Jeudi 1er mai 2008.
Lignée rare et presque aléatoire. Ai eu un peu de temps pour regarder quelques-unes des vidéos d'entretiens avec Jean-Patrick Manchette rassemblées par Libération dans son Labo Vidéo. « Ça, c'est un néo-polar. C'est pas le polar classique...», dit-il d'emblée à Pivot, à propos du Petit Bleu de la côte ouest (1979). Dans la lettre mensuelle des Archives pour tous de l'INA, je m'intéresse au téléfilm tiré d'Un Balcon en forêt (Mitrani, 1980). Je galère un peu dans les sécurités de compte et de téléchargement, mais je réussis tout de même à le louer pour 48 heures... Bonjour la sécurité ! Je verrai ça demain. Il semblerait que Lionel ait quelques problèmes avec le contrat d'hébergement de blog du Monde, dont je découvre d'ailleurs qu'il est payant. Cette question de la propriété des contenus et illustrations insérés par l'utilisateur lambda dans une plate-forme, je me l'étais posée en février 2004 — un bail, donc ! — et l'avais temporairement résolue en m'installant chez un opérateur, U-blog, qui, sans être clair sur ce point, paraissait assez accueillant, avant de la résoudre définitivement un peu plus tard par l'émancipation que constitue le blog indépendant — et la sécurité des pages statiques. Nonobstant la question ouverte, intéressante en soi, je te conseille vivement, cher Lionel, de copier de ton blog tout ce qui est possible en html par devers toi... Question posée à des spécialistes : n'existe-t-il pas de solution logicielle pour pomper tout le contenu et le code php d'un sous-domaine ou d'un blog particulier sur une plate-forme ? Ou bien les bases de données, type MySQL, ont-elles été créées en partie pour éviter ce genre d'action ? Après de nombreuses heures de travail, je rejoins T. à Ginza où elle était avec une amie depuis le déjeuner. Pendant qu'elles discutent chaussures sur mesure chez Noguchi, je visite le Tokyu Hands du nouveau bâtiment Marronniers, en face du Printemps. C'est nul, cette notion de bricolage de luxe, logique dans ce quartier. Il n'y a presque rien, comme outillage réel. Que des produits finis, et le magasin lui-même est plutôt étroit, lourd. L'étage de marché du Printemps est lui aussi très décevant. Avant, il y avait foison de produits, grande diversité et plusieurs qualités ; maintenant il n'y a que des bijouteries de gâteaux. Heureusement, la boulangerie Bigot produit de l'excellent pain, présenté de façon normale et à des prix tout à fait corrects. Après le dîner, je re-regarde Beaumarchais, l'insolent (Molinaro, 1996) sur TV5 Monde (et je l'enregistre, aussi, avec RealPlayer). Toujours intéressant de voir comment quelques hommes, une lignée rare et presque aléatoire — ici, le segment qui va de Voltaire à Beaumarchais —, ont promu les idées de liberté en dépit de leur environnement et de leur condition de naissance... L'éducation des citoyens, depuis deux siècles, n'ayant pas été à la hauteur, la majorité n'est toujours pas réellement libre ; elle est hélas maintenant convaincue de sa liberté, au moins chez nous, par des marchands d'idées qui l'aident à confondre le consumérisme — qui leur rapporte — avec le discernement — qui les ferait tous foutre à la porte — comme on les comprend. Commentaires1. Le vendredi 2 mai 2008 à 14:32, par christine : la réponse éventuelle à ta question sur les solutions logicielles de sauvegarde de la totalité d'un blog m'intéresse beaucoup, si quelqu'un te l'apporte ! 2. Le vendredi 2 mai 2008 à 18:55, par Berlol : Chère Christine, je vois dans l'article E6
de ton hébergeur Gandi que, je cite, « il vous appartient de
sauvegarder régulièrement le contenu de votre GandiBlog pour éviter
toute perte de données », ce qui pré-suppose que l'hébergeur t'en donne
les moyens ! 3. Le samedi 3 mai 2008 à 04:52, par Lionel Dersot : J'ai commencé à faire une copie de mon blog en utilisant l'application Blue Crab pour Mac. Il y a plus de choix sous Windows dans la catégorie de logiciel website copy, cloning, duplication, etc. en anglais pour moi en tout cas, ce jargon m'étant inconnu en français. Cela semble marcher, même si c'est très long selon la longueur du blog, mais je ne sais pas si l'architecture du blog lui même peut être réexploitée en transvasant le résultat ailleurs. Sans doute pas. J'ai mon blog sur disque dur avec quelques bizarreries de liens qui semblent ne pas fonctionner, et je n'ai pas encore la preuve que les index des photos viennent accompagnés des photos originales postées. Mais ce serait un moindre mal. Il existe semble-t-il des services payants US qui permettent de faire une copie progressive (back-up) de son blog stocké en ligne avec éventuellement possibilité de transfert sur un autre moteur de blog. 4. Le lundi 5 mai 2008 à 05:59, par grapheus tis : Voilà
une vraie, vraie question qui me turlupine depuis que je songe à une
migration vers DotClear qui n'engagerait point à une remise en page
fastidieuse de chaque note. 5. Le lundi 5 mai 2008 à 14:45, par christine : de
fait, gandi est un hébergeur respectueux et qui offre de nombreuses
possibilités ... mais, sous-douée que je suis, je ne suis pas parvenue
à trouver comment faire une sauvegarde ! |
Vendredi 2 mai 2008. Des
partisans encollent sauvagement. Il pleut que c'en est dégoûtant. On ne sort pas. Après quelques heures de travail et un rapide déjeuner, je m'installe pour une séance de cinéma... Un Balcon en forêt, loué par le site de l'INA (voir hier), est un long mais bon téléfilm, respectueux de l'ambiance et du rythme gracquiens (aujourd'hui, on en ferait une série en trois ou cinq épisodes). Je n'ai pas ici le livre pour vérifier les répliques mais elles paraissent justes. Je fais quelques pauses parmi ces grands calmes, en profite pour vérifier les dates avec le peu que le film nous laisse voir, notamment le 10 mai 1940, en effet jour de l'invasion de la Hollande et de la Belgique par les troupes allemandes. Ce jour-là, un des personnages dit : « Ici, on est peinards. On n'est pas de la fête comme les cavaliers. Ceux-là, ils vont en baver.» Un des cavaliers qui en ont bavé, Claude Simon, en a témoigné... Gracq publie Un Balcon en forêt en 1958, Simon La Route des Flandres en 1960. Belle coïncidence — même si la critique, bouchée par les préjugés, ne les a pas jugés du même bord... Pour la soirée, T. me laisse choisir entre deux films et je prends un Woody Allen qu'elle n'a pa encore vu, Scoop (2006), que j'ai vu en février. D'habitude, elle ne l'apprécie guère ; j'étais donc étonné qu'elle le ramène parmi les dévédés empruntés à la fac. Elle sourit une ou deux fois mais trouve l'intrigue faible et diluée — et considère globalement que Woody Allen parle trop... Définitif. Quant à moi, je suis déjà reparti nager dans les index simoniens... Un courriel me tire de mes dragages et de la pluie incessante. Écoutez ! Regardez !... Là-bas, tout là-bas, derrière la brume des continents, Lutz Bassmann sort des prisons et des cartons des libraires. Époussetant ses fières jaquettes, il s'étale sur les tables et grimpe dans les rayonnages. Des blogs fleurissent et rougissent la blogosphère. Lutz défile dans mai qui redémarre. Partout, ses amis vantent son génie âpre, des partisans encollent sauvagement la ville, au péril de leur vie. Regardez ici, ces mains expertes qui s'emparent de lui avec doigté, le feuillettent en tous sens, lui soupèsent la volodine substance... J'en vois une qui fait la moue — pourquoi choisir celui-ci plutôt qu'un autre... Un qui compte et recompte ses sous — pourquoi les livres sont-ils si chers. Ah ! en voilà un qui le glisse sous le rabat de son sac — livre volé, livre adoré ! Et celui-ci, et celle-là, jeunes étudiants qui courent vers la caisse, chacun avec un volume lutzien à la main. Ils se heurtent, les livres tombent, leurs yeux dessus, il voit qu'elle a pris les Moines-soldats, elle voit qu'il a pris les Haïkus de prison. Accroupis, je vois qu'ils se sourient en balbutiant des excuses, puis ils paient, sortent et s'invitent au café. Ils se découvriront d'autres goûts, se promettront l'échange des livres, d'autres échanges. Ensemble, ils entreront dans l'amour clandestin du post-exotisme. Commentaires1. Le vendredi 2 mai 2008 à 23:45, par brigetoun : comme
l'incollable semble aimer cette place sous mon ancien chez moi, la
librairie où l"on se heurte pourrait être sur le trottoir de droite en
remontant vers la Roquette. 2. Le samedi 3 mai 2008 à 16:34, par Un membre de la Brigade : Le collage ne fait que commencer! 3. Le samedi 3 mai 2008 à 16:41, par Un membre de la Brigade : L'Art du collage sauvage, article 1: "Ne te demande pas si on peut le décoller, demande toi plutôt si tu es capable de le coller" 4. Le samedi 3 mai 2008 à 17:19, par Berlol : J'en veux! J'en veux ! |
Samedi 3 mai 2008. Ce qui sort
des enceintes. Le « prix de l'orifice catholique », lapsus au Festival de Cannes-Écluse de 1977... Pendant mes pauses, j'ai un peu mieux compris le fonctionnement du site de l'INA. Je me suis fait une sélection de nombreuses adaptations littéraires et téléfilms et ai loué pour 48 heures La Peau de chagrin, une adaptation Antenne 2 de 1980, dûe à Armand Lanoux. Probablement pas vue, à l'époque. Je venais d'avoir mon bac et passais plus de temps dehors ou chez des copains que devant un écran... Le temps de téléchargement est tout de même de plus de cinq heures pour un document qui en dure la moitié. C'est un peu exagéré, comme procédé, non ? (Pendant ce temps, on re-regarde Saint-Jacques... La Mecque avec beaucoup de plaisir.) T. profite un peu du soleil pour aller récupérer des chaussures à Ginza (elle m'appelle pour me parler d'une manifestation et d'une contre-manifestation avec des camions noirs, des hauts-parleurs qui distordent les mots d'ordre, de sorte qu'elle ne parviendra pas à comprendre de quoi il retourne). Moi, je ne suis sorti qu'une heure avec elle pour déjeuner au Saint-Martin. Sinon, je lis, copie & colle, ordonne, etc. De quoi vais-je accoucher ? Je l'ignore. Très intéressante remarque d'Éric Chevillard, dans son billet 213 : un nouveau-né sur le territoire français, de parents français, se trouve cependant dans l'incapacité de prouver sa maîtrise de ladite langue nationale. Par conséquent, n'est-il pas passible d'une mesure de reconduite à la frontière ? Le texte officiel évite-t-il cette inconstitutionnalité absurde ? Parturientes, ne coupez pas trop vite le cordon ! Vous pourriez avoir à renfourguer votre illégale cargaison. D'une autre qui aurait pu renfourguer, si elle avait su... Citant le Genitrix de Mauriac ou le Vipère au poing de Bazin, Florence Noiville, dans Le Monde d'hier s'élève un peu au-dessus du niveau des autres articles sur la livresque querelle mère-fils qui va occuper un peu le printemps des libraires. « Mais aux alentours de la page 130, il y a sa rencontre avec un guide de haute montagne — qu'elle appelle son Frison-Roche ou l'Epoux — et avec qui elle aura un enfant, Michel. Michel, ainsi prénommé en raison d'une balade au Mont-Saint-Michel, ne naît pas avant la page 166, mais dès lors les ennuis commencent. Il a un problème d'"évacuation" : "Au lieu du petit jaune d'oeuf guetté avec attendrissement par toute mère attentive, il ne parvenait à émettre, après des hurlements, qu'une petite crotte de bique." Rien n'y fait, ni huile d'olive ni huile de ricin — le livre, ne l'oublions pas, est écrit par un médecin. Et surtout, les jeunes époux, passionnés de mer et de montagne, ont de grands projets en tête. Ils veulent traverser l'Afrique, gravir le mont Kenya, le Kilimandjaro. Pas question de renoncer pour cause de nourrisson sur les bras.» (dans « Houellebecq et le retour de la mère indigne ».) Et conclure gaillardement cette journée de gésine par un commentaire détourné du blog de David Abiker : « [...] ce qui sort des enceintes est rarement du meilleur goût.» Commentaires1. Le dimanche 4 mai 2008 à 04:05, par brigetoun : du mal à m'intéresser à la saga de la famille Houellebecq mais la conclusion est savoureuse comme le reste du billet qui m'a fait entrer dans la journée avec un grand sourire 2. Le dimanche 4 mai 2008 à 04:24, par Berlol : Eh ben, c'est déjà une bonne chose de prise !... |
Dimanche 4 mai 2008. D'ennui
