Journal LittéRéticulaire

 
Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.
Août 2004
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Dimanche 1er août 2004. La torchabilité du Figaro littéraire.

Je n'avais pas mon appareil-photo sur moi. Alors j'ai pris cette pastèque carrée, vraie et comestible, avec mon téléphone portable. On peut en trouver au sous-sol du grand magasin Tokyu à Shibuya (10.500 yens, soit 78 euros).

Revenant du ping-pong, où j'ai été défait en trois sets, moyennement combatif du fait de douleurs des deltoïdes et des trapèzes et abruti par les cris des péronnelles (おしゃべりなばか女, très clair en japonais !) des tables voisines, face à un Manu débuggé qui enfonçait les coins pendant que j'amortissais tristement, fallait que je me venge.

Mes amis de Remue.net, toujours attentionnés, m'en fournirent l'occasion dans un courriel collectif. Il s'agissait de lire en ouvrant bien les yeux un article de Claude Michel Cluny dans Le Figaro littéraire (du 29 juillet), consacré à un recueil d'articles de John Taylor sur la littérature française contemporaine (Paths to Contemporary French Literature).
Petits bouts de Cluny :
" Le fait est assez rare pour que les Français y prêtent attention. M. John Taylor, écrivain et correspondant de bonnes revues américaines telles Poetry et la Yale Review mais aussi du Times Literary Supplement, vient de publier un ensemble d'études sur notre littérature.
[...]
Si le fait est rare en soi, il l'est d'autant plus par l'étendue d'une curiosité [...] Et, s'il met dans sa barque de «passeur» quelques denrées qui n'en valent pas la peine, il ne nous appartient plus de nous en soucier. Le plus grand mal est accompli depuis que le nouveau roman asphyxia
urbi et orbi, chez les anciens amateurs de notre littérature, tout désir d'en savoir davantage.
[...]
Il se leurre sans doute sur des importances, mais ne nous trompe pas sur son bonheur (il jubile d'éplucher avec délicatesse les «mystères» du réel imprévisible de Follain), ni sur son appétit qui est vaste – nous confesserons, pour notre honte, ignorer jusqu'au nom de plusieurs de ses élus...
[...]
On peut s'étonner que notre avisé commentateur n'ait pas vu que les romans de Julien Gracq ne sont que des romans de carton-pâte, le talent s'étant réfugié dans les essais. Il arrive que le médiocre fasse illusion longtemps, peut-être parce que personne ne s'y intéresse plus. Pourtant, le reproche majeur que l'on se résigne à porter au discrédit de M. Taylor, c'est qu'il n'a pas su montrer que Mme Duras a su élever la, pardon, «sa» littérature ! à la creuse concision des bulles de
comics ; décidément, Nobody is perfect ! Un ouvrage à lire, puis à traduire." (Claude Michel Cluny, "Paths to Contemporary French Literature de John Taylor", Le Figaro littéraire, 29 juillet 2004).

Voici ce que j'écrivis à mes remuants amis :
"Il y a un sous-discours imbuvable dans ce qu'écrit Claude Michel Cluny. Cela part de "notre littérature" (3e ligne), notre littérature à "nous", Français, bien sûr (c'est dit à la première ligne, sous-entendu : qu'elle nous appartient et que donc, sans réfléchir, de manière diffuse et infuse, nous la connaissons parfaitement — comme un seigneur ses terres), et cela finit par le "on" d'évidence collective qui exécute Gracq et Duras en "nous" forçant la main.
Venu de son "Idaho natal", John Taylor ne peut être ni du "nous" ni du "on" (personnellement, je me demande pourquoi), Cluny "nous" propose donc de l'accueillir avec condescendance ("il nous honore") et admiration, à condition de se mettre d'accord sur ce qui fait encore "notre" supériorité (jugement sur le Nouveau Roman, sur Gracq et Duras) grâce à l'erreur de l'autre, bien compréhensible, "ma" foi !
Je mets ce "ma" entre guillemets car c'est cette première personne qui manque à Cluny ; et parce que c'est ce manque, cette absence de l'expression à la première personne, qui dénonce la vilénie du propos de Claude Michel Cluny. Inconsciemment peut-être (c'est là mon bon côté), il a pensé en termes de communauté (le "nous" des Français qui savons bien...) et d'altérité, celle de John Taylor, une altérité qui, pour être excellente, ne peut être parfaite, et doit rester, de toute façon, exceptionnelle.
En bref :
Ça pue la France moisie !"


J'espère qu'une bonne âme donnera l'adresse de cette page à CMC. Si ça se trouve, il ne s'en rend même pas compte, qu'il écrit comme ça, aristocratiquement (car c'est ça, finalement, cette attitude de propriétaire hautain qui condescend à accueillir l'honorable étranger qui a si bien travaillé).
Quoique... Vu la torchabilité du Figaro littéraire...


"Torchabilité" convient très bien.
Merci d'avoir fait écho à nos dégoûts,
JMB
2004-08-01 20:01:59 de JM Barnaud

Je suis un peu dépassé par les conséquences de ma victoire au ping-pong ! ;-) Désolé pour la victime, mais je crois que même sans le prétexte de la défaite, Berlol aurait frappé un grand coup (sur la table ?)...
2004-08-02 02:41:54 de Manu

Normal, Manu, tu ne pouvais pas prévoir !... (et merci, après tout...)

Cela dévoile aussi comment marchent souvent les règlements de compte soi-disant intellectuels : le café du matin renversé, la migraine de la personne désirée, etc., qui sont ensuite "payés" sur un autre plan par quelqu'un qui n'avait rien à y voir (et qui le méritait parfois...)
2004-08-02 04:15:32 de berlol


Lundi 2 août 2004. Passé, passant, passable.

Aujourd'hui, dernières réunions du semestre et remise des notes. Dans le train qui m'emmène vers ces ultimes plaisirs, je dors une bonne heure avant d'ouvrir mes Ombres errantes. Quignard continue de me subjuguer et de m'exaspérer. Alternativement. Voire en même temps. Cela me rappelle le massage shiatsu que T. m'a fait au niveau des clavicules avant-hier : la douleur surprenante me tirait des larmes dans d'irrépressibles bouffées de rire...

"On parle du courant du fleuve. Que serait le couru ? Le couru serait la source juste avant le jaillissement. Ce serait le perdu qui revient dans l'à venir du venir qui se perd. Au mot présent il faut préférer le mot plus sûr de passant. Le présent est le passant du temps. Mais de cela je doute. Je doute que le passant du temps soit sa source. Il est possible que dans le passant du temps le passé soit l'énergie (le noyau, le trou noir qui gît au sein de l'affluence, qui déclenche le flux). Comme le mot courant dit quelque chose de plus profond que toute l'eau du fleuve." (P. Q., Ibid., p. 168-169)

Et le futur serait le passable, alors ! Séduisant jeu, dans une expression juste et belle.
De toute évidence, Quignard sait que le "courant" dépend de la pente, de la largeur du lit et du volume d'eau.
Mais il sent que l'aspect intensif du participe présent nominalisé (courir - courant) ne se réalise pas dans la terminologie.
Poète, il a la naïveté de ceux qui trouvait vraie parce que belle l'idée d'une mémoire de l'eau, il y a quelques années.

À propos de l'empereur Constantin, il parle du "duc des armées des Romains" (p. 162). Ce "duc" me renvoie au "duc japonais" (p. 87-88) qui avait fait tiquer mon infaillible LePotager et qui doit être un emploi poétique du mot. Creusant la question, j'apporte un complément d'information pour mettre un bémol aux affirmations de Quignard citées le 25 juillet.
Quand le commodore Perry (1794-1858) arrive en baie d'Edo, le 8 juillet 1853, il adresse officiellement sa demande d'ouverture au shôgun Tokugawa Ieyoshi (1793-1853). Quand il revient pour chercher la réponse, en février-mars 1854, le shôgun a changé ! Le fils succédant au père, c'est alors Tokugawa Iesada (1824-1858), jeune homme d'une trentaine d'années qui est aux commandes, alors que Perry approche de la soixantaine... Iesada ouvre les relations d'amitié et de commerce, comme on dit, et accepte de loger un consul étranger. Par ailleurs — signe d'intelligence ou de faiblesse ? — il est aussi le premier des shôguns, dit-on, à consulter l'empereur pour prendre une décision politique.
Mais même ce niveau d'expression est falsificateur : Perry ne donne pas son message au shôgun (ni au "duc d'Edo", donc), mais au bugyô de Uraga, sorte de commissaire-douanier du petit bled en face duquel Perry a jeté l'ancre. Les canons des bateaux étaient certes chargés mais je ne trouve trace d'aucun coup tiré, contrairement à ce qu'écrit Quignard. Le message de Perry (qui est en fait une lettre du président des États-Unis, Millard Fillmore) comprenait aussi une demande de traitement plus humain des naufragés.
Pour donner du poids à sa datation (dont l'idée reste intéressante), Quignard néglige des détails... qui pourraient l'invalider.
Son écriture relève-t-elle seulement d'une dimension poétique, permettant d'ignorer la vérité historique ?

Si je devais comparer... Non. Pas comparer, plutôt : mettre en relation... Si je devais mettre en relation ce livre de fragments, remarques, pensées, avec un autre et un seul, je n'invoquerais pas Nietzsche mais le regretté Daniel Oster dans ses Rangements (chez POL, 2001). En fait, à relire maintenant des pages d'Oster, j'ai l'impression de lire un modèle pour mon Journal littéréticulaire... et, même sans le réseau informatique, tellement plus réticulaire que moi !

Allez ! Un des plus courts paragraphes d'Oster, à mourir de rire :
"Tél. à JDW qui me dit avoir lu la phrase suivante : « Après le succès de L'Iliade, Homère écrivit L'Odyssée. »" (D. Oster, Rangements, p. 278)
Et bonjour à JDW, s'il passe un jour par ici !


Merci d'éclairer nos lumières et de rectifier les propos "exotiques" du poète. Il est normal que le message de Fillmore soit donné au bugyô puisqu'il est le responsable des lieux et le représentant du shôgunat. Au sujet de Perry et de Uraga, il existe un site qui propose aussi des photos prises pendant l'époque Meiji. (http://www.geocities.co.jp/HeartLand-Sumire/6663/m_rtanken/html/y_nisiuraga.html#bugyosho). Si si, des coups de canons auraient été tirés la nuit du 3/VI/1853. (http://www.j-area2.com/japan/history/edo/perry.html).
De plus, un nouveau bugyô a été nommé pendant les négociations. Sur Perry et le bugyô, voir : http://www.geocities.co.jp/HeartLand-Sumire/6663/m_rkouza/html/z_kurofune1.html
2004-08-03 04:07:26 de LePotager


Mardi 3 août 2004. Alors, canon ou pas canon ?

J'ai pensé d'abord répondre en commentaire à l'excellent commentaire éclos du Potager ce matin. Et puis je me suis rendu compte qu'il fallait développer un peu plus... Bien sûr, s'il est avéré, comme dans le document proposé par notre ami, que Perry a fait donner du canon, en l'air, dans l'unique but d'effrayer un peu les Japonais qui n'avaient jamais vu d'aussi gros bateaux, je ferai amende honorable et je rendrai à Quignard une partie de la vérité de sa datation (voir épisodes précédents). Je n'imagine même pas qu'il ait pu faire tirer sur objectif, car le fait serait alors autrement mentionné dans toutes sortes de documents ! Et cela aurait été un bien stupide casus belli, contraire à l'objectif recherché (et plutôt dans les habitudes d'un Bush que d'un Perry, en fait).
Or, dans au moins deux autres documents, il semblerait que ce soient les Japonais qui auraient, dès l'arrivée des bateaux, donné un coup de semonce. Auquel les Américains n'auraient pas répondu.
Le plus sérieux de ces documents, en anglais, semble être un mémoire universitaire d'une certaine Rieko Shimizu (juillet 2000), "Commodore Matthew Perry : American Black Ships in the Land of the Samurai", exposé précis et sans parti pris, citant d'ailleurs précisément ses sources. Elle écrit notamment : "However, Perry chose not to use such force because it would not be the best way to achieve this mission." Puis, quelques lignes après : "When Perry’s Navy approached the shores of Uraga, suddenly the Japanese army fired up a ball of smoke from a rocket. After that, some officials on a small guard boat came close to the Mississippi." (c'est moi qui souligne)
On apprend également des détails amusants : "The Japanese officers gestured at the ship’s anchor, shook their heads as if to say "no", and showed a large document written in French which was a warning that, if the foreigners entered here, they would be in danger. When the Americans quieted their engines, they were able to hear in the crowd on the shore a wild racket. One Japanese in the boat told the Americans that he could speak Dutch. Actually, he came there as an interpreter from Nagasaki, in the south of Japan and the only city to trade with foreigners." Au sujet de "quieted their engines", il s'agit des moteurs à vapeur qui empêchent de rien entendre ; quant à "wild racket", ça doit être quelque chose comme "un raffut terrible". Enfin : "He also threatened that, if the Japanese did not follow, he would fire on them by these well-armed flagships." On est d'accord, "to threaten", c'est menacer, pas tirer. Pour le reste, lire le mémoire, c'est vraiment instructif !
Dans un autre document, toujours en anglais, illustré et visiblement inspiré du précédent mais avec un point de vue de Japonais de l'époque, on écrit : "They were greeted with shore-based cannon fire and a large force of guard boats."
Encore deux illustrations ici, dans un site sur Perry.

Ceci dit, on n'est toujours sûr de rien dans cette histoire de coup de canon !
C'est à peu près comme je l'ai décrit dans mon intervention au sujet des citations de Hugo trouvées dans le web (colloque de Tokyo en novembre 2002) : la multiplication des documents, les recopiages approximatifs et les citations décontextualisées augmentent la proportion d'erreurs et nous obligent à recourir au bon vieux bouquin de référence... tant qu'il en existe !
Ça me rappelle aussi (JLR du 6 janvier) le coup du sire de Gonneville qui, si l'on en croit les documents web, découvre en même temps l'Australie et le Brésil !

Fait notable de la journée : David s'est approché une nouvelle fois dans sa vie d'un lieu de sport ! (et je n'avais pas d'appareil-photo, zannen desu ne !) Il s'agissait de la salle de ping-pong, rendez-vous en passe de devenir habituel les mardis après-midi. Il est même possible, on commence à y croire, qu'il vienne mardi prochain avec un short et qu'il joue. Mais pour cela aussi, on attend confirmation. Thomiste un jour, thomiste toujours !

Sinon, oui, le blog est décidément un lieu de spontanéité et d'incertitude, ce qui n'empêche pas la composition et l'effort au style, comme disait Mallarmé. D'où qu'il ne faut pas craindre de se tromper, de rectifier, de s'excuser le cas échéant. À ce sujet, faudra que je parle des étonnantes "pages arrachées au journal de Michel Leiris" que j'écoute chaque jour depuis plus d'une semaine (France Culture au mois d'août, en semaine, à 8h10, pas de stockage sur le site de la radio). Un autre jour.


Puisque l'honorable plume du JLR me lance un défi à la face du monde (via internet, on peut bien dire cela), je ne puis que le relever.
Je serai donc présent mardi prochain au lieu dit vêtu à l'allemande (i.e. en short) pour faire mes premiers pas de pongiste ! J'ai cependant un problème de tennis (de chaussures de...) à régler. Eh oui, je n'en ai point...
Mais que tous se rassurent, les thomistes n'ont qu'à bien se tenir !
2004-08-04 04:23:27 de Dabichan

Des photos, des photos ! Je suis sur qu'il a des guiboles poilues sexy le Dabichan...
2004-08-04 08:12:13 de LePotager

Il est intéressant que vous, juste comme moi, ayez également noté que Gonneville est censé avoir le Brésil et l'Australie découverts dessus le même jour.
Mais je devrais préciser que les premiers historiens australiens tels que Favenc en chapitre 15 (voir le link ci-dessous) entre dans la grande longueur pour discuter la première visite en Australie de l'Europe. C'était non seulement la première visite d'un Européen, mais beaucoup d'autres choses aussi. Par exemple, nous pourrions dire qu'il était également le premier indigène pour visiter la France, puisque Gonneville a rapporté un garçon d'adolescent, "Essomeric", le fils du chef ou prince de la tribu avec qui il était resté. Une autre manière de regarder cela, est que c'était le premier cas "d'un enfant enlevé" des aboriginals. Plus que cela, il était le premier indigène à être baptisé, et en conclusion, Essomeric était l'ancêtre de l'homme qui devait devenir le premier prêtre catholique de la descente indigène (et le premier a nommé par le pape comme missionnaire en Australie.)

Quoi qu'il en soit, Essomeric a marié Suzanne, et a eu 14 enfants, et mort à l'âge de 95, vraisemblablement ayant beaucoup de descendants maintenant dans Normandie. Un de ses descendants était l'Abbe Jean Paulmier, qui a écrit un livre deux cents pages longues adressé au pape, (Alexandre VII), en 1663, la demande qu'une mission soit envoyée au Terra Australis découvert, qu'il a dit était la terre de ses ancêtres...
(On ne l'a pas connu jusqu'à cette année, 2004, des documents récemment libérés des archives, que Jean Paulmier a été approuvé par le pape et a été nommé réellement pour être le premier missionnaire de l'église catholique à Terra australis.)
Les Australiens ont récemment célébré le 200th anniversaire "du prêtre catholique d'abord" désigné en Australie, en 1804. Mais quelqu'un a précisé que c'est incorrect. c'était réellement Jean Paulmier, en 1666, qui était le premier missionnaire désigné en Australie.

Paulmier est mort avant qu'il pourrait faire sa mission se produire. (Puisqu'il n'y avait pas assez de personnes voulant aller avec lui sur cette mission.) Mais son livre a inspiré beaucoup de voyages navals français en Australie, et ceci explique probablement pourquoi beaucoup d'explorateurs français ont pris un vif intérêt pour les Australiens indigènes, tels que Nicolas Baudin.

Il est intéressant, cependant, que personne que je sais ne sait n'importe quoi à ce sujet. Il n'y a rien dans les journaux, aucuns documentaries, et ni les Australiens indigènes ni les catholiques ne semblent se rendre compte que ce soit le 500th anniversaire d'un des événements les plus importants dans l'histoire de l'Australie. Il y a beaucoup de websites en France et au Brésil qui célèbrent Gonneville... mais pas en Australie. Je pense que la raison est parce qu'un certain academics au 19ème siècle est venu pour croire qu'Abbe Paulmier était erroné. Ils croient que son ancêtre, Gonneville, est allé réellement au Brésil, pas en Australie. (Vous pourriez noter que j'ai dit Gonneville étiez l'ancêtre de Paulmier, et aussi qu'Essomeric l'indigène était l'ancêtre de Paulmier. C'est parce que parce que l'homme indigène noir, Essomeric, a été marié au cousin de Gonneville ou à la soeur ou à la fille, et ainsi Paulmier est le descendant de Gonneville, en tant que grand oncle et par adoption, et également d'Essomeric, directement).

Cependant, en tant qu'un de vos LINKS dans le BLOG de 6 janvier a précisé, certain academics français semblent penser maintenant que Gonneville n'a jamais existé. Ce il était une invention. Mais en fait, une approche plus intelligente est se rend compte que cet homme Abbe Paulmier a été non seulement respecté par le pape, a non seulement écrit une thèse très érudite dans un livre de 200 pages qu'il a su tout au sujet de l'histoire de l'exploration du Terres Australes, mais il a également eu un grand amour pour le peuple de l'Australie. Il est le plus absurde de suggérer qu'il compose lui-même une histoire qu'il était le descendant d'un indigène australien, afin de persuader le pape d'approuver une mission en Australie. Même si Jean Paulmier était irlandais, un juif, ou le Japonais, sa thèse aurait néanmoins été juste comme puissants. Mais est plus probablement l'explication que la connaissance de cette ascendance l'a conduit pour rechercher la terre de ses pères, et compulsif lui pour écrire ce livre.

Cela leur a pris onze mois à la voile à Honfleur de la terre d'Essomeric.. à partir du 3 juillet 1504 jusqu'à 20 mai 1505... Est-ce que prend-cela normalement onze mois pour qu'un bateau arrive du Brésil en France? (Même si il avait lieu aussi il y a bien longtemps qu'il y a 500 ans...? Gonneville n'était-il pas un capitaine expert, pour revenir à Honfleur après deux années complètes...? Peut-être le voyage était autre qu'à travers l'Océan Atlantique.) Naturellement il peut avoir arrêté beaucoup de fois sur le chemin à sa maison. mais je pense que la conjecture d'Abbe le Paulmier était correcte... Il a voyagé beaucoup plus loin qu'à travers l'Océan atlantique.

