puissent acheter des voitures aussi (des Ford de préférence). Si on fabrique des marchandises, il faut que d'autres les achètent. Ca parait logique. Mais, l'argent tourne entre les argentiers. L'argent n'est produit que par l'argent, il faut bien que le système s'écroule. On peut expliquer la chute de l'Empire Romain par une sorte d'enferment dans un système où les richesses n'étaient réparties qu'entre une poignées de dirigeants. Écroulement d'un système certes mais qui, ensuite, à fait régresser la société d'au moins deux siècles et laissé la place aux monothéismes... triste résultat. Dans quel espace temps nous enverra l'écroulement du libéralisme à outrance ?
2005-02-26 14:42:20 de Caroline

Oui mais l'empire romain était un système pré-capitaliste, avec des monopoles d'État : presque une économie dirigiste sur de nombreux aspects, et un système d'imposition très lourd. L'ensemble a même été comparé par certains historiens (non sans anachronisme) au soviétisme. Je pense que le problème actuel est donc très différent, puisque les entreprises (capitalistes) ne visent qu'à l'augmentation sans limite de leur chiffre d'affaire et de leur part de marché, cette augmentation étant un but "en soi". Ca n'a jamais été connecté à la société et en ce moment cela apparaît très clairement. L'autre problème étant que (inversement à Rome) l'État protège voire aide le capitalisme dans son fonctionnement.
L'exemple de Ford est intéressant car, comme vous dites, la question de l'auto-entretien du système était saisie avec acuité. En ce moment, on ne sait pas très bien vers qui vont les débouchés. Et s'ils ne vont nulle part, ou bien ne rapportent pas assez de plus-value, c'est tout le système qui s'écroule. C'est inquiétant (surtout qu'ils ne semblent pas le comprendre là-haut).
2005-02-26 15:23:53 de Arnaud

On le sait, souvent la fiction dépasse la réalité (ou du moins la devance), du coup, je me demande si la série "Dark Angel", n'a pas eu l'intuition de ce qui va se produire économiquement un jour ou l'autre. La série débute en effet dans un monde quasi anarchique de déroute totale de l'économie libérale qui a fini par faire littéralement eclater la bulle boursicoteuse à force de s'auto-dévorer... Bon, bien sûr, l'aspect fantastique de la série je ne la prends pas en compte là... N'empêche (sur ce point) les personnages principaux sont des êtres à qui on a inclus un code barre aux gènes... Il y a aussi en ce moment, du côté "tout sécuritaire", des velléités à implanter dans les êtres humains des puces afin de les tracer sans difficulté, alors... de la fiction à la réalité..............
2005-02-26 15:52:37 de Au fil de l'O.

Arnaud a raison à propos de l'Empire romain. Je ne voulais dire par là que le système poussé à l'extrême se nuit à lui-même.
Le paternalisme des patrons de la Révolution Industrielle était-il le fruit d'une bourgeoisie empreinte de principes religieux et donc de charité chrétienne ? Mais, le" social" avait sa place (logement, médecine etc...) Sans idéaliser, l'ouvrier en tant qu'être utile à la bourgeoisie était considéré.
Les ouvriers de nos jours doivent être éliminés car ils ne servent plus en l'enrichissement de la bourgeoisie. N'est-ce pas Ernest-Antoine ?
2005-02-26 17:24:31 de Caroline

