Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur. |
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Lundi 1er novembre 2004. Sadisme prétendu
des éléments de construction. Ménage et courses nous occupent, T. et moi, la matinée. Elle prépare pour demain le changement d'hôpital de son père. Sans doute la dernière quinzaine avant son entrée dans l'appartement que nous lui préparons ici. Il paraît que le projet de venir habiter à Kagurazaka lui plaît... Flambée de commentaires au bas du JLR du 26 et d'hier. Certains propos d'Acheron postés sur le 26 mêlent des commentaires sur le thème du jour à d'autres sur le thème d'hier, ce qui constitue un noeud temporel retors. Michaël Ferrier y prend part, notamment pour donner le texte d'une protestation* contre le maire de Tokyo et ses scandaleux propos. Puis il se rend comme moi au GRAAL. Notre séance s'ouvre donc sur le rappel de la situation dramatique qui se prépare dans les universités japonaises. Je n'ai pas le temps de détailler maintenant (et c'est à peu près ce que je disais hier). Michaël insiste sur le fait que cette situation ne concerne pas que les professeurs étrangers et encore moins les seuls Français. Par conséquent sur la nécessité de ne pas entrer dans les catégorisations nationales qui ne font que diviser... Puisque nous avons l'auteur sous la main, je présente le Tokyo, Petits portraits de l'aube de Michaël Ferrier (déjà cité hier). La mention "roman" entre en conflit avec le terme "petits portraits" et avec un découpage digne d'un recueil de nouvelles. Il doit donc y avoir plusieurs niveaux de cohérence et de compréhension. Méfions-nous également de confondre le narrateur (à la première personne) et l'auteur (qui se défend de si bien connaître le monde de la nuit tokyoïte) ; l'émanatisme est pourtant facile car certains propos pourraient être assumés par l'ami en face de nous. Enfin, il nous reste une grande heure pour parler de Lydie Salvayre. Malgré un petit mal de gorge, je lis du mieux que je peux le second rapport, celui où l'inspecteur de police est transfiguré par l'expérience cannabique. À sa mission d'infiltration semble se superposer une "mission secrète" qui "est de dire la vérité toute crue à M. le Ministre sans chercher à le flatter ni à le rouler dans la farine." (Passage à l'ennemie, p. 21) D'incompatibles plans référentiels font douter certains d'entre nous, comme si l'auteur n'avait pas su maîtriser son sujet : parler de la Boétie ou de Baudelaire comme de quidams à surveiller alors qu'on commente ailleurs Boulez ou Cervantès pourrait en effet être une forme d'incohérence. À moins qu'il ne s'agisse d'une destructuration grossière volontairement mise en place dans le but d'empêcher toute vraisemblance et d'ainsi fruster le lecteur érudit, victime d'un "sadisme prétendu des éléments de construction" (p. 16), un procédé assez pratiqué par Robbe-Grillet, par exemple. Tout cela finit comme il se doit dans la joie et la bonne humeur autour d'un bon dîner et de deux bouteilles de bordeaux. Un peu lourd, le cassoulet... Et moyen... Allez, on va essayer de digérer tout ça et on se retrouvera demain à Hongo pour une conférence de Jean-Luc Steinmetz. * Note : voici le texte complet de cette protestation en français. "UNIVERSITÉ MUNICIPALE DE TOKYO
Section d'études françaises Tokyo, le 31 octobre 2004
PROTESTATIONLe 19 octobre 2004, M. Shintaro Ishihara, maire de Tokyo, aurait tenu les propos suivants à la réunion inaugurale du "Tokyo U-club" (voir le quotidien Mainichi-Shinbun, 20 octobre 2004) : « Il y a d'innombrables enseignants d'allemand et de français a l'Université municipale de Tokyo, alors que le nombre des étudiants est proche de zéro. » « Le français étant une langue inapte au calcul, il est tout à fait normal qu'elle soit disqualifiée comme langue internationale. Certains individus qui s'accrochent à une telle langue manifestent une opposition infructueuse à la suppression de l'actuelle Université municipale et à la création d'une nouvelle université. C'est ridicule, et ne mérite même pas d'être pris en considération. » En ce qui concerne le lien entre les effectifs du corps enseignant et le nombre des étudiants en langue et littérature allemandes et françaises, nous n'avons cessé de demander aux autorités concernées au sein de la municipalité une évaluation exacte et un débat ouvert à partir d'une véritable évaluation numérique. Malheureusement, sans qu'il y ait aucune suite à notre demande, le maire récidive, en donnant une évaluation erronée. La vérité est – établissons-le ici à nouveau et une fois pour toutes – que les étudiants qui apprennent le français à l'Université municipale ont existé et existent chaque année, qu'ils sont plusieurs centaines, et que jamais jusqu'à ce jour, la section d'études françaises n'a eu " zéro" étudiant (l'effectif annuel des étudiants spécialistes étant institutionnellement limité à 9 pour le cursus du jour, et à 3 pour le cursus du soir). Déjà, l'inauguration même du "Tokyo U-club", organisation de "soutien" à la nouvelle université, sous la bannière du mensonge et de la diffamation envers la langue et la culture d'autres pays, est un fait irréparable et dommageable, qui en dit long sur ce que vaut l'administration éducative municipale, et qui jette aussi le doute sur le niveau culturel de la ville de Tokyo aux yeux du monde entier. Tokyo est une ville jumelée avec Paris depuis 1982, et l'Université municipale de Tokyo est adhérente, avec 28 autres universités japonaises, du CDFJ (Consortium du Collège doctoral franco-japonais) depuis sa fondation. Que la ville de Tokyo porte a sa tête ce genre de personnage, que l'Université municipale de Tokyo supporte comme instance administrative suprême un tel individu, capable, sans rougir, d'insulter la langue et la culture d'un pays ami, et d'une ville jumelée avec la sienne, c'est là une chose que nous déplorons du fond du cœur, comme les consciencieux contribuables de Tokyo et les membres de l'Université actuelle. Au nom des 170 millions de francophones du monde entier, au nom des quelques centaines de millions d'utilisateurs occasionnels du français, étudiants et autres, au nom, enfin, de tous les habitants du Japon, en particulier de la ville de Tokyo, qui vivent en contact quotidien avec le français et la culture francophone, nous protestons avec indignation et nous demandons, à M. Ishihara, maire de Tokyo, le retrait définitif de ces propos ignominieux. Tomohiro ISHIKAWA, Koichi ISHINO, Yasuaki OKUBO
Machio OKADA, Sadayoshi OGAWA, Kenji KANNO Naoko NISHIKAWA, Mami FUJIWARA, Kazuyoshi YOSHIKAWA" Lorsque M. le Préfet dit que «
Le français e[st] une langue inapte au calcul », essaie-t-il
de dire, fort maladroitement, que c'est l'anglais la langue de l'économie
et du commerce, comme on dit ?
Mais dans ce cas-là, il devrait peut-être aussi arrêter d'utiliser le japonais non ? Parce qu'il faudrait peut-être lui rappeler, à M. le Préfet, qu'alors que les savants japonais, durant la période d'Edo, se masturbaient sur les abstractions mathématiques pures du fameux wasan 和算 (les "mathématiques japonaises", ô le beau concept culturaliste !) et sur leurs bouliers, la France, elle, avait Descartes. [Oups, je vais encore me faire qualifier de "crypto-raciste". Ceci-dit, j'insiste, ce n'est pas moi qui ait commencé.] Et puis notons aussi au passage que la majorité de la population de Tôkyô a élu un Préfet vraiment sympathique, et ce au suffrage universel. Ne réculant devant aucune référence au "sang" japonais (voire à l'"ADN"), ce préfet a été qualifié il y a peu de "mini Le Pen" par l'économiste et militant pour la défense de la constitution Kaneko Masaru (Waseda). Pas si mini que cela d'ailleurs. 2004-11-02 07:51:53 de Arnaud
Bizarre la mise en page. Pourtant je n'ai
rien inséré de spécial...
2004-11-02 07:52:41 de Arnaud
Pour information, les articles ou pétitions
relatifs à cette déclaration d'Ishihara ne sortent pas sous
Google si l'on ne met pas au moins trois mots-clefs (par ex. : Ishihara
français calcul). Dur dur.
J'ai appris qu'Ishihara a dit la même chose à Delanoë lors de la visite officielle de ce dernier à Tôkyô, il y a qqc jours. Incident diplomatique ? Interviewé par le Asahi au sujet de "Que pensez-vous d'Ishihara Shinatarô", Delanoë aurait répondu que donner son avis était s'immiscer dans les affaires intérieures (naisei kanshô 内政干渉). Il faut que je mette la main sur cette article, et je le monterai ici. J'ai mis la main sur l'article au sujet de la déclaration d'Ishihara, qui n'était en réalité pas la seule problématique ce jour-là. Je le traduis rapidement et le monterai ici. 2004-11-13 03:32:47 de Arnaud
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Mardi 2 novembre 2004. Ton beau navire... Hier, a débuté sur France Culture le feuilleton radio consacré à Led Zeppelin ou "de la légitimité du rock comme culture". C'est François Bon, solennel, qui enterre d'emblée nos jeunesses en retraçant les dernières heures du batteur alcoolique, en 1980. "Le même glas" pour beaucoup de figures du rock, hélas ! Le jour de tous les saints, François l'a-t-il fait exprès ? En tout cas, c'est parti pour 15 épisodes de bio collective, de débordements médiatiques et de morceaux rares. "Comment la musique s'invente", ou comment comprendre les années 70... Dazed and Confused ; pour plus d'un, ça va remugler !... Dans l'émission Répliques du 23 octobre, avec Bernard Lahire et Sylvain Bourmeau qui prend ici la parole : "— Je voulais vous poser une question, Alain Finkielkraut, parce que Bernard Lahire vous cite dans son livre et il cite une phrase de La Défaite de la pensée où vous regrettez un certain nombre d'évolutions et vous procédez à des comparaisons. Alors certaines me posent problème parce que vous comparez des choses incomparables : de la musique avec de la nourriture, ou des choses comme ça. Mais il y en a une qui tient la route parce que c'est de la musique avec de la musique. Vous dites, vous donnez le sentiment qu'il faudrait déplorer le fait qu'aujourd'hui un rythme de rock vaut une mélodie de Duke Ellington. Moi, je ne comprends pas le problème, là, Alain Finkielkraut ! Si vous pouviez m'expliquer pourquoi ça pose problème qu'un rythme de rock vaille une mélodie de Duke Ellington... Alain Finkielkraut : — Je pense que les critères sont internes à la musique elle-même. Autrement dit, la tendance du sociologue et de l'esprit sociologique qui me semble très forte, c'est de dire : "bon ! y'a un moment où on détesté ça, maintenant on l'aime"... Ça veut bien dire qu'il y a une plasticité des formes humaines que je constate et j'en prends acte. Or la musique a une histoire. Et donc, je crois qu'il est, de l'intérieur de l'exigence musicale elle-même, possible de faire le tri, de montrer ce que le jazz peut avoir de riche et le rock d'appauvrissant et le rap de plus appauvrissant encore que le rock. Mais l'idée que l'on puisse manquer le train de l'actualité d'une part, et l'idée d'autre part que de toute façon tout change tout le temps fait que... on n'ose pas formuler les choses en ces termes." Ce que le rock ou le rap pourraient avoir d'enrichissant, M. Finkielkraut ne l'envisage même pas. Aucune hésitation dans sa voix. Le jugement est préalable à l'analyse... C'est bien ce que je lui reproche. Pour le reste, il a le mérite d'être un des derniers à inviter de réels contradicteurs, de véritables opposants à sa pensée, de croiser le fer verbalement avec eux et de recommander leurs ouvrages. J'arrive à sortir, la gorge un peu dégagée par quelques heures de sommeil supplémentaires, lisant le livre de Michaël Ferrier en marchant, pour aller au rendez-vous de la porte rouge (Todai akamon). La nuit approche. Les étudiants refluent de l'université de Tokyo, s'attendent pour aller prendre le métro ou boire un coup. Des souvenirs de sorties de cours, à Censier, m'effleurent. Une bouffée de lointaines sorties de cours. Bill arrive à temps. Puis François. On entre dans le campus pour chercher la salle où Jean-Luc Steinmetz parlera de vanités monumentales, en commentant des tombeaux de Baudelaire, Jude Stefan et Philippe Jaccottet (finalement, pas le temps pour Mallarmé dont il nous annonce une nouvelle édition en février prochain). Nous retrouvons aussi Estrellita, Jo et Michaël. Et le professeur Nakaji qui présente le professeur-poète avant de lui donner la parole. Nous écoutons attentivement les analyses de M. Steinmetz et beaucoup de remarques sont très justes. Mais la vision d'ensemble ? Le travail des sonorités ? Les tombeaux en d'autres langues ? Nous, les quelques collègues qui nous sommes donnés rendez-vous pour venir à cette conférence, restons un peu sur notre faim. Or c'est une loi du genre, il ne faut pas en vouloir à M. Steinmetz : les conférenciers sont invités d'abord pour les étudiants. Aussi leur demande-t-on de se mettre à un niveau d'explication compréhensible par ces étudiants de 3e ou 4e année. Et dans ce sens, c'est tout à fait réussi. Cela pourra même nous aider pour une approche de ce genre poétique qui n'en est pas un, le tombeau, un jour peut-être. J'ai beaucoup aimé les "sublimes sornettes" du poème de Jude Stefan ("Tombeau", in Libères, 1970). Au-delà des discours des prêtres nous exhortant à croire en une vie après la mort, j'y vois un jugement sur toutes nos actions ici-bas ("sornettes") qu'une infinie tendresse rétrospective et qu'un infini regret d'avoir à les quitter font juger "sublimes". En tout cas, c'est comme cela que je vois nos vies. Comme souvent, cela m'incite à écrire quelque chose. Que je n'ose comprendre. En tout cas, c'est un carré... Arpenteurs ! Arpentez ! (Petit jeu entre amis : essayer de le retenir et de le dire dix fois de suite...) ton beau navire
qu'au vent l'amer dérida m'é- mut en sombrant Bonjour.
