Journal LittéRéticulaire de Berlol
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Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Septembre 2008

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Lundi 1er septembre 2008. Sortir par l'œil gauche.

Encore du boulot dans l'appartement à rendre : grand nettoyage du balcon. Je balance des dizaines d'arrosoirs, sur les murs, les bais vitrées, je brosse à fond, c'est très amusant. Mentalement, je me remets au travail intellectuel aussi. (Comme si j'avais jamais arrêté.) T. en est à son 30e carton de livres, contenus triés et notés dans un grand cahier (c'est ça qui prend du temps).
Deuxième courrier mensuel de sélection des Flux Litor envoyés à la liste.

Au téléphone, ma grand-mère chronique son retour de vacances. Une personne de la famille a le ver solitaire. Maintenant sous traitement médical, elle a fait des anneaux mais n'a pas encore eu la tête. Belles expressions ! Dans la voix amusée, le sentiment courant, généralement chez nous, de dégoût, d'avoir cette sorte de bestiole dans le ventre. Plus tard, T. me dit qu'au Japon, on a un sentiment un peu différent, presque amical, pour le ver solitaire. Il protégerait d'autres maladies. Et puis pour les femmes, il aide à maigrir.

Résurgence du débat sur la vitesse de lecture, en commentaires ces jours-ci, repris et arbitré en Lignes de fuite hier. Je crois qu'on est tous d'accord : la vitesse de lecture n'est pas un critère de comparabilité des qualités individuelles (de la lecture ou de la personne) mais une des richesses de la différence personnelle. Pas de top ten des idiorythmes, même si certains journalistes veulent nous en imposer en chroniquant un ou deux ou trois livres par jour. Mais si elle existe, l'idiologie littéraire, réticulaire et non normative, admet des domaines, des liens, des branches, etc., mais pas de haut et de bas pour la vitesse. Ce principe donné, nous savons que les conditions de lecture sont déterminantes (temps disponible, lieux de lecture, qualités de l'environnement comme le bruit ou la luminosité, problèmes personnels, goûts pour un auteur ou un genre), de même que la nature du texte en question (longueur, difficulté thématique ou stylistique) et l'objectif de sa lecture (distraction, passe-temps, étude, fanatisme pour un auteur ou un genre, volonté d'être dans le coup, etc.).
Tout ceci dit, nous savons tous qu'il y en a qui lisent comme des pieds. À qui on ne confierait pas la prunelle de ses lignes. Qui dévorent comme des cochons en salopant toute la beauté du texte, tandis que d'autres s'endorment à tout bout d'alinéa et laissent sortir par l'œil gauche ce qui vient d'entrer par le droit. Dans les rangs de la littérature, ces gougnafiers sont légion et tous ne sont pas fantassins...

« L'émotion, tiens, mets-toi à ma place, c'est bien normal : la phase finale de l'insurrection ! Un coup de genou dans une porte, en prenant garde à ce qu'elle ne te revienne pas dans la figure, quelques paroles solennelles, et en une seconde il y a quelque chose qui s'écroule, qui bascule dans l'enfer devant toi, quelque qui pour toujours se détourne, tu ne le reverras plus que dans les livres ou sur la pellicule dont tremblent les couleurs de paille, et toi tu es là, toi, en équilibre à peine stable sur autre chose qui vient, qui s'impose, qui obéit encore un peu à tes gestes si tu veux bien y accorder l'attention qui convient, si tu ne te laisses pas aller trop vite à l'impatience. Thü te rends compte ? » (Antoine Volodine, Biographie comparée de Jorian Murgrave, p. 108)


Mardi 2 septembre 2008. Christophe Chazelas !

Hier, c'était des arrachages de bois, plinthes, plafonds et sols, un plein camion. Aujourd'hui, on a les machines qui vrombissent gros et s'attaquent aux murs. Ça se passe dans l'appartement voisin de celui que nous venons d'emménager. Juste devant moi, un mètre au-delà de l'écran. Heureusement, T. est en bas à fermer ses derniers cartons, tranquille. Les ultimes meubles à jeter sortiront ce soir (sodaigomi, 粗大ごみ, on a dû acheter 14 tickets, voir vendredi dernier). Nos propriétaires passeront demain après-midi. Dans quelques jours, nous aurons rendu les clés, nous n'aurons plus accès à cet appartement dans lequel, etc., etc. Tout le monde connaît cette sensation, je pense. Et même d'un endroit dont on n'était pas spécialement content, il est possible de regretter en partir, regretter le temps où on y était, tout simplement parce qu'on y a vécu plus jeune qu'on ne l'est maintenant, ou avec quelqu'un qu'on n'a plus ou parce que d'autres événements ont eu leur poids.
Mais bon, tant pis. Et on est tellement content de la lumière au 4e !

J'avais oublié que les Mardis littéraires avaient repris la semaine dernière (j'avais la tête ailleurs). Mais... qu'y (qui) vois-je, à côté d'Olivier Rolin et de Céline Minard ? Christophe Chazelas ! Le vieil ami (même si plus jeune que moi) dont je suis sans nouvelles depuis au moins quatre ans ! Le Christophe dont j'ai mis en ligne IL Y A 10 ANS — j'en reviens pas — une des premières versions de Feu l'artifice, maintenant publié dans la maison qu'il a créée avec une amie, Ariadna de Oliveira Gomes qui publie Ville réelle, si je comprends bien, les éditions Emblée. Ici, la liste des libraires partenaires (puisqu'ils n'ont pas (encore) de distributeur).
Du coup, le Chasseur de lions et Bastard Battle passent au second plan (ils auront leur tour) et j'écoute et réécoute la belle voix de l'ami lointain.
J'imagine que le texte aura changé. Il en parle un peu. Mon édition servira...

« [...] c'est mon premier livre publié parce que j'ai mis beaucoup de temps à prendre en compte l'existence du lecteur. Il y a un moment en poésie où on écrit, on est soi avec le monde en quelque sorte, et puis le jour où on décide de publier c'est tout à fait une autre affaire. Et ça m'a pris une petite dizaine d'années de prendre en compte ce lecteur, de jouer avec lui et cette voix [off] m'y a aidé énormément...» (Christophe Chazelas dans les Mardis littéraires du 26 août 2008)

J'essaye le dernier numéro de portable connu. Il l'a encore. Y laisse un message, avec mon adresse. Moins de deux heures après (j'étais sorti), il y a un courrier de lui. Je reconnais sa patte. Je réponds dans la soirée.
Entretemps, on a déjeuné au Saint-Martin, croisé des collègues à qui j'ai parlé de l'appartement à louer. T. a mis un scotch final aux cartons. Collé les tickets sur les encombrants. Je les ai sortis un à un, du plus petit au plus gros, il a fallu démonter des pieds de table pour leur faire passer les portes, les remonter dehors. Mettre tout ça dans la place de parking du proprio. Déranger Frédéric pour une commode pas commode, qui ne voulait pas passer l'entrée et que T. n'était pas sûre de tenir dans l'escalier.
Après ça, on se tient tranquille toute la soirée...


Mercredi 3 septembre 2008. Impartial (mon œil) et critique (pffuuu...) — l'intérêt.

Enfin ! Les encombrants sont partis, très tôt. Vers sept heures, nous sommes descendus pour voir si tout était encore là, mettre quelques meubles plus près de la rue pour que le service de la mairie les trouve. Et vers 8h30, plus rien. Tout emporté. Sensation d'allègement, de dépossession joyeuse. Restent les deux mètres cubes de boîtes de livres. Je les range dans la grande penderie en attendant que les livreurs arrivent. Pendant que T. dépoussière les murs et cire les sols, je brique les carreaux de la cuisine, démonte, nettoie et remonte l'aérateur, savonne à fond l'évier. À 10h30, les livres partent, ils seront demain matin à Nagoya. L'appartement est vide, hormis quelques sacs plastiques, quelques petits paniers de produits divers, sake de cuisine, eau de Javel, boîte de gants en plastique, etc.
Encore une fois, si ça n'intéresse personne, je répète que ce journal a toujours eu une double fonction : pallier ma mauvaise mémoire du quotidien & accompagner mes lectures et cours. L'une et l'autre ne sont pas toujours à égalité ; le résultat n'est pas toujours hautement littéraire. C'est d'ailleurs précisément la variation permanente du dosage qui en fait, selon moi — un moi dédoublé qui devient observateur impartial (mon œil) et critique (pffuuu...) — l'intérêt.

Ça m'a énervé, ce billet chez Scheer sur Assouline ! C'est rien de le dire. Mais vaut mieux se calmer.
Florent G. (avec qui je devrais m'entendre) m'a répondu  — « [...] Ecrivez un livre sur votre propre expérience [...] » — j'étais mort de rire — comme s'il répondait à une sorte d'hurluberlu qui débarque de la Lune, sans se renseigner ni rien, simplement pour défendre son point de vue dont le fondement est, peut-être sans qu'il le sache : tout vient du livre et y retourne, sous-entendu : le web n'est pour nous qu'un lieu de transit et une caisse de résonance. Sur le site d'un éditeur, c'est normal. Et donc normal qu'il(s) y défende(nt) et promeuve(nt) un autre journaliste tête de gondole.
Allez, sortons courir !

« Entrés en Moravie, les Allemands s’y établissent donc et occupent Ostrava, ville de charbon et d’acier près de laquelle Émile est né et où prospèrent des industries dont les plus importantes, Tatra et Bata, proposent toutes deux un moyen d’avancer : la voiture ou la chaussure. Tatra conçoit de très belles automobiles très coûteuses, Bata produit des souliers pas trop mal pas trop chers. On entre chez l’une ou l’autre quand on cherche du travail. Émile s’est retrouvé à l’usine Bata de Zlin, à cent kilomètres au sud d’Ostrava.
Il est interne à l’école professionnelle et petite main dans le département du caoutchouc, que tout le monde aime mieux éviter tant il pue. L’atelier où on l’a d’abord placé produit chaque jour deux mille deux cents paires de chaussures de tennis à semelles de crêpe, et le premier travail d’Émile a consisté à égaliser ces semelles avec une roue dentée. Mais les cadences étaient redoutables, l’air irrespirable, le rythme trop rapide, la moindre imperfection punie par une amende, le plus petit retard décompté sur son déjà maigre salaire, rapidement il n’y est plus arrivé. On l’a donc changé de poste pour l’affecter à la préparation des formes où ce n’est pas moins pénible mais ça sent moins mauvais, il tient le coup.
Tout cela dure un moment puis ça s’arrange un peu. À force d’étudier tant qu’il peut, Émile est affecté à l’Institut chimique et là c’est plutôt mieux. Même s’il ne s’agit que de préparer de la cellulose dans un hangar glacial bourré de bonbonnes d’acide, Émile trouve ça beaucoup mieux. Certes il préférerait, en laboratoire, participer à l’amélioration de la viscose ou au développement de la soie artificielle, mais il manifeste en attendant que ça lui plaît bien. Ça lui plaît tant que l’ingénieur en chef, content de lui, l’encourage à suivre les cours du soir de l’École supérieure. Une bonne petite carrière de chimiste tchèque se dessine lentement.» (Jean Echenoz, Courir, Paris : Minuit, 2008, p. 10-11)

Sortira le 9 octobre mais on peut déjà se délecter de cette fausse neutralité biographique...

Après notre première promenade libre depuis près d'un mois et un dîner tranquille, Vantage Point (P. Travis, 2008), juste ce qu'il nous fallait. Denis Quaid en dur à cuire — il court aussi pas mal — pour une scène de dix minutes vue et revue sous tous les angles — d'attaque. Le film était sorti le 19 mars alors que nous quittions la France le 14...

commentaires

  1. brigetoun

    on peut déjà  se délecter - oui, merci, et voilà qui me réveille un peu

  2. Alain Sevestre

    Oh, oui, attendre de Courir en octobre.

    J’avais, ces temps-ci, beaucoup de difficultés à venir lire ce que tu écrivais. Beaucoup de ruptures, de pannes. Peut-on changer son signet dans les favoris ? La couleur également — est-on casanier ! — des environs de ton “journal” contrariait parfois.

  3. Berlol

    Oui, je pense qu’on peut fixer le signet (j’espère !). Je voulais attaquer les couleurs des marges mais j’ai été rattrapé par les problèmes de base de données. Sans parler du rangement / déménagement…
    Je vais m’y mettre. je verrais bien une sorte de pastel ton sur ton…

  4. la bacchante

    Attendre octobre pour courir, ça va être long.

  5. Berlol

    On peut toujours courir en attendant, on sera déjà  dans le rythme !

  6. cécile

    Echenoz ! Vite ! Ouaaais !
    J’attendais. J’attendais.



Jeudi 4 septembre 2008. Carte mémoire dans les décombres.

Première journée, donc, d'une vie libre. Ou plus libre qu'avant. Libérée d'un appartement qui nous pesait de plus de six ans de souvenirs plus ou moins bons, dans un cadre qui ne nous plaisait guère (un peu dans les tons marrons du JLR2 avant que je passe aux bleus...). Je n'oublie pas cependant que nous avions été très contents de le trouver, et si près de l'Institut, dans le centre de Tokyo. Plus de six mois auparavant, en 2000, j'avais demandé à la collègue qui habitait ici de me signaler tout appartement qui se libérerait dans cet immeuble ou dans les parages, et voilà que c'était elle qui partait...
T. se remet à un article qu'elle aurait dû finir en juillet, moi au cours sur Dora Bruder.
Déjeuner au Saint-Martin, puis rapide promenade. Jusqu'où ? Comme des prisonniers élargis, nous n'osons pas encore aller loin...

Dans l'après-midi, je vais à la médiathèque de l'Institut pour y lire une bonne heure. Ayant un peu perdu l'habitude de cela aussi, je passe tout mon temps sur un seul numéro des Inrocks (le n°666). J'y note des groupes à écouter, pour découvrir ou voir ce qu'ils sont devenus, comme Chateau Marmont (bof...) ou Deus (mouais...) — à tout prendre, je préférerais encore les Midnight Juggernauts...
J'y note le passage de La Belle Personne, de Christophe Honoré, sur Canal + le 12 septembre — je pourrai peut-être le télécharger avec iWizz, s'il me reste du crédit horaire et si le film est dans la liste des programmes. C'est qu'on ne peut entendre parler d'adaptation de la Princesse de Clèves sans penser à une réponse aux insultes présidentielles...

Un message laconique de Globat me signale un retour à la normale (je n'en crois rien) et me demande si je constate encore quelque chose qui ne marche pas. Sans ironie, au moins apparente.
Après le « We do apologize for the delay » d'un message d'hier, j'ai droit à un « Thanks for your patience » qui fait chaud au cœur... Sauf que tout n'est pas opérationnel : le module de stastitiques StatPress fonctionne de façon erratique et ne donne parfois aucun résultat pendant six, huit ou dix heures, de sorte que je ne peux pas compter dessus pour pister mes visiteurs... Ni — surtout — pour savoir tout simplement si quelqu'un arrive à se connecter aux pages.

Avons loué le film Cloverfield (Matt Reeves, 2008). Courageuse tentative de subjectivité totale dans une situation catastrophique. Alors que le film de monstres, de cataclysme ou de fin du monde se complaît souvent dans une visualisation, une monstration outrancière (et forcément kitch et invraisemblable, quelque part). L'aspect d'un filmage avec petite caméra vidéo restitue tout de même une image de grande qualité et un montage qui, par hasard, serait exceptionnellement narratif. Et pour cette raison supposée, le document serait visionné, sans explication, sans doute dans un cadre militaire, après récupération de la carte mémoire dans les décombres d'une zone précédemment connue sous le nom de Central Park...


Vendredi 5 septembre 2008. Ne manquent plus que les plumes.

On sort, un peu plus loin...
Avec T. chez un docteur de Shinjuku, puis on se ballade entre les tours. Belles et claires perspectives, pas trop de chaleur.
De retour chez nous, T. finit de choisir des illustrations dans son corpus digital des Mazarinades, pour son article. Je retaille les parties exploitables et dispose le tout dans un dossier en ligne. Fini. Elle doit maintenant attendre le rapport de seconde lecture et passer à autre chose.

Pour ce qui est du JLR2, on va atteindre sous peu des sommets de comique... Lisez donc sans rire, je vous en prie (puisque je choisis mes mots pour une lecture sans entraves). Je venais tout juste de poster un message au gars de Globat, au sujet du module de statistiques (ce dont je parlais hier) quand je constate, sur le cul, que tout le journal, y compris mon interface administrateur, a subi un horrible transcodage. Qui rend tout illisible, ou difficilement. En japonais, on dirait mojibake, mais ici pas question de mauvaise lecture des simples ou doubles octets. Juste la continuation de cette incurie qui dure, dure, dure depuis la fin juillet et dans laquelle je suis pris comme dans du goudron (ne manquent plus que les plumes). En effet, il est possible de changer de serveur. Mais il faut commencer par en trouver un meilleur (et comment en avoir la certitude, et pour quel prix), puis y rapatrier les noms de domaines avant de pouvoir bouger le moindre document... On comprend le choix de donner encore sa chance au support de Globat. (Mais en secret, je cherche...)

Location du jour, suivant un conseil des Inrocks qui associait ce film au No Country for Old Men des Coen, mais aussi comme en reprise du filon de mon ire pourpre, There Will Be Blood (P. T. Anderson, 2007) que nous regardons en deux temps (le film dure plus de deux heures trente). Superbe fresque, intense, historique, collante aux semelles et aux yeux comme cette huile tant voulue. Pour nous qui connaissions Giant et Dallas, en voici aussi la protohistoire, le fondement, un des milliers de bons gars qui firent leur chemin sans vraiment aboutir, la glaise de cet American Dream encore tellement vivace (et, pour nous, pour moi tout au moins, insupportable).

commentaires

  1. F

    oui, le passage en UTF-8 c’était assez violent ?

    tu sauvegardes tes bases régulièrement, au moins ?

    question hébergeurs, ovh.com vraiment impec dans l’absence de pannes, la bande passante et la disponibilité mail pour la suivie

    jamais eu à reprocher non plus à infomaniak.ch (50 Go pour 120 euros/an, imbattable), sauf interface un peu plus compliquée pour l’admin

    en gros compter désormais 24h pour la propagation des DNS, mais c’est pas une manip si difficile, suffit d’inscrire les nouveaux DNS (primaire/secondaire) chez le dépositaire de ton nom de domaine (peut rester le même)

  2. Berlol

    Merci pour ces précieuses informations. Faut que je fasse un tour des possibilités, y compris à ma fac.
    Reçu courrier ce matin du “support” évoquant un “glitch” ayant corrompu des bases de données, et ne proposant que de réinstaller soi-même les bases à partir des backups de Globat (d’ailleurs moins récents que les miens)… Sans commentaires.

  3. brigetoun

    le JLR pudique met un temps infini à s’afficher, il suffit d’attendre pour le mériter.
    Perdu mes statistiques aussi, voir si cela améliore mon moral (honte de s’en formaliser)

  4. F

    quand je pense que c’est ton heure poulet-frites… jamais sauvegardé les bases TL aussi régulièrement que depuis qu’on te voit la peine!

  5. Berlol

    C’est gentil. Et puis au moins ça ne sert pas qu’à moi.
    Passé les premiers temps de stress, j’ai fini par m’y faire… Maintenant, j’en profite pour apprendre. Après tout, on est entré dans ce domaine php et SQL avec nos pauvres connaissances Word, Excel et Html. Et aujourd’hui, on voit que la survie de nos données dépend au moins autant de nous que des hébergeurs (Cf. ce que disait Phil l’autre jour sur le fait qu’ils manipulent des grosses quantités de bases de données sans savoir ce qu’il y a dedans, ce qui est sans doute normal). Du coup, je vois que se responsabiliser devant ces risques, ce n’est pas seulement de faire des sauvegardes, mais c’est aussi d’être capable de les réinstaller !… Et là, ce n’est pas gagné à tous les coups…

  6. F

    on apprend, on apprend… on frémit, mais on apprend - la grammaire des DNS c’est pas du tout cuit non plus! ) et leurs histoires utf-8 iso-8859 etc c’est quand même aussi preuve qu’on est encore largement dans la préhistoire

    ceci dit, pour ça que de notre côté on s’est attaché à spip, ça rend ces manips nettement plus simples que dans wordpress ou dotclear (si j’en crois mes petits essais clandestins)

  7. christine

    heureuse de retrouver un JLR lisible, même si le “glitch” lui donnait hier un air plus exotique encore
    … très bien aussi le fond bleu, puisque nous parlons forme : je n’aimais décidément pas le faux bois façon cercueil



Samedi 6 septembre 2008. Et du regret me tendent l'idée.

Par intermittence, j'essaie de comprendre ce qui s'est passé hier dans les bases de données. Il y a du changement Iso-8859 en UTF-8 dans l'air, c'est certain. Mais où, pourquoi et comment ? Et pourquoi cela ne se peut-il rétablir par l'opération inverse ? Et pourquoi ne puis-je plus insérer de japonais ? Autant de questions auxquelles l'hébergeur se garde bien de répondre et qui resteront ouvertes pour aujourd'hui. Si quelqu'un veut se porter volontaire pour m'aider à comprendre...

Que cela ne nous empêche pas d'aller déjeuner au Saint-Martin est une preuve de salubrité mentale, non ? D'autant qu'il fait beau, que les rues sont animées et que le restaurant va fermer pour plus de deux semaines... Nous y retrouvons un couple de connaissances du quartier, eux aussi désolés et craignant de maigrir durant les vacances corses de nos hôtes. Cependant ils les ont bien méritées, ces vacances. Même s'ils ont payé la surcharge carburant au prix fort, alors même qu'elle commence à baisser...
Cet été, en ne partant pas, nous avons économisé près de 400.000 yens (2600 euros) d'avion ! Le cumul des dépenses pour le déménagement n'arrive pas à la moitié de cette somme. Et quelle tranquillité ! (Mais parfois, les images de plages, de chemins de montagne ou de rues parisiennes m'assaillent, et du regret me tendent l'idée — que je ne saisis pas.)

Du regret de bloguer aussi, les problèmes actuels me tendent l'idée... Je me rappelle très bien ma colère naïve (romantique) au début du blog, spip, php et autres, sentant que la complexité croissante des systèmes allait faire perdre leur liberté à ceux qui avaient appris à peu de frais à s'exprimer au moyen de l'html. Des solutions clé en main sont apparues ensuite, redonnant cette facilité d'expression, d'où le boom du blog sur plateforme commerciale. Mais pour ceux qui souhaitent toujours garder leur indépendance, leur autonomie et la propriété de leur production, nécessité impérative de suivre l'élévation du niveau technique, sinon... on se croit à l'abri, ayant cliqué sur sauvegarder, engrangé ses backups... alors qu'on n'y est pas du tout, ce n'est qu'une illusion, le moindre glitch vous bousille tout en une fraction de seconde et dans des proportions incalculables.
Se reliant directement à mes craintes pour l'avenir du stockage du patrimoine littéraire, telles que je les exposais lors du colloque ILF 2005 de Cerisy, je vois maintenant que l'accroissement de la fragilisation des données de la mémoire humaine par le degré de complexité technique même risque bien de devenir un instrument de pouvoir. En effet, la cybernétique mondialisée saura tirer profit des disparitions de données (beaucoup plus facilement que lorsque la tyrannie ordonnait des autodafés — et tout en faisant croire à leur augmentation et à leur disponibilité) pour asservir les masses qui perdront progressivement le contact avec leurs racines culturelles, judicieusement remplacées, d'ores et déjà, par le clinquant global dont Sarkozy, Berlusconi, Bush et Poutine sont déjà les VRP. Possédées en sous-main par des groupes politiques, les marques commerciales deviennent alors vecteurs prioritaires de culture, masquant progressivement les ressources historiques encore et toujours bien réelles, masquant bien sûr qu'elles masquent ce qu'elles masquent (pourrait dire Meschonnic), jusqu'à ce qu'une génération — puis deux, puis trois... — ait été entièrement bâtie de ces artifices, le cerveau entièrement rempli de publicité dans laquelle le vocabulaire est intégralement recyclé, art, beauté, littérature, intelligence, amour, etc., n'ayant plus que le sens que les marques et les réseaux cybernétiques leur ont forgé. De sorte que du passé, rien ne sera détruit mais que (l'accès à) tout aura disparu. Non qu'il soit interdit mais partout remplacé, dans les chemins des réseaux, par les leurres des marques commerciales et des groupes de pouvoir.
— Hein ? Qu'est-ce que vous dites ? C'est déjà comme ça ? Et personne ne me lit ? Ah !...

Nous avons loué Charlotte Gray (2002) et c'est une erreur. Rien à en sauver. Sauf qu'on aimerait bien aller faire un tour dans le village de Saint Antonin Noble Val (où le film a été tourné, en quasi-autarcie, d'où son aspect conte de fée...).

Ce soir, grève d'écriture. Au lit avec Jorian Murgrave...

commentaires

  1. brigetoun

    cela nous vaudra l’impression grisâtre d’être résistants - et le soucis de la sauvegarde.
    Vous y ajoutez le choix judicieux et intrigant des titres de billet

  2. F

    puisqu’elle a l’air partie sur les chemins de Corse ou dans les rues parisiennes,signaler que le robot Heritrix, à la BNF (qui obéit au gdoigt et à l’oeil de la personne mentionnée ci-dessus), a pour fonction 1 de créer cet archivage sur un nombre significatif de blogs et sites sélectionnés par discipline, 2 de rendre pérenne cet archivage

    plus leur rachat des octets d’archive.org pour la période 1997-2002

    ainsi, pour ma part, base plantée de tumulte.net avec 400 photos effacées de mes disques par erreur, reste consultable…

    n’empêche que le problème que tu lèves est considérable : et qu’on peut aussi se dire qu’on apprend un art de l’éphémère, comme le théâtre ou la danse, et que c’est peut-être bien aussi pour ça, que la littérature a sans doute beaucoup à apprendre à ne pas se vouloir accumulation permanente de ses propres agissements

    et note pour Brigetoun la résistante : Berlol n’a aucun mérite dans l’invention de ses titres, il les copie dans ses propres billets!

  3. Manuzik

    Je trouve en effet très pertinent l’idée que la complexité technologique d’un format de données va à l’encontre de la persistance des données qu’il contient.

    Rien de plus simple que d’ouvrir un fichier texte sauvé il y a des dizaines d’années, alors que pour un fichier sauvegardé sous un traitement de texte disparu du marché ou même une vieille version de Word, c’est une autre paire de manches. De même pour les supports de stockage. En bref, il faudrait convertir et transférer régulièrement vers les formats et les supports les plus récents toutes les données que l’on souhaite conserver. Au bout de quelques années, cela devient bien fastidieux !

  4. Philippe De Jonckheere

    Berlol n’a aucun mérite dans l’invention de ses titres, il les copie dans ses propres billets!

    J’ai mis très très longtemps à m’en apercevoir, du coup je ne suis pas très sûr que ce soit une bonne idée de vendre la mèche, parce que le jour où on s’aperçoit de l’astuce, on a le sentiment de franchir une étape, ce dont tu prives Brigetoun.

    Amicalement

    Phil

  5. F

    oh, Brigetoun voit tout bien mieux que nous!

  6. christine

    comme c’est gentil de vanter mon travail F ! … même si je ne suis pas partie sur les chemins de Corse (j’aimerais bien pourtant, car les rues parisiennes sont bien automnales !)

    pour nuancer ta description enthousiaste, le robot est déjà un peu trop intelligent pour (m’)obéir au doigt et à l’œil, et pas encore assez pour déjouer les pièges tendus pas quelques webmestres facétieux qui aiment à semer le désordre (suivez mon regard !) ; et puis il y a les contingences : ainsi j’étais très fière lors de la dernière collecte, fin août, d’avoir ajouté in extremis la nouvelle url du JLR2, mais il s’est empressé de tomber en panne justement cette semaine-là !

    je note avec plaisir que, sous l’influence peut-être de Volodine, Berlol s’essaie à la SF ; mais pourquoi tant de pessimisme : demain sera peut-être pire, mais après-demain pas forcément … et les archives du robot ne seront peut-être pas lues que par mes araignées !?

  7. christine

    les araignées
    (la fonction prévisualiser me manque !)

  8. Berlol

    Pour les titres, cela avait déjà été remarqué il y a fort longtemps et au moins deux fois. Mais on fait des découvertes à tous âges…
    Neuf fois sur dix, je le prends tel quel dans le texte. Mais il arrive parfois que rien ne me satisfasse pour faire titre. Je modifie alors dans le texte, pour avoir le titre. Voilà, vous savez tout.

  9. christine

    m’inspirant de ta pratique exemplaire, je pique les titres de mes billets dans les citations que j’y fais… je ne vais tout de même pas jusqu’à les modifier, mais il m’arrive de choisir la citation pour faire un beau titre

  10. F

    continue de penser que la mise en place de brother Heritrix est une pièce vitale du puzzle, et vu ce que représente notre langue à l’échelle de Google ou Windows ou autres mondialisations du Net, une fonction décisive de mémoire : justement mémoire d’un ensemble en mouvement, pas les sédiments tranquille pour futures ammonites de la naissance de l’ère web - pour les araignées, voir histoire de Cortazar dans “Cronopes et fameux”, l’histoire de la patte d’araignée offerte à un ministre dans “merveilleuses occupations” (je l’aien numérisé, mais ne veux pas encombrer trop Berlol)

  11. Berlol

    Suis allé vérifier dans les pages BnF comment tout cela se prépare.
    http://www.bnf.fr/pages/zNavigat/frame/infopro.htm?ancre=numerisation/num_spar.htm

    Si je comprends bien, les pages JLR et maintenant JLR2 sont archivées dans le cadre du projet SPAR ?
    Je vois qu’il serait capable “d’anticiper les recopies avant la perte définitive”… Fabuleux !
    Là aussi, on est en pleine SF, pour moi.
    Comment se fera la “mise en exploitation” début 2009 ?

