Journal LittéRéticulaire de Berlol
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Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Avril 2008

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Mardi 1er avril 2008. Ne pas éternuer, danger.

Jour du poisson. Et de faiblesse. Mais on n'aura pas la chronique de mes intestins.
Ne pas trop bouger, ne pas éternuer, danger. Réalimentation sans fibre ni graisse, etc. — grand grand merci à T. !
Je ne sors qu'une trentaine de minutes et c'est pour lui acheter des fleurs.

Entre des siestes, fin du Port intérieur et reprise d'Alerte.

« Ces planches étaient au nombre de six, nous dormions à quatre, voire à cinq, par sommier, nous étions donc de huit à dix par lit double, plus la même quantité à l'étage, ce qui donnait des unités de seize à vingt individus qui se pressaient les uns contre les autres, la nuit, car les gardiens ouvraient les fenêtres en grand, ils les ouvraient par souci d'hygiène, je vous ai déjà expliqué combien l'hygiène, la propreté, était un problème capital pour nos gardiens qui ne supportaient pas la moindre odeur, la moindre trace de saleté, sauf les traces de sang, mais l'idée du sang n'avait pas pour eux le même sens que pour vous et moi, si encore l'idée du sang a un sens, mais bien entendu cela est évident, ce que représente le sang qui s'écoule, à l'intérieur du corps ou à l'extérieur du corps, a immensément de sens, si du moins il y a quelque chose qui a du sens au monde, s'il est une seule chose dont on peut dire qu'elle résume tout ce que l'être humain, n'importe quel être humain, redoute, c'est bien le sang qui s'écoule.» (Yves Ravey, Alerte, p. 29-30)


Mercredi 2 avril 2008. Plus ça ira, plus ils s'en foutront.

Encore une journée de convalescence mais en pleine forme. Le peu que je mange me profite beaucoup, notamment le sébaste au bouillon japonais (mais sans huile).

Deux heures de marche au soleil dont une bonne moitié sous les cerisiers du sanctuaire Yasukuni, jusque derrière le temple principal et le musée de la guerre, où un beau jardin avec étang et pont a beaucoup de succès (alors que d'habitude, il n'y a personne par ici).
Un chemin revient vers une des entrées latérales, bordé de monuments que personne ne regarde. Or, sont honorés ici même, dans cette partie retirée mais tout de même dans l'enceinte du sanctuaire, et donc, selon la pensée japonaise, divinisés, des policiers militaires soupçonnés de crimes de guerre contre la population japonaise durant la Seconde Guerre mondiale.
Mais tant que les gens s'en foutent... Et plus ça ira, plus ils s'en foutront.

Reprise de l'article à réduire, exercices de kanjis, lecture de blogs et courriers. Sur TV5 Monde, un film documentaire d'une exceptionnelle qualité, d'une série « Carte blanche à Jean-Louis Étienne » : Les Mystères de Clipperton. C'est l'étude globale d'un milieu et l'étude de l'aventure elle-même. Crabes, poissons, oiseaux, coraux et êtres humains, tout y passe. L'équipe du film résume en quatre-vingt-dix minutes les siècles d'histoire qui sont explorés par quelques dizaines de scientifiques en quatre mois. Je vais me procurer les dévédés, je suis sûr d'en faire un cours un jour.

Le lendemain.
J'y reviens, pardon. Je n'arrivais pas à trouver un article suffisamment clair sur la question du film Yasukuni... C'est fait, grâce au site Aujourd'hui le Japon, une vraie mine.

Commentaires

1. Le vendredi 4 avril 2008 à 00:34, par vinteix :

A propos du film "Yasukuni", voir aussi ce très bon article de P.Pons dans "Le Monde" :

www.lemonde.fr/asie-pacif...

C'est vrai que le conservatisme ou le nationalisme jusqu'au révisionnisme de certains Japonais, à l'image de ces effrayants camions noirs de l'extrême-droite, corbeaux de mauvaise augure hurlant des slogans patriotiques et impérialistes d'une autre époque, font froid dans le dos...
mais tout autant que l'ignorance ou l'indifférence, à ces questions, d'une majorité de Japonais...