Excusez-moi pour le décalage avec le blog. Pons vient de rédiger un article sur la façon dont les médias japonais ont traité l'otage (qui vient d'être décapité), et je vous le copie. « La famille du jeune Japonais décapité présente ses excuses LE MONDE | 01.11.04 | 14h12 Tokyo de notre correspondant Comme si sa souffrance ne suffisait pas, la famille du jeune routard japonais Shosei Koda, décapité par ses ravisseurs, a été l'objet de critiques pour avoir "mal élevé" son fils et encouragé son "irresponsabilité". Ce harcèlement a cessé après la découverte du corps mutilé du jeune Japonais, enveloppé dans un drapeau américain, dimanche, dans une rue du centre de Bagdad. Le cauchemar des parents de Shosei avait pourtant été déjà assez atroce. Dans la confusion des informations fournies par le ministère des affaires étrangères, ils étaient passés, samedi, du désespoir après la découverte d'un premier cadavre dont on leur avait dit qu'il s'agissait "très probablement" de leur fils, à l'espoir après qu'il fut établi plus tard qu'il ne s'agissait pas de lui. Puis ils ont plongé à nouveau dans la douleur lorsqu'il a été confirmé, dimanche à l'aube, que son corps avait été retrouvé et identifié. Dimanche, la famille Koda a présenté ses excuses pour les embarras provoqués par son fils. SATISFAIRE WASHINGTON Shosei Koda, âgé de 24 ans, qui avait été kidnappé la semaine dernière, est le premier otage japonais assassiné. C'est le cinquième civil nippon tué. Deux diplomates et deux journalistes indépendants avaient été victimes d'embuscades en novembre et en mai. Sa fin tragique relance le débat sur la présence des troupes japonaises en Irak, dont les ravisseurs exigeaient le retrait. L'issue de l'élection américaine et l'expiration, le 14 décembre, du mandat d'un an des 550 soldats japonais déployés à Samawa, ville chiite du sud-est de l'Irak, risquent de mettre sur la sellette le gouvernement de Junichiro Koizumi, qui entend obtenir du Parlement la prolongation de leur présence. En dépit de l'opposition de la majorité de l'opinion, le Japon a décidé l'envoi de troupes en Irak pour satisfaire Washington. "Si les forces japonaises n'avaient pas été envoyées en Irak, l'assassinat de Shosei Koda n'aurait pas eu lieu", a déclaré Katsuya Okada, président du Parti démocrate (principale force d'opposition). "J'exige leur retrait", a-t-il martelé. Sans revenir sur le principe du déploiement des troupes en Irak, Tokyo cherche à pondérer leur présence en resserrant encore le cadre de leur mission non combattante. Bien que plus réservé que lors de précédentes prises d'otages nippons en Irak au printemps (tous libérés), le gouvernement est accusé d'avoir provoqué un "lynchage médiatique" des otages et de leurs familles. "Jamais on n'avait vu une telle vague de critiques contre des familles et leurs enfants alors que ces derniers étaient encore en danger", commente Kenichi Asano, ancien journaliste et professeur à l'université Doshisha. Cette volée de critiques à l'égard des familles des otages est l'expression du réflexe d'intolérance d'une frange minoritaire de la population aiguillonnée par des déclarations comme celles du sénateur libéral démocrate Takeaki Kashimura. Il avait qualifié les cinq otages précédents d'"éléments antijaponais". Certains de ceux-ci critiquaient la politique proaméricaine du premier ministre en Irak. Ce n'était pas le cas de Shosei Koda, apolitique. Mais, dans le climat délétère créé par l'attitude gouvernementale lors des précédentes prises d'otages, les frustrations de certains, victimes de l'aggravation des injustices sociales due à la crise économique, sont à l'origine d'un mécontentement diffus. Ce sentiment trouve un exutoire dans des critiques à l'encontre des jeunes qui sortent du rang. Philippe Pons • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 02.11.04 » 2004-11-03 07:11:09 de Arnaud
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Mercredi 3 novembre 2004. Notre actualité,
c'est lui ! Vulgarité mondialisée : le monde entier est suspendu aux élections américaines. Tout le monde... sauf T. Elle a accompagné son père pour changer d'hôpital — ça a duré toute la journée d'hier. Elle a (mal) dormi sur un lit de camp à côté de lui dans une chambre de quatre malades. Elle s'est occupée de paperasses, de linge et de tas de petites choses. Elle est repassée à la maison ce matin alors que j'en étais déjà parti. Deux heures après, elle y est retournée et... elle y est encore, pour une deuxième nuit sur un lit de camp. Le système hospitalier japonais est pourri, précarisé par ses objectifs budgétaires et incapable de remplir ses missions d'assistance : l'administration demande que quelqu'un de la famille reste la nuit pour s'occuper d'un malade. Cela veut dire : toutes les nuits ! Il n'y a pas assez d'infirmières, dit-on. Mais ne nous apesantissons pas sur ce sujet... Il y a sans doute comme ça des millions de personnes qui, individuellement, ont des situations difficiles, des problèmes à régler, des épreuves à surmonter, que personne n'aide et dont personne ne parle. Mieux : ces personnes refuseraient sans doute qu'on les aide juste pour se faire plaisir et ne souhaitent pas spécialement qu'on parle d'elles. Alors les élections américaines... Cette puissance surdimensionnée qui menace le monde entier, qui s'invite dans toutes les maisons pour étaler ses millions de dollars, ces équipes d'hystériques qui harcèlent le citoyen, ou ce qu'il en reste, jusque dans l'isoloir... Et ces médias et ces marchés financiers, en France comme ailleurs, suspendus à un choix binaire qu'ils ont eux-mêmes monté en épingle... Oui, pour moi, c'est de la vulgarité ! T. a souhaité que je publie un jour une photo de son père. Je choisis aujourd'hui. Car notre actualité, c'est lui ! Situation post-moderne... À peu près au calme dans mon bureau alors que la fête de l'université bat son plein (fritures, nouilles, rock amateur, etc.), j'essaie de me concentrer et de mettre un terme à un article sur le touriste chez Stendhal et Mérimée. C'est ce mot, dans le premier paragraphe de Colomba, qui m'a mis la puce à l'oreille. Deux ans après la parution des Mémoires d'un touriste (1838), Mérimée n'avait-il pas quelque chose à répondre à Stendhal ? Dans une partie du monde non mondialisée, je veux parler du sixième arrondissement de Paris, on attend les prix Médicis et Femina pour la mi-journée (en fin de soirée chez moi). C'est bien la première fois que je me fais une remarque légèrement favorable au milieu germanopratin !... Vers 22 heures... Voilà, c'est Dubois et Nimier. Que de la facture bien classique ! Un faux roman historique et un faux roman biographique. D'un côté, j'ai l'impression que la génération du baby-boom se trouve belle et se mire dans l'ironie, de l'autre j'ai bien peur qu'on salue encore le père en honorant la fille. Quel beau Monsieur, le papa de T.
Depuis que sa présence discrète teinte certaines remarques des billets de Berlol, j'avais essayé de lui donner un visage. Je ne sais plus si je l'avais imaginé comme nous le dévoile la photo (avec cet air à la Nourrissier, à la Monet ou à ce gentilhomme de la IIIème République). Un seul mot me vient : la dignité. Ajoutée au combat de T., cela fait une belle raison d'espérer encore quand on voit le cynisme triompher ailleurs. 2004-11-04 02:22:34 de dabichan
Pour en rajouter un peu sur le système
hospitalier japonais, Chikako va devoir passer 10 jours (et 9 nuits sur
un lit de camp à mal dormir) avec Hugo durant son hospitalisation
alors qu'elle est elle-même enceinte.
Elle avait déjà fait cela il y a un peu plus d’un an, c'était dans une chambre de... 6 !!! Pas de repas, pas de douche : il faut que je lui apporte à manger tous les jours (à moins qu’elle ne se contente d’un onigiri du baiten du 2ème étage) et qu’elle profite de ma présence pour aller prendre un bain au sento du coin à quelques centaines de mètres de l’hôpital. Cette fois-ci, sachant ce qui l’attend, on a décidé de se payer le « luxe » d’une chambre de 2… Au fait, le lit de camp (toujours de rigueur même dans ce cas) doit être loué à une société externe : le numéro de téléphone à contacter est gracieusement affiché dans le couloir. Je voudrais la remplacer que je ne pourrais même pas (interdit aux hommes...). La modernité de ce pays est bien relative… 2004-11-04 03:28:43 de Manu
À Manu : Oui, la modernité est bien relative au Japon. (Et pas qu'au Japon d'ailleurs.) Si on parle de modernité technologique, le Japon est tout en haut. Mais pour le reste... Ca me fait penser qu'Ishihara a été réélu avec plus de voix que lors de son premier mandat. 2004-11-04 09:06:17 de Arnaud
J'avais déjà rencontré,
rapidement, le père de T. J'avais été étonné
par la barbe, le culture du poil étant tout de même peu usitée
ici.
(Par culture, je veux dire le fait de cultiver, et non autre chose.) 2004-11-04 09:11:04 de Arnaud
Et bien, voilà un beau monsieur.
Bon courage à T.
Et la vérole soit sur Bush. 2004-11-06 14:01:26 de Acheron
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Jeudi 4 novembre 2004. On croirait de la
fiction !... Essayez d'échanger des interjections et des mimiques avec des étudiants japonais ! Comment on fait l'étonnement... Comment on vit le soulagement... Comment on n'arrive pas à cacher son dégoût... Ou comment on compte sur ses doigts... Fou rire garanti dans la classe en moins de cinq minutes ! Un chiasme à connaître : le geste français pour "il est fou, celui-là !" (index pointé sur la tempe, tournant plusieurs fois de quelques degrés d'avant en arrière) ressemble un peu au geste japonais pour "réfléchissez !" (index tapotant le crâne un peu au-dessus de la tempe), alors que le geste français pour "réfléchissez !" (index ou toute la main comme faisant tourner une manivelle à hauteur de la tête) ressemble un peu au geste japonais pour "il est fou, celui-là !" (main ouverte comme secouant une boule à hauteur de la tête)... Si on ne le sait pas et qu'on demande aux étudiants de réfléchir... c'est un peu comme les traiter de fous ! (Certains diront qu'il est fou d'essayer de les faire réfléchir, mais je ne vois pas ce que je pourrais faire d'autre, dans la vie, à part du trekking en Australie avec T. ou manger du bon foie gras sur une terrasse de verdure...) Avec David pour déjeuner d'un bon tonkatsu chez Chitaka. On cause de la fac mais aussi de T., de son père, des commentaires du JLR d'hier... La photo du digne vieillard à barbe blanche a été prise le 1er mai et je n'ai pas un mot à retirer du JLR de ce jour-là ! Je crois même, six mois ayant passé, qu'on va très bientôt pouvoir le boire ensemble, cet umeshu ! (C'est tellement étonnant qu'on croirait de la fiction...) En cours de maîtrise, j'entame le dernier dossier de l'année : les colonisations, les colonialismes. Lecture d'approche : l'article d'Ignacio Ramonet, "Cinq siècles de colonialisme" (Manière de voir, n°58, Juillet-août 2001). Sur vélo statique, au centre de sport, je reprends Colonie de Frédérique Clémençon puisqu'il sera au programme du GRAAL à partir du 15 ou du 22 novembre... (Ça non plus, je ne l'ai pas fait exprès...) "Il importe peu que la vie d’un demandeur d’asile soit sérieusement en danger, que son pays vive sous les bombardements des aviations de ces mêmes pays d’accueil, ou qu’il ait fui son pays parce que, comme le stipulait la convention de Genève de 1951, il « craint d’être persécuté avec raison du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. » Ce qui vraiment importe pour les services de l’immigration est de stopper en aval les flux migratoires. Les services participent de la rhétorique raciste qui présente les demandeurs d’asile comme des périls menaçant à toutes les frontières la sécurité collective. Ce qui importe, aux yeux d’un officier de justice travaillant sous les ordres d’un gouvernement qui s’est engagé auprès de ses électeurs à contrôler le flux des demandeurs d’asile, c’est d’empêcher le maximum de demandeurs d’asile de bénéficier de ce droit." (Sami Ben Gharbia, Borj Erroumi XL, Voyage dans un monde hostile, chapitre 1)Si on travaille bien sur le colonialisme, mes étudiants pourront peut-être accepter de comprendre ce texte sans réagir comme des douaniers... Salut Berlol, juste un petit commentaire...
En France aussi, pour mimer "réflechissez" on peut le faire en "tapotant
avec l'index un peu au-dessus de la tempe"... Enfin, c'est comme ça
qu'on a toujours fait par chez moi... Ah là là, ces différences
culturelles de banlieues... Je comprends que les gens aient du mal à
communiquer passées les frontières.
2004-11-05 09:27:10 de Au fil de l'O. |
Vendredi 5 novembre 2004. De la lessive à
la prière. Ai fait une lessive, rédigé un paquet de courriels sur des sujets très variés, déjeuné avec David et notre collègue hugolien qui m'a demandé si je continuais mon blog (ça a l'air d'être une prouesse, mais je ne me rends pas bien compte...), ai réussi à achever et à envoyer mon article intitulé "Touristes chez Stendhal et Mérimée" (voir JLR d'avant-hier) puis à aller prendre un shinkansen dans lequel j'ai replongé dans La Mare au Diable... T. dort encore à l'hôpital ce soir, au chevet de son père. Brièvement au téléphone, elle m'a dit qu'elle avait trouvé une solution... J'ai hâte de savoir laquelle. Demain, elle sortira de son tunnel de la semaine (heureusement qu'elle n'avait pas de cours, cette semaine !) et moi... de sous les grands chênes... Je vous dis ma prière du soir... Et au lit ! La mare au diable... Trés bonne oeuvre.
A + 2004-11-05 16:38:12 de Jaliun |
Samedi 6 novembre 2004. Débarrassons-nous
du culte des ancêtres ! Cours à l'Institut, avec un thermos de thé très sucré, pour la gorge. La voix tient bon... On voit l'enchaînement des échanges entre Marie et Germain, pour préparer le feu, cuire les perdrix, etc. Germain toujours hésitant, empoté, prêt à renoncer, Marie débrouillarde... — je ne vais pas répéter une analyse déjà faite dans le JLR du 24 mai dernier ! Dans l'étude de détail, je trouve que ça tient bien la route, cette complémentarité de la nomade et du sédentaire ! Enfin, la prière du soir, c'est encore un coup à double détente : Petit-Pierre veut faire sa prière mal apprise et s'endort avant la fin, du fait de sa propre monotonie. Mais sa vraie prière, ce n'est pas une apprise, c'est la parole qui sort de l'inconscient de son demi-sommeil : que Marie soit sa nouvelle mère ! Cafét' de l'Institut, je tombe sur deux collègues pas vus depuis des mois. Ça fait plaisir ! On cause des menaces qui pèsent sur les derniers Gaikokujin kyoushi, ces titulaires étrangers des universités ex-nationales dont les contrats sont menacés d'être transformés en profs précaires et sans recherche. Éh bien, ils sont plutôt... d'accord. Je leur fais répéter, mais c'est bien ce que j'avais compris. Ils sont également d'accord avec le fait que les trusts de juku prennent les commandes du système éducatif et orientent les choix stratégiques des universités. Ils sont aussi d'accord pour la vidéo-surveillance généralisée. Bon, euh... Je crois qu'on s'est tout dit !... Enfin, je retrouve T. à la maison... Elle est en pleine forme ! Elle-même ne comprend pas pourquoi. Son père n'est plus en danger, pour l'instant, mais il y a un imbroglio de médicaments non compatibles entre eux et il faut faire des dosages complexes. L'hôpital dit qu'il ne devrait pas pouvoir sortir le 15. On est persuadé, T. et moi, que ce sont des gros mensonges pour le garder à l'hôpital et continuer à toucher les sous... Va falloir qu"on tire ça au clair. Pour fêter nos retrouvailles, déjeuner au Saint-Martin ! De retour à l'Institut pour un documentaire vidéo de 2h10 que l'avisé directeur des lieux m'a recommandé de venir voir : "Secteur 545" de Pierre Creton (2004, noir et blanc). Légèrement en retard, quand j'entre dans la salle, c'est la pose des trayeuses automatiques au pis des vaches... Si ça dure deux heures comme ça, je ne vais pas tenir. Mais la caméra suit le personnage principal chez différents éleveurs au parler typé. Les répliques tombent juste. Leur activité est en fait complexe, variée. La caméra les suit avec naturel : sans les héroïser, sans les imbécilliser. Entre les visites techniques, le personnage va chez une sculpteuse pour se faire faire un buste. Il pose la même question à tous les éleveurs : quelle est pour vous la différence fondamentale entre l'homme et l'animal ? Puis (décidément, c'est ma journée Institut franco-japonais !), visio-conférence avec Bernard Stiegler et Marc Crépon sur "Le défaut de communauté". Pendant que la salle se remplit, de notre côté, et avant que les conférenciers n'arrivent sur l'écran, là-bas, la caméra est tournée vers la fenêtre et je vois... la rue Censier ! Émotion ! La maîtrise technique de l'ensemble est époustouflante. Au-dessus de l'écran de télé que cache à moitié l'orchestrateur sur cette photo d'Arnaud, se trouve une web-caméra à orientation et zoom par contrôle informatique. Elle permettra de donner aux conférenciers de Paris 3 une image variée et mobile de la salle à Tokyo, d'ailleurs bondée ce soir. Ayant résumé ses réflexions antérieures sur la mémoire et la technique, Bernard Stiegler aborde des thèmes plus contemporains : ce qui fait l'essence du sentiment communautaire, le défaut d'origine de l'être humain qui lui donne la possibilité de se projeter fantasmatiquement dans diverses identités communautaires, y compris des identités non-communautaires. J' y retrouve, redéployé et appliqué aux groupes humains, le concept de polyvalence de la main qui, n'ayant plus eu de fonction spécifique après que les êtres humains se furent mis sur leurs deux pieds (valence = 0, de ce fait), était disponible pour toutes sortes de fonctions (usage d'outils, création d'outils et... création de machines-outils). Dès ce stade industriel, la mondialisation est programmée. On arrive alors, grâce aux grands bras conceptuels de Stiegler, à reprendre l'analyse de Max Weber sur la devise du billet vert américain, in God we trust (et non : in God we believe) pour expliquer pourquoi le capitalisme américain domine le monde et constitue la base d'un communautarisme efficace et dangereux qui n'a rien à voir avec les autres communautarismes religieux : la calculabilité de la croyance, la fiduciarité de la foi. Marc Crépon, visiblement admiratif, a du mal à prendre la parole plus de cinq minutes. Il s'intéresse, quant à lui, avec Nietzsche et après l'imposture du choc des civilisations, aux variables du multi-communautarisme qui permet à l'identité de chacun de se forger par son appartenance, réelle ou fantasmée, à diverses sortes de groupes, par goût, mode, idéologie, croyance. Cette diversité, qui rejoint le concept de la polyvalence du défaut chez Stiegler, permet aussi de postuler un désir et une satisfaction communautaires qui n'auraient pas besoin de recherche des origines identitaires. Si l'on postule que les recherches, désirs et fantasmes d'origines sont à la base des concepts de droit du sang et de droit du sol, on voit tout l'intérêt pacifiste, à l'échelle mondiale, qu'il y aurait à promouvoir une identité individuelle débarrassée du concept d'origine. J'ajoute de mon cru, ce qui rendrait le plus grand service à l'humanité : que le "je", dans son temps de vie, se développe au sein de divers "nous", par adhésion ou adoption, sans avoir besoin d'une origine par filiation dans laquelle ce "je" résulterait d'un "nous" formé d'une succession historique de "je". Débarrassons-nous du culte des ancêtres ! "[...] Si c'est ce simplissime nous qui nous lie / et que je lis dans ce qui nous noue [...]" (Cf. Je rentre à la meschon) Si tu savais comme cela fait du bien de lire
ton blog !