  12. karl

    aaah l’archivage, la fragilité numérique. Cela va réveiller mes doigts :)

  13. Berlol

    Allez-y, Karl, refaites vos gammes ! Je sens que ça va m’intéresser…

  14. christine

    ma répugnance à mêler privé et public fait que je ne pratique pas beaucoup la « communication non institutionnelle » à laquelle pourtant ma hiérarchie m’invite, sur ce beau projet qui pourtant occupe une grande partie de mes journées et auquel je suis très fière de participer … mais en deux mots (et demi) :

    ce n’est plus de la SF, et cela ne se « prépare » pas seulement : les archives du web sont d’ores et déjà consultables depuis avril dernier (il me semble d’ailleurs que je t’avais proposé en mai une visite guidée, mais ton séjour était déjà overbooké : ce n’est que partie remise) sur quelques postes, et bientôt sur tous les postes des salles de la bibliothèque de recherche (allias rez-de-jardin) de la BnF

    l’idée de départ est que les ressources d’internet sont tout aussi dignes d’être sauvegardées dans une mémoire collective nationale (une sorte de « dépôt légal » du web) que celles du papier : dans ce but , la BnF conduit depuis 2001 (en collaboration avec Internet Archive et un grand nombre d’autres bibliothèques nationales) diverses réflexions et expérimentations (auxquelles je me suis associée dès le début) et depuis 2005 collecte effectivement l’internet français.

    devant l’ampleur (ce n’est rien de le dire !) de la tâche, le modèle retenu à la BnF est assez pragmatique, il me semble, car il mélange deux approches :
    1. la meilleure façon d’archiver le plus de contenus possibles est de rendre la collecte automatique : c’est le rôle de « sister » Heritrix (F, c’est une fille, « celle qui hérite » dans le latin de cuisine des californiens et des suédois qui ont programmé son code source) qui, de liens en liens, aspire (une fois par an seulement pour l’instant) la plus grande part possible du web français
    2. mais cette approche automatique présente l’inconvénient de privilégier la notoriété des sites : une équipe de bibliothécaires humains (trop humains !) est donc chargée de corriger ce défaut en fournissant au robot, pour la discipline dont ils sont chargés, des listes d’urls proposant des contenus intéressants, que le robot est chargé de collecter de manière plus « profonde » (pour ma part je suis chargée de la liste concernant la littérature française contemporaine, et de coordonner le travail d’une dizaine de personnes concernant les sites de littératures, arts, histoire du livre, et.)

    puisqu’il s’agit d’un « dépôt légal », le JLR, qui n’est pas publié sur le sol français, n’était pas a priori concerné, mais nous avons obtenu l’autorisation d’inclure des sites francophones intéressants même publiés à l’étranger ; c’est ainsi que le JLR est archivé depuis 2005, et de manière assez complète me semble-t-il ; ceci dit, si cela te désoblige de faire partie de cette mémoire, tu es en droit, en tant que ressortissant étranger, de demander à ne plus être collecté

    voilà c’est un peu long pour un commentaire mais un peu court pour présenter complètement les choses

    voir aussi là :
    http://www.bnf.fr/pages/zNavigat/frame/collections.htm?ancre=archives_internet.htm

  15. phil

    de l’art de se prendre à la toile et de rester invisible à l’araignée

    rassurant de savoir la spider électrique aussi volatile que soi :)



Dimanche 7 septembre 2008. Réfléchis au rêve livre en main.

Quand je parlais de la titanicité de l'édition française, c'était avant de visionner la nouvelle émission soi-disant littéraire de France 5, la Grande Librairie. Il peut (et pourra) toujours arriver qu'il y ait de bons moments, comme dans cette première du 4, lorsque Régis Jauffret parle de son travail, mais le nom même de l'émission la situe du côté du bateau qui coule et des tiroirs-caisse qui sonnent encore. Sous prétexte de littérature, tout le discours est orienté vers la vente des livres. On me dira que c'est nécessaire, pour qu'ils soient lus. Je répondrai que non.
Quand François Busnel déclare qu'il n'y aura pas de chroniqueurs dans cette émission, on ne peut s'empêcher de penser au parti pris de Frédéric Taddeï pour Ce Soir ou Jamais, et aux critiques qu'il encourut pour ce choix, il y a deux ans. Le champ comparatif étant ouvert, j'aperçois tout de suite que le taux d'interruption de la parole des auteurs par Busnel (pour rendre l'émission plus rythmée, plus agressive, plus marrante ?) est très supérieur à celui de Taddeï, ou à celui de Frédéric Ferney dans feu le Bateau-Livre... (Malaise, tout de même quand Jauffret fait l'éloge de Marc Lévy sous prétexte qu'il fait au moins lire des gens...)
Le groupe Hachette Livre pourra-t-il colmater le bateau avec les entretiens vidéo de la Rentrée Littéraire 2008 vue par Michel Field ? Rien de moins sûr... Toutefois, il est remarquable qu'au moment où Constance dévoile (à peine) la tentative avortée d'un éditeur (Zulma), un groupe majeur du papier imprimé lance quelque chose d'ambitieux dans le numérique, avec site web 2.0, pdf de premières pages et vidéos encapsulables sur d'autres sites, etc.

Cher Jean-Claude, j'ai oublié quelques jours de t'aller lire. Tu auras compris pourquoi en lisant mes précédents jours. Mais je suis fidèlement repassé par chez toi aujourd'hui et y ai lu que tu venais d'entamer ta dernière année d'enseignement. Comme toi peut-être, je suis pour toi partagé entre la joie et la tristesse. En finir, c'est être débarrassé de bien des charges, de l'emploi du temps et des responsabilités, mais c'est aussi perdre des relations, de l'activité, l'idée d'une mission, même si l'on n'en est plus convaincu. Comme tu le suggères, tout dépend de ce que l'on envisage pour après, de comment on s'y prépare. Je te la souhaite donc encore enrichissante, cette année scolaire !

Tellement bien chez nous (en attendant que la folie des activités sociales reprenne) que nous n'avons pas mis les pieds dehors. En fait, nous voulions sortir vers cinq heures, nous étions prêts mais un nouvel orage nous en a empêché.
Tant qu'à regarder un conte de fées, le soir, autant en prendre un vrai — Big Fish (Tim Burton, 2003) — plutôt que la pseudo-réalité romancée de Charlotte Gray hier. Sur fond de réconciliation père-fils, un film d'une belle cohérence (par ailleurs, suis toujours heureux de voir Steve Buscemi...).
Par ailleurs, je réfléchis au rêve livre en main, pour un possible exposé bientôt... Et pour ça aussi, je lis lentement (merci à Anne-Sophie d'avoir repris le thème).

«— Qu'est-ce que vous savez de nos méthodes ? La censure n'a pas autorisé la moindre ligne sur ce qui se passe à Kostychev.»
Le biologue haussa les épaules. À vrai dire, maintenant que le pouvoir avait fait appel à lui, il ne se préoccupait pas de ménager la susceptibilité des hommes des brigades.
« Il n'y a pas besoin de lire la presse pour savoir, dit-il. Les méthodes pratiquées ici jusqu'à présent, c'est à peu près comme de vouloir ciseler une bague avec une hache.»
Il y eut quelques secondes de silence lourd.
« Si vous voulez, dit le biologue, nous pouvons alterner les séances d'interrogatoires. Tantôt dans les sous-sols de la prison, tantôt dans les laboratoires. Mon équipe se chargera du travail en laboratoire.»
Le dirigeant de la section spéciale se leva de la chaise où la mauvaise humeur l'avait jusqu'ici écrasé. Il n'était pas en position de force.
« Bon, on fera comme ça, dit-il. Vous avez une idée de ce que ça pourra donner ?
— Nous allons modifier sa mémoire et y semer la confusion : il va être obligé de fuir le long de ses souvenirs, en les reconnaissant de plus en plus mal. Il va se réfugier dans ses rêves ; c'est là que nous allons essayer de le contrôler ; ses cauchemars et la réalité formeront un labyrinthe dont il ne sortira pas.» » (Antoine Volodine, Biographie comparée de Jorian Murgrave, p. 118)

commentaires

  1. Alain Sevestre

    Non, ça déconne ou bien le lien. Mais, vois, en copier-coller sur quoi on tombe en s’essayant à la “titanicité”.

    Berlol.net

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    !!!!!!!!!!!!!!!!

    Merci pour Volodine.

    Quant à Marc Lévy et consort, ils sont bien à la télé.

  2. Berlol

    C’est réparé, Alain, merci. Encore un coup de l’éditeur visuel !
    D’accord avec toi pour Lévy, mais défendu par Jauffret, tout de même, ça fait froid dans le dos !…

  3. christine

    je viens de regarder l’émission de Busnel : Jauffret n’y fait pas l’éloge de Marc Lévy ; il dit qu’il ne l’a jamais lu, mais que lire des histoires seul avec un livre est chose importante, même si le livre est de Marc Lévy, c’est un peu différent (et je suis entièrement d’accord) … quant à Busnel, je le trouve agaçant, mais pas davantage de Ferney !

  4. Berlol

    Oui, j’ai fait un raccourci. Mais pour moi, c’est la même chose. Dire que lire, même des merdes, c’est bien parce que ça fait lire, j’appelle ça de la démagogie. Que l’école fasse bien son boulot et tout le monde saura lire “seul avec un livre”, ça c’est une chose. Depuis des siècles, il y a des gens qui lisent des tonnes de livres, et parfois toute leur vie des mauvais livres, cela n’en a pas fait des gens intéressants. Je crois que “lire des livres” n’est absolument pas une garantie d’intelligence, de finesse ou de culture (ça semble être une obsession chez certains par rapport au monde de l’image… mais je comprends qu’un auteur défende, même inconsciemment, son gagne-pain).

    J’y ferais la différence entre une morale et une éthique.
    Une morale dit que pour le bien d’une société qui tourne sans heurts les gens doivent (savoir) lire, quoi que ce soit, et que ça participe à l’ordre public. On va même leur fabriquer les lectures opiacées qui les fixeront (pendant ce temps, les affaires continuent).
    Une éthique dit que chacun sait choisir ses lectures, est capable de les défendre pour se constituer en tant qu’individu responsable (et combattif), et que si l’autre, qui que ce soit, ne sait pas choisir ses lectures c’est à peu près comme s’il ne savait pas lire du tout.
    Mais tu vas dire que j’exagère et que je provoque…

    Pour Ferney, tu voulais dire “pas davantage que Ferney” ?

  5. Anne-Sophie

    Bonjour,
    j’ai également regardé cette nouvelle émission. J’ai pensé qu’il y avait une part de provocation de la part de Régis Jauffret et pas mal de démagogie également. C’est antithétique ?
    Quant au titre même de l’émission, il marque le désir de faire acheter des livres : la grande librairie, ce n’est pas innocent !
    Quant au fond du problème : lire pour lire, n’importe quoi pourvu qu’on lise… c’est un vaste débat… Etant prof, je me pose souvent la question de savoir s’il vaut mieux qu’un élève lise peu mais des livres enrichissants ou beaucoup de livres faciles, inutiles… Plusieurs fois, j’ai eu des discussions avec des documentalistes avec qui je travaillais sur des projets lectures. Je refusais que les élèves lisent des “J’aime lire” ou une revue de sport ou de chanteurs en 6ème lorsqu’il s’agissait d’un travail de lecture, à présenter devant la classe. Elles ne me comprenaient pas estimant que pour donner envie de lire, il faut laisser l’enfant aller vers ce qu’il aime. Elles n’avaient pas tout à fait tort, et cependant, c’est à nous, éducateurs, professeurs, etc, de leur donner envie de découvrir des livres qu’ils n’auraient pas eu l’idée de lire, de se confronter à la difficulté…

  6. christine

    que Ferney, oui

  7. Hachette, Numilog et l’accès « amontour

    [...] prend le marché numérique du livre en compte. Livres Hebdo en rend compte ces jours-ci. Berlol le note également. Au printemps, le Groupe de Lagardère a déjà racheté Numilog, libraire électronique [...]



Lundi 8 septembre 2008. Des mangas récupérés dans les poubelles.

Pour T. et moi, c'est aujourd'hui le 13e anniversaire de notre rencontre. On ne fait rien de spécial. Demain, peut-être. Ça faisait des mois qu'on rêvait de ces tranquilles journées de recherches. On les a, on les tient. C'est déjà ça, notre cadeau.

Hier soir, nous avons enfin compris pourquoi il y avait des tortues dans le déversoir d'Iidabashi, entre les anciennes douves et la rivière Kanda. Je ne l'ai pas dit ici, mais nous y allons voir un peu tous les jours. Aujourd'hui encore, vers 17h30, nous y avions rendez-vous pour compter les tortues visibles. Les compter, les observer, noter leurs relations avec une aigrette, avec une ou deux carpes qui font semblant de manger des feuilles, sans doute des transmissions air-mer. Tout cela a été bien utile pour l'effort de conceptualisation que nous avons dû fournir hier soir. T. a fermé Vingt ans après qu'elle est en train de relire, moi Jorian Murgrave. Un des nounours à la tête du lit nous a demandé une histoire de sorcière et j'ai commencé à dire — je venais de le comprendre — que la vieille femme qui habitait notre immeuble il y a encore cinq ans et que nous avions revue pendant deux ou trois ans installée dans la pente de la gare à vendre des mangas récupérés dans les poubelles était en réalité la coordinatrice d'une vaste opération de cartographie souterraine de Tokyo. En fait, une re-cartographie, car les pouvoirs en place ont subtilement retiré de la circulation les anciennes cartes des égouts, canaux, canalisations et autres conduites et les ont remplacées par de vulgaires schématisations devenues inexploitables pour les services de la voirie, a fortiori pour un groupe subversif projetant des actions éclair sur des objectifs stratégiques. Équipées d'émetteurs et de minuscules caméras infra-rouge, les tortues ont mission, sous prétexte de pondre des œufs ou je ne sais quoi, de parcourir toutes les voies souterraines, d'en indiquer la largeur en se déplaçant latéralement à l'entrée de chaque nouvel orifice, d'y rester assez longtemps pour identifier la nature et la fréquence des flux qui transitent (eau, air, gaz, merde, etc.). En cas de rencontre fortuite, le mot de passe est dao ke dao fei chang dao, toutes le savent par cœur... Elles reviennent ensuite à la base anodine du déversoir, tout près des humains robotisés drogués stressés et aveugles, et rendent compte à la vieille clocharde qui peut ainsi rencarder les commandos en glissant les cartes ou les coordonnées géographiques des objectifs dans les mangas. Par exemple : un type en cravate passe, pointe un vieux Doraemon à cinquante yens et la vieille lui transmet ainsi la mise à jour des canalisations d'eau du nouveau sous-sol de Marunouchi...
On s'est endormi avant d'aborder la question de l'absence de la vieille depuis plus de deux ans. Mais c'est peut-être pour ça que les tortues sont devenues plus visibles et que des biffins comme nous les avons repérées. Ou alors elles font diversion en surface au nord du Palais impérial pendant que la vieille sape les canalisations du côté de Roppongi.

Sinon, il y avait de très beaux textes de Dominique Quélen sur Remue.net.

commentaires

  1. brigetoun

    une explication d’une exactitude évidente

  2. Manu

    Et bien je vois qu’on s’amuse bien pour le 13ème anniversaire ! Ça me rappelle que dans un mois, ce sera mes 10 ans au Japon. Dire que j’en revenais pas quand tu m’en avais annoncé 7 alors que je venais à peine d’arriver.

  3. Armelle Domenach

    Un Doraemon, c’est… un texte humoristique sur la persécution, la torture ou je ne sais quoi ?

  4. christine

    très bel essai de “littérature des poubelles” en hommage au maître !

  5. Berlol

    Eh oui, Manu ! le temps passe, on s’installe, etc.
    Pour Doraemon, j’ai cherché une image limite, en l’occurrence en chinois. Sinon, c’est un gentil personnage qui sort n’importe quoi de sa poche ventrale pour aider…
    Voir ici :
    http://dora-world.com/index.html
    http://fr.youtube.com/watch?v=hVzDk3X2W7c

  6. dominique quélen

    Merci pour votre aimable petite remarque finale ! (Travail en cours dans lequel j’avance moi aussi comme une tortue - qui, bien souvent, ne bougerait même pas…)
    De mon côté, je lis régulièrement et depuis pas mal de temps votre blog (qu’il me semble bien avoir découvert grâce à Alain Sevestre), même si je n’y interviens pas, et outre que j’y apprends des tonnes de choses, j’y lis des réflexions de haute volée - ce qui est toujours bon à prendre - et aussi l’agrément de la curiosité quotidienne. (Ceci sans que ce soit “passez-moi la rhubarbe, je vous passerai le séné”…).
    Et puisque vous évoquez remue.net, on y trouvait, un peu avant, un texte fort de Martine Drai - qui devrait devenir un livre m’a-t-elle dit.
    Cordialement.



Mardi 9 septembre 2008. Pitance dans les mailles.

« Les 676 romans de la rentrée ne doivent pas faire illusion, l'exil de la littérature n'est pas une menace en l'air. On le constate tous les jours, la littérature, enfin ce que nous appelons ainsi vous et moi, est purement et simplement marginalisée par la marchandisation du livre qui a désormais le plus souvent le dernier mot. Avalez deux Lexomil et allez voir ce qui se vend dans le relais le plus proche, vous m'en direz des nouvelles.» (Alain Veinstein, en introduction à l'excellente émission Surpris par la nuit avec Hélène Cixous hier soir)

Je donne raison à Alain Veinstein, sur le principe. Sauf que... j'ai l'impression qu'il n'a toujours pas appris à aller chercher sa pitance dans les mailles du (litté)réticule — (dans les allées d'un Salon du livre, il y a quelques années, il m'avait confié, pour se débarrasser de moi, qu'il n'était pas très intéressé par l'internet). Si je ne le connaissais pas, je penserais, l'écoutant dire cela, qu'il lui manque une case, qu'il est handicapé du réseau. Parce que franchement...

Déjeuner à la Trattoria Toï, mes spaghettis parfaitement al dente et à la tomate.

En revenant, longue séance d'observation du déversoir. Dans la partie haute, repérons ce qui se révèle être une tête de tortue, mais énorme et se tenant presque verticalement et immobile dans l'eau saumâtre. Ne sortant que le nez et n'expirant que bulles éparses, toutes les trois minutes. Très étrange. Au vu de la tête et de ce qu'on aperçoit vaguement du haut du corps, elle doit faire au moins soixante à soixante-dix centimètres de long. C'est-à-dire peser au moins trente kilos. Ça doit être la tortue-en-chef de l'escouade.
En tout cas, elles ont encore du boulot pour les lendemains qui chantent, parce que des tortues esclaves, ça n'est pas ce qui manque, même lorsqu'elles sont comme des coqs en pâte.

À la médiathèque de l'Institut dans l'après-midi pour emprunter des Volodine (je les ai au bureau mais c'est à 350 km...). À propos, il vient de recevoir une bourse d'écriture dont il est cette année le seul récipiendaire, les autres dossiers n'étant apparemment pas à la hauteur... Merci à Christine pour l'image du Livres Hebdo n°744, 5 septembre, p. 62 — preuve supplémentaire, s'il en fallait, que ce qui est dans le magazine n'est pas intégralement repris sur le site web.

C'est une autre Christine, bien présente à Tokyo quoique revenant du Canada hier, qui me surprend un Technikart en main (je vous rassure, je n'avais pas encore eu le temps de lire l'article sur le film de Houellebecq...).
Allons prendre un café (elle) puis finalement elle vient voir notre petit nid.

Après son départ, sortons pour une course de cinq minutes. Et revenons une heure et demie après, ayant poussé la marche jusqu'à Korakuen pour faire provision d'umeboshi au supermarché Seijo Ishii.
Pendant que T. bulle sur le lit, je regarde Un Week-end sur deux, le premier film de Nicole Garcia (1990), d'une grande maîtrise pour un sujet casse-gueule. Ça me fait repenser qu'il y a en ce moment une rétrospective Doillon à l'Institut et que je n'ai absolument pas envie d'y aller...

commentaires

  1. DM

    Dans un autre genre, mais sur le livre aussi et aussi chez Veinstein, Quignard disait l’autre soir de fortes choses :
    http://jamaisje.blogspot.com/2008/09/le-plomb-la-plume.html
    Amicalement.

  2. Berlol

    merci, Danièle. Je ne l’ai pas encore écouté mais je m’en réjouis déjà. J’ai du retard dans les “Du jour au lendemain”…
    Il ne faut pas baisser les bras, en effet, devant la vulgarité et l’analphabétisme présidentiel. La carte postale avec “Casse toi pov’con” peut être une autre solution, financée par l’Elysée…
    Même Phil le dit : avec Sarkozy, on risque même de regretter Giscard. C’est dire !

  3. vinteix

    Même si en effet, Veinstein a tort de ne pas profiter du net (a-t-il changé depuis ? je n’en suis pas sûr…), je crois que dans ses propos sur “l’exil de la littérature”, il parle des oeuvres, des textes, et non d’un abandon de l’intérêt pour la chose littéraire…
    or, dans les liens de ton “franchement” (les flux litor, pour ne pas les nommer), trouve-t-on véritablement la “pitance” littéraire en question évoquée par Veinstein ? alors que dans la majorité des cas (pas tous, mais presque), les auteurs mêmes de ces sites intitulent leurs textes “blogs”, “notes”, “bloc-notes”, “billets”, “remarques”, etc….
    ce qui, à mes yeux, peut-être aveugles (?), s’apparente plus à des carnets, des brouillons, des notes, qu’à des oeuvres ou textes “littéraires” tels qu’évoqués par Veinstein… même si là-dedans, il y a aussi, bien sûr, de la littérature… (un peu à la manière des “Papiers collés” de Perros)… et d’ailleurs, un très grand nombre de propos, voire des billets entiers, sur des livres publiés…

    Alors, certes, dans ces billets, il y a beaucoup de littérature, on y parle beaucoup de littérature, mais à faire un tour d’horizon de ces liens, dans l’ensemble, sauf quelques exceptions, on peut les réunir sous le terme générique de “notes” (pas du tout méprisable, bien au contraire… mais force serait alors de constater que c’est le “genre” dominant de la littérature actuelle dans le net ?)
    C’est un peu comme si on considérait sur le même plan les textes publiés et les carnets de notes d’un certain nombre d’écrivains, parfois publiés posthumes, car jugés d’un intérêt second par leurs propres auteurs… (même si certains de ces carnets ont en effet une “valeur littéraire” indéniable : Kafka, Cioran, etc.)

    Propos lancés un peu comme un questionnement (pas vraiment nouveau…)… et qui me font dire au final qu’on aurait tort de nier le net, comme de l’opposer à l’édition traditionnelle, qu’on le juge négativement et débilement comme une “poubelle” ou au contraire dans un éloge comme “le salut”…

  4. Manu

    Au premier coup d’oeil sur la deuxième photo, j’avais cru à un dessert, genre mousse au chocolat avec un peu de garniture/déco !…

  5. Berlol

    Manu, tu travailles trop… ou tu vois du chocolat partout ! Heureusement, on peut agrandir.

    Cher Vinteix, je comprends ce que tu veux dire. Je continue à aimer les grosses œuvres bien mûries et bien bouclées mais c’est vrai que pour moi la définition de la littérature comme “écriture qui me fait quelque chose” passe de plus en plus par le fragment, l’oeuvre ouverte, et n’attend pas nécessairement les sceaux de la reconnaissance par une grande maison d’édition.
    Par ailleurs, les pistes des Flux Litor (le site Netvibes dont la sélection qui apparaît ci-contre n’est qu’une très faible partie) mènent aussi à des livres en papier qu’il est possible d’acheter en librairie, mais ce ne sont pas souvent ceux que toute la presse vante.
    Enfin, Veinstein réussit toujours à avoir autant d’excellents écrivains dans ses émissions, ce qui fait qu’on est en droit de se demander quelle pose il prend en évoquant un “exil” et une “menace”…

  6. vinteix

    Tout à fait d’accord sur l’”oeuvre ouverte”, ce qui est d’ailleurs pour moi une des définitions possibles d’une oeuvre qui me parle, fût-elle “bouclée”, comme tu dis, je veux dire achevée / inachevée par l’auteur avec un point final qui la renvoie à la dépossession et aux autres…
    Cela n’a bien sûr rien à voir avec les grandes maisons d’édition…
    et d’ailleurs, depuis très longtemps maintenant, Veinstein n’est pas un représentant desdites maisons et défend des littératures “en marges” ou “mineures”, à commencer par la poésie (”la p’tite” de l’édition), ou des auteurs de premiers livres, totalement inconnus (il en reçoit toujours régulièrement dans “Du jour au lendemain”)…
    Ce n’est pas non plus tellement la question du fragment - je lis, moi aussi, beaucoup d’oeuvres “fragmentées” ou “fragmentaires” (à commencer par Nietzsche ou Blanchot…)

    “L’exil” dont Veinstein parle est donc bien lié à la masse la plus visible du monde éditorial, de plus en plus soumis à la marchandisation…
    Mais le fait est, bien sûr, qu’il y a aussi d’autres choses, dont il est bien conscient…



Mercredi 10 septembre 2008. Débrouille dans les interstices.

« L’I.S. se bâtit volontairement sur le mode du légendaire et du mythologique : seule la rumeur persistante de son existence séditieuse devrait assurer une activité de propagande efficace dans la perspective d’une révolution libertaire à venir.» (Alexandre Trudel, « Entre Écart absolu et passages : la difficile rencontre surréaliste-situationniste », in Acta Fabula le 8 septembre, recension de Jérôme Duwa, Surréalistes et situationistes, vies parallèles.)

Didier Da Silva avoue : « J'adore l'Odyssée mais l'Illiade m'emmerde.» Cent pour cent d'accord avec lui. (Ai juste modifié les majuscules.)

« [...] s'appeler Michel Houellebecq en France, à l'heure actuelle, ça coupe beaucoup de choses, hein.» (dans l'interview pour Technikart du mois, lu cet après-midi) — la faute à qui ? Ce n'est quand même pas nous qui avons écrit ces histoires glauques dans ce style exsangue, qui avons répondu avec tant d'irresponsabilité à tant d'entretiens, qui avons produit ces poèmes et ces chansons d'une platitude à faire pleurer de rire si ça n'occupait pas tant de place dans les magasins et les magazines.
Mais les plis du cerveau n'étant pas défroissables, il n'y a aucune chance pour que nos arguments soient recevables jamais de son côté, ni les siens du nôtre. Pour moi, ce n'est pas de la haine, tout juste de l'exaspération et du désintérêt. Pour la plupart des journalistes non plus, je crois, même s'il y a l'expression d'un défoulement verbal qui amuse de moins en moins (au XIXe siècle, on demandait clairement la tête...) et qui témoigne parfois, aussi, c'est vrai, d'une jalousie — car beaucoup voudraient réussir comme lui avec, comme lui, si peu de qualités.

Nombreux courriers envoyés, aujourd'hui. Des projets en cours à ajuster avec des collègues ou des amis, principalement pour l'automne. Ai aussi fait visiter l'appartement du 2e à un jeune couple franco-japonais qui pourrait bien l'habiter prochainement (ça va se décider sous peu).
Revoyons Tombés du ciel (Lioret, 1994). Outre l'amusement et l'intérêt du film, que nous appréciions déjà, une évidence rend triste cette évocation d'une forme d'humanité et de débrouille dans les interstices de la légalité internationale : l'impossibilité d'un tel propos après le 11 septembre 2001 et le délire sécuritaire maintenant en vigueur partout, en faveur partout, surtout dans les aéroports.

commentaires

  1. vinteix

    100 % d’accord aussi avec Didier da Silva et toi sur “L’Odyssée” et “L’Iliade” (ai juste corrigé les 2 “l”).
    A ce sujet, R.Queneau “classait” les grandes oeuvres en Iliade et Odyssée, les odyssées étant beaucoup plus nombreuses (”Satiricon”, “Divine comédie”, “Pantagruel”, “Don Quichotte”, “Ulysse”…)… mais tout de même Proust est dans “L’Iliade”…
    En même temps, et pour le plaisir, ne résiste pas à citer ce propos de Céline (lu récemment) au sujet de Proust : “Proust explique beaucoup trop à mon goût -trois cent pages pour nous faire comprendre que Tutur encule Tatave c’est trop.”

    Quant à Houellebecq, je serai moins dur sur toute la ligne que toi… certes, ses poèmes et ses chansons sont en effet d’une indigence impressionnante… le personnage m’insupporte assez… ses idées sont parfois proches de la puanteur… néanmoins, il est à mes yeux très symptomatique de l’époque, et même si je n’ai lu que son “Extension du domaine de la lutte” (pas un mauvais livre du tout, dans mon souvenir… et l’on m’a dit beaucoup de bien de “La Possibilité d’une île”, dont le titre en soi ouvre déjà des horizons immenses de méditation-et-de-rêverie…), pour le dire vite, je pense que sa vision des implications profondes du système politico-économique dominant le monde actuel dans l’intimité des vies individuelles (et notamment dans les rapports amoureux et/ou érotiques) est loin d’être inintéressante… son écriture est à placer dans cette perspective-là, me semble-t-il…

  2. brigetoun

    et je croyais penser cela - mais il me suffit de mettre le nez dans l’Illiade pour inverser l’ordre (s’il faut trancher)

  3. Berlol

    Merci pour les deux “l” tapés trop vite, ai rectifié.
    Si on n’a lu qu’”Extension du domaine de la lutte” il est encore possible d’y croire. Le problème étant justement que tu n’as pas lu les suivants. Comme disait à peu près Pierre Bayard, il est plus facile de défendre un auteur dont on est non-lecteur…
    Vous avez raison, Brigetoun, vaut mieux pas avoir à trancher. Mais qu’est-ce qui vous fait changer de bord ? Le lyrisme ? Le sang ?…

  4. vinteix

    De rien pour les deux “l”… au passage, c’est marrant, parce que j’ai l’impression que c’est une erreur (de frappe ou pas) qui revient souvent… et je le dis d’autant que je la faisais souvent naguère (”en frappant” ou pas !)… jusqu’à ce que je me discipline… (enfin, très relativement)

    Pour Houellebecq, tu as raison… ma vue est forcément partielle/partiale… mais quid de “La Possibilité d’une île” ? l’as-tu lu ?
    En même temps, je maintiens qu’il décrit avec une certaine acuité l’époque contemporaine (acuité à la fois féroce, mordante et délibérément désenchantée, mais tels me semblent, à bien des égards, cette époque et notre monde actuel)…
    maintenant, l’écriture ne serait-elle qu’une description du monde ? ou bien un pas au-delà (quel qu’il soit) ? c’est une autre (et vaste) question…

    Amicalement
    V

  5. Berlol

    Oui, j’ai presque tout lu de lui, mais pas pu finir La Possibilité d’une île, me tombait des mains. Il décrit l’époque, tu dis… Parce que tout le monde serait condamné aux névroses et aux impasses qu’il met en scène comme des destins inévitables. C’est surtout cette malhonnêteté-là qu’on lui reproche — et qui n’est même pas malhonnête puisque c’est ce qu’il pense naïvement
    Parce qu’en myope total, il accuse les contestataires des années 60 et 70 d’être responsables des situations (de merde de ses personnages) d’aujourd’hui, sans voir que c’est plutôt à cause de ceux qui n’étaient pas des contestataires visibles dans ces années-là que la société est devenue ce qu’elle est, ou n’a pas évolué comme il aurait fallu.
    Et puis, oui, comme tu le dis, bien sûr, l’écriture littéraire doit forcément être quelque chose de plus que la (vraie ou en l’occurrence fausse) documentation d’une époque.
    Je cite Léo Scheer hier, qui comme par hasard traite quasi du même sujet… Lire aussi ce qui précède cette citation :
    « Cette action a donné d’excellents résultats du côté de la vie intellectuelle française, c’est une période florissante de la pensée, marquée par des livres importants, dont nous aidions la publication, (c’est ainsi que j’ai découvert le domaine de l’édition), mais assez médiocre dans celui de la transformation de l’Etat, de ses pratiques et de sa mentalité.»