"C’est une loi constante que la richesse de l’ensemble de la communauté réside entre les mains du petit nombre (…) La grande majorité des hommes sont incapables de supporter ce sacrifice permanent qui seul permet d’accumuler les richesses (…) Ainsi, demain comme hier – à moins que la nature humaine ne soit profondément remodelée –, la richesse de la nation demeurera entre les mains de quelques élus tandis que la masse des autres subviendra à ses besoins par son labeur quotidien. "
Juge David J. Brewer, à l’Association du barreau de l’État de New-York, 1893.
Si je me souviens bien, on peut retrouver ces propos dans un livre d'Isabelle Richet, "Les dégâts du libéralisme, Etats-Unis : une société de marché", aux éditions Textuel.
2005-02-26 18:15:20 de Frédérique Clémençon
À Caroline : d'accord, je comprends ce que vous vouliez dire. Encore que pour le capitalisme, mise à part les périodes de reconstruction après les Première et Seconde Guerre mondiale (période durant lesquelles la demande était énorme, et le contrôle de l'État jamais loin), je ne suis pas convaincu qu'il ait jamais été capable de rendre une grande fraction de la population heureuse durant ces derniers siècles.
Pour répondre au Fil de l'O., il me semble que la liberté totale d'action des entreprises, c'est-à-dire la dérèglementation de l'État, n'a jamais signifié un refus total de l'État. En fait, on demande à l'État de simplement faire la police. Et puis qu'il n'aurait donc que ça à faire, les entreprises et le "marché" exigent de lui qu'il le fasse de façon totale, voire totalitaire.
Sauf qu'à part sur ce point, qui ne relève pas du "détail", on est face à l'illusion de la liberté, qui n'est que celle des entreprises et des flux de marchandises. Le danger, selon moi, face au capitalisme qui a su imposer la dérèglementation, c'est de continuer à critiquer les risques de totalitarisme étatique en pointant des dérives sécuritaires. Bien sûr, il faut pointer celles-ci, mais comme une situation vers laquelle le capitalisme a repoussé l'État, au rang de gendarme de service. Car au contraire, il n'y a plus assez d'État. Seul l'État peut être le garant de l'égalité.
L'égalité, un mot qu'on entend plus beaucoup ces temps-ci.
2005-02-27 01:44:56 de Arnaud
je n'ai pas votre profondeur d'esprit, du moins en matière d'économie (à chacun son domaine de compétence), mais pour moi a partir du moment où l'on fait un bénéfice, c'est que quelque part on a baisé quelqu'un.
Si tu fais un bénéfice, c'est que tu as vendu quelque chose qui ne t'a rien couté...Où que tu n'as pas donné à quelqu'un ce qu'il aurait du avoir....
Quand j'entends qu'une entreprise a fait BEAUCOUP de bénéfices, j'en déduis qu'elle a baisé BEAUCOUP de monde.
Désolé pour mon simplisme...
2005-02-27 05:21:36 de jeff

Je pense pas que ce que vous dites soit simpliste. La question de la plus-value, finalement, ça revient à être capable de produire un différentiel entre ce que l'on paie celui qui travaille et le prix auquel au vend à l'acheteur. Et le nerf de la guerre des capitalistes consiste à optimiser en permanence les bénéfices : ils sont maxima lorsqu'on n'achète jamais, ni de produits extérieurs ni sa main d'oeuvre.
Et là, le travail des machines se pose comme problème avec acuité. Non pas que je sois un partisan du retour au servage en usine, mais parce que malgré la machinisation des usines, le travail reste l'étalon déterminant les ressources des individus, alors pourtant qu'il n'est plus au centre de l'accumulation du capital, c'est-à-dire de l'économie contemporaine. C'est ce décalage qui est mortel.
2005-02-27 06:22:58 de Arnaud
Cher Arnaud, désolé, mais je ne comprends "pouik" à votre "réponse" !!
Ce que je voulais dire, c'est que, règlementation de l'état ou pas, les entreprises, comme vous dites, finissent par agrandir le décalage entre revenus du travail dans l'entreprise et revenus du marché financier (toujours au profit du second) et que, dans la série à laquelle je faisais référence, les scénaristes sont partis du postulat que ce déséquilibre finissait pas tuer l'économie libérale elle-même, trop gloutonne, qui finissait, donc, par s'auto-bouffer : quand il n'y a plus de "revenus du travail", il ne peut plus y avoir de "revenus financiers", puisque le second repose (normalement) sur le premier... Mais, là, je m'aventure, je ne suis pas économiste...
2005-02-27 17:07:07 de Au fil de l'O.