2004-11-07 11:52:25 de Acheron Merci ! (mais j'ai du mal à me rendre compte...) 2004-11-07 12:43:41 de Berlol |
Dimanche 7 novembre 2004. Succession de mouchoirs
et de siestes. Au sommet du rhume, ma journée n'est qu'une succession de mouchoirs et de siestes. Je vis dehors par procuration. Par exemple, grâce au courriel de Bikun : "[...] je tiens à démentir fermement le fait que... j'aurais pu gagner ! Hisae et moi avons donc bien joué [...] ! Nous avons fait 3 sets de 3 matchs et je n'ai... RIEN gagné ! Mon meilleur score a quand même été 11-9... mais je crois que j'étais plus proche de 11-4 bien souvent ! Elle est vraiment trop forte... mais je me suis bien battu quand même ! Nous sommes allés ensuite dans notre resto de pasta préféré où j'ai pris, comme vous l'imaginez... et bien non ! j'ai pris des kinoko pasta ! Et c'était très bon d'ailleurs. Hisae, elle, a pris des carbonara. Discussion sympathique, d'ailleurs [Berlol], Hisae m'a confirmé avoir lu ton blog mais n'ayant pas tout compris, m'a demandé 2 ou 3 détails. Notamment : "... se meut dans la prévisibilité..." et "... se fout de...", 2 phrases qui, mal comprises, peuvent être sources de confusion !"Sur l'autre front... la Journée pédagogique de Dokkyo à l'Athénée... Ça se passe sans moi. J'attends les nouvelles. Et je lis... "Allongé sur son lit, fixant le hublot ruisselant, le père de Léonce oubliait et néanmoins pestait : il avait, très précisément, rêvé du paquebot s'approchant de Pointe-Noire sous un ciel sans nuage, s'était vu, à l'instar de Brazza sur la petite photographie de 1905 si souvent regardée, debout, à l'avant, tandis que le bateau pénétrait, avec la force et la majesté sereines de l'éléphant, les eaux bouillonnantes, chargées de limon, du Congo, avait imaginé les hippopotames somnolant au pied des fougères arborescentes, les cris stridents des singes cachés dans les feuillages humides de la forêt vierge, les crocodiles baillant sous les bananiers, les montagnes couvertes d'arbres centenaires, qui s'ouvriraient puis se refermeraient sur eux comme une machoire, au lieu de quoi ce fichu rideau de pluie tiède lui cachait la côte, réduisait son horizon à un mur ou plutôt à une cloche de pluie assourdissante, putain de flotte." (Frédérique Clémençon, Colonie, Éd. de Minuit, p. 54) Salut Berlol.
Ca va mieux ton rhume ? C'est paraît-il à la mode en ce moment. D'ailleurs moi-même, la semaine dernière... Bref, tu as écrit : « Je vis dehors par procuration. » Comme je connais un peu ton emploi du temps frénétique, je me demande combien ça fait de temps que tu as passé une journée entière sans sortir ? Je note aussi (mais peut-être que je réfléchis trop) l'apposition de "vivre" avec "dehors". Un prompt rétablissement donc. Et faisons tous attention aux virus qui infestent les trains et les salles de classe ! 2004-11-08 03:13:49 de Arnaud
Oui, merci, la journée à
la maison m'a fait du bien...
Ta remarque est juste car pour moi, sauf empêchement ou cas spécial, "journée" ça veut dire "sortir", au moins en partie. Mais je ne crois pas être très original sur ce point... 2004-11-08 14:04:46 de Berlol
Sic. Peut-être est-ce moi l'original... Tu as raison. C'est vrai que, sans être ni agoraphobe ni un otaku introverti (ni vampire...), sauf obligation extérieure je reste souvent enfermé chez moi. Mais peut-être sont-ce encore les habitudes de la thèse qui me conditionnent. Je vais essayer de sortir aujourd'hui, et profiter du soleil ! 2004-11-09 02:28:34 de Arnaud
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Lundi 8 novembre 2004. Ceux qui cherchent
des repères. Il y a cent ans, réélection de Theodor Roosevelt à la présidence des États-Unis. Le même jour, Segalen, arrivé à Ceylan, à l'autre bout du monde, écrit : "Kandy, vendredi 8 novembre 1904 Je tourne le lac. On me guide vers le prêtre. Il est jeune, des yeux vifs qui luisent... et parfois dans un geste du prêtre, assis à contre-jour sur le lit, il me semble que tout s'envole, que la case, blanchie de chaux, basse et sombre, vole en éclats, qu'une grande percée découvre, que la Lumière éclabousse..." (Victor Segalen) Au GRAAL, sans Michaël ni François. Passage à l'ennemie en main, on débat pourtant de questions de fond, essentielles : qu'est-ce qui fait qu'on aime ou pas un livre ? que veut un auteur honnête quand il se cherche un plus large public ? La première question oblige à évoquer l'infinie diversité des lecteurs, de leurs différents états, de leur formation mais surtout à dire qu'un livre sera toujours un point de jonction entre un niveau de complexité d'écriture (où j'englobe style, construction de phrases, intrigue, psychologie, références, etc.) et un niveau d'exigence de lecture. Point de jonction unique, variable, subtil pour tous et tout le temps. La seconde question, c'est celle du message, des messages à faire passer. Il arrive, et c'est le cas de Lydie Salvayre avec ce livre, qu'un auteur réduise (volontairement ?) le niveau de complexité d'écriture qui était celui de livres précédents (La Puissance des mouches, La Compagnie des spectres, par exemple). Certains lecteurs déçus s'en détournent, mais d'autres lecteurs peuvent alors y accéder. Des déçus ou des résignés-à-attendre-le-suivant, l'auteur ne peut rien attendre, ce n'est pas à eux qu'il (ou elle) peut apprendre quelque chose : ils le savent déjà. Mais aux nouveaux lecteurs, qu'il (ou elle) embarque dans son histoire loufoque, il (ou elle) montre que des clichés nous régentent, que des portes ouvertes n'étaient pas du tout des portes mais des pièges (taoïste, alors !), que l'infiltration est une technique perverse car tel est pris qui croyait prendre, etc. Bref, elle, puisqu'on parle de Lydie Salvayre, devient moraliste, à la Swift, qu'elle invoque justement, et elle s'adresse bien à ceux qui en ont besoin, ceux qui cherchent des repères, des modèles, des démonstrations en allant en aveugle vers des livres. Carrément le suspense ! J'y pense dix fois dans la journée... Mais ce n'est pas au Goncourt que je pense : j'attends avec impatience le feuilleton Les Chiens noirs des seventies, l'histoire de Led Zeppelin racontée par François Bon. Aujourd'hui, sixième épisode : "Led Zeppelin recrute"... Le montage tâtonnant du groupe. Pas facile de convaincre Bonzo, le batteur... Et puis, le miracle, l'entente inouïe, dès le premier essai. Je voudrais dédier l'épisode du jour à mon copain de ce temps-là, vers 1978-1980, celui avec qui j'ai vraiment commencé à ÉCOUTER de la musique : Patrick Magois. Où que tu sois, c'est pour toi ! Double surprise, quand même, aux Prix littéraires, bien que je ne les connaisse pas. Le Goncourt à quelqu'un de chez Actes Sud, éditeur qui n'est pas du sérail parisien des gros vendeurs (Galligraseuil...) et le Renaudot à un auteur dont on a parlé le 20 octobre dernier et qui, grande première, ne pourra pas venir chercher son prix... |
Mardi 9 novembre 2004. Au cerveau une drogue
de poilade. Je voudrais lire ! Des dizaines de livres m'attendent, bien rangés en pile ou en rayon, certains arrivés depuis plus d'un an, d'autres venant d'être déballés... Mais aller et venir, trains et métros, préparer et faire des cours, lire et rédiger des tas de courriels sur une bonne quinzaine de sujets différents, administrer ceci et cela, faire du sport, etc. Tout m'empêche de lire ! J'écoute Tout arrive avec Martin Winckler. Les Trois Médecins, dont j'avais lu les chapitres mis sur son site cet été (2 juillet). Je le vois, là, sur l'étagère, arrivé depuis moins de deux semaines, sous le dernier Roth et le premier Masséra, à côté d'un Delbée, d'un Espitallier et d'un Huston, tous pas lus ! Ça me tue !... Je dis ça et au lieu de lire, je viens de passer une heure et demie à jouer au ping-pong avec David, Chris et trois autres collègues. Mais après trois heures de cours, c'est nécessaire, un peu de mouvement. David, ça le rend hilare. Comme si les mouvements musculaires libéraient au cerveau une drogue de poilade. D'une drogue l'autre. Revenu au bureau, je range des courriels du week-end, dont une recommandation de François Bon pour un journal web de quelqu'un que je ne connais pas : Jean-Claude Bourdais. Y suis allé dimanche — pendant que je n'allais nulle part — et ça m'avait bien plu, au point d'écrire à l'auteur pour le lui dire. J'y retourne... Et lui, Jean-Claude Bourdais, ni une ni deux, il est venu visiter le mien, de journal, et voilà qu'il raconte sa visite dans son billet d'hier ! Et dans sa page d'avant-hier, qui n'y était pas avant-hier, je lis un très intéressant paragraphe au sujet d'une liane amazonienne aux effets puissants... Lui aussi est stupéfié par le feuilleton Led Zep / Bon / France Culture. Sauf que lui, en 68-69, il y était, aux concerts ! Même Zappa, il l'a vu ! Et sa superbe photo du jour, panneaux routiers ou art contemporain... Cher Jean-Claude, merci des compliments et... désolé pour le temps que je vous ai volé à lire mes pages ! Allez, si je veux lire quelques pages, moi aussi, avant de sombrer dans le futon, faut que j'active la correction de deux piles de copies. Alors, le journal, basta ! Bonsoir. Sans rapport avec ton message
d'aujourd'hui, mais plutôt en relation avec ce qu'on discutait au sujet
du système de vote aux États-Unis, comme il a été
dénoncé notamment par M. Moore, je viens de lire un article
inquiétant, que je reproduis ici.
« Mais où sont passés les votes démocrates de Floride ? LE MONDE | 09.11.04 | 13h01 New york de notre correspondante Comment 29 comtés de Floride à majorité démocrate ont-ils pu voter soudainement pour le président Bush ? Pourquoi a-t-on fermé au public le bâtiment où se déroulait le décompte dans le comté de Warren, dans l'Ohio ? Une semaine après l'élection présidentielle, les témoignages d'anomalies s'accumulent aux Etats-Unis. Jusqu'ici, les récits apparaissaient surtout comme le fait de militants de gauche n'ayant pas réussi à admettre la défaite de John Kerry. Mais trois parlementaires démocrates ont versé leurs pièces au dossier en réclamant une enquête officielle sur "l'efficacité des machines à voter et des nouvelles technologies" employées pendant les élections 2004. Dans leur lettre au General Accounting Office (GAO), l'organe d'évaluation parlementaire, les trois membres de la Chambre des représentants, John Conyers, Jerrold Nadler et Robert Wexler, citent plusieurs cas "troublants". A Columbus, dans l'Ohio, une machine électronique a donné 3 893 voix à M. Bush, alors qu'il n'y avait que 800 votants. Dans plusieurs bureaux de Floride ou de l'Ohio, des électeurs qui voulaient voter pour John Kerry ont vu systématiquement le vote se porter sur son adversaire. Dans le comté de Broward, une machine s'est mise à retrancher les votes plutôt que les additionner. Le cas le plus sérieux concerne les comtés de Floride qui sont passés massivement dans le camp républicain. Les votes y étaient uniquement électroniques, sans trace papier. Selon les chiffres officiels, une chute notable des votes démocrates a été notée dans une trentaine de districts. Le comté de Baker, où 69 % des électeurs sont inscrits comme démocrates, a voté à 77 % pour le président Bush. Le comté de Calhoun, à 82 % démocrate, a voté républicain à 62 %... M. Bush a remporté l'Etat avec 381 000 voix d'avance. " Mais les irrégularités sont suffisamment nombreuses pour justifier une enquête, a expliqué John Conyers lundi sur MSNBC. Nous n'appelons pas à une nouvelle élection. Notre candidat a reconnu sa défaite. Mais il s'agit de rassurer les Américains sur le fait que leurs votes sont appréhendés correctement." Corine Lesnes • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 10.11.04 » 2004-11-09 16:27:22 de Arnaud
Oui, ces éléments sont inquiétants,
et le "Canard Enchaîné" de cette semaine en révèle
aussi du même tonneau...
Petit rappel : l'UMP aimerait assez passer au vote électronique en 2007... Doit-on vraiment se demander pourquoi ??? 2004-11-10 13:22:13 de Au fil de l'O.
Je n'étais pas au courant au sujet
du projet de passage au vote électronique en France. C'est inquiétant
effectivement...
La technologie peut et doit servir. Mais il est important qu'il y ait toujours un contrôle très strict dessus. C'est cela le problème aux États-Unis je pense : il ne s'agit pas de faire, mettre en pratique ou tolérer n'importe quoi (contrôle biométrique aux frontières, etc....) juste parce que ça serait "pratique" ou "benli" etc. etc. 2004-11-11 03:01:59 de http://
Le précédent message est
de moi. Je ne sais pas pourquoi c'est devenu "http//"
2004-11-11 13:26:58 de Arnaud
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Mercredi 10 novembre 2004. Références
au sérail et crasses croisées. En vue d'un prochain GRAAL sur les prix littéraires, je passe chez Libé et au Monde, sites bien balisés. Dans Libé, gros sujet sur le nouveau navigateur Firefox de Mozilla dont le lancement international avait lieu hier (installé chez moi en anglais depuis début octobre). Semblerait que ça démarre fort pour ce logiciel libre et que Microsoft ait du mouron à se faire... Sur le site du Monde, je découvre le blog d'Assouline, dont je n'aimais pas les éditos dans Lire ni les émissions sur France Culture, mais sait-on jamais... Le titre La république des livres est un peu pompeux mais... républicain : le blog accepte les commentaires, ce qui en fait effectivement une res publica. Mais aussi — car non filtrés — beaucoup de commentaires d'imbéciles et de m'as-tu-vu (pensez donc ! s'afficher sur le blog d'Assouline ! en plus, en s'en prenant à lui ! quelle aura ça vous donne, hein ! — un peu comme les crétins qui sautillent derrière un journaliste en reportage pour se faire remarquer dans l'image...). Via l'un de ces commentaires, je découvre le blog de Joseph Vebret. Lui aussi littéraire seulement (quoiqu'un peu perso quand même...), parfois verbeux mais souvent fin. Voir par exemple son billet sur une récente conversation de comptoir au sujet de Sagan, qui devient, commentaires aidant, un exposé sur littérature et vitesse. Je crains que l'on entre dans une nouvelle ère du blog, au moins dans le domaine littéraire. L'ère des VRP des Lettres, quand un bon paquet de journalistes, éditeurs, auteurs et agents rémunérés par des pointures du show-biz intello vont tous bloguer à donf, avec références au sérail et crasses croisées. Le monde du blog va y perdre en fraîcheur ! Nouvel épisode administratif et loufoque en pays nippon. Pour obtenir une connexion ADSL à 50 Mo, j'ai rempli un contrat dit "Yahoo BB" dont les services techniques devaient vérifier l'état de ma ligne téléphonique auprès de l'opérateur national, NTT. Or, il est apparu que le nom de famille utilisé en katakana pour l'achat initial de cette ligne (selon une procédure propre au Japon qui oblige à acheter une ligne 70.000 yens — paraît que ça va cesser, ce racket...) n'est pas celui que je porte maintenant. En effet, mes premiers hôtes — je les pardonne, là n'est pas le problème — m'ont inscrit en faisant une erreur de lecture de mon nom, erreur qui a été répétée dans tous les services administratifs durant deux ans, jusqu'à ce qu'excédé d'être appelé par un nom qui n'était pas le mien, je décide de rétablir la lecture correcte de mon nom en allant modifier ça dans tous les bureaux imaginables (mairie, police, université, ambassade, poste, banque, etc.). Un peu comme si, pour l'écrire en katakana, on avait lu Berlol "bu-ru-ro-ru" au lieu de "bé-ru-ro-ru"... Je n'avais pas omis de corriger chez NTT et ma ligne m'a suivi dans quatre déménagements, changeant de numéro à chaque fois et avec, sur les factures que je reçois depuis des années, la bonne lecture du nom. Éh bien, les services de Yahoo BB se sont heurtés à un problème de sécurité : en réalité, ma ligne porte toujours le nom d'inscription d'origine, celui de mes factures n'étant qu'une adaptation à des fins commerciales. Ils me demandent de régler d'abord moi-même ce problème avec NTT. Ce que je viens d'essayer de faire cet après-midi, avec l'aide de David, que je remercie ici humblement. Nous saurons demain si l'opération a réussi... Peu après (et sans rapport), c'est notre connexion à l'université qui a été coupée, sans explication, pendant plus d'une heure. J'en ai profité pour finir des tâches locales alors que j'avais des courriels importants à envoyer. C'est avec plus d'une heure et demie de retard que j'ai enfin pu partir au club de sport où, pédalant exsudant, j'ai repris ma lecture de Colonie avant de m'en prendre à quelques kilos de fonte qui ne m'avaient rien fait... "Ils choisirent donc d'effectuer le trajet en pousse-pousse comme cela commençait à être l'habitude chez quelques Blancs, des fonctionnaires et des militaires la plupart du temps, qu'on voyait circuler les uns dans leurs complets blancs, une serviette de cuir sur les genoux, les autres dans leurs uniformes, le plus souvent tirés par un couple d'enfants noirs maigrelets qu'on payait un falanga la course, quelquefois deux si le trajet était long, ce qui équivalait à deux francs, que les enfants se partageaient et rapportaient chez eux." (F. Clémençon, Colonie, p. 96-97) |
Jeudi 11 novembre 2004. On se fout de notre
Google ! Maintenant, dans une classe d'une vingtaine d'étudiants japonais, dès que vous demandez ce qu'un mot signifie, vous voyez vingt têtes qui se baissent et vingt bras qui tendent un doigt vers les touches d'un dictionnaire électronique posé devant eux... Plus de temps de réflexion (c'est quoi, ça, la réflexion ?), juste un réflexe. Dès qu'ils savent la réponse et sans faire de phrase (pour quoi faire ?), ils la disent, en général par un synonyme, un hypéronyme ou un hyponyme, parfois une brève périphrase ou une expression donnée par le dictionnaire (et généralement très à côté de la question). Ce qui fait que leur mémoire personnelle est toujours vide. Pour voyager, ils vont sans doute se faire greffer l'appareil au bout du bras. Swift pourrait écrire un nouveau chapitre à ses Voyages de Gulliver... Suite à une info des amis de Remue.net, j'agrémente et transmets à Litor. Ainsi qu'ici, le sujet étant suffisamment important pour tous. Chers membres de Litor,Peu de minutes après, je recevais déjà deux réponses de documents ou de sites, dont l'adresse du très intéressant Google-watch. Puis, merci à Christian, l'adresse d'un intéressant article sur le déréférencement par Google. Pourquoi faut-il que les deux petits jeunes intelligents et rebelles deviennent toujours des gros cons qui ne pensent plus qu'à faire du fric ? La question est peut-être vulgaire, mais c'est hélas comme ça qu'elle se pose. Google a toujours indexé seulement
les premiers 101 ko des pages. La page que tu cites en exemple pèse
190 ko et l'occurrence de ...kakis... se trouve vers la fin. Si tu cherches
"Beau temps, un peu moins chaud qu'hier", la même page sort. Pas
de dérive mercantile sur ce point précis. A plus.