  6. Philippe De Jonckheere

    A Vinteix, à propos de Céline expliquant Proust: “mais quelles trois cents pages!”

    Amicalement

    Phil

  7. christine

    j’enfourche une fois encore mon destrier pour lutter contre les moulins à vent du culturellement correct : non seulement je suis plutôt d’accord avec Vinteix, mais j’ai lu tous les livres de Houellebecq, et ce plutôt avec plaisir et intérêt

    même si son personnage médiatique, certaines de ses idées et la façon dont il se promeut m’insupportent aussi, il me semble qu’il a su capter des tendances importantes de notre société, son jeunisme, la négation de la maladie et de la mort, la sexualité et la performance obligatoire, etc. (peut-être suis-je plus névrosée que toi et donc davantage susceptible de m’identifier à ses personnages!)

    quand à décréter que ce n’est pas écrit, qu’il n’y a pas de style, cela me semble également superficiel : récemment j’ai vu le film adapté des Particules élémentaires, qui est très mauvais et où on ne retrouve absolument pas l’esprit de Houellebecq, qui peut-être tient donc tout de même un peu à la façon dont il écrit ; Houellebecq écrit en Houellebecq, comme Angot écrit en Angot : on peut aimer ou pas ; son style, fût-il exangue, est identifiable, et je ne suis pas certaine du tout qu’il soit aussi peu travaillé qu’il l’affirme par dandysme

    (sinon, je parle de toi et de passou dans mon billet de ce soir)

  8. Didier da

    Ah, je me sens autorisé à pinailler, alors : la particule (élémentaire, je veux dire pas aristocratique pour deux sous) de mon nom est en bas de casse… c’est une coquetterie, si vous voulez, Berlol, mais j’y tiens…

    Quant à Houellebecq, je me suis arrêté aux “Particules” justement ; l’élargissement de la vision (et les poses de visionnaire) ne m’avait pas convaincu, mais je l’avais trouvé plutôt doué dans la peinture grisâtre (style adéquat alors, que je dirais “moite”, comme les mains d’un laideron à son premier speed dating) de la médiocrité. Il était plus grand dans l’étroit. (Cela dit, son essai sur Lovecraft est très bien, et certains textes de “Rester vivant” savoureux, je pense notamment à “Prévert est un con”…)

  9. Berlol

    Merci Didier, c’est important. Mais si on met la minuscule à “da”, je dois modifier le tag en “Silva Didier da”. Ou je le laisse en “da Silva Didier” ? Ou est-ce qu’on vous range, dans les librairies, à D ou à S ?
    Par exemple, Philippe De Jonckheere tient lui à ce que son “De” soit avec majuscule, pour n’être pas une particule de noblesse, justement…

  10. Didier da

    On me range à D, je crois. Mais j’aime assez l’idée d’embarrasser les libraires et les bibliothécaires… A eux de trancher (et à vous, pour le tag) !
    La majuscule c’est pour l’état civil, la minuscule pour les livres… Et comme je n’ai rien contre la noblesse, surtout quand elle est fictive (un peu à la manière de ce cher Villiers de l’Isle-Adam, qui rêvait de comtés fabuleux sur son grabat…)



Jeudi 11 septembre 2008. C'était leur danseuse...

Alain Veinstein : « Dans ces années, je ne sais pas si on peut les appeler "l'âge d'or", vous travailliez dans l'édition, vous vous occupiez de la collection "Textes" chez Flammarion. Vous vous rendez compte, une collection comme ça, vous en connaissez beaucoup aujourd'hui ?
Philippe de la Genardière : — Non non, c'est fini, ça. Bah, oui, c'était un petit "âge d'or", bon, à l'échelle de Flammarion. C'était en fait la fin d'une époque puisque ces collections, Textes, Digraphe, la revue Digraphe, tout ça c'était juste avant les années 80, quand j'ai publié... En réalité, s'amorçait autre chose. Ces collections, ces lieux d'écriture, souvent dirigés par des écrivains eux-mêmes, comme Bernard Noël ou Jean Ristat, en l'occurrence, bon, les éditeurs, enfin, c'était leur danseuse... Ils acceptaient ça, bon, il y avait un retour d'investissement, sans doute, enfin, au niveau de l'image. Bon, ça, c'est une autre époque et puis la littérature elle-même aussi a changé. C'est-à-dire qu'il se publiait dans ces collections des choses qui ne se publieraient jamais plus aujourd'hui. Ça, c'est clair et net. Mais pas seulement des textes qui étaient dits d'avant-garde, parfois effectivement pas simples à lire, mais je crois, bon, la littérature, l'édition... On n'est plus dans la littérature, on est dans l'industrie du livre. C'est le livre, et tout le monde parle du livre, on parle du livre tout le temps, mais la littérature, non, c'est fini, quoi. On parle plus de la littérature. Que dans des espaces, bon, plus intimes...
— Et pourtant, vous publiez un livre à la rentrée littéraire...
— Oui, bah ça, c'est le hasard aussi des... bon, on termine un livre à un moment... » (Philippe de la Genardière chez Alain Veinstein, Du jour au lendemain du 27 août.)

Voilà, voilà. Toute l'ambiguïté est là, dite gentiment. Un vieux de la vieille dit que c'est plus possible et publie quand même. Mais lui, un texte, pardon un livre en « langue classique », Veinstein le dit une minute après, et tout à fait par hasard au moment de la rentrée, si difficile, dans ce marché du livre auquel il faudrait échapper, mais en même temps ne voulant pas être poussé, relégué, abandonné dans ces « espaces »... « intimes »... de « la littérature »... « aujourd'hui »...

Le marigot. Encore et toujours, même de bonne foi. Et ça vient (nous) dire que la littérature a changé. Alors que c'est soi, en tant qu'acteur du monde éditorial, qui a bien changé. Sans s'en rendre compte ? Alors que c'est audible en quelques mots. Que je n'invente pas. Tout le monde peut les écouter. (Et je ne dis pas que son livre est mauvais ; je le lirai même peut-être...)
Parce que des textes « d'avant-garde », je ne sais pas, mais « pas simples à lire », moi, j'en trouve encore. J'en trouve même pas mal, chaque année. Même trop pour ma petite vitesse de lecture. Et même à 11.000 km de Paris, je les trouve...
Alors ?

Tiens, en remède, chez Emaz (extrait de Cambouis, à paraître en 2009, merci François !), une définition belle et fine du travail d'écriture (le texte est beaucoup plus long, il faut y aller) : « [...] c’est comme un savoir-faire prévu pour s’adapter à l’imprévu.»

Sinon, nous, à la maison pour nos recherches presque toute la journée. Je vais à l'Institut en fin d'après-midi. D'abord pour lire l'entretien avec Christine Angot dans ArtPress (n°348) — excellent, donne vraiment envie de lire Le Marché des amants — que je vais recevoir dans quelques jours.
Puis pot d'accueil du nouveau directeur de l'Institut avec une petite trentaine d'enseignants et de personnels administratifs. Bonne ambiance et goûteux petits fours. Ça faisait longtemps que je n'avais pas socialisé et picolé de la sorte...

commentaires

  1. Philippe De Jonckheere

    Deux époques: celle de Céline expliquant (voir commentaire récent de Vinteix) que Proust ce sont des préliminaires un peu longs, 300 pages avant que l’un n’encule l’autre, et notre époque dans laquelle Assouline explique que dans le dernier Angot ce sont trois cents pages de “d’accord mais ne te trompe pas de trou”. Au passage c’est amusant, je range effectivement Proust et Céline sur la même étagère des monstres sacrés et Assouline et Angot sur la table basse de la salle d’attente de mon dentiste.

    Bref, pour aller droit au but, si j’ose dire, je vous recommande la lecture de la revue “Enculer” dont le numéro 4 vient de sortir, une merveille!

    http://enculer-revue.net/

    Amicalement, en tout bien tout honneur.

    Phil

  2. brigetoun

    ben vrai qu’il y en a plutôt beaucoup, et que je n’arrive pas à assécher mes envies.
    Ben vrai aussi qu’il y a les blogs (enfin certains, merci à vous) pour se guider, même si je n’adhère pas toujours aux choix (et Veinstein aussi est pas mal, et pourtant institutionnel ou presque)

  3. Berlol

    Je voudrais bien “Enculer” mais je ne sais pas comment faire ici…

    Sinon, Phil, je voudrais m’assurer que ton propos n’est pas simple persifflage. Qu’as-tu lu d’Angot ? Et accessoirement peux-tu en fournir une analyse qui soit autre chose que le ramassis de ragots qu’on trouve partout ?
    Parce que des gens pour dire du mal de Proust, il y en avait à la pelle dans les années 1900-1930. Et bien souvent, ce n’était qu’une pose mondaine, peu d’entre eux l’ayant vraiment lu.
    Bien sûr, je ne compare pas textuellement Proust et Angot, ce serait ridicule, mais du côté du rejet mondain, médiatique et pseudo-littéraire des gazettes, il y aurait bien des points communs…
    En toute amitié, bien sûr.

  4. vinteix

    A Phil, pour les “300 pages” de Proust, c’est certain : quelles pages !

    Je voudrais bien “Enculer” moi aussi…

    Sinon, pour monter encore au créneau à propos de Veinstein… qu’il soit “institutionnel ou presque” ou vaguement désenchanté par l’édition actuelle, cela me semble un épiphénomène… je pense qu’il reste toujours un des grands défenseurs de la littérature contemporaine, et pas seulement “institutionnalisée”… loin de là ! pardon de me répéter, mais comme je le disais déjà, cela fait maintenant de longues années qu’il défend par exemple la poésie et invite aussi régulièrement à son micro des auteurs de 1ers livres… je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’hommes de médias comme lui qui se permettent de consacrer sur un médium comparable à Radio-France (France-Culture) 45 minutes d’une émission en tête à tête avec un auteur totalement inconnu…

  5. Caroline

    Dans l’autofictif d’Éric Chevillard de ce jour, j’ai relevé ceci :
    “D’accord mais attention, te trompe pas de trou, écrit Christine Angot. Les passions ont beau nous mener, la syntaxe de la langue française est incorruptible, écrit Rivarol.”

    Chevillard a raison : il vaut mieux en rire !

  6. Berlol

    Je vois qu’on tient le bon bout…

    Mais soyons prudents, Vinteix. Je me suis peut-être mal exprimé, ou c’est toi qui as lu trop vite : je n’ai pas critiqué Veinstein sur le fond de son travail, sur son travail de fonds, devrait-on dire, qui est de nous faire rencontrer des auteurs depuis des dizaines d’années (et pour moi depuis une dizaine que je l’écoute), y compris de poésie, comme tu le soulignes justement.
    Ci-dessus, j’ai relevé l’aporie qui affleure et me met mal à l’aise dans les paroles de de la Genardière et qui, outre son cas personnel, a pour toile de fond le Titanic de l’édition française, sur quoi je suis d’accord.
    Sauf que, encore une fois, Veinstein ou de la Genardière étant à l’intérieur du monde éditorial depuis des dizaines d’années n’ont pas pu, su ?, voulu ? anticiper le naufrage il y a dix ans, n’ont peut-être pas dénoncé, annoncé quand ils le pouvaient ce qui allait se produire.
    Aujourd’hui, ils regardent le crépuscule descendre et accusent le destin commercial du livre. Et dans le même temps, ils continuent à ne pas voir ce qui se passe dans l’internet, la richesse phénoménale qui s’y développe — et qu’Assouline, en bon parasite, a très bien vu, lui, rendons-lui au moins cette sorte d’hommage.

    Enfin, pour ce qui est des “poubelles”, ne faisons pas de contresens. il s’agit d’une référence à l’expression “littérature des poubelles”, tirée de “Lisbonne dernière marge”, de Volodine, que Christine avait bien identifié le 8. La fiction de Volodine étant un monde totalement différent du nôtre, l’expression n’a pas de relation avec ce qui se passe chez nous.

  7. vinteix

    Oui, d’accord avec ce que tu dis là, Berlol… en même temps, Veinstein n’est qu’un très minuscule acteur du monde éditorial et n’est sûrement pas des grands qui tiennent les rouages du marché… se rappeler par exemple ses récents déboires, il y a 4 ou 5 ans, avec sa collection chez Léo Scheer… quand justement il essayait de faire quelque chose qui ne correspondait pas forcément aux critères économiques…
    En même temps, comme dans leur petit dialogue, ils évoquent au passage la revue “Digraphes”, force est de constater que, même s’il existe toujours des revues de grande qualité, dont certaines sont même assez anciennes, l’époque est devenue encore plus difficile pour ces revues, et une ribambelle est passée à la trappe (”Ralentir travaux”, “Digraphe”, etc.) ou d’autres ont bien failli, sont renées de leurs cendres et survivent (”Lignes”…)

  8. dominique quélen

    Tout à fait d’accord. Et encore faudrait-il ajouter que les déboires récents de Melville/Veinstein (qui par exemple, à propos de premiers livres, y publia celui, dense et magnifique, d’un quinquagénaire : La Rade foraine de Jean-Marc Elias) et de Déplacements/Bon touchent des textes souvent bien plus accessibles (je parle en termes de lisibilité, non de qualité) que ceux que publièrent jadis ou naguère Digraphe, Textes chez Flammarion, etc. Sans compter que, toujours chez Flammarion, même la collection Poésie, pourtant une institution comme l’est Veinstein de son côté, si elle perdure, se voit cependant contrainte de réduire de moitié le nombre annuel de ses publications. Que même, moins au bord du spectre, un auteur et éditeur “livresque” comme Maulpoix soit acculé à abandonner la version sur papier du Nouveau Recueil pour le continuer sur le net, où à mon avis ça ne durera pas, est significatif.
    Pour en revenir à l’indispensable Veinstein, une lecture de son Interviewer (Calmann-Lévy, 2001) en dit long sur la fragilité de tout cela…

  9. Philippe De Jonckheere

    Berlol

    J’ai lu “L’inceste” en entier que j’ai détesté (dans le même genre je m’étais astreins à lire “les particules élémentaires” en entier aussi) dans son intégralité, je crois que je déteste absolument tout chez elle, sa façon d’écrire qui n’en est pas une, son propos et son autoabsorption, pour le reste, j’ai tenté de lire après “‘Inceste” presque tout ce qu’elle a sorti, mais à chaque fois chez le libraire, je passe difficilement la deuxième page.

    Par ailleurs toutes ces interventions dans la presse en général m’insupportent au dernier point, je fais difficilement la différence entre elle et un des personnages de “Loft Story” ou je ne sais quelle merdasse à la téloche.

    J’espère que cette réponse est assez honnête, et je m’amuse que tu me soupçonnes d’être mondain, je trouve que cela me va à ravir, je tenterai d’y repenser la prochaine fois que je mange de la boue sur le terrain de rugby, je me dirais, Phil t’es rien qu’un mondain!

    Amicalement

    Phil

  10. vinteix

    Pardon d’en remettre une couche, si je puis dire… mais autant avec Houellebecq, je suis forcément partiel ou partial, n’ayant lu qu’un de ses premiers livres… qui m’incline cependant à une relative estime… autant, là, avec Angot, je risque de passer pour un malhonnête, n’ayant jamais pu franchir le cap de 2 ou 3 pages…
    Pourtant, je viens de faire un nouvel effort, en l’écoutant lire un extrait de son dernier opus…
    c’est ici :
    http://www.lemonde.fr/web/video/0,47-0,54-1089154,0.html
    et ben ! 320 pages de cet acabit, faut un certain courage pour s’y atteler !
    A se demander si sa maîtrise du langage des signes, cette façon un peu nerveuse et forcée qu’elle a de s’adresser aux sourds-muets en ponctuant de la main sa lecture, n’est pas pour combler l’indigence de l’écriture elle-même…
    Au moins, avec Glenn Gould, qui, outre son chantonnement, en faisait moins avec ses mains au-dessus du clavier (enfin, quand elles s’élevaient au-dessus des touches, bien sûr), il y avait la musique avant tout, et quelle musique !
    Bref, quant à Angot, même impression que les pages feuilletées en librairie… et comme à ce moment-là, je n’étais pas en manque urgent de papier toilette, je me suis dispensé de tout achat…
    Pardon… je me défoule un peu, je l’avoue… (sans mondanité, cependant)
    et en toute amitié, bien sûr.

  11. Berlol

    C’est vrai que parler de mondanité au sujet de Phil, c’était un peu fort. Merci tout de même d’avoir répondu, ça m’ôte un doute et je respecte ton opinion.
    Et comme ça, je me dis que même au rugby, tu penseras à moi !
    Pour la revue que tu sais, tu as mon adresse ?

  12. Philippe De Jonckheere

    Revue Enculer
    Editions Chien,
    1 rue du commandant Charcot
    35000 Rennes

  13. Stubborn

    Toujours pas d’accord avec Philippe De Jonckheere. Le travail littéraire de Christine Angot me paraît court-circuiter la logique du Loft plus concrètement que toutes nos critiques de ces programmes pervers, puisqu’Angot part, parle, pense, panse, la personne, contre —justement— les grands et beaux personnages.

  14. vinteix

    ouais, peu importe les grands et beaux personnages… ce qui importe le plus, si l’on parle d’un écrivain, c’est l’écriture… vous avez écouté et vu cet extrait vidéo de “littérature” pour sourds et muets ? Sidérant !

  15. Philippe De Jonckheere

    J’ai tenu moins d’une minute, et, effectivement, les yeux fermés parce la gestuelle est tellement stupide. Mais bon, je ne veux pas faire mon mondain.

    @ stubborn: juste quand je parle de télévision, il vaut mieux ne pas écouter, je n’ai pas la télévision, et je n’y connais rien, “loft story” c’est juste comme cela une référence dont j’ai vaguement entendu parler dans un article qui parlait de la télévision. Dans vingt ans, parlant de la télévision, cherchant un exemple, je dirai encore “loft story” et je ne comprendrais pas que mon auditoire ne voit plus du tout de quoi je parle.

    Amicalement

    Phil

  16. Stubborn

    @Vinteix. L’écriture. Vous voulez dire le style ? Parce que l’écriture ce n’est pas exactement le style (beaucoup à dire là encore… ) Disons pour faire court, parce que je ne suis pas sûre de ne pas vous ennuyer terriblement, que je trouve simplement le style d’Angot fulgurant de vitesse, d’économies, de minimalisme vivant, de constructions neuves et de continuité avec les plus grands.

  17. Stubborn

    @Philippe De Jonckheere. Faites comme moi : faites abstraction des gestes ! Parce qu’enfin, sur le fond, si les rugbyman non mondains et la petite lutteuse poids livre qui travaille contre les connivences et les contrôleurs de l’espace mental, pouvaient se comprendre, ce serait pas du luxe par ces temps edvigiens. Amicalement.

  18. Berlol

    Allez, deux petites adresses pour vous réalimenter en cours de joute :
    http://www.berlol.net/dotclear/index.php/?q=angot
    (et chercher Angot, y’a de quoi faire)
    et
    http://marc.edouard.nabe.free.fr/etlittellniquaangot.pdf
    pour le fun…
    Donc, j’ai déjà donné et, sans vouloir vous choquer, il y a dans les positions critiques, les vôtres, les autres, au sujet d’Angot, une évidente (pour moi) différence masculin / féminin que rien ne réduira (je suis du côté du féminin ?). Mais il (me) (nous?) faut d’abord lire le livre…

  19. Caroline

    Ce qui est sûr, c’est qu’elle déchaîne des passions, la mère Angot !
    Pour ce qui est du qualificatif de mondain, je crois qu’il lui sied à merveille. Elle ne vit que dans le marigot littéro-culturel de la Rive Gauche, raconte dans son dernier livre une aventure ô combien exotique puisqu’elle l’emmène jusque dans le 18è arrondissement, fréquente les gens qui écrivent des papiers sur elle (Josyane Savigneau dont on sait par avance ce qu’elle va dire à propos d’Angot).
    Alors qui est le plus mondain ? Phil ? Chris ? Nous ?

  20. Philippe De Jonckheere

    Celui ou celle qui essaye de me voler mon étiquette de mondain dans cette discussion c’est simple je lui colle un taquet! Farpaitement.

    Amicalement

    Phil

  21. Berlol

    Oui, mon daim ! Nous t’adorons comme tu es, tout crotté, crampons plantés dans les parquets cirés !
    Vas-y, plaque-les tous !

  22. vinteix

    @ Stubborn, ce que vous me dites de l’écriture d’Angot (pardon, mais j’ai la faiblesse de m’attacher à ce terme, même si je peux faire la différence avec le style) est intéressant, mais par rapport à toutes les qualités que vous accordez à son style (vitesse, fulgurance, économie de moyens), j’ai la faiblesse de me contenter (d’un contentement infini) de beaucoup beaucoup d’autres, en vrac et par exemple, à commencer par : Céline, Joyce, Rodanski, Hardellet, Hedayat, Burroughs, Guyotat, Bataille, Beckett, Michaux, Duits, Genka, Duras, etc etc.… à côté de qui le style d’Angot, sur les qualités citées, me semble d’une platitude et d’un creux vertigineux. Bien sûr, vous pourrez toujours me dire que je cite surtout là des dinosaures ou des monstres sacrés (voire des morts, pourtant bien vivants à mes yeux)… et quand bien même… si l’on parle d’écriture, on est peut « en dehors du temps », dans l’absence de temps ou dans un autre temps, qui ne se confond pas complètement avec le temps historique ou chronologique… et quant aux « constructions neuves » et à « la continuité avec les grands » que vous évoquez, Angot me semble bien insipide en comparaison…
    Et encore, par rapport aux qualités d’écriture que vous énumériez, volontairement, je ne fais allusion ici qu’à des auteurs de romans, récits ou (auto)fictions (qui ne constituent qu’une petite part de mes lectures) pour parler de choses comparables, même si la question des genres m’indiffère assez… parce que si on élargit à toute l’écriture en général, alors là, il y a pléthore d’écritures marquées par la vitesse, la fulgurance et/ou l’économie de moyens, autrement riches, impressionnantes et palpitantes à mes yeux…
    Quant à ce que vous disiez des « grands et beaux personnages » contrecarrés par Angot, heureusement qu’on ne l’a pas attendue pour avoir des « bas / petits et laids / misérables personnages »… depuis Dostoïevski, je pense même qu’on pourrait dire, sans trop grand risque de se tromper, que la littérature du XXe siècle est beaucoup plus riche en personnages de la seconde « catégorie » que de la première…

    @ Berlol. Je me suis rarement forcé (à part un pavé ou deux comme Heidegger) à lire un livre… cela me semble même, quant à moi bien sûr, par rapport au « plaisir du texte », la dernière des choses à faire… alors, l’eau tiède… alors qu’il y a tant de lectures autrement brûlantes ! Et il me semble que généralement, quelques pages permettent de dire à peu près si l’on accroche ou pas à un style, si on l’aime ou pas, s’il y en a un ou pas, dans quelle mesure il peut être novateur, étonnant, « riche » ou pas… après, mon masochisme a des limites et on n’est jamais obligé de lire un livre qui vous ennuie profondément. Mais bon, peu importe mon « jugement ».

    Par contre, franchement, j’aimerais bien savoir ce que tu trouves dans Angot… ça m’intéresserait… parce que l’opposition masculin / féminin me semble une pirouette un peu facile… mais il y a sans doute autre chose derrière… ?
    Amicalement

    PS : pour ce qui est de la mondanité, à première vue, et pardon pour Phil, j’aurais plutôt tendance à rejoindre Caroline, en effet…

  23. Berlol

    C’est vrai, Vinteix, que je devrais préciser ce que j’entends par différence masculin / féminin dans l’écriture. Ça n’est tellement plus d’actualité ! Même quelqu’un comme toi peut (faire semblant de) ne pas comprendre ! Mais pour moi, c’est évident. Hélas, tellement évident que pour le préciser, il me faudrait deux ans de préparation afin de démonter les fils et les pièces qui construisent cette évidence.
    Comme ça, au vol : Yourcenar, Beauvoir ou Despentes ont une écriture du masculin (quel que soit le sujet de l’écriture). Bien sûr, Sarraute, Duras, Woolf ou Angot sont du côté féminin…
    Allez comprendre !

  24. vinteix

    Masculin-féminin… j’entends bien ce que tu veux dire, Berlol, et ne fais pas semblant… mais pour moi, ça ne suffit pas et ne constitue guère un critère d’élection littéraire… d’ailleurs, la preuve (quant à moi, j’entends), je goûte fort et Sarraute et Duras et Woolf, auxquelles je pourrais ajouter Unica Zürn, Joyce Mansour, Suzanne Lilar, Annie Le Brun, etc., qui sont bien pour moi du côté féminin, autant, va savoir pourquoi, les livres feuilletés d’Angot me tombent des mains et me laissent une impression de creux et de vide abyssale…

    Anecdotiquement, et pour la légèreté des propos (qui ne doit pas nuire, au contraire, je pense, aux “salons littéraires dans le net”), comme il semble que Miss Angot soit allée s’encanailler dans le 18eme arrondissement, comme je suis plutôt rive droite que rive gauche, et ai habité 13 ans dans le 18eme, y déménageant 5 fois, ayant à peu près fait le tour de la butte (jamais en haut… le rêve, mais pas les moyens), de la Place Clichy à la Goutte d’or, en passant par Anvers, Jules Joffrin, Porte de Clignancourt, j’aurais pu, à une autre époque, un peu voyou sur les bords (”au milieu, c’est vrai qu’je crains un peu…”), l’accompagner dans quelques aventures bien palpitantes (à condition toutefois qu’elle n’ait pas quand elle parle la même gestuelle insupportable que quand elle lit)…
    Bon, ceci dit en toute amitié
    et en toute légèreté
    et pardon pour cette petite raillerie - mais quant à moi, je vois un tel vide dans ses livres, qu’il ne me laisse pas de marbre, quand je vois de plus le tapage médiatique qu’ils suscitent - mais ce n’est pas à l’auteur des “Salons littéraires sont dans l’internet” que j’apprendrais que fut un temps, ou plutôt des temps, où, dans des “salons” ou pas, en matière de littérature et de création en général, les critiques, diatribes, tribunes, voire règlements de comptes, étaient autrement passionnés/els, éperdus et violents… par ex. dans les années 1900-1930 (que je considère à titre personnel comme une sorte d’âge d’or littéraire)…

  25. Stubborn

    @Philippe De Jonckheere. La première difficulté lorsque l’on a affaire aux très grands, et je pense que vous serez d’accord avec moi, consiste bien souvent à reconnaître sous le plat apparent la richesse. La seconde me paraît précisément tenir au fait que le nouveau se compare mal. (c’est à cela qu’on le reconnaît !)
    Ceci étant, et je vous en remercie, au moins sommes-nous ici au centre de la littérature, et non comme c’est le cas chez nos éminents, guillemets, critiques, à sa plus complète périphérie.

  26. vinteix

    quant au “plat apparent”, en nietzschéen que je suis, j’aurais plutôt tendance à placer la “réalité” des choses - sans parler de “vérité” - dans les apparences précisément… même si l’or du temps n’est pas toujours le plus brillant…



Vendredi 12 septembre 2008. Dans le même petit colis.

T. et moi allons au centre de sport Konami d'Iidabashi, histoire de reprendre de l'exercice. Moins d'une heure pour elle et retour à la maison, toujours à bosser sur ses Mazarinades. Moi, j'y reste un peu plus longtemps, d'autant qu'un petit problème technique s'est présenté (la clé de mon vestiaire est restée coincée dans la porte, il a fallu que je fasse venir quelqu'un). Je suis venu avec un Volodine, quelques pages de Lisbonne dernière marge à relire. C'était l'an dernier mais je reçois le même choc, donné par la même puissance littéraire et imaginaire. Incomparable.

À la médiathèque de l'Institut en fin d'après-midi. J'y commence le dossier sur Emmanuelle Pagano dans le dernier Matricule des anges (96). J'en lis à peu près la moitié, c'est intéressant. Je n'ai encore lu qu'un livre d'elle mais je l'estime beaucoup.
Sa récente réaction vis à vis du blog, où elle s'était peut-être un peu trop exposée et dont elle décide de se retirer, montre bien les possibles limites d'un exercice de salon, tout littéraire qu'il puisse être, lorsque trop d'intime est dévoilé. Le mélange de genre peut mieux convenir à certains qu'à d'autres, selon l'entièreté du caractère, la susceptibilité, etc., mais surtout parce que certains ne produisent que des effets d'intime et ne sont par conséquent pas (ou peu) atteints par des agresseurs qui manquent leur cible. L'intime n'est pas toujours ce qui en a l'apparence ou se prétend en être.
En tout cas, le dernier Pagano sera dans le même petit colis que le dernier Angot. Désolé pour cette promiscuité...

Et toujours, la chronique d'Emaz qui finit ainsi :
« Mais le temps de la poésie est lent, et le présent urge. Il me semble donc nécessaire d'écrire et d'agir, dans une interaction sans confusion des deux pratiques. Cette époque est désespérante, mais s'il y a une efficacité du rien ou du pire, dans l'état actuel des choses, qu'on me la prouve. Pour l'heure, j'en reste au possible encore, donc malgré tout à une forme d'espoir, et au travail du peu.»

Avons vu en deux fois le film L'Enfer (D. Tanovic, 2005), histoire de trois sœurs dont la vie est pourrie par l'erreur de leur mère qui avait dénoncé la pédophilie de leur père. Les hommes y sont tellement nuls qu'on se croirait dans Volver (où c'est assumé). Un peu décevant de mollesse, façon de filmer très consensuelle, rien de remarquable du point de vue esthétique, si ce n'est la présence de mises en abyme (la scène du nid dans le générique, le cours du professeur qui préfère penser destin que hasard, l'épreuve orale consacrée à Médée). Plutôt des traces littéraires, donc, que l'image restitue sans en être elle-même affectée — c'est ce qu'on reproche au cinéma de fait naturaliste et qui répond essentiellement au besoin d'histoires des gens...

Distraction télévisée à 22 heures, c'est le début sur TV5 Monde de la série policière Les Bleus (1ère série en 2006). On se doute que des débutants et des stagiaires dans la police vont faire des erreurs, des bêtises, faire preuve d'immaturité, mais on découvre surtout le mode de vie de l'actuelle génération des 20-25 ans. Très utile pour des pédagogues.

commentaires

  1. vinteix

    C’est marrant… il y a une certaine parenté entre ta photo du jour et celle du dernier billet de Didier da Silva dans son blog…
    http://lesideesheureuses.over-blog.com/
    Quant à ce que dit là Emaz, tout à fait… Il y a bien urgence à respirer… et comme le disait Deleuze : “du possible, sinon j’étouffe”.