Sur le bateau, après avoir laissé Terra australis 3 juillet 1504, ils ont souffert d'une fièvre contageous qui a affecté beaucoup sur le bateau, et plusieurs de l'équipage sont morts. En outre morte l'indigène, appelé Namoa, qui avait environ 35 ans. Ainsi, parce qu'ils ont craint qu'Essomeric meure également (la fièvre l'a également rendu malade) qu'il il était baptisé le ce jour, 14 septembre, 1504, alors qu'ils naviguaient sur leur chemin dans le bateau pour la France.

Ainsi, par ailleurs, si vous aimez des anniversaires de 500 ans, il y a encore montant ce mois... 14 septembre 2004... que c'est le jour qu'Essomeric était baptisé.

Quand Arasco, le chef de la tribu de laquelle Essomeric est venu, a donné son fils à Gonneville à la prise en France, c'était en échange pour une promesse de Gonneville qu'il instruirait son fils, et qu'il reviendrait encore en "vingt lunes", apportant avec lui non seulement des dispositions et les marchandises européennes modernes, telles que des miroirs, papier, et des armes, mais également les choses requises pour l'établissement des pratiques chrétiennes. Naturellement nous savons que Gonneville n'a jamais eu l'occasion de retourner. Car elle se produit, Gonneville a adopté Essomeric en tant que son fils, et lui a donné également son nom (Binot Paulmier) quand il était baptisé sur le bateau.

En fait toute la connaissance au sujet de Gonneville vient de ce livre par Jean Paulmier. Ainsi les questions environ si Gonneville est allé en Australie ou au Brésil, ou, qu'il ait existé ou pas, peuvent seulement être découvertes en lisant ce livre. Et à la question si Gonneville soit juste une imagination, est une grande étape à prendre... Elle fait non seulement à l'Abbe Jean Paulmier pour être une personne idiote, mais également à un mal et à celui malfaisant.

Je sais que dans un des articles de l'academics que j'ai mentionné, ils proposent que Jean Paulmier "ait essayé" de devenir gain de l'identification du pape. Ce doit suggérer qu'il ait cherché une certaine sorte d'individu-promotion, ou un certain genre de puissance. (Mais dans quel but? Il n'y avait aucun Européen en Australie. Était ce par ambition égoïste, pour vouloir aller là, ou envoyer une mission là?)

Et quelle coïncidence, celle il n'avait pas lieu jusqu'à cette année, 2004, qu'on l'a indiqué du Vatican que Jean Paulmier était le premier missionnaire désigné à Terra Australis! En 1666. Ce que jusqu'ici personne n'a su. Peut-être c'est la manière de Dieu d'avoir l'"dernier rire"?

Il y a deux genres d'"fabrication" de l'histoire: on est quand les gens inventent les mauvaises choses qui ne se sont pas vraiment produites. L'autre est quand les gens essayent de nier que les bonnes choses se sont produites, quand en fait elles vraiment se sont produites. La théorie qui est suggéré récemment par les ces academics français qui indiquent que Gonneville est juste un mythe est, à mon avis, le deuxième genre de fabrication. En fait, il n'y a aucune raison de douter du caractère d'Abbe Jean Paulmier, et donc aucune raison de douter de l'histoire relative au sujet de Gonneville. Et donc, il n'y a aucune raison de douter de l'histoire d'Essomeric, et de l'héritage indigène en Jean Paulmier.

Cependant, il peut être possible, naturellement, que Jean Paulmier a été confondu, que l'information remise vers le bas à lui de sa famille était insuffisante, et qu'Essomeric a pu être venu du Brésil. Néanmoins, il n'y a aucun doute que Jean Paulmier a cru et a insisté sur le fait que son ancêtre n'est pas venu du Brésil mais d'Ausralia. Il a écrit infiniment au sujet de toutes les colonies existantes du monde, et a su la différence entre elles.

Probablement un des raisons pour laquelle certains croient que l'ancêtre de Paulmier est venu du Brésil est le bruit des noms. Arasco, le père, Essomeric, le garçon, et Namoa, le gardien envoyé avec le garçon. Certains indiquent qu'Essomeric ressemble à d'"Içá-mirim" qui est un mot dans la langue des "Indiens" du Brésil, signifiant la "petite tête". (je présume que ceci doit être un surnom probable pour un enfant.) Cependant, je penserais également que ces noms, Arasco, Namoa, Essomeric, sont "Frenchified", juste comme quelques mots français obtiens "anglicisé" et retentis beaucoup différent une fois parlé par des orateurs d'une langue différente. Ainsi, Essomeric pourrait avoir été quelque chose tout à fait différente dans l'original. Peut-être l'"idjammarri" ou quelque chose aiment cela... (Je devine seulement). Nous ne pouvons pas présumer que était Essomericq, comme on l'a orthographié, à de ce que le vrai nom a ressemblé.

Il peut y avoir d'autres raisons pour lesquelles les "experts" ont choisi le Brésil au lieu de l'Australie. Mais ils se sont maintenant complètement contredits et dire que Gonneville n'a jamais existé, ainsi pourquoi croyez-les?

Le livre de Jean Paulmier s'appelle: Memoirs Touchant l'Etablissement d'une Mission Chrestienne dans le Troisieme Monde (1663).

D'ailleurs, un scolaire en Australie, professeur de Français, va la republier bientôt. Il sera la première fois qu'il a été republié "depuis 1664".
Si vous voulez trouver une section raisonnable de livre d'Abbe Paulmier, vous pouvez trouver un passage significatif de lui en chapitre XV du livre de Favenc:
- "The History of Australian Exploration from 1788 to 1888", écrit par Ernest Favenc, en 1888! (Pas un livre postérieur qu'il a écrit en 1908). Libérez pour download à:
http://gutenberg.net.au/ausexplore/ausexpl00-index.html
(Beaucoup d'autres bons livres d'histoire sont libres disponible online à Gutenberg et à divers autres websites comme Blackmask.Com)
Ce commentaire a été traduit 99% par l'Internet, à l'aide des "langue-outils" de Google. Veuillez pardonner ce morceau de machines pour toutes les erreurs grammaticales.
Si vous pouvez penser à une certaine manière de célébrer 14 septembre, 500 ans après le baptême du premier Australien indigène, vos suggestions sont bienvenues.
2004-09-02 00:52:17 de Arvi


Mercredi 4 août 2004. Seul à voir encore le jour.

Plus de cours. Plus de réunions. Plus d'étudiants, ou si peu. Presque plus de collègues dans les couloirs de la fac. On s'ennuierait presque... s'il n'y avait ces superbes travaux de renforcement des structures de notre bâtiment. C'est promis, demain, je fais des photos ! En fait, de notre département de français, et sans que l'on sache pourquoi, je suis le seul à voir encore le jour. Les autres ont tous été littéralement coffrés et continuent à travailler dans leur bureau sombre, vibrant et poussiéreux...

Je commence à m'organiser pour effectuer à la fois des recherches (thèse Simon), des tâches administratives (Cerisy 2005) et du japonais. Sans négliger le sport et les week-ends avec T. ! Je n'ai pas encore trouvé le bon rythme mais ça se met en place.

Pédalant statique ce matin, je voyage beaucoup avec Barnabooth qui continue à apprendre des choses de la vie, le jeunot !

"Et d'abord, qu'est-ce que tu entends par "s'élever", et par cette "course de la vie" ? Cela me sonne mal aux oreilles. Quand on me montre un homme qui, parti de rien, est devenu par son seul mérite un personnage, et qui porte partout avec lui la certitude qu'il est un personnage, et le bruit de sa gloire, et ses décorations, j'ai envie de rassembler tous les mauvais gamins comme moi autour du grand homme arrivé, et de faire une ronde en chantant :
Il a réussi, l'imbécile !
Il a réussi !"
(V. Larbaud, A. O. Barnabooth, son journal intime, p. 188)

"— C'est bien cela. J'ai la haine de l'argent. Je n'osais pas le dire.
— Tu hais l'argent, et cependant tu le gaspilles ? Tu ne sens donc pas que nous devons avoir avec lui le moins de rapport qu'il est possible ? Mais tu te laisses dominer par lui, tu le suis par les rues, essoufflé, de boutique en boutique, au lieu d'être son maître et de te servir de lui. J'ai passé par là : je sais de quel train il nous mène. Les bourgeois aimaient à être menés de ce train-là."
(Id., p. 189)

Perec, je ne sais plus où, potache, s'amusait avec l'Histoire de l'art d'Eliphore... Je ne doute pas qu'il avait bien ri en lisant chez Larbaud :
"je suçais une cigarette jaunie par le temps, et trouvée dans une boîte ancienne sur laquelle on voyait des drapeaux français et russes mêlés, et le nom des cigarettes : Phélix Phor."
(Id., p. 194)

Larbaud, qui sert décidément à tout, peut même nous aider à lire Quignard. On s'étonnait de l'emploi de "duc" par notre contemporain ombrageux... C'était au sens étymologique, ou pour le moins moyenâgeux :
"Il y aura toujours des ducs à la tête des armées, des marquis aux frontières, des princes au-dessus des républiques, et des comtes autour de la Personne sacrée."
(Id., p. 197)


Jeudi 5 août 2004. Sentimental béton.

Ciel couvert et bourrasques de vent, menaces d'averses : les bonnes conditions pour sortir en vélo réel et aller à la mairie de Showa-ku demander le report du numéro de mon nouveau passeport sur ma carte de résident au Japon. Vingt minutes de trajet pour y aller et quatre minutes d'attente pour les écritures. Il y a des fois où l'on est véritablement satisfait d'un service administratif ! Il faut le dire. Cette opération clôt la série des renouvellements que j'avais à faire cette année : visa, re-entry, passeport. Pas trop tôt !
J'ai poursuivi mon périple par des ruelles tranquilles jusqu'à Motoyama, au grand magasin Matsuzakaya où j'ai fait des courses spéciales. Des trucs qu'on n'achète pas tous les jours au supermarché du coin : des boîtes de rillettes de thon et de maquereau Arok (Douarnenez), des olives vertes Ybarra (Sevilla), du vinaigre de vin Maille, des cornichons Beaufor (Reims), du poivre en grain, du blanc et du noir que je mélange moi-même dans mon moulin à poivre, c'est meilleur. Des courses comme ça, voyez le genre.

La plupart des personnes qui travaillent ici ignorent quel grand architecte a conçu les lieux où ils vivent et travaillent. Moi-même, je l'ignorerais encore si le hasard ne m'avait fait rencontrer à Tokyo une spécialiste d'Antonin Raymond.
Ces jours-ci, comme l'auguste calme de la recherche devrait succèder à la fureur de l'enseignement mais qu'il y a de lourds travaux dont j'ai déjà fait état, notre attention se porte forcément sur le bâtiment... et sur l'architecte... et notre souvenir sur Christine Vendredi-Auzanneau qui nous fit l'honneur d'une visite il y a deux ans pour voir de ses propres yeux cette intacte preuve du génie d'Antonin (on me permettra d'être un peu familier avec lui vu que je déambule en chaussons au beau milieu de sa création), en vue d'une exposition alors en projet et actuellement en tournée mondiale.
Avec David, on était allé partout, tous les trois, notant le béton courbe des rampes d'escaliers, les arrondis des toits, les fresques murales, sans oublier plusieurs types de déflecteurs à l'extérieur des fenêtres, orientables ou non, facteurs d'ombre en un temps où la climatisation n'existait pas (1964). Faisant des photos, présentant Christine, nous nous autorisions de sa présence officielle pour faire la visite que l'on ne nous avait pas proposée lors de notre entrée en fonction.
Ces bâches bleues sous lesquelles vont et viennent — et travaillent — les ouvriers ne révèlent qu'une infime partie du chantier. Mais je rassure Christine, qui lira ces lignes un jour ou l'autre (ne serait-ce qu'en cherchant Antonin Raymond avec un moteur de recherches) : l'aspect général des bâtiments et l'ensemble architectural ne devraient pas être modifiés. La direction est sans doute consciente du patrimoine que nous habitons et nous avons plutôt vu que les bâtiments récemment ajoutés imitaient ceux d'AR (sans les déflecteurs qui n'auraient plus de fonctionnalité, ni non plus les boîtes noires sur le toit comme on en voit sur cette photo, qui servent à la ventilation des colonnes de climatiseurs ajoutés il y a quelques années et qui rompent la ligne horizontale...).

"L'une des choses qui m'a le plus surpris lorsque je suis arrivé au Japon, était de trouver mon agence apparemment réorganisée et prête à fonctionner sous mon nom. (...) Il y avait mon bureau, avec la plupart des documents infiniment précieux que j'avais laissés au Japon en 1937, et aussi les fichiers pratiquement complets des travaux que nous avions faits avant la guerre. (...) Les membres de l'équipe qui restaient m'ont assuré qu'ils savaient qu'un jour je reviendrais, et c'est la raison pour laquelle ils ont pris tant de peine à tout conserver." (ainsi s'exprimait Antonin Raymond en 1947 ; nous comprenons son émotion...)

Première série de lectures et de relectures sur l'ensemble de l'oeuvre de Claude Simon. J'ai presque toutes les études, articles, essais, en français et en anglais, patiemment accumulés depuis des années. Il s'agit de ne pas s'y noyer et d'opérer une sélection pertinente. Partant d'un point de vue actuel, je suis les pistes que trace Dominique Viart dans Une Mémoire inquiète (PUF, 1997), à partir de La Route des Flandres précisément relu ce printemps (Cf. index du JLR, et voir le bel hommage que rend Jean-Marie Barnaud au travail de Viart). La semaine prochaine, ce seront Mireille Calle-Gruber, Françoise van Rossum-Guyon, Lucien Dällenbach et Ralph Sarkonak que je reprendrai rapidement.

Nota Bene :
Long commentaire d'Olivier (OAM) à l'entretien de Biasi / Heinich sur les Gender Studies et la D. S., à lire sur la page U-blog du 30 juillet.


Vendredi 6 août 2004. Tu n'as rien vu à Hiroshima !

Au radio-réveil déjà, j'ai entendu parler d'Hiroshima. Alors j'ai su que c'était à nouveau l'anniversaire de la bombe. Les anniversaires des bombes ; on peut les regrouper. C'est la même infâmie. Le même ordre américain de tirer, de lâcher ça. Pas du tout la même situation en 1945 qu'avec Perry en 1853...

Mais peut-on se figurer ? Se figurer non pas l'explosion elle-même, qui n'est qu'un résultat technique dont on connaît la sorte de beauté, mais se figurer les conséquences humaines ? Les morts sur le coup, les morts après-coup, les survivants brûlés, les survivants irradiés, les survivants tarés, les enfants des survivants, les enfants des enfants des survivants, la flore, la faune, le paysage, la forme d'une ville, le traumatisme d'un peuple, la sorte de honte aussi d'être ceux qui sont ainsi réduits à rien, suivie de la terreur d'entendre l'empereur lui-même à la radio, suivie de l'humiliation d'avoir à reconstruire avec l'aide et la protection américaines.
La sorte d'infantilité politique, ou d'évitement du politique que l'on voit aujourd'hui chez nos étudiants, voire partout dans le Japon, pourrait bien être une sorte de refoulement collectif de tout ce qui n'a pas pu être pensé, et qui peut de moins en moins l'être, avec le temps qui passe.
Peut-on se figurer cela ? C'était aussi la question que posait Marguerite Duras, avec Alain Resnais, dans le film Hiroshima, mon amour (1959). La Française tondue dans sa cave de Nevers a connu la souffrance physique et morale ; elle pense que cette connaissance peut lui servir pour se figurer l'horreur d'Hiroshima. Alors, quand elle est au Japon, des années plus tard, pour tourner un film, et qu'elle discute avec un Japonais, son amant d'un jour ou deux, elle dit qu'elle a "tout vu", à Hiroshima. Sans compter qu'elle a vu aussi ce que les médias ont montré. Mais le Japonais refuse cette "figuration", cette sympathie. Il l'estime impossible pour qui n'est pas Japonais, et répète calmement : "Tu n'as rien vu à Hiroshima" (extrait truffé de fautes à lire ici).

Je somnolais, dans le shinkansen, en me rappelant certains détails du film. Heureusement, j'ai retrouvé T. après, en forme, qui m'a vite aidé à changer d'humeur. Sa mère, qui était dans le Kyushu pendant une partie de la guerre, est revenue à Tokyo en 1945 par un train qui dut s'arrêter à Hiroshima, le premier train qui s'y arrêta dans ce nouveau temps d'après la bombe. Elle y dormit une nuit, dans le train, avant que celui-ci ne reprenne sa route. Bien sûr, elle savait à peu près ce qui s'était passé. Elle n'avait pas d'autre choix. Ou bien elle s'en foutait.


Samedi 7 août 2004. Les 3 ReJets.

Rien à dire ce soir. Une de ces journées où l'on reste tranquillement à la maison, qui avec sa traduction à polir, qui avec son résumé à finir. Nos ordinateurs sont disposés sur des bureaux aux angles opposés d'une pièce rectangulaire, T. près de la fenêtre, moi près de la cuisine. On se fait des petits signes de temps en temps. Puis on décide d'aller déjeuner au Bldy, en haut de Kagurazaka, où, comme d'habitude, on trouve une cuisine rapide de family-restaurant, mais meilleure et moins chère. Après quoi on retourne à nos angles numérisés jusqu'au soir. Des gros nuages passent. Puis des averses tombent. Puis cessent. Rien n'entame notre constance.

Ce soir, il y avait un match de football entre le Japon et la Chine, qui se déroulait en Chine, si j'ai bien compris. Aux infos, T. avait entendu hier que les supporters japonais seraient parqués et protégés par la police car fortement menacés d'agression par des supporters chinois qui leur reprochaient... les invasions, les massacres et les atrocités des Japonais en Chine.
Les Japonais, dont le gouvernement n'a encore jamais présenté d'excuses officielles, s'en étonnent.

La maturité du Japon viendra quand il y aura officiellement trois renonciations, ou trois rejets, que j'appellerai dorénavant les trois Rejets pour un Japon Émancipé (trois ReJÉ, ou plus simplement les 3 ReJets) : celui du soutien militaire américain, celui de la splendeur des colonies, celui de la pureté des origines. On pourrait montrer qu'ils sont gigognes...


Et pourtant, les Japonais sont peut-être ceux qui s'excusent le plus au monde au quotidien...
2004-08-08 14:47:31 de Manu

Je vois que nos pensées bloguesques se retrouvent. On explique souvent que le gouvernement japonais ne s'excusera jamais car il aide financièrement au développement chinois depuis l'après-guerre. Ce don d'argent rachèterait ainsi leurs fautes...

2004-08-08 15:04:46 de http://


Dimanche 8 août 2004. Feu d'amis, de mots et d'artifice.

Trois au ping-pong ; ce n'était pas arrivé depuis le départ de Bikun, quand il a quitté le Japon il y a deux ans. Est-ce cet événement qui m'a troublé l'esprit, j'ai été lamentablement battu par Manu, sous les yeux de François qui a, lui, fait des progrès fulgurants en l'espace d'une heure et demie. Comme quoi, il y en a pour tout le monde.
Déjeuner à Shibuya, dans la galerie de Mark City, au restaurant Le Café bleu. Pas mal du tout, pour 1500 yens, et tranquille avec ça...

Passage à Tower Records pour voir les nouveautés discographiques. Au rayon français, c'est ahurissant ce qui est mis en avant, que des starlettes franchouilles formatées Japon, Clémentine et consorts, vraiment de la daube ! Quelle honte !
Au rayon "Others", j'écoute le dernier Mouse on Mars (Radical Connector). Très déçu, c'est presque de la pop ! Par contre, il y a un arrivage de Muslimgauze et j'en prends quatre d'un coup ! Je redonne le lien inaltérable donné en janvier pour ce groupe mythique.