2. Le vendredi 4 avril 2008 à 00:40, par vinteix :

Ave Berlol !
un petit commentaire avec lien-article P.Pons sur "Yasukuni",
posté y'a 5 minutes, retenu dans les mailles du filet... un "gros mot" ?

3. Le vendredi 4 avril 2008 à 00:50, par Berlol :

Merci beaucoup ! Je vais le copier avant sa disparition dans les archives payantes.
Quant à ton "gros mot", il s'agissait des lettres "url" dans le mot "hurlant"... Mais bon, c'était pas perdu !

4. Le vendredi 4 avril 2008 à 00:52, par vinteix :

merci à toi et bon rétablissement !



Jeudi 3 avril 2008. Gagner du temps par l'ablation pure.

Peu à dire. Je patauge dans un texte de 50.000 signes qui doit être réduit à 20.000... La relation entre la quantité retirée et le temps passé à réduire sans perdre la substance est semblable à une hyperbole : pour une telle quantité, réduire de 10 % prend deux heures, de 20 % six heures, de 30 % près de 15 heures, après ça se compte en jours. Bien sûr, on peut gagner du temps par l'ablation pure et simple de parties entières sans essayer d'en garder le contenu...

Heureusement, le soir, j'ai droit à un bel itoyori !

Les enthousiastes de notre gouvernement, les flagorneurs, les notables, les jet-seteurs et les starlettes de Hiroo à Kagurazaka se réjouiront d'être invités par la marine nationale sur le Mistral dans le port de Tokyo le 12 avril. Ils pourront cirer les pompes de Fillon. Résidant au Japon, ils ne font pas partie de ceux qui écopent un pays qui prend l'eau. Je gage donc qu'il y aura peu d'enseignants.
Je resterai sagement à la maison avec Dutronc et ses Gars de la narine...

Le lendemain.
J'ajoute ici l'article de Philippe Pons, du Monde du jour, signalé par Vinteix demain sur le billet d'hier, pour mémoire.

Au Japon, on ne badine pas avec la patrie
« Invoquant des "raisons de sécurité", cinq salles de cinéma à Tokyo et à Osaka ont renoncé à diffuser le film Yasukuni, du cinéaste chinois résidant au Japon, Li Ying. Produit par la Chine et le Japon, ce documentaire vient d'être primé au Festival international du film de Hongkong. D'autres salles à travers le Japon ont annoncé qu'elles ne projetteraient pas le film. Toutes craignent d'être la cible de manifestations des groupuscules d'extrême droite, dont la plupart sont liés à la pègre. La presse était unanime, mercredi 2 avril, à s'inquiéter de cette entrave à la liberté d'expression.
Vociférant des imprécations depuis leurs camions noirs équipés de puissants haut-parleurs et hérissés de drapeaux, ces groupuscules bombardent les salles de décibels. Au nom de la liberté d'expression, la police n'intervient guère. Après d'autres affaires récentes de restriction de la liberté d'expression, le retrait de l'affiche de Yasukuni, considéré par la droite comme "antijaponais", constitue une nouvelle atteinte à l'une des libertés démocratiques fondamentales.
 