  2. Philippe De Jonckheere

    Ton lien sur les effets d’intime est brisé.

    Amicalement

    Phil

  3. Berlol

    Merci. C’est ennuyeux : chaque fois que je fais un lien interne à mon site, il est considéré comme contextuel et j’oublie de corriger avec l’adresse entière…

  4. vinteix

    ce qui est plus que bien avec Emaz (comme avec Walser d’ailleurs), c’est qu’on a de l’air !
    (ceci dit, au risque de me retrouver temporairement du moins “dans le même petit colis” - en haut à droite -…)

  5. brigetoun

    sur l’intime cela marche mais pas sur Lisbonne, le site est désolé mais il n’a pas ça

  6. Berlol

    Merci, Brigetoun, c’est réparé. Faut vraiment que je trouve une parade…



Samedi 13 septembre 2008. Luchini qui descend d'un scooter.

Fin d'espoir d'un rétablissement automatique des textes transcodés par le dernier glitch de Globat il y a une dizaine de jours. Je commence à rectifier un à un les documents du Corpus numérique Mérimée (site qui n'est pas en accès public). Il est possible, sur un texte long, de faire répéter le changement pour chaque lettre accentuée, par exemple « Ã© » en « é ». Cela veut dire aussi qu'indépendamment des backups de bases de données, les œuvres littéraires (ici les nouvelles de Mérimée qui étaient en cours d'édition par les membres du groupe) doivent être sauvées séparément en html.

Je sors juste une grosse heure pour lire un peu à la médiathèque de l'Institut. Finir le dossier sur Emmanuelle Pagano. Puis un article sur La Belle Personne dans les Cahiers du Cinéma. Enfin relire les premiers chapitres de Voyage de noces de Modiano.

Pour nous distraire classieusement, voyons La Vie de château (Rappeneau, 1966), enregistré par iWizz il y a quelques semaines. Comme Zazie qui voulait aller dans le métro, la Marie jouée par Catherine Deneuve veut aller à Paris, ce qui arrivera... en Liberté guidant le peuple juchée sur un char...

Ce soir, j'ai trouvé l'ancêtre du blog et de l'agrégateur, ça date de 1848 :

« Allons, monsieur, prenez votre coachman, votre stick et votre chapeau, votre lorgnon surtout, c'est un meuble important. Suivez-moi, la course n'est pas longue, jusqu'au boulevard tout au plus.
Je vais vous montrer le vrai livre, la Bible, le Moniteur Universel, où se découvre la vraie science, celle qui fait de l'homme non pas un philanthrope, non pas un philologue, non pas un philhellène, non pas un pair de France, mais un parisien.
Et voyez-vous là-bas ce monument tiré à quinze cents exemplaires ? Il n'est pas beau, il n'est pas riche, du plâtre en rond avec une grosse boule par dessus ; c'est la colonne rostrale que nos édiles ont multipliée dans Paris comme autant d'autels à la pudeur. C'est la que le parisien vient s'instruire, car c'est là seulement qu'on peut déposer des affiches ; et l'affiche, c'est la vie, la nourriture, le chyme et le chyle du parisien. Une feuille industrielle obtint un succès de vogue parce qu'elle avait eu l'ingénieuse idée de reproduire en petit les affiches de tous les jours.
Lisez un peu ces affiches variées : les théâtres, royaux ou non, peu importe (on dit que l'Odéon (!) est un théâtre royal) ; le bal de l'Opéra ; le Prado ; la salle Valentino ; le Wauxhall ; la salle d'Antin ; le salon de Mars ; le Bal de la Picarde...
Si nous voulons tout lire ! » (Auguste Vitu, les Bals d'hiver. Paris masqué, Paris: P. Martinon, 1848, p. 10-11)

Et comme toujours Paris me manque en septembre, un extrait d'un courrier reçu tout à l'heure. J'en remercie chaleureusement (il fait encore 30° dans notre appartement) l'auteur :

« Paris c'est aussi le Pape hier soir dont j'entends la voix au micro en sortant de mon boulot duquel je ne réussirai à rentrer qu'à 21h ayant dû marcher des kilomètres dans une foule compacte honnie bleu marine brandissant des croix et autant de CRS avant de pouvoir atteindre une bouche de métro ouverte. Et c'est aussi à quelques heures de là la fête de l'huma où je vais demain avec I., où nous croiserons L. L. et R.H. C'est Luchini qui descend d'un scooter juste devant la table de la terrasse du petit café où je lisais Oster dans la rue Custine déserte à 7h du soir et discute à deux pas de mois pendant 20 minutes avec le conducteur dudit scooter sans quitter des yeux mon bouquin dont il essaie de déchiffrer le titre.
Il ne fait pas froid, il fait doux et un peu gris. »

commentaires

  1. vinteix

    c’est marrant (décidément !), parce que Luchini, je l’avais aussi croisé une fois, le visage un peu agité, mais habité, au carrefour des rues du Ruisseau et Marcadet… dans le 18 eme… encore (je crois bien qu’il habitait par là… à l’époque en tout cas)

  2. Personne

    Vu hier soir sur Arte “La Belle personne”, j’ai été très déçu par ce film : diction incompréhensible des acteurs, l’actrice principale quasiment inexpressive, Garrel pas crédible en prof, milieu 16e arrondissement assez pénible, chanson de la fin totalement inaudible avec son play-back à la limite du grotesque, pourtant la seule scène qui ait de la force, gâchée.

  3. brigetoun

    je le rencontrais dans le passage de la maison de la poésie avant ses spectacles,entouré de ses admirateurs qui le rendaient désagréables. J’allais voir autre chose - il l’a repris plusieurs fois.
    La nostalgie de Paris c”est la foule bleue marine ? (sale souvenir des métros envahis par des sacs à dos chantant au moment des journées de la jeunesse, et nous les harassés essayant de ne pas être bousculés)

  4. pssst

    R.H., allez.. tu peux le dire. Le PCF de nos 13 ans et demi n’offrait pas des dimanches de cette tramp, alors on pleuvait, on pleuvait encore près de nos mange-disques.
    http://www.youtube.com/watch?v=T6YsKbSonzE

  5. Laure

    Tiens, je confirme étant du quartier. On est pas mal à avoir vu Lucchini descendre d’un scooter dans le 18e !
    Allez, pour changer du pape, je me fais un dimanche Fête de l’Huma ! (le temps est superbe).



Dimanche 14 septembre 2008. Après les risques et la boue.

Plusieurs choses remarquables d'aujourd'hui. D'abord, l'écoute du disque Truth de Jeff Beck de 1968, remasterisé et augmenté en 2005, téléchargeable chez Chocoreve. Ah ! les riffs de cette époque ! On les reconnaît... Et même que c'est Rod Stewart qui chante.
Ensuite, la lecture d'un remarquable article sur le site LaVieDesIdées.fr : « France-Japon : histoire d'une relation inégale », par Christian Kessler & Gérard Siary.

Et puis ceci dans le propos de Karl, après m'avoir cité (merci, même avec quelques jours de retard, je réagis...) : « Accessible - Un format binaire (word dans le passé) pour le texte est toujours plus difficile à lire qu’un format texte simple (html par exemple).» — ce qui recoupe ce que je disais en tête du billet d'hier.

Sommes sortis en fin d'après-midi pour des courses. Ça ne nous manquait même pas, d'être dehors, mais il fallait du pain et quelque chose pour ce soir. On se fait la réflexion que déjà une semaine sans Saint-Martin... Dans l'écluse, cinq tortues pataugent sous l'arrivée d'eau verte. Apparemment, on s'est délesté du matériel, c'est l'heure du retour de mission, la joyeuse détente après les risques et la boue.

J'ai trouvé le film assez beau, fin, ni trop lent ni trop rapide (le téléchargement via iWizz a bien fonctionné). Dans le lycée et les comportements, je n'ai pas vu le XVIe arrondissement que des critiques parisiens ont dénoncé, toujours plus obnubilés par ce qui leur est proche et qui pourrait faire scandale dix minutes dans leur propre cour de récréation que par le souci sincère de saisir la volonté du cinéaste de montrer un milieu de gens aisés, assez retiré de l'espace-temps pour correspondre en bien des points au propos de Mme de La Fayette.
À mes yeux, aucun rapport avec de récents films ou livres sur l'école. L'école n'est ici qu'un théâtre pour une jeunesse éloignée des soucis matériels, un lieu fermé qui est une des dernières transpositions possibles de la cour ou plus largement du monde aristocratique tel que Marie-Madeleine Pioche de La Vergne le peignait il y a 330 ans avec une héroïne de 16 ans.
Seul bémol, contradictoire avec ce que je viens d'écrire : Louis Garrel n'est pas très crédible en prof d'italien. Pas grave au point de rejoindre l'avis de Dominique.
Par ailleurs, ne l'oublions pas car c'est sa fonction politique, la transposition doit, aux incultes de droite (ailleurs appelés otaries...), faire accroire à de l'extrême contemporain, du feuilleton pour lycéens et lycéennes comme il s'en consomme chaque semaine, pour distraction et édification (edutainment). De sorte qu'ayant exactement reconnu les attitudes de leur progéniture, il sera ensuite amusant de dire à ces parents-là que c'est en vérité le propos de La Princesse de Clèves et que cette œuvre n'est donc pas ennuyeuse, poussiéreuse ni inutile...

« Le lendemain qu'elle fut arrivée, elle alla pour assortir des pierreries chez un Italien qui en trafiquait par tout le monde. Cet homme était venu de Florence avec la reine, et s'était tellement enrichi dans son trafic, que sa maison paraissait plutôt celle d'un grand seigneur que d'un marchand. Comme elle y était, le prince de Clèves y arriva. Il fut tellement surpris de sa beauté, qu'il ne put cacher sa surprise ; et mademoiselle de Chartres ne put s'empêcher de rougir en voyant l'étonnement qu'elle lui avait donné. Elle se remit néanmoins, sans témoigner d'autre attention aux actions de ce prince que celle que la civilité lui devait donner pour un homme tel qu'il paraissait. Monsieur de Clèves la regardait avec admiration, et il ne pouvait comprendre qui était cette belle personne qu'il ne connaissait point. Il voyait bien par son air, et par tout ce qui était à sa suite, qu'elle devait être d'une grande qualité. Sa jeunesse lui faisait croire que c'était une fille ; mais ne lui voyant point de mère, et l'Italien qui ne la connaissait point l'appelant madame, il ne savait que penser, et il la regardait toujours avec étonnement. Il s'aperçut que ses regards l'embarrassaient, contre l'ordinaire des jeunes personnes qui voient toujours avec plaisir l'effet de leur beauté ; il lui parut même qu'il était cause qu'elle avait de l'impatience de s'en aller, et en effet elle sortit assez promptement.» (Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, 1ère partie, 1678)

commentaires

  1. Caroline

    J’ai raté ce film car je n’ai pas la TV mais attends avec impatience le plaisir d’aller le voir au cinéma. Ma fille, par contre l’a vu. Elle reconnait que le lycée manque un peu de réalisme mais en voyant Garrel en prof d’Italien elle n’a pas pu s’empêcher de penser que durant sa scolarité, elle avait eu moins de chance !
    Puis nous avons parlé de La Princesse de Clèves. Elle n’en avait qu’un souvenir un peu lointain, puisqu’elle avait lu le roman, il y presque dix ans. Quant à moi, je crois l’avoir lu au même âge qu’elle, donc le souvenir est encore plus lointain.
    Cela faisait quelques temps que je me disais qu’il faudrait que je le relise, surtout en entendant notre cher Président dire qu’il a… “beaucoup souffert sur elle” ! La Princesse de Clèves = sa tête de Turc ! Je me suis dit que s’il lui détestait, c’est que ce devait être certainement très bien… Et puis, la sortie du film… alors, hier matin, à la brocante, il y avait un bel exemplaire de MCMXXII Le Livre français, éditions Piazza, je ne pouvais plus reculer. En attendant la sortie du film, je sais ce qu’il me reste à faire.
    C’est étonnant comme Le Président peut nous inciter à la lecture ! Qui l’aurait cru ?

  2. Manu

    cf. aussi commentaire du 6 septembre sur les formats (et supports).



Lundi 15 septembre 2008. Chacun à son tour prend la sainte.

Ce matin, découverte du Café littéraire de Daniel Picouly, sur France 2, qui a commencé le 5 septembre — personne ne me l’avait signalé et je ne passe pas mon temps à scruter les programmes (quoique parfois j’ai l’impression d’en donner l’image). Bruits de fond un peu lourds, parasitant les propos, par exemple pour écouter les propos intimes de Catherine Millet. Sensation de tourniquet, les auteurs passant l’un après l’autre… Qui n’en veut ! Et deux barils pour le prix d’un ! Picouly assez expressif, en apparence, mais le contenu de ses paroles plutôt consensuel et manquant de piquant. Et tellement long, tout ça. Près de deux heures! Heureusement, je lis dans Livres Hebdo qu’on va réduire d’une demi-heure pour la prochaine…
(J’ai quand même enregistré, en audio, pour écoute dans le train, par exemple, parce que je me méfie de mes réactions à l’image ; je suis plus attentif à l’audio seul…)

À propos d’audio, nous avons reçu hier un petit poste de radio, commandé par Amazon vendredi. Ayant voulu se séparer de la télévision, T. a éprouvé le besoin d’avoir tout de même une source d’information. Et curieuse de voir quels étaient les programmes culturels qu’elle pourrait découvrir, sur les stations de la NHK, par exemple. Hier et aujourd’hui, c’était des ajustements de fréquences, des repérages d’émissions avec les horaires dans le journal papier et par le web (le web japonais, ceci dit en passant, où il n’y a AUCUNE radio disponible en ligne gratuitement, même pas celles du service public (c’est qu’en fait, me dit T., la notion de service public n’existe pas au Japon (et où ce qui est public est plutôt une sorte de don des édiles — je ferme les parenthèses))). On a même eu droit tout à l’heure, avec l’antenne filaire et sur ondes courtes, à une radio russe donnant un cours de chinois !
Et puis nous sommes sortis, pour marcher. Jusqu’à Jimbocho, environ 4 kilomètres, où nous avons trouvé un magasin Patagonia ouvert sur de monstrueuses soldes — de quoi se faire une garde-robe pour l’été 2009, ou ce qu’il en reste pour 2008. Raisonnablement, mais on revient quand même avec des sacs…

Téléphone aux visiteurs de mardi dernier qui nous annoncent qu’ils prennent notre ex-appartement. Voilà une chose de réglée. Sommes très contents d’avoir de futurs voisins sympathiques.

Enfin, j’arrive à finir l’enregistrement des Matins avec Christine Angot (du 10). Les Matins est une des émissions qui m’énerve le plus, surtout quand il y a un invité que je souhaite écouter. Ça s’étale sur deux heures, c’est plein de recoins saccadés, bouts de journaux et chroniques où chacun à son tour prend la sainte parole… On imagine une ruche avec toutes ses énergies, du dopage matinal de l’auditeur pour qu’il aille bosser sur l’air des sept nains de Disney.

Olivier Duhamel : « Moi j’ai une hypothèse à vous proposer. je pense qu’il se passe avec vous la même chose, la même dérive que ce qui se passe avec la politique. C’est-à-dire qu’on va chercher une petite phrase — moi, la seule chose que j’aie entendue de votre roman que malheureusement je n’ai pas encore eu le temps de lire c’est « Te trompe pas de trou ! » — comme l’homme politique qui fait une petite phrase, qui est reprise partout et on ne parle plus du reste, du fond, de rien. C’est le même phénomène d’abêtissement, vous savez…
Christine Angot : — Oui, tout à fait. C’est-à-dire comment occulter quelque chose. Bon voilà, c’est exactement ce qui arrive à ce livre. C’est-à-dire, il faut absolument le faire taire, il faut l’occulter, il faut le faire disparaître, alors un des moyens de le faire disparaître c’est… de faire chanter Carla Bruni dessus… si on parle de politique, ou de raconter que c’est une affaire people. Comme ça, c’est réglé et on attend le prochain livre. Pour refaire la même chose. Ça peut durer longtemps, parce que c’est pas moi qui me lasserai la première.
Catherine Clément : — Oui, moi je voudrais raconter un peu ce que j’ai entendu en juin, ce qu’on m’a dit, ce que plusieurs personnes, attachées de presse, concurrentes aux éditions du Seuil m’ont dit en juin : tu ne vas pas pouvoir aimer le livre de Christine Angot, tu n’aimeras pas le livre de Christine Angot, vous n’allez pas pouvoir aimer le livre de Christine Angot. On ne me dit rien d’autre, hein. Alors là, je dresse l’oreille. C’est une chose qui m’est arrivée une fois, la cabale préparée pour dessouder le bouquin. [...] Elle s’organise très tôt, trois mois à l’avance, en juin, en juin on me dit ça. En juin, j’ai une oreille qui se dresse, je me dis Ah va falloir que je lise vraiment ce livre pour voir ce qu’il y a dedans parce qu’il va y avoir une attaque en règle. Je pense que la sortie du livre de Catherine Millet est certainement l’une des clés de cette histoire…» (dans la dernière tranche de vingt minutes des Matins du 10 septembre 2008 — il y aura d’autres choses à citer, juste après, mais pour aujourd’hui, pour ne pas éparpiller la force du propos, ça suffit.)

Dans le TLF : « La première chose qu’on organise (…) ce sont les discordes, les jalousies, les intrigues, les cabales de toute espèce » (Fourier, Le Nouv. monde industr., 1830, p. 26).

commentaires

  1. Caroline

    Vous écoutez Les Matins de France Cul en différé, puisque chez vous, ce n’est plus le matin. Le fait que cette émission dure deux heures s’explique par la tranche horaire qu’elle occupe. Elle permet de la prendre en cours de route suivant le moment où on écoute la radio (au réveil, en voiture, en se brossant les dents). Il s’agit d’une excellente émission qui a pour premier objectif l’information. Donc l’invité peut s’étendre sur deux heures et vraiment éclairer certains sujets d’actualité avec beaucoup de pertinence. En comparant avec la même tranche horaire sur France Inter, il n’y pas photo. On y zappe, on y coupe la parole et pourtant Nicolas Demorand qui était sur France Cul avant Ali Badou, n’y avait pas cette manie insupportable. Cependant, je reconnais que dans “les Matins” certains invités font regretter que l’émission dure deux heures. Était-ce le cas le 10 ?

  2. Stubborn

    @Caroline. Ali Badou : vous voulez dire le garçon qui le soir où Christine Angot fut l’invitée du Grand Journal chez Michel Denisot, transpirait par tous les pores de son visage son opinion négative, mais n’osait plus rien dire de tout le mal qu’il pensait la veille, sur le même plateau, du Marché des amants ? @Berlol. C. Angot ce soir-là parla de “droit à l’aveuglement”.

  3. christine

    pour que tu ne nous reproches pas de ne pas te l’avoir signalé, une info télé capitale : ton cher Taddéï a fait sa rentrée hier soir !

  4. Berlol

    Merci de me le dire… C’est marrant, que tu écrives ça maintenant : je suis précisément en train de l’écouter !



Mardi 16 septembre 2008. Suée à les empiler.

Je reprends la valise, les trains, les couloirs, comme si cet été n'avait pas existé. Zones urbaines à perte de vue puis vastes paysages de montagnes et d'océan, tout humide et luisant jusqu'à Shizuoka, puis lumière poussant progressivement le vert dans le bleu et le sec pendant que j'écoute Jean-Pierre Richard, une émission d'il y a plusieurs mois. J'ai du retard... Ou bien ça redonne de l'avance.

« Est-ce que Mallarmé, Céline, ça se rejoint quelque part ?
— Écoutez, c'est assez paradoxal de tenter un lien entre deux auteurs de vocations si différentes, hein. Mallarmé étant fixé sur une sorte de recherche, disons, de l'abstraction sensuelle, selon moi, alors que la nausée de Céline, c'est un constat de la défection, de l'abandon, de la liquéfaction générale du monde. Exactement le contraire de tout ce que souhaitait faire Mallarmé, et qu'il a réalisé d'ailleurs dans beaucoup de ses poèmes.
— Mais votre propre balance, elle penche de quel côté ?
— C'est selon les époques. Si j'écris sur Mallarmé, je suis avec lui ; si j'écris sur Céline, je ne peux pas lui donner tort. Je suis du côté de l'écrivain dont je suis en train de parler.
— Un peu déchiré, quand même...
— Oui, mais c'est ce déchirement qui fait le plaisir de la lecture. Si on était toujours dans la même direction, la lecture ne serait qu'un long ennui. Là, y'a des secousses, y'a des virages, y'a des déchirures, même, oui. Et c'est cela qu'une longue vie, finalement, de critique m'a apporté, c'est cette aptitude à passer d'un monde à l'autre et à voir que le monde n'était pas un mais qu'il pouvait être très différent, que c'était ça la littérature, cette différence même.
— Ces secousses, vous les ressentez encore aujourd'hui aussi intensément ?
— Je les ressens... Je les cherche. Bah tiens ! Je les ressens lorsque je découvre un auteur que je ne connais pas encore, que je n'ai pas encore lu et exploré...
— Vous en découvrez ?
— Ça peut arriver, oui, j'en ai découvert, récemment. Mais assez peu, parce que évidemment mes capacités de lecture diminuent, aussi. Je lis moins. Mais enfin j'ai lu quand même un livre qui s'appelle La Souterraine de Christophe Pradeau, que j'aime beaucoup, et puis un petit traité, un Petit Éloge de la douceur qui m'a vraiment charmé, oui.
— D'Audeguy, oui...
— Oui. Oui, j'ai encore du plaisir à entr'ouvrir les livres, oui.» (Alain Veinstein et Jean-Pierre Richard, Du Jour au lendemain du 4 avril 2008)

Déjeuner de pâtes à la tomate fraîche avec David. Ambiance reprise de conflits stupides dans notre entourage professionnel. Ça leur passera...
Côté ambiance, d'ailleurs, fait pas bon être banquier, ces jours-ci, hein ! Hier soir, on voyait un voisin d'en face, appartement de 100 mètres carrés payé par sa boîte, planté debout en short devant un énorme écran de télévision qui diffusait des résultats boursiers. Avait l'air sidéré, le gars. Est resté plus de vingt minutes devant des tableaux de résultats. Que fait-il aujourd'hui ? Des affaires ou ses valises ?
J'ai écouté le panorama économique dans les Matins de France Culture cet après-midi. Franchement, c'est quand même très haché, comme tranche horaire.

Je récupère mes 34 cartons envoyés de Tokyo il y a deux semaines — suée à les empiler dans un coin du bureau où ils occupent maintenant un bon sixième de l'espace. Allez, ce n'est que pour quelques mois...
Un colis Amazon est arrivé aussi, et une enveloppe d'Emblée — merci, Christophe ! Bref, y'a de quoi faire pour ranger tout ça et remettre le bureau en ordre de marche pour la semaine prochaine.

Ce Soir ou Jamais. Tonique début de troisième année, hier soir, avec le trio Jaoui Bacri Debbouze, leur dernier film, leur carrière, leurs engagements. Pas des pros de la parole qui coule toute seule, d'or, style Maffesoli ici même, par exemple. Ces trois-là balbutiant souvent, se coupant l'un l'autre, s'exaspérant et se reprenant, jamais s'écoutant parler, toujours à la recherche d'une expression plus juste, soucieux d'éviter tout malentendu, ou de se laisser piéger par la parole institutionnelle, représentée ici par Taddeï. Le nom de Nathalie Sarraute a même été prononcé, figurez-vous. Évidence et clin d'œil quand quelqu'un dit d'une certaine façon : « C'est bien... ça ! »

Le grand choc de ce soir : l'album de Christophe (le chanteur), Aimer ce que nous sommes. Une sorte d'élévation au carré des qualités déjà connues de Christophe, un bijou absolu. Et la preuve, s'il en était besoin, que l'intensité et la profondeur peuvent aussi s'atteindre en rythmes lents. C'est simple, je n'arrive même pas à me concentrer deux minutes pour écrire. Suis obligé d'attendre les fins de morceaux pour speeder sur le clavier.


Mercredi 17 septembre 2008. Juche facile quand même.

Rangement, réunions, rien de remarquable, sauf que ça bouffe la journée.
En fin d'après-midi, je commence Lady Oscar (Demy, 1978, en ligne en italien...) et fatigue un peu aux deux tiers. Faut que je me force à le prendre au troisième degré, comme parodie de manga et d'anime...

Et puis Ce soir ou Jamais d'hier soir très moyennement intéressant. En fait, je crois que c'est l'extension du concept d'actualité culturelle aux domaines de la politique et de l'économie que je ne digère pas bien. Parce que ce n'est pas la première fois que l'inévitable dialogue de sourds me fatigue les oreilles. Bien sûr, Emmanuel Todd m'écorche moins qu'Hervé Mariton, mais il se juche facile quand même sur son statut d'historien pour lâcher un avis perso (que je peux partager, là n'est pas la question, mais y'a maldonne).

M'est arrivé souvent, une à deux fois par an, de rechercher des clips de Joe Jackson sur Youtube. Depuis longtemps, on pouvait voir son tube intemporel, Steppin' Out. Mais ce que je voulais revoir, c'était les titres de son premier disque, Look Sharp, acheté en 80 ou 81 en 33 tours vinyl.
Ce n'était pas prévu pour ce soir, mais après les Go Go's dont j'avais réentendu l'air dans un supermarché (la reprise n'est pas mal non plus...), après Annie Lennox (Cold est une de ses plus belles chansons), je suis reparti à la pêche au JJ, encore une fois. Et j'ai trouvé une excellente version de Sunday Papers. L'album aux chaussures était un cocktail réussi entre le quasi pogo à cravate ska de Friday, l'engagé dandy au rythme fou (si vous n'en voyez qu'un, prenez celui-ci) et le gentil jazzy qui viendrait après Body and Soul — et toujours opérationnel (ce que je découvre ce soir, en plus de son site).

commentaires

  1. ms

    bien vu, les historiens juchés faciles sur leur statut, et c’est même précisément pour ça que j’ai un peu de mal à supporter mes collègues…

  2. Berlol

    C’est amusant que vous interveniez à ce propos parce que j’écoutais avant-hier les Mardis littéraires du 8 avril où l’on parlait de votre livre, Atelier 62, avec vous, émission dans laquelle on vous reconnaissait le mérite littéraire (mais pas seulement) d’avoir trouvé un ton, une position narrative qui n’était ni trop empathique, ni trop analytique, ni trop ironique (il a été question de “nouveau genre littéraire”, de “miracle”)…
    C’est donc possible.

  3. ms

    c’est bien, chez vous rien ne se perd, même après déménagement (et merci de l’écoute)

  4. F

    bon, à partir de ce désormais, je dirai vous à vous deux moi aussi, juchés comme vous êtes

  5. ms

    à tu et à toi je ne sais pas quoi répondre, je retourne me jucher (mais je me soigne)



Jeudi 18 septembre 2008. Aux tréfonds de notre indésiré sujet.

Surprise et rouge au front, ce matin, chez Grapheus Tis qui (me) rend justice. Du quartier d'isolement, je lui envoie un message de profonde reconnaissance :
« C'est l'heure de mon tour hebdomadaire, les gardiens du silence de la cyber prison des blogs me surveillent... Mais bon, sous prétexte d'aller en fumer une, je squatte une ligne... Et quelle bonne surprise en arrivant chez vous ! A la façon, chez Volodine, de ces manuscrits en trois exemplaires dont deux sont déjà détruits, il y a donc encore quelque part, trace, mémoire — et estime — de cet ouvrage Ô combien sulfureux dont j'ai été coupable en 2002.
Mais on peut lui imaginer un destin encore plus fabuleux : en réalité, Assouline a bien reçu ce livre par service de presse des PUF en 2002 et c'est en le lisant qu'il a décidé de s'y mettre, d'observer d'abord posément la blogosphère naissante, d'où les nombreux cafés qu'il a dû avaler, puis de rechercher un appui institutionnel pour se lancer.
Cela expliquerait bien des choses...»

Vous pouvez faire circuler. Pour beaucoup, informer et désinformer, maintenant, c'est la même chose... D'ailleurs, c'est de la littérature.

Au sport pour recommencer à pédaler et suer tout en lisant. Cette fois, c'est la vitesse de lecture, inaccoutumée chez moi, qui entraîne les jambes. Le texte lui-même semble contenir sa propre pente d'accélération, pousser ou tirer le regard de ligne en ligne. C'est un phénomène rare et étonnant auquel je ne m'attendais pas, d'autant que je connais un peu l'auteur, comme je l'ai déjà dit... et me voilà comme un rien dans les pages 70... Vous aussi, pédalez ! Courez ! Achetez-le ! Commandez-le ! Lisez-le ! Ça vous changera des produits formatés de la rentrée.

« Dès qu'on les a suffisamment attaqués, ces bonbons bis libèrent à leur tour un flot raccord, une boue grasse et luisante, anthracite, qui était lovée, cachée, compressée, là. Elle se déploie. C'est intarissable, roboratif plus que de raison, ça s'écoule, ça s'écoule, sans cesse. C'est à peine débuté qu'on est déjà rassasié.
Mais ça ne va pas stopper pour autant. Bien au contraire. C'est un raz de marée. Ça se projette par jets drus, violents par intermittence, comme si on avait des pompiers sous le palais, armés de leurs lances superpuissantes, qui chacun leur tour balancent la pression dans la gorge.» (Christophe Chazelas, Feu l'artifice, Paris : Emblée Éditeurs, 2007, p. 25 — écoutez ou réécoutez l'auteur dans les Mardis littéraires du 26 août ou dans Ça rime à quoi du 14 septembre)

« Toujours est-il qu'aux tréfonds de notre indésiré sujet d'observation, le magma gastri, abîmé dans ses petits jeux esthètes, finit lui aussi par se découvrir la fibre poète... Le style, qui jamais ne réussira à se faire digeste, qui jamais ne coulera de source, confiant, concourt cependant pour le prix de Flore (intestinale). Toi, somnambule au bord du vomissement, héros sans rival, mon seul monde (j'ai tes tripes pour unique horizon), te voici scotché au bruit de tes entrailles.» (Id., p. 30)

« parenthèse
hello
on recommence
inspiration expiration
un point ça se dilate
la masse doit savoir varier aux extrêmes
expansion repli, les deux à la fois
comme un asthmatique sous les eucalyptus
(le texte doit parfois savoir se faire plus gros que le bœuf, alors qu'il va devoir passer par le chas d'une aiguille, il le sait pas, il ne sait rien) » (Id., p. 61)

« Le papier est un pis-aller pour la poésie, non ? » (dans Ça rime ça quoi...)