Au fil de l'O,
D'accord, je comprends ce que vous vouliez dire. J'avais répondu au sujet de la dérèglementation et de l'Etat minimum parce que vous parliez du chaos dans la série Dark Angel (Etat presque absent, du moins lointain) et du tout sécuritaire qui apparait précisément dans ce type de déroute (l'Etat n'assure plus que la sécurité, mais dans certains secteurs seulement).
La question du décalage entre le marché du travail et le marché financier est évidemment centrale. Sur ce point, j'ai toujours été pour l'interdiction totale des opérations à but spéculatif : on achète si on veut entrer dans le capital, et il faudrait rétablir (établir ?) une relation systématique entre participation au capital et responsabilité dans l'entreprise. Mais même dans ce cas (cf. l'exemple de Live Door évoqué plus haut), c'est au marché du travail de donner le diapasion du marché financier et non l'inverse.
Ceci-dit, c'est certainement utopique que de penser cela, car le but unique et en soi des capitalistes est la maximisation des bénéfices : c'est le nerf de la guerre. Il ne faut pas "s'étonner" que le serpent se mange la queue, car il est fait comme ça. Il faut plutôt trouver une alternative au serpent.
2005-02-28 03:17:48 de Arnaud

"Une alternative au serpent" : très belle conclusion et très beau titre pour un article, Arnaud !
2005-02-28 03:38:58 de Berlol

Désolé d’intervenir en retard, mais je n’étais en quelque sorte pas là… Je voudrais plaider pour mon ‘infinitif’, qui est au centre du roman, c’est vrai, mais comme moteur ou plate-forme narrative à partir de laquelle vont naître le ‘vous’, le ‘tu’ (réveil de la femme) ; le ‘on’ et le ‘je’ (centre commercial) – à l’exception du discours, au centre du roman, comme une respiration pour le lecteur, un lecteur dont le narrateur relâche en quelque sorte le coin de la veste, cessant de s’adresser à lui (il fait appel en quelque sorte à une tierce personne…) par l’emploi récurrent de cet infinitif si irritant, j’en conviens, mais qui me paraît inséparable du propos fondamental du livre : montrer en quoi (et par quoi) nous sommes " agis ", ceci, bien que l’enchaînement de nos actions puisse apparaître (pour nous-mêmes et pour les autres) comme le fruit d’une certaine liberté, voire le produit d’un certain arbitraire – d’un certain hasard. L’idée est justement de dire non : il n’y a pas de hasard. Malgré les apparences, il n’y a pas de hasard. L’infinitif permet en outre au narrateur de sortir de l’ornière du behavorisme (il y a du ‘on’ et par conséquent du ‘je’, du ‘tu’, du ‘nous’, du ‘ils’ etc. dans l’infinitif), le psychologisme (pas de ‘caracterologie' ni de morphopsychologie dans le bouquin) et aussi d’éviter l’éternel ‘je’, qui a perdu, avec son recours systématique dans l’autofiction, de sa puissance universalisante. Ce qui est irritant, pour le lecteur, dans l’usage de l’infinitif, c’est que le narrateur avance à visage découvert. On a envie, en lisant un texte à l’infinitif, de dire : de quel droit ? Car l’infinitif est bien plutôt d’usage politique. Rendu performatif dans le contexte de la fiction, d’usage peu courant, il sent son procédé. Le lecteur sent plus nettement, lorssqu’un (soi-disant...) romancier se mêle d’utiliser l’infinitif, que ce dernier impose telle ou telle pensée, telle ou telle action à son personnage (un personnage, qui de ce fait, n’en est plus tout à fait un, sans être complètement la marionnette du récit purement béhavioriste, puisqu’on entre dans son corps et sa tête et qu’il prend parfois la parole pour dire " je "), ce denier pouvant apparaître comme un ectoplasme, une souris de laboratoire se mouvant dans un labyrinthe, objet d’une kyrielle de pensées absurdes qui le poussent à agir dans tel ou tel sens sans que l’on comprenne vraiment pourquoi (sans rationalité par les fins ni même la plupart du temps par les moyens). Cette irritation, ce malaise, ce reproche que l’on peut faire à ce narrateur trop présent (qui empêche en quelque sorte l’opération de réalité de se faire), ce sentiment que ça ne colle pas vraiment (peut-on vraiment parler de roman ?), doublés du fait que le ou les personnages avancent agissent quand même, bref, ce sentiment d’arbitraire, qui se double d’une certaine frustration (l’identification du lecteur au(x) personnage(s) ne peut se réaliser qu’à partir d’éléments très généraux, de surcroît négatifs - en aucun cas à partir d’élément physiques – il n’y en a pas- ou psychologiques), bref : ce pot pourri fait d’arbitraire, d’impuissance, de révolte, d’irritation, ceci dans une écoute permanente de notre corps pris en permanence entre souffrance (actions, situations, phrases répétées jusqu’à la nausée) et jouissance (il devrait en principe y avoir des passages jouissifs pour le lecteur) : n’est-ce pas justement la façon dont nous vivons notre rapport à la société dans laquelle nous vivons ? cette société qui, dans le roman, est à peu près la même que la nôtre (non pas la nôtre dans le futur, mais plutôt cousine de la nôtre : à tout prendre, je préfère l’idée de social fiction plutôt que celle de science fiction) - une société dont nous sommes à la fois " acteurs " et " agis ", à notre corps défendant ? L’infinitif me permettait dde mettre le lecteur dans ce mal être, cette amertume-là, tout en échappant au déterminisme pur et dur, à la démonstration, à la leçon de chose. Car en même temps, il n’y a pas de vision moins déterministe que celle délivrée par l’usage de l’infinitif, il n’y a pas d’intentionnalité, pas de modus operandi doué de raison, pas de transcendance derrière l’infinitif : c’est dans ses actions, dans sa manière d’être au monde, dans son activité du corps, qu’émerge le sens de l’action de l’individu ‘conjugué’ à l’infinitif… Et… bleuh blah… Oups, j’ai été un peu long. Et sans doute chiant. Donc, je m’arrête.
2005-02-28 11:43:26 de jean-françois paillard