Construit en 1869, le sanctuaire Yasukuni est dédié à la mémoire des morts pour la patrie. Depuis la fin des années 1970 y sont honorés aussi sept condamnés en 1948 pour crimes de guerre par le Tribunal international de Tokyo, qui furent exécutés. Aussi, les visites à Yasukuni par de hauts dignitaires japonais suscitent-elles régulièrement des polémiques avec la Chine et la Corée du Sud, qui estiment qu'elles reviennent à absoudre le passé militariste.
Li Ying a concentré son film sur les dix dernières années, parce que le sanctuaire a focalisé la polémique sur l'interprétation de la guerre à la suite des pèlerinages répétés entre 2001 et 2006 du premier ministre Junichiro Koizumi. Le film montre des scènes filmées le 15 août, anniversaire de la défaite, où des anciens combattants en uniforme, drapeau en tête, se rendent au sanctuaire pour prier. Il utilise en outre des photographies du massacre de la population civile à Nankin (1937), un événement dont la droite nie qu'il ait eu l'ampleur que lui donnent les Chinois (plus de 200 000 morts) et qu'elle qualifie de simple "incident".
Selon les révisionnistes, l'authenticité de ces photos est contestable et le film manipule les faits. Le cinéaste donne néanmoins la parole à des personnes ayant des opinions différentes sur la guerre.
"Pendant trois mois, de décembre 2007 à mars, nous avons fait des conférences de presse au Japon, a expliqué Li Ying à notre correspondant à Shanghaï, Brice Pedroletti. Avec l'exploitant et le distributeur, nous savions que c'était un défi de sortir ce film. Il était évident que l'extrême droite se manifesterait, c'est habituel, et tout le monde m'encourageait. On se soutenait mutuellement."
Soucieux de son contenu, un groupe de parlementaires du Parti gouvernemental libéral-démocrate (PLD) avait demandé à visionner le film, faisant valoir qu'il avait été produit en partie avec des fonds publics (7,5 millions de yens, soit 47 000 euros). L'Agence pour les affaires culturelles avait accédé à leur demande. Pour la députée Tomomi Inada, le film contient "un message idéologique" et son "objectivité est sujette à caution". Elle estime qu'il ne devait pas recevoir de l'argent public.
Le ministre de la culture, Kisaburo Tokai, a regretté que "des pressions et des harcèlements aient conduit à cette situation". Parmi les médias, même le quotidien de centre-droit Yomiuri (13 millions d'exemplaires) appelle dans un éditorial au respect de la liberté d'expression, faisant valoir que la question du financement public est à débattre indépendamment de la projection du film.
"Après la projection à la Diète, tout a changé. Les politiciens ont fait toutes sortes de pressions, affirme Li Ying. Il est déplorable de voir que beaucoup de débats ne concernent pas le contenu du film. Pour moi, c'est inimaginable qu'on ne puisse le projeter. Cela révèle quel degré de conservatisme il peut y avoir au Japon et pose des questions sur la manière dont la société japonaise se positionne vis-à-vis de la Chine, de l'Asie, du reste du monde. Mon but désormais est de pouvoir communiquer avec les Japonais, qu'ils voient ce film par tous les moyens possibles, pour pouvoir y réfléchir et en débattre."
D'autres récentes affaires dont l'écho médiatique est moindre sont symptomatiques des pressions diverses, ouvertes ou diffuses, pesant sur la liberté d'expression dans l'Archipel. Une vingtaine d'enseignants du secondaire viennent ainsi d'être punis (réduction de 10 % de leur salaire, suspension d'enseignement pendant six mois et non-renouvellement de leur contrat dans le cas de travailleurs temporaires) pour avoir refusé de faire chanter à leurs élèves l'hymne national, cérémonie rendue obligatoire en 2003. Depuis, quatre cents enseignants ont été l'objet de punitions ou de "séances de rééducation" pour ne pas respecter cette directive.
L'hymne national nippon, lent et solennel est une ode à l'empereur : "Que ton règne dure mille vies, huit mille vies, jusqu'à ce que le caillou soit devenu rocher et ait été couvert de mousse." Avec le drapeau Hinomaru (un rond rouge sur fond blanc), il a été légalisé comme emblème national en 1999, provoquant la protestation d'une partie du monde intellectuel, pour lequel ils sont associés à l'idéologie militariste. Ces symboles nationaux ne suscitent guère de débats dans l'opinion. Les compétitions sportives et la liesse qui accompagne une victoire ont engendré chez les jeunes un sentiment festif d'identité qui les a dépouillés des connotations symboliques de l'avant-guerre.
L'hymne national n'en reste pas moins au coeur d'une controverse sur la liberté de conscience puisque son chant est imposé.
En septembre 2006, le tribunal de Tokyo a donné raison à des enseignants qui refusaient de l'entonner aux cérémonies de fin d'études. Dans ses attendus, le tribunal a statué que "les enseignants n'ont pas l'obligation de chanter Kimigayo" et que "forcer quiconque à le faire est une violation de la liberté de pensée et de conscience". Il ordonnait en outre à la municipalité de Tokyo de payer 12 millions de yens (80 000 euros) en dédommagement aux plaignants.
Dans une directive d'octobre 2003, la commission pour l'éducation de la municipalité de Tokyo avait donné instruction aux directeurs des établissements scolaires d'obliger leurs enseignants à se lever à l'envoi des couleurs et à faire chanter à leurs élèves l'hymne national. Cette directive prévoit des sanctions à l'encontre de ceux qui ne s'y conformeraient pas et 400 cents personnes avaient déposé une plainte auprès du tribunal de Tokyo. Le juge a fait valoir que l'obligation de chanter Kimigayo, assortie de sanctions, est contraire à la loi fondamentale sur l'éducation, qui interdit au gouvernement "toute intervention excessive" dans l'enseignement.
La guerre et son interprétation restent au Japon un enjeu de la vie démocratique et continuent à susciter des polémiques, débats et procès. Fin mars, la justice s'est prononcée cette fois sur un fait historique : les suicides en masse de civils ordonnés par l'armée impériale à Okinawa lors du débarquement américain en mars 1945.
Le tribunal d'Osaka a donné raison au Prix Nobel de littérature 1994, Kenzaburo Oe, auteur d'Okinawa Notes (1970), et à son éditeur, Iwanami Shoten, objets d'une plainte de vétérans affirmant que l'écrivain avait déformé les faits. Le tribunal a conclu que le commandement militaire "était profondément impliqué" dans ces morts.
Kenzaburo Oe évoquait les 430 suicides qui ont eu lieu dans les deux îles de Zamamijima et Tokashikijima. Le rôle de l'armée dans ces suicides en masse à Okinawa, où eurent lieu les plus féroces combats de la guerre du Pacifique en territoire nippon (120 000 morts, pour la plupart des civils, soit un quart de la population), est minimisé dans les manuels scolaires. Faudra-t-il que la justice se prononce aussi sur le film Yasukuni pour qu'il soit à nouveau présenté en salles ? »