contre un meuble contondant. Où avais-je la tête ! Hier, en fait, c'était le jour de la Constitution... Lisant le journal ce matin, T. m'enseigne qu'il y avait des manifestations de freeters, dont une à Shinjuku (550 personnes environ ; mais pour ici, c'est déjà beaucoup). Et, à Yurakucho, plus de 4000 personnes — waoooh ! — pour défendre ladite Constitution (toujours menacée d'une réforme, imminente, qui annulera le pacifisme japonais). Mais aussi une contre-manifestation des camions noirs jusqu'au milieu de Ginza — Lionel y était et quand T. m'a téléphoné, elle ne devait pas être très loin... Par ailleurs — décidément — il y avait du monde pour voir le film Yasukuni, à l'une des quelques séances finalement ménagées après qu'une assemblée d'extrême-droite s'était prononcée en faveur de sa diffusion (promettant implicitement qu'il n'y aurait ni manifestation ni agression). Pour ce qui est d'aujourd'hui, la simonade continue. Pour éviter l'ankylose, je sors faire une heure de vélo et quelques courses au Seijo Ishii de Korakuen. Je fais aussi des pauses blogueuses, pour donner relâche à mes neurones — et parfois exciter mes humeurs... Mais lisez plutôt. « [...] Et je ne saurai dire pourquoi j’ai pensé à Catherine, comme une évidence, en traversant le Pont de Sèvres, Catherine Robbe-Grillet, et son Journal de Jeune mariée (Fayard, 2004), la période 1957-62, dont elle nous dit que son écrivain de mari n’en savait rien et qu’il ne l’aurait lu qu’avant parution. Du « nouveau roman » je dois bien avouer que je ne comprenais grand-chose, si ce n’est une volonté de casser le champ traditionnel de l’écriture en se débarrassant du réalisme, de la normalité et du naturalisme, en opposition aux grandes machines romanesques du XIXe siècle, Balzac en tête. Les Robbe-Grillet, Samuel Beckett, Michel Butor, Robert Pinget, Claude Simon, Nathalie Sarraute, Claude Ollier, auxquels se joindront plus tard Jean Ricardou et Marguerite Duras, cette « école de Minuit », dérivé du nom de la maison dont le directeur Jérôme Lindon sera le premier à prendre le risque de publier et de fédérer des écrivains inconnus, aux textes déconcertants et à petits tirages, n’étaient pas les premiers : déjà avant eux Proust à sa manière cassait la structure classique de la narration en s’aventurant dans le labyrinthe de sa mémoire, Valéry se demandant comment on pouvait écrire des phrases aussi vaines que « La marquise sortit à cinq heures », et Céline prédisant au romanesque traditionnel des heures sombres s’il s’entêtait à « copier » la réalité. Bref, je résume. En matière de littérature, de musique et d’art en général, il y aura toujours des expérimentateurs, des avant-gardistes... de génie parfois. Mais que l’on m’autorise à rester vulgairement orthodoxe dans mes choix, voire ringard, je le revendique. Dès lors qu’il me faut l’aide d’un mode d’emploi pour entrer dans une œuvre et y éprouver du plaisir, je baisse les bras. Et je reste persuadé qu’une œuvre est un tout qui doit se suffire à lui-même et s’appréhender sans aide extérieure, si ce n’est parfois, seule concession de ma part, un surplus de culture générale pour le resituer dans son contexte. Le nouveau roman qui revendique la mise en danger du lecteur en lui retirant tous les conforts de lecture est un exercice de style qui m’assomme. [...] » (Joseph Vébret, extrait de « Catherine, veuve Robbe-Grillet », La Presse littéraire, n°14, mars-mai 2008. C'est moi qui souligne.) Commentaire : « O. sort de sa poche un stylo-mine et écrit dans la marge : Incurable bêtise française.» (Claude Simon, La Bataille de Pharsale, p. 238) — alias la bataille de la phrase... Autant dire que la guerre contre les tièdes et les pantouflards de la littérature est toujours ouverte. Mais comment peut-on vouloir se consacrer à la littérature contemporaine, comme c'est le cas de Vébret, de la bonne volonté duquel je ne doute pas, et avoir si peu de goût pour l'expérimentation littéraire ? Cela veut dire tout bonnement qu'il souhaite lire et promouvoir toujours la même chose, ou tout au moins des productions qui restent dans les cadres sages des conventions. Et ce, comme si la nouveauté d'il y a 50 ans était toujours aussi dangereusement insupportable — ce qui est d'ailleurs lui faire compliment ! Je puis respecter le goût d'autrui mais pas laisser écrire des contre-vérités. Qu'une œuvre doive être un tout qui se suffit (seconde citation soulignée), on ne peut en faire un argument contre les auteurs dits du Nouveau Roman puisque c'était précisément un des seuls points sur lequel ils s'accordaient. Ils allaient même jusqu'à refuser que l'on fît appel aux connaissances extérieures et à la culture générale, souhaitant installer dans l'œuvre, que ce soit de façon claire ou déguisée, tous les éléments nécessaires à sa compréhension. Pour ma part, je me suis souvent trouvé en bien plus grand danger de m'effondrer d'ennui contre un meuble contondant à cause d'un livre trop conventionnel qu'en restant éveillé pour traquer les sens d'un opus de Sarraute ou de Pinget. Ah, tiens, pendant que j'y suis : le programme du colloque des 14 et 15 mai, en Sorbonne et à Censier, Claude Simon, à la lumière de l'histoire littéraire, de l'histoire culturelle et de la sociologie de la littérature. Un peu long, comme titre... Commentaires1. Le lundi 5 mai 2008 à 07:32, par jean-françois paillard : Ce genre de commentaires à la Vébret ne laissent pas non plus de m'étonner... Je suis persuadé qu'on peut lire Robbe-Grillet sans aucun effort particulier, avec jubilation, sans même imaginer qu'il écrive forcément contre qui que ce soit, contre Balzac par exemple, contre Balzac ! ça me paraît idiot, j'en disputais récemment avec un ami romancier, qui n'avait pour qualifier l'écriture de Robbe-Grillet que cette expression "d'anti-Balzac" à la bouche, c'est extraordinaire cette hargne quand même, mais d'où vient-elle bon sang ? car, pour avoir lu un peu les deux, je n'ai pas trouvé cela du tout, d'ailleurs il me semble tout à coup, il faudrait que je relise, j'aurais dû y penser dans la discussion avec ledit pote, que Robbe-Grillet parlait, à propos du Père Goriot je crois, dans son "pour un nouveau roman", de lassitude, très grande lassitude à la lecture de ces imitateurs imbéciles qui s'entêtent à le reproduire, Balzac, mais Balzac lui-même, je suis sûr que pour Robbe-Grillet comme pour n'importe qui, ça ne peut être que délice de lecture, Balzac l'expérimentateur d'ailleurs, et Sarraute, un régal, mais c'est effectivement qu'il ne faut pas être rétif, passif, prétérité, ne pas s'embarquer dans une attente de quelque chose qui sente l'encaustique, ne pas voir dans la littérature qu'enfilage de jolies phrases de faux style qui flattent le lecteur, ce côté démonstratif, ce côté conversation forcément brillante qu'on trouve du côté de l'Europe buissonnière et faux émules néo néo néo-stendhaliens, mais je m'égare... 2. Le lundi 5 mai 2008 à 15:04, par Berlol : Parfaitement
! ARG (ni Sarraute ni les autres) n'a jamais rien "reproché" à Balzac
lui-même. Mais à ses imitateurs anachroniques, oui ! Et précisément de
faire du Balzac anachroniquement, c'est-à-dire de ne pas être de leur
temps, de ne pas savoir inventer d'écriture de leur époque. Et ça dure
depuis un siècle et demi ! Pour lesdits imitateurs, il a alors été plus
facile de dire et faire dire qu'ARG avait attaqué directement Balzac
que d'essayer d'inventer quelque chose. Le mensonge était tellement
gros — crime de lèse-majesté ! — qu'il a été gobé par tout un lectorat
qui a même refusé ou négligé d'aller vérifier si c'était vrai ! 3. Le mardi 6 mai 2008 à 00:53, par JFP : Peut-être ne pas publier l'élucubration suivante, mais il faudrait peut être qu'un jour (à moins ue cela n'existe déjà et je serais interessé de savoir qui s'y est attelé) qqun se penchât sérieusement, c'est-à-dire à la fois littérairement et sociologiquement (difficile, j'en conviens) sur cette chose bizarre qu'est l'école minuit et notamment cette étrange façon qu'a eue Lindon de façonner une certaine littérature, en sous main, en quelque sorte par personne interposée (et essayer de trouver pourquoi), en choisissant de façon totalement souveraine, ses 'poulains', les plaçant, comme sur un vaste échiquier, (Echenoz - et FB, ai-je cru comprendre, dans un de ses billets (?) - évoquent qualque chose de cet ordre, une manière de contrainte de corps : vous y êtes, maintenant il faut filer droit, me complaire, comme si avoir été choisi dans l'écurie, c'est aussi avoir été élu, c'est-à-dire contraint, obligé à qq chose, une écriture, un pli, une course, débrouillez vous, mêm si tout est apparemment non dit, on parle ici et là d'une virgule, mais l'auteur est nettement, au moins au début, dominé par cette présence-exigence impérieuse de Lindon, son 'attitude', et si ça ne plaît pas, ce n'est pas publié, en tout cas j'ai cru deviner derrière l'hommage à Lindon d'Echenoz, à la fois jamais exprimé et là en permanence, et c'est ce qui fait à mes yeux la réussite du livre, un fiel extraordinaire, peut-être une haine rentrée, en tout cas un sentiment bizarre, le sentiment en creux, très trouble, d'avoir été en permanence manipulé comme un pion par ce type si courtois, ce qui n'enlève en rien bien sûr à l'autonomie et la qualité des auteurs de Minuit, c'est compliqué à dire et j'élucubre sans doute...), 4. Le mardi 6 mai 2008 à 01:33, par Berlol : Tu élucubres juste ! je crois... 5. Le mardi 6 mai 2008 à 02:18, par JFP : oui, lu ça aussi a propos de gallimard et paulhan dans les bios de gide, michaux, journal de léautaud etc. On s'écarte sensiblement du sujet lindon, mais c'est vrai, cette façon de traiter l'auteur avec extrême politesse, flatterie matoise et componction réfrigérante (pour le sous rémunérer éhontément entre parenthèses), encore d'actualité dans le carré d'or parisien, je pense toujours à ça quand je lis un texte déplorant la mutation de l'édition française avec arrivée des controleurs de gestion et des grands groupes dans les annnées 1980, certes, c'est pas bien, mais n'oublions pas combien avant, l'edition à l'ancienne, c'était feodalité infâme, prébende, arbitraire et coups fourrés, piquage de l'éditeur dans la caisse comme n'importe quel petit patron du commerce, cela invariablement sur le dos de l'auteur (et du correcteur et du traducteur et de l'attachée de presse et de la secrétaire, presque toutes femmes, considérées par les éditeurs, absolument tous des hommes, comme gens de maison, quantité négligeable, alors que force vive), ça on le dit jamais, quelque chose qui assommait je crois céline, grand pourfendeur d'éditeurs en qui il ne voyait que vautours en faux col... 6. Le mardi 6 mai 2008 à 02:59, par Berlol : D'où un franc refus d'en faire les héros de la littérature qu'ils prétendent encore être et ma totale absence de pitié dans les épreuves qu'ils traversent. Par bonheur, je ne caresse pas l'espoir de publier des livres... Tout juste l'idée qu'il doit y avoir, comme il y a toujours eu, dans quelques bureaux, des gens bien, qui font mentir tout ce qu'on vient d'écrire et qui ne vont pas nous contredire. 7. Le mardi 6 mai 2008 à 18:57, par Berlol : Pendant qu'on y est : 8. Le mercredi 7 mai 2008 à 05:51, par Manu : J'aime bien le "progrès n'a, en art, aucun sens". Ça sépare d'emblée la qualité des techniques employées de celle de l'oeuvre elle-même. Par exemple, pour ce qui est de la musique, les progrès réalisés dans les domaines de l’enregistrement, du mastering, de la synthèse sonore, de la numérisation etc., ne feraient pas progresser l’art. Idem dans la photo. Je suis d’accord, mais en fait, à y réfléchir de plus près, seulement partiellement : un bon morceau de musique même mal enregistré, composé avec des instruments de qualité moyenne peut s’avérer être un titre d’anthologie. Mais je pense quand même que les progrès techniques peuvent participer à l’amélioration de l’œuvre ou en tout cas, au plaisir éprouvé à la contempler, la lire, l’écouter, la consommer. Peut-on pour autant parler de progrès de l’art ? Peut-être pas, après tout. 9. Le mercredi 7 mai 2008 à 06:11, par jfp : A
mon avis, le progrès technique (1) change de fait, et irrésistiblement,
la nature de l'Oeuvre (cf le texte célèbre de walter benjamin à propos
du cinéma), et met l'accomplissement de toute Oeuvre (je préfère l'idée
d'oeuvre à l'idée d'art dont je ne crois pas l'existence en dehors du
discours obligé de l'art qui est piégé) à la portée de tous (comme
l'avait bien senti beuys), même l'écriture (son travail, ses formes,
ses structures, ses extensions) est profondément modifiée par le
traitement de texte, parfois l'hypertexte, et l'usage de l'ordinateur,
même si subsistent en elle bien sûr des invariants... 10. Le mercredi 7 mai 2008 à 15:31, par Berlol : Oui, je pensais à quelque chose comme ça, aussi. Dans une œuvre, il y a toujours deux composantes, deux faces inséparables, comme pile et face d'une pièce : une composante immatérielle (elle même faite d'intellect, de concept, d'affect, de références, voire d'instincts et de gestes venant du corps et du travail avec son corps) et une composante matérielle directement liée aux matériaux employés pour sa réalisation. Les murs des grottes, type Lascaux ou autres, sont ornés de figures très artistiques, très conceptuelles, porteuses d'immenses affects, autant pour ce qu'on imagine de ceux qui les ont réalisées que pour ce que ça nous fait du fait de l'espace temporel. Les moyens techniques nous paraissent rudimentaires alors qu'à leur époque, c'était sans doute la pointe de la technique... 11. Le jeudi 8 mai 2008 à 03:30, par JFP : S'agissant de l'apport technique du traitement de texte, dont on ne parle pas, et pourtant combien de colloques sur le sujet de l'écriture ! et c'est pourtant l'essentiel, il y a la possibilité très concrète pour le romancier notamment de revenir sans cesse, en permanence, de façon continue, sur le texte, n'importe où (ah si proust avait connu cela, l'homme aux paperoles, la face de la recherche eût changé et sa vie, son rapport au corps aussi), d'opérer des recherches sémantiques, d'éliminer utrarapidement les répétitions (ah si flaubert... et combien d'heures gagnées sur ses séances d'abrutissement, vautré sur son canapé), d'avancer vite pour revenir travailler plus tard le mot juste et la ponctuation, de travailler le texte comme Rodin modèle une sculpture : par enlèvements-rajouts à partir d'une base portant les grands équilibres, et bien sûr aussi, de pratiquer cuting, de l'entrelarder de citations (une technique qui a toujours existé certes - cf Antoine Compagnon - mais c'est la façon qui est révolutionnaire) et aussi cette possibilité nouvelle, que j'essaie de mettre en oeuvre dans le texte que j'écris actuellement, d'écrire tout simplement à l'envers, comme on tisse... A prendre l'écriture ainsi, dans sa pratique concrete, on voit tout de suite que la distinction forme/fond s'interpénètre, agis l'une sur l'autre, comme s'interpenetre esprit/corps ou matiere/energie, des poles qui a mon sens designent la meme chose... J'approuve cette idée de travail avec son corps, que partagent phénoménologues, neurologues et ethnologues ce qui règle le compte d'ailleurs aux imbéciles qui croient encore à cette distinction absurde "manuel/intellectuel"... 12. Le mardi 13 mai 2008 à 00:35, par JFP : Mea culpa. Le monde est plein d’histoires de bruit et de fureur racontées par des idiots qui n’y comprennent rien… L’idiot en l’espèce, c’est moi… Pour en avoir le cœur net sur mes élucubrations, j’ai visionné les entretiens d’Alain RG avec Benoît Peeters (impressions nouvelles/IMEC). Ce fut bien ce que je craignais : ils contredisent pour l’essentiel ce que j’ai avancé supra, notamment à propos du rôle de Lindon ds constitution de la constellation des auteurs du nouveau roman dont ARG fut en réalité le maître d’oeuvre, sur Balzac aussi, que robbe dit bel et bien ne pas aimer (« il m’ennuie »), accordant à Stendhal un intérêt tout autre (Fabrice à Waterloo, évidemment, c’était pourtant facile à deviner…) - Excellents entretiens au demeurant, menés par un vrai connaisseur, qui donnent envie de relire les œuvres post Labyrinthe, pour peut-être les mieux comprendre et apprécier, ses films aussi… 13. Le mardi 13 mai 2008 à 00:44, par Berlol : Oui, il l'a dit. Mais ces entretiens sont un peu apprêtés... Il y a des cours de litt. pour Fr. Culture où il s'exprime mieux sur Balzac. Je les ressortirai un de ces 4, doivent être encore sur MD... 14. Le mardi 13 mai 2008 à 01:26, par JFP : Je serai très curieux de les entendre un jour via ton journal en ligne. MD ? kesako ? 15. Le mardi 13 mai 2008 à 08:21, par Berlol : MD = Mini Disc, un support du siècle dernier... J'en ai deux centaines remplis d'émissions littéraires que je renumérise quand j'en ai le temps... Donc, ce n'est pas pour tout de suite. Mais je les retrouverai, ces entretiens. |