Retour à Tokyo en écoutant Philippe Katerine (Surpris par la nuit du 2 avril), étonnant personnage à peine caché derrière sa pop foutraque. Puis surtout réécoutant — et très attentivement, cette fois — la fiction du 12 avril tirée de Fonction Elvis de Laure Limongi (alors ? Cette Fête de l'Huma ?). Est-ce à cause de la qualité du texte et de la mise en scène sonore ? J'éprouve pour la première fois une sorte de sympathie pour le king, pour le personnage ainsi construit entre mes oreilles.

commentaire

  1. Laure

    Désolée, j’ai un peu de retard de lecture… et de publication de blog ! (mais c’est pour les bonnes causes Laureli et Laure Limongi - dans l’ordre…)
    Oui, j’ai été gâtée avec cette “fiction” Fonction Elvis, quelle réalisation !
    Alors, la Fête de l’Huma… sera toujours la Fête de l’Huma ! Je donne à fond dans l’euphorie bien rouge en m’enfilant des andouillettes/frite (enfin, Emmanuel, surtout, aux andouillettes) et autres kebabs. Et puis on a entendu Bashung ! Côté Village du Livre, je déplore un peu le classement alphabétique qui fait que je me retrouve systématiquement entre deux auteurs politiques - entre un livre sur le chômage et un autre parlant de Dolto, les lecteurs sont un peu désarçonnés d’ouvrir Fonction Elvis… - mais mis à part ce point de détail (faut bien chipoter), c’est un rendez-vous important. Chaque année j’y vois des auteurs avec lesquels je n’ai la chance de papoter que là et j’en rencontre de nouveaux comme Anne Marsella, cette année (ordre alphabétique oblige…) qui publie à La Différence. Élodie Issartel était invitée, également. Elle vient de publier un superbe premier roman aux Éditions Léo Scheer, Festino ! Festino ! et pas grand monde n’en parle pour l’instant, ce qui me révolte pour le moins, comme toujours dans ces cas là, évidemment.



Vendredi 19 septembre 2008. Disparaître entre deux coups de cymbales.

Quelle bonne idée d'inviter Laurent Cantet et François Bégaudeau ! (Ce Soir ou Jamais de mercredi soir.) Après le livre et le monde quelque peu clos de Cannes, ils vont pouvoir suivre les réactions publiques à la sortie du film... Et qui sont déjà, paraît-il, diverses et variées. Beaucoup ne traitant déjà plus du film en tant qu'œuvre, s'ils l'ont jamais fait, mais de ses bases, conditions et implications, le considérant comme un documentaire sur l'école et chacun se prenant, comme il est dit avec humour, pour un ministre de l'éducation (rôle pourtant peu enviable quand on a vu la tête et l'action des derniers en date, sans parler des bâches qu'ils se prennent sans arrêt — un ministère pour masochiste, mais peut-être que prof aussi...).
Daniel Pennac dans Télérama.
Eugenio Renzi dans les Cahiers du cinéma.
Olivier de Bruyn dans Rue 89.
Par exemple...

« Après chaque épandage de produit incapacitant, les organisations humanitaires de l'ennemi parachutaient ou déposaient sur zone des coffres débordant de victuailles lyophilisées et de farines indigestes, tout cela accompagné de feuillets qui expliquaient en diverses langues illisibles la meilleure attitude à adopter en présence de l'ennemi, ainsi que les raisons pour lesquelles l'ennemi haïssait nos croyances, nos idoles, nos chefs historiques, nos manières de vivre, et nous aimait. Dans chaque container on trouvait aussi des figurines en peluche destinées à gagner le coeur des enfants et à les accoutumer à la culture de l'ennemi, à ses préférences esthétiques et religieuses, à ses exigences alimentaires, à ses pratiques d'hygiène, à son humour.
Dodi Badarimsha adorait les peluches de l'ennemi. Il se les attachait en guirlande autour du cou, ou il les disposait en cercle sur les sites que les incendies avaient goudronnés. Il les couchait dans le bitume toujours un peu tiède, les yeux grands ouverts en face du ciel, comme en attente d'une nouvelle pluie de feu, et il leur parlait. Parfois quelques-uns d'entre nous assistaient à son monologue et, saisis en profondeur par ce qui leur apparaissait comme un spectacle, ils essayaient d'intervenir, en murmurant des phrases ou en s'allongeant à leur tour à côté des peluches.» (Lutz Bassmann, « Mille neuf cent soixante-dix-sept ans avant la révolution mondiale », in TINA, n°1, août 2008, p. 15)

Voilà un tout autre monde...
Car passé l'édito, c'est notre Bassmann qui ouvre fièrement la revue. Chloé m'a gentiment proposé le pdf, peut-être par considération pour mon travail et mon éloignement. L'intention me touche beaucoup, merci ! Bien sûr, c'est aussi pour que j'en parle, c'est normal. A fortiori si ça me plaît.

Je continuerai demain parce qu'on doit sortir, aller en visite préventive au temple (T. ne pouvant se rendre à une cérémonie dans les jours à venir) et faire des courses avant que le typhon soit sur nous. Il est prévu, on ne sait jamais jusqu'où ça peut aller.

À Akasaka, vers 17 heures, la noirceur des nuages est impressionnante, rehaussée par les lumières des rues et des bâtiments. Faisons le tour des nouveaux restaurants du centre Sacas.
Puis T. se souvient qu'une amie d'enfance doit avoir un izakaya un peu plus loin, dans une ruelle latérale. Après une brève déambulation dans le quartier, nous arrivons à Mugiya, c'est l'heure de dîner et la carte nous plaît beaucoup. Émouvantes retrouvailles (T. ne l'a pas vue depuis près de dix ans), pour moi découverte d'une femme étonnamment grande et souple (T. me dira qu'en effet Mme Y. a été championne de natation à l'école).
Prenons du sashimi de cheval (excellent — vient avec du tategami, mets rare et blanc, autrement dit du gras de crinière — immangeable, paraît qu'il y a des amateurs), une salade d'avocat, de l'aubergine au miso, des poissons grillés, puis un nabe de canard (la bête est française) dans lequel on ajoutera des sobas. Ça semble faire beaucoup, dit comme ça, mais une heure plus tard, aucune lourdeur. Et puis on a dîné avant que les fumeurs n'arrivent (ce qui est quand même la plaie des izakayas).
Synchronisée sur notre emploi du temps, la pluie commence quand nous sortons, douce d'abord jusqu'au métro, jusqu'à ce que nous soyons rentrés à la maison, forte ensuite une bonne partie de la nuit.

Les États-Unis éprouvent une certaine satisfaction, une certaine fierté qui n'est pas que le soulagement après les risques courus (et qui courent encore, d'ailleurs). Encore une fois, ils sauvent le monde (ou font mine de) — après l'avoir mis sur la paille. Leurs dettes, leurs crédits tordus, leurs faillites colossales et enfin... roulements de tambours... leur solution sortie d'un chapeau les ont ramenés au centre de l'actualité mondiale — la Géorgie, l'Afghanistan, les Jeux olympiques, la fonte des pôles, tout cela est passé en petits caractères aux dernières pages. Le vrai centre de gravité du monde, que personne ne l'oublie, s'il vous plaît (et même s'il ne vous plaît pas) est l'économie américaine. La Russie surtout doit comprendre le message ; l'exercice de yoyo que vient de faire sa bourse est destiné à bien rappeler qui dirige la danse — et que des danseurs peuvent disparaître entre deux coups de cymbales.

commentaire

  1. brigetoun

    billet trop riche (pas lourd, riche) pour petit crâne - vais digérer



Samedi 20 septembre 2008. L'écume de la coïncidence.

Écoute de Christine Angot dans Du Jour au lendemain du 15. Quelques passages avec un peu d'émotion, où on touche vaguement quelque chose mais globalement entretien mou, sans trop d'engagement de part ou d'autre. Trop de complicité ou pas assez. Déjà, il faut plus de trois minutes pour qu'on entende la voix de l'interviewée. Musique, ouverture, remusique, long préambule de propositions, suppositions et questions rhétoriques d'Alain Veinstein. Christine Angot monosyllabe, nécessite encore trois minutes de chauffe, l'impression qu'il la démarre comme une vieille voiture, à la manivelle. Et puis c'est parti pour une demi-heure de brusques sautes de voix, le logiciel d'enregistrement sonore est formel, que des pics et des blancs. Spécialiste des blancs à la radio, Christine Angot, des fois, dans d'autres émissions, on se demandait s'il y avait panne ou quoi, mais non c'était quinze secondes de réflexion... Je ne suis pas contre, ça fait prendre des risques au système, au média, mais cette fois, pas de longs silences, des sautes sans cesse, fatigantes. Je le réécouterai dans quelques jours, notamment pour un passage d'interrogation sur ce que font de leur vie les gens qui n'écrivent pas. Mais pas aujourd'hui.

À l'Institut franco-japonais, c'est d'abord Manu que j'aperçois. Comme souvent le samedi depuis qu'il est motorisé, il vient en famille pour emprunter des livres à la médiathèque (et comme d'habitude, on ne peut pas déjeuner ensemble). On se promet de redémarrer les déjeuners du lundi, à Akasaka justement, maintenant qu'il y travaille.
J'y venais pour voir l'ambiance autour du programme Butor, premier jour de manifestation, mais suis peu motivé par les films présentés aujourd'hui (déjà vu pour l'un). Et je ne vois personne. Bien en vue dans un des fauteuils de la médiathèque, personne ne vient non plus me saluer pendant que je lis de bout en bout les Inrockuptibles (enfin lire... parcourir plutôt).
Ai noté que j'ai raté un film nouveau sur Arte hier, New Wave (de Gaël Morel), qui avait l'air intéressant mais que je ne me souviens pas d'avoir vu dans la liste iWizz (il n'y aurait donc pas tout ?...). Toujours dans les Inrocks, bon article sur La Belle Personne...
Et vrai que le sortir la même semaine qu'Entre les Murs prête un peu à comparaison et donc à confusion. N'est-ce pas fait exprès pour que de ces œuvres ne reste que le choc de l'une sur l'autre dans l'actu, l'écume de la coïncidence provoquée par les médias ? — et écarter le danger de leur propos intrinsèque. Sorte de grosse machine sociétale inconsciente qui partout met de l'huile dans les engrenages et de l'eau sur les étincelles (et pas l'inverse).

La Chambre 315 me consacre un billet intitulé Berlolzmann. J'en suis très flatté. Mon pseudonyme ainsi chevillé à Lutz Bassmann, les deux à jamais enchaînés jusqu'à la fin des disques durs. Admirable ! — En revanche, je ne sais pas ce qu'en pensera Lutz...
Moi aussi, je lis des tas de choses tous les jours, et souvent en me demandant pourquoi, parce que je n'ai pas les mêmes goûts ou les mêmes centres d'intérêt que mes voisins de galaxie. Et pourtant, là où je retourne tous les jours, y compris la Chambre 315 via les Flux Litor, c'est bien qu'il y a quelque chose qui me convient, et ça ne peut être que — littéraire — un amalgame entre le ton, le thème, la phraséologie, les références, un on-ne-sait-quoi que l'on essaie parfois de décortiquer, avec plus ou moins de succès.
 
Ai découvert ce soir — décidément, c'est presque tous les jours — Bibliothèque Médicis, l'émission littéraire de la chaîne Public Sénat. Par la dernière de juillet, avec Alain Corbin, Pascal Ory, Monique Canto-Sperber, et al. — très sérieux et bien intéressant. On supporte bien Elkabbach, plutôt calme et retenu (faisons du passé table rase), comme empesé dans la solennité (salonnité) des lieux. Sa retenue est presque agréable en regard de la goguenardise provoc d'un Busnel.

commentaires

  1. Caroline

    “La belle personne” et “entre les murs” sortent à une semaine d’intervalle. Mon inclination naturelle va vers “la Belle personne”. J’irai voir l’autre aussi parce qu’il le faut pour se faire une idée. Je me souviens d’une interview de Desplechin sur France Cul durant le festival de Cannes où son film (un Conte de Noël) était en compétition et représentait la France comme “entre les murs”. Desplechin disait que lui ne faisait pas de films engagés, militants, e tutti quanti… Comme Proust, durant la première guerre mondiale écrivait “à la recherche..” loin des tranchées. Quelle est la place de l’art par rapport à l’actualité ? À Cannes, on a peut-être un peu trop récompensé des propos plutôt que des films. Le seul que j’aie vu jusqu’à présent, c’est Gomora. Film très moyen qui me fait regretter de ne pas avoir plutôt lu le livre, une enquête qui doit être très intéressante.
    Ceci dit, j’attends avec impatience de pouvoir aller voir “la belle personne”, film garanti non engagé !

  2. B G-B

    cher monsieur, sans savoir comment vous avez pu repérer – et aussi vite – votre présence dans ma petite anthologie blogueuse, et en vous en remerciant, ce n’est certes pas votre attention aussi insistante pour l’auteur mentionnée en début de votre billet qui pourrait nous surprendre, comme cet extraordinaire image des peluches yeux ouverts sur le cercle de goudron en feu : mais, et bien que la comparaison s’arrête ici entre mon blog ultra-discret et un pilier du web comme vous l’êtes, nous continuerons à vous lire – vous avez une illimitée capacité à faire enrager vos lecteurs, mais apparemment il faut cela pour avoir aussi le meilleur – bien cordialement et respectueusement croyez-le
    mais pourquoi ne nous parlez-vous pas d’Osamu Dasaï au lieu de ces décrépitudes radiophoniques de la littérature des scandales nains ?

  3. B G-B

    sans compter qu’elle prend un beau bouillon de vente et que ça rassure

  4. Berlol

    Cher B G-B, vous êtes dans les Flux Litor, au titre des sources littéraires, parmi tous ces fontaines et robinets qui chaque jour ou chaque semaine forment le fleuve littéraire dans lequel nous baignons et qui n’est jamais deux fois le même.

    Aussi ne puis-je me voir en pilier, horrible chose dont l’érection n’est qu’une longue attente de sa chute.
    Dès le début, vers 1995, j’ai été veilleur et passeur. Mes prétentions de producteur seront venues s’ajouter à ces missions premières…

    Je ne parle pas de Dasai parce que je ne lis presque pas de littérature japonaise parce que je ne lis presque pas de littérature traduite parce que je ne conçois de littérature que dans sa langue d’origine parce que la littérature c’est d’abord la langue et que malheureusement je n’ai pas les compétences en japonais pour lire un auteur comme Dasai sinon vous pensez bien que je m’en pourlècherais…

  5. B G-B

    ah, bien dommage pour nous, le regard que vous nous apportez sur le Japon étant tellement lié à cette manière d’écart que vous avez pour venir allumer, de si loin quelques projecteurs critiques sur notre vieux monde en berne – je rêve de lire Dasai dans sa langue, comme j’essaye d’entendre Sebald et ceux-là, même si je n’ai pas la compétence technique de leur langue originale - Dasai un peu comme vos tortues muettes ?

    et proposez-nous un autre mot que “pilier”, je veux bien le retirer et m’excuser, pour cette assiduité et cette place circulante, si ancienne, si permanente, qui fait que nous sommes si nombreux à vous lire - et qui nous surprend autant, parfois, à vous voir emboucher telles trompettes littéraires, qui ne semblent le devenir qu’à renfort médiatique sans doute plus efficace depuis votre côté du décalage horaire ? - mais là aussi, taisons-nous, vous ne vous y cantonnez pas

  6. vinteix

    Cher Berlol,
    lire Dazai même en traduction (celles de G.Renondeau, de l’avis de gens “compétents”, sont très bien)… c’est pas mal du tout, et même plus que ça…
    J’espère que tu ne t’es pas privé de lire Poe traduit par Baudelaire ?
    Amicalement

  7. B G-B

    merci, vinteix (sans blog?), je ne comprends pas comment Osamu Dazaï n’a pas en France le même statut que Dostoïevski et Thomas Bernhard, dont il est jumeau… et nous manquons terriblement d’éclaircissements

  8. vinteix

    Oui, sans blog (sans blague), mais errant de ci de là, en nomade, dans cette blogosphère… Vous avez raison pour Dazai ; mais j’ai quand même un peu l’impression que les choses sont en route… il me semble qu’il est de plus en plus lu et connu en France… mais en matière de traduction de littérature japonaise, la France a pris un certain retard et Dazai n’est pas le seul à “souffrir” (ou à avoir souffert) de l’ombre imposée par les statues de Mishima, Kawabata ou Tanizaki… me viennent comme ça à l’esprit les noms de Sakaguchi Ango ou Izumi Kyôka…

  9. vinteix

    Mais si ça peut vous “rassurer”, j’ajouterais qu’il n’est pas non plus tenu en si haute estime que cela au Japon… en tout cas pas comme un équivalent de Dostoïevski ou Thomas Bernhard dans les littératures russe et allemande… J’ai comme l’impression, un peu intuitive, que les Japonais ont quelque difficulté avec un certain nombre de leurs écrivains, apparentés et souvent réduits, à première vue en tout cas, à des marginaux ou décadents (même chose d’ailleurs pour Sakaguchi… Quant à Mishima, après son suicide, son destin tragique et ses positions politiques quelque peu illuminées ont fini de le discréditer aux yeux d’une grande part des Japonais)

  10. dominique quélen

    en route, en route… Les traduction de Dazai en français ne sont pas légion. J’ai lu (avec éblouissement) “La Déchéance d’un homme” il y a plus de quinze ans dans la collection “Connaissance de l’Orient” ; pas l’impression que grand-chose soit paru depuis, et surtout, qu’il y en ait vraiment eu d’échos… Je me demande finalement si, en dehors de la question des quelques noms sur lesquels les occidentaux se seraient focalisés, les traducteurs ne sont pas pour la plupart à présent monopolisés par les mangas - qui ne manquent pas non plus d’intérêt, parfois… Peut-être aussi manque-t-il au japonais un traducteur pantagruélique comme Markowicz pour le russe ou Claro pour l’anglais, par exemple ?

  11. dominique quélen

    “les traductionS” (pardon !) C’est dommage, cher Berlol, qu’on ne puisse prévisualiser son message avant de l’envoyer ; ou alors on peut mais je n’ai pas compris comment - il est vrai que je suis une buse en ce domaine.

  12. Berlol

    Non, non, on ne peut pas. Faudrait que je recherche s’il y a une extension qui pourrait faire cela… Mais bon, j’ai eu tellement de galères avec ce blog, que je n’ai plus trop envie d’y toucher.
    Je vais voir…
    En revanche, je peux modifier les commentaires, ce qui m’arrive pour des coquilles qui gênent le sens ou l’œil.

    Pour les traductions, c’est une discussion récurrence. Ma mauvaise expérience de Mishima, à la fac, traduit en français… de l’anglais, d’où une histoire intéressante mais une langue déplorable. A une époque où, en LGC, on n’était pas trop regardant à l’expression, au ton, au rythme… Tout ce qui déjà pour moi faisait l’essentiel de la littérature.
    Donc de temps en temps, j’en lis, comme cet hiver Akutagawa.
    Pour ce qui est des Japonais, là, je peux être formel, la très grande majorité d’entre eux ignore superbement leur littérature, dans des proportions bien supérieures à ce qui peut être imaginé en France. Ils ignorent également les littératures étrangères, sauf Harry Potter, bien sûr, ainsi que le cinéma, sauf par période les films avec certains acteurs ou actrices (Di Caprio, Clooney, il y a quelques années Tautou, etc.).
    Voilà, je vais me faire des copains, avec ça…

  13. vinteix

    Dominique Quélen, en plus de “La Déchéance d’un homme”, vous avez quand même aussi “Soleil couchant” (coll. L’Imaginaire), “Pays natal”, “Cent vues du mont Fuji” (sublime), “Les deux bossus” chez Picquier, “Mes dernières natales” chez Fayard, “La Femme de Villon” (Rocher)… bon, c’est vrai qu’il y en a encore beaucoup d’autres non traduits à ce jour…

  14. dominique quélen

    eh bien Vinteix, merci pour ces précisions ! Heureusement que Picquier, notamment, a pris la relève, car les traductions Gallimard sont bien anciennes… Et je note votre avis sur les “Cent vues du mont Fuji”, qui donne furieusement envie de les lire…

  15. F

    pour moi Dazaï lu en traduction bien sûr, mais violemment, parfois avec répugnance, mais le trouble où il nous met c’est celui des grands

    il y en a qui n’ont pas été traduits ? - on pourrait pétitionner pour mobiliser Véronique Perrin - Furui fait partie de la liste Vinteix ?

  16. vinteix

    “liste” bien évidemment non exhaustive et ouverte… et d’ailleurs, Furui, en voici un autre que j’ignore…

    Quant aux textes de Dazai, oui, il reste encore pas mal à traduire, notamment “Otogi zôshi” (”Histoires du temps jadis”, considérées par certains de mes amis japonais comme son chef d’oeuvre), les oeuvres complètes en japonais faisant 13 volumes.

  17. DQ

    Mais oui, F, mettons Véronique sur ce coup-là : je signe la pétition dès qu’elle existe ! Et espérons que sa belle traduction des “Cheveux blancs” aide à faire connaître Furui. Je viens d’aller voir, par exemple, sur Wikipedia : la page qui lui est consacrée est étique, indigente et pas à jour. Je sais que ce n’est pas une référence mais tant d’internautes s’y abreuvent… Du coup ils iront voir sur remue.net, et c’est tant mieux.

  18. F

    @Vinteix : aïe, j’aurais vraiment préféré ne pas le savoir..

  19. vinteix

    Désolé. En tout cas, grâce à vous, je découvre Furui, déjà en commande… merci.

  20. F

    ceux qui disent que les blogs ça ne sert à rien… !

  21. Berlol

    Oui, les blogs, hein !
    Moi, je dormais, pendant tout ce temps. Mais j’en apprends tous les jours. Et s’il y a une pétition, je signerai (parce que je ne suis pas contre la traduction, non plus, mais faut voir).

  22. Berlol

    Ça y est ! J’ai mis une extension pour prévisualiser les commentaires. S’affiche juste sous le cadre dès qu’on commence à remplir le champ du “Nom” (avec un côté redondant un peu ridicule, vous me direz…).
    Permet de se relire, surtout quand le commentaire est long, AVANT de cliquer sur “Envoyer le commentaire”…

  23. brigetoun

    j’ai un retard considérable - juste dire que tout de même Dazaï est arrivé même jusqu’à moi, et que je pourrais être un critère “grand public” à peine un peu décalé grace à l’absence de télévision (jamais regardé Pivot quand il rêgnait)

  24. Manu

    Pendant qu’on est dans les améliorations, ton fil commentaires est trop court. Aurais-tu une extension pour ça aussi ?



Dimanche 21 septembre 2008. Jusqu'à la fin des disques durs.

Allez, c'est le grand jour ! Celui où on ressort les vélos (pliés sur le balcon depuis le début du déménagement). La météo annonce 50 % de risques de pluie pour l'après-midi. Ça nous va. Nous voici dans la rue à 10 heures et... la pluie commence, le ciel est gris... Que faire ? C'est qu'on doit tout de même aller à plusieurs kilomètres, nettoyer le tombeau familial au cimetière d'Aoyama... Descendons sur Ichigaya, ça semble s'aggraver, et même devoir durer... Je propose de revenir à l'Institut et de laisser les vélos dans le nouveau parking à vélo couvert. Et de prendre un taxi.
En moins de dix minutes, le taxi est à Aoyama-itchome, tourne dans la rue du cimetière et là : bouchon à perte de vue. On abandonne lâchement le taxi (qui en a vu d'autres) et on continue à pied — car évidemment, il ne pleut plus. Je n'ai jamais vu autant de monde venir s'occuper des tombes et des concessions ! Nettoyage, ramassage des premières feuilles mortes (à la main et non à la pelle), installation de nouvelles fleurs, encens et coup de balai. Il est 11 heures et on rentre en métro.
Revenus à l'Institut, reprenons nos vélos — et la pluie reprend — pour aller déjeuner à la Trattoria Toy (3e fois et 3e bonne surprise).
Sur l'avenue Sotobori, depuis quelques temps, une galerie d'art accueille une fois par mois le petit marché de l'Atelier nomade, un producteur bio. En fait, je le connais ce Tatsuya, il travaillait à l'Institut il y a quelques années, il est maintenant marié, avec un enfant, et il a effectué un parcours extrêmement courageux. Comme le dit son dépliant : 2 ans de stage en ferme biologique en France, petits boulots agricoles au Japon, 1 an comme bucheron, 2 ans pour trouver le terrain avant de commencer sa ferme au printemps 2007. On prend quelques tomates, deux courgettes, une aubergine, des pommes de terre, de l'ail, le tout pour un prix très raisonnable (1500 yens) et on rentre à la maison où je prépare illico une ratatouille. La différence entre les légumes industriels et les légumes biologiques doit se voir tout de suite, la fermeté en main puis à la coupe, le parfum, et surtout, la tenue exceptionnelle lors de la cuisson. Sans parler du goût, preuve ultime, ce soir...

Relisant mon billet d'hier, je pensais que jusqu'à la fin des disques durs aurait aussi pu constituer un très bon titre...

À l'Institut vers 16 heures pour raccrocher aux premiers wagons du colloque Butor. Il a d'abord souhaité, pour le thème qui lui a été proposé par un Institut soucieux d'attirer un public plus large que les seuls amateurs de littérature, que nous voyions Intolérance de David W. Griffith (1916, hier, je n'y étais pas) et L'Aurore (aujourd'hui, j'y suis). Ce film muet de Freidrich W. Murnau (1927), j'en ai un très vague et vide souvenir, datant de la cinémathèque universitaire, mais ce soir vrai choc esthétique. La conférence de Michel Butor, devant une salle pleine, n'apportera rien de nouveau aux connaisseurs mais une présence très chaleureuse. À écouter ici avec les questions et réponses qui suivent.
J'ai aussi retrouvé plusieurs collègues ainsi que le principal organisateur du colloque, Olivier Ammour-Mayeur, qui me dit que tout se passe à peu près bien, avec les aléas que tout colloque contient lorsqu'il y a des personnalités, mais que nous devrions avoir de bons exposés vendredi et samedi prochains, à l'université Rikkyo. Si vous passez par là... Sinon, restez en ligne, il n'y aura probablement encore que moi pour enregistrer et diffuser (hélas, déjà cinq ans après la banalisation des enregistreurs numériques).


Lundi 22 septembre 2008. Gravés et jusque dans l'incertitude.

Journée entièrement détournée de son objectif. Je devais faire une heure de veille pour les Flux Litor, prendre une ou deux heures de notes sur Volodine, passer à l'Institut dans l'après-midi pour lire quelques actualités littéraires, après ou avant le travail sur Modiano.
Au lieu de cela, deux heures de la matinée ont été littéralement consumées à rechercher, installer et modifier une extension WordPress pour la prévisualisation des commentaires du JLR2. Pas inintéressant du tout, cet apprentissage de la bidouille php... ((Au passage, j'en ai trouvé une autre qui permet d'insérer automatiquement des notes de bas de page dans le blog, simplement avec des doubles parenthèses.)) Puis j'ai fini et posté le billet d'hier, après avoir préparé le document audio de la conférence de Michel Butor (qui, au vu (de l'absence) des réactions depuis hier, n'a pas l'air de déclencher un grand enthousiasme chez mes lecteurs).
Après, T. ayant reçu des épreuves à réviser pour un article, nous nous sommes plongés dans des recherches de détails biographiques et bibliographiques. Et là, comme toujours, nous, ça a été le départ pour des aventures dans les gravures du XVIIe siècle, dans les catalogues de bibliothèque ou de ventes, dans le plein texte de Gallica 2, dans des sites commerciaux de reproductions de portraits gravés et jusque dans l'incertitude même des statuts d'imprimeur et de graveur... Jusqu'à découvrir par exemple les jeux de cartes publiés par Desmarets de Saint-Sorlin, qui contenaient toute l'idéologie d'une époque, tant dans le classement des pays et des reines que dans les descriptions qui en sont faits. N'ayant ni internet, ni télévision, ni cinéma, ni radio, comment se distrayait-on ou s'éduquait-on alors — quand on avait le privilège de pouvoir s'éduquer et se distraire ? (Voir Jean Desmarets de Saint-Sorlin, Les Jeux de cartes des roys de France, des reines renommées, de la géographie et des fables, 1662.)

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Médicis 1962 : la grosse colère d'Alain Robbe-Grillet, par Alain Beuve-Méry, dans Le Monde du 18 septembre 2008.