2004-11-11 20:37:36 de Dom Merci, cher Dom, de cette info très importante que j'ignorais (et sans doute pas que moi !...) Mais cela n'explique pas pourquoi j'avais retrouvé mes kakis un mois avant... Porte-toi bien et Bonjour à A. 2004-11-12 00:52:53 de Berlol Sans doute un décalage entre la date de l'indexation et la mise à jour de la page [l'index de Google est rafraîchi selon une fréquence variable selon le type de sites, etc., il a sans doute été créé à un moment où les termes de l'expression figuraient dans les 100 premiers ko, il renvoie de ces termes vers une URL qui reste inchangée d'une page qui s'allonge chaque jour, jusqu'au rafraîchissement suivant où les termes de l'expression tombent désormais en dehors des 100 ko]. Seule l'indexation est concernée par la limite des 100 ko, la page elle-même est toujours stockée intégralement (on le voit facilement en recherchant sur son url entière et en demandant à voir la page telle qu'elle est stockée dans le cache de Google). Ciao. 2004-11-12 11:02:44 de Dom |
Vendredi 12 novembre 2004. Je ferai pas ça
tous les jours ! À huit heures au bureau pour compiler les dernières propositions reçues pour le colloque L'Internet littéraire francophone avant de partir pour Tokyo. Passage à la mairie d'arrondissement, à Gokiso, pour un certificat de résidence, encore un, qui va être nécessaire tout à l'heure... Pas de queue, administration fluide. J'y ramasse un magazine mensuel gratuit, Nagoya Calendar, dans lequel je vois qu'il y aura une fête de l'artisanat traditionnel vendredi prochain dans le Nadya Park de Yabacho, près de Sakae (mis ici pour prévenir David et lui proposer d'y passer faire un tour, par exemple en début d'après-midi...). Après deux jours de pluie, il commence à beau. Dernières gouttes pendant que j'attends... Rendez-vous devant la poste centrale de Tokyo, sortir Marunouchi de la gare centrale de Tokyo. Que de la pierre très solide ! Bon symbole pour aller signer avec T., avec le vendeur de l'appartement et avec l'agent de crédit de la banque, un paquet de documents. Encore une hanko-party de deux heures (il y a beaucoup d'explications sur le crédit, les garanties, les assurances, les procédures en cas d'accident, etc.). Je ramène mon sac de voyage à la maison pendant que T. va à l'hôpital voir comment va son père, puis je rejoins Bikun à la gare d'Iidabashi. On va à Akihabara où je voudrais acheter, pour moins de 100.000 yens un nouvel ordinateur de bureau afin de remplacer celui que Bikun m'avait revendu il y a deux ans et qu'il avait acquis initialement il y a cinq ans — un dinosaure ! Effectivement, le matériel a bien évolué : on trouve maintenant chez T-Zone des petites boîtes, style petite chaîne Hi-Fi, qui sont trente ou cinquante fois plus puissantes que l'ordinateur à remplacer. Grâce à Bikun, je pourrais d'ailleurs acheter en DIY (do it yourself), le boîtier avec la carte-mère, puis la mémoire vive, le disque dur, le calculateur. Le système de refroidissement est maintenant... par liquide, ce qui garantit un fonctionnement silencieux. Et comment ça se passe, le DIY ? Un vendeur sympa nous balade d'un rayon à l'autre pour composer notre configuration, choisir les composants. On a le devis vers 18h30, c'est assez pour aujourd'hui. On finalisera dimanche, avec les logiciels de base, pour faire le montage et les installations nous-mêmes, sur place... À suivre, donc. Après ces diverses émotions, j'emmène Bikun au Saint-Martin où nous dînons en attendant que T. nous rejoigne. Elle tient bien le coup, malgré les fatigues répétées et le stress d'une situation familiale compliquée (elle a trois soeurs et elles ne sont pas d'accord entre elles sur la meilleure façon de gérer la situation paternelle). Elle est bien contente de notre conversation badine. La légèreté, ça existe. Avec un verre de vin, c'est encore mieux. On rentre. J'essaie de finir la préparation de mon cours sur les chapitres X et XI de la Mare au Diable, mais rien à faire, mes yeux se ferment ou relisent les mêmes mots sans rien y comprendre, c'est moi qui suis ensorcelé et je ne peux que me traîner au lit pour sombrer rapidement, entre deux phrases, comme la petite Marie, dans le sommeil... |
Samedi 13 novembre 2004. Mon coeur balance...
tout à la poubelle. Dans un minuscule recoin du centre labyrinthique de Tokyo, un petit individu en pyjama à tartan bleu se lève péniblement quand sonnent 5h30 à son réveil. Il quitte un gros lit bien chaud où il n'était pas seul pour s'aller asseoir devant un écran triste et plat qui, bouton titillé, s'égaie. D'une autre main, il entrouvre une Mare au Diable défraîchie par l'usage et se coince les pages dont il doit reprendre le commentaire. Malgré le froid, le chapitre X, propose trois parties de crescendo d'une tentation : un paysan veuf et perdu au milieu des bois avec une bien belle jeune fille sent le désir le pousser à la faute, il en discute d'abord, essayant d'amener le sujet, que la candide écarte systématiquement en se moquant de lui, puis, quand elle dort, il se la monologue en un blason animalier qui la fait paraître fragile et plus désirable que jamais, enfin, intérieurement embrasé, il va et vient dans sa clairière, se jette presque sur elle... Puis surmonte soudain ses pulsions, terrasse son dragon et retourne s'asseoir — de l'autre côté du feu. Au même instant, le brouillard s'en va voir ailleurs et la lune commence à jeter des diamants sur les mousses... La suite À la belle étoile, et pour un avenir meilleur quoi qu'on n'en sache encore rien, est un chapitre de résignation et de séparation, d'après paroxysme : on trouve la sortie des bois, on retrouve sa jument, Marie reprend son esprit et son Petit-Pierre, chacun prend le chemin qu'il aurait dû faire la veille. On pense ne jamais se revoir dans cette vie : Germain ira se marier avec une veuve, Marie entrera en service dans un autre village où elle trouvera un amoureux qui l'épousera. Si on se croise, on se sourira, mais on ne se connaîtra plus vraiment. Jamais comme cette nuit près du feu et de l'eau, aussi diaboliques l'un que l'autre. De retour au XXIe siècle, je passe à la librairie Omeisha pour acheter Une Vie française de Jean-Paul Dubois. Au milieu de l'été, bien avant qu'il ait le prix Femina, Corinne m'en avait parlé en termes élogieux, tandis que nous devisions sur une terrasse en attendant un feu d'artifice... Je pourrai bientôt lui répondre. "Sitôt rentré, j'annonçais à mes parents ma décision de partir vivre à Tampere. Ils me conseillèrent d'aller prendre une douche avant de passer à table. J'écrivis à Sinika pendant trois ou quatre mois. Elle m'envoya des poèmes et des photos d'elle. Puis, un jour, elle y ajouta un cliché de son chien qui ressemblait à une sorte de vieille banane en peluche. Je ne saurais dire en quoi la vue de cet animal transfigura mes sentiments mais, en l'espace d'une seconde, la plus aimée, la plus douce et la plus belle des femmes du monde sortit définitivement de mon coeur et de ma vie." (Jean-Paul Dubois, Une Vie française, p. 44-45) La banalité du passé simple sert aussi à faire vieillot. Une petite pointe d'humour sur soi crée la distance idéale pour que le lectorat adhère sans se prendre la tête. Ça se voit tout de suite que ce n'est intéressant que par le contenu et par l'écart entre le contenu et ce qu'on en sait pour avoir vécu ou vu des bouts de cette époque dans des films. Et c'est pour cette identification décalée et dans le vent que même des jurés de prix se bousculent du coude et votent... Entre montrer rigolotte la France moisie (façon Dubois) et la montrer moisie par un texte lui-même rance (façon Houellebecq), mon coeur balance... tout à la poubelle. Dans son Bloc-Note du 3 novembre, Philippe pense que les élections américaines ont été truquées. Je le pense de même, et je pense même qu'elles ont été truquées des mois avant la période du scrutin. Les reportages nous ont montré qu'il y avait partout des équipes d'hystériques prêts à tout pour la victoire de leur chef de guerre. La pratique des faux électeurs connue à Paris n'est qu'une des façons de truquer à l'avance un scrutin... Dans ce domaine aussi, les Américains sont très en avance sur nous. Intelligent commentaire de Bartlebooth au commentaire plat de Bartleby dans l'Assouline du 12. Tu n'aurais pas dû t'arrêter
à Assouline mais lire les remarques de Jérôme Vidal
à propos de sa nouvelle traduction...
Intervention beaucoup plus intéressante que la plate présentation de sieur Assouline. Bien à toi, Eric 2004-11-14 08:19:59 de Eric
Malheureusement, je crois que nous sommes nombreux à penser la même chose des élections américaines... Je me demandais, d'ailleurs, dans mon blog, pourquoi les démocrates n'ont pas réagi et ont finalement préféré laisser Bush 4 ans de plus... C'est pour moi un autre mystère de ces élections... 2004-11-14 09:18:25 de Au fil de l'O.
la phrase sur Bartleby a disparu du site
bis (le moche)
je reprends les commentaires très excitants de Jérôme Vidal, le traducteur, sur blog remue: c'est plus intéressant qu'Assouline, certainement... F 2004-11-14 09:22:55 de F Bon
Le commentaire du traducteur est en effet passionnante. On peut encore remarquer l'intérêt des blogs, même celui d'Assouline, de susciter quelques beaux rebonds (la contribution de Jérome Vidal est maintenant sur le site de l'éditeur). 2004-11-14 15:29:20 de Bartlebooth
Merci de vos passages ! En fait, quand j'ai lu le commentaire de Bartlebooth, celui de Vidal n'avait pas encore été posté. Bel effet d'interstice temporel ! 2004-11-14 17:24:03 de Berlol
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Dimanche 14 novembre 2004. Rare effet d'interstice
temporel intercontinental. Par l'ultime ajout d'hier soir, j'ai involontairement immortalisé un instant du web : celui où, dans le blog d'Assouline consacré à Bartleby, le commentaire de Bartlebooth auquel je renvoyais n'avait pas encore été suivi du commentaire du traducteur de Melville lui-même. Quelques heures après (décalage horaire oblige), mes remuants amis suivaient la piste et ramassaient la belle prise, me demandant pourquoi je n'avais pas mentionné cette longue et belle note de Jérôme Vidal (lui-même prévenu on ne sait comment...). C'est ainsi que les Shadoks de l'ILF (l'Internet littéraire francophone) inventent et théorisent le mouvement de site en site, infini, parfaitement littéréticulaire. Matin ping-pong, pas en chaise longue ! Avec Bikun, Katsunori et la désormais célèbre Hisae. Le tableau des scores comporte deux rounds de six matchs dont Katsunori et moi sommes les grands perdants. Un treizième match s'imposait car pour la première fois Bikun, en pleine forme malgré (ou grâce à) une veille au soir bien arrosée, a réussi à battre Hisae, moins impassible que d'habitude et étonnée elle-même de ses fautes qui, cependant, la ramènent parmi les êtres humains. La décoration de la salle de ping-pong, comme cet échantillon de fresque murale le montre, est pour le moins psychédélique. Le mobilier en accord. Une personne amenée là d'un autre pays les yeux bandés et ne sachant rien de la direction prise par l'avion qui l'aurait enlevée après avoir été chloroformée au sortir d'un parking quand elle pensait aller chercher les enfants, serait bien en peine de dire quand et où elle se réveille et suerait paradoxalement à l'idée des tortures qui vont lui être infligées en un lieu si vicieusement rétro et banalisé. Probable qu'elle devra écouter des heures durant les braillements des groupes d'adolescents qui peuplent majoritairement le lieu dès 11h30, qu'elle aura à tester les dizaines de balles que les smashs et les coupés ont traumatisées et mises au bord du dégazage rare. Voire même qu'elle devra nous accompagner pour manger des pâtes italiennes chez Tapas y Tapas... Avec Bikun à Akihabara pour achat, montage physique et installation logicielle de l'ordinateur repéré vendredi... Ça nous prend quand même trois heures, cette histoire ! Mais c'est amusant : coller le cul du système de refroidissement à la surface du calculateur avec une pâte blanche jamais vue pour assurer une totale conduction de la chaleur et la réduire. Les gros consommateurs de calcul, je veux dire ceux qui pratiquent le jeu vidéo à haute dose, savent de quoi je parle ; ce n'est pas un petit ventilo qu'il faut, c'est une turbine d'aération ! Au mitan de l'action, on ne peut plus rien faire : aucun de nous deux n'a eu le temps de récupérer quelque part un système Windows... Me voilà parti dans les rues avoisinantes à la recherche d'un Windows XP en anglais, ce que je trouve rapidement au magasin LAOX, pour la modique somme de 25.000 yens... Mais au moins, je pourrais me l'installer partout à la place des systèmes bricolés. On finit l'installation, on remballe et on rentre. Tellement crevé par tout ça, l'enchaînement ping-pong ordinateur, qu'on ne rouvre pas la boîte à la maison et que je ne peux même pas retenir Bikun à dîner. Ça sera pour un autre jour... Et je plonge dans un bon bain chaud. Les instants d'excitation et d'affairement autour de nouveautés sont souvent suivis de profondes fatigues, de passages à vide, lente digestion de l'animal à sang froid après les morsures au porte-monnaie. |
Lundi 15 novembre 2004. Première soupe
de l'automne. "Non seulement il oubliait tout, mais il avait aussi tendance à offrir des sommes importantes à certains de ses ouvriers agricoles au prétexte que "la terre appartient à ceux qui la travaillent". Tout autre que ma grand-mère aurait considéré cet argument comme une marque de bon sens et lu, dans ces dons répétés, les marques de la générosité d'un riche propriétaire touché, sur le tard, par des idées de progrès. Au lieu de quoi, Marie Blick ne vit dans le comportement de son mari que les attaques ultimes de son grand mal, et réussit à le faire interner au motif qu'il perdait l'esprit et mettait en péril son avenir patrimonial et celui des siens. Assommé par le marteau psychiatrique de l'époque, entouré de fous furieux et seul au monde — ma grand-mère interdisait à ses enfants de visiter leur père —, Léon Blick perdit vite pied, sombra dans une année de silence avant de se laisser glisser doucement vers la mort." (Jean-Paul Dubois, Une Vie française, Éd. de l'Olivier, p. 21) Thème qui résonne au présent du père de T. à qui nous voulons éviter telle descente. Mais Dubois décrit tout de l'extérieur, cliniquement, indiquant les choses, les gens et les événements dans un permament survol plus qu'il ne les convoque et les fait vivre. Après quelques pages, on sent le rythme de la lecture s'emballer. La fluidité voulue est celle du film en accéléré, ne s'arrêtant sur rien, ne ménageant de pause nulle part, décrivant à tour de bras des pans entiers de vies individuelles et collectives. Et se foutant de tout... Passe, fugace, comme à regret, le visage d'Ingrid Bergman, internée aussi pour lèse-richesse dans Europe 51... Première soupe de l'automne après les courses sous la pluie. De belles carottes, fermes et sucrées, un poireau qui s'ouvre en craquant sous le couteau, deux pommes de terre couleur beurre, une étoile d'anis, deux feuilles de laurier, quelques branches de thym, un trait d'huile d'olive et une cuillère de gros sel marin. On ne mangera presque que ça, au déjeuner. Avec force pain trempé, pour moi. N'ayant qu'un seul écran, un seul clavier et une seule souris pour les deux ordinateurs, l'ancien et le nouveau, j'installe mon matériel de manière à pouvoir déplacer les branchements le plus rapidement possible... Une heure après, j'ai transféré la plupart des données, configuré l'accès au courrier, vérifié le fonctionnement de l'enregistrement de France Culture et des tas d'autres