Lundi 5 mai
2008. Le mystère s'épaissit d'autant. Ce jour, Lutz Bassmann sort des limbes et nous propose quelque chose. Enfin ! Le mystère s'épaissit d'autant. Mais je n'en dirais pas plus car, à l'instar des biographes de Jorian Murgrave, il est à craindre que ceux qui tenteraient d'en savoir plus sur le ou les Bassmann, voire d'en théoriser l'évolution disparaîtraient dans des conditions dramatiques... Ça n'intéressera personne, sans doute, mais de ce jour je décide d''utiliser prioritairement Exalead pour mes recherches. Encore une journée à compiler et triturer du Claude Simon. Pendant que je suis concentré là-dessus, T. parvient à déjouer ma surveillance et s'enfuit au centre de sport de Shibuya, où elle retrouve deux amis avec lesquels elle déjeune ensuite, non sans leur raconter par le menu l'enfer monacal qu'est devenu notre maison depuis que je me suis lancé dans cette course folle... Et d'où elle revient radieuse. « Elle arrive, la voici la reine des illusions, la femme qui passe comme un baiser, la femme vive comme un éclair, comme lui jaillie brûlante du ciel, l'être incréé, tout esprit, tout amour. Elle a revêtu je ne sais quel corps de flamme, ou pour elle la flamme s'est un moment animée ! Les lignes de ses formes sont d'une pureté qui vous dit qu'elle vient du ciel. Ne resplendit-elle pas comme un ange ? N'entendez-vous pas le frémissement aérien de ses ailes ? Plus légère que l'oiseau, elle s'abat près de vous et ses terribles yeux fascinent ; sa douce, mais puissante haleine attire vos lèvres par une force magique ; elle fuit et vous entraîne, vous ne sentez plus la terre.» (Honoré de Balzac, La Peau de chagrin, « Épilogue », 1831) J'ai profité d'une pause pour finir de visionner La Peau de chagrin, téléfilm INA de 1980. Cela m'a un peu déçu : dans l'ensemble plus mou et plus uniforme que ce que le roman avait déposé en moi — c'est peut-être toujours comme ça puisque la lecture ouvre tous les possibles tandis que le film n'en met qu'un en scène. Tout le monde connaît la valeur philosophique et ontologique de la peau de chagrin, à la fois talisman et symbole. Cependant, je penche pour une erreur, ou tout au moins une simplification de la part de Balzac. En effet, ce n'est qu'aux yeux des êtres humains que la réduction de la peau de chagrin mène à sa disparition totale. En réalité, la peau est toujours là mais elle est entrée dans la dimension microscopique, puis moléculaire, corpusculaire, etc. Quoi qu'il en soit, ce pauvre Raphaël de Valentin, que Balzac a ironiquement voulu auteur d'une théorie de la volonté — sorte de furet qui passe entre les lignes —, aurait mieux fait de jeter cette vieille peau dans un caniveau pour ne plus la voir et vivre tranquillement ses désirs sans faille assouvis jusqu'au moment où il aurait clamsé avant d'en avoir conscience. L'anticipation et l'attente exclusive de la mort constituent une erreur grave du vivant — et quelle vanité de nous en faire tout un plat, puisque c'est le lot commun ! Commentaires1. Le lundi 5 mai 2008 à 05:01, par Luis Kiro Khadjba : "Vers la fin, la plus grande confusion se mit araignée" 2. Le mardi 6 mai 2008 à 14:24, par christine : et pourquoi exalead ? tu es fâché avec
gogol ? tu en as marre de la routine ? juste pour faire ton
intéressant ? 3. Le mardi 6 mai 2008 à 15:17, par Berlol : Exalead, exaltant bolide ! 4. Le mardi 6 mai 2008 à 15:22, par Berlol : Merci,
Luis, ou Luis Kiro ! Votre nom ressemble assez à un pseudo, ou à un nom
post-exotique, on se demande... Votre coming-out vous plonge
directement dans la fiction. 5. Le mardi 6 mai 2008 à 16:48, par christine : on se demande, en effet ...! 6. Le mardi 6 mai 2008 à 17:01, par Berlol : Non ! C'est de la poésie ! Unisexe. En revanche, je ne connais pas l'origine du nom, sans doute quelque contraction techno... |
Mardi 6 mai
2008. Un seul doigt peut suffire. La semaine dernière, on ne travaillait pas un jour ouvré ; en contrepartie, il faut y aller aujourd'hui. Les recherches en cours ont été transvasées précautionneusement dans l'ordinateur portable, de sorte que je n'ai pas le temps d'admirer le Fuji. De grosses affluences sont attendues dans les trains et les avions, c'est le U-turn, comme on dit ici, le retour de Golden Week. Mais dans l'autre sens. Au contraire, la sortie de Tokyo ressemble au jour le plus creux d'août. Pourtant tous les étudiants sont là. Et ça bosse. Au cours de conversation, dans la salle d'ordinateurs, deux étudiantes viennent présenter des fiches de métiers choisies dans les sites spécialisés. L'une a choisi de présenter le sabotier et le cordonnier-bottier... Une autre lui pose ensuite la question qui brûlait toutes les lèvres : pourquoi ? Réponse : elle avait eu des chaussures bien réparées et s'était dit que ces gens faisaient décidément un beau métier (mais quand on voit les salaires, on rigole moins, même si le SMIC est bien supérieur au salaire minimum japonais). Ça m'a fait penser qu'il faut que je cire les miennes. Floutage de gueule. S'il est possible de déflouter des photos numériques pour retrouver un criminel pédophile, comme je l'entends aux informations, cela signifie que tous les floutages, par exemple journalistiques, ne sont plus en mesure de garantir l'anonymat des témoins... La cagoule, le bas, voire le masque du rayon farces et attrapes s'imposent donc à nouveau. Bulletin de riz. Le régime de Birmanie (pourquoi plus aucun journaliste ne dit Myanmar ?) a semble-t-il eu raison de déplacer sa capitale... Étonnant de voir combien les médias sont mobilisés. Au moment du tsunami, en décembre 2004, je m'étais demandé en vain pourquoi personne ne parlait de la Birmanie, comme si la vague s'était arrêtée à sa frontière. C'est sans doute qu'on avait assez d'images catastrophiques d'ailleurs, suffisamment pour contenter la bête médiatique. Mais cette fois, la frappe ciblée du cyclone pourrait bien être une aubaine pour les politiciens du monde développé, Bush en tête, qui espèrent bien que l'aide humanitaire sera leur cheval de Troie. (On a de l'intelligence et des formations, disait avec le même esprit néo-post-colonialiste Sarko dans les Syrtes.) Là-bas, pour l'instant, on prend les colis mais on ne donne pas les visas. Et les votes au référendum vont sans doute se monnayer en sacs de riz... « Parce qu'avec les cinq doigts de la main je vous garantis que vous avez amplement de quoi compter les différents cas auxquels tout peut se ramener, et même avec un seul, parce que, vous me connaissez, et je n'ai pas besoin de vous dire que je n'ai rien d'un communiste et qu'aucune chose ne me révolte plus que cette conception du monde et de la vie fondée sur la force de je ne sais quelles lois de la matière ou de l'économie, et pourtant, croyez -moi, un seul doigt peut suffire, parce que l'unique mobile de toutes les actions humaines, de tous les prétendus drames psychologiques, et j'en ai vu passer suffisamment dans ce bureau pour avoir le droit d'en parler, eh bien c'est l'intérêt, et rien d'autre [...] » (Claude Simon, Le Vent, tentative de restitution d'un retable baroque, Paris : Minuit, 1957, p. 13) Commentaires1. Le mercredi 7 mai 2008 à 07:24, par Laurent Morancé : Votre paragraphe " Bulletin de riz " s'avère aussi percutant que pertinent... 2. Le mercredi 7 mai 2008 à 09:12, par Tietie007 : Je suis juste en train de faire une salade de riz ! 3. Le mercredi 7 mai 2008 à 11:28, par pat : lorsque
la radio informe d'un tremblement de terre on n'imagine pas ce que
ressente ceux qui la subisse. Porte nous les bonnes nouvelles, de toi
et de ton univers, car une étoile n'existe qu'avec d'autres étoiles. 4. Le mercredi 7 mai 2008 à 15:20, par Berlol : Pas
d'inquiétude, je te rassure. A Tokyo, force 5, plus d'une minute,
secousses horizontales (moins graves que verticales). A Nagoya, rien du
tout, ou en tout cas, cela ne m'a pas réveillé. |
Mercredi 7 mai 2008. Bulle
tapissée d'index. On est jeudi soir et je me demande où est passée la journée d'hier... J'ai littéralement oublié d'écrire après le dîner et négligé de m'en apercevoir ce matin. Pour autant que je m'en souvienne, j'ai donné un cours comme toujours très animé avec les étudiants de 2e année. Lecture d'un texte avec pauses, liaisons, enchaînements et insistance sur les accents toniques, ce qui nous a infailliblement menés au tableau des valences phonétiques du « e » français, avec ses neuf colonnes (à compléter pour dans deux semaines). Puis j'ai déjeuné avec David au restaurant des profs, toujours aussi mauvais — c'est vraiment incroyable, cette constance dans la médiocrité. Et je suis retourné dans ma bulle tapissée d'index, de contextes, de fréquences, n'y respirant d'air qu'en molécules simonesques. Grande salade du dîner — car même les plus grands écrivains ne sauraient m'empêcher de cuisiner des aliments frais — et nouvelle plongée dans le tissu dont je tresse les fils politiques... dans mes rêves les plus fous. Pour l'instant, c'est une sacrée pelote que je ne sais par où démêler. Et comme je n'ai pas eu d'autre contact avec le monde contemporain, il n'y a même pas de lien à insérer. Ou alors des choses vont me revenir après... Commentaires1. Le jeudi 8 mai 2008 à 08:06, par F : le monde contemporain te salue bien, et tes salades ! 2. Le jeudi 8 mai 2008 à 08:09, par Berlol : Merci. J'espère que juché sur une constellation il me téléguide... 3. Le jeudi 8 mai 2008 à 09:33, par F : dans les cheveux de Bérénice évidemment, ou dans les vignes de Salses... |
Jeudi 8 mai 2008.
Nuées droite nées de la transe. Confère hier, en pire. Non pas un mais trois cours. Et quand même trois heures grapillées ; non plus pour indexer, maintenant, mais pour dessiner des nuages... de mots. Nuées droite nées de la transe. Avant que j'oublie, deux choses importantes (au moins). La première qu'en effet je n'ai rien senti du tremblement de terre qui a secoué Tokyo tôt ce matin. Plus tard, au téléphone,T. m'a dit qu'après quelques dizaines de secondes, elle avait tout de même commencé à s'inquiéter et à se demander si elle n'allait pas s'abriter sous la table en pyjama... Elle n'en a rien fait, cependant. Après j'ai regardé les images des secousses à la télé. Mais quand on voit ce qui se passe ailleurs, notamment les films amateurs reçus de Birmanie, on arrête de faire son amusant. La seconde, c'est que j'ai vu tout à l'heure le dernier billet d'Assouline, à propos d'André Suarès. Le lisant, je me disais qu'il faudrait vérifier demain matin mais je crois bien que Vercors, alias Jean Bruller, illustrateur et humoriste dans les années 30 et pas encore tout à fait écrivain, a fait paraître de diverses manières son inquiétude face à la montée du nazisme. Assurément, Suarès et lui ne sont pas les seuls qui n'ont pas été écoutés à cette époque. Mais au lieu de parler de ceux-là et d'actualiser leurs inquiétudes, on préfère généralement continuer à citer et gloser à l'envi les salauds, les pleutres et les hypocrites qui ont pavé l'histoire littéraire (et pas seulement littéraire, hélas) de cette époque. C'est comme si on persistait aujourd'hui à les trouver cassandresques alors même que la catastrophe annoncée a eu lieu dans les grandes largeurs — éternelle bouc-émissarisation de ceux qui avaient raison, voisinant tolérance pour les crapules grandes et petites. Mais revenons au blog. L'homme à la moustache trempée dans le café achève son billet par une belle surprise : « Ce n’est pas tant qu'André Suarès nous manque, à nous qui le connaissons si peu ; c’est surtout qu’il nous manque un André Suarès.» Eh bien, pour cette phrase, je retire au moins la moitié des griefs que j'ai contre lui. Dans ces temps d'augmentations tous azimuts, c'est bien de voir quelque chose qui baisse, je trouve. C'est un geste pour la planète. Commentaires1. Le jeudi 8 mai 2008 à 09:32, par moustache : ah ah, réconciliation diplomatique envisagée ? 2. Le jeudi 8 mai 2008 à 13:22, par Laurent Morancé : Suarès, Vercors, et aussi Georges Bataille avec ce méconnu roman prophétique " Le bleu du ciel "... 3. Le jeudi 8 mai 2008 à 16:11, par Berlol : Allons allons, Moustache ! Je ne suis pas connu pour ce genre d'attitude stratégique ! 4. Le jeudi 8 mai 2008 à 20:03, par brigetoun : prouve seulement que l'on peut toujours trouver du bon en quelqu"un, comme en Suarès d'autres raisons, comme le ton,de ne pas vouloir qu'il soit oublié |
Vendredi 9 mai 2008. L'essence
d'une telle cueillette. C'est la course. Entre la valise à préparer, même si peu de besoins pour cinq jours, et le texte de mon intervention à déposer officiellement en l'état avant de partir, je n'ai même pas le temps de déjeuner avec David — j'ai pris des yaourts, des biscuits au fromage, du thé. Heureusement, on accepte maintenant le document sous forme électronique ; je l'envoie vers 15 heures. Il y a plus de quarante pages de listes et de tableaux de mots — et seulement trois pages de rédigées... Autant dire que je vais devoir trouver du temps dans les jours et les nuits à venir pour finir de distiller l'essence d'une telle cueillette. Mes cent minutes de shinkansen passent d'ailleurs en tri de co-occurrences — au casque, en même temps, le hasard a sélectionné l'écoute de Daniel Ash et ça convient très bien pour rythmer, canaliser, calmer (et ça n'empêche pas les souvenirs...). Bien sûr, le grand-œuvre continue après le dîner. Avant de me coucher, je reprends un peu le volant dans le virage des Syrtes : de l'espion rencontré à Maremma à la décision de rénover l'Amirauté — de grands changements ! Bref. Bon qu'à ça. Comme dit Sam. |
Samedi 10 mai
2008. Enfiévré :
126×2. Donc, lever à six heures pour les notes du cours. Si vous avez une édition du Rivage des Syrtes, veuillez vous reporter aux pages suivantes pour dresser vous-même la courbe de température...