Retour à la maison pour douche et repos avant sortie vespérale. L'inénarrable Étienne Barral, journaliste touche à tout de son état, a lancé une invitation à tous ses amis restés à Tokyo — et il en a beaucoup ! — pour admirer LE feu d'artifice de l'été, de plus d'une heure, depuis le toit de l'immeuble où il a son bureau, à côté de Yotsuya-Sanchome.
Avec François, on y arrive vers 19h, avec une bouteille de Gevrey qu'on ne reverra jamais et une bouteille de thé encore intacte à la fin...
J'y retrouve avec surprise et grand plaisir une personne que je n'avais pas revue depuis dix ans, qui s'occupait alors de musique contemporaine à l'Institut franco-japonais et qui oeuvre maintenant à Paris, à la Cité de la Musique. Sa fillette minuscule, autrefois aperçue, est maintenant une grande jeune fille blonde qui fait du grec ancien et nous toise avec classe. Une bonne cinquantaine de personnes circulent facilement sur cette terrasse à tous les vents, chacun ayant apporté de quoi sustenter quelques autres en matières solides et liquides. Finalement, je suis bien intéressé par le Ricard qu'un chercheur en neurosciences a apporté et par des olives fourrées au poivron.
Le feu d'artifice est grandiose, plein de superbes couleurs à longueur de gerbe... mais très loin, là-bas. Et donc tout petit, au-dessus de lointains immeubles... Le bruit des fusées nous arrive avec trois ou quatre secondes de retard. Cela n'en est que mieux pour l'ambiance du toit où nous tentons d'ouvrir nos ailes de paroles. Je n'avais pas discuté avec autant de gens depuis au moins... deux ans !
Bon, certes, ce qu'on appelle parler avec des gens dans une telle situation, un verre à la main, un appareil-photo en sautoir, ne porte pas à conséquence... Croit-on ! Mais où parler d'Hubert Lucot, de Pierre Alferi et d'Hervé Guibert, des éditions Le Bleu du ciel ou du compositeur Takemitsu, sinon sur cette terrasse d'un neuvième étage de Tokyo, par la grâce des relations triées d'Étienne et de son Système B !

On en est revenu pompette. Donc moi pas traîner trop tard à écrire journal...


Merci Patrick, pour ces "deja" souvenirs de quelques heures, immortalises desormais dans la grande toile par la grace de ton blog...
Amicalement
Etienne
2004-08-09 02:51:19 de Etienne


Lundi 9 août 2004. Après la plage.

Journée à la plage, à Kamakura, avec Arnaud et François. Il fait chaud et il y a du monde !
Cette fois, je suis allé me baigner et je peux dire... que l'eau est très sale ! Jusqu'au niveau de la poitrine, on progresse entouré de bouts d'algues et de sacs plastiques que les vagues roulent partout, jusque dans les maillots de bain. Après, jusqu'à plus avoir pied, c'est un peu plus propre, mais personne ne s'y baigne. C'est là qu'on va nager.
Après ça, douche chaude et savon s'imposent. Justement, on s'était installé dans une paillotte avec douches et consignes. Ensuite, on a déjeuné au restaurant attenant, correct, surtout le poulet grillé. Et puis on a papoté, fait des photos, pris des Corona... Je suis allé me promener une heure le long de la plage, histoire de me faire dorer (ça a bien marché, ce soir je suis rouge mais pas de coups de soleil, avec le gel après-solaire ramené d'Australie, c'est bien hydraté...). J'en ai profité pour observer les comportements des plagistes. Moyenne d'âge 20-25 ans, beaucoup de bouées multicolores, et tout le long de la plage des petits groupes d'adolescentes qui font des châteaux de sables, et des groupes de garçons qui en enterrent un autre dans le sable. Tant d'amusement naïf ne peut que réconcilier avec le genre humain, non ?
Ci-joint, exemple typique de la photo ratée qui se révèle plus intéressante que celle que l'on voulait faire : la superposition des bouées me fait signe, graphiquement, je cadre, règle la vitesse, appuie pour l'auto-focus et au moment où j'appuie pour prendre la photo, quelqu'un passe dans le champ. Indésirable, il ajoute le mouvement, l'imprévu, le premier plan qui augmente subjectivement la profondeur de champ en obligeant le regard du spectateur à s'accomoder successivement sur deux ou trois distances.

François se plaignait de ne pas avoir de bons fromages. Au retour, je lui fais connaître le Seijo Ishii de la gare de Shinjuku. Ses yeux brillent comme ceux des enfants dans la caverne d'Ali Baba. Ça sert, les bonnes adresses...


Mardi 10 août 2004. De Thérèse philosophe à David sportif.

Dans le shinkansen ce matin, Thérèse enchante mes oreilles pendant que je traverse les rizières, les villes, les zones industrielles. C'est la Thérèse philosophe attribuée à Boyer d'Argens (1748), en feuilleton radiophonique, enregistré il y a quelques jours quand il est repassé sur France Culture. Quelle finesse ! Quelle intelligence ! Pourquoi ne sont-ce pas ces idées-là qui ont été démocratisées depuis deux cents ans ?
Les expériences de Thérèse et celles qu'elle se souvient avoir entendues de Madame T., une amie de bon conseil, ou de la Bois-Laurier, une ancienne courtisane, font un catalogue d'une permanente actualité, hélas, sur le traitement social des femmes — et je dis bien social, et non sexuel, car isoler le sexuel du social est le meilleur moyen de ne jamais traiter le problème des relations entre les sexes.
Dans un catalogue, il y a du mélange. Et chaque lecteur y voit son pire et son meilleur, le tragique et l'ironique, l'amusement, l'humiliation ou la vengeance. J'aime surtout comment la Bois-Laurier se joue d'un antiphysique...

"Camouflet donné par la Bois-Laurier à un de ces amateurs
« J’étais avertie qu’il devait venir me voir, et quoique je sois naturellement une terriblement péteuse, j’eus encore la précaution de me farcir l’estomac d’une forte quantité de navets, afin d’être mieux en état de le recevoir suivant mon projet. C’était un animal que je ne souffrais que par complaisance pour ma mère. Chaque fois qu’il venait au logis, il s’occupait pendant deux heures à examiner mes fesses, à les ouvrir, à les refermer, à porter le doigt au trou où il eût volontiers tenté de mettre autre chose si je ne m’étais pas expliquée nettement sur l’article. En un mot, je le détestais. Il arrive à neuf heures du soir. Il me fait coucher à plat ventre sur le bord d’un lit, puis, après avoir exactement levé mes jupes et ma chemise, il va, selon sa louable coutume, s’armer d’une bougie dans le dessein de venir examiner l’objet de son culte. C’est où je l’attendais. Il met un genou en terre et, approchant la lumière et son nez, je lui lâche à brûle-pourpoint un vent moelleux que je retenais avec peine depuis deux heures. Le prisonnier, en s’échappant, fit un bruit enragé et éteignit la bougie. Le curieux se jette en arrière en faisant, sans doute, une grimace de tous les diables. La bougie, tombée de ses mains, est rallumée. Je profite du désordre et me sauve en éclatant de rire [...]"


Mais j'aime surtout le contrat que passe finalement le comte avec Thérèse, car il repose sur l'honnêteté et la confiance, bases selon moi des saines relations — aujourd'hui bien malmenées...

"Définition du plaisir et du bonheur ; ils dépendent l’un et l’autre de la conformation des sensations
« C’est une folie, ajoutâtes-vous, de croire qu’on est maître de se rendre heureux par sa façon de penser. Il est démontré qu’on ne pense pas comme on veut. Pour faire son bonheur, chacun doit saisir le genre de plaisir qui lui est propre, qui convient aux passions dont il est affecté, en combinant ce qui résultera de bien ou de mal de la jouissance de ce plaisir, et en observant que ce bien et ce mal soient considérés non seulement eu égard à soi-même, mais encore eu égard à l’intérêt public.

L’homme, pour vivre heureux, doit être attentif à contribuer au bonheur des autres. Il doit être honnête homme
« Il est constant que, comme l’homme, par la multiplicité de ses besoins, ne peut être heureux sans le secours d’une infinité d’autres personnes, chacun doit être attentif à ne rien faire qui blesse la félicité de son voisin. Celui qui s’écarte de ce système fuit le bonheur qu’il cherche. D’où on peut conclure avec certitude que le premier principe que chacun doit suivre pour vivre heureux dans ce monde est d’être honnête homme et d’observer les lois humaines, qui sont comme les liens des besoins mutuels de la société. Il est évident, dis-je, que ceux ou celles qui s’éloignent de ce principe ne peuvent être heureux : ils sont persécutés par la rigueur des lois, par la haine et par le mépris de leurs concitoyens. « Réfléchissez donc, Mademoiselle, continuâtes-vous, à tout ce que je viens d’avoir l’honneur de vous dire. Consultez, voyez si vous pouvez être heureuse en me rendant heureux. Je vous quitte. Demain je viendrai recevoir votre réponse. » Votre discours m’avait ébranlée. Je sentis un plaisir inexprimable à imaginer que je pouvais contribuer à ceux d’un homme qui pensait comme vous. J’aperçus en même temps le labyrinthe dont j’étais menacée et sur lequel votre générosité devait me rassurer. Je vous aimais. Mais que les préjugés sont puissants et difficiles à détruire ! L’état de fille entretenue, auquel j’avais toujours vu attacher une certaine honte, me faisait peur. Je craignais aussi de mettre un enfant au monde : ma mère, Madame C***, avaient failli périr dans l’accouchement. D’ailleurs, l’habitude où j’étais de me procurer par moi-même un genre de volupté que l’on m’avait dit être égal à celui que nous recevons dans les embrassements d’un homme amortissait le feu de mon tempérament, et je ne désirais jamais rien à cet égard parce que le soulagement suivait immédiatement les désirs. Il n’y avait donc que la perspective d’une misère prochaine, ou l’envie de me rendre heureuse en faisant votre bonheur, qui pussent me déterminer. Le premier motif ne fit qu’effleurer, le second me décida."


On comprendra que la bonne humeur m'habite. En attendant l'heure de retrouver David pour déjeuner et faire des courses à Ôsu, je parcours tous les étages du grand magasin d'électronique et d'électro-ménager ouvert cet hiver à la sortie Est de la gare de Nagoya. Pas moyen de trouver un GPS manuel ! Par contre, il y a au sous-sol un... rayon de vins et alcools. J'y prends du Ricard ; ça faisait longtemps que je n'en avais plus...
À Ôsu avec David, dans les boutiques de la galerie Nord, on trouve tout de suite un vendeur de radio à ondes courtes qui a aussi cinq ou six modèles de GPS manuels, tous des Garmin, du basique modèle Geko (environ 30.000 yens) au Map76 (environ 80.000 yens, auquel il faut adjoindre un CD-Rom de cartographie d'une partie du monde...), en passant par les eTrex Legend et Vista qui me paraissent offrir les meilleurs rapports qualité-prix. On ramasse des infos...
Puis on déjeune au Deny's du coin, sans commentaire. Et surtout !... surtout !... on va acheter des chaussures de sport pour David ! Après trois boutiques, on tombe sur une promo d'Adidas dans les 4000 yens. Une fin de série. J'en prends aussi (c'est des Quest Trail...). La douceur et la souplesse d'un chausson, le matériau aéré bien pratique pour pays chaud, la semelle intérieure qui épouse l'arche interne et la semelle du talon qui aide au rebond... Les Nike à 20.000 ne présentent pas de telles qualités !
Tout ça pour se retrouver à la fac à cinq heures avec nos habituels pongistes et... David ! Mais point de moquerie : débutant total dont on pensait avoir à souffrir les lobs et les poussettes, il montre rapidement d'étonnantes dispositions. Tenue de raquette, position du corps, déplacement entre revers et coup droit, frappe des balles de plus en plus horizontale, velléités de smasher. Je dois avouer que je n'ai jamais vu une telle vitesse d'adaptation. Et comme on est surtout là pour s'amuser, ça le fait bien !
J'attends la photo, David, pour la mettre à côté du paragraphe !
[Ajout du 12 : elle est arrivée, comme on peut le voir...]


La réponse du sportif à la bergère.
"Pour faire son régime, chacun doit saisir le genre de plaisir qui lui est propre (rien, en tout cas qui ne nécessite de mouvements brusques et soutenus du corps), qui convient aux passions dont il est affecté (le bien-être sans souffrance), en combinant ce qui résultera de bien (chocolats et sucreries variés) ou de mal (légère surcharge pondérale à propension perpendiculaire abdominale) de la jouissance de ce plaisir, et en observant que ce bien (la prospérité de la supérette de la fac) et ce mal (dégradation physique précoce) soient considérés non seulement eu égard à soi-même, mais encore eu égard à l’intérêt public (le déficit de la Sécu).
Quoiqu'il en soit, - je n'en reviens d'ailleurs toujours pas moi-même - je me suis éclaté ! J'ai réellement adoré ça ! Le ping et le pong ! J'en ai parlé avec K. toute la soirée et au réveil encore en ressentant les courbatures de la veilles ! Les roses que me lancent Berlol sont bien aimables et je les prends comme des compliments et surtout un encouragement à persévérer. Il doit être sincère... "l'honnêteté et la confiance, bases selon moi des saines relations" dit-il. Ce contrat-là, je le signe volontiers.
Alors à quand la belle ?
2004-08-11 02:43:05 de dabichan

Salut Dabichan,
Je vois que tu comprends bien le pourquoi des collages...
Et pour le déjeuner, qu'est-ce qu'on fait ?
2004-08-11 02:51:25 de Berlol

Un petit mot à l'intention de David, de la part d'OAM :
et dire que j'ai raté tes premiers pas de pongeur !...
J'en suis tout triste.
Allez, gambatte, ne ?!
2004-08-11 02:52:11

Des photos, des photos !
2004-08-12 01:34:05 de Le Potager

Aaaah ! Enfin, une photo !
2004-08-13 02:13:24 de Le Potager

En réponse à ce Cher Potager (dont j'attends de suivre les péripéties hokkaïdiennes sur... Le Potager justement et en couleurs), je voudrais dire que je suis fort marri par le parisianisme (même si dans nos contrées il siérait de parler de kyotosianisme) dont il a fait preuve dans ses propos sur le "boom coréanophile" qui saisit le Japon. (v. le Potager du ? c'est tout récent).
Je profite donc de tomber sur le Potager en visite chez Berlol pour lui faire remarquer que dans toute cette histoire, l'essentiel ne réside sûrement pas dans la valeur esthétique, artistique, cinématographique etc... des feuilletons avec ou sans acteurs mollassons ni des stars de la variété coréenne. Chacun y trouve ce qu'il a envie et besoin d'y trouver et c'est très bien comme ça. Encore heureux que tout n'ait pas à être jugé selon des critères d'excellence intellectuelle et de bon goût. On n'aurait pas fini de commencer ! Non, le point le plus intéressant dans toute cette affaire, me semble-t-il, tient au changement de perception que les Japonais ont de la Corée et des Coréens si longtemps honnis (colonisés, humiliés, linguistiquement nipponisés puis plus tard (simplement!) méprisés). Ce phénomène cache peut-être un début de prise de conscience collective des générations japonaises d'après-guerre maintenues dans l'ignorance la plus absolue, la plus absurde, des "hauts!" faits d'armes de leur pays, entre disons 1937 et 1945. En effet, depuis 15 ans le Japon se débât dans un marasme économique et social dont il ne peut se dépêtrer, alors que la Corée a brillamment réussi sa transition démocratique (démocratisation dès 1987, puis alternance politique avec l'élection en décembre 1997 de Kim Dae-jun l'opposant de toujours à la dictature militaire de Rhee et de Park) et a courageusement et vigoureusement surmonté la crise financière qui l'avait placée au bord de la banqueroute. Le Japon lui se traîne avec la même équipe de bras cassés de néo-(vieux)-cons du PLD , des banques en faillites, une industrie nucléaire plus que doûteuse et une société qui se délite etc... etc... Bref, la Corée du sud offre presque un contre-modèle au Japon de 2004. C'est ça qu'il faut souligner. Les feuilletons coréens et leurs jeunes premiers gominés ne datent pas d'hier. Les Coréens en sont friants : ils en produisaient déjà dans les années 70 et 80. Mais, personne au Japon n'aurait voulu en entendre parler, car l'image qu'ils avaient des Coréens ne leur inspirait rien de bon. Les choses changent aujourd'hui, et c'est tant mieux !
Un dernier conseil, Le Potager, tu devrais essayer de suivre quelques cours de coréen. Cette langue est au Japonais, ce que l'italien est au français. Trois mois d'apprentissage et on y est ! Et ne viens pas me dire que c'est succombé à l'effet de mode...
2004-08-13 03:36:05 de dabichan

Cher Dabichan, il faut SAVOIR LIRE entre les lignes. Je trouve certes cette série a l'eau de rose peu intéressante (ok, tous les goûts sont dans la nature), mais je fais part dans ma petite note du point positif qu'est le rapprochement progresssif entre les deux pays depuis quelques années. Alors, pas de propos trop acerbes Niçois.
NB:Je suis déjà bien occupé avec le chinois, le coréen sera pour après.
2004-08-13 15:00:31 de Le Potager


Mercredi 11 août 2004. Des débuts et des fins nous entourent, on continue.

Combien de fois ai-je déjà écrit la date dans ce journal ?
Que vaut ce geste chaque jour repris ?
Discipline plutôt qu'habitude :
Plume qui libère et qui ne pèse pas.
J'itère, je rature, j'itère, je rature, j'itère, je rature...

Suis allé seul déjeuner chez Downey. Avec mon Larbaud en main. Barnabooth est près de se marier, la fin approche. J'en suis presque triste. Avec ces travaux de plus en plus lourds et bruyants autour de nos bureaux, je suis sorti vite et en ai oublié mon porte-monnaie. Maintenant que j'ai bien mangé, je suis coincé, pas un yen en poche ! J'ai quand même mon téléphone portable, j'essaie d'appeler David, qui habite à cinq minutes d'ici. Pas de réponse, il est occupé ailleurs. Bon ! Courage à deux mains, vais à la caisse et baragouine... La caissière finit par comprendre et propose de noter simplement mon nom sur la note en attendant que je fasse l'aller-retour pour payer. Ce que je fais sans retard ; pendant le trajet, je me dis qu'elle n'a pas eu ne serait-ce qu'une moue de gêne ou un rictus de crainte. On est déjà venu plusieurs fois, certes, et je dois certainement habiter ou travailler dans le quartier. Peut-être même sait-elle à quelle fac nous sommes. Mais tout de même !
Honnêteté et confiance... On en parlait justement hier !

De retour au bureau, naissance de l'ILF2005. C'est le nom de code du colloque qui aura lieu dans un an à Cerisy : l'internet littéraire francophone. Beaucoup de choses ont déjà été préparées et décidées, mais il faut maintenant passer à la phase d'organisation concrète. Le texte d'argumentation sera daté d'aujourd'hui. Début du compte à rebours.

Au centre de sport. Ça y est, j'ai le vélo triste ! Barnabooth a posé sa plume et vogue à l'heure qu'il est vers l'Amérique du Sud avec son épouse...

"Vieux monde, oublie-moi comme je t'oublie déjà. [...] Oublie-moi, traîne mon nom et mon souvenir dans ta boue. Voilà tes sous, ramasse-les ; veux-tu ma défroque, veux-tu mon honneur ? Je me dépouille comme pour mourir, je m'en vais, content et nu..."
(V. Larbaud, A. O. Barnabooth, son journal intime, p. 229-230)

Retour au bureau pour préparer mon retour à Tokyo, quelques documents, quelques livres, les derniers courriers et stocker les émissions de radio enregistrées ces derniers jours. Enfin le soir, quand les marteaux-piqueurs étaient allés se coucher, un collègue est venu me voir. Stendhalien japonais, il venait d'apprendre le décès de Victor Del Litto, son professeur, maître, collègue et ami. Il devait envoyer un télégramme de condoléances et voulait en vérifier la teneur, qu'il souhaitait humble plutôt qu'académique.

"Le professeur Victor Del Litto, ancien doyen de la Faculté des Lettres de l'Université de Grenoble, considéré comme premier spécialiste de Stendhal, est mort lundi à Grenoble à l'âge de 93 ans, a-t-on appris mardi par ses proches." (dépêche AFP / Le Monde)


Jeudi 12 août. Demain, je mate les Grecs.