J'accueille favorablement cette idée de "social-fiction" qui m'apparaît comme un procédé heuristique de fabrication d'histoires humaines à valeur paradigmatique et pragmatique ( par les prises de conscience qu'il favorise parfois) . Le conte, le mythe a toujours eu une fonction liante et reliante entre les hommes, entre les générations, entre les contextes. Nous avons besoin qu'on nous raconte des histoires pour nous y retrouver le cas échéant . "Qu'est-ce qui peut arriver à quelqu'un comme moi, comme nous ? " Peut-on l'anticiper, le formuler, le déjouer ? Il me semble que les livres servent à çà, avec plus ou moins d'impact et d'audience. Je rêve d'un livre vraiment universel qui donne un coup d'arrêt à la bêtise humaine... Faudrait-il qu'il soit de fiction pour être crédible ?
2005-02-28 12:13:03 de Marie.Pool

L'honneteté me pousse à dire que mon bouquin, lui, ne l'a manifestement pas été, crédible... J'avais quand même un peu ça en tête quand j'essayais de justifier ce coup de poker qu'est l'usage de l'infinitif comme temps de narration et la fabrication d'un monde 'cousin', comme révélateur du nôtre... Je pense que l'écriture sert à ça, à tenter ces types de bricolages permettant de (nous) voir autrement. Reste que vous le dites fort justement : avec plus ou moins d'impact et d'audience. Et c'est là où ma démonstration de tout à l'heure se casse un peu la gueule, car à l'arrivée (c'est-à-dire un an et demi après sa publication), malgré son savant bricolage à portée universalisante, l'impact d'un monde cadeau fut plutôt négatif (sauf quelques rares enthousiasmes) et l'audience assez microscopique...
2005-02-28 14:41:25 de jean-françois paillard

C'est très cohérent et très juste, ce que vous dites, euh... ce que tu dis, allez !, Jean-François. Et je crois que mes dernières remarques vont dans ce sens (du social). Je maintiens cependant une réserve sur le sens que tu donnes à l'infinitif.
Ce qu'il faudrait, c'est ouvrir un chantier en demandant à tout le monde qui veut bien s'exprimer ici quelle valeur sémantique on donne à l'infinitif. Pour moi, l'absence de pronom personnel enlève un degré de liberté à la phrase, ce qui a pour effet de systématiser l'aspect optionnel des actions (mais pas au sens où l'on est agi ; pour ça, il y a la forme passive...).
Mais on voit bien, tel que je le dis, que c'est une perception personnelle...
Quant à la réception, faut se dire que plus c'est conceptuel et nouveau, moins large sera le public. Que ce soit Lautréamont ou Mallarmé, c'est pas de cette façon qu'on devient best seller. Quand Claude Simon a eu le Nobel, des journalistes français ont téléphoné à des universitaires aux USA pour avoir des infos, c'est dire...
En tout cas, au Salon du livre, je me mets en quête d'Animos...
Et y'a quoi d'autre qui vient ?
2005-02-28 15:11:16 de Berlol