Déjeuner au Saint-Martin, bien sûr. Au moment de partir, des connaissances se pointent. Des habitués du SM, eux aussi. On discute un peu. Une prochaine fois, faudra qu'on se fixe rendez-vous. Pendant que T. va au temple d'Akasaka écouter une conférence sur la peinture à l'époque d'Edo, je rentre faire la sieste et finir ma valise. Encore quelques coups de téléphone, quelques courriels, et le tour est joué. Ayant réservé et payé mon billet d'avion en ligne fin mars, j'ai reçu ce matin un message d'Air France m'invitant à imprimer moi-même ma carte d'embarquement. Trop moderne ! Mais est-ce que ça m'évitera la queue demain matin ? Ceci dit, ce n'est pas une période de fort trafic — juste après la Golden Week, ça serait même le contraire. Cécile me répond qu'il fait beau à Paris. Tant mieux parce qu'ici, c'est pourri. J'espère seulement que le cyclone prévu demain nous laissera décoller... Commentaires1. Le dimanche 11 mai 2008 à 04:39, par Bikun : Oui il fait très beau ici...profitons-en, et
louons le soleil pour une fois alors qu'on se plaint si souvent du ciel
gris! |
Dimanche 11 mai 2008. Sortant de
terre, cette sensation sublime. Il fait 14 degrés et il pleut. Pour partir, c'est pas sympa. Obligé de prendre un taxi pour la gare de Tokyo. Et toujours, au moment de l'arrachement physique — T. me saluant d'un sourire un peu triste, forcément — la révolte du corps, la brûlante question (on peut y répondre tout de suite en ne partant pas) de savoir s'il n'est pas absurde ou criminel de s'en aller comme ça, pour la gloire (la recherche !), vu ce qu'on en pense, au lieu de rester tranquillement ensemble... Dix minutes plus tard, par des avenues désertes et mouillées, je suis à la gare de Tokyo, descends sur le quai du Narita Express. Celui de 7h30 m'emporte et me dépose à Narita 2 à 8h35. Au 3e étage de l'aéroport, on m'informe que le départ d'Air France ne se fait pas d'ici mais du terminal 1. Redescends. Connecting Bus. Terminal 1, 4e étage, et direct au e-counter d'Air France pour enregistrer ma valise, le siège ayant déjà été réservé. Peu de temps pour flâner au duty-free. L'embarquement est à 9h50 et le décollage vers 10h40. Voisin anglophone jeune lisant ou dormant la plupart du temps. Vol sans problème, bouffe à peine comestible. Une bonne heure de travail à l'ordinateur, à ranger des idées. Films, quand même du choix : Enfin Veuve, bien, Bienvenue chez les Cht'is, moyen, Cassandra's Dream, un peu longuet et chute faible. Pour La Graine et le Mulet, intéressant mais quand même des longueurs, je serai coupé cinq minutes avant la fin ! Je ne sais donc pas l'issue de ce catastrophique couscous. J'ai juste vu que la fière maîtresse était partie refaire de la semoule... On a peut-être enfin pu servir ? Arrivée terminal CDG 2E et non 2F, comme prévu à 15h50. La passerelle met dix minutes à arriver... Bon, peu importe. Chaleur prévue, je range mon manteau dans mon sac à dos. Valise récupérée, deux kilomètres de couloirs pour prendre le RER en bras de chemises. Sortie à Luxembourg vers 17h30. Réponse à la question de ce matin : c'est par exemple pour, par un escalator sortant de terre, cette sensation sublime de déboucher directement sur cette place chérie entre toutes qu'on voyage ! Hôtel Saint-Jacques, chambrette donnant sur le passage du Clos-Bruneau, à dix mètres du Manga Café. Quelques coups de téléphone, achat d'une bouteille d'eau à Maubert, rapide dîner périgourdin (salade d'endives, pavé de boeuf à l'aligot) et... au lit à 21 heures ! Commentaires1. Le dimanche 11 mai 2008 à 22:37, par brigetoun : les lignes sur l'escalator débouchant là, un petit creux de nostalgie (qui s'appliqueraient à d'autres endroits dont, pas si loin, la statue de Danton) 2. Le dimanche 11 mai 2008 à 23:11, par Berlol : A propos de statues : passant devant la Sorbonne, j'ai salué Montaigne, comme TOUJOURS quand je passe là. 3. Le lundi 12 mai 2008 à 00:38, par Shaggoo : J'ai souvent "débouché" moi aussi à cet endroit : pour participer à un café philo avec quelques irréductibles. J'ai pris plaisir à voyager avec vous, ce matin. 4. Le lundi 12 mai 2008 à 06:38, par Laurent Morancé : Moi, c'est le Balzac rodinesque que je salue TOUJOURS lorsque, de ma province, le hasard me conduit vers Vavin-Montparnasse. 5. Le lundi 12 mai 2008 à 17:20, par patapon : « Paris a mon cœur dès mon enfance. Je ne suis français que par cette grande cité, grande surtout et incomparable en variété, la gloire de la France et l’un des plus nobles ornements du monde. » Vérifie, c’est sur le socle de la statue de Montaigne, et comme c’est exactement ce que j’ai toujours ressenti, je m’en suis souvenu sans effort. (Décidément, nous fréquentons les mêmes endroits: pour le colloque de mars, j’avais choisi le même hotel que toi ! Pas mal du tout, tranquille, pratique, et le le petit déjeuner n’est pas mauvais...) 6. Le mardi 13 mai 2008 à 00:43, par Berlol : Plusieurs commentaires dans le filtre, je viens de les mettre en ligne. Le wifi dans l'hôtel, c'est n'importe quoi. Là, dans la voiture, ça marche très bien... Content que la sortie Luxembourg dise quelque chose ! 7. Le mardi 13 mai 2008 à 05:31, par caroline : Pour la Graine et le mulet, je suis d'accord pour couper les cinq dernières minutes. En effet, en voyant que cela dure si longtemps, cette histoire de couscous et de course dans la cité, on se dit qu'il doit bien y avoir une raison et donc que ça ne va pas finir comme annoncé. Erreur, ça finit bien comme on s'y attend depuis une bonne dizaine de minutes. Dommage, car ce film est bien mais cette fin met un bémol au sentiment général par rapport au film. 8. Le mardi 13 mai 2008 à 08:19, par Berlol : Ça tombe bien, alors ! Ce sont justement les cinq minutes qui m'ont été coupées... Pour moi, le film est resté suspendu. Et quand je disais que c'était un peu long, c'était, plus qu'un avis sur le film, par rapport à l'atterrissage qui approchait, à l'écran minuscule et au son pourri des films dans l'avion !... 9. Le mardi 13 mai 2008 à 22:55, par Didier da : (Si je peux m'immiscer, le dernier plan de La Graine... est tout de même très beau, et saisissant : silhouette du père sur le pont, perdu, toute cette énergie pour rien. Pour ma part je ne m'attendais pas à une fin si désolée. Bien cordialement...) |
Lundi 12 mai
2008. Tant de fleurs que de filles (quelque part, c'est pareil). Lever à 5 heures pour continuer le travail deux bonnes heures... Ouhh ! Pas facile de monter un truc en famille le jour — de la solidarité avec nos aînés — où même ceux qui ne devraient pas travailler doivent y aller parce que le texte officiel n'est pas sorti — c'est le cas de mon cousin, qui ne peut donc pas sortir avec mon père et moi. Pas d'autre solution que de louer une voiture ; j'appelle Avis de la gare d'Austerlitz et c'est d'accord. Pas mal d'autres appels pour préparer demain. Voiture louée, j'étais en train de débrayer pour sortir du parking quand... l'employé vient toquer à la fenêtre. Il me dit qu'il a un petit souci (ce mot tellement à la mode) et souhaite (très poliment) que je l'accompagne au commissariat du fait d'une petite incohérence dans mon permis de conduire. Le numéro aurait trop de chiffres... Grosse surprise : je l'ai depuis plus de vingt cinq ans ! Et personne ne me l'a jamais faite, celle-là. Vérification dans un poste de police bunkerisé, d'où je ne suis pas certain de pouvoir ressortir. Deuxième pièce d'identité. Cinq minutes plus tard, le policier revient et déclare que je suis bien au fichier national des permis de conduire, sous mon identité correcte et véritable, ce qui ne m'étonne pas, mais qu'en effet le numéro du permis contient treize chiffres au lieu de douze. Un 4, tapé avec une machine à écrire d'une autre époque, s'est glissé entre les chiffres officiels... Cette petite demie-heure perdue (et rajoutée sur mon contrat de location), je m'en vais par les avenues et autoroutes désertes jusqu'à l'hôpital Chenevier de Créteil où je retrouve mon père, amaigri mais en bonne forme. De toute façon, on ne rajeunit pas. On va à Bercy Village, déjeuner au Saint M', beaucoup de monde dans le Cour Saint-Émilion, ambiance très sympa, nourriture correcte (sans plus) sauf le rosé corse, Clos d'Orléa, excellent (c'est vraiment moche d'avoir à conduire). Promenade dans les jardins, des paysages qui intéressent beaucoup mon père, il y reviendra sans doute pour fusains et aquarelles, tant de fleurs que de filles (quelque part, c'est pareil). En revanche, il ne peut pas monter les trois étages de marches qui nous permettraient d'atteindre la passerelle vers la BnF... La rééducation cardiaque, ce n'est tout de même pas la forme athlétique. Remontons en voiture pour profiter de Paris pendant que les parisiens n'y sont pas. Avenues dégagées et ensoleillées, grand tour de Paris, incluant les quais de Seine, la Concorde, les Champs-Élysées, l'Étoile, Alma-Marceau, Les Invalides, Montparnasse et... retour à Créteil pour 18 heures. Dîner chez ma mère (c'est la journée famille) en pleine forme, sœur qui cuisine plutôt bien (et bien épicé), beau-père toujours jovial, grand-mère de 88 ans qui siffle bien son verre de vin, se plaint de son jeune chien un peu fou. Bref, plutôt réussi, ce lundi. Commentaires1. Le mercredi 14 mai 2008 à 07:10, par Manu : Incroyable cette hist4oire de permis ! 2. Le jeudi 15 mai 2008 à 03:24, par Laurent M. : J'aime beaucoup cette " petite " chronique, toute tranquille et toute tendue... 3. Le jeudi 15 mai 2008 à 07:28, par curval : Et pendant ce temps là à Tokyo craquent les compatriotes... 4. Le jeudi 15 mai 2008 à 21:17, par Berlol : Très réussi, Manu ! J'allais corriger ta
coquille quand j'ai compris que tu avais appliqué le
procédé... 5. Le vendredi 16 mai 2008 à 05:09, par christine : j'ai
saisi comme prétexte (facile, j'en conviens!) pour rester au lit hier
matin plutôt que d'aller t'écouter à la Sorbonne une supposée
incompatibilité avec mon statut de gréviste ... mais j'espère que tu
vas mettre en ligne tout ou partie de ta réflexion sur la politique
chez Claude Simon |
Mardi 13 mai 2008. Presque comme
si on était en vacances chez quelqu'un. Les noctambules de la rue des Carmes ne m'ont pas empêché de dormir avant minuit, fenêtre entr'ouverte. À 5 heures du matin, la ruelle est très calme et le wifi comme dans du beurre passe. J'ai même le choix entre deux ou trois réseaux voisins. En revanche, vers 7 heures, ça ne passe plus du tout... sauf dans la voiture quand j'essaie après le petit déjeuner, ce qui me permet notamment de poster le billet d'hier. Je démarre avec l'espoir de me garer quelque part dans Châtelet-Les Halles pour une ou deux courses. Mais grosse circulation déjà, changement de sens de certaines rues, stationnement déjà saturé... Je tourne en rond, sans succès, jusqu'à l'heure de passer des coups de téléphone, à l'arrêt, rue de l'Amiral de Coligny, avec le beau paysage du Louvre sur ma gauche. De là, j'appelle T., qui va bien, et quelques amis pour les rendez-vous du déjeuner et du dîner. Je rends la voiture à Austerlitz vers 11 heures et m'en sens bien allégé. Déjeuner à la terrasse du Mauzac avec, dans l'ordre d'apparition, Philippe De Jonckheere, Constance, Cécile, Christine et Nathalie. Ma présence (catalytique ? — ou ce sont eux qui m'attirent ?) les a fait venir de tous les points de la ville, parfois au mépris de la stricte heure du déjeuner. Qu'ils en soient remerciés car ils m'ont donné le plus beau d'un bref séjour à Paris : un moment d'amitié intelligente, littéraire et presque campagnarde — presque comme si on était en vacances chez quelqu'un et qu'on s'endormait après le dessert entre les pages de l'Opoponax. Sans oublier qu'on y mange, aussi : gaspacho et tartare de thon. Bien après 3 heures, il faut quand même nous séparer. Dans la chaleur aoûtienne des rues, j'accompagne Nathalie à Sèvres-Babylone, y fais ma réserve de thé Kusmi et retourne me reposer une heure. Dîner avec un couple d'amis anonymes chez Vagenende, bd Saint-Germain, dans la tiédeur. On partage l'os à moelle pour rigoler, puis une salade d'endives au bleu avant d'attaquer les sublimes carrés d'agneau, tandis que la conversation roule de Tokyo à Macao et retour... Et LaureLi nous rejoint pour le dessert, avec des livres à offrir et plein de munitions pour la discussion malgré l'alarme stridulante et inextinguible du magasin voisin. Ce sera mon coucher le plus tardif, sans cependant que mon carosse redevienne citrouille. Pendant ce temps, selon un courrier reçu hier soir, le baiser d'un exorcisme en bord de mer mouille chastement l'envoûtante prose de Lutz Bassmann (par Christophe Bergon et Manuella Agnesini). Commentaires1. Le dimanche 18 mai 2008 à 07:54, par Philippe De Jonckheere : Tu
as le tiercé dans le désordre: ordre d'arrivée, toi, PDJ, Cécile,
Constance, C., et Nathalie. Un très bon moment effectivement. Et le
magret sans doute le meilleur que j'aie jamais mangé. Rentré juste à
temps pour aller chercher les enfants à l'école. Ils m'ont trouvé d'une
inhabituelle bonne humeur, Madeleine says. 2. Le dimanche 18 mai 2008 à 09:41, par christine : j'étais
en retard au Mauzac, j'essaie d'arriver plus tôt dans les commentaires
! merci beaucoup à toi (et aux autres!) pour ce moment vraiment très
agréable : je ne regrette pas d'avoir choisi le déjeuner "avec des
copines" (Philippe n'était alors pas encore prévu, précisé-je) plutôt
que le dîner (en dépit du convive annoncé (est-ce bien lui l'anonyme?),
tentant mais intimidant) 3. Le dimanche 18 mai 2008 à 09:49, par Laure L : Moment délicieux - mais trop court ! - et quelles profiterolles !... 4. Le dimanche 18 mai 2008 à 09:59, par alain : Mardi ? 5. Le dimanche 18 mai 2008 à 10:17, par Shaggoo : Ah ! Faire partie d'un club... (Soupir...) 6. Le dimanche 18 mai 2008 à 11:39, par cécile : A
la barbe des barbichus en blouse d'à côté, ces amis, ce vin,
l'Opoponax. Parler enfin de l'Opoponax. Et se faire des taches en
regardant passer Delors. 7. Le dimanche 18 mai 2008 à 17:53, par Berlol : Quelle salve ! 8. Le dimanche 18 mai 2008 à 18:41, par Philippe De Jonckheere : As sure as eggs are eggs! 9. Le dimanche 18 mai 2008 à 19:15, par Berlol : Oui, c'était quoi ton fond de teint ? 10. Le dimanche 18 mai 2008 à 23:09, par cécile : but who can be sure eggs are eggs? batsal.blogs.com/photos/o... 11. Le dimanche 18 mai 2008 à 23:15, par Berlol : Au temps pour moi ! 12. Le lundi 19 mai 2008 à 02:09, par Constance : Je confirme. 13. Le lundi 19 mai 2008 à 02:11, par Constance : déparatager et déraper, ou partager et patauger. 14. Le lundi 19 mai 2008 à 03:05, par Philippe De Jonckheere : A propos de Stéphane Batsal dont parle Christine, je vous invite à regarder ceci: www.desordre.net/labyrint... 15. Le lundi 19 mai 2008 à 06:52, par Berlol : Bon,
OK pour l'ordre d'arrivée. Je touche quand même le tiercé dans le
désordre. Et comme a priori j'aurais parié que Philippe, Constance et
Cécile arriveraient les premiers — (délit d')initié que Christine et
Nathalie arriveraient après — les cotes sont très basses et les gains
ridicules... |
Mercredi 14 mai 2008. Parmi
d'autres poussées créatrices. Lever à 5 heures, encore, pour deux heures de travail avec un peu d'accès sur un ou deux réseaux... Premier jour du colloque Claude Simon à la lumière de l'histoire littéraire, de l'histoire culturelle et de la sociologie de la littérature. Je franchis avec inquiétude les 300 mètres qui me séparent de la Sorbonne : comment seront ces simoniens ? Comment m'accueilleront-ils ? Moi qui n'ai rien fait dans ce domaine depuis plus de dix ans... Qui ne suis même plus entré dans ce bâtiment depuis qu'il y a des vigiles aux portes... Y suis à 9 heures, salle Bourjac, et il n'y a presque personne. Au plus fort de la matinée, il y aura une vingtaine de présents. Conclusion d'un collègue : le Nouveau Roman n'attire pas les foules. En fait, il ne les a jamais attirées, ce serait être de mauvaise foi que de le prétendre. Et peut-être est-ce une preuve supplémentaire de sa valeur, qu'il ne soit pas présentable, médiatisable, marketisable. Ni même reproductible. Ni même définissable... Ouverture « pittoresque », dit le vice-président Pierre Civil lui-même car, belle coïncidence, il est de Salses-le-Château. Son père faisait parfois la causette avec Claude Simon, il le voyait de temps en temps à la plage, etc. Exercice méritoire et belle prise de risque de la part de Pascal Mougin qui, sans être bourdieusien, recourt aux outils d'une sociologie qui fait encore mal pour expliciter la généalogie simonienne. Marie-Odile André nous détaille de nombreux éléments du Tricheur, annonciateurs des grands thèmes et des formes des romans à venir. Katerine Gosselin réinsère Claude Simon dans un paysage littéraire néo-romanesque beaucoup plus meuble — et moins nouveau — qu'il n'y paraît aujourd'hui dans les notices révisionnistes (c'est moi qui utilise ce mot). Déjeuner à l'Écritoire à 9, personnes que je connais de nom ou de ce matin, pour la plupart. Mais la glace est vite brisée. Salade périgourdine. Au retour, j'aperçois, collés en face de la Sorbonne, des affichettes qui me disent quelque chose... — Une vague de création littéraire a passé, déjà plus vieille que moi, que nous étions quelques-uns à aimer et que nous honorons ou étudions aujourd'hui ; une nouvelle poussée créatrice est là, partout autour de nous et parmi d'autres poussées créatrices, et nous sommes aussi quelques-uns à l'aimer, sans doute pas les mêmes... Mais moi je suis encore là. Et je ne donnerai pas l'une pour l'autre, ni l'inverse. — À la reprise, c'est Nathalie Piégay-Gros qui retrace la figure de la domestique dans les œuvres de Simon, un flou très parlant au sein du personnel romanesque. Michel Bertrand lui succède pour expliciter d'une façon étonnamment révélatrice — et distrayante — la correspondance entre Claude Simon et Jean Dubuffet. Enfin, cerise sur la journée, Cécile Yapaudjian-Labat nous donne une très belle leçon d'humanisme simonien — où j'entends, par anticipation, l'écho de mon propos (ça me conforte). Et juste comme on finit, alors qu'on n'a rien demandé, — rideau ! — un gros orage s'abat sur la Sorbonne. Nous débriefons sous les arcades, évacuons la nervosité des attentes. J'ai bien entendu quelques propos un peu bizarres sur les absents mais d'où je viens ça ne me regarde ni ne m'atteint... On se donne rendez-vous tout à l'heure, à Mabillon. Dîner du colloque. C'est là que beaucoup de choses se disent. Ça se passe dans les salons du CROUS, au 4 étage du resto U de Mabillon. Un cerbère nous attend à la porte en fer de l'entrée. Je ne savais pas que ça existait. Avec une très bonne cuisine : marinade de poivrons et aubergines au four, suivie d'aiguillettes de canard. Seul le café est dégueulasse, et pourtant j'en prends trois — et quitte la table à dix heures et demie pour pouvoir finir mon exposé... M'écroule de fatigue vers 23h30. |
Jeudi 15 mai 2008.