À marquer d'une pierre blanche, rouge et verte : j'ai décidé de rendre publique l'une de mes recettes les plus intimes, touchant à mon fruit préféré, la tomate, que mes lointains ancêtres ont ramenée du Mexique. La décision a été prise alors que je contemplais la préparation achevée, ponctuée d'un mottainai,  もったいない — qui signifie : comme c'est dommage que les autres ne puissent pas manger quelque chose d'aussi bon, un vrai gachis, je suis sûr que ça aiderait des tas de gens à vivre... (si, si, ça veut dire tout ça, en contexte, mottainai, et même plus, vu que ça veut dire aussi qu'il n'y a qu'un rustre pour manger un truc qui est aussi beau pour l'oeil).
Bref. Il faut, par personne, une tomatl de taille moyenne, une branche de persil coupé gros aux ciseaux et une demie-boule de fraîche mozzarelle. L'assaisonnement est d'huile d'olive, première pression à froid, une bonne cuillère à soupe ; de vinaigre de vin rouge, une cuillère à café ; sel et poivre au moulin.
À manger impérativement dans le quart d'heure, sinon la tomate, par l'oeuvre du sel, perd son eau, dites alors "t'mate", et comme le vinaigre ne chôme pas, elle change de goût. On la dit cuite. Cuite-cuite, envolée la belle tomatl !
Dans mon quartier, il n'y a de bonnes tomates, régulièrement, qu'à Hanamasa, grossiste de viande sur Sotobori, entre Iidabashi et Ichigaya. On y trouve aussi de grands sachets d'un persil bien frais. Il y a d'ailleurs de sublimes mangues, mais là, je m'écarte de mon sujet — le moyen de ne pas s'en écarter quand, au mot mangue, les papilles turbinent ? Manque de mangue et manque de tomate ; deux tuiles que je ne souhaite à personne !
Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos bufflonnes, car la meilleure mozzarelle est la mozzarella di bufala. La bufflonne est une jeune bufflesse qui, comme sa lointaine cousine la vache, mâche de l'herbe verte et sécrète du lait blanc. Incompréhensible, sauf à voir ce qui se passe dedans... Selon mon dictionnaire préféré, ses ancêtres sont arrivés en Italie au VIe siècle et son nom dérive de celui de l'antilope — il leur aurait fallu des lunettes, à ces Lombards ! Évidemment, on trouve surtout de la mozzarelle au lait de vache. Avec ça, on n'est pas loin du Babibel... Un pis-aller pour les maigres bourses ! C'est sain quand même.
Surtout, ne pas mettre de moutarde comme on le dit ici, son goût mou tarde en bouche et aigrit la mozarelle. C'est fou, ce qu'il y a comme benêts sur le web.
Cette salade est bonne pour la santé des sportifs. À la veille des J. O., voilà un sujet d'actualité ! Ne pas trop abuser, parce que demain c'est vendredi 13. Je plains les Grecs.

Pour le titre ? Oui, j'ai contrepété, mais faut pas croire que je vais le faire !...


Vendredi 13 août 2004. Pétards mouillés.

Ne pas s'enfermer dans le sérieux.
Ne pas s'enfermer dans le ludique.
Ne pas s'enfermer dans l'intime.
Ne pas s'enfermer dans le journalistique, le politique, l'ethnologique, le philosophique.
Ne pas s'enfermer dans la facétie.
Ne pas s'enfermer dans le ridicule.

Une tomate moyenne fait dans les 200 grammes.

L'un des premiers commentaires au départ de Zidane de l'équipe de France fut celui du ministre de l'économie, Nicolas Sarkozy. En voilà un qui ne s'enferme ni dans ses attributions ni dans sa retraite estivale. Quelle vulgarité !

Je voulais poster un commentaire au blog de Lysp du 11 sur les reproches et la méchanceté (gratuite ?) de certains commentaires, mais un système d'inscription foireux m'en empêche. Le voici :
"Bon, faut pas trop s'en étonner, la méchanceté et la contradiction font partie de la nature humaine. L'impunité que permettent les relations virtuelles et l'usage des pseudos ne fait qu'amplifier le phénomène (personne n'ira leur mettre un pain dans la g...). En plus, si on n'avait pas le web, on aurait un champ relationnel bien plus étroit. C'est cette ouverture, je crois, qui est la chose la plus difficile à gérer : on ne peut pas imaginer ce que sont, ce que pensent des gens d'autres catégories sociales, professionnelles, d'autres pays, d'autres âges et qui, sans ce réseau, n'auraient jamais eu l'occasion (la chance, le malheur ?) de nous lire... Mais faut continuer ! Depuis dix ans, on est dans l'invention totale de nouveaux modes relationnels. Ça ne se fait pas sans un peu de casse !"

Quelqu'un aurait-il un exemplaire du Traité de coprologie matrologique dont parle Claude Louis-Combet dans Augias (Corti, 1993, p. 26) ?

Au moins 20 ans que je n'avais pas acheté un numéro de Science & Vie. J'ai pris celui d'août 2004, à la librairie Kinokuniya de Shinjuku, parce qu'il y a un gros dossier "Sexe", avec cette magnifique question : "Pourquoi deux sexes ?"
En effet, pourquoi pas trois, dix, cinquante... Les croisements auraient des effets qui restent à imaginer. Bon sujet pour un romancier...


Samedi 14 août 2004. Bonjour tristesse (3)

Enfin, j'ai réussi à mettre la main hier sur un exemplaire de Bonjour Tristesse, le premier Sagan dont on ne fête pas le cinquantenaire puisque je n'en ai pas entendu un mot nulle part, sauf dans mon journal, le 1er et le 11 juin. Et aux Célébrations nationales, mais ce document n'y était pas en juin ! Et très franchement, il faut vraiment s'appeler Bernard Franck pour écrire un texte aussi merdique, je pèse mon mot, et être publié sur "culture.gouv" ! (Je le mets en note, parce qu'ils pourraient bien l'effacer tellement c'est nul...).
J'avais dû lire ça vers 1975, le livre avait alors 20 ans et il traînait un peu partout, maltraité, tordu, sali. On s'en foutait. Dans les années 90, on a vu que ça compilait, que ça ressortait, avec une légère patine, et une stupéfiante notoriété de l'auteur. Maintenant, c'est presque du classique.
En fait, dès 54, c'était du classique en barre, comparé à l'encore conventionnel Sacre du printemps de Claude Simon, au déjà plus étrange Passage de Milan de Michel Butor, au bizarre Martereau de Nathalie Sarraute qui n'avait eu aucun succès, au plus inquiétant Voyeur de Robbe-Grillet qui était en fin de rédaction (sorti en 1955 et non en 1959, comme l'écrit B. Franck), et on pourrait en citer un paquet d'autres à côté de qui le style de Bonjour tristesse c'est : bonjour l'ennui ! En fait tout se trouvait dit finement dans le Bordas cité le 11 juin (c'est moi qui souligne) :

"[son succès] venait aussi du recours à une tradition solidement établie du roman masculin, rehaussée chez elle par un bagoût gouailleur et une audace tranquille." (in La Littérature en France depuis 1945, Bordas, p. 308)

Alors que Kanters s'empêtrait dans un truc sexiste que personne n'accepterait aujourd'hui pour dire qu'elle écrivait comme un homme, c'est-à-dire comme on avait l'habitude que les hommes écrivent, d'où encore tradition :

"[...] ce ne sont pas les qualités un peu molles de coeur et de sensibilité que la tradition accorde aux romancières qui font le charme et le prix de ce livre, mais les qualités dures de l'intelligence et de l'impitoyable lucidité. En poussant un peu, on pourrait dire que la littérature féminine devient intelligente, et même plus intelligente ou intelligente d'une manière plus complète que la littérature des hommes." (Robert Kanters, L'Air des lettres, p. 472)

Le premier paragraphe du roman évite de dévoiler l'identité sexuelle du narrateur, bien affirmée au second :

"Sur ce sentiment inconnu dont l'ennui, la douceur m'obsèdent, j'hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse. C'est un sentiment si complet, si égoïste que j'en ai presque honte alors que la tristesse m'a toujours paru honorable. Je ne la connaissais pas, elle, mais l'ennui, le regret, plus rarement le remords. Aujourd'hui, quelque chose se replie sur moi comme une soie, énervante et douce, et me sépare des autres.
Cet été-là, j'avais dix-sept ans et j'étais parfaitement heureuse. [...]"
(Françoise Sagan, Bonjour Tristesse, 1954)

Comme on le voit, le narrateur du premier paragraphe se situe dans un temps (très ?) postérieur à l'histoire qui commence au second ("cet été-là"). Il surplombe et juge son temps de vie ("m'a toujours paru") dans un "aujourd'hui" qui n'est pas situé et qui intrigue, grâce au "quelque chose se replie", un malaise dont la narratrice doit bien connaître la cause, alors que pour le lecteur, ce n'est qu'un incide de malaise, donc du suspens. Cependant, "sur moi comme une soie" pourrait être une sorte de signature féminine cryptée (un soi, une soie), même si involontaire.
Après ce premier contact ambigu avec l'instance de narration, le second paragraphe nous plonge dans le passé lointain, à l'imparfait.
Ce qui motive la critique de Kanters, c'est qu'au lieu de dire qu'on s'ennuie ou qu'on est triste, et de raconter en long et en large pourquoi, Sagan jongle d'emblée avec les concepts qui distinguent les sentiments et montre les pincettes qu'elle prend avec le langage. Ça, ça ne devait pas paraître féminin...
Or, l'éditorial de Science & Vie acheté hier rappelle intelligemment que le numéro d'avril 1955 de Science & Vie titrait "La femme, cette inconnue" et citait un certain Otto Weininger qui écrivait en 1903 (dans Sexe et caractère) : "L'esprit de la femme n'est ni profond, ni élevé, ni aigu, ni droit. Il est plutôt le contraire de tout cela. Pour autant que nous puissions en juger, jusqu'à présent, il n'est aucunement sensé ; il est un non sens total." (Cf. l'ouvrage de Jacques Le Rider dont le titre est "Le cas Otto Weininger, racines de l'antiféminisme et de l'antisémitisme", PUF, 1982 ; dans Sexe et caractère, Weininger voulait même nier que la femme fût un être humain !).

Une fois compris ce dispositif narratif qui permet à la narratrice de nous restituer ses sentiments et pensées de jeune fille tout en y ajoutant les commentaires et jugements de celle qui sait comment ça finit et que ça a visiblement mûri, le livre coule tout seul.

Et moi, je vais me couler dans les draps, sans aucune tristesse, auprès de T. qui dort déjà, je crois.
La suite de la saga Sagan, très bientôt...


Note : copie d'un texte nullissime de Bernard Franck sur le site des Célébrations nationales du ministère de la culture :

"Célébrations nationales 2004
Littérature et sciences humaines


Françoise Sagan, Bonjour tristesse
mars 1954


C’est Gérard Mourgue, qui était à l’époque libraire rue de Courcelles, qui m’a fait lire Bonjour tristesse de Françoise Sagan. Je n’habitais pas loin de sa librairie, chez mes parents, au 86, avenue de Wagram. Je devais d’ailleurs découvrir, peu de temps après, que Françoise, qui habitait elle aussi chez ses parents, n’habitait pas loin de chez moi, boulevard Malesherbes. Donc, c’eût été bien le diable si nous ne nous étions pas rencontrés. Gérard Mourgue m’avait parlé de ce livre avec beaucoup d’enthousiasme. Il me l’avait même fait déposer. Aussitôt reçu, aussitôt lu. Et pourtant, ce livre n’était pas de chez Gallimard et son auteur était une très jeune fille. À mon sens, deux mauvais points. Mais c’est vrai que Bonjour Tristesse se lisait très facilement, un peu comme une série noire, une bonne série noire. Je ne pensais pas plus loin. On devient vite un personnage de Sagan. J’ai relu tout à l’heure Bonjour Tristesse en « Bouquins ». C’est très court dans cette édition. Ça fait 65 pages. J’étais presque ému. Enfin, plus que la première fois. C’est l’âge et de toutes les façons, j’ai la larme facile. Ça date de 49 ans. Presque un demi-siècle d’amitié, c’est énorme. La première fois, c’était en 1954.

Je devais être plus préoccupé de l’Indochine, de Mendès France dont c’était le seul et premier ministère, des accords de Genève que de Bonjour Tristesse. Longtemps, on a eu de la chance avec notre littérature. Elle couvrait nos reculs. Sartre et Les Temps Modernes, ce qui s’était passé sous l’occupation, Sagan, Robbe-Grillet, le nouveau roman, la perte de l’Indochine. Le début de la fin de notre empire colonial.

Oui,
Bonjour Tristesse (1954), c’était juste entre Les Gommes (1953) et Le Voyeur (1959) de Robbe-Grillet. En plein Bloc-Notes de Mauriac. Le voyeur, c’était d’ailleurs Mauriac qui, dans son Bloc-Notes, allait épingler et Sagan et Robbe-Grillet.
Je me demande si
Bonjour Tristesse, c’était avant ou pendant Mendès France. Enfin c’étaient deux signes assez forts qu’il se passait quelque chose sur le plan des mœurs et sur la scène politique. Que la IVe n’était pas éternelle. D’une certaine façon, la Nouvelle vague, c’était Mendès et surtout Sagan.

Bernard Frank
écrivain, journaliste"


Dimanche 15 août 2004. Douches froides.

Surprise à 7h30 : il pleuvait et il faisait frais. Un parfum de campagne au petit matin qui m'a fait souvenir de vacances au camping. C'est un vrai miracle pour nous, à la mi-août, quand il fait moins de 25°C !
Autre surprise vers 11h30 au ping-pong : comment j'ai facilement battu Manu en quatre manches ! Cependant, malgré un bon jeu en attaque, je crois que je dois plutôt ma victoire à sa petite forme qu'à ma grande... Il faut être deux pour que l'un gagne. Le fait que Manu ne se soit pas mis en short y fut-il pour quelque chose ?

Le 15 août est de ces jours que je déteste, que j'ai toujours détesté quand j'étais en France. Non pour moi-même car rien de son sens ne me souille, mais pour ce que je sais qu'il représente et ce que chaque année on nous en dit et nous en montre. Se vautrer ainsi dans la religiosité la plus stupide, la plus vulgaire, qui plus est dans un État laïc, me navre profondément pour mes congénères. Cette année plus encore, avec une papauté qui se complaît à exposer ce pauvre corps malade dans la cour des miracles — comme pour dire que les catholiques souffrent aussi... Surtout, je suis consterné par la couverture médiatique, ce faux documentarisme qui est un vrai prosélytisme.

Japon maintenant. Arnaud m'envoie l'adresse officielle du site de la "Société de soutien à l'article 9". Il s'agit bien sûr de l'article 9 de la Constitution, celui qui stipule que le pays "renonce à jamais à la guerre", etc. Cette société lance un appel pour s'opposer aux velléités de révision constitutionnelle visant à abroger cet article pour lancer le Japon dans la course à l'armement et à l'intervention extérieure. En accord harmonique avec cette poussée nationaliste révisionniste de fond, plusieurs ministres viennent d'aller cet après-midi en visite au sanctuaire Yasukuni. Plus précisément : sont allés honorer officiellement la mémoire des morts japonais de la Seconde Guerre mondiale. D'abord, ils étaient plusieurs à se tâter pour savoir qui irait. Finalement, ils y sont allés en bande. Pendant ce temps, le premier ministre Koizumi était de l'autre côté de l'avenue Yasukuni, au Chidorigafuchi, cimetière militaire, sans doute pour éviter que ses opposants ne s'y rassemblent...
Il faut savoir qu'honorer la mémoire des soldats peut se faire ailleurs que dans ce sanctuaire, le Yasukuni, repaire historique de l'extrême-droite. Malgré les beaux discours de ces messieurs sur la paix dans le monde, en contrepoint de la messe papale, semble-t-il, la co-incidence des actes et des lieux ne peut être neutre : le nationalisme se nourrit du patriotisme.
Je crains que cet appel de la SSA9 ne serve pas à grand-chose s'il se limite à ce seul article, s'il ne s'inscrit pas dans le cadre des 3 ReJets exposés le 7 août.

Bonnes nouvelles : T. a fini la traduction sur laquelle elle peinait, à temps partiel, depuis plusieurs semaines. Et la pongiste prodige Ai Fukuhara, 15 ans, a battu (difficilement) l'Australienne Miao Miao au terme des sept manches réglementaires. J'en ai profité pour bien apprendre les nouvelles règles.


Mens sano in corpore sano. Décidément, la lecture de Berlol est un idéal d'équilibre au petit-déjeuner.
Merci pour l'adresse de la "Société de soutien à l'article 9". Il ne semble pas qu'il y ait de bulletin d'adhésion en ligne. De toute façon, il s'agit d'un problème japonais dans lequel les étrangers doivent se contenter du rôle d'observateur critique. Dommage, néanmoins. J'aurais volontiers adhéré !
Merci aussi pour les sites pongistiques ! Leur consultation m'a été très bénéfique, même si mon niveau me permet de ne pas faire grand cas des alinéas en petits caractères ! Quand est-ce qu'on remet ça... ?
2004-08-16 03:37:22 de dabichan


Lundi 16 août 2004. Bonjour Tristesses, et bon vent !

T. avait oublié son téléphone portable au centre de sport et comme elle préparait sa valise pour repartir chez son père, c'est moi qui ait fait l'aller-retour à Shibuya pour le lui récupérer. C'était très calme, en matinée, encore assez frais. Françoise Sagan m'accompagnait, dans la petite édition Presse Pocket de Bonjour Tristesse. Pris par l'histoire, je me suis même trompé de train en revenant et ai dû changer de sens après deux stations... Ce qui m'a donné le temps de finir le roman.
À mon retour, T. était prête et nous sommes allés déjeuner à Torijaya avant son départ. Son estomac noué ne lui a laissé manger que des udons. Elle va discuter avec sa soeur de la marche à suivre pour leur père, actuellement à l'hôpital, mais dont on ne sait pas encore s'il pourra rentrer chez lui. Je vais la rejoindre demain dans un hôtel de Yokohama, le même qu'en avril, pour trois ou quatre jours qui seront aussi un peu nos vacances, cet été.
J'en parle sans vouloir faire de drame ni être impudique, mais parce que cela fait partie des moments de la vie et qu'il y a plus de malhonnêteté encore à (se) cacher cet éternel problème de la fin de vie, décliné à chaque époque par des mesures sociales, des croyances, des rites. Le père de T. a 93 ans. Il est pour l'instant maître de lui-même et peut discuter sérieusement avec ses filles du verdict que donneront demain les médecins. Mais il a déjà dit, et les filles sont d'accord, qu'il ne souhaitait pas qu'en quelque circonstance sa vie soit artificiellement prolongée, sauf espoir de rémission et de retour à la normale, ce qui est peu probable à son âge...
Où l'on retrouve l'éternelle question de la dignité humaine, quand elle n'est pas bafouée par un empire technologique qui impose d'être prolongé sans nécessité autre qu'expérimentale ou... quoi ? Il semble que l'acharnement thérapeutique existe moins au Japon, c'est tout du moins ce que j'ai compris de diverses conversations depuis une dizaine d'années. Les raisons iraient des plus philosophiques (l'impermanence acceptée des êtres) aux plus pragmatiques (les coûts des traitements), en passant par des religieuses, réglementaires, techniques que chacun peut imaginer.

Évidemment, l'Anne de Bonjour Tristesse n'a pas eu à se poser ces questions. Mais nous, lecteurs, nous demandons bien si elle s'est suicidée ou s'il ne s'agit que d'un accident. On voit par la forme "ne... que" de la phrase précédente que le suicide aurait été quelque chose de plus, une volonté de culpabiliser le père et la fille qui l'ont tant déçue.
La qualité principale du roman, outre sa brièveté qui est une forme de politesse, est la duplicité du regard porté sur les quelques faits brefs d'un huis-clos classique : tous les instants, les actes, les paroles sont commentés à la double lumière de ce que Cécile pensait au présent de l'action (Cécile personnage) et de ce qu'elle pense en écrivant son histoire durant l'hiver suivant (Cécile narratrice). Et je défie quiconque de séparer ces deux lumières, sans pour autant pouvoir éviter de les percevoir. Outre cela, et quelques phrases lapidaires d'une exceptionnelle facture, le roman est classique, presque au sens de banal.
Pas de quoi faire un tollé. La réception haute en couleur et en ridicule de 1954 (qui n'est pas sans rappeler celle de L'Inceste de Christine Angot il n'y a pas si longtemps) vient uniquement du fait que l'auteur était une femme, et qui plus est une très jeune femme. Certains voulaient nier qu'une jeune fille fût capable de distanciations multiples dans un récit, qualité intellectuelle propre aux hommes mûrs selon eux, à l'exception des monstres sacrés qu'ils avaient bien été obligés d'accepter (Sand, Colette).
L'antiféminisme ne pouvant se dire tel quel, ils décidèrent sans se concerter mais d'un commun accord... hormonal... que c'était l'oeuvre elle-même qui serait stigmatisée, comme si elle apportait un vent de révolte et des risques de troubles sociaux terribles. Alors que les situations, personnages, sentiments sont ceux du théâtre antique, comme l'a bien vu Jérôme Garcin en comparant avec Lolita Pille (l'un des seuls à avoir parlé de Bonjour Tristesse cette année dans un édito du Nouvel Obs — merci à Cédric Lavoix qui m'a indiqué cet article) :

"Si l’on veut lire cet été le livre d’une jeune fille de 18 ans en vacances sur la Côte d’Azur avec son don juan de père, il suffit de reprendre Bonjour Tristesse et sa première phrase: «Sur ce sentiment inconnu dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse.» Paru il y a exactement cinquante ans, le maigre roman de Françoise Sagan n’a pas vieilli. C’est incroyable, cette insolence qui se prolonge, cette grâce qui s’obstine, cette manière si précoce de porter sur le monde des yeux de soie. En 1954, la petite Quoirez, enfant de Laclos et de Nimier, appliquait les lois de la tragédie grecque aux jeux de plage de la Riviera. Elle scandalisait ses contemporains dans un style classique. Lolita Pille, elle, ne choque personne et sa prose de magazine people est déjà démodée."