bricoles logicielles. Je suis moyennement content du rendu graphique du nouvel ordinateur. Malgré les choix de définition que j'essaie tous, j'ai toujours l'impression que ça affiche trop grand ou trop petit, un peu flou... Question à creuser. Mais le pire, c'est le bruit du disque dur ! Variable selon l'usage. Rien à voir avec le souffle permanent du ventilateur de l'ancien. Un GRAAL très dynamique, ce soir. Une petite demie-heure à parler des blogs littéraires, de leur fonctionnement et des récents commentaires autour de Bartleby, Assouline, Bartlebooth et Remue.net. Puis, dernière discussion sur Lydie Salvayre et son Passage à l'ennemie. La question est finalement de savoir si oui ou non Lydie Salvayre a volontairement simplifié son écriture (par rapport à ses premiers livres) dans le but de toucher un plus large public. Et si oui, si elle y a réussi. Si ce public élargi est à l'image du langage utilisé, il n'est pas constitué de jeunes des banlieues ni de policiers plus ou moins semblables à ceux mis en scène mais d'une large frange de petite et moyenne bourgeoisie qui pourrait s'émouvoir de ce que l'amour soit possible entre un flic et une zonarde, croire que l'autisme est soluble dans la tendresse, voire adhérer romantiquement à des références libertaires qui datent du troisième quart du siècle dernier. Quant au message politique, si l'on veut qu'il y en ait un, il risque d'être vu comme un divertissement par ce lectorat finalement peu concerné. Ce serait alors l'auteur sérieuse et exigeante s'essayant au roman grand public qui aurait quelque peu raté son passage à l'ennemi. Présentation rapide des prix littéraires, qui n'intéressent personne. J'insiste sur le Dubois, son intérêt documentaire qui devrait faire un carton, avec la dérision qui convient et le ramassage des clichés à la pelle, ça racole beaucoup plus fort que Salvayre ! (qui a mon sens ne racole pas d'ailleurs). Après cela, présenter Frédérique Clémençon est plutôt facile : c'est à peu près tout ce que Dubois n'est pas. Car Colonie ne survole pas exhaustivement l'histoire contemporaine, ne recourt pas à une phraséologie simplette faite d'enchaînements imparfait-passé simple, ne suit pas l'ordre chronologique, ne nomme pas tous ses personnages, ne donne pas du tout dans la dérision, etc. La suite au prochain épisode. Michaël nous a réservé une surprise : René de Ceccatty est à la MFJ et libre pour le dîner ! Toujours difficile, j'imagine, d'entrer dans un groupe de cinq personnes qui se connaissent comme nous. Mais il est vite mis à l'aise, aucun d'entre nous ne connaît ses oeuvres, Michaël mis à part. Par contre, je connais sa voix, son ton... pour l'avoir plusieurs fois écouté dans le Carnet nomade. Il sera question de Salvayre, de Dubois, du Dit de Genji en français et de bien d'autres choses, et pas qu'en bien... |
Mardi 16 novembre 2004. Le pire serait d'être
injuste... Le pire serait d'être injuste, gratuitement. Citant hier Jean-Paul Dubois (Une Vie française), je critique sa dérision en y voyant racolage, démagogie, populisme. Cependant, je me souviens de la dérision chez Masséra (France guide de l'utilisateur ou United Emmerdements of New Order) et je me demande s'il s'agit de la même chose. Ce dont je n'ai pas l'impression. C'est ce que j'essaierai de montrer demain. Belle séance de ping-pong avec David, après les cours. C'est sa neuvième sortie sportive, je crois, et c'est un grand jour. Il a découvert les amorties, en partie grâce à mes conseils avisés. Le geste de faire glisser la balle sur la raquette au lieu de la taper frontalement, les courbes de bras, le mouvement du corps et le replacement qui l'accompagnent, la gestion d'une balle par d'intuitives équations du second et du troisième degré, tout cela fait passer David dans la troisième dimension pongistique. Il a encore certes le bras un peu raide, à l'instar du jeune conducteur qui fait craquer la boîte de vitesses de son père. On peut même dire qu'il se meut maintenant dans l'imprévisibilité... Daewoo vient d'obtenir le prix Wepler, seul prix ayant un jury tournant, en théorie moins inféodé aux maisons d'édition que les autres prix. François Bon est de ceux qui souhaitent un travail littéraire à la fois exigeant, remettant en cause les formes convenues, et engagé dans une défense d'idées sur la société et les relations entre les hommes. Dans le feuilleton Led Zeppelin, il détaille, met en musique et tente d'analyser, depuis quelques jours, les effets de l'argent qui coule à flot, les violences sexuelles et les dérives alcooliques ou héroïniques des membres d'un groupe devenu légendaire en quelques mois, alors même qu'ils continuaient à produire des morceaux d'une époustoufflante beauté musicale et technique. J'apprends beaucoup. Voir commentaires et autres photos sur le site de François... Le prix Wepler est le seul auquel je sois
attentif, ayant précédemment récompensé Eric
Chevillard et Marcel Moreau. Je n'ai encore jamais lu François Bon,
je commencerai par ce Daewoo.
2004-11-16 18:38:57 de Bartlebooth merci, Bartlebooth, site qu'on suit régulièrement bien sûr (même si on est capable d'apprécier Michon hors ondinisme)... dans les lauréats du Wepler, avant l'ami Chevillard, il y a aussi eu Antoine Volodine pour Patrick, voir ici quelques réflexions hier soir, pour compenser, menu parisien popu face à Jussieu, dont le menu serait digne du Journal "littériculaire", os à la moëlle sur pain grillé frotté d'ail suivi d'andouillette maison, partagé avec Anne Brunel, Laurent Flieder, Jean-Patrice Courtois et Philippe de Jonckheere, pas de problème, tout le monde connaissait Berlol et tout le monde rouspète à propos date Cerisy, mais avons trinqué à l'absent 2004-11-17 08:58:27 de F Bon Le "voir ici quelques réflexions" de FB est un lien vers un document, mais les commentaires n'acceptent pas cela. Il faut mettre l'adresse en clair... http://actu.publie.net/2004_11_01_archives.html#110059473003599212 Et quel plaisir de lire, impromptu, ces noms amis ! Bonne lecture à Bartlebooth, et toutes mes félicitations à François ! 2004-11-17 12:01:35 de Berlol |
Mercredi 17 novembre 2004. La pompe, ça
se dégonfle d'un clic. "Quand je n'écris pas ce que je veux, je n'écris pas ; c'est ce que je veux." Ce sont les derniers mots, magnifiques, que prononce Hélène Cixous dans les Mardis littéraires d'hier. Incommentables. Mais réécoutables... Tour de blogs, comme mercredi dernier. Arrêt chez Vebret, son message du 12, dans lequel il reconnaît son intitulé "quelque peu pompeux". Cher ami blogueur, la pompe, ça se dégonfle d'un clic, si on le veut... Message certes trop long mais plein de détails intéressants sur les éditeurs et les auteurs. Il n'y manque que des noms propres !... J'y glisse un petit commentaire sur le symptôme que constituent MM. Assouline et Vebret, éditeurs, critiques et auteurs qui éprouvent besoin-et-désir de bloguer. Merveilleux épisode de l'histoire de Led Zeppelin. François Bon rencontre Vincent Segal, musicien. Où l'on se rapproche — c'est moi qui l'ajoute — de la force et vérité que dégageait Zelda, la chanson d'Yves Simon, quand il dit : "Tu rêvais à Chopin ou à Frantz Liszt [...] En écoutant Kashmir de Led Zeppelin". La dérision. Revenons-y. Ça m'intéresse bigrement, parce que je revendique aussi le droit d'en faire ! Tout d'abord, s'agit-il d'un mode de pensée, d'une attitude ou d'une technique ? Le TLF est plutôt bref : "Moquerie, raillerie mêlées de mépris". Chez Lettres.net, définition quasi-identique, le dédain en plus, avec "dadaïsme" comme corrélat... Le numéro 29 de la revue Hermès (2001), intitulé "Dérision - Contestation", devrait pouvoir aider à cerner la question : selon le texte de présentation, la dérision, s'exprimant par divers moyens (caricature, théâtre, blague, pastiche, calembour, etc.), aurait "une dimension de contestation, de remise en cause de l’ordre établi, ou des principes largement acceptés dans une société", d'où "l’ambiguïté de ses effets". Elle semble donc être un mode de pensée. Dans ce cas, on n'en fait pas : on en a, ou pas — et c'est une façon d'être contestataire. Et on ne peut s'en défaire. Ou bien... on essaie de faire croire qu'on en a, par une attitude qui le laisse penser à d'autres — mais c'est une imitation, qui utilise des procédés de la dérision (caricature, pastiche, moquerie, etc.) sans réellement contester, sans constituer un véritable engagement dans la contestation. C'est alors une fausse dérision, une dérision politiquement correcte. Peut-on dire que Jean-Charles Masséra, à l'instar du dadaïsme (sans en faire partie), serait dans la vraie dérision, celle qui défait des codes pour aider les autres à les démasquer, s'en jouer, s'en libérer, alors que Jean-Paul Dubois serait dans la fausse dérision, celle qui singe ce qu'au fond elle révère et dont elle est complice ?... Disant cela, il semble que j'aie déjà pris un parti... C'est ce que nous verrons bientôt par un retour aux textes. À moins que quelques commentaires ne viennent contredire ou conforter ces propos... Et non, comme d'habitude, les derniers mots
de France Cul ne sont pas réécoutables... Le découpage
des émissions n'est toujours pas correctement fait. Donc, cela ne
peut être que volontaire comme façon de procéder, puisque
nous avions suggéré, justement, que cela soit recalibré.
2004-11-19 07:54:43 de Au fil de l'O. |
Jeudi 18 novembre 2004. Je ne crois pas aux vertus
du passage sous silence. La dé, la ri, la zion, la dérision ! Et le ris d'adhésion chez l'autre voulu... pour fêter un anniversaire. Il y a un an exactement, ce jour était le dernier de ma vie d'A, de ma vie vent, de ma vie d'avant ce Journal littéréticulaire. Qui commença ainsi le lendemain, sans que je l'aie su la veille. Je ne peux pas dire que cette pratique d'écriture régulière ait changé ma vie. Mais elle l'a lestée... Derrière moi qui m'avance dans le brouillard, comme chacun, il y a une traîne de mots que retiennent des bras électroniques. Il y a donc un an que je dînai avec Olivia Rosenthal, Laurent et T., tranquillement, sans savoir que je parlerai d'elle le jour suivant. T. ne fit son entrée dans le JLR qu'en décembre, le temps que commence à se composer dans mon esprit une épaisseur du projet. Olivia ne nous écrit pas, elle n'y pense pas, je crois. Je l'excuse parce que nous ne sommes pas intimes. Laurent est parti en France pour une année sabbatique. Il est censé faire des recherches, aller au théâtre, au concert, etc., plein de choses passionnantes... dont il ne nous écrit rien, l'ingrat ! Il nous manque... Il devient flou dans notre souvenir... Le beaujolais nouveau se vend très très bien au Japon, non pas parce qu'il serait bon mais parce que c'est un produit naturel et de saison, deux conditions chères à la pensée japonaise. Dans le haïku, par exemple, il y a le ki-go (季語), le mot de saison, précis ou allusif selon les cas. Le beaujolais nouveau est au marché des boissons ce que le ki-go est au haïku, c'est un ki-mono (une chose de saison) qui habille l'automne... Ceux qui dépassent la dérision, qui croient être drôles alors qu'ils sont déjà dans la vulgarité, l'invective indigne, et n'atteignent, en guise de connivence, que la fraternité de frustrés prêts à se satisfaire de toute haine. Cela semble être le cas de Dantec, dont je viens de lire un article recommandé par le Grain de sable, qui me déçoit et à qui j'ai laissé le commentaire suivant : "Vous pensez réellement que ce que dit Dantec est sérieux et intéressant ? Moi, dans cet article, je ne vois que de la bouillie d'idées mal ficelées, des mauvais jeux de mots racoleurs, un ton de Cassandre vulgaire, le tout guidé par une haine inexplicable contre la France et l'Europe. Inexplicable, parce que ses allégations ne tiennent pas debout, ou bien ça cache autre chose... Je ne sais pas. Mais en tout cas, je ne lui accorderai personnellement aucun crédit politique ou géopolitique. Ce désaccord ne m'avait pas empêché de penser inévitable (quoique regrettable) la réélection de Bush. Michael Moore suffisait à le sentir..." Je pourrais ne pas en parler, mais je ne crois pas aux vertus du passage sous silence (ni du passage à tabac, d'ailleurs...). Bon anniversaire!
2004-11-19 12:04:32 de Bikun
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Vendredi 19 novembre 2004. L'arrêt public délivre... À je sais pas quelle heure de la nuit (je faisais une installation de Windows XP sur un autre ordinateur...), j'ai finalement décidé d'arrêter de lire le blog d'Assouline, la république des livres. Que du temps perdu ! Ça finissait comme ça, mon commentaire : "Moi, je venais voir ce blog pour y lire des choses inédites, rares ou originales de la part de quelqu'un qui est dans le métier et le sérail, mais après deux semaines de lecture, je n'ai trouvé que des avis tièdes, des propos repris, des engagements factices. Alors j'arrête, l'arrêt public délivre..." Avant habituel déjeuner chez Downey's, David m'accompagne retirer les résultats de la visite médicale du mois dernier. Du mauvais cholestérol, pas trop, pas encore une quantité critique mais plus que la moyenne et un peu moins qu'il y a deux ans, donc bien. Idem pour le bon cholestérol. Faut manger plus de légumes, dit en substance la doctoresse qui nous a reçus. Euh... j'en mange déjà pas mal ! Suis toujours étonné par l'aspect évasif des recommandations du corps médical quand il n'y a rien de grave (je ne leur en fait pas reproche, je m'en étonne seulement). Comment continuer à aller bien ? Comme si le maintien du bien-être n'était pas du ressort médical. C'est peut-être ça, justement, qui est vrai. Exemple de dérision créative, ici par collage et pastiche. Effet de mal à l'aise à l'introduction de la première personne, de banalité qu'on voudrait critiquer, et de loufoquerie : "Parallèlement aux progrès réalisés en matière de séchage, le début des années 90 a révélé la persistance des problèmes de transpiration, qui associent étroitement tout ce qui me reste à faire et la durée du port du même chemisier ou de la même chemise. En effet, la durée du port du même chemisier ou de la même chemise a quant à elle été réduite dans des proportions importantes au cours de ces 10 dernières années. Cependant, les modalités de cette diminution, qui s'est plus traduite par une extension de la garde-robe que par une prise de conscience du fait qu'il y des fois où cette odeur de transpiration est vraiment insupportable, n'ont pas changé fondamentalement ce qu'ils peuvent lui reprocher." (Jean-Charles Masséra, France guide de l'utilisateur, p. 82-83) Lu quelques pages de Dubois dans le shinkansen (citation et commentaire à venir...). Avec T. au Saint-Martin, parce qu'on n'a rien à dîner à la maison et qu'il est déjà huit heures. Finalement, on se prend un demi de beaujolais nouveau. Ça se boit. Pas mauvais, mais ne vaut pas un bon vin... Maintenant que son père peut sortir de l'hôpital, on s'interroge sur les frais à venir et comment on va les payer (il faudra près d'un million de yens par mois, ce qui est déjà supérieur à nos deux salaires...). Préparation du cours sur les chapitres XII et XIII de La Mare au Diable... Et pendant ce temps, justement, je reçois un courriel de Denise Brahimi qui me signale un nouvel article sur les deux livres de Michaël Ferrier dans Libé ! Puis un message de Michaël himself qui m'envoie ses voeux pour le premier anniversaire du JLR et m'annonce... François Jullien demain à Todai ! Dingue, comme les choses confluent, certains jours. Un million de yens par mois? Mais c'est du
délire. Mois qui croyais que la société japonaise
prenait soin de "ses vieux"... Faudrait commencer par faire en sorte qu'ils
"coûtent" moins cher!