« Décembre 1962. Déflagration littéraire à Saint-Germain-des-Prés. Alain Robbe-Grillet en est le responsable. A 40 ans, l'auteur des Gommes et de La Jalousie, le réalisateur de L'Année dernière à Marienbad est au zénith de sa carrière. Il incarne l'avant-garde littéraire et cinématographique. La raison de son coup de sang : l'attribution du prix Médicis à Derrière la baignoire, de Colette Audry, qui a été préféré sur le fil (par 6 voix contre 5) à L'Inquisitoire de Robert Pinget.
Robbe-Grillet qualifie le roman distingué d'"honnête, bien écrit même", mais le trouve sans aucune exigence "quant au renouvellement de l'écriture romanesque".
Il décide de rendre publique son immense déception. Cinq ans plus tôt, il a participé à la création de ce prix "pas comme les autres". Selon ses statuts, le Médicis est censé récompenser "un roman, un récit ou un recueil de nouvelles dont l'auteur débute ou n'a pas encore une notoriété correspondant à son talent". Les deux premiers lauréats ont comblé ses attentes : Claude Ollier, pour La Mise en scène, et Claude Mauriac, pour Le Dîner en ville. Il en va de même pour Le Parc, de Philippe Sollers, primé en 1961. En revanche, Robbe-Grillet considère déjà comme une faute grave, en 1960, le choix en faveur de John Perkins, d'Henri Thomas.
Connu pour son côté trouble-fête et son goût de la provocation, le chef de file du Nouveau Roman se comporte en gardien vigilant du temple. Dans le jury, il dispose d'alliés fidèles : Gala Barbisan, mécène du prix, Denise Bourdet et aussi Nathalie Sarraute, qui n'est ni à l'aise ni heureuse dans le rôle de juré. En face, on trouve notamment le fondateur du prix, Jean-Pierre Giraudoux, Félicien Marceau, Claude Roy et... Marguerite Duras, qu'on imaginerait plutôt dans l'autre camp.
Robbe-Grillet décide d'attaquer bille en tête. Dans une lettre ouverte, il dénonce parmi les jurés ceux dont "la hargne" ou "le manque de caractère" ont fait pencher la décision du mauvais côté. "Avoir, en cinq ans d'existence, laissé passer La Route des Flandres, de Claude Simon, puis cet Inquisitoire de Robert Pinget, c'est en effet un joli record pour un jury qui a été fondé - ô présomption ! - en vue de corriger le mauvais choix des autres !", assène-t-il à ses pairs.
A 46 ans de distance, on peut noter la perspicacité littéraire du juré Robbe-Grillet, qui a commis un sans-faute depuis la création du prix. Mais, à l'époque, il ne fallait pas que le Médicis reste l'apanage des "nouveaux romans", tous publiés ou presque aux Editions de Minuit, dirigées par Jérôme Lindon. Pour la majorité des jurés, les livres "audacieux" devaient forcément alterner avec les livres "raisonnables".
Visionnaire, Robbe-Grillet pointe aussi dans les fausses notes du palmarès deux des principaux reproches faits couramment aux autres jurys, "le couronnement à l'ancienneté et l'abandon aux bons sentiments faciles".
Après ce coup d'éclat, le chef de file du Nouveau Roman menaça de claquer la porte, mais finalement resta, contrairement à Nathalie Sarraute, Marguerite Duras et Claude Roy qui, lassés par les colères de leur collègue, démissionnèrent ensemble peu de temps après.
Membre du jury Médicis pendant quarante-neuf ans, Alain Robbe-Grillet, par un de ces pieds de nez qu'il affectionnait tant, a tiré sa révérence en février 2008, huit mois avant la commémoration du cinquantième anniversaire.
1962 fut surtout une année maudite pour Robert Pinget. Pour comble de malchance, l'écrivain suisse rata aussi le Femina, qui, après seize tours de scrutin, fut finalement attribué à Yves Berger pour Le Sud. Moins ingrates que les jurés Médicis, les dames du Femina rattrapèrent leur bourde trois ans plus tard en couronnant Pinget pour Quelqu'un

commentaires

  1. brigetoun

    me console de lire que vous avez un peu des difficultés de bidouillage qui pour ma part sont un monde totalement opaque où je me risque et m’acharne (et pourtant ma base est pré-formatée) avec des résultats parfois, très rarement, positifs.
    Robbe-Grillet plus intéressant comme critique que comme écrivain ? (quoique le voyeur a été dans mon adolescence une ouverture, trop peu exploitée, à la littérature contemporaine)

  2. Berlol

    Pour Robbe-Grillet, c’est rageant parce que ses romans sont excellents. Enfin, c’est mon avis. Il faudrait les lire en enlevant le nom de la couverture et dire qu’ils ont été écrits l’année dernière par un inconnu !
    C’est un des cas où l’image publique de l’auteur a complètement bloqué l’accès aux oeuvres.
    Il faudra encore au moins dix ans avant que cela change, que la majorité de ses ennemis actuellement en place dans le système clamsent…

  3. j'veux pas clamser, mais...

    même en enlevant le nom de la couverture, vraiment Robbe-Grillet c’est pas très bon… je sais je devrais pas le dire, et on me répondra que je n’ai qu’à passer mon chemin… mais c’est plus fort que moi, il faut que je dise, que vraiment RB c’est pas bon, et si c’était bon, et bien j’aimerais… Quant à Butor, quelle tristesse, et lui aussi je ne l’aime pas beaucoup, c’est en lisant un de ses romans , l’emploi du temps, que je me suis endormi pour la seule et unique fois de ma vie sur un livre…
    voilà juste envie de dire deux ou trois méchancetés, en passant devant cette maison où j’ai vu de la lumière. Certes ce n’est pas très poli, mais vous conviendrez que ce n’est guère méchant, non plus.

  4. Berlol

    Non, rien de méchant à donner son avis ou à faire part de ses goûts personnels. Et si vous n’aimez pas, on ne peut (presque) rien contre ça. En revanche, pour des personnes qui n’ont pas encore lu et qui sont rebutées par la notoriété négative de l’auteur, il est opportun de dire qu’il faudrait passe outre…
    Ceci dit, on ne m’empêchera pas dire que j’aime les romans d’ARG et même de le montrer d’ici quelques temps (projet en cours)…

  5. j'veux pas clamser, mais...

    j’ai l’impression tout de même qu’il n’est pas tant vilipendé que ça l’ARG… au contraire. Il a pour lui ce côté coquin et polisson, qui plaît à l’université, par exemple… que j’ai un peu tendance à considérer comme étant du Bataille revu par david hamilton… en fait, et pour tout avouer, je crois que ce sont les choix artistiques d’ARG qui me déplaisent (le photographe (sic) cité ci-dessus, Magritte,… et une idée du cinéma assez plate…) et qui sont cause de sa mauvaise réputation.

    je lirai avec plaisir ce que vous avez à dire sur ARG, et puis vous êtes pardonné, vous aimez Volodine…

  6. Philippe De Jonckheere

    “L’année dernière à Marienbad” n’a jamais été réalisée par Robbe-Grillet, mais bien par Alain Resnais. Ils disent vraiment n’importe quoi dans la journal gothique du soir.

    Amicalement

    Phil



Mardi 23 septembre 2008. Toujours avec plaisir et dévotion.

Jour férié au Japon, équinoxe d'automne. Tous les voisins se pavanent sur les terrasses, des enfants braillent, la Kagurazaka est fermée à la population automobile. Et le Saint-Martin rouvre, les poulets redorent et les frites retournent dans l'huile pour notre plus grand plaisir.
Ça résume assez bien la matinée, sauf que j'ai aussi lu le compte rendu sur Sollers et Bergounioux chez Bourdais... C'est humain d'opposer des auteurs, je suis le premier à le faire, et en plus, là, c'est assez facile. Mais Jean-Claude reconnaît aussi des qualités à Sollers. Il lui resterait juste à trouver quelques défauts à Bergounioux. Ça qui va être difficile !...

Avant de partir, valise prête dans l'entrée, je m'allonge un quart d'heure sur le lit à côté de T. qui lit Vingt Ans après à haute voix, le chapitre des déboires et récréations du duc de Beaufort emprisonné à Vincennes. Un pur moment de rock'n roll, même si je m'endors avant la mort du chien Pistache — que je retrouve ici ce soir...

« Et maintenant, attention, reprit le duc en baissant la canne presque au niveau de terre, Pistache, mon ami, sautez pour l'illustrissimo facchino Mazarini di Piscina.
Le chien tourna le derrière à la canne.
- Eh bien ! qu'est-ce que cela ? dit M. de Beaufort en décrivant un demi-cercle de la queue à la tête de l'animal, et en lui présentant de nouveau la canne, sautez donc, monsieur Pistache.
Mais Pistache, comme la première fois, fit un demi-tour sur lui-même et présenta le derrière à la canne.
M. de Beaufort fit la même évolution et répéta la même phrase, mais cette fois la patience de Pistache était à bout ; il se jeta avec fureur sur la canne, l'arracha des mains du prince et la brisa entre ses dents.
M. de Beaufort lui prit les deux morceaux de la gueule, et, avec un grand sérieux, les rendit à M. de Chavigny en lui faisant force excuses et en lui disant que la soirée était finie ; mais que s'il voulait bien dans trois mois assister à une autre séance, Pistache aurait appris de nouveaux tours.
Trois jours après, Pistache était empoisonné.»

Dehors, dans le doux soleil, je repense à la peau bellement bronzée de Yukie après sa dizaine de jours en Corse, au documentaire de Thalassa vu dimanche soir sur l'amiante toujours à l'air libre dans le Cap Corse, que j'aimerais bien y retourner moi aussi et qu'un cancer dans quarante ans ne me fait pas peur (il y a tellement de chances qu'autre chose m'emporte d'ici là).
Puis dans le train, c'est Feu l'artifice, suite, en me souvenant que nous étions allés tous les trois, T., Christophe et moi, il doit y avoir dix ans, pique-niquer dans la forêt de Fontainebleau (qui intitule cette page) avant d'entrer par hasard, ayant vu le panneau sur la route, dans cette Poterie de la Genevraye où nous avions acheté trois magnifiques bols d'influence japonaise que j'utilise toujours avec plaisir et dévotion.

« De plus en plus faiblement auréolés du souvenir des galaxies, et une fois dépassé l'écran ouaté des derniers nuages, on aperçoit tout d'abord la cime des plus grands arbres... on s'en approche ensuite jusqu'à pouvoir toucher du bout de l'ongle les feuilles les plus hautes... et l'on prend encore le loisir d'inventorier ce que l'on peut d'ores et déjà saisir de la terre ferme à travers le voile mouvant de la frondaison. Aperçu brièvement entre deux mouvements de branches qui s'étreignent sous l'action du vent, le toupet bondissant d'un jogger qui passe. En gros plan, la patte droite avant dressée d'un écureuil qui, vite, rebrousse chemin. Et, sous l'obstruction du vert poussif de la fin d'été, du brun terreux, le grisé d'un rocher deviné sous le roux, précoce, d'autres feuilles, d'une autre famille d'arbres, prématurément tombées.» (Christophe Chazelas, Feu l'artifice, p. 96)

Écho(s) du débat sur Dazaï et la traduction que j'ai transporté, qu'on m'en pardonne, chez Didier da Silva.

Vraie envie de pouvoir utiliser cette excellente phrase d'Éric Chevillard : « Son roman a fait grand bruit en dévalant le toboggan de mon vide-ordures.» Mais je lis si peu (lentement) et je trie si bien à l'avance, que c'est bien rare. Le dernier, je crois, duquel j'aurais pu dire ça, ça devait être un précédent livre de Jean-Paul Dubois, Une Vie française, pourtant chaudement recommandé partout, à l'époque...

Ah, j'allais oublier. Ce soir ou jamais d'hier, c'était pas mal. Balasko, Baye, Berling, et al., sur la prostitution. C'est pas qu'on apprenne des choses sur la chose, mais c'est une causerie détendue, que(ue) même Jean-Marie Rouart n'arrive pas à m'énerver.

commentaires

  1. Philippe De Jonckheere

    Pourtant il en a des défauts Bergounioux, par exemple, on ne peut pas dire qu’il soit très tolérant de son prochain, si facilement conspué.

    Du coup je n’arrive pas à savoir si c’est plus difficile ou facile de trouver des défauts à Bergounioux que de trouver des qualités à Sollers.

    Amicalement

    Phil

  2. christine

    pour lui trouver un autre défaut, je le trouve aussi un peu “juché” Bergounioux (pour reprendre un terme récemment utilisé ici qui m’avait bien plu) … quand il parle, pas quand il écrit

    merci pour la fonction prévisualiser nos commentaires (très perfectionnée en plus, en temps réel et tout … je n’avais jamais vu ça encore : si tu promets de ne pas (comme d’aucun) publier tes commentateurs à l’insu de leur plein gré je vais venir plus souvent encore juste pour le fun) !
    pour les notes en bas de billet je suis moins convaincue de l’utilité (et puis, surtout en italique, elles sont limite lisibles)

  3. Berlol

    Je promets qu’en cas de bénéfices, les commentateurs identifiables seront rémunérés au pro-rata de leur participation (un algorithme secret tenant compte de la quantité, de la qualité et des effets perlocutoires est en préparation), les bénéfices restants allant à l’érection, sous l’Arc de Triomphe, d’une statue du blogueur-commentateur inconnu.
    Pour les notes, faut que je trouve où modifier la taille de la police…
    [MaJ : ça y est, c'était dans les options, j'ai mis la taille à 0.9 au lieu de 0.8 et c'est plus lisible... Ceci dit, j'ai un peu abusé, c'est plutôt destiné à des références qu'à des citations.
    À noter : on peut aussi voir le contenu de la note en passant la souris sur l'appel de note sans cliquer, mais c'est sans mise en forme.]

  4. christine

    quelle réactivité !
    l’érection d’une statue, c’est pour te venger d’avoir été traité de pilier du web ?

  5. brigetoun

    pilier du web, statue, sans doute, mais aussi pourvoyeur (merci pour le site Dumas, je vais faire un tour dans Ange Pitou)
    Pour les jugements à l’emporte pièce de Bergounioux, finalement ils lui donnent un petit air vieil oncle bougon (hum pas oncle et plus jeune que moi) - d’autant que quelques lignes plus loin la sensibilité revient.
    Dans la vie je ne peux savoir, je pense que je serais terrorisée, mais cela m’arrive souvent

  6. ms

    je ne vois que des qualités chez Bergounioux, vraiment rien à lui reprocher pour ma part, d’ailleurs je l’écoutais encore hier soir et avant-hier soir avec délices dans la redif du “Bouvard et Pécuchet veulent écrire un livre” de Surpris par la nuit

  7. Berlol

    Ah oui, ça c’était (et ça reste) une très grande émission ! Je l’ai écoutée plusieurs fois quand je préparais un cours sur Bovary. Juste pour me mettre dans le canapé flaubertible…

  8. benjamin

    Quant à Bergounioux — j’en ai parlé avec pas mal de gens, je suis à peu près le seul à penser ça, mais je le pense quand même, alors je le dis : quand il sort son grand numéro de misanthrope (ou de « vieil oncle bougon », c’est vrai, c’est bien vu brigetoun), moi j’ai toujours l’impression qu’il en rajoute, qu’il joue en fait. Je me délecte souvent à imaginer son petit sourire — oh, presque rien, peut-être invisible à lui-même —, au moment de broyer du noir. Il n’y croit pas en fait : c’est un clown, Bergounioux, chaque fois que je l’ai vu « en vrai » je l’ai trouvé très drôle, c’est une bête de scène il faut dire. Ou bien même il fait semblant d’y croire, il se prend à son propre jeu — mais moi je sais bien, j’ai compris. Et c’est comme ça que je l’aime, comme ça aussi que je lui pardonne quand il fait semblant de ne pas « tolérer son prochain ». Le vieil oncle bougon, c’est ça, mais qui éclate d’un grand rire après le repas (hors livre donc, du moins en apparence), ou peut-être même pas : juste un clin d’œil au neveu qui l’a compris. J’aime bien les clins d’œil que (je m’imagine que) Bergounioux m’envoie quand je le lis. Sans le savoir, peut-être.

    Fin de la parenthèse, ce n’est pas du tout de Bergou que je voulais parler en commentaire, je (il) m’égare. Je reviens sur ton idée de l’avant-dernier paragraphe : on trie avant lecture, et finalement il n’y a pas, ou très peu, de déchet. C’est aussi l’impression que j’ai, depuis un certain temps (idem pour l’achat des disques) : au fond on sait ce qu’on va lire par avance, ou plus exactement par avance on sait si ça va valoir le coup. (Et puis, franchement, à feuilleter un bouquin deux minutes en librairie, on voit assez vite si ça « tient » ou non, du côté de la langue — c’est pour moi critère essentiel.) Le contre-coup, si je peux dire, de cette « sûreté » dans l’achat, c’est qu’on prend peut-être moins de risque. Et puis on va « laisser passer des trucs », « rater une actu » : ça c’est la hantise de la critique journalistique, mais pas seulement, plein d’amis me disent pareils. Je me demande parfois pourquoi je ne suis pas affecté par cette hantise, et puis savoir si c’est « bien », ou « mal »…

  9. Berlol

    Ah, on l’aime son vieil oncle dont on connaît par cœur les défauts !…

    Pour ce qui est de “rater une actu”, j’en connais qui ont tellement cette hantise qu’ils préfèrent ne rien lire qui date de moins de cinquante ou cent ans… (et avec un de ces mépris pour tout ce qui sort !)
    Comme ça au moins pas de déception, pas de prise de risque, que du garanti par le tri du temps.



Mercredi 24 septembre 2008. Voilà donnant des deux canons.

Premier cours du trimestre, bien préparer l'entrée en piste, donner le rythme, le ton et, l'air de rien, que ça bosse tout de suite.
Un test en quatre questions pour vérifier les acquis du premier semestre (en principe). Résultat... Décevant. Pas de miracle. Les vacances, dans leurs cerveaux, c'est la danse des mots...

Au bureau, je revois Lady Oscar (Demy, 1979) en me demandant comment canaliser l'attrait des étudiants pour un film français tiré d'un manga japonais sur les prémices de la Révolution française vers une réflexion sur la parodie de genre et la vérité historique... La réputation calamiteuse du film permettra également de réfléchir sur ce qui fait qu'un film est raté.

Sophie au téléphone, juste quand elle arrive à Narita — d'où ? elle nous le dira un autre jour. Benoît maintenant à Besançon. Andreas toujours plongé dans sa thèse, là-bas, au bout de mon couloir. David passe discuter un moment, on est sur un texte pour revendiquer un accès internet non bridé dans les bureaux (sous prétexte de sécurité, on ne pourrait plus utiliser de streaming...). Et même plus le temps d'aller au sport, l'heure est passée, l'envie aussi.
Pour me relever un niveau intérieur qui flanchait déjà, rien de mieux qu'une relance dans l'actu littéraire, et pourquoi pas en associant au Chazelas le Tugny. Me voilà donnant des deux canons — chargés — dans la création langagière, loin des histoires à ligne claire.

« Biche de Biche, souveraine, fit de tout ce monde une boule et la lança du regard très loin en répondant : « oui, absolument, Biche de Biche, qui vous sert et dit boujour. La compagnie ».» (Emmanuel Tugny, Mademoiselle de Biche, Paris : Léo Scheer, 2008, coll. Laureli, p. 8 [Réédition de Rennes : La Part commune, 2000.])

« Biche s'assit un moment et rit lorsqu'elle vit le Cardinal Vélasquez, sobrement insuffisamment déguisé, tirer lui aussi, parmi les dames, sur un plus petit oiseau qu'il soumettait, fiévreux, hors de lui, aux plus redoutables avanies.
Vous aussi, Vévé, chanta Biche en s'aidant des mains.
Moi aussi, Biche, chuchota le Cardinal qui, avec un sourire, tira dans sa direction trois coups qui sifflaient « Viens ».
Biche le rejoignit derrière le remblai et lui serra les mains. Elle ne put s'empêcher, non elle ne put pas, de remarquer qu'il avait l'air on ne saurait plus parti. Son œil regardait vers l'intérieur du crâne les songes qui s'y tramaient. Il fumait une manière de boue solide dont les filaments pendouillaient pathétiques sur le menton piqueté. Il offrit un fusil à Biche, qui tira distraitement dans la pâte turquoise des ciels.» (Id., p. 26-27 — et encore merci à Laure pour l'envoi gracieux.)

Mûr pour un rangement de placard, moi, ce soir. Déballage d'un carton de photos des années 90, la moitié à jeter. Ne garder que ce qui fait sens et mémoire. Alléger sa vie. D'ailleurs c'est quoi, ces tonnes de sécrétions en tous genres qu'on porte avec soi de déménagement en déménagement sans jamais s'interroger sur le bien fondé de leur conservation (habits, livres, disques, photos, bibelots, courriers, meubles, câbles, cadres, boîtes vides), écartant toute discussion d'un c'est à moi aussi grandiloquent que pathétique ? (Tant il ressemble à un c'est moi dont la partie vivante ne serait plus que le centième du tout.) Et puis si T. l'a courageusement fait en juillet-août, je ne vois pas ce qui m'en empêcherait...
Entrons fiers et légers dans notre dernier tiers de vie, et préparons-nous à en sortir aussi nus que nous y sommes entrés.

commentaire

  1. brigetoun

    aussi nu… chiche ! mais il y a toujours des choses pour lesquelles la main stoppe - et puis, plus tard, celles que l’on cherche en vain et que l’on remplace
    Quand je pense que jusqu’à trente ans, à part un coffre et les frusques je n’ai rien gardé..



Jeudi 25 septembre 2008. Les profs ne vivent pas vieux.

Un jeudi à trois cours, comme ça, presque à froid, ça peut secouer. J'ai quand même eu le temps d'anticiper, de me préparer un repartir de zéro avec mon nouveau groupe du matin, et puis ça s'est passé beaucoup mieux que prévu. Je remercie le collègue qui les a eus au premier semestre, il a bien travaillé : groupe réactif, prononciation correcte, mémoire pas complètement évaporée.
Le déjeuner à la cantine des profs, dégueulasse comme d'habitude. C'est incroyable. T. me dit que la fac souhaite peut-être que les profs ne vivent pas vieux. Moi, je crois surtout qu'on ne souhaite pas que les profs y viennent trop souvent, qu'en servant lentement des mauvais plats, on va les dissuader de revenir... Même le plaisir de retrouver les collègues et de parler cinéma ou programme des cours s'en trouve affecté, évidemment.
Au séminaire de cinéma, première partie de Lady Oscar, en expliquant bien d'où vient le film. Effarement des étudiants : quoi ! un réalisateur comme Demy ! faire un film d'après un manga, avec des capitaux japonais, en 78-79 alors que les mangas ne sont même pas encore populaires en France ! et en plus en anglais !... Eh oui, c'était ça le problème. Le principal problème, à mon avis. Pas tant que le film soit mauvais (quoique...) mais surtout qu'il ait été conçu dans des conditions qui excluent ses publics potentiels.

Enfin, une des choses que je voulais faire depuis des semaines et que je commence dans le train : la lecture du Volodine post-exotique de Lionel Ruffel. Tout de suite, j'ai l'impression de lire ma propre pensée, en mieux, en plus large, en mieux documenté. Moi qui suis entré en Volodinie depuis deux ou trois ans, qui commençais à comprendre un peu la géographie en arpentant les chemins, je viens de mettre la main sur la chambre des cartes...

« La violence des fils de l'Europe blessée sur laquelle cette œuvre [Lisbonne dernière marge & le roman fantasmé par le personnage] se construit provient principalement de la dissimulation de la vérité historique.
Le terrorisme peut alors se doubler légitimement d'un enjeu littéraire. Le Troisième Reich est présenté en Allemagne « comme une variante à peu près confidentielle d'un conte apocryphe des frères Grimm.» Les éléments historiques sont ramenés à leur littérarité.» (Lionel Ruffel, Volodine post-exotique, Nantes : Éditions Cécile Defaut, 2007, p. 24)

« Le jeu sur le topos du mensonge romanesque se double d'une réalité historique qui implique d'avancer masqué. C'est-à-dire d'avancer littérairement. [...]
Or les deux référents, le terroriste et le dissident, se croisent grâce à des points communs très précis : le souci de l'histoire et la nécessité d'avancer masqué, sous peine d'être abattus.» (Id., p. 26)

Mes petits neurones éparpillés partout dans les livres post-exotiques depuis tout ce temps commencent à se rassembler. Ça va souffler. Avant-hier, justement, je commençais à me formuler clairement que l'écriture de Volodine réalisait d'abord, avant même d'y ajouter ce qui le propulse dans la création la plus contemporaine, la fusion inimaginable avant lui entre Claude Simon et Alain Robbe-Grillet. L'obsession de la vérité à reconstruire pour l'un, témoignée jusqu'à l'hallucination, le détachement ironique de l'autre derrière la facticité de tout, qui n'est qu'apparence, cliché et fantasme, les deux bien sûr déconstruisant les genres et branchés en permanence sur les catastrophes majeures du XXe siècle, avec un nihilisme d'où sourd un incompréhensible espoir, tenu en partie par l'humour — l'humour qu'il faut parfois chercher, chez Simon, et parfois surjoué, chez Robbe-Grillet. J'y reviendrai.
Ceux qui ne s'attachent qu'aux noms de ces auteurs, à une ou deux œuvres lues dans la scolarité ou même pas vont sans doute commencer à me chicorer là-dessus. Mais je pense que ceux qui connaissent bien le travail de ces trois auteurs me comprendront.

commentaire

  1. christine

    c’est mignon “chicorer” je ne connaissais pas !

    … sans vouloir te “chicorer” (au risque de me voir accusée de mal connaître ces trois auteurs) il me semble que Volodine ne se résume pas, très loin de là, à “la fusion entre Claude Simon et Alain Robbe-Grillet” (même si je vois bien ce que tu veux dire concernant l’humour des uns et des autres, et même si la chimère est jolie!) mais qu’il a “fusionné” pas mal d’autres influences venues d’ailleurs d’avant d’après d’au-delà le nouveau roman



Vendredi 26 septembre 2008. Toupie or not toupie.

Pfff... Là, c'est vraiment la galère. Franchement, je ne peux pas dire tout le fond de ma pensée mais je suis très très déçu par cette journée de colloque. J'y suis allé tout plein de bonne volonté, avec de bonnes références sur les participants, l'admiration pour le patriarche, etc., et me suis trouvé cueilli à froid par des interventions dont je ne voyais ni le sens ni l'intérêt. Étais-je, dans ma précipitation matinale, venu sans mon cerveau ? Des circonvolutions s'étaient-elles vidées pendant la nuit ? Intérieurement, je passais en quelques demi-heures par toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, tristesse, étonnement, colère, mais ne retrouvais dans les propos entendus pas une once de mes souvenirs de lecture de Butor.
J'hésite toujours à condamner mes congénères et me demande d'abord si le problème ne viendrait pas de moi — au moins jusqu'au déjeuner... Mais cela me semblait un gâchis monumental. Si cela avait pu servir, j'aurais rallumé la vieille guerre entre philologie et comparatisme. C'était inutile, cette sorte d'impressionnisme superficiel qui venait à mes oreilles est parfois le produit des meilleurs spécialistes, qui croient  nous livrer ainsi la substantifique rosée de leurs milliers de nuits d'étude... alors qu'ils sont revenus sans s'en rendre compte aux enfilades de clichés et de platitudes.
J'ai tout enregistré. Je vérifierai. Mais je ne peux pas mettre ça en ligne... Ni citer des noms, je ne fais pas de procès.

Ah si ! il y avait un exposé bien, celui du traducteur, Shimizu Toru (avec traduction simultanée), qui a clairement retracé l'histoire de la traduction de Butor au Japon depuis les années 50, avec des éléments littéraires très précis sur l'évolution des œuvres, des points difficiles à l'époque et sur la nécessité pour lui de retraduire récemment La Modification.

Parenthèse déjeuner dans un restaurant indien d'Ikebukuro avec quatre connaissances de longue date, retrouvées en sortant de la salle, toutes plus déçues que moi — ce qui m'a étonné et rassuré à la fois. D'ailleurs, après le déjeuner, il n'y a qu'une personne qui est retournée avec moi dans la salle du colloque, et qui a soupiré comme moi les deux heures que je suis encore resté...
La racine de mon malaise, c'est la quasi-absence des textes, dont on parle comme s'ils étaient à dix mille mètres de nous et que nous les connaissions tous par cœur. Est-ce un mal de sortir un bouquin pour analyser un bout de texte, pour appuyer son propos sur des références un peu précises, sur des relevés de quoi que ce soit ? S'arrêter sur un titre, comme , et gloser dix minutes sur le ù barré, cela ne saurait suffire à mes faims de textes.
Je me souviens soudain avec gourmandise de ces dizaines d'heures d'émissions butoriennes sur France Culture !

Quand quelqu'un a parlé de toupie, j'ai écrit sur ma feuille : « toupie or not toupie.»
Et je suis allé aux toilettes.
Et puis un haïku, pour commémorer ce pathétique.

Michel Butor passe
sous les nuages d'automne
nous restons bouche bée

Encore un espoir pour demain. C'est ça, mon problème : l'espoir. L'entêtement dans l'espoir. Un camarade me dit qu'il y a renoncé, que c'est l'âge. Qu'il ferait mieux d'aller lire Butor en bibliothèque...
Moi, je reviendrai quand même demain.

commentaires

  1. ms

    on attend la suite, mais on sait bien que c’est le plus souvent en marge des séances de travail des colloques que les choses et les rencontres qui resteront se passent…

  2. vinteix

    Peut-être que pour toi, les choses sont un peu différentes (?), je ne sais pas… mais grosso modo, tout ce que tu dis là se rapporte à mes yeux à une différence majeure, et que je fais souvent, entre ce qu’on nomme “LA RECHERCHE” (un terme que je fuis… recherche généralement universitaire. Personnellement, tout en respectant cette institution, je ne fais que “jouer” avec elle, aux limites, un peu en “ennemi du dedans”) et “LA CRITIQUE”, critique non pas au sens journalistique, mais au sens des “Romantiques” ou au sens de Baudelaire, au sens aussi que lui donna Bataille en intitulant ainsi “sa” revue, “critique” généralement incarnée par des écrivains plutôt que par des universitaires (sans que les deux soient incompatibles bien sûr, mais la majorité des universitaires sont bien souvent enfermés dans leur sujet ou leur auteur, leur érudition, et se perdent dans des micro-détails de “recherche”, plus ou moins académique, qui ne sont pas sans intérêt, certes, mais ne passionnent finalement que les spécialistes érudits dudit auteur et sont un peu l’arbre qui cache la forêt). A l’opposé de cette critique, pour n’en citer que deux ou trois, je tiens l’ouvrage de Gracq sur Breton ou les essais de Blanchot ou Lacoue-Labarthe comme des “modèles” de critique littéraire sur un auteur. Pour ma part, qu’elle concerne un auteur en particulier, une oeuvre ou un “thème”, une problématique particulière, la critique ne m’intéresse que si, appuyée sur les textes, bien sûr (!), elle est aussi un passage, une ouverture, qu’il s’agisse de trouver, creuser, créer des liens, des passages entre des oeuvres, avec d’autres auteurs, d’autres époques, d’autres littératures (du monde), entre la littérature et le “dehors” de la littérature, entre des problèmes politiques, esthétiques, poétiques, éthiques, entre la littérature et d’autres formes d’expression (peinture, musique, cinéma, etc.), poser des questions d’ensemble d’ordre esthétique, littéraire, philosophique, etc….

  3. vinteix

    … c’est bien pourquoi les interventions des colloques étant la plupart du temps davantage de l’ordre de la “recherche” que de la “critique”, c’est la plupart du temps décevant… Je me rappelle que Deleuze, même s’il y sacrifia quelquefois (plutôt dans ses “débuts”), fuyait comme la peste les colloques !

  4. vinteix

    … “la plupart du temps décevant”… ou ennuyeux.

    Juste un bémol, et j’arrête là mon bavardage, par rapport à ce que j’ai pu dire de “la recherche”. Si, globalement, l’expression de “recherche” en littérature me fait plutôt sourire (évidemment parce que j’entends d’abord le terme dans un sens expérimental et scientifique, qui me semble assez déplacé si l’on parle de littérature… sauf à le concevoir de manière poétique, au sens proustien), je concède toutefois une certaine authenticité à l’expression quand il s’agit des travaux de génétique, sur les manuscrits ou les hypertextes… Pour le reste…

  5. Berlol

    Oui, bon, si tu le vois comme ça, pourquoi pas… Mais pas d’accord.
    Pour moi, ça reste essentiellement ici un problème entre philologie et comparatisme.
    Auquel se double parfois (mais pas pour ce colloque) une notable différence de qualité et d’investissement entre intervention hexagonale et intervention aux antipodes…
    Pour moi, “recherche” reste un mot noble. Quand je me bats avec des relevés d’occurrences dans un corpus de millions de mots, j’ai quand même la prétention de faire quelque chose de scientifique, que j’appelle recherche. Et pas critique. La critique, c’est soit ce qui vient avant, dans l’impressionnisme d’une lecture de circonstance (Cf. journaux et magazines, sauf rares exceptions, comme JD Wagneur, par exemple), soit ce qui vient après la recherche, quand on essaie d’élever les résultats de la recherche dans un autre paradigme qui pourrait être, alors, ce que tu décris à la fin de ton premier commentaire.