Commentaires

1. Le vendredi 4 avril 2008 à 03:18, par F :

et l'idée d'une version complète en ligne en appui de version abrégée papier, jamais ?

2. Le vendredi 4 avril 2008 à 06:17, par Berlol :

En fait, la dernière version de travail avant le colloque était en ligne ici depuis août. Il y a prescription, maintenant que c'est tout refait, concentré, etc.

3. Le vendredi 4 avril 2008 à 13:51, par takeshi :

Sur la troisième page du Monde daté de vendredi, y a une photo tellement choquante avec cet article !!

4. Le vendredi 4 avril 2008 à 14:05, par Berlol :

C'est quoi ? Moi, je n'ai vu que la version en ligne...

5. Le vendredi 4 avril 2008 à 21:35, par brigetoun :

un petit revenez-y des Paravents

6. Le samedi 5 avril 2008 à 02:21, par takeshi :

La photo, je crois que ça doit être un des survivants du régiment Kamikazé, nommé "sous-lieutenant Kinoshita". Il fait le salut militaire au sanctuaire Yasukuni.

7. Le samedi 5 avril 2008 à 05:01, par takeshi :

Comme j'ai pas de scanner dans mon appart en France, j'ai pris une photo de cette "photo" d'un certain Kinoshita. Cliquez "takeshi".

8. Le samedi 5 avril 2008 à 06:41, par Berlol :

Oui, tout à fait, Brigetoun ! Je n'y avais pas pensé...
Merci, Takeshi. Je comprends ce que tu veux dire. Mais s'il y a des réactions comme la tienne, c'est que tout n'est pas perdu au pays du soleil levant !...



Vendredi 4 avril 2008. Je n'ai pas reculé, cette fois, Aldo.