Le don juan est tellement bien décrit que Sagan fournit à Cesbron le pitch, pour parler comme dans le cinéma, de son Don Juan en automne, roman lu vers mes treize ans et qui m'avait détourné des plaisirs faciles de la drague...

"Il arrive un âge où ils ne sont plus séduisants, ni "en forme", comme on dit. Ils ne peuvent plus boire et ils pensent encore aux femmes ; seulement ils sont obligés de les payer, d'accepter des quantités de petites compromissions pour échapper à leur solitude. Ils sont bernés, malheureux. C'est ce moment qu'ils choisissent pour devenir sentimentaux et exigeants... J'en ai vu beaucoup devenir ainsi des sortes d'épaves."
(p. 130)

Puisqu'il était question de Cesbron, je voudrais ajouter que le roman de Sagan m'a rappelé ceux d'Hervé Bazin que je lisais au même âge : même choix serré de l'intrigue et des personnages, même style rapide et léger, même focalisation sur un problème humain et social avec intention morale ou pédagogique. Je me souviens que Qui j'ose aimer m'avait beaucoup impressionné, je me souviens de la couverture mais plus du tout de l'histoire... Comment faisait-on pour s'enfiler comme ça plusieurs auteurs du même niveau ? Phénomène de collection ? recommandations ? Je ne m'en souviens plus... Et quand on essayait un Balzac ou un Hugo, ça semblait rébarbatif. Aujourd'hui, c'est bien le contraire qui se passe ! pour moi, en tout cas. Quelques mois après Bazin, je me mettais aux Boulle, Barjavel, Giono, l'horizon s'ouvrait...

Allez, une phrase digne d'un dessin de Glen Baxter, pour en finir :
"Les idées de mon père sur l'évolution des jeunes femmes rousses faisaient ma joie." (Bonjour Tristesse, p. 141)


Mardi 17 août 2004. Le point commun entre Barry Lyndon et The Big Lebowski ?

Le patriotisme des armées, et maintenant des sportifs, est un danger pour l'avenir du monde. Chaque groupe redéfinit pour lui-même ce qu'il appelle patrie, et le voilà qui lève une armée.
Dans Barry Lyndon (1975) on voyait bien, je crois, ce qu'étaient les armées avant le patriotisme. Les mercenaires faisaient leur boulot sans hystérie, et sans croire à la supériorité spirituelle de leur camp. Ils étaient même capables d'en changer sans trop d'états d'âme.
Ne serait-ce pas une des causes des catastrophes du XXe siècle ? Quand cela a-t-il commencé ? Est-ce avec la Révolution française ?

Dans le train qui me menait à Yokohama, je réécoutais une émission de France Culture consacrée à l'archive radiophonique (Entendez-vous dans nos archives ?, diffusée le 6 septembre 2003, avec Julia Kristeva et Philippe Séguin). Antoine Perraud, l'animateur, y parle d'un fonds Pétain récemment restauré à l'INA. Et inconnu du public. Comme il présente un panorama archivistique pour en discuter avec ses invités, il se refuse à faire entendre Pétain, arguant de la spécificité du cas. Il dit qu'il y faudrait une ou plusieurs émission(s) spéciale(s). J'aimerais bien que ça se fasse. Qu'au lieu de nous rediffuser tout l'été du Bachelard à haute dose (à petite, ça va, mais à haute, ça fatigue...), on produise des émissions nouvelles avec ce genre de fonds restauré et inconnu. D'autant que les 60e anniversaires des Débarquements se prêtaient à un regard large et clair sur la nouvelle ère de communication qu'avait ouverte l'équipe qui manipulait le vieux maréchal... Alors, c'en est où ?

Pour nous distraire (après l'hôpital, les grabataires, la pluie), j'ai emporté avec moi le DVD de The Big Lebowski ; ça devrait nous changer les idées.

Alors, le point commun entre Barry Lyndon et The Big Lebowski ?


Les initiales, m'sieur BerLol ?
2004-08-18 09:56:17 de dan


Mercredi 18 août 2004. Bouche bée si sûre d'elle.

Crevé, ce soir. Je ne vais pas en régider long. Caniculaire promenade dans le quartier de Minato-Mirai de Yokohama, commencée par la visite du sommet de la Landmark Tower par beau temps (depuis 11 ans qu'elle est construite, je ne l'avais jamais montée, l'ascenseur est très rapide, attention aux oreilles !).
Au passage, achat de deux polos Eddie Bauer soldés, de deux bandanas (ça y est !) pour jouer au ping-pong sans être gêné par mes cheveux, puis jusqu'à la gare de Yokohama où je trouve tout de suite le magasin Seijo Ishii, ce qui me permet d'alimenter décemment notre frigo de chambre d'hôtel...
En fin d'après-midi, trois heures à l'hôpital où le père de T. est en petite forme. Alité depuis une semaine, il commence à avoir mal au derrière...

Étonnante réponse de Dan à ma question d'hier... Moi, j'attendais qu'on me réponde dans le registre des idées. Et lui, il voit plus loin encore, avec la reprise des lettres B et L dans les titres de film et dans mon pseudo. Là, chapeau !
Comme quoi, c'est pas que des nazes qui lisent les blogs...

Bon, allez, les Japonaises disputent leur match de volley contre la Grèce. Je vais regarder ça de près !


Belle photo, avec comme un filtre bleu-gris-vert (les fenêtres ?).
C'est marrant, je peux savoir exactement quand est-ce que tu regardes la télé...
Alors, dis-nous, c'est laquelle qui te plaît tant ? ;-)
Moi, j'ai ma "petite" idée...
J'ai hate de voir les bandanas, mais j'espère ne pas prendre une branlée comme la dernière fois...
Bon courage à T. et à toi
2004-08-19 02:29:25 de Manu

Merde, je viens de me relire: trop de "hâte" et pas d'accent, saute aux yeux maintenant que c'est écrit en grand...

2004-08-19 02:33:47 de Manu


Jeudi 19 août 2004. État stationnaire.

Le petit déjeuner au grand hôtel, c'est Byzance ! Un long buffet permet de composer soi-même sa salade, son assortiment d'oeufs brouillés ou durs, jambon, saucisse, poisson grillé, son choix de petits pains. Et la variété des jus de fruits. Il y a aussi tout ce qu'il faut pour le repas à la japonaise mais comme on a pris le petit déjeuner hier matin au restaurant japonais, on a eu notre dose — et c'est moins marrant parce qu'il n'y a pas de buffet. Je me limite aux oeufs de poisson (le matin, j'adore ça).
Du fait de l'emploi du temps bousculé par les horaires de l'hôpital où T. se rend plus assidûment que moi, je suis content qu'elle ait au moins ce repas-là, consistant et varié, pris sous mes yeux.
On a encore un peu de temps et le soleil donne. On va à la piscine. Pour chaque nuit à l'hôtel, on a deux tickets par personne pour aller à la piscine de l'hôtel. À l'entrée, on présente nos tickets, pas de problème, on nous donne aussi une serviette de bain chacun. Mais les fauteuils et les parasols sont en sus, nous dit-on. Allez, soyons fous, deux transats à 1000 yens ! On ne regrette pas : en moins d'une heure, on s'est trempé deux fois dans le bassin profond de cent dix centimètres, on s'est mis de la crème solaire et on a bien transpiré. Et, pendant que coule la sueur, j'ai commencé un petit Vargas acheté récemment, Coule la Seine, trois nouvelles rééditées en poche "J'ai Lu". Toujours amusant de voir comment on reprend pied dans une écriture...

Dans l'après-midi, je vais seul faire quelques courses à la gare centrale de Yokohama pour qu'on puisse pique-niquer dans notre chambre ce soir. Comme T. revient vers 21 heures, les restaurants de ce grand hôtel sont tous fermés. Incroyable, n'est-ce pas, que les six ou sept restaurants d'un établissement de luxe, en pleine saison estivale, ferment si tôt ! On me dit qu'au Japon, c'est à peu près comme ça dans tous les grands hôtels...

Fin d'après-midi et début de soirée à continuer soigneusement la lecture du livre de Dominique Viart, Une Mémoire inquiète (PUF), déjà cité, sur La Route des Flandres de Claude Simon. Vraiment intéressant. Mais pas encore de commentaire pour le journal...
Au rapport du soir : le père de T. a passé une journée calme, état stationnaire. Nous aussi, sauf que j'ai les cuisses bien rouges.


salut les pauvres et les incultes
faites comme nous c est si bon parfois d etre riche et cultivé...
ça c est palace ..
2004-08-19 17:09:51 de marco

Au sujet de l'émission "Palace", je suis complètement inculte, j'étais déjà au Japon quand ça a commencé. Excuse-moi, Marco, mais je ne vois pas bien ce que tu veux dire.
Essaie d'être plus clair !
2004-08-21 15:49:42 de Berlol


Vendredi 20 août 2004. Les voies de la souplesse sont impénétrables.

Pour l'emploi du temps, voir hier, c'est à peu près pareil. Avec les cuisses et le torse un peu plus cuits.

"Vous aviez pourtant les yeux d'un homme à piger que la sauvegarde des bricoles fonde l'éclosion des grandes choses. Entre le dérisoire et le grandiose, il n'y a même pas l'espace d'un ongle." (Fred Vargas, La Nuit des brutes, in Coule la Seine, J'ai Lu, 2002, p. 89)

Après avoir vu perdre Ai-chan, la pongiste prodige japonaise avant-hier, je viens d'assister à la défaite des volleyeuses contre une excellente équipe coréenne. Petite ou grande, la balle se dégonfle ; le Japon a une panne de maru (rond). Ça va mieux côté judo, on dirait. Les voies de la souplesse sont impénétrables, pour le corps comme pour l'esprit.

La chambre que nous occupons est au quatorzième étage de l'hôtel, sis lui-même sur une colline assez abrupte. Les piétons accèdent à l'hôtel par l'ascenseur d'un immeuble qui se trouve au bas de la colline. Arrivé au dix-huitième étage, on prend une passerelle qui donne sur le second sous-sol de l'hôtel. C'est donc d'un beau trente-quatrième étage que nous voyons la mer... et les équipements industriels. Certaines grues portuaires ont l'air d'animaux venus boire. Seul leur plumage rouge et blanc signale leur toxicité. Elles ont sur le dos des tonnes de contrepoids. Elles attendent que des bateaux les accostent.
Dans le lointain, vague tache à l'horizon, c'est l'autre côté de la baie de Tokyo, du côté de Chiba, Kisarazu, précisément. Il faudrait une bonne demie-journée pour y aller en voiture.
T. se souvient de ce quartier d'Isogo quand ses parents s'y sont installés, avant qu'il soit industrialisé. C'était un petit bord de mer au Sud de Yokohama, la campagne.


Petit séjour à Yokohama pour Berlol et sa tendre T. (qu'il me permette de l'embrasser au passage) en des circonstances... normales de la vie. Ses pérégrinations à travers cette ville, qu'on s'imagine bien différente tant qu'on y est pas allé, me rappellent un séjour de même nature où j'attendais que K. (ma T. à moi) termine de remplir ses obligations professionnelles pour suivre le même itinéraire : Minato-Mirai, la Landmark Tower sans oublier le très fameux quartier chinois. Quant au pique-nique dans la chambre d'hôtel faute pour les restaurants de connaître l'heure espagnole, moi aussi, j'en ai organisé un !
De mon côté, de charmantes vacancettes en famille m'ont offert fraîcheur rafraîchissante, vent franc, ions (des + et des - en pagaille) et quelques beaux coups de soleil sur les hauts plateaux du Kantô : Kiyosato et Yatsugatake. Une toile complexe aux impressions de Suisse, de Hokkaïdo et de Provence ! Ou bien est-ce le fait de l'imagination débordante (devrais-je dire débridée) de mes sens se jouant de mes souvenirs de nature estivale ? Hormis le grand spectacle du ciel et de tout ce qu'on y trouve dedans, ai absolument rien fait ! Sauf la lecture passionnée d'un premier Echenoz ("Je m'en vais") prêté par Berlol himself. En en attendant un autre, pourquoi pas Sagan ? J'ai "Bonjour tristesse" dans une très vieille édition du Livre de Poche.
PS : un dernier mot pour dire que les bandes grises du nouveau décor du JLR ne me branchent pas trop ; j'aimais bien la froideur métallisée d'avant qui contrastait avec le doré des pépites qu'on trouve chaque jour dans la Berurôru-gawa !
2004-08-21 05:07:00 de dabichan

Salut David ! Et merci de tes commentaires.
Cependant, il n'y a eu aucun changement dans le design de la page. Si tu as des trucs bizarres et inhabituels, c'est peut-être à cause d'une panne passagère du serveur ou du site de blog...
A bientôt.
2004-08-21 17:20:20 de Berlol


Samedi 21 août 2004. De marge et de biais.

Après une dernière matinée dans l'univers féérique du palace en zone industrielle (buffet, piscine, cuisses cramées, etc.), je reprends le chemin de la maison, au centre de Tokyo, tandis que T. reprend celui de l'hôpital.
Le bercement rythmique du train, le nouveau regard porté sur toutes les femmes un peu fortes après avoir fini de lire Augias de Louis-Combet au bord de la piscine, les groupes qui marchent uniformément sur les quais me font souvenir du Pink Floyd Ballet de Roland Petit, vu à la télé hier soir.
T. dormait déjà et je m'étais installé au bout du lit, près de la télé, pour ne pas mettre le son trop fort. Outre le plaisir qu'il y avait à réentendre des morceaux d'anthologie, The great Gig in the Sky ou One of these days, c'est la façon inattendue, tantôt gracieuse et classique, tantôt vulgaire mais comique, dont danseurs et danseuses étaient traversés par la musique que je trouvais captivante. Parfois à la queue-leu-leu, tête baissée, ou secouant en rythme les épaules, me revenaient les images mentales que je m'étais formé, il y a deux ans, en lisant Wanderlust et les oxycèdres, de Claude Ollier, vision poignante et sobre de l'exode de la vie.

Après ça, mûr pour un changement de style ! Nouveau design d'intérieur à l'Institut franco-japonais, après deux semaines de travaux : le résultat est entre l'agence de voyage et le magasin de Ferrari. On est à fond dans le rouge ! Moi, ça me plaît, mais est-ce que les clients ne risquent pas de croire que c'est l'Institut italien ?
Je vais essayer d'en faire des photos.

Ai repris les pages du JLR des quatre derniers jours pour y ajouter des liens, corriger Lindon en Lyndon (j'avais eu un doute, et puis...). Pour Barry Lyndon comme pour The Big Lebowski, ai trouvé des liens assez intéressants ! (à relire, donc, pour ceux que ça intéresse). Et la confirmation de mon intuition sur leur principal point commun, quand presque tout les sépare : commençant tous deux par un sale coup fait au héros involontaire, ils avancent de marge et de biais, se foutent de la vie rangée comme des camps constitués et de leur morale ("ils" étant les "héros" et les films).
Faudra y revenir...


Dimanche 22 août 2004. Blog : constat d'asymétrie inertielle.

En tennis de table, défaite de Berlol contre Manu, 4 manches à 2. En toute mauvaise foi, on imputera ce revers de fortune aux nouvelles règles appliquées ce jour, comme prévu, ainsi qu'à l'inadéquation du bandana, le cheveu continuant à me venir dans l'oeil inopinément.
Par contre, l'entraînement, fort scandé des "saaa !", façon Ai-chan, nous a vu faire d'importants progrès. Qui a vu jouer Ai-chan pourra se souvenir des cris qu'elle pousse à chaque point gagné, non pas dans l'effort, irrépressible, comme cela arrive parfois au tennis, mais bien en voyant qu'elle a gagné le point, même si c'est par la faute de son adversaire. Forcément, ça énerve... Si je jouais contre elle, je commencerais par élever une protestation officielle pour qu'elle la ferme.

En volley, les Japonaises ont facilement remporté leur match contre les Kényanes. Ces dernières possédaient des smashs époustouflants, tirés sur balle montante, mais une déplorable organisation collective — ce qui est justement le point fort des Japonaises. Leur entrée en quart de finale dépend actuellement du match entre la Grèce et l'Italie (si j'ai bien compris, il faut que l'Italie gagne...). [ajouté vers 23h30 : ça y est, l'Italie a éliminé la Grèce et le Japon est qualifié] [second ajout pour Manu : ma préférée est Kana Oyama, son regard qui tue...]

En littérature, j'ai lu exactement vingt-cinq lignes de 1280 Âmes, de Jean-Bernard Pouy (Points Seuil),  avant de m'endormir dans le bain. Ça ne veut rien dire, je vais peut-être adorer après...
Il a déjà beaucoup été question, dans les études de réception, du moment de la lecture et je n'y apporterai ici qu'un infime grain de sable — celui qui coince la bécane : le kairos n'affecte que l'entame ; si l'on a pu passer les trente premières pages avec satisfaction, sur quelque plan que ce soit, le livre pourra être lu jusqu'à son terme.

En réticulogie de la blogosphère, constat d'asymétrie inertielle. Je me demande sérieusement si ces pages de journal sont ou pas des coups d'épée dans l'eau, disparaissant au fond de l'eau après avoir été tirés...
Que je proteste contre le gouvernement japonais ou contre tel plumitif médiatique hexagonal, que je m'interroge sur les coups de canon de Perry ou sur le découvreur de l'Australie, je ne récolte tout au plus qu'un commentaire perso d'un ami (que je remercie) ou d'un abruti qui ne comprend même pas ce que j'écris (je ne le remercie pas). Où sont les gens capables de répondre, au sens plein, avec de vrais arguments, profitant des possibilités du média en ayant aboli l'asymétrie scripteur-lecteur que des siècles de pratique livresque leur avaient léguée ? Et pourquoi ceux qui le peuvent, s'ils  lisent ces pages en version blog, ne le font-ils pas ? Sont-ils donc si pris ? Leur identité et leurs traces sont-elles si précieuses qu'ils en soient si avares ? Outre ici ou là un commentaire d'Olivier, de Manu, d'Alex ou de David, le monde des blogs semble être un grand champ désert traversé par des insectes qui scannent et se barrent ailleurs.
En même temps, je ne me souhaite pas les dizaines de commentaires débiles ou gentillets que je vois dans la plupart des blogs creux cliqués au hasard de pérégrinations réticulaires, insecte alors moi aussi... Car moins il y a de choses dans le "post", comme certains se plaisent à le nommer, plus cela semble attirer les "commentaires", si on peut appeler ça comme ça. Sans parler de ceux qui ne laissent de commentaire que pour attirer le lecteur chez eux, au demeurant pratique réticuloïde.
Qui sont ces populations qui écrivent et lisent des blogs ? Ici, je ne parlerai pas de communauté(s) car rien ne permet d'affirmer leur cohésion autour d'un point commun. Il s'agit plutôt de populations au sens des sociologues : tranches d'âge, niveaux de revenus, catégories socio-professionnelles, types d'études, etc. Certaines communautés se forment, avec un lien identitaire virtuel ou réel, des signes de reconnaissance affichés, etc., mais cela reste minoritaire.
À défaut d'identifier les gens, même par catégories, je distingue tout de même quatre temps de lecture individualisables, trois d'entre eux pouvant être réguliers. L'instantané : lecture dans l'heure, à partir de la page d'affichage des dernières mises à jour du serveur de blog. Le journalier lit dans les 24 heures, il a généralement le lien dans ses signets (plutôt des amis et connaissances). L'hebdo-mensuel : c'est le lecteur de long, il vient pour se farcir d'un seul coup une série de jours (à l'endroit ou à l'envers ?). L'imprévisible : par moteur de recherche, il tombe sur ce qu'il a cherché mais s'aperçoit que ce n'est pas exactement le sujet traité (comme ce le serait dans une page dédiée), c'est un propos partial, serti dans un ensemble à thématique variable, voire sans, de plus l'imprévisible arrive longtemps après la bataille — ce qui ne rend pas pour autant le texte caduc.
On pourrait faire une enquête intéressante : que celles et ceux qui viennent de lire cette catégorisation s'y situent ou la critiquent... Histoire de combattre l'asymétrie.


