Pour la liste de discussion Litor,
Jean-Philippe Toussaint a accepté
notre proposition d'entretien
par courrier électronique, au rythme
d'une question par semaine.
Cette page compilera les questions et
les réponses, semaine
après semaine...
Bonne lecture !
Réponse :
1) La Patinoire. En août 1997, sur une idée de mon producteur, Pascal Judelewicz, les internautes ont pu suivre en direct le tournage de mon film au jour le jour. Trois webcams tournaient en permanence, jour et nuit, sur le plateau, parfois désert, parfois animé. Maintenant, cela semble presque banal, en 1997, c'était révolutionnaire, c'était la première fois que l'on pouvait suivre un tournage en direct. Mais, bon, pour ma part, j'ai suivi l'expérience d'assez loin, étant assez pris |
Le
24 octobre 2001.
Patrick
Rebollar : "Quels sont vos rapports et quelle est, sur 10 ou 20
ans, l'évolution de ces rapports aux instruments d'écriture
que vous utilisez ?"
Réponse :
MACHINES
J'ai toujours eu des relations sentimentales et charnelles avec mes machines à écrire. J'ai toujours écrit
à la machine, me corrigeant à la main, et retapant systématiquement
toute la page pour éviter les ratures. J'ai appris à
taper à la machine en même temps que je commençais
à écrire (pour plus de détails, on peut lire “Le jour
où j'ai commencé à écrire” sur le site
:
De mes premières machines, je n'ai plus beaucoup de souvenirs : il y en avait une petite, orange, mécanique, sur laquelle j'ai dû écrire, avec Gil Delannoi, ce roman qui traite précisément de la question du jour et des machines à écrire : il s'agissait de l'histoire d'un écrivain apocryphe, Louis Alusse, qui se coinçait un doigt dans sa machine à écrire, et qui, après quelques heures de souffrance, paralysé à son bureau, ancré à sa machine, se rendait compte, bien qu'il eût un doigt coincé dans la machine, que rien ne l'empêchait de continuer à écrire... Mais ma vraie première
machine à écrire, ma belle, ma seule, l’unique dont l’évocation
me fait encore aujourd’hui monter aux yeux des larmes (de crocodile),
fut ma grosse Olivetti ET121, ma très chère grosse
Olivetti, si belle, si performante et tellement sophistiquée que
le mode d’emploi, ne la supposant destinée qu’à des
secrétaires ou des dactylos professionnelles, s’adressait
à l’utilisatrice, “ l’utilisatrice doit faire ceci, l’utilisatrice
doit faire cela ...” et moi j’obtempérais, intimidé,
ravi, frémissant, donnant, avec deux doigts, pendant près
de dix ans, le meilleur de moi-même. C’est avec elle, sur elle,
que j’ai écrit La Salle de bain, Monsieur, L’Appareil-photo,
La
Réticence... Où est-elle maintenant, cette chère
vieille grosse ? A l’abandon, j’imagine, au rebut.
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(À suivre...)