... et pour finir remercier Berlol d'avoir bien voulu noter cette phrase « Et déjà votre corps décomposé en sachets de quarante tranches de pain de mie dont dix sont offertes», qui est effectivement une tentative peut-être moins maladroite que les autres de toucher du doigt ce désir de métamorphose (sur lequel s'appuie l'imagerie de la pornographie et du consumérisme) absolument morbide (puisque seul un objet inerte - mort- est doué de métamorphose) et addictif (puisqu'une fois qu'on a réalisé ce désir de se métamorphoser, la "petite mort" nous apprend bien vite que nous sommes vivants, qu'il s'agissait d'un simulacre, un simulacre de métamorphose qu'il nous faudra bien vite rejouer, sous peine de se trouver bien vite "en manque" de soi) qui nous mène depuis que la société capitaliste est devenue notre seul horizon. J'avais enfin une petite remarque. Le zitoplass ne renvoie effectivement à rien de précis, ni l'usine moraine motrice des écrins ou les cheveux boldés (même si l'on sent qu'ils pourraient renvoyer à quelque chose de précis, comme tant de procédés, de mesures ou de notions techniques ou scientifiques ou commerciales de notre vrai monde, livrés sans le décodeur et auxquels il nous est demandé d'adhérer 'sans réserve' par un phénomène d'imposition quasi-magique). En revanche, le module "C" du projet Sapiens, lui, renvoie à quelque chose de très précis, au contraire. De fondamental. C'est même le coeur du roman, ce projet de module C". Seulement, il est évoqué là, en passant, il a la valeur que lui prêtent ses commentateurs (architecte, maire, promoteur, consultant...). Il est totalement euphémisé. Dans le flot, il passe inaperçu, le module "C"...
2005-02-28 15:31:19 de jean-françois paillard

Oups. J'ai 'sauté' ton intervention, désolé... Ce qui vient après ? Oulah ! Je crains tellement que cela ne soit pas publiable... Et puis, c'est loin d'être achevé, alors motus ! En revanche, d'autres choses qu'animos(r) ont été publiées : théâtre (cf. Duel, chez Crater) et deux bouquins d'images, autoédités, univers graphiques des romans, dont un monde cadeau (il y a aussi un DVD d'une lecture sauvage à Avignon et d'autres trucs). Donne-moi ton adresse sur mon mel, je te les enverrai bien volontiers...
2005-02-28 15:44:06 de jean-françois paillard

Est-ce vraiment l'infinitif qui empêche d'adhérer ou l'indéfini que recèle l'absence de pronom ? Voire... Bernard Noël tente de son côté d'utiliser tous les pronoms pour aller au bout d'une quête de sens sur ce que l'on voit, ou croit voir,ce que l'on dit, ce que l'on croit dire... Il a fait un livre sur Mallarmé dans lequel il ne dit jamais qu'il s'agit de Mallarmé et il fait parler... sa femme. Elle met en exergue tout ce qu'elle n'a probablement pas dit de son vivant. C'est une fiction.Il s'agit de "La maladie du sens" publiée chez P.O.L.
Que l'on raisonne à l'échelle sociale ou à l'échelle conjugale (pour faire commode), il s'agit toujours des mêmes questions de consumérisme latent ou manifeste.
J'aime bien ces petits passages que j'ai collé près de mon ordinateur et qui résument bien( à mon sens...) "le risque d'inaudience "pris dans toute énonciation pourtant nécessaire (et incoercible...)
"Il savait que je l'écoutais et ne disait rien. Il m'adressait ainsi un message de silence dont j'ai compris ce qu'il signifiait quand il m'a dit un matin : "Le mutisme de l'univers s'empare de nous parfois et cela fait en nous un silence trop assourdissant pour être partagé..."
"Il m'a peut-être fourni un à un tous les éléments du secret que je cherche, et je me suis aperçue, requise que j'étais...[...] il aurait dû m'alerter,mais il se peut qu'il l'ai fait en usant de formules si discrètes qu'elles ont chuté devant moi comme des feuilles mortes. Il n'a pas insisté, si bien que je garderai le doute...".
Ne pas consommer l'autre, c'est s'abstenir de comprendre ???
2005-02-28 18:38:46 de Marie.Pool

pour JFP,
tu aurais une minute pour remettre en forme les interventions ci-dessus, on pourrait reprendre sur remue.net (en citant bien sûr la source berlolienne)?
2005-02-28 20:26:22 de FBon