Cosmétique de la statue. Lever à 4 heures — mon record — pour finir, cette fois définitivement. Suite et fin du colloque Claude Simon à la lumière de l'histoire littéraire, de l'histoire culturelle et de la sociologie de la littérature. Le précipité final a bien eu lieu, en ce qui me concerne, et je livre à l'heure prévue la synthèse de mes idées du jour. Avec beaucoup de chiffres, tableaux, listes de mots... J'étais précédé de Jean-Yves Laurichesse et de Michèle Touret lue par Pascal Mougin (empêchée par les enfants et les grèves). Je dispose des enregistrements mais il ne me revient pas de les diffuser sans l'autorisation des auteurs, demande qui revient de droit aux organisateurs. Donc on verra. En revanche, je me suis signé un accord pour diffuser mon exposé. À peine la séance finie et le vidéo-projecteur rangé, Henri et Michel (Tout Hubert était là, ce matin) m'enlèvent pour aller déjeuner au Rendez-vous du marché, place Monge, sous les appartements de notre prix Nobel... Entre les coquilles saint-jacques aux endives et le tartare de bœuf au couteau, nous reprenons la chronique de nos activités et des projets de l'équipe. Puis, sans mes acolytes, je retourne au colloque, maintenant en salle 336 du campus de Censier. Deux communications fort intéressantes (Hanhart et Dirkx), suivies, à défaut d'une table ronde devenue bancale d'une séance de questions à Alastair Duncan, maître d'œuvre du volume Claude Simon dans la Pléiade — et probablement d'un second, actuellement en préparation. Une belle fin, ouverte sur l'avenir radieux des études simoniennes. À moins que... J'ai sans doute entendu des propos que je n'aurais pas dû entendre. En même temps, cela a été dit par plusieurs personnes à mots couverts mais suffisamment clairs pour qu'il ne soit pas possible qu'on veuille absolument garder le secret. Inconsciemment, certains se demandaient donc comment ça pourrait sortir. Eh bien, ils ont trouvé la bonne poire. Celui qui, mystifié, s'en émeut suffisamment pour ne pas pouvoir la fermer en échange de la bienveillance générale. Il s'agit des documents de Claude Simon. Et si ce que j'ai entendu est vrai, c'est proprement scandaleux. Un universitaire que je ne nomme pas, et qui n'a pas daigné venir au colloque, aurait été chargé par Claude Simon lui-même de détruire un certain nombre de documents (peintures, collages, manuscrits, correspondances ?), contre quoi il aurait un accès privilégié voire exclusif aux archives... Que l'auteur et sa famille souhaitent cette cosmétique de la statue de grantécrivain avant exposition permanente dans la galerie de l'histoire littéraire, c'est compréhensible. Et malheureusement, ce n'est pas nouveau. Mais qu'une personne se prétendant chercheur se prête au tripatouillage, c'est une honte ! — et un délit de... simonie universitaire ! J'aimerais avoir à m'excuser pour ces quelques lignes... On finit à une dizaine au café pour des bâtons rompus jusqu'à 19 heures. Il sera beaucoup question de photo avec Pascal et Cécile. Dîner à l'Épigramme, rue de l'Éperon, avec Marguerite. Presque complet, sans réservation, nous tentons de nous faire passer pour des cousins du président... Le chef, qui aime les blagues, nous donne la table qui reste. Et on ne le regrette pas. Ce qu'on regrette, c'est d'avoir à se séparer et, pour moi, qu'il y ait encore une valise à faire... Commentaires1. Le lundi 19 mai 2008 à 02:22, par christine : tu me fais regretter de n'être pas venue, même gréviste ! est-ce que tu pousserais la poiritude jusqu'à me glisser à l'oreille (façon de parler, pour un mail entre Tokyo et Paris) le nom de l'universitaire que tu ne nommes pas ? 2. Le lundi 19 mai 2008 à 07:09, par Berlol : Mail envoyé... |
Vendredi 16 mai 2008. Concours de
paroles foireuses. Du retour, il n'y a presque rien à dire (tellement ça se passe bien, et même sans mal de tête). Départ de l'hôtel à 8h15. RER de Saint-Michel à CDG 2. Enregistrement de la valise vers 9h30, lente queue à la fouille (ou fouille à la queue) quelques courses au duty-free (chocolats pour omiyage) et embarquement à l'heure, 10h50. Dans l'avion je regarde My Blueberry Nights (Wong Kar-Wai, 2007), elliptique et émouvant, de la retenue dans la déglingue et le sentimental, mais ça ne me fait pas décoller (heureusement que l'avion ne l'a pas vu...). Un peu par curiosité et un peu par dépit, je passe à 27 Dresses (27 Robes, d'Anne Fletcher, 2008), un film de drôle de dame d'honneur... Mais finalement une très bonne surprise — qui n'étonnera pas ceux qui connaissent mon mauvais goût cinématographique (que j'assume). Surtout une scène que j'aimerais me repasser en boucle : la reprise dans un bar de Benny and the Jets. À défaut de télécommande, je regarde le film deux fois (j'ai le temps). Les deux personnages sont légèrement bourrés et font un concours de paroles foireuses (make a feather, the walrus sounds, electric boobs, etc.). C'est le genre de situation où je regrette vraiment de ne pas avoir le niveau en anglais... Voilà un exercice pour un pro, au hasard, Claro, par exemple : comparer les paroles originales à celles inventées par James Marsden et Katherine Heigl. Comme quoi une scénariste peut toujours faire mieux (que Le Diable s'habille en Prada) avec (des acteurs) moins (connus). J'ai pas mal lu le Libération du jour, dans les premières heures du vol. En couverture : Service minimum, Sarkozy passe en force. On dirait que les journalistes le découvrent... Et ça recommence chaque jour. Ça me rappelle l'Alzheimer selon Olivia Rosenthal, cette belle capacité de s'émerveiller chaque jour sans se sentir coupable de rien de ce qu'on a oublié depuis la veille. Et le PIB va mieux, vous vous rendez compte. Ouah ! Merveilleux ! Quelle réussite pour Lagarde ! Hier il était à plat et le voilà qui parade devant nos porte-monnaie vides. Parce que le PIB en hausse, ça se pourrait bien que ça soit grâce à toutes les augmentations qui ont plombé le pouvoir d'achat ?... Mais là, ce n'est pas Libération qui parle, ce n'est que moi. Je dors aussi. On ne sait pas très bien quand mais c'est le lendemain. |
Samedi 17 mai 2008. Le petit
blues d'un déracinement de plus. Atterrissage à Narita vers 7h00 légère brume beau temps annoncé longue attente des bagages je vois mon avance fondre dans le Narita Express qui s'arrête à Narita Chiba et entre les deux avant Tokyo une heure quinze au lieu d'une heure pour préparer le cours sur Gracq avec ce qui reste de batterie dans l'ordinateur et dans mon cerveau arrivé à Tokyo le mieux c'est le taxi pour gagner du temps et ne pas avoir à monter les côtes avec la valise puis T. contente de me voir arriver à 9h50 dix minutes avant le cours pas le temps de me changer ni rien sauf une tasse de thé pour hydrater quelques zones des mininges et envoyez les Syrtes et faut pas démériter mes étudiants qui poussent des oh et des ah quand je leur narre ça et à fond dans la scène torride avec Vanessa quand la calanque pénètre Vezzano ce crétin d'Aldo qui croit être venu pour ça alors que tiens mon petit monte là-dessus et regarde à l'Est une érection autrement bandante pour ton cerveau — « C'est le Tängri ! », lui dit-elle. Déjeuner au Saint-Martin, pour me remettre dans le bain. Et au lit pour une bonne partie de l'après-midi. Après, je ne sais plus, du rangement, du courrier, des coups de fil. Rien d'essentiel. C'est le petit blues d'un déracinement de plus. |
Dimanche 18 mai 2008. J'attaque la
ratatouille de mots. Faire bref, donc, pour essayer de recoller au peloton des jours qui filent... Pour diverses raisons, T. avait besoin d'inviter un de ses professeurs historiques, dernièrement membre de son jury de thèse et cette année à la retraite. L'emplacement, la tranquillité, la qualité de la cuisine et du service, tout indiquait d'aller chez Benoit, à Aoyama. Le premier maître d'hôtel nous a même reconnus et souhaite le bonjour à Marguerite qui nous avait amenés ici il y a presque deux ans. Surprise dans la carte des vins, un Patrimonio ! C'est pour nous. Il nous plaît beaucoup, ainsi qu'à notre pair et collègue. Profitons ensuite d'être dans le quartier pour chercher un restaurant pour le déjeuner de samedi prochain. En faisons plusieurs du côté ouest de l'université Aoyama mais aucun n'a de table de 8 pour 13 heures... Passons à l'Est et en trouvons un, enfin. Entre-temps, sommes tombés sur un petit marchand de légumes à la sauvette, juste devant le Muji, qui avait de belles courgettes et d'impressionnants poivrons — d'où illico l'idée d'une ratatouille. Après la vraie, j'attaque la ratatouille de mots. D'abord mardi dernier, le jour des amis. Et la photo est du 12. « Une photo est venue, s'est soulevée, ou s'est extraite, a surgi. De la masse ou de l'immense et infini feuilletage, une photo, une seule a eu ce pouvoir — celui, un temps, de surgir ainsi, en capturant le sens, en fixant la question : comme si tout le pouvoir et toute l'étrangeté de l'image s'étaient inscrits eu une seule d'entre elles, et celle-là.» (Jean-Christophe Bailly, L'Instant et son ombre, Paris : Seuil, 2008, p. 7) Commentaires1. Le dimanche 18 mai 2008 à 20:04, par Dabichan : O-kaerinasai donc! 2. Le dimanche 18 mai 2008 à 23:26, par Berlol : Merci. Et... à demain ! 3. Le lundi 19 mai 2008 à 03:12, par Philippe De Jonckheere : Tu
n'as pas fini de faire des citations avec ce livre, tant il semble que
chacun de ces paragraphes est doté de l'autonomie nécessaire à cet
exercice. |
Mardi 20 mai
2008. Le rêve de Bismarck. Importantissime ! (Si vrai...) Découvert la semaine dernière : un inédit de Rimbaud de novembre 1870 intitulé Le Rêve de Bismarck, dans Le Progrès des Ardennes, commenté par Jean-Jacques Lefrère et Marc-Édouard Nabe dans Ce soir ou Jamais de lundi 19 ! Quelle chance pour Patrick Taliercio ! (encore un Patrick...) Le rêve de Bismarck (Fantaisie) « C’est le soir. Sous sa tente, pleine de silence et de rêve, Bismarck, un doigt sur la carte de France, médite ; de son immense pipe s’échappe un filet bleu. Bismarck médite. Son petit index crochu chemine, sur le vélin, du Rhin à la Moselle, de la Moselle à la Seine ; de l’ongle, il a rayé imperceptiblement le papier autour de Strasbourg : il passe outre. A Sarrebruck, à Wissembourg, à Woerth, à Sedan, il tressaille, le petit doigt crochu : il caresse Nancy, égratigne Bitche et Phalsbourg, raie Metz, trace sur les frontières de petites lignes brisées, — et s’arrête… Triomphant, Bismarck a couvert de son index l’Alsace et la Lorraine ! — Oh ! sous son crâne jaune, quels délires d’avare ! Quels délicieux nuages de fumée répand sa pipe bienheureuse !… Bismarck médite. Tiens ! un gros point noir semble arrêter l’index frétillant. C’est Paris. Donc, le petit ongle mauvais, de rayer, de rayer le papier, de ci, de là, avec rage, — enfin, de s’arrêter… Le doigt reste là, moitié plié, immobile. Paris ! Paris ! — Puis, le bonhomme a tant rêvé l’œil ouvert, que, doucement, la somnolence s’empare de lui : son front se penche vers le papier ; machinalement, le fourneau de sa pipe, échappée à ses lèvres, s’abat sur le vilain point noir… Hi ! povero ! en abandonnant sa pauvre tête, son nez, le nez de M. Otto de Bismarck, s’est plongé dans le fourneau ardent… Hi ! povero ! va povero ! dans le fourneau incandescent de la pipe…, Hi ! povero ! Son index était sur Paris !… Fini, le rêve glorieux ! Il était si fin, si spirituel, si heureux, ce nez de vieux premier diplomate ! — Cachez, cachez ce nez !… Eh bien ! mon cher, quand, pour partager la choucroute royale, vous rentrerez au palais (lignes manquantes) Voilà ! fallait pas rêvasser ! Jean Baudry » *
*
* Réveillé vers six heures par les trombes et les coups de vents — un typhon passe. Et pour T. un jour de mélancolie, avec quelques rites à observer pour les trois ans passés depuis la mort de son père. Je suis avec elle, recueilli et indifférent au déchaînement extérieur — météorique ou médiatique. Trois heures plus tard, le typhon n'est d'ailleurs plus qu'un vague souvenir. C'est souvent comme ça au Japon, puisque les typhons qui nous arrivent se sont déjà pas mal essoufflés du côté de l'Indonésie ou de la péninsule indochinoise. C'est juste qu'on est sur leur chemin pour finir, avec parfois des dégâts. Le shinkansen se sèche sous le Fuji et j'arrive intact devant mes ouailles, apparemment contentes de me revoir. Ce serait donc ici ma place... Au cours de conversation, une étudiante très motivée présente le métier de directeur d'agence de voyage. Pour elle, ce n'est pas seulement un exercice de classe, c'est vraiment ce qu'elle veut faire et souhaite savoir si elle a des chances de trouver du travail en France. Je lui dis que sur le principe oui, puisqu'il y a toujours beaucoup de touristes japonais en France, donc un besoin d'encadrement ou de propositions spécifiques, linguistiquement et culturellement ciblées. Mais concrètement, comment elle doit s'y prendre, là, je n'en sais rien. Je vais me renseigner. De toute façon, elle commencera en avril à travailler dans une agence de voyage au Japon, ce qui nous laisse le temps d'y réfléchir. Quand on a des étudiants motivés, avec déjà un objectif précis, ce qui n'est pas le cas de la majorité, nous devons faire tout notre possible pour les aider. Sinon, à quoi ça servirait d'apprendre le français... Commentaires1. Le mardi 20 mai 2008 à 20:57, par F : aller accoler Nabe à ce texte, ça fait vraiment dissuasif 2. Le mardi 20 mai 2008 à 21:22, par Berlol : Je vois ça ! 3. Le mercredi 21 mai 2008 à 02:56, par vinteix : Magnifique en effet... "si vrai", comme tu dis, parce que tout le monde n'a pas l'air de cet avis... 4. Le mercredi 21 mai 2008 à 20:21, par Berlol : Je pense que tout le monde est averti mais qu'on ne veut pas se mouiller dans un sens ou dans l'autre. On attend que des spécialistes (lesquels ?), une commission scientifique (?) se prononce(nt) sur l'authenticité du document. Nabe & Lefrère (une nouvelle marque d'ascenseurs ?) ont eu le courage d'aller au front les premiers... 5. Le mercredi 21 mai 2008 à 20:43, par vinteix : Tu as raison, malgré le côté "grand-guignol" du duo... 6. Le mercredi 21 mai 2008 à 20:51, par vinteix : C'est vrai aussi que ce mystérieux Raphaël Zacharie de Izarra, qui apparaît un peu partout sur la toile au sujet de ce texte, a un peu l'air d'un "loustic"... bizarre, bizarre... Intrigue à suivre... 7. Le mercredi 21 mai 2008 à 21:17, par Berlol : En même temps, je t'avouerai que tout ça ne m'a pas empêché de dormir... S'il y a un événement littéraire du XXIe siècle, il est plus à chercher du côté de Volodine, par exemple, que du côté de Rimbaud ! Ne ressuscitons pas les morts et n'enterrons pas les vivants... 8. Le mercredi 21 mai 2008 à 23:14, par vinteix : Moi
non plus... l'événement est tout à la fois "importantissime", comme tu
disais, et anecdotique... C'est bien pourquoi je trouvais Nabe un peu
"grand-guignolesque"... 9. Le jeudi 22 mai 2008 à 05:32, par F : toujours
un petit malaise à ces grands débats qui prennent soudain toute la
place : quand bien même ce texte serait de Rimbaud, il ne changerait
rien au coeur de l'oeuvre, et la difficulté qu'on a d'amener à ses
enjeux - et encore plus, comme tu le signales, et en accord avec
Vinteix, la bonne conscience de toute une société vis-à-vis de la place
réservée à la poésie - voir la quasi absence de réaction à liquidation
Jean-Michel Place, ou la réception de "Peau" d'Emaz etc 10. Le vendredi 23 mai 2008 à 02:06, par Laurent Morancé : N'empêche... 11. Le vendredi 23 mai 2008 à 03:54, par Berlol : Je profite de votre passage, Laurent. Je voulais vous dire que je ne lis votre blog que dans l'agrégateur, en plus sans les alinéas, c'est pas très beau mais quand j'y suis allé (plusieurs fois, quand même), je me suis pris plein de pubs et de pop-up dans l'écran, une horreur. Voyez si vous ne pouvez pas faire un peu de ménage dans toute cette quincaillerie, parce que c'est bien dommage... 12. Le vendredi 23 mai 2008 à 08:10, par jacques Bodevin : 13. Le mercredi 28 mai 2008 à 14:33, par Jorge J. Flores Durán : Arthur Rimbaud 14. Le mercredi 4 juin 2008 à 14:48, par julien : Sur le sujet je vous signale une contribution de Albin, journalier albertbin.blogspot.com/ dans son billet n° 219. 15. Le mercredi 4 juin 2008 à 15:12, par Berlol : Oui, merci. L'inédit d'Albin serait plutôt de La Fontaine que de Rimbaud, non ?... 16. Le jeudi 5 juin 2008 à 00:31, par julien : Désolé pour le doublon involontaire. Je comprends et approuve l'effaçage.Mon adresse est donnée dans le formulaire. Cordialement. 17. Le samedi 7 juin 2008 à 01:31, par Contagion : Est-il permis d'utiliser Tel Quel pour pallier à une pénurie de papier hygiénique, sachant que les exemplaires en ont peut-être été touchés par Sollers lui-même ? Voilà la question. 18. Le samedi 7 juin 2008 à 01:57, par Berlol : "pour pallier une pénurie" serait plus correct. Même Sollers sait ça !... Ceci dit, je plains votre muqueuse intime : c'est acide, comme papier. |