2004-11-24 13:21:21 de Sir Reith Oubnaitch |
Samedi 20 novembre 2004. Fondues dans la banalité
et la fluidité lumineuse. Ces chapitres XII et XIII de La Mare au Diable, on pourrait les appeler Quand y'a tout qui foire, faut faire face... Le premier des deux, La Lionne du village, fait acquérir à Germain des qualités qu'on ne lui avait jamais vues : la dissimulation et la ruse. En effet, la lionne (fille du père Léonard...) ne lui plaisant pas et étant entourée de prétendants avec lesquels il ne veut pas faire la compétition, tout se dédouble autour de lui et en lui, les descriptions sont ambivalentes, les paroles ont un double sens et lui même se met à ne pas dire ce qu'il pense. Dans l'univers balzacien d'une discussion sur un contrat de mariage, Germain refuse d'être pris pour marchandise et rend la monnaie : il invente (!) qu'il ne venait pas se marier mais acheter deux boeufs. Que les lecteurs qui n'ont pas été surpris par ce coup-là m'écrivent ! Après avoir réussi, piètrement, l'épreuve de la tentation durant la nuit, puis brillamment réussi celle de la société en laissant la lionne à ses cornettes, Germain doit maintenant (il ne le sait pas encore) affronter sa troisième épreuve, chapitres XIII-XIV, celle de l'outrage. Court-circuitant toute la programmation narrative (se fiancer et laisser Marie à son sort), il quitte les aspirants-bourgeois (son avenir à la Jérôme Paturot...) pour revoir son fils et la petite Marie, mais il doit les pister car ils sont déjà repartis. Là, il commence à flairer l'embrouille... La suite au prochain épisode. Ces trois épreuves ne sont pas signalées par le texte de Sand (c'est là son art !), pas comme le récit chevaleresque pouvait les nommer précisément quand il y en avait ; au contraire, elles sont fondues dans la banalité apparente et la fluidité lumineuse de l'action, elles sont même recouvertes par l'intérêt ethnographique que perçoit le lecteur. Mais elles sont bien là, et font l'ossature du futur Germain. Ma lecture de Sand n'est pas érudite. Je précise que je n'ai lu aucune étude pour préparer mon cours. Rien que le texte. J'essaie d'employer au mieux mes compétences de lecteur et je cherche des mots dans le dictionnaire pour pouvoir faire quelques points notionnels (sur "bourgeois", "cornette" ou sur le verbe "seoir", par exemple). Et c'est tout ! Finalement, pas moyen d'aller écouter François Jullien à Todai. T. a besoin de moi pour s'occuper du nouvel appartement : prendre des mesures, déplacer des affaires, etc. On prend le temps d'aller déjeuner (encore au Saint-Martin, où on avait commandé hier du pain perdu...) et j'arrive à aller chez le coiffeur en fin d'après-midi (ça devenait nécessaire). En regardant cette photo, prise dans la perpendiculaire à Kagurazaka qui mène à notre restaurant, je me rends compte à quel point nous sommes habitués à ces câbles qui brouillent tout le ciel des rues. C'était pourtant l'une de mes premières sensations désagréables en arrivant au Japon et je la retrouve souvent chez de nouveaux arrivants. Ma réfléxion fut et la leur est que c'est comme un manque de goût, une marque d'arriération technologique... Alors qu'il s'agit d'une chose bien plus simple : le risque de tremblement de terre rend tout enterrement des câbles impossible, car leur entretien et leur réparation coûterait dix fois plus cher que de les avoir au-dessus de nos têtes, facilement accessibles. Cher Patrick,
Juste un mot pour te signaler que j'ouvre un très modeste blog, qui sera hélas beaucoup moins régulier que le tien. J'inaugure - j'ignore pourquoi- par un texte sur Guyotat et l'illisible (question qui me tarraude). Ce texte aura des suites... http://litteraturelettres.blogspot.com/ Bien à toi, Eric 2004-11-20 21:52:29 de Eric Cher Néric, le lisible et l'illisible sont les deux natures d'un même matériau que toute vraie littérature fore. Chacun sa perceuse ou son vilebrequin, qui journalier qui hebdomadaire, pas de règle en cela. Sais-tu que Guyotat va venir au Japon dans quelques mois ? 2004-11-21 02:25:27 de Berlol très belle photo un an après le Japon, à celle-ci précisément, c'est comme si ça réveillait les rêves qu'on en avait, après le retour, le fantasme plus que le vu tu peux nous dire ce qu'il y a d'écrit sur les enseignes? 2004-11-21 11:48:24 de F Bon Cher Patrick, Evidemment la visite de Guyotat m'intéresse au plus haut point. J'attends la suite avec curiosité. J'attends aussi son supplément de Progénitures, pour poursuivre ma "chronique d'une absence de lecture". Bien à toi. Et encore merci pour ce voyage régulier dans l'empire des signes. Eric 2004-11-21 15:21:29 de Eric |
Dimanche 21 novembre 2004. Cette odeur fétide
où rancit mon propre passé. Tardif et poussif, le ping-pong d'aujourd'hui. Bikun a passé la nuit entre "La Jetée" et une boîte de Shibuya, Manu a presque des vertiges tellement il a de fatigue entre son boulot et son fils à l'hôpital (maintenant rétabli). J'en profite pour battre Bikun deux fois, ce qui n'était pas arrivé depuis... son retour à Tokyo, il y a un mois et demi. Puis je me fais battre par Manu qui nous a bien roulés dans la farine avec sa tête qui tourne... Après les pâtes rituelles et animées, même sans Hisae ni Katsunori, nous allons dans le soleil vers Tokyu Hands (où je dois repérer des prix pour meubler le nouvel appartement). Qu'on soit dans le soleil est important parce que c'est pour ça qu'on rencontre Philippe Pelletier, ami photographe toujours à l'affut de la lumière et du sujet... et à qui on fait perdre du précieux temps en palabres — sauf qu'on rigole bien. Rendez-vous samedi soir, 18h-20h, pour une expo photo d'Étienne Barral ! Les garçons largués, je retrouve T. au Tokyu Honten de Bunkamura, grand magasin dans lequel nous achetons une table rustique à rallonge avec ses deux chaises, le tout en solde... On s'amuse beaucoup à préparer cet appartement, ce cadre de vie pour son père. C'est une charge, sans doute, mais c'est aussi une chance. Arrivant vers la page 90 d'Une Vie française de Jean-Paul Dubois, je m'aperçois que mon énervement du début, motivé par la perception (collective ?) d'une sorte de dérision que je jugeais (et que je juge toujours) vulgaire, a laissé place à... de l'ennui. Déjà. Chaque phase de la vie de Paul Blick suit bien chronologiquement la précédente en reproduisant chaque fois des clichés bien répertoriés qu'un poil d'humour et de négligé est censé rendre originaux : le bac cadeau de 68, la réforme militaire, le premier stage et le monde du travail, la visite d'un appartement à louer s'accompagne d'une prestation moyenne dans la vie sexuelle de la mère de son copain... Autant de tableaux vite brossés, de saynettes boulevardières, le tout agrémenté de panoramiques bien consensuels sur l'époque... Et je continue quand même, sans doute pour cette odeur fétide où rancit mon propre passé. Cher Berlol,
Je ne te connaissais pas cette pointe masochiste (en tout cas au niveau de ta persevérance à vouloir lire jusqu'au bout des choses qui semblent nauséabondes). Nous avons déjà eu des conversations sur le sujet, mais c'est bien pour éviter de lire des ouvrages comme ceux de Dubois que je m'abstiens de vouloir lire "absolument tout" ce qui se publie à l'heure actuelle, ce qui est ton parti pris. En tout cas, bon courage pour la suite et pour (déjà hélàs !!) les autres du même acabit à venir !! 2004-11-21 19:00:26 de Au fil de l'O. |
Lundi 22 novembre. Bourgeons d'automne. Les annonces d'ouverture de blog se suivent serrées. C'est tout un bourgeonnement littéraire ou quasi qui vient cet automne, après avoir compris qu'il n'y a plus ni saison ni éditeur qui tiennent. Éric Hoppenot en Lettres fantômes, Jean-Claude Jorgensen en Émoi des mots, Virginie Luc en Do not fold, plus proches de moi que ceux signalés les jours derniers (Assouline, Vebret). Alors qu'il y a un an, commençant le JLR, je me faisais l'effet d'un hurluberlu qui avais du temps à perdre — effet que je faisais aussi à d'autres... — me voici entouré d'amis et de relations épistolaires qu'il faut aller visiter régulièrement. Quand je disais, il y a trois ans que les Salons littéraires sont dans l'internet (PUF), je ne savais pas encore où exactement, maintenant je le sais un peu plus. Et je ne peux pas ne pas penser que j'y ai contribué (modestement). Pour répondre au commentaire d'Au fil de l'O d'hier sur ma lecture de Jean-Paul Dubois, il serait faux de croire que je lis "absolument tout" (ce qu'il a bien fait de mettre entre guillemets). Sur les 600 et quelques sorties de l'automne, j'en suis à mon... troisième (les deux précédents étant ceux de Michaël Ferrier). Et ma lecture au Blick est une épreuve qui engage autant ma perspicacité littéraire que mon plus banal vécu d'antan (tel été de sécheresse raconté est aussi celui de la naissance d'une de mes soeurs, etc., alors forcément, ça interfère — ce que François Bon montre aussi bien dans la bio des Stones que dans le feuilleton de Led Zeppelin). Par contre, le réconfort que cela t'apporte, cher ami, me paraît au moins aussi malsain que mon masochisme. Sinon plus. Je veux bien jouer Sisyphe, mais toi tu fais l'autruche ! Car ce refus, cette forclusion chez toi (et chez beaucoup d'amis "intellectuels" ou "littéraires" que je ne nommerai pas) doit bien être un symptôme. Et de quoi ?, sinon du refus de tailler soi-même son chemin dans la brousse des parutions, attendant que surnagent, après quinze ou vingt ans de carrière, quelques oeuvres que l'on fera alors entrer dans l'histoire littéraire, les manuels scolaires, les programmes universitaires ; au risque que ce qui surnage ne soit pas le meilleur car personne n'aura été foutu de le signaler, ou de le signaler assez fort pour éviter le pilon. Certes Dubois partira dans les poubelles de ce temps, mais c'est de voir comment lui, il parle de cette époque, comment Houellebecq en parle, comment Angot en parle, comment Salvayre en parle, comment Rolin en parle, comment Bon en parle, comment Yves Pagès en parle, comment Masséra en parle, pour ne prendre que quelques exemples, c'est par ce contraste généralisé dans mon for intérieur (Cf. Sarraute, Les Fruits d'or ou Tu ne t'aimes pas) que je sais décider pour moi-même de ce qui fait la valeur littéraire (à savoir Masséra, Pagès et Bon, pour ceux que je viens de citer) sans être obligé d'en passer par les aléas du journalisme littéraire ni d'attendre que tout soit jauni. Ton refus, c'est celui d'embrasser ton temps... Suis allé à Akihabara avec T. pour acheter un réfrigérateur, une machine à laver et un four à micro-ondes. Le tout nous sera livré samedi, comme table et chaises d'hier, au nouvel appartement. On se dirige vers une arrivée du père de T. début décembre. Au GRAAL, quelques propos sur la sortie du journal de Catherine Robbe-Grillet (1957-1962), Jeune Mariée, journal, chez Fayard. Nul doute que cela devra servir aux historiens de cette période littéraire ainsi qu'aux exégètes des oeuvres de son mari Alain. Impression tout de même que le lancement du livre se fait sur le mode du sulfureux (voir couverture)... et des bons mots qu'on va pouvoir ramasser sur Butor, sur Sarraute, etc. Mais je crois que c'est trop loin pour ces piques servent et fassent phénomène. En tout cas, je le commande illico ! Puis on se lance dans Colonie, le texte de Frédérique Clémençon, lecture du premier chapitre, et c'est tout de suite un grand plaisir pour tous. L'ambiguité productive de l'instance d'énonciation, centrée sur le personnage de Léonce et comme cachée derrière lui, les écarts temporels que quelques mots font franchir, la chaude clarté du fantasme africain opposée à la froide netteté de l'hiver français, cet hiver de la rupture familiale, étonnamment sans surprise pour Léonce enfant... Pour la semaine prochaine, on va reprendre la documentation sur les noms propres, les périodes, etc. Très cher Berlol,
Non, je ne refuse pas mon temps !!! Certains auteurs me plaisent, ils sont encore vivants que je sache (Cixous, Bauchau, Ollier, Annie Leclerc...) et franchement ces gens je n'ai pas attendu, comme tu le penses, qu'ils aient une notoriété pour aller les lire (en tout cas, je les ai toujours découvert par hasard et pas sur leur notoriété - lorsqu'ils en ont une... Ollier est toujours inconnu du grand public et ses lecteurs restent toujours peu nombreux, et on est loin de l'étudier en cours, de même que les autres cités)... Ils sont loin d'avoir "jauni" pour reprendre ton terme. Par ailleurs, pour des auteurs plus récents (parlons en termes de générations) certains (ou plutôt certaines en l'occurrence) me semblent déjà avoir une oeuvre importante : Olivia Rosenthal, Anne F. Garetta, ... et chez les hommes : Pierre Alferi, Medhi Belladj Khacem... Mais, c'est surtout qu'il y a tant d'oeuvres très belles (en littérature francophone : Djebar, Nicole Brossard,... ou dans d'autres langues : J. M. Coetzee - et lui non plus je n'ai pas attendu qu'il soit reconnu par le prix Nobel pour le lire -, DeLillo - que je découvre - et tant d'autres, je lis aussi beaucoup de traductions - Hélàs !! - du japonais) et fortes, que je préfère utiliser mon temps pour lire ceux-ci, plutôt que ceux-là. Pour moi, ce n'est que question de parti pris et je ne vois pas en quoi cela signifierait que je refuse "d'embrasser mon temps" ?! Au contraire, je veux aussi savoir ce qui se passe au-delà des frontières de la littérature française. Et, lorsque je parlais de "masochisme", c'était une boutade, je ne pensais pas que cela déclencherait une réaction aussi vive (enfin c'est comme ça que je la ressens) ! Allez, sans rancune gars !! 2004-11-22 18:23:23 de Au fil de l'O. Oui, oui, sans rancune, bien sûr ! Je voulais seulement t'étriller un peu. Pour que tu nous sortes des noms comme ceux-là et pour que tu ne laisses pas à d'autres lecteurs, sur ce journal, l'image d'un gars fermé et réac. Ta démonstration est impeccable, à un point près : pour que le "parti pris" soit valide, il faut connaître, ne serait-ce qu'un minimum, ce que l'on rejette. Or tu as écrit hier les verbes "éviter" et "s'abstenir" au sujet de "ce qui se publie à l'heure actuelle", ce qui pouvait avoir un caractère... excessif (puisque tu dis avoir découvert ces auteurs "par hasard" — dans la salle d'attente d'un dentiste, sur l'emballage d'une botte de poireaux, abandonnés sur un siège d'aéroport, etc., je suppose...). Je partage d'ailleurs ton goût, notamment pour Cixous, pour Bauchau (que tu m'as fait découvrir voici trois ans), pour Ollier et pour notre amie Olivia Rosenthal (aussi connue par ton entremise). Je crois que les autres lecteurs sauront ainsi mieux qui tu es. 2004-11-23 01:12:56 de Berlol Ha, ha, perfide !!! C'était donc ça !! Pour préciser encore un peu... En fait, j'admire ta ténacité à accepter de te laisser emm... par une lecture, et d'aller tout de même jusqu'au bout. Quand je disais que j'évite, en fait je fais tout de même des tentatives d'incursion, mais la plupart du temps, cela se solde par un échec, parce que je n'arrive pas à me motiver à tout de même finir lorsqu'un un livre "me tombe des mains". Pour reprendre un autre exemple que tu as cité : Cloé Delaume semble aussi avoir un style singulier, mais je n'ai pas encore eu le temps d'approfondir. Parfois, il y a des éticelles qui prennent aussi !! 2004-11-23 08:26:29 de Au fil de l'O. |
Mardi 23 novembre 2004. Broder sur le réseau —
la brode bande. Fête du travail. Du coup la population du shinkansen n'est pas du tout la même. Moins de cadres en complet et plus d'enfants en bas âge. Voyage en lisant Dubois... Pas de commentaire pour aujourd'hui. À l'arrivée à Nagoya, gare bondée de promeneurs très âgés et très dynamiques en transit, petit sac au dos, allant vers des coins de verdure, des parcs, des bouts de montagnes — où ils referont des queues. C'est l'étroitesse des congés, et non l'esprit moutonnier, qui doivent être invoqués (car beaucoup de ces retraités travaillent les jours ouvrés). Étant boisé, le campus attire aussi quelques promeneurs malins ; ici ni groupes, ni queues. Triant des courriers et corrigeant des copies, j'en vois passer sous ma fenêtre pendant que le soleil décline. Mais pas le temps de les imiter : je dois retourner à l'appartement dans peu de temps pour la réception du routeur Yahoo BB... Car, suite (et peut-être fin) de ma dernière aventure administrative, rapportée le 10 novembre, les services de NTT ont finalement accepté d'enregistrer la bonne prononciation de mon nom dans le fichier des propriétaires de lignes téléphoniques (après avoir dit que c'était une chose difficile et rare — ceci uniquement pour maintenir l'aspect discrétionnaire de leur pouvoir), ce qui a permis à Yahoo BB de démarrer mon contrat. Livraison demandée à partir de 17h ; le livreur arrive à 17h07 ! Je branche trois fils sur le routeur dont un dans l'ordinateur et... ça marche. Vitesse affichée : 100 Mbps ! Entendu sur France Info : une étude internationale à indiqué que la sinistrabilité des entreprises allait augmenter dans le monde. Sans doute pour expliquer à l'avance et en termes technocratiques des milliers d'emplois perdus et de vies brisées... Lecture de blogs. Il faut tout bien noter de ce qui se passe en ce moment car rien ne se reproduit jamais. Dans dix ou cinquante ans, on essaiera de comprendre ce qui s'est passé dans ce réseau de machines majoritairement dédiées aux affaires et aux distractions, quand quelques dizaines d'individus à sensibilité littéraire ont commencé à tisser un réseau dans le réseau, c'est-à-dire précisément à broder sur le réseau — la brode bande — une immense oeuvre collective sans rien perdre de chaque individualité. Ainsi chez Jean-Claude Bourdais : du 10, je confirme que le tamagochi est passé de mode depuis... environ 6 ans (oui, ça devait être en 1995-1998, d'ailleurs il n'y a presque plus de sites japonais où en trouver des images) ; du 12, je concède qu'à quelques heures près je devais bien être en train de préparer le cours sur Sand, mais surtout je prie Jean-Claude de saluer de ma part Bruno Vercier, à l'occasion, car ce dernier fut mon directeur de maîtrise (comme je le disais le 11 mars dernier) ; du 13, informer qu'au Japon on mange surtout les huîtres en beignet frit (kakifurai, de kaki, l'huître et de l'anglais fried) ou nama, crue, mais avec une sauce à la fois pimentée, vinaigrée et sucrée — et que c'est bon ! ; du 15, que j'ai moi aussi été scotché par certains épisodes des Chiens des seventies et que le nouveau feuilleton, Le grand Escroc, d'après Melville, traduction Henri Thomas, n'est pas mal non plus ; du 21, voir autre broderie chez François Bon ; du 22, qu'on a dû se croiser dans les lignes de train qui vont et viennent de l'aéroport de Tokyo le 29 décembre dernier quand je rentrai de Perth avec T. Rien que de parler de Perth, ça me fout un coup... J'ai trop adoré ! Allez, je vais me coucher... Après avoir fait la revue des 4 derniers
billets des aventures de Berlol laissés en plan faute de temps,
moi aussi, je vais me coucher !