Ta oublié le con. Celui qui passe partout mais ne s'en rapelle jamais en loccurrence moi
2004-08-22 20:29:29 de ousta

Une âme généreuse pour m'enregistre qq matchs de cette
Ai-chan au ping-pong moi qui suis pour le moment si loin
de tout cela! Juste histoire de voir ou je dois m'améliorer.
Et on continuera vos leçons par la suite!

Ce blog ou le blog vaut peut-être tous les livres du monde
car il se construit tout comme nous sans interruptions.
Un peu à l'image d'un photographe qui se baladerait chaque
jour avec son appareil et qui immortaliserait un instant
de sa vie quotidienne chaque jour également.
Je devrais peut-être faire ça...

Ciao de Panames!
2004-08-23 00:45:06 de Bikun

Lecture journalière en ce qui me concerne, sauf pendant les voyages (encore que la dernière fois, tu étais en même temps à Kyoto d'où tu ne mettais ton blog à jour que partiellement et ce n'est qu'à nos retours que tu as fini d'écrire tes pages: bonne synchro !).
Tu devrais mettre une enquête en ligne, du genre de celles qu'on voit sur nombre de sites.
Par curiosité, as-tu des stats de consultation de ton blog ? Cela te permettrait de faire le ratio commentaire/visite...
2004-08-23 02:37:04 de Manu

> Manu : Ben non, pas de stats, pour cause de version blog gratuite. Paraît que ceux qui paient ont des stats. Mais je m'en suis déjà causé il y a quelques mois en concluant que qui dit stats dit lèche (en résumé), donc j'évite...
> Bikun : Trop tard pour enregistrer Ai-chan, elle a été éliminée ! Mais on te montrera... "vaut peut-être tous les livres du monde", là t'es trop sympa (merci !) mais ça va nous attirer la haine des éditeurs. Déjà que les journalistes ne nous aiment pas trop... Pour le blog de photographe, vas-y, on attend ! Même si tu ne mets pas de texte, ou très peu, une bonne photo, avec ou sans contexte, ça peut être très bien !
> ousta : Merci de relativiser mon propos, c'est vrai que je me la joue un peu. Mais... sais-tu que la mémoire s'achète en barrettes ?
2004-08-23 03:03:04 de Berlol

La classification tentée me paraît efficace, puisque je m'y suis retrouvé ! Pour ma part, je suis définitivement à ranger dans la catégorie des "journaliers" (si tu les appelais "quotidiens", tu te rendrais encore plus aimable auprès des journalistes antiblogeurs dont tu nous parles... Au fait, qu'ont-ils contre les blogs ?). Je lis donc dans les 24 heures et j'ai bien le lien dans mes signets. Il m'arrive même de lire en fin de soirée un jour et le lendemain matin le jour suivant avec moins de 6 ou 7 heures d'écart ! J'ai constaté, fréquentant Berlol, presque quotidiennement, que la lecture de son blog apportait une dimension supplémentaire à nos conversations, une sorte de complicité voire d'intimité (les autres, ceux qui n'ont pas lu, ne sont pas en mesure d'aller en coulisse). Et puis, ça se lit si bien... Un jour fini, j'ai hâte de lire le suivant ! Quel(s) en sera(ont) le(s) thème(s) ? Quelle(s) réflexion(s) y trouverai-je ? Quelle tranche de vie y découvrirai-je ? C'est peut-être cette alternance qui fait que la mayonnaise a pris. Quoiqu'il en soit, la lecture de Berlol est devenue une habitude (un besoin ? - à voir) au même titre que la lecture du journal.
En conclusion, il serait dommage que le Berlol s'arrête sur des considérations téléologiques !
Pourquoi continuer ? Pour les lecteurs.
2004-08-23 05:40:20 de dabichan

Au fait, en tant que lecteur journalier, j’ai aussi un signet, comme il se doit !
Je suis d’ailleurs entièrement d'accord avec Dabichan.
Cela change la relation lorsque, après avoir lu son blog, on rencontre Berlol physiquement.
Certaines choses sont déjà dites, plus besoin de s'attarder dessus. Ce qui laisse plus de temps pour discuter de celles qui, au contraire, éveillent la curiosité ou suscitent le débat.
On y apprend aussi des choses ignorées et surprenantes sur Berlol lui-même (son passé notamment).
La lecture du JLR, c'est effectivement un des bons moments de la journée.
La variété des sujets abordés écarte tout risque de monotonie.
La régularité des mises à jour (quelle astreinte ! Bravo !) en fait un rendez-vous immanquable. Je pense que les lecteurs (surtout les journaliers) finiraient par oublier de visiter le site s’ils n’étaient pas sûrs d’y trouver un nouveau contenu chaque jour comme «convenu».
La qualité et le ton de l’écriture jouent évidemment également un rôle important dans l’envie de revenir lire.

J'aimerais en faire autant, mais je n'en ai ni le talent, ni le temps (ou plutôt, pas suffisamment de volonté pour le sacrifier à ceci plutôt qu'à autre chose, peut-être justement, parce que par manque de talent, le résultat ne serait pas à la hauteur).
2004-08-23 08:14:04 de Manu

Je reviens à tout hasard chez Berlol, en espérant y lire une remarque à mes propos d'il y a quelques heures seulement. Et j'y trouve un nouveau commentaire de Manu qui, lui aussi, a visiblement éprouvé le même besoin de revenir y voir de plus près. Toutefois, en dépit de nos preuves d'amitié et d'intérêt à l'adresse de Berlol, je crains, qu'à la lecture de nos messages, celui-ci ne reste sur sa faim : "mes amis, vous mettez à côté de la plaque ; mon interrogation porte sur ces gens capables de répondre, au sens plein, avec de vrais arguments, profitant des possibilités du média" l'entends-je nous dire... Personne qu'il ne trouve pas sur les blogs. Berlol, me trompé-je ? Ton problème n'est pas tant ton lectorat que la poursuite du débat que tu contribues chaque jour à nourrir, n'est-ce pas ?
2004-08-23 09:36:48 de dabichan
Que vous dire... Merci ! (pour la présence et pour les fleurs !)
La prochaine fois qu'on se voit, regardez mes chevilles, vous verrez un peu l'enflement (ou est-ce qu'on doit dire l'enflure ?)
Quelle enflure j'ai ! Quelle enflure je suis !
De fait, je vous sais fidèles puisque je vous nommais déjà. On ne fait (hélas mais heureusement, tout de même) que valider notre hypothèse de départ.
Allez, A+
2004-08-23 10:22:50 de Berlol

Mais non, il y a d'autres personnes qui regardent ce blog . Ce qui m'intéresse principalement ce sont les lectures de Berlol donc je scrute attentivement .
Je ne réponds pas vraiment à la question posée mais juste envie de signaler que ce n'est pas un champ désert .
J'ai en effet l'adresse dans mes signets (grâce à zazieweb). Une autre hypothèse :celle qui regarde mais ne peut pas intervenir partout (sourire).
2004-08-24 23:08:18 de kyoko

Je lis aussi très souvent le journal réticulaire sur l'autre site, là où les commentaires n'ont pas de place. Un signet dans les favoris. J'y trouve des perles parfois; la dernière en date "Thérèse philosophe" ... Thank you!
Mais je suis un peu étonné de votre réflexion sur les cons de lecteurs de blogs et leurs commentaires cons; parce qu'il y a aussi des cons qui tiennent des blogs! Faudrait-il faire semblant de ne pas les voir, d'autant que ce sont souvent les plus visibles! Bonne continuation (en 1 seul mot).
2004-08-26 10:34:20 de Sha- Jea

Merci pour votre réponse (personnelle ....). Il semble définitivement qu'il vaille mieux faire partie de la "famille" du blogueur pour se permettre un commentaire; ce sera donc mon dernier.
Je ferais un dernier commentaire peut-être "con" (j'aime bien ce mot). BON n'est pas bon.
Bonne bontinuation.
2004-08-29 13:41:16 de Sha- Jea

Cher Sha-Jea,
Votre nouveau commentaire me déroute ! j'étais très content de votre premier et je vous l'avais dit en courriel perso, ce qui me paraît plus agréable. De fait, il m'arrive assez souvent de répondre perso à des commentaires pour des sujets qui s'écartent du sujet du blog. En l'occurrence, votre commentaire m'amenait à comprendre que mon embryon de typologie devait être élargi... Mais jusqu'où ? Ce genre de réflexion, vous l'avez peut-être remarqué dans mon JLR, revient de temps en temps comme un serpent de mer, au gré de la maturation presque involontaire de mes idées, plutôt que par concentration...
A l'inverse, vous avez perçu le courriel comme une forme de ségrégation... Ce qui n'était pas mon intention. Ce qui veut dire aussi que vous préférez que ma réponse soit publique. Donc cette fois la voici en commentaire.
Quant à votre avis sur François Bon, il n'est pas "con", si vous avez de quoi le motiver. Nous sommes encore en république !
Bonne bontinuation à vous aussi !
2004-08-29 14:20:41 de Berlol


Lundi 23 août 2004. Triptyque franco-japonais.

L'olympisme est-il soluble dans le nationalisme ?
Dans chaque pays, les médias nationaux, surtout télé et radio, ne traiteraient-ils que de leurs athlètes ?... Détourneraient-ils consciemment l'olympisme en patriotisme plus vendeur ? En tout cas, je l'ai vérifié ces jours-ci en trilingue : avec la télé japonaise, avec les infos américaines (puisqu'il y avait CNN à l'hôtel d'Isogo) et avec la radio française. Pas avec la télé française, car les journaux de France 2 et France 3 disponibles sur le site web sont systématiquement interrompus à l'annonce des Jeux olympiques.
Heureusement, il reste les journaux, qui donnent des résultats plus complets, et le site officiel des JO dont j'ai déjà donné l'adresse.
L'objectif (la dignité) des médias, y compris audio et vidéo, devrait être d'ouvrir les esprits (à la diversité, à l'objectivité, etc.) ; la réalité, c'est qu'ils ne font que replier leur cible sur elle-même (est-ce pour que la pub l'atteigne mieux ?...). Car qui choisit de ne parler que des athlètes français, sur France Info ? Pas moi ! Quand les Français perdent, on indique leur place, des raisons pour lesquelles ils ont perdu, on donne des interviews, etc., et incidemment on indique qui a gagné et à qui les médailles ont été remises. Quand on dit que la France a tant de médailles et tel rang dans le classement des pays, on ne dit pas les nombres et rangs des autres pays, des meilleurs tout du moins. Qui choisit de faire comme ça ? Pas moi !
Et j'ai constaté la même chose en japonais et en anglais.
Il faut peut-être aller dans un pays de peu d'athlètes pour que, libérés de la tentation chauvine, les médias valorisent le pluriel qui sied aux Jeux olympiques...

Les mythes nous bouffent l'Histoire.
À lire absolument cet automne, entre autres, de Patrick J. Geary : Le Mythe des nations, les origines médiévales de l'Europe (chez Aubier), ou Quand les nations refont l'histoire, l'invention des origines médiévales de l'Europe. Les deux titres sont donnés par des sources différentes, Le Monde des livres, la FNAC et Flammarion (sans doute du fait de la traduction de l'anglais ; je ne sais pas encore quel sera le bon), ce qui permet de bien en comprendre le propos...
Le Monde des livres (en PDF) en cite un extrait dont voici un extrait :
"Toute tentative de révision des perceptions les plus répandues de l’identité des peuples européens se heurte à un obstacle fondamental : ces perceptions ont pénétré si profondément dans les consciences européennes qu’elles ne sont plus comprises comme des reconstructions historiques mais comme des éléments essentiels et allant de soi de l’identité nationale. Elles se situent dans un domaine extérieur à l’histoire, celui de la mémoire collective, une mémoire d’autant plus puissante qu’elle est mythique." (P. J. Geary, ouvrage à paraître le 24 septembre 2004)
Or, c'est exactement ce dont nous discutions récemment, avec Arnaud comme avec David, au sujet du Japon. Mais où l'Europe a la chance de sa diversité, le Japon a la tare de son isolement — et son histoire officielle s'éloigne actuellement de l'objectivité et du sérieux...

Le nouveau hall de l'Institut franco-japonais de Tokyo.
Un designer réputé, Claudio Colucci, a été sollicité et il a signé "un mélange de malice, d'humour, de couleurs et de sensualité", comme il le disait de lui-même dans L'Express en 2003.
Ça va faire jaser tout l'automne ! Entre les anciens qui ne jureront que par l'avant-c'était-mieux et les médias people nippons qui vont venir faire des reportages débiles, verra-t-on la fluidité des inscriptions permise par l'enfilade des guichets, la confortable discrétion de chaque celllule d'inscription, l'aération visuelle opérée par l'arrondi et la transversale ? Dominante rouge et courbures multiples font du hall de l'IFJT un lieu organique et intime, le nouveau coeur battant de l'établissement. Le petit coin-café, refait en plus grand dans les mêmes lignes et matériaux que l'accueil, devient un superbe espace de restauration et de détente, avec gâteaux, sandwiches, véritables expressos et horaires élargis. Cela nous évitera un peu plus d'aller à la Brasserie, dans le jardin attenant, où cuisine moyenne et accueil moyen, pour rester gentil, ont gâché nos derniers passages.
Ne cherchez pas les nouveaux sièges du hall dans le commerce ! Ils ont été spécialement réalisés par Colucci pour le lieu le plus vivant de la France au Japon.
C'est dans ce lieu que je reprendrai mon cours d'explications de textes en octobre, portant fièrement ce trimestre les couleurs de George Sand. La Mare au diable est déjà en vente à la librairie Omeisha. Qu'on se le dise !


Pour réagir sur les JO : c'est clair que c'est un pur concours de nationalisme. mais il faut dire aussi que nos journaleux sont pas franchement polyglotes, et à part Nelson Monfort (foutez vous de lui mais au moins il le fait) personne s'aventure à interviewver un athlete étranger.
Il faut dire aussi que le fait est que les gens s'en tapent pas mal des JO, donc déjà les résultats français ça passionne pas alors savoir que Trucmuchovsky a devancé Bidulonovich dans le kayak sur herbe bah bof ...
2004-08-23 14:20:07 de kasimodem

Je vais tout de même poster un petit commentaire dans ce blog que je visite assez souvent.
Les jeux. C’est vrai qu’il est difficile en France d’avoir des nouvelles des athlètes étrangers surtout à la télévision mais on donne tout de même les rangs des trois meilleurs pays, (Le Japon réalise de très bons jeux) Merci d’avoir donné l’adresse du site officiel des JO.
Je trouve normal que l’on s’interesse en premier aux athlètes de son propre pays. Beaucoup ne s'interesse pas au sport, il vaut mieux pour les médias de parler de ce qui nous rapproche.
Il y a bien sûr des sports que j'aimerais voir et ce quel que soit la nationalité des athlètes : le tennis de table comme vous et le badminton, car ce sont des sports que j'ai pratiqués.
2004-08-23 18:32:25 de Fabrice Trochet

En relisant le deuxième tableau de ton triptyque franco-japonais et en particulier ta remarque sur "l'histoire officielle (du Japon) [qui] s'éloigne actuellement de l'objectivité et du sérieux..." rejoignant par là mes propres préoccupations sur la déraison de notre époque et de ces animateurs attitrés, me sont venues à l'esprit deux réflexions. En premier lieu, je me demande si finalement ton blog ne serait pas une manière pour toi de (vouloir?) faire de la Politique. Face à cette déraison qui ne semble déranger qu'un trop petit nombre de visiteurs des blogs et du tien en particulier, tu opposes l'urgence à dénoncer et faire cesser la bêtise et l'absurdité, à remettre des points sur les i. Malheureusement, le vaste monde des surfeurs fait la sourde oreille. Ma seconde réflexion provient de l'impression d'une certaine lassitude ressentie dans tes propos d'hier devant les débats, les cris, les appels etc (appelle cela comme tu voudras) qui font la trame de tes livraisons quotidiennes. Cela m'amène à m'interroger sur un effet pervers du medium internet qui, reliant chacun à tous et ici à partout dans une masse infinie d'informations jusqu'à la nausée, montrerait ici ses limites en générant un phénomène non pas de désinformation (quoique) mais bien pire de relativisation de l'information : cet élément de débat trouvé sur ce site que vaut-il ? et à quoi bon y répondre, prendre part au débat qu'il appelle ? ma voix dans le vaste monde pour quelle efficacité, quelle lisibilité ? Le champ d'exercice de la citoyenneté et de la démocratie loin d'y gagner en précision (des termes et des règles du débat, des participants citoyens libres et responsables) ne serait-il pas victime d'une dilution funeste dans l'espace virtuel ? Internet met-il vraiment en relation des citoyens ou n'offre-t-il qu'une tribune illimitée à des individus désespérément solitaires n'ayant pour contradicteurs que les grains de sable d'un infini désert ? Autrement dit permet-il à un individu lambda de devenir un citoyen actif ? En résumé, Berlol en 1900 écrivant son JL (pour le R c'était un peu tôt) dans le "Petit Journal" n'aurait-il pas fait oeuvre politique bien plus utile que sur le web ?
Bon, il n'est pas loin de 2 heures du matin. Je m'en vais retrouver Morphée... et tant pis pour les coquilles ! Mais la discussion pourra être poursuivie.
2004-08-23 19:11:21 de dabichan

La remarque de Kasimodem donne dans le binaire (quasi hugolien) de l'oeuf et de la poule : les gens ne s'intéressent pas au sport donc on ne leur en parle pas et comme on ne leur en parle pas, ils ne s'y intéressent pas... F. trochet va dans le même sens et me fait penser que, s'il est "normal que l’on s’interesse en premier aux athlètes de son propre pays", le vrai boulot des journalistes serait de compléter en montrant de manière attrayante ce que les athlètes des autres pays réussissent mieux.
Mais ils ont raison tous les deux sans doute et font apparaître l'idéalisme de mes propos. Ce même idéalisme que souligne Dabichan en constatant ma déception régulière devant un média techniquement hyper-réactif mais humainement hyper-passif.
Mais pas de lassitude ! Non. Si regarder autour de soi, réfléchir par soi-même et dire ce que l'on pense à qui veut l'entendre, c'est faire la politique, alors, oui, je ne fais que cela...
2004-08-24 15:01:50 de Berlol

Hier tu ecrivais : "En tennis de table, défaite de Berlol contre Manu, 4 manches à 2. En toute mauvaise foi, on imputera ce revers de fortune aux nouvelles règles appliquées ce jour, comme prévu, ainsi qu'à l'inadéquation du bandana, le cheveu continuant à me venir dans l'oeil inopinément."
Tu aurais donc dÛ ecrire : Victoire de Manu contre Berlol, et nous renseigner sur les etats d'ame du vainqueur, non ?
Moi je ne vois qu'une solution : laisser les sportifs faire (chacun a ses vices), mais bannir toute publicite, representation et commentaires sur leurs exploits.
(aie ! ces cons de sportif ont reussi a me faire parler.)
2004-08-25 14:27:02 de transitif direct


Mardi 24 août 2004. Loin de chez nous...

Je souligne beaucoup dans le livre de Dominique Viart. Admirable travail simonien. J'y trouve cette phrase, lapidaire, axiomatique : "Le lecteur est invité à ne pas oublier tel élément précédemment introduit que la narration a quitté sans le dépasser ni l'abandonner." (Une Mémoire inquiète, p. 67).