Mercredi 21
mai 2008. Culbuter dans le réalisme pleurnichard. Cours de phonétique & lecture, reprise des exercices sur les combinaisons phonétiques du « e ». J'y ajoute des pistes de réfléxion sur quelques préfixes (re–, en–) et suffixes (–ment, –able, –ible). Cela continue après le déjeuner lors du cours supplémentaire (en remplacement de celui manqué la semaine dernière quand je me pavanais dans la Sorbonne — déjà une semaine !). Je propose, en passant par le dictionnaire, de discuter des sens de quelques mots de même radical (passage, passation, passement, et dérivés comme dépassement ou repassage, puis habillage, habillement, habitation, habitude, etc.). Et ça plaît beaucoup. Pourtant, je ne peux pas faire ça à tous les coups. On en reparlera ce soir au dîner, à Motoyama, avec Benoît, Chikako et David (et sa fille, tellement sage, penchée sur ses coloriages), entre mebaru et karaage, parce que ces deuxième-année sont vraiment exceptionnels. Notre premier mercredîner depuis ma libération — mes libérations, devrais-je dire : de l'opération et de la convalescence, de la préparation du colloque et du colloque, du retour et presque du dossier administratif. Et Sophie et Andreas se sont fait porter pâles — n'importe quoi ! Et faire du vélo dans les avenues où il commence à faire tiède. Mais avant cela, il y aura eu la réunion de faculté, les copies à corriger, la fin de rédaction du JLR de mercredi dernier, justement, et le commencement de Chut de Raymond Federman, que Laure m'a donné. « Et c'est vrai oui c'est vrai que je suis au bord de l'imposture du réalisme dans ce récit, et que je pourrais facilement basculer dedans. Mais quand on raconte son enfance, on est toujours au bord du précipice de la sentimentalité qui vous fait culbuter dans le réalisme pleurnichard. C'est le risque à prendre en racontant ce qui s'est passé. Ici, à Montrouge, pendant mon enfance. Bon, je continue quand même. Debout dans le noir, mes vêtements dans mes bras serrés contre ma poitrine, tout tremblant, non pas de froid mais de peur, j'écoutais dans l'escalier le bruit des gros souliers des policiers qui montaient chez nous. Au troisième. Ma mère n'avait pas fermé la porte de l'appartement après m'avoir poussé dans le cabinet de débarras, sur le palier. C'est pour ça que j'ai pu entendre ce que les policiers ont dit quand ils sont entrés. Ils ont dit le nom des personnes qu'ils venaient arrêter : Simon Federman. Marguerite Federman. Sarah Federman. Raymond Federman. Jacqueline Federman. Quand ils ont dit Raymond, j'ai entendu ma mère dire rapidement : Il est pas là. Il est à la campagne. Les policiers n'ont rien dit.» (Raymond Federman, Chut, Paris : Léo Scheer, 2008, coll. Laureli, p. 14-15) Et plus tard, oui plus tard encore, pardon Raymond, mais il faut faire une place aussi à Lutz. Je suis sûr que ça lui fera plaisir d'être ici à côté de toi... Car de Lutz Bassmann, il est longuement question dans les Mardis littéraires d'hier. J'en reparlerai, croyez-moi... |
Jeudi 22 mai 2008. Quand les
bourrasques rabattaient. Deux paquets de thé achetés en vrac à Orléans, des mélanges maison, finis cette semaine. Deux mois après. Il reste encore un peu de strong breakfast de là-bas... * *
* des arbres gagner
l'ombre s'il y en
a
vers le centre ployer tangente s'il faut il n'urgea jamais tant de partir que quand les bourrasques rabattaient * * * Federman en parle, s'en amuse. Moi aussi : depuis le début du JLR, il y a quatre ans et demi, je mets des bouts de poèmes dedans, de temps en temps. Même si ça ne plaît pas, d'ailleurs je m'en fous. C'est parce que quelque chose veut se dire autrement que dans ma forme narrée habituelle, déjà à la fois bien fragmentée et réticulée. Mais sans méthode ni périodicité. J'allais dire sans rime ni raison, mais c'est un cliché idiot. Et trompeur. Parce qu'il y a de la rime, même si ce n'est pas toujours à la fin. Et de la raison aussi, oui, je veux, qu'il y en a ! Une des choses qui m'amuseraient le plus, ce serait de publier ça en livre, je veux dire, les poèmes du JLR. Pour finir d'évacuer le cafard du retour, rien de tel que de se consacrer aux progrès réels des étudiants. Ou de rendre la pareille. C'est-à-dire d'accueillir quelqu'un qui vient de loin faire une conférence chez soi, comme cela a été préparé depuis deux mois ici. Après mes deux cours de 1ère année, je me rends donc, comme beaucoup de collègues et d'étudiants, y compris ceux de mon séminaire (que la conférence remplace), dans la grande salle où Samira Belyazid, de l'université de Moncton, va prononcer son intervention intitulée : la diversité culturelle et la présence des Musulmans au Canada (précise, factuelle, circonstanciée, juste ce qu'il faut aux étudiants pour se figurer une situation sociale et humaine dans un pays qui leur est encore totalement inconnu, avec traduction alternée de notre chef de département). Beaucoup d'étudiants prennent des notes, peu piquent du nez, malgré la chaleur, alors que moi oui, restes du décallage horaire, je suis même obligé de sortir trois minutes prendre un café glacé. Pendant les périodes de traduction, je continue la lecture de Jean-Christophe Bailly. Mais comme j'ai un peu lu Georges Didi-Huberman, ce que dit Bailly sur la photo en général et sur la meule de foin de Talbot en particulier m'impressionne peu, sauf du point de vue historique. En fait, j'attendais plutôt des développements esthétiques, ontologiques ou politiques sur l'échelle et la silhouette flashés à Hiroshima... Ça viendra peut-être après. Ne vendons pas la peau. Un dîner est prévu pour honorer notre invitée. Commençons à sept à Kisoji, cuisine japonaise fusion, comme on dit, chic et moderne, habillée d'un service très traditionnel. David nous quitte pour dîner en famille. Beaucoup question de Québec et Canada, invitations lancées. On ne sait jamais, peut-être l'année prochaine... Commentaires1. Le samedi 24 mai 2008 à 00:45, par caroline : À propos de Raymond Federman, je vais faire la pub pour les éditions Cadex et le "À la queue leu leu The Line" long récit pas très large qui vient de sortir. Magnifique 2. Le samedi 24 mai 2008 à 00:55, par Philippe De Jonckheere : Comme
je suis déçu que tu sois déçu par le Bailly!, mais alors sans doute
devrais-je lire, ce que je n'ai pas encore fait, ce que Didi-Huberman a
écrit sur la photographie et sans doute alors serais-je ébloui, aveuglé
même, puisque j'avais été ébloui par le Bailly. Bref ce qui est sous
exposé pour l'un (toi) est en fait surexposé pour l'autre (moi). 3. Le samedi 24 mai 2008 à 18:41, par Berlol : Ne t'inquiète pas, ça va sûrement changer à nouveau. En plus, j'étais mal concentré, jeudi. Ceci dit, Images malgré tout de Didi-Huberman, ça devrait te passionner. |
Vendredi 23 mai 2008.
Alternativement, je dors ou je continue. Je vais essayer de raconter vendredi après en avoir fini avec samedi... D'abord, j'ai rendez-vous au bureau à 10h30 avec notre agent immobilier. Je dis notre parce qu'on le connaît depuis 2000, d'abord en pas très bons termes puisqu'il était l'agent de la propriétaire du premier appartement loué à Nagoya, une conne de bourge dont il a su se détacher à temps, puis en gars sympa qui se déplace pour me faire signer tous les deux ans un contrat d'assurance incendie, enfin en intermédiaire, visité en décembre avec David, en vue d'une acquisition prochaine. Renouvellement de l'assurance, donc, ce matin, mais il apporte aussi des annonces de maisons à vendre selon les critères de prix et de lieux que je lui avais indiqués, ainsi, Ô surprise !, qu'une invitation pour un chanko nabe dans un temple lors du prochain tournoi de sumo à Nagoya ! Là, mon chef et moi, on en reste sur le derrière ! On ira, bien sûr. Je retourne enfin — j'en ai enfin le temps — au centre de sport. J'ai compté que je n'y suis pas venu depuis trois mois et demi ! (Et pendant tout ce temps, j'ai payé l'abonnement mensuel, évidemment...) Federman m'accompagne en vélo jusqu'à la transpiration, avant quelques machines, mais sans trop forcer. Passage au supermarché (toujours pas de beurre) pour déjeuner rapide à la maison et retour à la fac où un attaché universitaire de l'ambassade de France vient nous rendre visite pour promouvoir les Bourses du gouvernement — alors que nous n'avons plus de doctorants. On peut toutefois faire circuler l'information vers les facultés où des candidats scientifiques pourraient y prétendre sans nécessité de maîtriser le français. Dans le train, alternativement, je dors ou je continue Federman. Le soir, en dînant avec T., A Mighty Heart (Un Cœur invaincu, Winterbottom, 2007 ; film assez moyen sur l'enlèvement et l'assassinat de Daniel Pearl. Me laisse l'impression, sans que ce soit un jugement sur le film et toute compassion mise à part pour les personnes réelles, que les Américains — les États-Uniens, devrait-on dire puisque les Brésiliens ou les Péruviens semblent peu concernés — donc, l'impression que les États-Uniens ne comprennent pas que 1. leur modèle n'est pas exportable et 2. l'hypocrisie de leurs intentions est visible même des populations qu'ils jugent moins intelligentes qu'eux, ce qui entraîne systématiquement que 1. leurs tentatives échouent et 2. le nombre de leurs ennemis augmente au lieu de diminuer. « Pour retrouver cette enfance, il était nécessaire de revisiter le cabinet de débarras et raconter, une fois pour toutes, ce qui s'est passé ce jour de juillet 1942. Comment, pendant les longues heures dans le noir, le petit garçon que j'étais, après avoir tâtonné les murs et fouillé à l'aveuglette tous les recoins du débarras, trouva derrière un tas de vieux journaux une boîte de sucre. Sans doute achetée au marché noir. Assis sur le tas de journaux, pendant des heures, il suça des morceaux de sucre pour calmer sa faim et sa peur. Mais sa peur lui donna envie de faire caca. Alors il ouvrit un journal, l'étala par terre, et dans le noir, accroupi comme un sphinx, se tenant la quéquette avec deux doigts pour ne pas se mouiller, il chia dans le journal, puis il en fit un paquet, un paquet honteux dont il sentit la chaleur et l'humidité sur ses mains. Il le plaça près de la porte, et le lendemain matin, quand il osa sortir du débarras, il prit son paquet de merde, grimpa la petit échelle qui menait à la verrière, l'ouvrit, et déposa sa peur sur le toit. Après la guerre, quand je suis revenu chez nous à Montrouge pour la première fois, je suis monté tout de suite voir si mon paquet de merde était encore sur le toit. Il n'y avait plus rien. Est-ce que le vent avait fait envoler ma merde ? Est-ce que la pluie avait désintégré ma peur ? Est-ce que les oiseaux avaient picoré mon sale paquet ? On ne le saura jamais. Mais ce jour-là, j'ai éclaté de rire en me posant ces questions.» (Raymond Federman, Chut, p. 27-28) |
Samedi 24 mai 2008. Sans danger
bactériologique quatre fois moins cher. Cours Gracq (notes de 6 à 8, en piste de 10 à 11h30). Belsenza invite Aldo, qui fréquente maintenant assidument Vanessa et Maremma, à venir assister à l'office de Noël en l'église syncrétique de Saint-Damase (Vanessa est partie quelques jours en lui disant qu'il saurait maintenant quoi faire...). On assiste à la superposition diégétique et textuelle de la mise au monde de la conscience d'Aldo par Vanessa, qui passe de « grosse » (162) à « accouchée » (168), et de la réactualisation de la naissance du Christ et du christianisme sous la forme de l'aventure de vivre en vivant l'aventure, enfin, de la guerre désirée. Gracq fusionne ça très bien dans le sermon (176-179). Aldo est paré pour l'au-delà ! Vite à l'université d'Aoyama Gakuin rejoindre mes coreligionnaires de la Société japonaise d'études hugoliennes quand Didier Chiche finit son exposé Politique, rhétorique et histoire chez Victor Hugo — quelques réflexions sur un discours de circonstances dont on n'aura pas d'enregistrement puisque personne n'enregistre (sera peut-être publié). Éric est déjà là. T. nous rejoint, transfuge des dixseptiémistes, pour que la petite troupe se dirige vers le restaurant réservé dimanche dernier, Les Cristallines. Menu de déjeuner à moins de 2000 yens, plutôt bon, bonne ambiance, conversation agréable, assez rapide pour les collègues qui ont des obligations au congrès l'après-midi de la Société Japonaise de Langue et Littérature françaises. T. et moi retournons sur les lieux avec les autres, rencontrons amis et contacts dans les avenues de la fac, une petite heure durant, mais n'entrons pas au congrès proprement dit. En ce qui me concerne, je le considère comme inutile, du point de vue de la recherche universitaire. Et plutôt d'essence mafieuse, si on y regarde franchement. Peut-être ai-je moi aussi fait preuve d'hypocrisie par le passé en croyant y croire alors que je ne faisais que m'en servir, à petite échelle mais comme les autres. Maintenant, je refuse de payer l'adhésion annuelle pour un mérite que je ne vois pas. Sans parler du tarif exorbitant de la réception où la nourriture est quelconque et insuffisante. Debout pendant près de deux heures, les congressistes s'y gavent de bière et de sushis déjà à l'étal depuis le début de l'après-midi... Ce qui coûterait sans danger bactériologique quatre fois moins cher dans un restaurant où il serait possible d'être assis et servi. Après un café avec un ami balzacien, rentrons à la maison en taxi à travers une ville en larmes — les 70% de chances de pluie ayant eu raison des 30% de chances de beau temps... J'emploie beaucoup mieux mon temps à faire la sieste avant d'écouter attentivement les Mardis littéraires dont voici quelques extraits de qualité. « Ce qui m'a intéressé dans ce cycle de nouvelles tout particulièrement, ce sont des termes comme organisation, agent, contact, procédure. Et en suivant un petit peu la trame des intrigues parfois redoublées que nous présente donc cet écrivain fictif, Lutz Bassmann, on ne peut pas s'empêcher de penser qu'il y a à travers ces textes une sorte de mise en perspective historique qui s'effectuerait par rapport à une tradition beaucoup plus longue. Moi, je donnerais, quitte à quitter pour un moment la question de l'hétéronymie, je donnerais comme point de repère cet ensemble, ce cycle de récits qui a été construit par Charles Plisnier en 1937, qui s'appelle Faux Passeports et qui est une histoire d'agent du Komintern, et je verrais un petit peu plus loin, autour des années 79 comme second point de repère le livre de Danilo Kis, Un Tombeau pour Boris Davidovitch. Sept, comme ici, sept chapitres d'une même histoire, où l'on voit comment la perspective militante et déjà malheureuse de Plisnier se retourne au contact de la réalité de ce qu'a été la vie des militants et la condition des militants dans l'URSS historique. Et alors ici [chez Lutz Bassmann] on aurait des histoires qui seraient apparentées puisque, pour une part, ces personnages qui sont situés à la fin de l'histoire, dans des décors frappés de délabrement, de décomposition et de solitude, tiennent encore par un certain nombre de liens à une idéologie internationaliste et à des pratiques à la fois politiques et policières qui très souvent se retournent contre eux.» (Jean-Pierre Morel aux Mardis littéraires du 20) « Il y a effectivement une espèce de remontée du contenu dont parlait Jean-Pierre vers le paratexte, du texte vers tout ce qui est censé accompagner le texte et d'investissement de tout ce qui est censé accompagner le texte parce que ce qui est censé accompagner le texte aurait davantage de quotient de réalité, en somme. Et donc il y aurait là une prise de réel plus forte. Mais ce à quoi je suis le plus sensible en réalité, aussi bien donc dans cette pratique qui est aussi la mienne que dans celle de tous les autres écrivains qui l'ont employée depuis, on peut en citer trente-six, mais celui dont je me sens le plus proche c'est le Larbaud de