Fais de beaux rêves... 2004-11-23 17:04:27 de dabichan Pour les tamagochi, ça marche mieux sur Google Japon... http://images.google.co.jp/images?q=tamagochi&hl=ja&btnG=Google+?? 2004-11-24 13:16:58 de Sir Reith Oubnaitch Je reviens sur les blogs et sur Google avec cet article: http://www.webrankinfo.com/actualites/200411-blogger-francais.htm Après avoir fait tes débuts sur http://france-japon.net , puis être passé à U-blog, tu pourrais maintenant passer chez Google... Là, au moins, tu seras sûr d'être référencé. 2004-11-24 13:28:15 de Sir Reith Oubnaitch Thanks, dear Sir ! Toujours efficace, à ce que je vois. Et ce lumbago, ça va mieux ? 2004-11-24 15:01:32 de Berlol |
Mercredi 24 novembre 2004. Chemin de compassion. Grand et double plaisir, hier soir, d'un appel téléphonique d'Au fil de l'O. Double, d'abord parce que le téléphone sonne alors que la connexion au réseau est en marche, ce qui avant n'était pas possible dans cet appartement du fait de l'usage d'un modem 56k et qui l'est depuis hier avec l'ADSL. Mais surtout plaisir d'entendre sa voix venue d'Europe, même si les nouvelles ne sont pas très roses (fin d'un contrat à venir, pas ou peu de postes en France, des candidatures sans espoir du fait de la mainmise des agrégés sur les postes de maîtres de conférence, etc.). Du coup, il envisage de revenir au Japon... Unité 8 du manuel de français. Objectifs : débattre, donner son avis, répondre à un argument, etc. Après rodage méthodologique... Que pensez-vous de la présence des militaires japonais en Irak ? Dix têtes se baissent. Une petite minute passe. La question est répétée, en variant les termes, au cas où. Mais l'angle des têtes ne varie pas. Vous n'avez pas d'avis ? Vous êtes au courant tout de même ?... Deux ou trois petits sourires. Gênés. Assentiments mochironesques (de mochiron : "bien sûr !"). Bon, personne ne veut en parler ?... Passons à la page suivante. La recette du pain perdu... L'ensemble n'a duré que deux minutes. Pas de quoi pourrir l'ambiance du cours. Ce refus d'en parler ne signifie pas l'indifférence, l'inconscience, l'ignorance. L'angle des têtes baissées est aigu comme une forme de honte, mais laquelle ? Celle de la lâcheté de devoir assumer collectivement les erreurs des dirigeants ? Celle d'avoir un enseignant assez irresponsable pour ne pas savoir rester dans le cadre du jeu pédagogique ? Il faut écouter Henry Bauchau dans la deuxième partie de l'émission Tout arrive du jour. Marc Voinchet donne même moins que d'habitude l'impression, ajoutant des "mm..." un peu partout, d'être en train de manger quelque chose. Et, avec Clémence Boulouque, il pose de bonnes questions à l'auteur de L'Enfant bleu (Actes Sud) qui y répond excellemment, reprenant son chemin de compassion, son travail d'enchantement où s'entremêlent la cure psychanalytique et la profondeur mythologique de tout destin individuel cherchant son je. Au centre de sport, vélo statique et relecture de Colonie... La densité et la tenue du texte font qu'il n'est guère possible d'en extraire de citation qui ait un caractère autonome. L'intratextualité rend l'exergue inopérante. J'essaierai toutefois un autre jour... Berlol lisant en même temps qu'il fait
du vélo "statique", les lecteurs du blog EXIGENT la photo.
2004-11-25 08:21:46 de F Bon Je suis absolument d'accord avec F Bon ! C'est d'ailleurs un honneur. Néanmoins, il n'y aura sans doute pas autant matière à sourire qu'avec la photo de ma première performance pongistique d'il y a trois mois ! (v. le JLR de juillet). Concernant l'irresponsabilité du professeur de français, qui, chargé d'un cours dit de conversation, propose à ses étudiants de débattre ou à tout le moins d'échanger quelques points de vue même timides sur un thème aussi actuel que celui de la projection des forces d'autodéfense japonaises en Irak, j'ai non seulement le mauvais esprit mais aussi l'envie de m'y complaire et de m'y vautrer ! En effet, rien ne me fait plus mal de voir la jeune génération japonaise sur les bancs de l'université aussi impassible, impavide, désintéressée, déconnectée, devant les décisions prises par la clique de nationalistes (pro-US!)-mafieux qui monopolise le pouvoir depuis 50 ans (le PLD est né en 1955 d'une manoeuvre des épurés pour débarquer sans manière le Premier ministre Shigeru Yoshida). L'absence de réaction "politique" (j'entends de la part de citoyens responsables) me stupéfait. Comment peut-on en arriver à un tel point de non-critique ? Comment peut-on renoncer à la liberté de penser, de s'exprimer, de manifester son mécontentement ou son opposition, quand bien même cela ne servirait à pas grand chose ? C'est pour instiller le vice dans l'esprit de mes étudiants que je ne renoncerai jamais à les secouer sur ce genre de questions poltiquement incorrectes, même si je dois assister à un remake de "la tête dans le sable" ou à un concerto en "hêêêêê..." majeur, équivalent japonais de notre "oh meeeeeerde". Ainsi, mon cours de mardi prochain portera (les étudiants sont déjà prévenus avec pour mission de préparer des arguments pour et contre) sur... le Japon en Irak oui ou non ? Ça promet des silences assourdissants ! 2004-11-26 02:59:42 de dabichan |
Jeudi 25 novembre 2004. Rouges érables de
notre sang. Rouges érables de notre sang branches chues comme cheveux blancs si saisons révoltent c'est d'être miennes et mes nuées se disperseront — partir en gris terrible d'yeux vides — revoir si je pars battu je reviens en vers en racines en libellules en spores en piverts Jour plein comme un oeuf dirait ma mère (bonjour maman !) avec trois cours, une petite réunion et quelques heures de courriers relatifs au colloque L'Internet littéraire francophone — plus que cinq jours avant la date limite de réception des propositions. S'il faut rester prudent pour ne pas entraver les travaux du Comité scientifique du colloque, auquel je transmettrai dans quelques jours, officiellement, la liste des propositions, je peux tout de même dire qu'il faut s'attendre à quelque chose de tout à fait exceptionnel par les qualités des participants. D'où la pression pour que nous réussissions... Belle douce journée, dans les 15 degrés, ensoleillée. Comme souvent l'automne, parfois jusqu'à la fin décembre. Je pense à mes amis, à des lecteurs peut-être, qui sont dans la grisaille de France, les brouillards, les vents, serrant leur col et arrondissant leur dos quand ils sortent. Je pense aussi à notre cousine de Perth où l'été commence — incroyable ciel bleu, délicieuse courbe de la Swan River, boomerang de mémoire saisonnière... Elle a passé quelques jours de vacances en Malaisie, je crois, et elle va être étonnée de la tournure des événements pour son oncle, le père de T. qu'hier les deux soeurs ennemies ont tenté d'enlever à l'hôpital. T. dit qu'elle n'a plus besoin de lire de polar ! Elle vit dans le roman familial et son mari la chronique ! Ses deux soeurs ennemies, donc, celles qui s'opposent sans dire pourquoi à la venue de leur père dans l'appartement que nous sommes en train de préparer, sont allées voir leur père hier, pendant que T. était à la fac, lui ont apporté des cadeaux, ont demandé le fauteuil roulant pour faire un petit tour dehors (par 15 °C, sans manteau, avec un vieillard en pyjama...), amadouant la garde-malade, alors qu'en bas leur voiture les attendait pour l'embarquer... Et c'est lui qui a refusé. Avec sa mémoire incertaine, son équilibre flagellant, il a refusé la promenade, sentant peut-être que les douceureuses paroles, les mielleux sourires cachaient un noir dessein. Selon T., elles ne sont pas humaines, n'ont que rancoeur et bile, mauvaises dès avant sa naissance. Je reste incapable de comprendre cela, impliqué jusqu'au cou, volontaire, mais incapable de comprendre. Mais si T. tient ma main... Jamais je n'ai compris pourquoi entre frêres
ou soeurs on en arrive la...
2004-11-25 23:48:48 Message à l'attention de l'héroïque T. Bravo pour cette magnifique illustration de oyakôkô (la piété filiale façon japonaise). Je connaissais le concept, mais il demeurait flou. Maintenant, c'est lumineux et c'est... BEAU ! Bon courage et bonne chance ! 2004-11-26 03:11:48 de dabichan Cher Patrick, Merci d'avoir mis Lettres fantômes dans tes liens... enfin merci... j'espère que ce n'est pas un cadeau empoisonné pour m'obliger (m'obloguer) à écrire régulièrement. Ah j'oublie l'essentiel... Ta photo est magnifique... Bien à toi et à T. Eric 2004-11-26 08:00:42 de Eric Oui-da, j'oblige à écrire ! comme faire un blog finit par en entraîner d'autres à en faire un... La photo est de Bikun, de l'an dernier, je pense. Il l'a très bien réussie ! Merci à Dabichan, aussi. Je transmettrai ton enthousiasme à T., ça l'aidera. 2004-11-26 08:55:45 de Berlol Excellent poème en intro. Respiration comptée dans le hoquet des tirets puis reprise du souffle dans l'énumération finale. Merci pour ce merveilleux réglage du mot moteur, ô future Vigueur ! Philippe 2004-11-26 16:28:11 de PpP Figure toi que je n'avais pas bien regardé le bas de la photo et quelle surprise en voyant que tu y as écrit mon nom!! Je ne m'en souviens pas, j'en prend trop sans doute...est-ce qu'elle ne serait pas "cropée" (aller, un mot de plus que tu aurais pu mettre dans ton "les salons littéraires sont..." tout comme "aller checker son email"...) ou plutôt "recadrée"? Au fait, je viens de finir "l'homme à l'envers" de Fred Vargas. Très bien. Mais j'ai failli arrêter en cours de route. Vers la fin du premier tiers, avant l'arrivée du fameux commissaire, cela devenait carrèment ch...si si! Et puis j'ai continué me disant que tout le reste ne pouvait pas être comme cela et j'ai bien fait. Le reste est très bien, bien ficelé, moderne sans l'être trop. Bref j'ai beaucoup aimé. Si tu en as un autre sur ton étagère, je veux bien te l'emprunter! 2004-11-26 17:06:11 de Bikun Merci, Philippe. Je tairai ici mon rapport ambigu à ce qu'on appelle poésie, mais de temps en temps, imprévisiblement, ce genre de forme-rythme s'impose à moi. Je suis alors presque paralysé, les yeux comme fixés sur un objet trop proche, et du mal à accomoder. L'écriture devient un effort oculaire... 2004-11-26 17:07:25 de Berlol |
Vendredi 26 novembre 2004. Je me souviens de la horchata
de chufas. Une chouette bonne nouvelle : j'ai retrouvé le nom de la boisson espagnole à base de racine que j'adorais boire — la dernière fois, du côté de la plage d'Almenara, il y a au moins dix ans, en vacances chez mes cousins. C'est la horchata de chufa. En bon français, ça serait un jus de souchet (tout de suite, ça le fait moins !...), voire un brouet de noix tigrée (carrément space, là...). Ça faisait des mois que, sporadiquement, buvant un cocktail lacté et sucré après le ping-pong dominical, je me disais qu'il faudrait que je retrouve ce mot-là. Je me souviens en avoir acheté, presque à prix d'or il y a six ou sept ans, au World Import Mart du centre commercial Sunshine City, à Ikebukuro. Ça faisait suite à une liste de noms périmés dont David et moi essayions de nous rappeler après l'excellent cheese-burger chez Downey. Comme on a quelques années de différence, moi je connaissais Kiravi et Gévéor. Lui, non. Quoique, je précise tout de suite, je n'en étais pas adepte... Après ça, je suis passé à la bibliothèque voir les derniers livres que j'avais fait commander et j'emprunte Jojo de Gérard Gavarry, Aerea dans les forêts de Manhattan d'Emmanuel Hocquard, Dans de la Nature de Philippe Beck, Le Mausolée des amant d'Hervé Guibert et, cerise sur le gâteau, La fabuleuse Odyssée des plantes de Lucile Allorge qui fait déjà saliver David tellement ça croustille de culture et d'intelligence. Vu les deux étagères pleines de bouquins à lire qui attendent au bureau, cet emprunt à la bibliothèque, c'est carrément du luxe... Très marginalement, mais important pour moi puisque je tape avec le Composer de Netscape, je viens par hasard de découvrir le code du "À" (alt0192). Je voulais taper alt128, pour avoir un Ç, et puis j'ai fait un 0, qui m'a donné l'équivalent du Alt0128, soit le symbole €. Du coup, j'en ai essayé d'autres avec le 0 initial et j'ai fini par tomber dessus. En attendant le 28, on va faire l'amour dans les textes : "On le sait, la révolution sexuelle n'a pas éliminé complètement l'objectivation dans son truc qui moule bien des fonctions traditionnelles de la poitrine. Mieux, en cherchant à séparer son truc qui lui moule bien les seins de la bonne humeur, la sensualité, la précision des gestes, et l'assurance de sa voix, en opposant l'envie de la forcer à tout avaler en me regardant et le déclin de l'importance du boulot qu'je fais caractérisé par l'assurance de la voix de Florence au téléphone quand je viens chercher ma feuille de route et que je sais pas si je dois m'asseoir ou rester debout le temps qu'elle finisse avec Monsieur Gérault, elle a fortement augmenté le nombre de fois où Tatiana a pas trop envie ce soir." (Jean-Charles Masséra, France guide de l'utilisateur, p. 96) "Lorsque je me trouvais là-bas, j'éprouvais toujours une crainte diffuse de voir Anna surgir à l'improviste et me surprendre à quatre pattes, dans le salon, en train d'allaiter, telle une louve, et de mon unique et turgescente mamelle, une enseignante de latin-grec enfumée aux huiles orientales et aux délires philistins de Jethro Tull. Je n'avais vraiment aucune légitimité à ainsi m'alarmer, ni à m'encombrer de cette culpabilité de séminariste, et pourtant j'avais le sentiment de la tromper." (Jean-Paul Dubois, Une Vie française, p. 130) "Le père de Léonce disant d'une voix grave et tendre Dieu que ta peau est douce, blanche et douce comme la peau du lait, disant laisse-toi faire, je t'en prie, laisse-moi faire, son visage tourné vers le sien dont les joues s'empourpraient et les lèvres frémissaient, disant d'une voix caressante n'aie pas peur, approche-toi encore, son corps touchant presque le sien, disant viens — [...] sa main lovée dans la sienne, puis ils s'étaient arrêtés sous un grand chêne, il se tenait devant elle et lui faisait face, Dieu que ta peau est douce, blanche et douce comme la peau du lait, il avait prononcé ces mots-là, avait glissé une main sous son corsage tandis que l'autre s'emparait de sa main à elle et la posait sur son sexe, disant laisse-toi faire, ne dis rien, disant viens, la nuit était tombée quand ils s'étaient levés et avaient repris le chemin de la rivière [...]" (Frédérique Clémençon, Colonie, p. 126 & 130) |
Samedi 27 novembre 2004. Pattes arrière ou