Vas-y Jean-François : Remue.net, c'est la gloire assurée !
(en tout cas, l'estime, ça c'est sûr !)
2005-03-01 02:13:27 de Berlol

À la question Est-ce vraiment l'infinitif qui empêche d'adhérer ou l'indéfini que recèle l'absence de pronom ? je réponds que l'infinitif permet d'adhérer (on plutôt autorise l'adhésion de certains lecteurs au texte) et ce malgré l'absence de pronom. Je m’explique. Remplaçons l’infinitif par le participe présent, en veillant à ce qu’il ne fasse référence à aucun sujet. Et tout de suite, un sentiment d’incomplétude s’installe chez le lecteur : englué dans le temps de l’action, le verbe ne peut exister sans la matière (le sujet en chair et en os) qui va avec. Pas de ça pour l’infinitif qui, en s’énonçant, crée une voix intemporelle et par là une sorte de supérieur commun immatériel. Irritant certes, parce qu’intemporel, il donne l’impression de généraliser, de catégoriser. Il met en quelque sorte en branle une fabrique autonome de jugement. Bref, s’il tient tout seul debout sur ses pattes, c’est en écrasant les pieds du lecteur. Et en lui braillant dans les oreilles. Car, il y a forcément un côté incantatoire dans l’infinitif, puisqu’il fait parler quelque chose ou quelqu’un qui ne se nomme pas. C’est son côté oral. Son côté slogan politique. Et c’est sans doute là sa limite à l’écrit, du moins dans le cadre d’un roman. Un ami m’a dit que pour lui ce texte relevait plus de la poésie que du roman. Je crois pourtant que l’expérience méritait d’être tentée.
Pour François : pourquoi ne pas copier-coller l’ensemble de la page brute de décoffrage? Mes interventions, par ailleurs suscitées par des commentaires multiples, ne valent que dans le contexte de questions-suggestions/réponses-réactions qu’autorise l’espace de ce blog, non ?
2005-03-01 13:32:56 de jean-françois paillard


Dimanche 27 février 2005. Au jeu des 1000 bornes.

Reparti pour un aller-retour Tokyo-Nagoya. Il y a un peu plus de 500 kilomètres entre les deux villes. Dernier oral d'entrée à faire passer, cette fois en doctorat. Boulot-boulot...


Pas chaud ce matin !...

Comme il y avait du soleil, j'ai sorti l'appareil-photo dès huit heures du matin et j'ai commencé à faire quelques prises à Ochanomizu, station photogénique s'il en est, avec ponts, arches, rivière, lampions de restaurants, etc. Et puis à la station Kanda, les portes s'ouvrent, les gens descendent, je reste dans le train, et là, en face de moi, cette femme qui boit son café. Ou son thé. En un quart de seconde, je zoome, je cadre et j'appuie, les portes se referment...
Après, devant l'écran d'ordinateur, je m'aperçois que le cadrage est correct et que l'angle de la tasse est le même que celui du bol dans la publicité de ramen-ya (soupe de nouilles). Mais les couleurs sont un peu fades, avec du blanc et du jaune ton sur ton et saturés à droite. Donc je le passe en noir et blanc et je débouche un peu les ombres de gauche. Et là, pour moi, c'est top !

J'en ai profité pour faire un tour au centre de sport dans l'après-midi, avant le retour à Tokyo. J'ai choisi un livre pas tout à fait au hasard dans ma bibliothèque... Ça m'a tellement pris, tout de suite, pendant que je pédalais et transpirais sans voir le temps passer, que je l'ai emmené dans le shinkansen de retour et presque fini. Voyons si quelqu'un le reconnaît...