Barnabooth. Mais on peut essayer de penser ce que cette pratique soit révèle du contenu soit dissimule du contenu. Et quand je pense à dissimule je devrais dire même plutôt fait diversion. C'est-à-dire qu'en ce qui me concerne en tout cas, cette pratique c'est une manière de détourner l'attention de quelque chose qui se passe ailleurs, et, ce que pointe justement alors Jean-Pierre, de quelque chose qui est beaucoup plus d'ordre thématique, disons, que d'ordre formel, tout se passant comme si la forme était là pour détourner l'attention d'un contenu.» (Jean-Bernard Puech, ibid.) « Je ne sais pas si Antoine Volodine — dont vous avez précisé au début que c'est aussi un pseudonyme, donc toutes ces choses sont un peu compliquées — nous écoute : il doit être ravi qu'on prenne au sérieux tout ça parce que je pense que c'est aussi un joueur, c'est aussi un jeu. On doit préciser d'ailleurs qu'Avec les Moines-soldats, la dernière entrevoûte, la septième, est aussi le texte d'un autre écrivain qui est présenté dans un texte précédent. Enfin, tout ça est très compliqué, et aussi très drôle... S'il n'y avait pas le nom de l'auteur, les Moines-soldats, c'est pas comme dans votre quatuor, on entend la voix de Volodine dès la première phrase. Il ne cherche pas à donner le change par un style ou un univers différent des autres noms qu'il a utilisés. Oui, parce que c'est un écrivain, il fait ce qu'il veut, et on reconnaitra sa voix quoi qu'il écrive. On la reconnaît aussi dans les haïkus. Non, je crois que c'est juste un écrivain, un véritable, qui a créé un monde, qui ne l'a pas créé de toutes pièces puisqu'il nous en fait supporter la responsabilité puisque c'est le monde, il disait dans les Songes de Mevlido, c'est à la fin de l'avenir, c'est quand l'avenir sera fini, où il se situe, eh bien il doit s'y sentir tellement seul qu'il invente d'autres noms. Mais je pense qu'il ne faut pas perdre de l'idée qu'Antoine — appelons-le Antoine, je ne sais même pas si c'est son vrai prénom — s'amuse.» [...] « Quand on demande à Volodine ce qu'est le post-exotisme et qu'il n'a droit qu'à une phrase, il dit que c'est une littérature étrangère écrite directement en français. Donc on peut considérer que ces haïkus, dans la langue d'origine d'où il les a traduits, respectaient la métrique [japonaise], et ce n'est que la traduction qui ne la respecte pas...» (Jean-Baptiste Harang, ibid.) « Il y a un détournement du genre du haïku qui, pour le coup est un genre bien attesté dans la littérature, pour faire jouer au haïku un autre rôle que celui qu'il joue habituellement et en particulier pour produire un récit à toute vitesse, très court, très rapide, très incisif, en trois parties, un récit implacable qui mène les prisonniers à un camp et tout ça avec un humour... Détournement aussi de la nature poétique du haïku puisqu'en fait c'est une poésie du... barbelé... — Bien sûr, c'est une poésie de la légèreté, des pétales de cerisiers en fleurs... — alors il utilise la concision du haïku pour produire des images poétiques saisissantes, sauf que ce sont des images soit d'assassinat... parfois ce sont des images de reflets de la lune sur les murs de la prison. Puis par ailleurs, il y a un effet de composition un peu sérielle, musicale, c'est-à-dire que certains personnages, certaines situations, certains motifs reviennent comme ça dans le récit. Donc il y a une dimension non seulement narrative percutante mais en même temps poétique... » (David Ruffel, brièvement interrompu par Pascale Casanova...) Commentaires1. Le dimanche 25 mai 2008 à 00:26, par brigetoun : merci du soin mis à transcrire, |
Dimanche 25 mai 2008. Et
même pas de beaux combats. Journée tranquille (on ne va pas au congrès). Du courrier, de la lecture, des blogs et des films. En déjeunant avec ma salade tomates concombres mozarelle + spaghettis sauce tomate à ma façon, nous regardons La Sirène du Mississipi (Truffaut, 1969), d'abord pour voir si l'on s'en souvient, la réponse est négative — sauf que T. se souvient d'un remake avec Antonio Banderas... — ensuite pour savoir comment ça finit. Oublié d'écrire qu'hier soir on avait regardé un film prêté par un collègue cinéphile à qui j'avais demandé des titres de films sur des problèmes d'identité : Dédales (René Manzor, 2003) que nous avons trouvé tout à fait excellent et dont nous avons parlé jusque tard dans la nuit... Les deux films seront pour le séminaire. Radio. Enregistrement du Surpris par la nuit du 9 mai consacré à Remy de Gourmont, très intéressant. Et de l'excellente prestation de Claro pour Madman Bovary dans Du Jour au lendemain de vendredi soir. Pour marcher, allons dans la tiédeur humide — près de 80 % d'eau dans l'air — jusqu'au Seijo Ishii de Korakuen faire quelques courses. Miracle ! il y a du beurre ! Et pas à un prix exorbitant. Mais un message précise poliment mais en rouge qu'on n'a droit qu'à une plaquette par passage en caisse... Comme on n'en consomme pas beaucoup, ça ne nous gêne pas. La copie d'Y aura-t-il de la neige à Noël ? (Veysset, 1996) sur TV5 Monde est très jaune (film à 19 heures parce qu'il n'y a pas de football). On dirait un film des années 70... Mais je n'arrive pas à me concentrer dessus, tout juste à ressentir que l'attitude du mari salaud déborde le tableau de vie rurale et la critique sociale que semble proposer courageusement le film. À revoir un jour où je pourrai y accorder le temps nécessaire. Constantine à la télé japonaise. Un film fatigant, surchargé de symboles chrétiens mal digérés (contrairement à la mythologie grecque revitalisée dans Dédales) — et même pas de beaux combats. « Quand je suis rentré à Montrouge à la Libération, après les trois ans à la ferme, et que je suis monté chez nous, au troisième, j'ai découvert que tout avait disparu. Tout avait été pillé. Sans doute par les locataires de la maison et les gens du quartier. Eux, ils disaient que c'était les Allemands qui étaient venus tout prendre. Mais je crois que ce n'est pas vrai. Le plus curieux, c'est que dans l'appartement de Léon et Marie tout était comme avant. Je veux dire avant qu'ils foutent le camp. Léon et Marie et mon cousin Salomon étaient partis en zone libre quelques jours avant la Grande Rafle. Tout le monde savait qu'il allait y avoir une rafle et que tous les juifs allaient être arrêtés. J'ai appris plus tard que c'était Marius qui était venu prévenir Léon qu'il devait y avoir une rafle. Marius avait un beau-frère qui était agent de police et c'est lui qui a dit à Marius qu'on allait ramasser tous les juifs du quartier. Les juifs riches qui pouvaient se le permettre avaient foutu le camp en zone libre en payant des passeurs. C'est là que les frères et les sœurs de ma mère se sont tous retrouvés. Ils avaient les moyens. Et c'est pour ça qu'ils ont tous survécu. On a pas assez dit que ce sont surtout les juifs pauvres qui ont été arrêtés pendant la Grande Rafle. Oui, les pauvres. Ceux qui ne pouvaient même pas se permettre des billets de train. Ceux qui ont été abandonnés par leur famille, comme l'ont été mes parents. Quelques jours avant la Grande Rafle, ma tante Marie est montée chez nous. Mon père n'était pas là. Et elle a dit à ma mère : Prends les gosses et viens avec nous, et laisse-le, lui. Lui, c'était mon père que toute la famille de ma mère détestait. J'étais là, et mes sœurs aussi, quand ma tante Marie a dit cela à ma mère. Et j'ai vu comment ma mère a craché au visage de sa sœur avant d'éclater en sanglots. Oui, j'ai été témoin de cette scène. Elle est restée gravée en moi.» (Raymond Federman, Chut, p. 60-61) Commentaires1. Le lundi 26 mai 2008 à 02:08, par Philippe De Jonckheere : Tu
ne vas quand même pas me dire que tu n'avais aucun souvenir de
Catherine Deneuve se changeant debout dans une voiture décapotable.
Pour ma part cette scène est restée gravée en moi. 2. Le lundi 26 mai 2008 à 05:01, par Berlol : En revoyant certaines scènes, je me rappelais qu'elles venaient de là, comme celle que tu évoques — et surtout, après, la voiture qui finit dans l'arbre, qui recule et repart sans demander son reste, le tout en images légèrement accélérées pour faire burlesque. |
Lundi 26 mai 2008. Belle
récompense pour la branche. Marrant : j'ai passé pas mal de temps dans la soirée d'hier à lire diverses pages sur Entre les murs, le film de Laurent Cantet dont j'avais beaucoup apprécié Ressources humaines sans savoir qu'il avait monté le livre de François Bégaudeau dont j'avais beaucoup parlé il y a deux ans. Et voilà que j'apprends qu'il obtient la palme !... Une belle récompense pour la branche de l'enseignement. Merci à Éric qui m'a indiqué que le lien vers mon intervention sur Claude Simon au colloque du 15 ne menait nulle part. Une petite erreur d'adresse dans les diverses manipulations que j'ai eues à effectuer avec le billet du fait de l'absence de réseau là-bas... |
Mardi 27 mai
2008. De l'herbe passée à travers une vache. Lecture dans le train, ce matin, avec une concentration toute neuve. J'ai jeté la vieille, elle n'arrêtait pas de m'endormir. Ça m'a quand même coûté un paquet de neurones. Il y a parfois chez Bailly un côté sur-explicitant qui frise le comique. Il est capable de vous faire découvrir — je prends au hasard — que le lait, c'est de l'herbe passée à travers une vache. Mais il y a aussi de très beaux et très intéressants passages. L'un n'empêche pas l'autre. L'un nourrit l'autre. « Dans une lettre à Herschel, Talbot parle de cette action dans des termes qui font penser à la Naturphilosophie de Schelling et avant tout à la notion de puissance potentielle qui la sous-tend : « Par temps lumineux, c'est comme si la nature détenait un pouvoir de création infini, dont on ne peut employer qu'une partie infinitésimale. Il est vraiment fantastique de penser que la totalité des flux solaires de lumière puissent posséder des propriétés si complexes qui, pour la plus grande partie, demeurent latentes et que la plupart des rayons disparaissent dans l'espace sans avoir rencontré d'objet.» [Lettre à Herschel (1840), citée par Larry J. Schaff, The Photographic Art of William Henry Fox Talbot, Princeton University Press, Princeton (N. J.), 2000, p. 72] Par rapport à cette perte infinie, on peut dire que la photographie devient comme l'art de créer des interpositions, de donner des obstacles à la lumière pour qu'elle puisse écrire ou signer son action, la rendre visible. C'est l'univers physique tout entier qui est perçu comme un stock inépuisable et affolant d'images latentes.» (Jean-Christophe Bailly, L'Instant et son Ombre, p. 45-46) Au cours de conversation, une étudiante présente le métier de fleuriste. Elle se débrouille bien à l'ordinateur et avec le site Métiers.info. Après, on ouvre la discussion. Est-ce que le métier de fleuriste est le même au Japon qu'en France ? Il semble bien... que... oui..., ont-elles l'air de dire en dodelinant du chef. Pourtant, dès que le mot ikebana est lancé, mais bon sang mais c'est bien sûr, c'est tout à fait différent ! Sans parler de toutes ces fleurs comestibles dans les sashimis qu'il a bien fallu que quelqu'un trie et nettoie. Dîner prévu de longue date avec un couple d'amis et collègues franco-canadien. Ils ont choisi un restaurant tout à fait étrange (et bon, je le dis tout de suite), caché dans une petite ruelle entre l'Alliance française et l'université de Nagoya, sans enseigne autre qu'une sorte de panneau de parking portant deux kanjis (梨里, Ri-ri) et dont l'entrée est entièrement masquée par un buisson de jasmin de trois mètres de haut sur quatre de large. Il paraît qu'il y a un menu de déjeuner à 1300 yens ; je dis ça pour ceux qui sont à côté. Commentaires1. Le mercredi 28 mai 2008 à 00:33, par DM : « FLEURS - Des fleurs de prunier, claires ou nuancées, c'est la fleur rose que je préfère. 2. Le mercredi 28 mai 2008 à 02:37, par Berlol : Merci de cette belle reprise du thème floral ! 3. Le mercredi 28 mai 2008 à 10:35, par Philippe De Jonckheere : Il paraît qu'il y a un menu de déjeuner
à 1300 yens ; je dis ça pour ceux qui sont à
côté. |
Mercredi 28
mai 2008. Traversa ma jeunesse et la creva. Pourquoi laisse-t-on faire ? Y a-t-il une limite au fanatisme déliquescent ?Amené par hasard à réécouter cette pure merveille de Lay Lady Lay, météorite sonore qui traversa ma jeunesse et la creva de part en part, j'ai ensuite, par curiosité, cliqué sur la version de février 2008 à Dallas... Quelle déception ! Quelle ruine dans la voix ! Quelle indigence dans l'accompagnement musical ! (En sus de la mauvaise qualité sonore inhérente à ce genre de prise sauvage.) Est-ce même Dylan lui-même qui chante encore ? On se le demande par politesse, mais on sait bien que oui. Hélas ! À moins que par une sorte de mélancolie presque nécrophile, autoérotique, les fans d'autrefois se complaisent dans le ressassement d'échos de la jeunesse et de la voix perdues — quand l'original, dans sa beauté sidérale, inhumaine, gravé au firmament des chansons, n'est plus qu'une douleur aigüe et ne leur dit plus rien du temps passé depuis ni des épreuves. Faut-il pour autant préférer les reprises, forcément traîtresses d'être revitalisées ? Vociférées ? Parodiées ? Pourquoi pas... (C'est pour toujours Orsenna aux Farghiens livrée.) Enfin, voilà, ça, c'était ce matin. Après, j'avais un cours que j'aime bien, des étudiants qui participent beaucoup. Puis un cours supplémentaire (le dernier de mon rattrapage des cours manqués pour le colloque). Un ou deux courriers puis j'ai enfourché mon vélo pour aller voir les alentours d'une des maisons proposées par l'agent immobilier la semaine dernière. C'est dans le quartier de Kawana, tout plat, que des petites maisons, presque pas de commerce, aucune animation, une boîte à chaussure de 50 m² de base, toute neuve, sur trois étages pour 30 millions de yens (environ 150.000 euros). Mouais... Ça va pas le faire. Quelques photos et je retourne au bureau ; total, 30 minutes. Au pire, on a quand même ça, c'est ce qu'il faut se dire... Heureusement, après je vais dîner à Fushimi avec Sophie et Benoît dans un petit restaurant espagnol. Des tapas, des bières, des rigolades. Et des choses sérieuses aussi, du boulot, des voyages et des projets. Dire que tous les deux partiront bientôt dans des directions pas possibles... Un des problèmes de rester au Japon, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui ne font que passer. Des gens formidables qu'il ne faudrait pas laisser repartir. Et puis des cons qu'on oublie tout de suite. Pour lire dans le métro, j'ai ressorti le Bégaudeau de la bibliothèque (n'avait été que rapidement survolé il y a deux ans). Outre la littérature, citations et critiques plutôt positives de ce que je lis, avec rarement de l'éreintement (parce que je choisis et que je passe sous silence une bonne partie de ce qui ne me plaît pas, sinon on n'en finirait jamais...), je me suis rendu compte (depuis longtemps) que beaucoup de billets accueillent des petites soupapes sur toutes sortes de sujets, des exutoires miniatures et néanmoins publics qui permettent de libérer quelque bile politique, vider des abcès sociétaux, et que ça ne me pourrisse pas l'intérieur. Ou des perles. Perle et bile en même temps, c'est possible. Et même avec un arrière-fond d'interrogation transcendantale. Comme cette conclusion de la chronique Tous Consommateurs de France Info tout à l'heure, un certain Jérôme Parigi qui promeut le bio au sein d'une belle structure visiblement florissante et qui conclut sa promo boutiquière de la sorte : « Il faudra choisir entre produire beaucoup pour nourrir la planète ou produire bien et mieux et fin pour nourrir nos populations. Donc, il y a un vrai choix de société.» Si j'explicite, ça veut dire que le choix du bio est un choix délibéré de laisser crever le reste de la planète qui n'y a pas accès... C'est ça, ou j'ai fait une erreur de raisonnement quelque part ? Ou c'est sa langue qui a fourché ? Commentaires1. Le mercredi 28 mai 2008 à 12:14, par brigetoun : c'est ça - et en même temps c'est : ceux qui s'opposent à l'agriculture intensive, qui parlent de chercher à s'approcher de l'autosufisance plutôt que de brader les excédents moins cher que les cultures locales (et donc non de les compléter mais de les remplacer) sont d'affreux égoïstes 2. Le mercredi 28 mai 2008 à 18:49, par Gardiner : Le
contraste Dylan-ange de beauté et Dylan-voix ravagée est saisissant...