Comme elle voulait se distraire un peu, T. a proposé d'aller au cinéma. On a cherché les programmes de Ginza par le web, elle en japonais, moi en anglais. On a regardé quelques bandes-annonces car la plupart des films à grand mirage en ont une : Le Roi Arthur, Les Chroniques de Riddick, Le Papillon bleu, Secondhand Lions, Mona Lisa Smile, Investigating Sex, The Dreamers... et des infos sur quelques films français qui n'ont pas de bande-annonce (ou qu'on n'a pas trouvée dans les premiers résultats de Google) : La Bande du drugstore, L'Histoire de Marie et Julien... Finalement pour éviter la lourdeur des gros budgets d'effets spéciaux et des musiques impériales, c'est-à-dire pour réellement se détendre sans s'abêtir, notre choix s'est porté sur Dirty Pretty Things, de Stephen Frears, avec Audrey Tautou et Sergi Lopez, pour ceux que je connaissais (Loin de chez eux en français, Passeports des anges déchus en japonais approximatif). Je ne connaissais pas Chiwetel Ejiofor, mais je ne l'oublierai pas de sitôt !
Bon choix pour ceux qui ont encore un coeur accessible et les reins solides. Sans papiers et travail au noir riment généralement avec déprime et flicaille. Mariés ici avec trafic d'organes et serment d'Hyppocrate, ils produisent un cocktail très réussi, servi par de très convaincants acteurs, qu'un grain de sel de malice dans le scénario sauve définitivement du documentaire ethnographique.
Je me demande s'il y a un seul Anglais qui joue dans ce film ! Ça aussi, c'est une prouesse !

Qui n'a rien à voir : le titre français de Dirty Pretty Things me fait penser au chant militaire Loin de chez nous, en Afrique..., que j'avais dû apprendre pendant mes classes dans le Génie à Metz... J'étais alors avec un certain François Baudequin — qu'a-t-il bien pu devenir ? Est-il ici ? Est-il ? — dont les caricatures étaient étonnantes de vivacité. Une fois, il me griffonna l'uniforme de travers et des phylactères qui disaient "Oï ! Oï !"... "Kill ! Kill !"... et "Laurence !"... Franchement !

Il y a un an peut-être, ou un an et demi, je n'arrive plus à me rappeler s'il faisait chaud ou froid ce soir-là, T. et moi passions près d'un restaurant nommé Saigon, non loin du Printemps de Ginza. Nous avions déjà dîné et regardions tout de même le menu avec intérêt car nous connaissons peu de bons restaurants vietnamiens à Tokyo. Soudain, des conversations animées dans l'escalier du restaurant dont les lumières venaient de s'éteindre. C'étaient les employés et la patronne qui sortaient. Cette dernière nous voyant intéressés par la carte nous sourit et nous encouragea à revenir. Je crois qu'elle avait un manteau ; ce devait être l'hiver.
C'est que nos pas nous ont portés ce soir, assez tôt. Après le gigot d'agneau que je me suis enfilé ce midi au Saint-Martin, la soupe vietnamienne est une bénédiction ! Et pour T. aussi, dont l'estomac bloque un peu, à l'unisson de son père faiblissant.

Belle soirée de volley, triste quand même. Les Japonaises, alertes et méritantes — je leur dédie mon "Ode à vélo au volley" du 12 mai —, n'ont pu enrayer la superbe machinerie des Chinoises. Dans les trois manches quasi identiques, les scores se sont suivis jusqu'à 13, puis les Chinoises ont creusé un écart de trois points, les Japonaises ont suivi, reprenant parfois des points longs et fatigants, sans revenir au score. Sachant profiter des changements de joueuses et passant chaque fois, je crois, de 22 à 23 points sur une faute de service des Japonaises, les Chinoises n'ont jamais vraiment été menacées.


Mercredi 25 août 2004. Guerre inflexible à la doxa.

"[...] la responsabilité aujourd'hui est urgente : elle appelle une guerre inflexible à la doxa, à ceux qu'on appelle désormais les "intellectuels médiatiques", à ce discours général formaté par les pouvoirs médiatiques, eux-mêmes entre les mains de lobbies politico-économiques, souvent éditoriaux et académiques aussi." (Jacques Derrida, "Je suis en guerre contre moi-même", interview, Le Monde du 18 août 2004). À lire de toute urgence !

Aujourd'hui, c'est la libération de Paris (1944)... et ses réécritures, déjà — Timo von Choltitz voulant faire croire que son père avait intentionnellement sauvé Paris (après avoir détruit Sébastopol et Rotterdam...). C'est aussi le tricentenaire (ce jour ou un autre) de la prise de Gibraltar (1704).

Encore une fois, Pierre-Marc de Biasi donne dans le mille ! En invitant Bernard Cerquiglini à parler du mot et de la chose "francophonie" (France Culture, Lexique de l'actuel, 23 août 2004). En voici un large extrait :
"PMdB : — Pourquoi ce mot, francophonie, à votre avis, est-il si peu aimé en France ? Alors qu'on devrait en être fier...
BC : — En effet, ce mot n'est pas très apprécié. Mais, il y a pire : les Français considèrent que les Francophones, ce sont les autres ! Entrez dans une librairie, même bien garnie, vous verrez les rayons de littérature française et, plus loin, les rayons de littérature francophone...
PMdB : — (rire)
BC : — Je crois qu'on aura bien progressé quand les Français comprendront qu'ils sont francophones, qu'ils appartiennent à la Francophonie. Joli paradoxe ! Tout de même, la France a joué un rôle dans la naissance de la Francophonie, elle a accueilli le premier Sommet des chefs d'états, elle accueille les grandes agences, elle finance beaucoup. Mais on a l'impression que c'est une politique de coopération. D'ailleurs le ministre [du gouvernement français] est le ministre "de la Francophonie et de la Coopération". Je crois qu'il y a dans l'esprit des Français l'idée que c'est encore une séquelle de la colonisation. Historiquement, c'est ça. Mais c'est bien autre chose ! C'est toujours un avenir, la Francophonie ! Peut-être le terme est-il un peu cuistre, bien qu'il ait été inventé par des gens éminents, sympathiques, on dit souvent que la Francophonie est fille du colonialisme... Elle est fille de la décolonisation. À la fois grâce à Bourguiba et autres, mais aussi grâce à Onésime Reclus que vous avez cité, qui était un grand géographe, qui était surtout un républicain farouche, ancien communard. Comme son frère Élisée Reclus, qui était même anarchiste... En Union soviétique, il y avait un Mont Élisée-Reclus ! Peut-être que M. Poutine l'a fait débaptiser... Donc on a, avec Onésime et Élisée Reclus, un projet politique : un jour... un jour, ces pays seront unifiés non pas par l'exploitation, la colonisation, mais par une langue ! Senghor écrivait : "dans les débris du colonialisme, nous avons trouvé un instrument extraordinaire : la langue française..." Xavier Deniau m'a raconté une jolie histoire, si je peux la raconter. Xavier Deniau, grande figure de la Francophonie, ministre du général de Gaulle, est reçu un jour par le président Bourguiba dans son bureau présidentiel. Et il voit derrière Bourguiba, accrochées au mur, à la droite du président, les quelques photos des martyrs de la Révolution tunisienne, et, à sa gauche, son Certificat d'Études primaires encadré. Xavier Deniau s'étonne du rapprochement. Et Bourguiba, montrant d'abord le Certificat d'Études primaires puis les photos des martyrs, lui dit : "Mon cher ami, c'est grâce à ceci que nous avons fait cela !"
PMdB : — Justement, où en sommes-nous dans les rapports entre Francophonie et langue française ?
BC : — On peut être légitimement inquiet. Car la base même de la Francophonie, c'est la langue française...
PMdB : — Alors là, il y a des pays qui adhèrent à la Charte qui sont très peu francophones...
BC : — Alors, on peut trouver de l'intérêt, évident : on a là une alliance politique internationale très importante. Vous avez cité des chiffres... On pourrait dire qu'un ambassadeur sur quatre aux Nations-Unies s'exprime en français. On ne peut pas être élu secrétaire général si on n'a pas montré sa connaissance du français. Et je tiens à dire que, je faisais partie de la délégation officielle au dernier Sommet de Beyrouth, quelques temps avant la guerre en Irak, et nous avons fait tous ensemble de la politique, et de la bonne politique, par rapport à cela. Donc, c'est très important. Il n'empêche que, comme dirait Aristote, on a un problème d'extension et de compréhension : nous avons fondé cette alliance sur la langue et la langue seule, si la langue est perdue de vue, que va-il rester ? Des valeurs. Mais des valeurs qui ne risquent pas d'être accrochées... Or, ce qui intéressait Onésime Reclus, comme Bourguiba, comme Senghor, c'est une certaine façon de penser en français dans le monde, c'est-à-dire les Droits de l'Homme... la révolution... la décolonisation... Et si l'on fait, passez moi l'expression, un lobby, simplement, international, on risque de manquer de matière. N'empêche que, si adhérer à la Francophonie donne des droits, cela doit donner des devoirs, aussi. Prenons l'exemple de l'Europe. L'élargissement de l'Europe pose un problème pour défendre la place, non seulement du français, mais des langues européennes en Europe. Nous devons éviter pour des raisons politiques, historiques, un monolinguisme anglophone de l'Europe. Bien. Or, certains pays adhérents appartiennent à la Francophonie. Il faudrait leur rappeler leur double appartenance : ils sont de l'Union européenne, nous nous en réjouissons...
PMdB : — Notamment à l'Est...
BC : — Notamment à l'Est, bien sûr... Mais ils sont aussi membres de la Francophonie. On serait heureux, par exemple, que leur ministre usât du français à Bruxelles ou au Comité des ministres, par exemple. Et je remarque que la Roumanie est prévue dans le deuxième train d'adhésions. Il est possible que le prochain Sommet des pays francophones, après Ouagadougou, se tienne à Bucarest... Nous attendons beaucoup de la Roumanie et de son usage du français quand elle sera membre de l'Union européenne.
PMdB : — Tout comme on préférerait qu'ils aillent faire leur marché ailleurs qu'aux États-Unis, dans certains cas...
BC : — Bah, oui ! Parce que la Francophonie, c'est tout de même un ensemble de pays qui disent non à la mondialisation à l'américaine. Un exemple. Excusez-moi, je me permets de vous critiquer un instant : vous avez cité un chiffre que l'on trouve d'ailleurs même dans des documents officiels en France de 80 millions de locuteurs [du] français. C'est un chiffre qui est diffusé par une agence américaine ! Il est minoré : on arrive à 80 millions si on ajoute uniquement les pays du Nord. La France, c'est 60 millions, la Suisse... Ce chiffre fait l'impasse complète sur l'Afrique du Nord et l'Afrique sub-saharienne. Bien sûr, la volonté des Américains, c'est de couper l'Afrique de la tradition française. En fait, on arrive très tranquillement à 120, à 130 millions de locuteurs natifs du français...
Pour la Francophonie de demain, et même d'aujourd'hui, la question de la diversité est cruciale. Si on veut refonder le projet politique de la Francophonie. Or la Francophonie, ce n'est rien d'autre pour moi qu'un projet politique, de part en part. Nous, en France, nous faisons de la politique avec la langue depuis toujours, depuis Villers-Cotterêts ! Donc, la Francophonie est une extension au monde de notre habitude politique avec la langue. [...]"

Et ça continue encore pendant quelques bonnes minutes, mais je n'ai pas le courage de tout transcrire...


Derrida
Il appelle à une guerre inflexible contre la doxa, mais il profite de cette doxa : il a accès à tous les médias. D'ailleurs il est de toutes les pétitions comme le dernier Appel contre la guerre à l'intelligence lancée par les inrocks. Ce qui lui a permis de faire la une de ce mag où dans un entretien du numéro du 31 mars 2004 il disait : « Je pourrais faire l'histoire de mes silences obligés. Il y a eu des moments où, bien que "de gauche", comme on dit et comme je l'ai toujours été, je ne pouvais ni souscrire à la politique marxiste officielle du parti communiste, au marxisme donc, ni même à l'althussérisme, mais je ne voulais pas non plus, à tort ou à raison, m'y opposer publiquement, me faire l'allié "objectif" d'un anticommunisme à mes yeux tout aussi suspect, dans une situation donnée. Donc je l'ai fermé pendant très longtemps. Mais certains savaient interpréter mes silences à travers ce que je publiais. »
A la question Pourquoi avoir gardé le silence ? « Je votais toujours à gauche, bien sûr, je marquais dans mes textes assez clairement quelles étaient mes préférences. Je ne voulais pas paraître de droite. Je n'étais pas de droite. C'est donc un silence que je n'ai rompu explicitement que très tard, c'est-à-dire après la chute du communisme, quand j'ai écrit Spectres de Marx. A la fin des années 70, au début des années 80, tout en ayant un jugement négatif sur une certaine théâtralisation de ces intellectuels, ceux qu'on appelle aujourd'hui les "intellectuels médiatiques", je ne pouvais pas non plus les condamner. »

Il ne veut surtout pas être suspect, se démarquer. Cela me rapelle Lindenberg qui grâce à l'appui du journal Le Monde, a voulu mettre en garde tout esprit indépendant qui ose s'élever contre ce nouveau discours ambiant : ce nouveau moralisme avec son livre Le Rappel à l'ordre.
Dans la zone du stalker un article critique est consacré à Derrida http://www.hautetfort.com/stalker/billets/8614/
2004-08-28 15:15:52 de Fabrice Trochet


Jeudi 26 août 2004. Cher François,

J'attends ton livre avec impatience. Je viens de passer à la Médiathèque de l'Institut franco-japonais de Tokyo, après avoir mis T. dans le train de Yokohama, où son père l'attend encore sûrement.
Feuilletant les revues, j'ai senti comme chaque année le tour de chauffe des usines à mots qui feront vendre les livres de la rentrée — encore une qu'il nous est donné de vivre.
Au lieu de faire des photocopies, je pose maintenant les magazines par terre et je fais des photos numériques des pages qui m'intéressent. C'est plus facile à ranger !
Avant d'arriver à ces quatre pages des Inrockuptibles qui te sont consacrées, il faut lire la lettre de Christine Angot. Je trouve qu'elle a raison, quelque part. Mais je regrette sa maladresse, sans doute volontaire. Car à l'évidence elle fait allusion à toi lorsqu'elle écrit  : "Tout le monde ne peut pas aller enquêter, et "recueillir" la "parole" des ouvrières d'une usine qui vient de fermer, et en plus avec leur accord sacro-saint."
Comme si elle voulait dire que ton travail était en quelque sorte "autorisé", "de commande", et donc moins "libre" que ne le serait le sien, au sens où la liberté d'écrire ce que l'on veut serait une des marques supérieures de la littérature — quand on sait ce que c'est. Cassées et humiliées, tes ouvrières seraient encore "axées", quand elle, Christine Angot, saurait ce que sont les "désaxés" (on pourra peut-être lui en laisser le mérite, je te le dirai après l'avoir lue).
Mais je me demande aussi si tout cela n'est pas une sorte de montage, de coup que se permettent les Inrocks. Car ils ont bien dû préalablement écrire à Christine Angot en agitant certain chiffon rouge, "en passant par la Lorraine" peut-être, auquel ils savaient qu'elle chargerait. Et ils ont bien dû voir qu'ils mettaient sa lettre ici et l'entretien avec toi quelques pages plus loin, dans le même numéro, l'air de rien. Ainsi opposent-ils artificiellement, et comme s'ils ne l'avaient pas fait exprès, deux auteurs qui représenteraient deux tendances, une dialectique — manichéisme dont la presse pourra toujours mieux tirer parti qu'à constater l'entropie générale... Du temps que j'étais abonné au Nouvel Obs, je désapprouvais chaque année leur irrépressible volonté de voir des groupements, des tendances littéraires, quitte à les fabriquer de toutes pièces. Je constate qu'ils ont de dignes successeurs. Tu leur diras que je préférais le rock'n roll... Au moins pour cela, Christine Angot a bien eu raison de leur renvoyer quelques phrases de leur propre Appel contre la guerre à l'intelligence... Tout cela est regrettable car c'est ainsi que sont brouillées les images des oeuvres et des auteurs. Il y a de l'apprenti-sorcier dans ce sommaire et finalement c'est la littérature tout entière qui y perd, après la danse des balais.
Mais revenons à toi. Quand tu dis : "Daewoo, c'est un crime social" (p.63) et que le livre intitulé Daewoo, c'est un roman, je crois que tu dis l'une des plus belles choses qui soient et je suis vraiment impatient de voir ce que ça donne dans le mot à mot des pages. Je te fais confiance. "Je te fais confiance", avec le mot derridéennement barré car bien sûr, je te fais confiance, mais pas au point de ne pas te lire, de fermer les yeux sur ce que tu écris, et alors que te lire n'a pas pour fonction, bien sûr, de vérifier si la confiance mise en toi est bien placée, si je peux te faire confiance. Aporie de la confiance littéraire, de l'attente de tout lecteur familier d'un auteur.
Tu as raison de souligner comment Stendhal ou Balzac étaient en prise sur leur société en signant leurs romans. Car à les classiciser, à les intemporaliser, on les décontextualise, on les prive de leurs racines nourricières — et l'on a beau jeu après de se lamenter sur leur lecture qui ne donne plus ces belles fleurs de justesse et de scandale, sur leur inadéquation à notre temps. Jusque dans les plus modestes romans, le Contrat de mariage, par exemple, et son titre quelque peu rébarbatif, Balzac montre et démonte des rouages que ses contemporains profiteurs auraient bien voulu voir rester secrets. Où nos contemporains se fourvoient toujours, c'est en croyant qu'en écrivant des histoires édifiantes dans le style de Balzac, ils récupèreront quoi que ce soit de sa force littéraire ! Les naïfs... Remarque que certains s'enrichissent, comme ça. Mais ce n'est pas notre problème. D'ailleurs, dans cinquante ans ils n'existeront plus.
Or je sais d'avance, pour l'avoir lu dans tes autres livres — c'est le point de ma confiance — que tu auras écrit autrement. Et que je reconnaîtrai cet autrement comme étant de toi. Voilà bien le double-fond de l'aporie de la confiance.
Et si tu oublies de me l'envoyer, je l'achèterai, je l'emprunterai, je le volerai, qui sait ?...


La complexité de l'affaire, c'est qu'il y a vraiment eu "effacement", et donc que toutes les voix il a fallu les INVENTER, c'est la fiction, et elle seule, qui créée les personnages, ce que la presse a du mal à comprendre. Pour eux, dès qu'il y a des ouvriers ou le genre, c'est forcément qu'on les a réellement "écoutés", que c'est de la "parole brute" -
ni Céline ni Sarraute n'ont existé. C'est assez bizarre à voir...

Sur place, je suis allé 3 ou 4 fois, j'y ai dormi une fois, j'ai beaucoup trop de timidité pour parler aux gens. Seulement, au bistrot, au supermarché, à la sortie d'école, on voit les visages, on mesure le temps, on entend des bribes. Un regard qui se détourne, un rêve qu'on a soi, et ensuite on construit l'illusion.

Le mystère de la littérature, c'est que si on regarde bien un rond-point, et qu'on est précis sur le rond-point ou la géométrie de la rue, tout le reste s'enclenchera, le reste aussi sera juste. Moi je regarde le rond-point, et la voix me surgit dans le dos...

Alors quand c'est Thomas Bernhard on dit que c'est un grand z'artiste, quand c'est des prolos on dit que le mec a fait de la sociologie...

Qu'est-ce que c'est cette histoire de "avec leur accord" quand précisément tous ces personnages on les invente ? Et que les seules personnes, acteurs du réel, ou syndicalistes Daewo, avec qui on a parlé, elles nous font ce cadeau, elles, de nous reconnaître comme artistes, de nous demander expressément de faire notre job, puisqu'elles n'ont pas besoin de nous ni
pour exister ni pour un quelconque "message"...

Mais ça fait 20 ans que je suis dans cet entrefer là.
2004-08-26 12:55:25 de François Bon

Ce qui est étonnant chez Christine Angot, c'est le fait de ne pouvoir supporter durablement qu'on parle d'autres livres que des siens. Pour la sortir de l'épouvantable et bruyant livre de Catherine Millet, elle était la seule à être autorisée à inteviewer la vieille dame __ dont on oublierait presque qu'Art Press elle ait écrit plus d'une connerie en matière d'art contemporain __ Sophie Calle a une exposition retentissante, à juste titre cette fois, à Beaubourg, c'est encore la Christine-de-tous-les-fronts qui se fend d'un entretien pour Beaux-Arts magazine et ici ce sont dans les Inrockuptibles qu'elle tente d'attirer les projecteurs sur elle, consciente que quelques pages plus loin on risque de parler d'un livre comme elle en écrira jamais. Petit feu ne saurait jeter grand lustre. Simultanément à toute cette agitation, j'en connais un qui dans son garage, en compagnie de ses livres chéris, continue de polir avec métier des phrases comme lui seul sait les écrire. L'histoire fera son tri. Ce qui est rassurant parce que nous n'entendrons plus parler de Christine Angot dans dix ans, ce qui l'est moins, rassurant, c'est que sûrement, une autre absence de talent tout aussi tapageuse viendra tenter de voler la lumière et l'attention.