« J'avais conduit toute la nuit et j'étais debout au comptoir d'un restaurant routier devant une tasse de café.
Le monde est une hallucination passagère.
Je suçais des pastilles Fisherman's Friend contre le sommeil, j'oscillais d'un pied sur l'autre entre le non-être et le néant et je portais un pardessus.
— Elles vous font mal, vos godasses ?
J'ai haussé les épaules, attrapé un œuf sur le présentoir et sauté dans la Jaguar Sovereign que j'allais livrer.
— Puisque je vous dis qu'il vient de voler un œuf !»
(p. 9)

« — Ça me donne la chair de poule, disait-elle, ces grands ports en été. C'est sinistre.
Louis et moi, nous avons grandi au bord de la mer.
Nantes est à cinquante kilomètres de l'Atlantique et c'est un port sur un estuaire.
Louis passait la pulpe de son index sur la crème du cappucino, puis sur la mousse de ma bière — pure comparaison tactile —, et suivait la progression des nuages effilochés gris et roses en double exemplaire devant les yeux de Juliette, à l'envers et incurvés. Il secouait la tête.
— Autant reprocher au monde d'être le monde, disait-il : ce à quoi il y aurait quelque ridicule.»
(p. 11)


Je laisse ici un lien sans aucun rapport avec ce qu'écrit Berlol, adressé à Bartlebooth, si d'aventure il se promène par ici.
Il renvoie à un article intéressant (je trouve) sur l'enseignement (le non-enseignement) de l'histoire à l'école - qui ne porte pas seulement sur les questions soulevées par la colonisation.
- puisque nous en avions parlé il y a quelque temps, je ne sais plus très bien où...
http://livres.telerama.fr/paru.htm
2005-02-27 12:06:30 de Frédérique Clémençon

"Capitaine Ahab, à gauche, il y a une île étrangère!"
"Ah, je l'ai déjà connue. On l'appelle Koikeland."
une citation de "Moby-dick" (pas de morceau de Led zep...)
Jodan desu.
Merci beaucoup, Berlol.
2005-02-27 14:25:54 de Katsu

Merci, Frédérique, pour le lien. Je suis en pause en ce moment, mais je passe toujours dans le coin.
L'article - que l'on trouve, en bas de la page à laquelle vous renvoyez, au titre "Ecole, terrain miné" - est très intéressant, fait réfléchir quant à l'ethnocentrisme du fameux "devoir de mémoire".
Réflexe, je vous en collerais bien une aussi.
2005-02-27 20:19:03 de Bartlebooth

Ah, le charme du noir et blanc !
Pourquoi donc d'ailleurs...
Question d'époque et de génération ?
Je vérifierai avec Hugo !
Très belle photo donc !
Quant à l'Histoire, je regrette de plus en plus de ne pas avoir été un bon élève dans cette matière. Et dire que je n'étais pas le plus mauvais. Je me demande qui peut bien comprendre le Monde; peu de monde sans doute...
2005-02-28 02:10:02 de Manu

alapage.com : LE FEU D'ARTIFICE de Patrick Deville
... " Elles vous font mal, vos godasses ? " J'ai haussé les épaules, attrapé un oeuf
sur le présentoir et sauté dans la Jaguar Sovereign que j'allais livrer. ...
www.alapage.com/b_LEFEUDARTIFICE_ F_1_DAGOOGL_270731420X.html - Résultat complémentaire - Pages similaires
Shame on me !!!
2005-02-28 09:20:18 de arte

En retard d'une note : On se moque, mais 14 000 € / mois pour un 172 pieces c'est pas hors de prix !
2005-02-28 09:35:07 de arte

qu'est-ce qu'il a gagné, arte ?
2005-02-28 11:51:47 de Caroline

Si Monsieur habite dans un hôtel particulier, loué ou possédé, si possible dans le 8ème arrondissement de Paris (dans le 6ème à la rigueur), entre les ambassades et les boutiques de luxe, qu'il le dise et m'y convie : je me sens un peu à l'étroit chez moi, et j'ai des emplettes à faire.
2005-02-28 13:42:41 de Frédérique Clémençon