  6. vinteix

    Oui aussi pour la “recherche” dont tu parles en matière de lexicologie… mais bon, de là à dire qu’elle est “scientifique”, il y a un pas que, personnellement, je ne franchirai jamais, vu que la matière littéraire en question n’a rien de scientifique en soi…et que dès lors, c’est un peu comme lui plaquer une grille d’analyse scientifique, comme la linguistique, tenue par certains comme une science (!) (comme la pyschanalyse !), est bien souvent une anatomie, froide et plus ou moins artificielle, du langage (même un linguiste comme Meschonnic a pu dire, et grâce lui en soit rendue, il y a déjà bien longtemps, qu’un “linguiste ne peut plus cacher qu’il échoue devant la poésie”)… car une approche “scientifique” de la littérature me semble peu ou prou hors sujet.
    Malgré son côté péremptoire, j’aime à citer ce mot bien connu de Breton, cité par Gracq dans son essai justement : “je veux qu’on se taise quand on cesse de ressentir.” Mais bon, c’est mon point de vue - cependant, la critique que j’apprécie, plus ou moins évoquée à travers quelques noms déjà cités (mais il y a pléthore), ne tient à mes yeux ni de l’impressionnisme, ni de “résultats” d’une recherche scientifique… je crois qu’on est bien plutôt dans un dialogue à partir de / sur / et surtout AVEC un auteur et une oeuvre, quand, de surcroît, on la considère en relation (essentielle) avec son propre “dehors”. C’est en ce sens que me fascinent avant tout les adresses (au sens large, articles, textes ou ouvrages entiers par exemple), plus ou moins critiques, littéraires, que se font certains auteurs entre eux. Le reste m’apparaît plus comme du bidouillage technique… et pseudo-scientifique…

  7. Berlol

    Est-ce un fantasme ou une haine qui t’égare ?
    Reprenons le sens de science, s’il te plaît. Il suffit, je crois !

  8. vinteix

    Ni phantasme (quoique ? je ne renierais pas franchement cette éventualité), ni haine… et encore moins égarement ! (le serait-ce qu’il faudrait alors appliquer ce qualificatif à tout un pan, admirable me semble-t-il, de la critique littéraire, qui n’a rien d’une recherche scientifique, mais s’apparente plutôt à un dialogue infini, davantage en quête de sens que de vérité, avec des oeuvres et des auteurs, de Baudelaire à Blanchot, en passant par Breton, Benjamin, Bataille, Deleuze, Derrida, Lacoue-Labarthe, Marthe Robert, Annie Le Brun, etc. !)
    mais une différence essentielle, pour moi, ayant trait à ce qui (me) parle vraiment…
    Non, pas d’accord du tout, la littérature n’a pour moi rien à voir avec la science ; malgré toutes les définitions de dictionnaires (pour la littérature, le dictionnaire n’est qu’un “rêvoir”, “une machine à rêver”, comme disait Barthes lui-même), là-dessus, je rejoins la différence de concepts qu’a pu faire Deleuze… et d’ailleurs, comme je parlais de “critique” et tiens fortement à ce mot, pour une approche approfondie de la chose, qui n’a rien à voir ni avec de l’impressionnisme ni avec de la recherche scientifique, la rapprocher de la “clinique”, au sens deleuzien, est une manière de concevoir ce discours de manière créatrice et non anatomiste. Mais après tout, si phantasme il y a, plus ou moins spectral, tant mieux, cela ne me semblerait pas trop hors sujet si l’on parle de littérature… tant en ce qui la concerne, je conçois la critique comme une ouverture, “faisant feu de tout bois”, et la recherche dite scientifique comme une fermeture, plus ou moins sclérosée, à commencer par un jargon de spécialistes ; bon, bien sûr, tout cela est éminemment subjectif et je l’énonce ici à grands traits schématiques… cela mériterait de plus amples développements, mais c’est en tout cas ce qui me guide et me nourrit depuis longtemps (en fait depuis que j’ai achevé ma thèse, dernière concession, encore que jouant pas mal avec les règles académiques, à ce que l’on nomme “recherche”, depuis lors abandonnée en ce qui me concerne).

  9. vinteix

    C’est qu’en fait, je ne conçois pas de discours (critique) sur la littérature dès lors qu’on ne s’implique pas soi-même… or, dans une recherche scientifique à proprement parler, le chercheur doit généralement s’oublier lui-même pour arriver à quelque résultat jugé objectif, en quête d’une vérité, plus ou moins apodictique… tout au moins temporairement…

  10. Berlol

    Désolant !

  11. vinteix

    Comme tu veux…

  12. vinteix

    Comme tu veux… mais un peu court aussi…

    Je précise que je ne crache pas sur la “recherche” littéraire, respectable en soi et intéressante… je fais simplement état d’une différence, qui, qu’elle te désole ou pas, est pourtant réelle (les critiques que j’ai cités n’ont rien à avoir avec la recherche ! et si tu trouves cela “désolant”, il faudrait préciser en quoi…)… et de ma préférence, mes affinités.

    Loin de moi l’idée de faire du prosélytisme, mais je prendrai toutefois 2 exemples précis, non sans quelque rapport avec toi, d’ailleurs…

    - quand je planchais naguère pour l’agreg, cette année-là (avec ou sans chanson), il y avait “A rebours” de Huysmans au programme… or, quelque temps auparavant, Hubert de Phalèse avait sorti un livre, “Comptes à rebours”, sur le lexique du roman, comprenant notamment un glossaire des mots rares… fort intéressant et très utile (surtout quand on songe à la richesse du vocabulaire de Husymans… qui paraît inouïe aujourd’hui)… en même temps bien limité comme approche du livre en général (étant absentes les questions de style, héritage et influence dans l’histoire littéraire, hypertexte, réflexions esthétiques, poétiques, métaphysiques, etc.)…
    Mais je ne renie pas l’intérêt d’une telle recherche, mais elle me semble limitée au vu d’un “discours” critique…

    - Autre exemple, suggéré par une discussion ici même à propos de la biographie de Rimbaud par J.J. Lefrère… impressionnant et précieux travail de recherche, indéniablement, tout comme la correspondance qu’il vient de publier. Mais comme je l’avais déjà dit, du point de vue critique et/ou littéraire, son livre ne m’ouvre aucun horizon… tout compte fait, à partir d’un travail de recherche, à base historiographique (mais pas seulement), j’ai plus appris sur Rimbaud, au-delà des détails biographiques, en lisant le livre de F.Lalande consacré à la mère du poète (tellement vilipendée !), “Madame Rimbaud”.
    Quant à une “recherche” exemplaire sur Rimbaud, qui tient autant de la critique que de la recherche, il y a les 2 sommes d’édition critique de P.Brunel (sur les “Illuminations” et la “Saison”), qui tiennent à la fois de la philologie et du comparatisme, ne séparant pas et allant au-delà…
    Néanmoins, sur Rimbaud et son oeuvre, j’ai préféré lire les textes, parfois très courts, de Bonnefoy, Michon, Stétié, Char, Chazal, Bounoure… qui sont de la critique créatrice, qui tient autant de la critique que de la création littéraire… ou un dialogue avec… c’est ce qui m’intéresse avant tout.

    Mais bon, je ne fais état que d’une différence et d’une préférence personnelle. Aucun “phantasme” et aucune “haine” là-dedans, je trouve simplement ces recherches limitées, alors que je conçois la critique comme sans limites, ou aux limites… et comme une création à part entière. Il y a des textes critiques sur lesquels on peut revenir tout une vie, sans jamais les épuiser (comme ceux de Deleuze ou Blanchot notamment)…
    quant à ceux du type “Comptes à rebours” par exemple, une fois lus (bien souvent dans le but d’études précises), ils reposent généralement en paix…

    En dehors de points de détails (qui ont pu me servir à une époque), une approche dite scientifique de la littérature ne me parle pas, déjà dit, et je la perçois grosso modo comme la médecine qui regarde bien souvent le corps humain comme un corps mort…

  13. vinteix

    je ne sais plus si je te l’ai déjà dit (pas relu), mais comme tu parlais de la critique qui serait soit en amont (”impressionnisme d’une lecture de circonstance”) soit en aval des “résultats de la recherche”…
    celle à laquelle je fais allusion n’est ni l’une ni l’autre… mais est le fruit de lectures (que je ne tiens pas en soi pour de la “recherche scientifique”), souvent croisées, infinies et multiples, d’une réflexion-méditation approfondie, creusant et ouvrant des passages (dedans et “dehors” du texte), et d’une écriture, d’un style, dialoguant avec la lecture et l’oeuvre ou l’auteur en question (”en lisant en écrivant”).

  14. vinteix

    … et je ne vois vraiment pas ce qu’il y a de “désolant” à privilégier cette critique là, qui, même si elle peut parfois s’appuyer sur elles, se différencie très fortement des recherches dites scientifiques.
    Réentendu cet été, chez Alain Veinstein, Lacoue-Labarthe (rediffusion), qui, ne se considérant pas comme un “philosophe”, mais comme quelqu’un “faisant de la philosophie”, définissait son travail, en particulier sur les textes littéraires, comme étant de la critique, dans la lignée de Benjamin notamment… voilà exactement la perspective qui m’intéresse, me parle profondément (l’auteur lui-même n’étant jamais absent de son discours, dans son texte sur un autre…) et dans laquelle, très très modestement, je me situe…

  15. Berlol

    Que te voilà piqué !
    D’abord tu déboules hors-sujet en important ton opposition critique / recherche dans mon dilemme entre philologie et comparatisme ! Ensuite tu plaques une opposition science / lecture qui te semble rédhibitoire ! Et après tu t’étonnes que je te rappelle ce que “science” signifie simplement.
    Mais as-tu seulement bien lu l’introduction d’Hubert de Phalèse ? Il y était clairement écrit, je crois, que nous ne présentions que des éléments de construction, des outils de travail et que toute l’élaboration de la critique était précisément, à partir de ces matériaux triés et offerts, du ressort de l’agrégatif !
    Et tous les volumes de Cap’Agreg ont été faits dans cet esprit.
    Je n’ai rien à dire contre les gens que tu as cités. Je les respecte tous.
    Mais je privilégie, pour ma part, les ouvrages qui offrent des matériaux qui restent en partie à interpréter (type de Phalèse ou Lefrère) plutôt que des résultats dont la beauté a souvent fait disparaître les étapes et la méthode (Bonnefoy, Le Brun), si bien qu’un esprit aussi fort que le leur pourrait soutenir l’exact contraire (ce qui arrive parfois).

    Les matériaux, les relevés de corpus, les méthodologies ont l’avantage d’être démocratiques et transmissibles, alors que les “lectures” de l’un par l’autre sont par nature magiques et élitistes, rares étant ceux qui ont une démarche réellement pédagogique (Derrida).
    Mais il est possible qu’après avoir rejeté la recherche, tu souhaites également pour toi-même rejeter la pédagogie…

  16. brigetoun

    vais je encore oser lire ?

  17. vinteix

    Pardon d’avoir déboulé, cher Berlol… et surtout hors sujet… je me demande quand même, vu le jugement de ton couperet laconique “désolant !”, qui a été le plus piqué des deux…
    Pour ce qui est des lectures démocratiques, comme tu dis, les outils érudits de spécialistes s’adressent précisément, le plus souvent, à des spécialistes, chercheurs…
    Et, au cas où tu m’auras mal lu, je n’ai pas craché dessus, en évoquant “Comptes à rebours”…
    J’ai fait état d’une différence, qui ne date pas d’hier, tu t’en doutes (que je pourrai développer encore sous d’autres biais… j’y ai beaucoup travaillé, dans le champ de l’esthétique, du temps de ma thèse sur Bataille)… et d’ailleurs, ce n’est pas si “hors sujet” que ça, me semble-t-il, car l’exposé de Ferrier, comme ton propre blog, me semblent, perso, plus proches de la critique que de la recherche - sinon, franchement, j’aurais cessé de te lire depuis un moment, sur ce blog… pour le reste, je ne connais guère tes études ou articles que tu peux produire ailleurs…
    Cette différence, et j’arrête là mon déboulement butor (!), se rapporte (pardon de rester si profondément nietzschéen ou deleuzien) à la différence entre “non-savoir” ou “gai savoir” et “savoir”.

    (Pour ce qui est de la pédagogie, en matière de littérature, ce n’est ni ma passion, ni mon domaine ni même mon travail.)

  18. vinteix

    Enfin, pardonne-moi de te dire cela, mais au vu du ton de tes réponses, de tous tes points d’exclamation et de ton vocabulaire (”phantasme”, “haine”, “Désolant!”, “élitistes” ?
    - je ne trouve rien d’élitiste chez les gens que j’ai pu citer… en tout cas ni plus ni moins que les études préparatoires à l’agrégation… et quant à moi, je ne lis pas ou ne travaille pas la littérature sous l’angle de la pédagogie - que je respecte complètement par ailleurs, mais ce n’est pas mon propos - si tel était ton propos, je veux dire dans un souci pédagogique, par rapport à ce que tu disais du colloque Butor ou de l’opposition philologie/comparatisme, que j’ai par ailleurs évoquée à un moment, pardon de ne pas t’avoir compris et d’avoir débordé certaines limites…)
    …tu as l’air plus piqué que moi…

    Enfin, ton rappel à l’ordre final m’étonne pas mal dans cet espace de commentaires, qui se veut nouveau “salon littéraire” ou en tout cas lieu d’échanges, de dialogue, au risque de désaccords, toujours intéressants,
    espace où par ailleurs (tu l’as dit toi-même plusieurs fois), les commentaires sont si souvent “hors sujet” (expression qui pour moi est à prendre avec beaucoup de réserve toutefois, surtout à propos de discussions… aucune parole n’étant vaine… toujours dans le même esprit de liaison, relation, interdépendance, ouverture, passages, plutôt que cloisonnements, classifications et taxinomies paradigmatiques) ou du moins digressifs…
    alors que par ailleurs aussi, quand il n’y en a pas, tu sembles un peu peiné, en tout cas le fais remarquer (comme cette semaine, à propos de l’enregistrement Butor)…
    Cela me rappelle soudain les fortes et belles empoignades dans une discussion précisément (dialogue) et intitulée telle, entre Bataille, Sartre, Adamov, Hypollite, Klossowski, Massignon, G.Marcel, etc. faut dire qu’étaient aussi présents Blanchot, Camus, Leiris, Merleau-Ponty, Paulhan et d’autres… ce qui fait au final une sacrée assemblée ! Bref, c’était la “Discussion sur le péché” (1944, je crois bien)…
    au-delà de tout jugement.

    Tu sais bien, comme moi, que tout entretien, tout dialogue est infini… et qu’en littérature, il n’y a pas de “vérité”, mais une quête infinie, inachevée et insensée, de “sens”…

    Juste une parenthèse finale… Ta phrase : “les “lectures” de l’un par l’autre sont par nature magiques et élitistes” est pour le moins très étonnante et mystérieusement axiomatique, surtout le “par nature”… car quand Gracq écrit sur Breton, tous deux auteurs connus, reconnus et lus, je ne vois pas ce que cela a d’élitiste… quant à la magie, en l’occurrence, s’il y en a, je dis tant mieux !
    car au fond, pour moi, la littérature serait plus proche de la magie que de la science….

    Mais soit, suite à ce rappel à l’ordre, je tâcherai à l’avenir de me faire plus discret et de ne pas m’égarer en “hors sujet”. Pardon.

  19. Berlol

    Pas de problème de mon côté, on discute, ça a une fin ou ça n’a pas de fin, c’est selon.
    Pour être plus clair sur le pédagogique VS magique, qui me semblait déjà bien évident, j’ajoute que le pédagogique procède par document, raisonnement et preuve, enchaînements logiques de pensées, déductions, toutes affaires bien posées sur la table, de cette façon on apprend aux écoliers à penser, puis aux étudiants à chercher, comme cela a dû t’être appris (et je ne veux pas évoquer ici la mode structuraliste, qui a ses avantages et ses inconvénients mais qui n’est qu’un épiphénomène historique) — c’est ce que j’appellerai l’éducation démocratique.
    Le magique en revanche procède comme une boîte noire (souvent après des dizaines d’années de lectures, réflexions, etc., mais pas toujours) et livre un résultat tout chaud, sublime, éblouissant mais improuvable, il s’impose donc (subjugation) par l’impression de justesse (parfois) mais ne peut être “enseigné” comme l’est un raisonnement progressif et déductif. Pour produire de la pensée magique, il faut naître dans un milieu de gens cultivés (sauf exception, il y en a toujours et on les brandit pour masquer le reste de la statistique), recevoir en quelque sorte par infusion des capacités à faire fonctionner une boîte noire qui fonctionnera d’autant mieux qu’on aura de bons exemples, de bons maîtres — et c’est là que je vois de l’élitaire.

    Merci, Brigetoun, de faire entendre votre voix, et votre droit à la lecture, et pardon pour cet échange un peu vif. Vinteix et moi nous connaissons un peu et n’en sommes pas à notre première passe d’armes. Mais toujours mouchetées, jamais d’insultes ni de porte claquée (enfin, j’espère).

  20. vinteix

    sur le pédagogique VS magique, oui, d’accord avec toi, sauf que ce n’est pas non plus une règle (”par nature”)… comme tu le précises d’ailleurs toi-même…
    ni le “magique” une position majoritairement élitiste (sauf à restreindre le point de vue à une application ou présentation pédagogique ou didactique de la littérature - pardon de me répéter, mais ce n’était pas et ce n’est pas mon propos). D’ailleurs, les “exceptions” que tu mentionnes comme telles ne sont, me semble-t-il, pas si exceptionnelles que ça… (rapport aux statistiques) et d’ailleurs, il faudrait tenir compte de tout un tas de gens, de tout un tas d’auteurs (connus ou méconnus, voire inconnus), qui peuvent produire de tels éclats magiques, et qui peuvent être plus proches de l’autodidacte, ou en tout cas sans lien privilégié avec des milieux cultivés ou des institutions… et il y en a, à mes yeux, beaucoup plus que ce que tu as l’air de tenir comme “exception”. Mais bon, c’est encore un autre sujet…

    Pas de porte claquée, non, bien sûr… mais je t’ai trouvé quand même bien piqué et piquant, et comme voulant peu ou prou (re ?)mettre sur des rails des commentaires qui, la plupart du temps, pour ne pas dire toujours, ne le sont pas vraiment (en-raillés, limités)… comme cela se passe, “par nature”, dans la plupart des discussions… au fil des échanges…

    Pour finir, encore une fois, quitte à me répéter, mais c’est pour moi essentiel (dans la différence “critique”/”recherche”, sans en faire non plus un dualisme absolu… il y a des passages et des ponts évidents entre les deux), le superbe exposé de M.Ferrier et ce que je peux généralement lire ici dans ton blog sont plus de l’ordre du “non-savoir” ou du “gai savoir” que du “savoir”…

  21. Berlol

    Tu sais, dans ton premier commentaire (le n°2 ci-dessus), recherche / critique était une “différence majeure”, alors que je ne parlais pas de ça (même si “grosso modo” et “à tes yeux”, ça y faisait reférence). Cela m’a beaucoup étonné, d’autant que je ne suis absolument pas d’accord : pour moi il n’y a pas opposition entre les deux, mais entrelacement permanent et complémentarité. C’était le dualisme surgissant qui m’étonnait sous ta plume (de butor).
    Et puis dans ton dernier commentaire (n°20), ce n’est pas (plus) un “dualisme absolu”. Ça me rassure.

    Plus embêtant est le fait que chacun trouve l’autre “piqué” alors que ni l’un ni l’autre ne reconnaît l’avoir été. Si l’on exclut la mauvaise foi, reste que l’écriture, qui peut être vive, peut donner, devant l’écran et le clavier, l’impression de la mauvaise humeur, alors que de visu ça ne serait pas possible, au moins entre nous deux.
    Méfions-nous donc de ces impressions de lecture !…

  22. vinteix

    Certes, et si j’ai été, peut-être, un peu vif ou trop affirmatif dès le début, c’est simplement en raison de la récurrence relativement fréquente de cette question… (et aussi, parce que même si je m’étale un peu, c’est ici, forcément, un peu raccourci, schématisé)
    question qui d’ailleurs m’oppose souvent à certains universitaires (dont je suis néanmoins, de manière tout à fait anecdotique… et essentiellement pour des raisons de (sur)vie sociale)…

    n’empêche que je n’ai pas usé à propos de tes commentaires de jugements piquants comme “phantasme”, “haine”, “qui t’égare”, “désolant !”, “tu déboules hors sujet”, “tu plaques”…
    Amicalement néanmoins.
    Je me retire pour aujourd’hui.

  23. benjamin

    Sans vouloir faire redémarrer — à supposer qu’elle soit éteinte — la « querelle », je me permets de mettre mon grain de sel… Il me semble que, pour ne parler que de ceux que je connais un peu moins mal, deux des noms cités dans cet échange, Lacoue-Labarthe et Derrida, sont plutôt rangés par Vinteix dans la « critique » (dans l’opposition — non absolue — qu’il fait avec la « recherche » «« scientifique »»), alors qu’ils sont à mes yeux exemplaires d’un travail rigoureux, documenté, plus ou moins méthodique (je dis « plus ou moins », parce qu’on se souvient de la réticence qu’avait Derrida quant à l’idée de faire dégénérer son travail en « méthode », avec tout ce que cela présuppose de processus réglés d’avance). Bref, de la « recherche » au sens le plus plein du terme — tout en étant également, bien sûr, de la « critique » au sens tout aussi plein du terme (en le prenant, bien sûr, dans la continuité des Romantiques, de Benjamin, etc.).

    En fait, c’est bien en effet le mot « science » qui est à repenser de fond en comble, ainsi qu’y invite Derrida à de nombreuses reprises (dès De la grammatologie, mais aussi dans Mal d’archive, etc.), ou encore, mutatis mutandis, dans les termes du débat Adorno/Popper des années 60.

    Tout ceci peut devenir un sérieux casse-tête, quand on est en charge d’un cours de « méthodologie de la recherche », qu’on pencherait plutôt d’un côté que Vinteix appellerait encore la « critique » (Lacoue, Derrida, donc, et quelques autres), mais qu’on voudrait faire droit, et justifier devant des étudiants de 3e année peu initiés à ce genre de débats, à la « scientificité » de ce type d’approche. (Si vous avez des idées, je suis preneur, début du semestre dans 10 jours…)

    Bref, tout ça pour dire : je crois que la meilleure façon de défendre ce que vous appelez « la critique », Vinteix, n’est pas de l’opposer à « la recherche » ou « la science », mais au contraire de montrer que ce type d’approche peut posséder sa pleine légitimité au sein de ce champ. Je dis « peut posséder », parce que ce n’est pas automatique, un seul exemple : oui moi aussi je suis fan du Rimbaud de Michon, oui si je devais faire cours sur Rimbaud j’encouragerais mes étudiants à se précipiter dessus, oui peut-être même je « travaillerais dessus » avec eux, mais non cela n’appartient pas au domaine de la « recherche » — ce qui ne signifie certainement pas que cela ne renferme aucun « savoir ».

    Je m’en arrête là, bon dimanche !

    benjamin

  24. vinteix

    Je suis grosso modo d’accord avec vous, Benjamin. J’ai sans doute trop opposé, caricaturant un peu, au départ en tout cas.
    Evidemment, comme vous posez aussi le problème sous l’angle pédagogique ou didactique, je n’ai pas grand chose (dans l’immédiat) à en dire…

    Mais quand je parle de “non-savoir” ou de “gai savoir” (après pas mal de gens, comme vous le savez bien), ce n’est évidemment pas une négation du “savoir”… simplement, cela me semble un “pas au-delà” qui me ravit davantage qu’un froid “savoir”.

    Pour illustrer, permetttez-moi de conclure par deux citations de Bataille, ayant trait à sa critique esthétique, opposée aux discours plus historicistes ou seulement rationnels, à propos de laquelle Didi-Huberman a parlé précisément de “gai savoir visuel” :
    “Essentiellement, la peinture dont je parle est en ébullition, elle vit… elle brûle… je ne peux parler d’elle avec la froideur que demandent les jugements, les classements.”
    et une autre, qu’il faudrait citer en entier, mais trop longue, qui se termine par : “cet exposé me met en jeu personnellement.” (OC, t.IV, p.397).

  25. vinteix

    sans tout citer, j’écris quand même la dernière phrase en entier, précédemment tronquée :
    “Si mon exposé est une oeuvre d’art, c’est que j’ai conscience en l’écrivant, de ce qui, parce que je l’écris, se passe en moi : cet exposé me met en jeu personnellement.”

    Bataille, par ailleurs, né dans un milieu paysan, tout à fait inculte, tout comme Rimbaud… et je me demande si la “magie” ne serait pas plutôt là…

    Anecdotiquement, il faudrait faire un recensement de grands écrivains et/ou critiqués nés dans des milieux plus ou moins incultes…

    Bon dimanche… ou ce qu’il en reste…

  26. Berlol

    Merci, Benjamin, d’apporter de l’eau à notre moulin — ou du sel à notre cuisine…

    En relisant le fil des commentaires, je m’aperçois, cher Vinteix, qu’il est bien possible que ta réticence devant le scientifique (l’esprit scientifique) tienne à ce que tu penses être l’objectivité, ou absence, ou froideur du chercheur devant la matière de ses recherches.
    Or il est assez clair pour la plupart des scientifiques, et ce depuis assez longtemps, que la présence du chercheur fausse TOUJOURS les mesures, et même que sa présence à tel ou tel endroit pour effectuer une soi-disant mesure est toujours un choix partiellement subjectif.
    De plus, pour revendiquer ton pas très sympathique “bidouillage”, je dirai, pour reprendre mon exemple, que quand je travaille sur un relevé d’occurrences tirées de millions de mots, je me mets beaucoup en jeu personnellement, et quand je présente cela devant un parterre de “spécialistes” comme en mai sur Claude Simon, je fais aussi état de l’immense part de subjectivité que tous ces tableaux et calculs ont comportée.
    Mais j’appelle quand même cela “science” (et non pseudo-science) parce que des protocoles ont été posés et peuvent être reproduits par quelqu’un d’autre — même si de nombreux micro-choix peuvent à chaque instant être faits différemment et entraîner de tous autres résultats.

    Ce qui me ramène à la méthodologie de la recherche, pour Benjamin.
    Ayant fait cours plusieurs années sur ce thème, je ne saurais donner de conseil ni de méthode, tant cela dépend du public et des moyens. Mais trois principes m’ont toujours accompagné : celui des protocoles de recherche, qui doivent être clairement décrits (pour reproduction, vérification, critique, etc.), celui de la délimitation de corpus, pour connaître / décider les limites de ce sur quoi on travaille, et celui de la fiabilité des sources et matériaux textuels (ou autres : audio, photo, vidéo, etc.). Ces principes découlent en fait d’une éthique pour nos sciences molles qui est tout de même bien proche de l’esprit scientifique.

  27. vinteix

    Oui, j’entends bien… par contre, je n’ai pas de réticence vis-à-vis de l’esprit scientifique en soi, bien conscient par ailleurs de l’intervention humaine, ayant, malgré une non formation scientifique, quelques notions d’épistémologie, et m’étant intéressé un temps à la physique quantique et ses répercussions philosophiques…
    Non, la différence est que la mise en jeu et l’investissement personnels, comme la “magie” (notamment en raison d’une méthodologie généralement bien structurée) ne me semblent malgré tout pas les mêmes…

  28. vinteix

    Je prends un autre exemple précis, toujours pour illustrer… Ayant travaillé un temps sur Lascaux (toujours le même travail de thèse), en marge du texte de Bataille, j’ai évidemment lu un certain nombre de textes plus scientifiques, d’archéologues ou préhistoriens… ce fut très intéressant et j’ai beaucoup appris (d’autant que j’ai un grand ami archéologue, qui m’a permis, à l’époque - ô chance inouïe ! - de visiter la vraie grotte, et non la réplique)…
    en même temps, au bout d’un moment, ces lectures m’ennuyaient et m’enfermaient… et je préférais revenir à un texte plus “libre”, moins limité ou contraint, plus “GAI SAVOIR” que “SAVOIR” formel ou formalisé, en l’occurrence celui de G.B. (même si c’est loin d’être un de ses meilleurs textes !)… d’autant plus aisément que, dans leur approche scientifique, les préhistoriens sont eux-mêmes réduits à une part d’imagination, ayant affaire, comme le disait Leroi-Gourhan de la préhistoire, à des “messages tronqués”…
    (Bataille qui, bien sûr, avait lui-même lu à ce sujet les ouvrages scientifiques de l’époque… comme il s’intéressait de très près aux sciences, et pas seulement humaines, ayant notamment parmi ses amis les plus proches le physicien G.Ambrosino)

    De la différence dont j’ai parlé, je ne fais pas une question de jugement heuristique ou axiologique, mais simplement une question de différences de point de vue, à mon goût personnel, d’intensité, d’ouverture, de passage, de limites… d’émotion… concevant difficilement la littérature et un discours sur la littérature sans émotion, la lecture, comme l’écriture, étant elle-même une expérience…
    Or, malgré la présence du chercheur et un investissement personnel certain, que je renie pas et respecte, dans la majorité des discours rationnels ayant pour principe une recherche véritablement scientifique, en quête de résultats, on ne peut guère dire que l’émotion ou la sensibilité soient au premier plan…
    Pour le dire encore autrement, en schématisant encore plus, m’intéressent d’abord sur la littérature des textes qui sont eux-mêmes de la littérature.

    Finalement, je cite en entier l’extrait précédent de Bataille, tant il ne sépare pas et correspond assez bien à ce que je pense :

    “Je n’ai d’autre moyen de m’exprimer que de parvenir à cet exposé d’une philosophie qui serait en même temps une oeuvre d’art. (…) Il me semble de toute façon que seule une oeuvre d’art répondrait à la représentation de ce qui est que je veux formuler. Non que j’aie l’intention de donner une forme pathétique ou de charger mes phrases d’images émouvantes : je n’ai rien en moi qui m’oppose au mouvement pathétique de la pensée et je m’adresse plutôt qu’à l’intelligence à la sensibilité, mais peut-être ma pensée sera-t-elle d’autant plus pathétique que je la formulerai comme s’il n’en était rien ; et j’atteindrai peut-être d’autant mieux le coeur que j’aurai été intelligible. La question de la forme est secondaire. Si mon exposé est une oeuvre d’art, c’est que j’ai conscience en l’écrivant, de ce qui, parce que je l’écris, se passe en moi : cet exposé me met en jeu personnellement.”

    Sur ce, bonne nuit (je n’ai été que trop bavard).