pattes arrières ? Rare occasion d'être à Nagoya un samedi matin, du fait d'obligations universitaires — cours dûment annulé à Tokyo, donc pas de pavé dans la Mare au Diable. Grâce à la connexion ADSL (dont il faut que je vérifie si elle est à 50 ou 100 Mbps), je peux prendre mon petit déjeuner en regardant le 20 heures de France 2 — ce qui m'a presque mis en retard cette semaine... Il faut que j'intègre cette nouvelle donnée dans ma préparation matinale. Comme déjà dit, je m'ennuyais dans la progression d'Une Vie française. Finalement, l'analyse politique, ou seulement la caricature un peu fouillée des hommes et des mouvements politiques des années parcourues par le narrateur, ça ne prend pas beaucoup de place et ce n'est pas très fouillé. Là encore, ça donne dans le cliché, le rappel facile de tout ce que tout le monde sait plus ou moins déjà (sur de Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand, Chirac). C'est décevant. Aux amusements sexuels et révolutionnaires du jeune homme succèdent le papa-poule, le vieillissement des parents, l'infidélité conjugale, traités toujours avec la même vitesse de défilement. Déception au carré. Et puis soudain, alors que le shinkansen tentait insidieusement d'abaisser mes paupières, je suis réveillé par quelques pages, très au-dessus des autres, consacrées à un projet d'ouvrage photographique sur les arbres de France, puis du monde (p. 200-216). Pour moi, même dans leur facture classique, ce sont ces pages que je sauverai du naufrage, peut-être justement parce qu'elles sont hors-temps, hors-sujet. Ou au contraire, au coeur du sujet !, puisque les arbres, c'est... Dubois. Et ce qui à mes yeux est toujours bon à prendre : "J'ai toujours été athée et la religion, quelle qu'elle soit, n'est pas pour moi un concept négociable. Partout, j'avais vu la vermine de la croyance et de la foi grignoter les humains, les rendre fous, les humilier, les rabaisser, les ramener au statut d'animaux de ménagerie. L'idée de Dieu était la pire des choses que l'homme eût jamais inventées. Je la jugeai inutile, déplacée, vaine et indigne d'une espèce que l'instinct et l'évolution avait fait se dresser sur ses pattes arrière (sic) mais qui, face à l'effroi du trou, n'avait pas longtemps résisté à la tentation de se remettre à genoux." (Une Vie française, p. 218) Outre le sujet, "pattes arrière" me paraît mal accordé, et Google en donne tout de même 6520 occurrence, tandis qu'on trouve 10800 occurrences de "pattes arrières"... Allez savoir pourquoi tant de gens feraient cette faute !... Y aurait-il une règle cachée ? Ou est-ce seulement par esprit de symétrie avec "pattes avant" où "avant" est invariable (d'ailleurs très peu de gens écrivent "pattes avants"). Association libre, suite au cours de maîtrise-doctorat de jeudi sur les colonialismes : j'y citai un bon exemple romanesque d'intégration d'une problématique anthropologique-ontologique, dans un cadre colonialiste et raciste, l'intrigue étant principalement constituée d'un procès dans le cadre d'une concurrence économique internationale. De quel roman et de quel auteur s'agit-il ?... Vous donnez votre langue au chat ? Réponse demain... Pourquoi faut-il toujours que les athées,
lorsqu'ils pensent "religion", le voient quasiment toujours de façon
caricaturale, façon Bush ou Ben Laden (c'est-à-dire dans
ses versants les plus dévastateurs, certes, mais minoritaires ?).
Pourquoi faut-il toujours que ces mêmes personnes, lorsqu'ils pensent
"religion", continuent de façon encore assez ethnocentrée
de penser "monothéismes" comme si c'était les seules religions
(ce n'est pas dit dans le texte de Dubois, pourtant ce sont bien ces religions
qui sont visées) ? Plein d'autres "religions", qui d'ailleurs ne
portent pas forcément ce nom pour tous, existent aussi et qui n'entraînent
pas forcément vers des comportements de soumission (voire de masochisme,
vu comment en parle Dubois). Et pourquoi faut-il toujours que ces mêmes
personnes (bon là ça va aller vite, désolé !!)
oublient que "l'éthique" dont ils se réclament trouve ses fondements
dans la religion qu'ils conchient ?? Cela demanderait de fines analyses pour
montrer toutes les ramifications que mon propos sous-entend, mais c'est pourtant
bien ainsi... Derrida avait proposé quelques pistes sur le sujet,
mais je dois dire que j'ai un peu oublier les références exactes...
Si cela me revient, je vous en fait tous profiter bien entendu !!!
2004-11-27 21:53:56 de Au fil de l'O. Vous vous souvenez, les dictionnaires... "Pattes arrière" semble bien l'accord correct même si minoritaire (cf. TLF), comme "pattes avant", comme tous les pseudo-adjectifs par dérivation (adjectifs de couleur, etc.). Reste intéressante la dissymétrie de l'évolution. Pas impossible que ça ait à voir avec des considérations purement statistiques (terminaison -ant des participes qui inhiberait la marque du pluriel ?). Fait penser à certains travaux de linguistes hétérodoxes qui expérimentent sur la flexion par des locuteurs natifs de formes non attestées mais statistiquement plausibles. Conclusions antirationalistes qu'on peut en tirer : la langue comme habitude, comme les habitudes alimentaires, vestimentaires, etc. Plus sérieusement, accord quasi total avec la contribution d'Au fil de l'O. Le passage de Dubois est d'une insondable vulgarité dans son adhésion sans réserve à la doxa de sa tribu. 2004-11-27 23:05:08 de Dom "La Controverse de Valladolid" de Carrière ? 2004-11-27 23:34:53 de Bartlebooth Beau bouquet de commentaires, sur trois sujets différents. Une vraie réussite ! 2004-11-28 01:43:36 de Berlol Pour ceux que ça intéresse : suite des commentaires sur le passage de Jean-Paul Dubois sur mon blog (dimanche 28 novembre)... Ciel plus qu'un mois avant le passage du Père Noël... Désolé, faut que j'aille écrire ma lettre !!! 2004-11-29 10:01:24 de Au fil de l'O. |
Dimanche 28 novembre 2004. Quelque chose orange. Réponse à la devinette d'hier. Matinée pongistique de haut vol, dominée par Bikun. Hisae, encore inoxydable le mois dernier mais troublée peut-être par la détermination du Normand (car tel est Bikun), n'a pu jouer de manière assez agressive et a été, conséquemment, débordée par les côtés. Elle en est la première étonnée. Mais comme on est devenu bons amis, elle a des compensations en conversations autour des pâtes. Front ceint d'un hachimaki (鉢巻き, bandeau), Katsunori s'est bien battu, mais n'a pu ébranler notre viking. Quant à moi, j'ai fait de très beaux coups, smashs ou coupés, dans le genre baladin, amuseur, ou quelque chose de ce genre, mais n'ai pu gagner une seule manche contre l'un des trois. Pas assez régulier, pas assez âpre au gain des points. Heureux de ne pas jouer que pour gagner, moi ! Et puis, ces manches de 11 points, ça va trop vite. Depuis plus de vingt ans, j'étais habitué aux parties construites sur des séries de 5 services, sur des écarts de points élastiques sans être dramatiques. N'avoir que deux services de suite est un réel handicap... J'ai rejoint T. au centre de sport ; faire un peu de vélo et de machines, mais surtout pour profiter des bains, saunas — bien agréables après deux heures de transpiration. J'étais content de ces quelques photos que je venais faire avec cette belle lumière de fin d'automne. Les tranquilles ruelles que j'emprunte, derrière Shibuya en passant par la petite station Shinsen plutôt que par les avenues couvertes de monde, donnent à voir beaucoup de détails piquants. Comme cette fenêtre d'un restaurant, décorée par un petit théâtre (une table, quelques personnages, une sorte de parasol...) ; sur la droite, il y a un panneau blanc avec une phrase écrite verticalement et à moitié coupée par l'angle dû à ma position mais où T. reconnaît, ce soir, au zoom, une phrase classique et euphémique comme quoi ici on n'accueille pas les yakuzas... Surtout, j'étais content de la lumière dans ces feuilles d'érable, sur fond de poteau électrique. Ébloui au moment de la prise de vue, je ne m'étais pas aperçu de ce que je vis plus tard : toutes les feuilles sont trouées ! Des troupeaux d'insectes sont passés par là et sur le moment je n'ai rien vu, victime du mirage lumineux et orange. Lot de consolation : ayant remarqué mon intérêt pour Led Zeppelin, Katsunori m'a apporté et prêté un double DVD d'enregistrements de concerts (de 1970 à 1979) — je vais voir ça demain après avoir repris l'installation de mon nouvel ordinateur. Le boîtier DVD et toutes les faces internes représentent un désert lui aussi orange. Orange, marée orange, humanité orange, quartier orange, ces expressions reviennent sans cesse au sujet de l'Ukraine et d'un peuple (ou de gens, tout au moins) qui essaie(nt) à la fois de se libérer de l'emprise russe et presqu'encore soviétique et de savoir la vérité d'un vote et de son truquage. À ma connaissance, les risques d'affrontement n'ont été évoqués que par des journalistes. Humainement ils les redoutent, c'est certain, mais professionnellement... Après avoir été insultée dans la presse comme à l'Assemblée, il y a exactement 30 ans, Simone Veil faisait voter et passer la loi relative à l'interruption volontaire de grossesse. Sans aucun doute l'une de ces libérations de la femme que George Sand appelait de ses voeux, en priorité sur le droite de vote. Finalement, le droit de vote a été donné aux femmes trente ans avant celui de disposer de leur corps. |
Lundi 29 novembre 2004. Nervures référentielles
contre coloration littéraire. "Au printemps 1989, grâce à de nouveaux produits, meilleur marché, fabriqués en Asie du Sud-Est, les carnets de commandes de jacuzzis recommencèrent à bouillonner. Pour autant, Anna n'embaucha pas un salarié supplémentaire au prétexte que les charges étaient trop lourdes et l'état de santé de l'entreprise encore bien fragile. Ma femme avait récupéré son autorité. À la voir agir, l'on pouvait penser qu'il ne s'était rien passé, que la crise était un artefact du marché et que, quelques mois plus tôt, elle n'avait pas mis à la porte le tiers de ses effectifs. j'avais même la certitude que cette mauvaise passe l'avait confortée dans ses convictions, et que le regain actuel lui apportait la preuve qu'elle avait fait le bon choix. C'était cela, répétait-elle, un chef d'entreprise responsable : quelqu'un qui, au bon moment, avait le courage de couper un membre pour préserver l'intégrité du reste du corps." (Jean-Paul Dubois, Une Vie française, p. 236-237) "Qu'il ne crût pas, comme le prétendaient les habituelles mauvaises langues de la colonie, qu'il avait fait ce choix de gaieté de coeur et ne songeait qu'à s'en mettre plein les poches : il aurait préféré et de loin, cela allait de soi, conserver tout son personnel, donner à ses indigènes un salaire plus décent et maintenir les prix à un niveau raisonnable, mais les affaires étaient les affaires et chacun savait que, en Afrique, dans cette partie-là de l'Afrique, la Noire, la Ténébreuse, si on voulait survivre et pourquoi pas faire d'honnêtes profits, il fallait quelquefois prendre des résolutions pénibles, accepter sans pleurnicher certains sacrifices dont il n'ignorait pas les conséquences cruelles sur la population indigène, avoir en somme assez de cran pour oser regarder la réalité en face [...]" (Frédérique Clémençon, Colonie, p. 177) Après des préoccupations domestiques matérielles (installations, rangements, ménage dans deux appartements...) et logicielles (installations, téléchargements, paramétrages divers...), après un déjeuner bien mérité avec T. au Saint-Martin désert à 13h30, le GRAAL me (nous ?) ravive comme une brise marine. Les deux citations ci-dessus marquent un des rares croisements entre ces deux livres que tout oppose, à commencer par le statut de la fiction et le temps. Chez Clémençon, c'est la construction textuelle qui impose son univers et sa temporalité à un lecteur qui s'enrichira s'il s'interroge sur l'ordre de présentation des scènes et l'alternance des plans temporels (temps de Léonce vieux, temps de Léonce enfant, temps d'avant sa naissance, temps de son père en Afrique). Chez Dubois, c'est le monde réel de la société française, dans sa profusion et tel que la doxa nous oblige à nous le représenter, qui impose au texte son rythme (rapide, pour parcourir 50 ans d'une vie humaine) et son ordre (chronologique par saut ou glissement), la fiction se nichant dans des trous du réel sans jamais rien diriger. Par conséquent et dit en toute simplicité, l'un est une oeuvre littéraire qui contient des nervures référentielles, l'autre est un récit référentiel à coloration littéraire. Avec une amplitude temporelle de plus de 70 ans, comment Colonie gère le temps ? Par la figure de style : l'image immémoriale des "noix qu'il ramassait enfant dans la forêt" (p. 8-9) ressemble au visage fripé de sa mère très âgée qu'il prend l'habitude de nommer "ma vieille noix" (passim). L'analogie devient métaphore puis nomination. Le temps de l'enfance se replie sur celui de la vieillesse, tandis que le temps de la vie avortée, par hasard génétique et par absence du père, disparaît. L'attitude spontanée de l'enfant vis-à-vis de son père, "fuyant ses démonstrations d'affection, boudant les cadeaux [...], refusant les promenades" (p. 14), voisine le jugement de l'homme fait sur le départ de son père : "ce départ, donc, qui était le fait d'un traitre et d'un menteur" en des mots qui ne peuvent être ceux de l'enfant, indiquant encore la convergence des deux temps, au déni de tout ce qui les sépare. Les rêves d'herbes envahissantes dans le jardin limougeaud de Léonce rejoignent les végétations envahissantes de l'Afrique équatoriale de son père et annoncent leur même perte... |
Mardi 30 novembre 2004. Télégraphique. Ai fini le livre de Dubois dans le shinkansen ce matin. Content d'être débarrassé de ce pot de colle. Donné deux cours. Joué au ping-pong avec David qui découvrait comment lifter les balles... Une expérience transcendantale, semblait-il. Corrigé 4 paquets de copies en m'endormant presque sur chaque. Dernier jour de réception des propositions de communication pour le colloque de Cerisy (ILF 2005) ; il en est arrivé une bonne douzaine en deux jours. C'est pour ça que je n'ai pas beaucoup de temps... De toute façon, il est près de minuit et le site de u-blog est inaccessible depuis cet après-midi. Je lis que je ne suis point le seul à
tomber de sommeil devant les écrans. Et pourtant, je n'ai plus de
copies à corriger, moi.
Je vous lis toujours avec grand plaisir quand je ne m'ensommeille point. 2004-12-01 07:40:24 de Grapheus Merci du passage !
Réciprocité : merci d'avoir parlé le 23 d'un livre paru sur les blogs. Je ne l'ai pas encore vu (je dis "vu" parce que je ne pense pas que je l'achèterai) mais je suis tout prêt à vous faire confiance : a priori cela me paraît une de ces très mauvaises idées d'éditeurs en mal d'ouvrage. N'y a-t-il pas de médicament contre la compulsion de publier de ces gens-là ? (Il y a bien la faillite...) 2004-12-01 11:00:48 de Berlol
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