Philippe De Jonckheere
2004-08-27 10:08:26 de Phil De Jonckheere

De toute évidence, Christine Angot semble ne pas avoir que des amis... Je ne l'ai pas lue, donc je n'en dirai rien. Toutefois, j'aurais aimé avoir de quoi forger un début d'opinion sur cette "absence de talent tapageuse". Tant de verve à son égard, au moins ne laisse-t-elle pas indifférent ! Est-ce aussi nul que ça, littérairement parlant ?
2004-08-27 15:08:56 de dabichan
à dabichan:
Inutile de lire Angot : voir plutôt l'excellent (et destructeur) chapitre que lui consacre Pierre Jourde dans "La littérature sans estomac" : mdr
2004-08-27 17:26:54 de jephro

Je ne vous suivrai pas dans la critique de l'oeuvre d'Angot mais je regrette son attitude dans le cirque littéraire où elle se force (on la force ?) à jouer alors que ce n'est pas du tout nécessaire. En fait son oeuvre aurait plus de force, ou sa force serait plus efficace si l'auteur ne venait pas la parasiter par une médiatisation catastrophique où seuls les médias y gagnent (encore une fois).
Par ailleurs, je connais beaucoup de dénigreurs d'Angot qui ne l'ont pas lue... Ils s'en prennent en fait à l'image médiatique de l'auteur (qui les énerve, et je les comprends) et y amalgament l'oeuvre avec une mauvaise foi qu'il leur faudrait interroger...
2004-08-28 11:32:40 de Berlol


Vendredi 27 août 2004. Aoûts ébréchés.

Sommes moulés dans du temps et des mots
l'espace nous reçoit
nous l'investissons
nous y démoulons y roulons
cahotons brimbalons jusqu'aux bris
jusqu'à y redevenir sels charbons fleurs

Question Quinzaine à moitié lue
Pour qui vous prenez-vous ?
sublime réponse d'Olivia Rosenthal la tenniswoman de mes rêves
décevante de Massera mal garé
vacant Butor qui a déjà répondu en 19..
François Bon, héraut de Sarraute
fin Bernard Noël, comme toujours
amer Deguy ressassant l'irréception de ses oeuvres
quand Louis-Combet s'en réjouit presque
d'autres, j'oublie déjà
demain, l'autre moitié
Derrida, Cixous, il y a de l'espoir oui demain

Sorti de médiathèque saoûlé
dehors, vent dans les bambous
subite odeur de joncs près d'un lac
surgie d'où sinon souvenue
suis-je cette odeur est-ce elle qui me suit
je fuis de tête
tous ces aoûts ébréchés quel gâchis !


Samedi 28 août 2004. Huées et sifflets.

Suis sorti faire un petit footing ce matin, parce qu'on peut sentir l'air presque frais.
La fin de l'été. Ciel gris, va pleuvoir.

"Tout au long de ces Jeux, l'apparition d'un sportif américain sur un stade était automatiquement accompagnée de huées et de sifflets..."


Revenant à la maison en fin d'après-midi, parapluie refermé après la bruine, j'entends cette phrase sur France Info. On vient d'apprendre que Colin Powell ne viendra pas à la clôture des JO...
Huées et sifflets sont bien dérisoires en regard de ce dont bénéficient et profitent ces quelques Américains qui dirigent les États-Unis et, bien malgré lui, le monde. Après avoir vu tout à l'heure Fahrenheit 9/11, le film de Michael Moore, je ne vois pas quoi faire. Huer, siffler, oui ! Mais ça ne sert à rien. Pire : on pourrait s'en contenter, vivre normalement pendant que "ça" continue. "Ça", c'est la destruction de milliers de vies humaines et ce sont les profits faramineux que font les Bush et consorts en baratinant tout le monde sur leur mission de démocratisation et de pacification par la guerre et la terreur permanentes.

J'hésitais à penser ce que je pensais. Non pas depuis l'élection de Bush mais depuis le 11 septembre 2001, par décence pour les victimes. Le film de Moore vient de m'ôter toute hésitation. Les victimes sont les victimes. Et les Bush et leurs amis (le BushNet ?) ont bien su en profiter. Des salauds.

Ayant acheté le magazine Pia hier lors d'une promenade post-prandiale avec T. dans le quartier d'Ichigaya, je m'étais rendu compte que le film de Moore allait sortir au Japon. J'ai cru d'abord qu'il sortirait en même temps dans tous les cinémas le 11 septembre — limite décence, le choix de la date. Puis j'ai vu qu'il y avait aussi des sorties le 3. Et finalement, j'ai trouvé un cinéma de Shinjuku où il sortait aujourd'hui. Arnaud et François ont tout de suite accepté ma proposition d'y aller dès la première séance. On s'est retrouvé à midi sous l'écran de Studio Alta, lieu de rendez-vous banal s'il en est, et on a commencé par bien déjeuner chez Grain, derrière Mitsukoshi... Mais on ne s'est pas endormi pendant le film !


Le film est déjà sur les écrans à Nagoya depuis au moins 8-10 jours... Pourquoi une telle "avant-première" en province ?
Je me rends justement à la séance de 17h10 ! Non pas pour me convaincre de la médiocrité de Bush (l'abruti ne sait même pas pédaler correctement, sauf dans la choucroute - dommage d'ailleurs pour la choucroute !) ; non pas pour me convaincre de la dangerosité des évangélistes de tous ordres (l'intégrisme religieux, fût-il protestant, m'est hermétiquement inaccessible) ; non pas pour me convaincre de la fragilité des démocraties y compris celles qu'on croit les plus accomplies (lorsque le citoyen se préfère en consommateur insouciant, gare !). Non, je m'y rends pour voir comment travaille Michael Moore, dont j'avais râté la sortie en salle du dernier opus "Crying for Columbine" ! Une curiosité pour le travail d'un artiste. Et tant mieux s'il est engagé. Si Fahrenheit 911aide à mettre Bush et ses sbires hors d'état de nuire à la planète, l'Amérique et le monde ne s'en porteront que mieux !
2004-08-29 06:42:05 de dabichan


Dimanche 29 août 2004. Je ne me souviens plus de Coup de torchon.

Je m'amuse bien avec les 1280 Âmes de Jean-Bernard Pouy !  Pendant que je pédale, au sport où j'ai enfin réussi à aller avec T., derrière Shibuya, je passe de la page 81 à la page 124. Non que ça soit trop facile à lire, mais parce que ça se lit bien. Et puis la balade à travers l'Oklahoma, ça donne une autre idée des États-Unis que Michael Moore ! Ça rappelle d'ailleurs, les voyages de Jacques Roubaud, sauf que Roubaud ne conduit pas de voiture. Mais ce n'est pas étonnant, puisque Pouy se réfère à Perec et à Queneau ! Roubaud est de la même famille ! Bref, on est autant en terrain oulipien que policier. Sans oublier Jim Thompson tapi dans l'ombre...

Je ne me souviens plus du tout de Coup de torchon, dont j'ai appris que c'était une adaptation de Pop. 1280.

"J'ai mangé une omelette-parmentier au comptoir d'un rade au coin de la rue Jacques-Coeur. C'est important la patate. J'en mange au moins tous les deux jours. Question d'équilibre autant historique qu'intestinal. Il ne faut jamais oublier qu'elle a sauvé beaucoup plus de monde que la pénicilline." (J.-B. Pouy, 1280 Âmes, p. 56-57)

"Beaucoup de mes évenuels clients ne me parlaient que de ça, depuis quelques temps. Il y en avait même un qui était arrivé en me demandant quel était le rapport évident entre l'échec du situationnisme et la célèbre collection [Série Noire]. J'avais séché, et il avait sorti triomphalement de sa poche une feutre noir et le numéro 410, avait griffonné sur la tranche et m'avait montré le résultat. Grâce à sa petite intervention, Débordements de James Aswell était devenu Debord ment. On rigole, on s'amuse." (Ibid., p. 82)

"— T'es con. Petit traité du haïku et du tranchage de l'andouille. Un truc en deux actes mettant en présence Gilles de Rais et Mishima, discutant, de nuit, de l'avenir du monde tendance sémiologie poético-culinaire." (Ibid., p. 95)

Je me souviens que Patapon avait écrit un dialogue fictif entre Victor Hugo et Mishima. L'a-t-il publié, finalement ?

Je me souviens que cela devait paraître d'abord dans une revue que nous devions créer à Tokyo, avec quelques autres collègues et amis. Il y aurait eu de la philo, de la littérature, du reportage, et d'autres choses. Toujours dans l'angle franco-japonais, en jouant avec les distances. Initialement, elle aurait dû s'appeler Papiers Japon. Puis Lignes de fuite lui fut préféré, pour une référence deleuzienne. Moi, je préférais le premier titre.

Je me souviens d'une excellente soirée à discuter de tout cela chez Rolland Thomas, alors directeur des cours de l'Institut et vaguement chargé de piloter administrativement le projet. Beaucoup à boire, et à manger, pas mal d'idées, et des rencontres. Mais il n'y eut qu'une soirée...

Je me souviens encore que les mois ont passé et que rien n'est sorti. On s'était peut-être trop occupé du financement et de l'aspect institutionnel et pas assez de nos propres motivations, de nos propres engagements. Qu'étions-nous prêts à sacrifier ? En temps ? En signaux de synapses devant l'écran blanc ? En téléphone, en sollicitations, en corrections ?...

Bon, j'arrête. Il y a la finale de volley hommes, Brésil contre Italie. Ça promet !


La finale femmes, Chine-Russie, fut exceptionnelle !
Si les Russes eurent le mérite de gagner les 2 premières manches bien qu'étant menées la plupart du temps, les Chinoises, elles, ont eut celui de ne jamais abdiquer malgré ces deux sets perdus sur le fil (28-30!, 25-27, 25-20, 25-23 (Russie à 2 points du match!), 15-12) !
2004-08-30 03:55:30 de Manu

T'as eu de la chance, toi !

J'étais où, moi ? C'était à quelle heure ?
2004-08-30 04:43:39 de Berlol

Je l'ai vue en différé dans l'après-midi, quelques heures avant la finale hommes.

2004-08-30 16:15:36 de Manu


Lundi 30 août 2004. Chenilles poilues et gluantes.

Ce matin, j'ai vu un gros et beau papillon qui venait poser ses oeufs sous les feuilles de notre citronnier. J'ai appelé T. pour qu'elle voit ça. Il fait du sur-place devant une branche, en battant des ailes, puis il s'approche d'une feuille et se pose sur la tranche, si possible près de la base de la feuille. Puis la partie arrière de son corps se courbe, prend la forme d'une demie-lune, s'approche du dessous de la feuille et y colle un oeuf, en moins d'un dixième de seconde. Aussitôt, il reprend son vol et cherche une autre feuille.
Ces minuscules petites boules blanches que l'on trouvait sous les feuilles, c'était donc ça ! Et les chenilles qui nous bouffent les feuilles, c'est quand on n'a pas réussi à trouver l'oeuf et qu'il s'est développé ! Il faut quand même qu'on fasse un minimum de police pour défendre notre citronnier ! Mais peut-on exclure notre arbre, sous prétexte que c'est le nôtre, des cycles naturels auxquels il semble normal qu'il participe ? Il faudrait que le citronnier ait le libre arbitre de décider lui-même s'il veut être notre arbre, et choyé en tant que tel, avec un droit aux belles feuilles bien défendues, avec surveillance vidéo si nécessaire, ou s'il veut rester un arbre commun, indisctinct, que l'on laissera participer à l'éco-système et qui se fera bouffer ses feuilles par des chenilles poilues et gluantes.

Suis retourné à la médiathèque pour continuer lecture de la Quinzaine. Finalement les réponses de Cixous et de Derrida ne m'ont pas follement intéressé. J'ai vérifié un soupçon qui m'était revenu ce matin : dans mon journal du 27, je parlais de Lucot, Hubert Lucot, mais en fait j'avais confondu avec Louis-Combet, Claude Louis-Combet. C'est lui, Claude Louis-Combet, qui se satisfait de l'irréception de ses oeuvres alors que Deguy s'en plaint. Je cite Louis-Combet, que l'on fera bien attention à orthographier comme cela parce que dans la Quinzaine, en corps 36, on a imprimé Claude-Louis Combet, avec le trait d'union mal placé.

"[...] Je dois à l'ignorance des médias et du public, la chance d'avoir pu suivre librement mon chemin d'écriture, sans avoir à me soucier de plaire ni de répondre à une attente extérieure. Si j'ai écrit tant de livres — une cinquantaine en moins de trente-cinq ans — c'est uniquement parce que la nécessité intérieure d'expression et de création ne me lâchait pas.
L'absence d'écho public à mon entreprise d'écriture fait maintenant pour ainsi dire, partie de moi-même. Je n'attends rien. Il m'arrive quelquefois de trouver injuste le sort qui m'est fait. Mais une telle pensée ne s'est jamais installée en moi au point de me blesser ou de m'obséder."
(Claude Louis-Combet, réponse à la question "Pour qui vous prenez-vous ?", La Quinzaine littéraire, n°882, 1er-31 août 2004, p. 10)

Et puis j'ai trouvée passionnante, absolument pertinente la réponse d'Alain Fleischer. Il faudrait tout citer parce que c'est très bien structuré, mais j'y renonce.

"Dans "Pour qui se prend-il ?" il y a, sous-entendu, "Que nous donne-t-il de faux ?", c'est-à-dire, en fait, "Que nous prend-il ?". Et dans "Pour qui me prend-on ?" il y a, sous-entendu, "Que me rend-on de moi qui n'a pas la juste contre-valeur ?". Dans la tournure française, il s'agit toujours de contester la parité des devises entre ce que l'un donne et la monnaie que l'autre lui rend.
Je vois derrière tout cela le thème de la vulgarité. Car qu'est-ce que la vulgarité si ce n'est l'importance excessive que s'accorde à lui-même un individu, le rôle disproportionné qu'il se voit jouer dans la société et dans l'histoire, la supériorité qu'il s'octroie sur ses contemporains, et tous les privilèges qui à ses yeux en découlent naturellement, comme par exemple la priorité, voire même l'exclusivité [...] Même la distinction peut devenir une forme de vulgarité lorsqu'elle distingue trop, de tous les autres, l'individu réputé distingué. La distinction suprême, qu'on pourrait dire
naturelle, et qui se retrouverait dans toutes les classes sociales, et plutôt chez les plus modestes, serait une sorte d'indistinction, seule vraie parade à la vulgarité. Ces indistincts, non vulgaires, sont ceux qui ne se plaignent jamais de l'autre qui se prend pour quelqu'un, et qui ne protestent jamais contre celui pour qui l'autre les prend." (Alain Fleischer, Ibid., p. 19)

Cette pertinence va même jusqu'à l'insupportable. Je ne me vois pas en indistinct, j'aurais trop l'impression d'être un... entubé. Que l'on m'excuse, je ne vois pas d'autre mot qui corresponde à la description d'Alain Fleischer. Se prendre pour quelqu'un en essayant d'être soi, c'est-à-dire essayer de se prendre pour soi et de se faire respecter en tant que tel doit ainsi comporter une dose de vulgarité, un degré de vulgarité dont le premier serait de seulement protester pour avoir le droit d'exister sans être écrasé par les autres...

Au passage, j'ai pu remarquer un grand nombre de coquilles, également réparties dans les réponses des écrivains, ce qui veut dire qu'elles ne sont pas spécialement de leur fait mais plutôt des personnes chargées de les recopier et de les mettre en page. On se demande si la Quinzaine connaît le correcteur d'orthographe... Maintenant qu'il est payant à l'article par le web, il serait bon que l'amélioration technique concernât aussi le contenu.


pour le citronnier, est-ce que ça lui fait du mal d'avoir ces chenilles sur les branches? si ça ne le mets pas en péril, alors pourquoi ne pas les laisser en paix? pour ce que ça vit un papillon...
2004-08-30 17:59:36 de lily

Mardi 31 août 2004. Chaque petit nuage...

Fin du 1280 Âmes de Jean-Bernard Pouy. L'ambiance y est agréable, comme je l'ai déjà dit, mais côté narratif, c'est un peu faible : les parcours ne sont pas très détaillés, les rencontres ne sont pas fouillées, les remarques psychologiques restent au niveau du cliché. Mais ce qui déçoit finalement le plus, c'est la solution proposée pour expliquer l'écart entre les 1280 habitants du Pottsville de Thompson et les 1275 qui restent dans la traduction française...

Un typhon est passé. Ce n'est pas le titre d'un polar traduit du japonais. En fait, il est passé bien au large de Tokyo mais la nuit a été sacrément venteuse. Ce qui n'est pas pour me déplaire. Sauf que... J'avais rangé les plantes sur le balcon pour qu'elles ne soient pas jetées par une bourrasque et ce faisant je m'étais quand même pris l'équivalent d'un seau d'eau en trois minutes ! J'avais remarqué qu'une bâche était mal arrimée sur un chantier de construction voisin. Tirant sur son câble jusqu'à avoir pas mal de liberté, cette bâche à claqué toute la nuit, nous réveillant en sursaut une bonne dizaine de fois. Et l'impuissance totale, encore plus énervante. Du coup ce matin, le vent s'étant calmé, nous sommes restés au lit jusqu'à neuf heures.

Plus tard, sortant pour aller poster un courrier (éh oui, ça m'arrive encore !) et chercher un livre à la médiathèque de l'Institut, j'ai été littéralement étouffé sur place par la chaleur humide d'après typhon. L'impression de devoir déplacer l'air pour s'y faire place. Ma chemise en lin, repassée par mes soins, a été trempée et froissée en moins de dix minutes.
Cela ne nous a pas empêchés d'aller, T. et moi, à Ome (dites "Oh, mais..."), petit bourg aux confins de la préfecture de Tokyo, à une heure et demie du centre par la ligne Chuô. Dans les collines serrées qui précèdent les montagnes à l'Ouest de la capitale, c'est un lieu touristique où l'on va admirer les pruniers au printemps, d'où l'on part en randonnée montagnarde, etc. Nous y venons aujourd'hui pour visiter... un hôpital. Car T. cherche ce qui correspond le mieux à la situation de son père. Rien n'est encore arrêté mais il faut prendre des dispositions et savoir où l'on (lui) met les pieds. Avec la fin du jour, comme on revient à la gare, chaque petit nuage semble un individu qui se défait. Pour cet aller-retour j'ai emprunté Le Cri du sablier de Chloé Delaume, pour l'homophonie. On verra bien... Éh bien, on a vu ! J'avais bien fait attention de ne rien lire sur le livre, ni articles, ni quatrième, ni rien. Juste, j'ai entendu parler d'elle et qu'elle venait de demander sa naturalisation au pays des Sims... Pendant des pages et des pages, je n'ai rien compris, j'ai traversé des phrases superbes, pleines de coq-à-l'âne, d'impropriétés, de métaphores absconses, heurtant parfois un bloc de sens comme quelqu'un qui traverserait un yaourt avec des morceaux de fruits dedans. Les blocs étant assez durs, souvent alexandrins, je me suis dit que le yaourt devait avoir un sens, en plus d'avoir un goût. Jusqu'à la page 29, où là j'ai pigé, suis revenu en arrière pour vérifier, puis reparti en avant... Un peu terrifié de ce qui pourrait bien se passer.

"Afin qu'elle fût victime d'un de ces accidents domestiques auxquels la télévision consacrait moult plages informatives, l'enfant fut laissée cinq jours sur sept sans surveillance de huit à dix-neuf heures. Une cruche diluée grenadine et des assiettes anglaises étaient laissées à son intention sur la table de la cuisine. Étrangement, bien qu'elle fut turbulente, l'enfant n'introduisit jamais ses doigts dans la prise, ne joua jamais avec le fer à repasser laissé allumé, ne se fit aucun gargarisme à l'eau de Javel et n'eut pas davantage l'idée de se défenestrer. Peut-être que la mère en fut désappointée." (Chloé Delaume, Le Cri du sablier, Éd. Léo Scheer, 2001, p. 29)


quel prose!
je viens sur Tokyo ce dimanche, j'espère éviter un autre typhon, mais bon:
septembre au Japon,
imper sur l'ognion (oh la rime pourrave)...
2004-08-31 17:06:48 de lily

Welcome à Tokyo !

Pour quoi y faire ? (si ce n'est pas indiscret)
Et merci pour le souci du citronnier (qui va bien).
2004-08-31 17:11:36 de Berlol

bah des vacances ^^ de 15jours..... I miss Tokyo alors je viens ^^

2004-08-31 17:18:36 de lily

©Berlol, 2004.