  29. benjamin

    Parenthèse : j’ai pour ma part une formation scientifique, et suis toujours étonné de l’idée que se font les gens « de l’extérieur », y compris certains épistémologues (je ne parle pas du tout pour vous, Vinteix). La différence sciences exactes / sciences « molles » me paraît moins marquée qu’on ne croit, ou plutôt dépend fortement des disciplines. Certaines « grosses » (en terme de taille de la communauté de chercheurs, d’étudiants, etc.) disciplines ont une méthodologie précise, très construite — je pense par exemple à la sociologie (oui, je sais, il y a en fait plusieurs méthodologies qui s’y affrontent, mais ils n’en sont que plus précisément formalisés, le plus souvent). Pour des « petites » disciplines, il en va tout autrement. Dans mon cas, ç’en est caricatural : la musicologie n’est déjà pas un bien gros machin, mais la musicologie jazz, ça devient quasi inexistant — en particulier, il n’y a pas de tradition « épistémologique » vraiment constituée, même implicitement. (Et donc, pour réagir à ce que disait Berlol, et le remercier de sa réponse : oui, ça dépend très fortement du public, et mes petits jazzeux débarquent complètement sur ce genre de problématiques…)

    Mais à vrai dire, je n’évoquais au départ le contexte didactique / pédagogique que parce qu’il est généralement le moment privilégié pour une certaine « objectivation » de nos méthodes de travail, et donc une étape — pour moi essentielle — de la réflexion sur nos pratiques, pour nous-mêmes, chercheurs.

    Quant à la « magie » : j’ai grande suspicion à son égard, s’il s’agit de faire une opposition trop ferme par rapport à ce qu’on peut gagner par un travail de recherche précis. Si elle est bien faite, l’analyse permet justement de se rapprocher de ce qui est vraiment « magique » — à condition bien sûr de ne pas prétendre réduire l’objet qu’on analyse à ce qu’on aura réussi à en extraire.

    Pour vous souhaiter une bonne fin de dimanche, deux citations du livre d’Adorno sur Alban Berg :

    « La méfiance vis-à-vis de l’analyse — et déjà le plus souvent, comme on l’a vu à propos de Freud, à l’égard du mot lui-même — va de pair non seulement avec une conception non-critique, irrationaliste de l’œuvre d’art, mais plus généralement avec une attitude réactionnaire. L’on s’imagine que toute la substance est menacée par la connaissance, alors que ce qui lui résiste ne fait ses preuves qu’en se déployant au sein d’une connaissance pénétrante. » (p. 72)

    mais aussi :

    « Pour éviter que le concept d’analyse ne dégénère en réellement en faux rationalisme, on ne saurait, il est vrai, se montrer trop exigeant à son endroit. » (p. 73)

    amicalement
    benjamin

  30. benjamin

    P.-S. : sur l’exposé qui est « lui-même » une œuvre d’art, je suis pour une part d’accord (cf. aussi, par exemple, le texte « L’essai comme forme », dans les Notes sur la littératures d’Adorno)… mais pour une part seulement : on a souvent reproché (entre mille autres choses) cela à Derrida, ce à quoi il répondait avec beaucoup de méfiance — le fait qu’il fasse droit, pour commenter une œuvre d’art (ou un texte littéraire), à une certaine nécessité que ses protocoles d’écriture soient eux-mêmes, d’une certaine façon, « littéraires », ne doit pas conduire à confondre un « texte littéraire » avec le produit d’un réel travail de recherche, précis, rigoureux.

    (Mais quant au fait que de nombreuses lectures « érudites » sont ennuyeuses à mourir, ce n’est pas moi qui vous contredirait ! Mais il y a aussi de nombreuses « critiques » qui, à prétendre verser dans la « magie » et « l’ineffable », en sont parfaitement indigentes, et finalement nettement plus ennuyeuses, non ?)

  31. vinteix

    Tout à fait d’accord, Benjamin, avec les deux écueils que vous énoncez là. Oui, bien sûr, je ne sépare pas complètement “recherche” et “critique”, et comme je l’ai dit n’en fais pas une antinomie, mais j’entends d’abord “recherche” (car il ne s’agit pas non plus de mépriser le travail !) comme une lecture ou plutôt des lectures approfondies, accompagnées de réflexion et inventant quelque chose (peu importe la forme ou la manière). En même temps, quand je privilégiais (à mon goût personnel) les critiques où l’émotion et la sensibilité priment sur une grille formelle méthodologique, ce n’était pas, bien sûr, pour verser dans l’irrationnel ou le pathos de l’ineffable, mais la “magie” comme la “pensée sauvage” sont aussi des formes de pensée. Dans les termes d’émotion ou sensibilité, forcément vagues et généraux, j’entends aussi le rire ,l’ironie, le désir, la joie, la violence, la révolte, l’ivresse, etc. autant d’énoncés ou d’énonciations qui me semblent (jusqu’à preuve du contraire) généralement très peu présents, voire bannis, dans le sérieux des protocoles de recherches véritablement scientifiques.

    Petite parenthèse, en écho à l’entretien avec E.Chevillard rapporté aujourd’hui par Berlol : je suis en train de lire “Fragments de Lichtenberg” de Pierre Senges… évidemment, on ne peut pas dire que ce soit à proprement parler un livre de critique littéraire, mais à partir d’une matrice fictionnelle, pleine d’érudition et de délire baroque, qui n’est qu’un prétexte pour revisiter et (re)lire Lichtenberg, P.Senges fait aussi une analyse, brillante, suprenante et aussi hilarante, de deux siècles d’histoire littéraire (s’en donnant notamment à coeur joie dans sa raillerie de certaines “recherches”, du XIXe siècle !)… Un livre vraiment impressionnant, comme le dit Chevillard, et passé presque inaperçu. Bien sûr, cela tient plus d’une sorte d’aérolithe inclassable que de la critique… mais le délire (aussi virtuose !) et l’humour, parfois désopilant, y ont aussi leur place.

    “Tous les mots
    Sont des pièges
    A mouches.
    L’araignée
    C’est l’idée.”
    M. de Chazal, “Sens magique”

  32. vinteix

    Autre petite parenthèse, cher Berlol, concernant l’esprit scientifique… Si je n’ai pas une approche scientifique de la littérature, j’ai par contre le plus grand respect pour “l’esprit scientifique” en général et une vive curiosité (en amateur modestement éclairé, très longtemps abonné à “Sciences et avenir”) à l’égard des sciences. Petit exemple anecdotique : je viens de terminer un petit travail sur l’écriture du rêve, assez fortement opposé à la “doctrine” de Freud (que je ne tiens pas pour scientifique), mais dans lequel, justement en opposition au freudisme (des rêves, j’entends), j’essaye, dans la mesure de mes modestes moyens, de tenir compte des découvertes et avancées scientifiques (neurobiologie, onirologie moléculaire…) concernant ce que l’on appelle depuis 50 ans le “sommeil paradoxal”… (encore une question de ponts et de passages…)

  33. Berlol

    Voilà qui est fort intéressant ! Et ça va paraître ou c’est pour une communication ? Moi aussi, je travaille sur le langage des rêves, justement…
    Pour ce qui concerne Freud, je t’accorde que ce n’est peut-être pas très scientifique aux yeux de ce qui l’est aujourd’hui, mais je pense que tu évites l’anachronisme d’une façon ou d’une autre…

  34. vinteix

    Tiens, quelle coïncidence !
    Oui, c’est pour une communication dans un colloque franco-japonais (comme quoi, je ne crache pas dessus non plus…) le mois prochain à Fukuoka (Université de Seinan), intitulé “Traduire le rêve”… et un article à paraître (dans une version plus longue)… mais dans une revue que personne ne lit, bien sûr, puisque celle de l’Université de Fukuoka… (en attendant d’autres supports avenir)…

    Pour ce qui est de Freud, même si je le pique un peu, je ne l’accable pas non plus, vu qu’il ne pouvait qu’ignorer les découvertes neurobiologiques postérieures… néanmoins, je m’étonne encore (ayant notamment relu ses commentaires de “la Gradiva” de Jensen) à quel point il a pu réduire le rêve à une interprétation si étriquée, focalisée sur le solipsisme de la pysché, la tribu familiale et ses scénarios oedipiens…
    Bref, si ça t’intéresse, je peux t’envoyer mon texte par courriel privé…

  35. Berlol

    J’y serai ! mais seulement le vendredi…
    Pour Gradiva, c’est vrai qu’il n’y est pas allé de main morte, si je puis dire.
    (Je sors. A ce soir.)

  36. vinteix

    Ah bon ! quelle surprise !
    Au plaisir alors !



Samedi 27 septembre 2008. Des butors, il nous en faudrait des nuées.

L'espoir paie. Les amis d'hier qui ont renoncé à venir aujourd'hui auront raté le meilleur. Le pessimisme est aussi une forme de bêtise... Et puis le temps s'annonçait beau, les oiseaux fastes dans le ciel, les feux au vert dans les rues.

J'arrive dans la salle de l'Université Rikkyo à 10h40, trouve déjà excellente l'intervention d'Akane Kawakami, « Désir liminal : M. Butor autour du Japon », puis me raisonne pour la suite, pour ne pas être partial parce que je connais la personne. Mais rien n'y fait, dès la deuxième minute, c'est un raz-de-marée chez moi et dans la salle, l'évidence de l'excellence conjointe du propos et du ton, cet amalgame miraculeux qui subjugue et passionne sans retenue possible. L'intervention de Michaël Ferrier, « Ruser avec la clôture : portrait de Butor en volatile japonais », que l'on pourrait sous-titrer « Le héron du Japon », restera dans les mémoires — et mérite largement de voyager dans les tuyaux électroniques.

Sur ce point d'orgue, je rejoins T. au Saint-Martin où une excellente carbonade de bœuf m'attend.
Dans l'après-midi, pendant que T. continue son étude épistémologique des corpus littéraires dans l'internet, je vais lire à la médiathèque de l'Institut et y retrouve par hasard un livre de photographies que j'avais feuilleté il y a quelques années et dont j'avais un vague souvenir...

« Adieu museaux, truffes, groins, encolures, muscs, haleines et babines.

        Où sont les butors tachetés,
        Les couroucous, les touracos,
        Le siffleur et le commandeur.
        Les attitudes et les empreintes ? »
(Les Naufragés de l'Arche / photographies de Pierre Bérenger, texte de Michel Butor, Paris : La Différence, 1994 [rééd. augmentée de 1982], p. 18)

« Disparus...

        Les perroquets et les perruches
        Cacatoès aras loris
        Amazones et papegais
        Les couroucous les touracos

        Tous les yeux toutes les oreilles
        Se gavaient d'échos et reflets
        Étincelles de délivrances
        Parmi les grondements des faims

        Le petit butor de Cayenne
        Le butor jaune du Brésil
        Le butor de la baie d'Hudson
        Le pouacre ou butor tacheté

        L'enfant Butor qui les aimait
        Ne se lassait de leurs plumages
        Qui pour lui étaient un ramage
        L'enfant butor devenu singe » (Id., p. 97)

« Le vieux butor a rajeuni, voici qu'il devient moins frileux. Les portes se rouvrent. Il entre maintenant dans une salle dont il n'avait pas encore rêvé, salue l'oncle Milne-Edwards qui se réveille, et tous les enfants qui recueillent des bouquets de pépites neuves dans les regards de verre liquide. [...]

Nous comprendrons alors que ces bâtiments devront ressembler à une aérogare. Salut hall des guépards et des buses, salle des lynx et milans perdus ! Ce sera l'heure des symbioses.» (Id., p. 125)

Mais je doute de l'efficacité politique de l'œuvre de Michel Butor. Ils l'ont répété hier et aujourd'hui, qu'elle l'était, politique. Et je vois bien ce qu'ils veulent dire. C'est vrai. Et c'est beau. Mais c'est d'une façon beaucoup trop délicate et discrète pour toucher jamais ni les larges populations de plus en plus aculturées, formatées pour être intellectuellement stériles et obéissantes, ni les élites gouvernantes et possédantes qui se nourrissent de littérature de violence, de compétition, de nationalisme — de vulgarité, pour le dire en un mot. Et qui n'ouvriront, les unes comme les autres, jamais un livre de Michel Butor.
Aujourd'hui même, un ministre japonais, nommé il y a trois jours, vient d'être démissionné pour avoir affirmé que les syndicats étaient un cancer qu'il allait éliminer du monde du travail. C'est le même qui affirmait en 2005 et 2006, quand il était dans le gouvernement Koizumi, l'homogénéité de la race japonaise, l'engagement volontaire des femmes de réconfort et l'inexistence du massacre de Nankin. Et qui venait d'être repris il y a trois jours par le nationaliste Taro Aso.
Contre ça, partout dans le monde, des butors, il nous en faudrait des nuées.

Marqué à l'entrée des Éditions de la Différence, cette phrase de Jacques Lacan : « C'est à son anti-intellectualisme, assurément, qu'on reconnaît une crapule.»

commentaires

  1. brigetoun

    éternelle actualité de la phrase de Lacan.
    Merci pour tous les butors, parce que faut tout de même dire que pour lire Butor il faut le vouloir, et avoir le temps de chercher. Réserve respectable etc.. mais c’est peut être ce qui l’empèche d’être politique.

  2. Berlol

    Disons que son discours politique est tellement subtilement inscrit dans ses textes, que l’on peut facilement passer à côté.
    Lacan, oui, il avait raison, mais je crois qu’il y a quand même des crapules intellectuelles. Et qu’il n’y a pas à aller chercher bien loin. Entre Guaino et Sarkozy, par exemple, il y en a bien un qui est anti-intellectuel, mais dirait-on qu’il est pire crapule que l’autre ?



Dimanche 28 septembre 2008. Promo de miel d'acacia.

Assurément, Dada n'aurait pas voté pour la conservation du Cabaret Voltaire.
D'ailleurs, Dada n'aurait pas voté.

Dada aurait certainement ri aux éclats de voir que Gallimard proposait ses livres au format numérique au même prix que les livres en papier. Moi, je n'ai pas ri mais j'ai envoyé un courrier :

« Bonjour,
Si je ne fais pas erreur, je vois que le livre au format numérique est au même prix que le livre papier. Alors que le format numérique ne coûte rien, ni en papier, ni en transport, ni en stockage, et pour le peu qu'il a coûté en maquette puisque c'est à peu près celle du livre papier.
C'est tout à fait scandaleux !
J'espère que vous réviserez bien vite cette position commerciale et... éthique.
Un lecteur du Japon.»

Le genre de truc qui ne sert à rien.
— Un peu comme Dada, alors !

Mais Dada aurait dévoré l'entretien d'Article 11 avec Éric Chevillard. J'en extrais ce cliché des clichés des auteurs qui s'y croivent quand ils sont invités dans Un Livre Un Jour...

« [...] Dans Préhistoire, par exemple, la situation de départ est devenue la scène sur quoi se referme le livre, parce que le personnage a tout bonnement refusé de prendre ses fonctions de gardien de la grotte ornée où il se trouvait affecté ainsi que celles de héros de mon roman et qu’il m’a fallu tout au long de ce livre le convaincre, l’amadouer, insidieusement le conduire à entrer dans son rôle. Je me moquais un peu là des écrivains qui prétendent que leurs personnages leur échappent et dictent leur loi, ce qui m’a toujours paru être une affirmation de très mauvaise foi et d’une affectation ridicule.»

Et Dada aurait cru Federman, qui imagine Palin envahissant la russie...

Sinon, ici, c'est beaucoup plus calme que les jours précédents. La recherche reprend ses droits, quand je ne suis pas en train de répondre à Vinteix...
À la pause thé, T. m'a lu le chapitre où Beaufort enfin s'échappe. Superbe mise en scène de la performativité du langage : il expose un de ses « quarante moyens d'évasion », puisqu'on lui a posé la question, et, joignant le geste à la parole, il sort du pâté en croûte les poignards, la corde et la poire d'angoisse qui vont servir à l'évasion. Dans la diégèse, parole et action sont bien deux choses différentes, juste synchrones, mais à la lecture, c'est bien la parole écrite qui produit les instruments et l'évasion...

Suis sorti tout de même en vélo, malgré la grisaille qui menaçait mitraille. J'ai fait près de 10 kilomètres et il n'y a guère qu'au retour qu'il commençait vaguement à bruiner. Au Seijo Ishii de Korakuen, promo de miel d'acacia et de confitures Saint-Dalfour.
Et, par intermitence, enregistrement de la série des Nouveaux Chemins de la connaissance sur la toupie l'utopie. Faut que j'écoute ça rapidement.

commentaires

  1. karl

    hmmm le prix n’est pas si évident, je mets cela au chaud pour un billet sur La Grange. Trop long ici. :)

  2. Berlol

    J’attendrai avec une vive curiosité cette explication. En tout cas, les livres numériques de Publie.net sont à 5,50 euros et François Bon s’en est déjà largement expliqué…

  3. Philippe De Jonckheere

    Berlol, tu as raison, ce prix est déraisonnable. En revanche ce n’est pas non plus (et tu ne me soupçonneras pas de défendre un éditeur graphique sur ce genre de question) complétement sans coût de production.

    Pour publie.net, c’est un peu différent aussi, puisque les coûts de production sont quasi-nuls pour ce qui est de la fabrication de chaque fichier, mais pas nuls en revanche tout l’admnistratif.

    Mais quand même tu as raison sur le fond, à Gallimard ils prennent vraiment les lecteurs pour des Américains, mais ce n’est pas la première fois.

    Amicalement

    Phil



Lundi 29 septembre 2008. La petite laine en question.

Jour de pluie et température d'automne. Redécouverte des petites laines.

Dingue. J'ai réussi à récupérer une émission ratée en juillet ! L'anniversaire des dix ans de Mauvais Genres avec une heure et demie d'extraits d'œuvres littéraires japonaises ! Je ne sais pas comment ça a pu m'échapper. Qu'est-ce que je faisais le 6 juillet, lendemain de la diffusion ? En tout cas, si quelqu'un veut encore écouter ces belles lectures tant qu'elles sont en ligne, c'est par ici.

La longue série — c'est rare — de commentaires avec Vinteix s'est prolongée par une bonne surprise : qu'il serait du colloque où je dois aussi me rendre fin octobre à Fukuoka. J'y avais pensé puisque je sais qu'il y habite mais n'ayant pas encore la liste des participants, je ne m'étais pas avancé... Du coup, je lui laisse un message téléphonique et il me rappelle juste comme je m'installe dans la médiathèque de l'Institut. On tombe d'accord sur le danger des échanges par courriel ou commentaires, déjà signalé, et que même avec de vieux amis, le ton n'est pas toujours perceptible ou pas toujours perçu et qu'il arrive parfois que le malentendu se développe pour rien. Ça me rappelle des tirades sur la connivence — qui s'en souvient ? —  il y a trois ou quatre ans, résumées finalement en juin 2006 en [vouloir & croire] × [produire & transmettre] >> de la nuance. Pour faire une équation complète, il faudrait intégrer les paramètres médiologiques et faire une boucle.

Soit A et B : A = ([1 VS combien ?] = [moi VS qui ?]) + ([vouloir & croire] × [produire & transmettre de la nuance]) et B = ([combien ? VS 1] = [qui ? VS moi]) + ([vouloir & croire] × [produire & transmettre de la nuance]).
Si A > 0 => B > 0, alors  A'. Si A' > 0 => B' > 0, alors A''. Si A'' > 0 => B'' > 0, alors A''', etc.

Si ce n'est pas clair, je reprends en langage normal...
A est donc un message produit et envoyé. B est la réponse d'un quidam ou plusieurs réponses d'un quidam ou de plusieurs quidams. La réponse de B entraîne une réponse possible sous la forme A', et ainsi de suite. Or les conditions de production de A, B, A', B', etc., n'étant jamais les mêmes et aucun contact direct (visuel ou auditif) ne permettant de relier hors-texte A et B pour les rendre homogènes ou raccords, la nuance, matière fragile et volatile s'il en est, ne sera transmise que dans un faible nombre de cas, et dans tous les autres cas provoquera schématisme, simplification, frustration, malentendu, et autres oiseaux de malheur.

Ceci dit, même avec visu...
Nos voisins d'en face, à neuf ou dix mètres en contrebas d'un demi-étage, famille d'expatriés dans 200 mètres-carrés (à vue de nez) (avec trois enfants), ont inventé un nouveau truc, ce soir : deux phares disposés au sol sur leur balcon pour jouir de la vue de leurs plantes brillantes d'humidité. Belle idée pour une mentalité pavillonnaire avec jardin privatif. Sauf que ces phares de piste aérienne nous éclairent la façade autant qu'érables et yucas. Comment n'y ont-ils pas pensé ? À moins qu'ils ne voient nos fenêtres, et notre présence vivante de temps en temps, que comme un décor type fond d'écran.
Quand madame était au téléphone, j'ai donc sorti la lampe torche de secours et l'ai éclairée en retour. Réaction instantanée, le fauteuil tourne, elle ne peut pas me rater puisque ses phares m'éclairent. Surprise et gêne. Mais. Tout de suite cachée. Réfugiée dans la cuisine. On ne va pas ouvrir la fenêtre et communiquer avec un fond d'écran, même quand il vous affiche un message d'alerte. J'imagine quand même qu'elle a compris et je rentre avec ma lampe éteinte. Mais deux minutes après, je la retrouve dans son fauteuil en train de tapoter sur un portable wifi, les projos extérieurs toujours sur nous. Je ressors derechef et rallume sur elle et autour d'elle, dans son grand salon, histoire que le faisceau produise bien des variations de lumière inratables. Ça ne passe pas inaperçu mais elle fait celle qui ne voit rien, ou qui s'en fout. Je rentre mettre la petite laine en question et quand je reviens, je la vois tout au fond de son salon par terre avec son portable, près du canapé où vaguement quelqu'un d'autre est allongé. Son mari. Ça cause. — Oui quand même on ne peut même pas faire ce qu'on veut chez soi.  — Ouais m'enfin tu vois bien que ça les dérange. Mets-toi à leur place. — Ah c'était pas comme ça à La Châtre. Quelle idée aussi j'ai eue de te suivre au Japon. Ne me demandez pas pourquoi La Châtre. J'imagine... J'aurai pu dire Issoudun ou Cambo-les-Bains. Mais je ne vais pas rester ma torche à la main. Je vais bricoler une installation bien focalisée, un faisceau chirurgical. Je la pose donc avec une petite cale de façon à ce qu'elle éclaire précisément, entre mes barreaux de balcon, l'angle où ils se sont réfugiés. Et je rentre préparer du thé.
Trois minutes après, T. qui passse par là me dit qu'ils ont éteint les phares, tiré les rideaux et les doubles rideaux. Elle dit un grand merci dans le noir. On éteint la torche, on range la cale. Fin des communications.

commentaires

  1. Didier da

    Vigoureux hochement de tête quant au danger des commentaires…
    assorti d’un sourire en coin : au rayon “comédie du voisinage”, la saynète est savoureuse.

  2. Robin

    Eh oui, pourquoi La Châtre ?
    J’y étais cet après-midi. J’y ai vécu pendant quelques années.
    On n’éclairait pas les voisins avec des projos extérieurs. Il faut dire que l’immeuble est rare, et n’excède pas cinq étages.
    Quelle idée bizarre vous a traversé ? Peut-être avez-vous eu connaissance de la belle exposition parisienne consacrée à ce grand artiste qui vit justement à La Châtre ?
    J’ai nommé Fred Deux (sans oublier sa compagne Cécile Reims).
    On pouvait l’entendre sur France-Culture la semaine dernière (A voix nue).
    L’occasion au moins de vous dire merci pour votre journal, que chaque jour je lis, de mes vieilles terres berrichonnes.

  3. Berlol

    Robin, je note que vous aviez aussi Issoudun récemment sur une de vos cartes…
    Sinon, je ne sais pas d’où La Châtre est sorti. Je pense y être passé mais n’en ai pas de souvenir précis. En revanche, j’ai bien vu les pages de France Culture mentionnant ces entretiens avec Fred Deux et me suis demandé s’il s’agissait des excellents entretiens réalisés il y a quatre ou cinq ans ou si ce sont de nouveaux entretiens… Il faut que j’écoute.
    Alors peut-être subliminalement, La Châtre s’est inscrit(e) dans mon esprit…
    Merci de votre compliment. Votre blog est aussi dans ma liste Bloglines depuis fort longtemps !

  4. brigetoun

    c’était pourtant bien cet échange, et plutôt courtois - juste un peu du japonais pour moi, un peu d’étrangeté qui a tenté de réveiller ce qui subsiste dans mon crâne

  5. lacan

    moi j’aurais bien une petite idée : au moment de nous narrer (fort joliment !) ce sauvage conflit de voisinage à coup de lampe torche laser (que la force soit avec toi !) l’angoisse de castration endormie en tout mâle a suggéré “la châtre” …
    (sans rire, tout y est stade du miroir, torche à la main, corps allongé sur un canapé, etc.etc. : volontaire ou pas, ce grand retour de l’objet petit a ?)

  6. Berlol

    Pourquoi pas ! J’ai chopé mon sabre-torche et je te les ai castrés ! Z’avaient qu’à pas m’allumer !

  7. lacan c'est moi

    trop émue d’usurper le nom du grant’homme, j’ai oublié de signer de mon lien … mais j’assume la psychanalyse sauvage !

  8. martine silber

    ah les commentaires…sur mon blog débutant, j’en ai peu et tous charmants, donc tout va bien. Je leur ai quand même consacré un billet, sidérée par ce que je lisais ailleurs.
    Cela me rappelle les commentaires de lecteurs que je recevais quand je travaillais encore comme journaliste, il y a peu. Parfois intéressants, mais le plus souvent insultants (on se console en se disant que les gens contents n’écrivent pas i.d; ce sont les plus nombreux….)

  9. F

    @Martine S : vu ce “et maintenant” sur la page d’accueil du blog… moi qui avais bondi, ouah, Martine Silber sur Net (j’allais me contenter des initiales, mais il y aurait eu confusion…) - vous nous en direz plus ?

    quant à La Châtre, très belle page de Michon sur traversée de la ville, c’est ce qui a dû te revenir, Berlol, à moins d’un souvenir du mois orléanais ?

  10. ms

    initiales et confusion : with me perhaps ?

  11. Berlol

    Of course, je crois…



Mardi 30 septembre 2008. Avant d'être balancé par-dessus bord.

Débordé ! J'ai dormi cinq heures et T. pas du tout. Elle avait son article à finir pour aujourd'hui. Je l'ai soutenue moralement (elle n'en avait pas du tout besoin) jusqu'à deux heures du matin. En lisant des blogs... Elle pensait boucler et se coucher, et puis... quand mon réveil a sonné, elle était toujours en train de taper. Mais bizarrement sans fatigue apparente. Peut-être parce qu'on a des sièges bien ergonomiques.
Après je suis parti pour Nagoya, sous légère bruine, et j'ai redormi une bonne partie du shinkansen — comme si c'était moi qui avais passé une nuit blanche. Puis j'ai repris mon Ruffel, toujours aussi pertinent.

« L'archive, faut-il le rappeler, est devenu le lieu fondamental de la nouvelle histoire et même d'une nouvelle éthique historique, qui a profondément influencé les romanciers : l'archive, lieu où les monuments se transforment en documents et vice-versa ; lieu de la vraisemblance historique, garante d'un certain rapport au réel, où le potentiel d'adéquation entre espace symbolique et espace référentiel est le plus fort. Or, celle de Volodine, non seulement est totalement délirante, mais en plus elle attribue à des personnages les livres de l'auteur lui-même, exhibant ainsi son effet-fiction dans un lieu consacré habituellement à l'effet de réel. Cet exemple possède une signification profonde, tant il touche, et d'une certaine manière parodie, un trait d'époque.» (Lionel Ruffel, Volodine post-exotique, p. 55)

Puis deux cours, une réunion, deux discussions avec des collègues, quelques courriers urgents et c'est déjà 19 heures ! Je réussis à rentrer avant que la pluie ne forcisse, me change pour aller au supermarché en vélo avec imper à capuche et pantalon imperméable. Ça tombe dru maintenant et, pédalant, j'ai de l'eau jusque dans les yeux. Il faut attendre d'être garé devant le supermarché... pour m'apercevoir qu'il est fermé. Jour d'inventaire. L'autre supermarché est à un kilomètre. Impossible sous cette pluie. Pour ne pas entamer mon capital santé — qui ne fait pas crédit — je me contenterai de ce que j'ai dans le frigo : pain, yaourts, et des petites saucisses que je vais préparer au pesto et avec des tomates séchées....
... en regardant Ce soir ou jamais du jeudi 25qui me plaît beaucoup. D'abord, la discussion avec Bertrand Blier, très franc, tant sur ses films que sur l'époque. Puis la discussion sur le climat et le comportement. D'un côté, Michel Serres et Jean-Louis Étienne, en défenseurs d'une planète menacée et qui essaient d'élever le débat au-dessus de l'alarmisme médiatique, en soulignant le temps long, les changements démographiques et les excès stupides du consumérisme, de l'autre Jean-Marc Fédida et Serge Galam qui, bien que venant de sphères différentes, refusent de concert d'accepter la responsabilité humaine du réchauffement climatique au nom de la liberté, d'une part, et des incertitudes scientifiques, d'autre part. Ces deux derniers suent la mauvaise foi et ils ne s'en rendent même pas compte. Ils représentent une forme de justificationnisme décomplexé, très étonnante, mais finalement équivalente, toutes proportions gardées, à ce que sont les traders dans les marchés financiers : des gens prêts à parier le capital des autres, quand bien même ils peuvent savoir que ces autres n'en ont plus.

Plus tard, j'entends Jean-Claude Trichet dire des choses du genre : « Nous sommes là pour inspirer confiance.»
Désolé. Ce n'est plus possible. Si ça l'a jamais été avec moi.
Il ferait mieux de nous demander d'inspirer avant d'être balancé par-dessus bord.
Agissez d'abord. Abattez la financiarisation outrancière ! Condamnez les coupables ! Interdisez les paradis fiscaux et les évasions de capitaux ! Cessez de jouer comme des enfants sur des variations de variations d'indices ! Quand ce sera fait, alors, peut-être, revenez et demandez la confiance ! Nous verrons.
Au lieu de cela, on va commencer par faire payer les contribuables, punir trois lampistes et relancer les moteurs. Dans six mois, les financiers sauront qu'ils ont encore des réserves à cramer : ils pourront aussi compter sur l'argent gratuit des gouvernements et des banques centrales...
À moins que les rachats soient vraiment des nationalisations et des renationalisations. Mais dans ce cas, on ne parle plus de capitalisme ! (Et c'est bien ça qui fait tituber le Congrès américain — parce que Bush, lui, il n'a plus rien à perdre, dans trois mois il se tire et il leur (et nous) laisse toute sa merde).

commentaires

  1. brigetoun

    balancée par dessus bord ? et si en plus ma réserve complément fond…. quelle sale capitaliste je fais, au lieu de me rejouir d’une possible ascèse

  2. Florent Grimaldi

    Curieux ce sentiment d’ être dépaysé en vous lisant tout en retrouvant des choses très “françaises” sur un plan culturel.

  3. Berlol

    C’est le Double Bind géographique !..


© Berlol, 2008.