Purée !!!!!!!!! Trop fast, Arte !
J'avais pas vérifié si y'avait des extraits sur le web...
Bon, bah, qu'est-ce qu'Arte a gagné, alors ? Avec cette "shame on" him (or her).
Ben, ch'ais pas, je peux lui payer un café, un de ces quatre !
Au Salon du livre, par exemple...
2005-02-28 15:21:20 de Berlol

Non, Berlol, en ce moment, c'est le salon de l'agriculture.
2005-02-28 17:42:43 de Frédérique Clémençon

on HIM ;)
2005-02-28 22:21:05 de arte

ce genre de photo agrave mon missing Tokyo :'( mais merci quand même ^^
2005-02-28 23:49:12 de lily


Lundi 28 février 2005. Sans omettre la luxure ni le bondage.

Entre Segalen, Fleischer et Deville, je ne sais plus ou donner de la tête. Et quand je me tourne vers le réseau, c'est pour y trouver François et Frédérique et Jean-François, et mes autres amis virtualisés, et des inconnus réalisés, tous lancés dans une sarabande de commentaires... Au fond, je suis heureux. C'est presque le but de ma vie, de faire en sorte que réalité et littérature ne soient qu'un maelstrom tourbillonnant qui m'emporte jusqu'à la fin.

Matinée passée à mettre en forme les notes du cours de samedi matin (et encore, c'est pas très beau...). Sur quelques pages de Segalen, il y a tellement à dire qu'il faudrait des séances de trois heures. En même temps, il ne reste plus que deux samedis avant de finir. Il faut faire d'incessants rappels aux premiers chapitres pour voir comment les choses s'inversent, les positions se renvoient dos à dos.
À la page 58, le narrateur dit à Leys : « Avez-vous remarqué comme la route sonnait creux ? [...] Un égout... ou un aqueduc ? Au fait, par où les eaux des trois lacs entrent-elles au Palais ? »
À la page 221, c'est Leys qui dit au narrateur : « Vous n'avez pas remarqué... (il hésite et il sourit) — que cela sonnait creux ? Non ? [...] Vous n'avez pas senti que la route à cet endroit passe sur l'aqueduc qui abreuve le Palais ? »

Au GRAAL, on écoute la fin de l'entretien Fleischer/Veinstein puis on débat sur la composition du roman, avec ses trois parties non consécutives, de longueurs très différentes, les retours du narrateur et du personnage nommé Esther qui sont à la fois les mêmes et différents. Pour Jo, il y aurait à voir si la musique est réellement interrogée dans son rapport au pouvoir ou si cela reste au niveau du fantasme de l'auteur (donc, si la trame est celle d'une analyse ou celle d'un conte). Bill se demande s'il y aurait des mouvements esthétiques porteurs de ferments totalitaires et d'autres plutôt libérateurs. Et pourquoi le nazi se suiciderait-il, sinon parce qu'il vient d'obtenir par l'expérience esthétique d'une juive jouant divinement Bach la preuve de son irréversible et tragique crime d'avoir sincèrement cru à l'infériorité d'une race (p. 329-334) ? Pour la semaine prochaine, j'invite mes amis à s'intéresser aux différentes formes et natures d'Esther, fragmentation et unité d'Esther, sans omettre la luxure ni le bondage. Ainsi qu'aux implications de ces Esther quant au narrateur, Belà.

« La frontière entre la nuit et le matin est proche. Alors je guide encore la main de celui qui m'a tenu prisonnier. Mais c'est maintenant de l'extérieur, car je me suis déjà dépouillé de lui. Je guide sa main comme on tire les fils d'une marionnette. De tels êtres sont-ils autre chose que cela ? Mais au bout de quels fils ? Au bord de respirer à nouveau à la surface de ma conscience, et de retrouver l'air libre de la vie, je lui imprime ce geste, le seul geste humain dont je puisse encore lui faire cadeau : la marionnette s'empare du revolver et le tourne contre sa tempe. Avant même que je puisse voir, séparé de lui de justesse, ce pantin de bois et de chiffon rejoindre sur le plancher, inerte et désarticulé, la hache et le violon, je suis réveillé par une violente détonation.» (Alain Fleischer, La Hache et le Violon, p. 334)

©Berlol, 2005.