Et c'est pourtant avec cette dernière qu'il a explosé les charts ! 3. Le mercredi 28 mai 2008 à 23:00, par vinteix : "Lay Lady Lay"... oui, un météorite sonore, angélique ! et la reprise actuelle est en effet inaudible, la voix envolée... mais il faut songer que 40 ans séparent les deux versions et considérer l'âge du bonhomme ! à part des exceptions miraculeuses, et encore, aucune voix ne reste la même aussi longtemps, à cet âge... ceci dit, j'aimais bien encore comment la voix de Dylan avait changé, était devenue rocailleuse et enfumée, électrique même comme une guitare dans son "retour" avec l'album "Time out of mind" (1997)... mais depuis, elle tend à la trompette assourdie... un instrument cassé... plutôt pathétique à entendre... 4. Le jeudi 29 mai 2008 à 06:40, par Manu : J'ai aussi entendu cette chronique et ai tiqué, comme toi, sur la conclusion ! Je n'étais pas sûr d'avoir bien compris, mais si, c'était donc bien ça. |
Jeudi 29 mai 2008. Vraiment le béotien. Fin d'enregistrement de la semaine Blanchot dans les Nouveaux chemins de la connaissance du 12 au 16 mai — qui était ma semaine à Paris, je ne pouvais pas en même temps écouter la radio ! Intéressante diversité d'approche des cinq intervenants, même si je ne suis pas sûr que la méthode Enthoven aide vraiment le béotien à devenir Blanchot-compatible... Pas sûr non plus que Gisèle Berckman parvienne à faire disparaître complètement la période extrême-droite de Blanchot-l'obscur. L'écrivain et le penseur ont suffisamment apporté par la suite du siècle pour qu'il soit inutile, voire déplacé, de vouloir minimiser ce mauvais départ des années trente — ce que ne nie pas Éric Hoppenot, que je salue au passage (n'ayant pu le voir à Paris puisqu'il était en colloque Blanchot à Paris X). Justement, au cours de 1ère année, on étudie la durée (avec durer, prendre, pendant, etc.) — et la simultanéité avec pendant que... Exemple d'ubiquité webique : pendant que je travaille ici, vous me lisez là-bas... Sur ce même thème de l'ubiquité, et de l'isolement culturel des Français à l'étranger, je viens de tester avec succès la version béta de Wizzgo, un magnétoscope numérique TNT en ligne — merci à Alex de me l'avoir fait connaître. Certes, il faut installer le dernier Quicktime puis l'application Iwizz, ce que j'ai dû étaler sur deux jours, ayant peu de temps pour les extras, mais le résultat est à la hauteur : navigation par critères dans les programmes télé de deux semaines, choix facile des enregistrements jusqu'à 15 heures (crédit de durée par compte, renouvelé selon effacement des programmes visionnés), téléchargement et visionnement à la demande... À titre expérimental, j'ai déjà réservé, téléchargé et vu un vieil épisode de Ma Sorcière bien-aimée (où il est d'ailleurs question de voyage à Paris — sans doute le seul épisode sur ce sujet, je suis tombé dessus !...) et réservé déjà plusieurs films du week-end et de la semaine. On verra... C'est le cas de le dire. « La première arrivée au Panthéon changera l'autre en œuf pourri ! » (Ma Sorcière Samantha à sa mère, 1964...) Commentaires1. Le jeudi 29 mai 2008 à 23:17, par eric : 1964, c'est l'année du transfert des cendres de Jean Moulin. 2. Le vendredi 30 mai 2008 à 18:13, par alex : Mon premier fichier copié avec Wizzgo a tres bien fonctionné. Par contre, les suivants s'arrêtent tous au bout de la 3e minute... Ca vient peut-etre de mon ordinateur, trop vieux et pas assez puissant (4 ans, celeron D). Des conseils, Berlol ? 3. Le vendredi 30 mai 2008 à 20:16, par Berlol : Moi, j'en ai déjà reçu trois ou quatre sans problème. donc en effet peut-être un problème d'âge. Ou d'espace disponible. Manu, une idée ? |
Vendredi 30 mai 2008. De longue date un ressort littéraire. Séance de sport avec l'Entre les Murs de Bégaudeau, de quoi pédaler sans sentir la demi-heure. Déjeuner avec David au Downey, reprise d'une bonne habitude. On parle de nos étudiants, du rythme des cours et des écarts de notes par rapport à l'an dernier, dûs peut-être au changement de manuel, au rodage de Métro Saint-Michel. Je lui explique aussi comment ça s'est passé avec Wizzgo, qu'il a installé mais pas encore utilisé, la révolution que c'est pour notre désenclavement et ce que ça pourrait être pour nos étudiants, l'accès à des programmes quand même nettement plus variés que ceux de TV5 Monde, l'enregistrement de la copie individuelle qui peut être librement repassée, copiée, embarquée dans un baladeur vidéo, etc. De retour au bureau, je remplis ce qui sera — peut-être — le dernier document administratif relatif au colloque à Paris. On en est à 14 pages de formulaires divers, plus les pièces justificatives (invitation, programme, factures), en tout 25 pages — et les 5 pages de ma communication. On voudrait nous dissuader d'aller communiquer à l'étranger qu'on ne s'y prendrait pas autrement... Je range le dossier sans m'énerver et je m'en vais prendre le train et continuer ma lecture. « [...] Encore faut pas vous plaindre parce que nous au début on voulait le dire aux parents. — Mais fallait l'faire, pourquoi vous l'avez pas fait ? j'les attends vos parents. — Oh là là dites pas ça, mon père il apprend que vous m'avez insultée de pétasse il vous tue, j'vous jure sur la vie d'mes enfants de plus tard. J'avais la bouche pâteuse d'avoir peu dormi, mais ça mitraillait. — Premièrement on dit pas insultées de pétasse, on dit insultées en disant que vous étiez des pétasses, ou alors on dit traitées de pétasses, mais « insultées de » ça se dit pas, commence par apprendre le français si tu veux t'en prendre à moi, deuxièmement je vous ai pas traitées de pétasses, j'ai dit que vous avez eu une attitude de pétasses, ça n'a rien à voir, t'es capable de comprendre ça ou non ? — T'façon tout le collège est au courant. — Au courant de quoi ? — Que vous nous avez insultées de pétasses. Je criais à voix basse, dents serrées. — Je vous ai pas traitées de pétasses, j'ai dit qu'à un moment donné vous aviez eu une attitude de pétasses, si tu comprends pas ça la différence t'es complètement à la rue ma pauvre. — Vous savez c'est quoi une pétasse ? — Oui je sais c'est quoi une pétasse, et alors ? La question se pose pas puisque je vous ai pas insultées de pétasse. — Pour moi une pétasse j'suis désolée mais c'est une prostituée. — Mais c'est pas du tout ça une pétasse. — C'est quoi alors ? Mon haut débit s'est un peu enrayé. — Une pétasse c'est... c'est... c'est une fille pas maligne qui ricane bêtement. Et vous au CA à un moment vous avez eu une attitude de pétasse. Quand vous vous êtes esclaffées, c'était comme des pétasses. — Pour moi c'est pas ça, pour moi une pétasse c'est une prostituée. Elle a pris à témoin le cercle de filles qui, béates, me regardaient postillonner depuis cinq minutes. — Les filles, pétasse ça veut dire prostituée ou pas ? Toutes ont acquiescé. [...] » (François Bégaudeau, Entre les Murs, Paris : Éditions Gallimard, collection Verticales | Phase deux, 2006, p. 82-84) Où l'on constate, dans le registre réaliste, que la syntaxe erronée gêne moins la communication que le désaccord sur le sens des mots. Par ailleurs, le quiproquo étymologique est de longue date un ressort littéraire. Surtout ici, l'ironie du fait que ce soit le prof qui en arrive à parler comme l'élève plutôt que le contraire... Quant à la compréhension de la nuance, c'est pas gagné du tout ! Commentaires1. Le vendredi 30 mai 2008 à 18:16, par Manu : T'emballe pas trop vite: 2. Le vendredi 30 mai 2008 à 19:54, par patapon : Pas mal, wizzgo, et j’ai bien envie d’essayer… pourvu que ça dure ! Parce qu’ en même temps j’ai moi aussi un peu peur que cela soit éphémère, et que sous la pression de je ne sais quels ronds-de-cuirs, soit imposé ce qui est imposé à la plupart des émissions de France 2: interdiction de les acquérir sur un ordinateur situé en dehors du territoire français. Alors un conseil : en profiter tant que c’est possible ! 3. Le vendredi 30 mai 2008 à 20:11, par Berlol : On
pourrait aussi adresser une requête au sénateur des Français à
l'étranger car, d'une façon plus générale, on ne voit pas très bien
pourquoi, au prétexte qu'ils ne sont pas sur le territoire national,
les Français hors de France auraient moins de droits que les autres...
Dans ce cas, l'inscription à ce genre de service pourrait se faire sur
des critères de nationalité (sauf qu'un opérateur commercial n'est
peut-être pas autorisé à en exiger la preuve). Bref, Carpe Diem tant que ça dure ! 4. Le vendredi 30 mai 2008 à 23:20, par brigetoun : les
français en France ont-ils tant de droits ? dès qu'il s'agit d'argent
et de culture - bon sans doute plus que vous - mais si le niveau de
langue en vigueur est celui du président... 5. Le samedi 31 mai 2008 à 00:47, par Berlol : Ah bon, j'ignorais, n'ayant pas écouté la radio depuis plusieurs jours... Mais tant mieux. Comme ça, on aura le texte. 6. Le dimanche 1 juin 2008 à 02:56, par juliette : j'avais adoré ce passage + (un peu plus loin dans le texte je crois) le pétage de plomb d'un prof après son cours, magistral ! 7. Le mercredi 4 juin 2008 à 04:45, par Olivier : Réaction un peu tardive, mais aujourd'hui, juste
après lecture du passage de Bégaudeau, je saute sur mon
Robert et là... |
Samedi 31 mai 2008. Quand la bielle casse. Par son titre et par son article indéfini, le chapitre « Une croisière », pages 195-217 du Rivage des Syrtes, nie l'événement qu'il avance. Cet acte de guerre ou de provocation de l'ennemi vers lequel tout était orienté — personnages, discours, symboles, sensations pendant deux cents pages — semble maintenant hésiter à s'affirmer. On fera un petit détour (comme Aldo chez le vieux Carlo avant de partir, histoire d'apprendre à dire oui à l'aventure) pour vérifier ce qu'est un événement. Parce que si chaque tour de bielle est appelé événement, alors le mot ne sert plus à rien. Le tour de bielle est l'exécution d'une commande prédéfinie, il reproduit le précédent et prépare le suivant dans le but machinal de ne surtout pas changer. C'est quand la bielle casse qu'il y a événement ; et là il faut que quelqu'un improvise, au moins temporairement. Le fait d'arrêter le moteur tous les soirs pour le relancer le matin ne fait pas non plus événement puisqu'il s'agit d'une élaboration de programmes, ou programmation combinée. La mort de l'engin ou de celui qui appuie sur le bouton, ou la fin du carburant qui nous menace, voilà des événements ! Mais lorsqu'on regarde le texte de plus près, l'événement, obéissant à la retenue du titre, effrayé par lui-même, tiré en arrière par le narrateur qui veut postérieurement minimiser sa responsabilité, l'événement se cache, se fractionne, se donne pour déjà advenu. On avance, on avance — en mer, c'en est presque ennuyeux — jusqu'à ce que « le doigt qui se posa [sur la carte fût] bien au delà déjà de la ligne rouge » (p. 209-210) ; Aldo se retrouve « face à face avec la folie nue de cette aventure » (210) déjà arrivée. Et au bout du compte, le seul événement qui semble arriver dans le texte — ou au texte puisqu'il clôt le chapitre —, c'est le tir rhagesien de « trois coups de canon » (217) dont on se demande bien pourquoi il surprend tout le monde. Mais sans doute le remords n'est-il pas la seule cause d'occultation de l'événement (qu'est la décision de rouvrir les hostilités avec l'ennemi). Les divers tropismes narratifs, symboliques et textuels ont en effet installé de longue date dans l'esprit d'Aldo (et du lecteur) l'idée qu'un centre magnétique se trouve derrière plusieurs voiles et qu'on ne sait qu'après lequel était le dernier (216), qu'il est guidé et doit s'abandonner à son « Heure » arrivée (213), expressions diverses et nombreuses d'une même substitution du concept d'événement par celui de maturation. Le fruit est mûr, donc il tombe — et ce n'est un événement que pour celui qui le prend sur la tête. Et comme il sera confortable de nier les responsabilités des crimes dont on sera accusé, au prétexte qu'on n'aura été qu'un exécutant, qu'on n'aura fait en définitive qu'obéir au destin ou à ses supérieurs ! Pour un livre qui paraît en 1951, on ne peut s'empêcher d'y voir de la part de Gracq — même si cela a été peu dit — une remarquable tentative de donner corps au fonctionnement psychologique des accusés de Nuremberg. Remarquable parce qu'inscrite dans la sauce organiciste spenglerienne où trempait le nazisme. Remarquable aussi parce que poétisée surréalistement pour que s'ouvrir à la catastrophe ne rime pas avec libre-arbitre et démocratie. « Ma pensée volait en avant du navire forcené qui trouait cette paroi d'encre [...] » (212) Déjeuner au Saint-Martin, sans événement notable. On en parlait l'autre jour, de 1964. C'est aussi l'année des Gros Bras, film en noir et blanc de Francis Rigaud, que diffusait France 3 hier soir et que je vois par Wizzgo — en voilà un événement technique ! Du comique à grosses ficelles, avec Roger Pierre, Jean-Marc Thibault, Darry Cowl, Francis Blanche et quelques autres comparses, assorti d'un « Je vous ai compris » incipital et de quelques allusions contemporaines, le tout dans une sauce furieusement jazzy. Une demi-heure, ça va. Après, c'est un peu pénible. Libre à moi d'imaginer que les personnages ont rencontré ceux de Ma Sorcière bien-aimée à Orly. Ou que dans les allées du Parc Monceau, Elizabeth Montgomery (Samantha) ou Claudine Coster a croisé une jeune femme surveillant un petit garçon turbulent qui asticote les canards — moi. Qui est cet individu ? Quelle langue est-ce ? Pour dire quoi ? Je n'en sais rien. C'est une photo de mercredi soir. En allant vers le restaurant espagnol, Sophie et moi avons aperçu ce pochoir étrange, au mur d'un parking qui donnait sur le trottoir. Je la retrouve ce soir en rangeant les photos. J'ai été un peu déçu de revoir Deux ou trois choses que je sais d'elle (Godard, 1966, en dévédé), T. a carrément quitté la pièce après trois quarts d'heure. La première moitié est très intéressante, façon portrait de société, couleurs et cadrages superbes. Et puis le film s'enlise dans des verbosités soporifiques, n'était le bruyant flipper sur lequel une mamie s'agite — flop comique. Seule chose qui m'amuse vraiment : tout petit déjà on reconnaissait Christophe Bourseiller... Même si Godard l'affuble d'une casquette Charbovari. |