Hier soir, je me suis dit que j'aurai aujourd'hui des sons à couper...
Et puis non ! ai-je découvert ce matin. Quand mon Total Recorder a voulu démarrer, à trois heures, l'enregistrement de quatre heures d'entretiens des années 60 sur le Nouveau Roman (canal des Sentiers de la création), l'anti-virus récemment installé ne l'a pas laissé faire. J'avais oublié que je n'avais pas encore autorisé le mini-browser dont le logiciel se sert pour la connexion. Ce sera pour cet après-midi. Heureusement que ça rediffuse pendant une semaine ! (encore 5 ou 6 rediffusions jusqu'à mardi... Et puis il y a d'autres émissions, Varda, Resnais, etc.).
En attendant, j'enregistre en sourdine les 4 premières conférences de Roger Chartier dans l'Éloge du savoir, sur les circulations textuelles aux XVIe-XVIIIe siècles.
Dans l'après-midi, mon texte réduit à feu doux arrive à 20.100 caractères. Ouf !

Après quoi, je commence à arranger quelques notes sur les premières pages du Rivage des Syrtes, le cours d'explication de texte commençant demain matin à l'Institut franco-japonais de Tokyo. Ça faisait des années que c'était dans mes listes de programmes mais que je le repoussais parce que je sais que le livre est cher et que je ne suis pas sûr d'avoir assez d'inscrits. Mais je n'ai pas reculé, cette fois, Aldo, et, à travers ces cours, je vais adresser à Julien Gracq cet amical et studieux salut en essayant de le faire apprécier.
Jusqu'à ce que T. me surprenne au milieu des cartes des Syrtes d'après Strabon...
« Tu travailles trop, Aldo. Viens donc dîner.»

Distraction. Un film nullissime : Perfect Stranger (J. Foley, 2007). Je me demande si le titre français — Dangereuse Séduction — n'est pas encore plus nul, c'est-à-dire plus honnête, finalement.

Encore un petit plaisir que je me suis offert, en allant commenter sur le site nonfiction.fr :
« Il est inutile, et d'ailleurs erroné, de dire que le blog d'Assouline est "de qualité". Dans le domaine de la création littéraire comme dans le domaine de l'information littéraire, il n'apporte strictement rien. Il ne fait que vulgariser et commenter des informations dont il a le privilège d'être un des premiers destinataires, sans même avoir une bonne plume. C'est un pur abus de position dominante.
Je le répète, en ce qui le concerne : l'arrêt public délivre.» (en commentaire à l'article Wikipédia en débat).


Samedi 5 avril 2008. Comme la syncope, comme le bémol.

C'est avec joie que j'aperçois l'aurore, cher Julien Gracq, renouant à la fois avec les samedis des précédents trimestres et avec cette lointaine année de maîtrise où il arrivait souvent que le lever du jour précédât mon coucher, après une nuit de veille hôtelière dont les heures tranquilles avaient été consacrées à la lecture studieuse et au relevé manuel de séries de mots de votre Rivage des Syrtes. Je garde de cette époque le souvenir de nuits tranquilles, de cahiers et de quiétude, entre le petit hôtel de Levallois où j'officiais et la chambre de bonne au bord du XVIIe, où me ramenait chaque matin et où je retrouvais M., se levant pour aller travailler au collège ou partant pour le week-end dans sa province natale.
Sans trop entrer dans le détail, donc, je voudrais aujourd'hui souligner ce que votre narrateur propose pour commencer son récit et faire remarquer comment vous vous y étiez pris : le présent indéfini d'où il se définit et expédie ses dix-huit ou vingt premières années, le portrait sans pitié qu'il brosse de sa patrie décrépite, opposant clairement la vieillesse des institutions à l'énergie « inemployé[e] », lui faisiez-vous dire, de sa jeunesse, sans que jamais son regard ne sorte de l'aristocratie où vous l'aviez fait naître, la seule solution de ce conflit en germe étant selon vous et lui, à la satisfaction de son père, son départ pour le « front des Syrtes ». Car vous aviez eu ce front, précisément, d'associer dès l'ouverture des noms de différentes origines mais ayant en commun une poétique patine : Orsenna, parataxe de richesse et de pouvoir, San Domenico, beau comme un Fra Angelico, terrifiant comme une Inquisition, Zenta, ville longtemps disputée entre Serbes et Turcs qui devenait liquide entre vos palais, Syrtes enfin, que vous voliez aux Carthaginois pour sa syllabe acide qui ahurirait votre Aldo. Enfin — car deux heures passent vite — il faut que je montre comment vous tissiez ces longues phrases à la grammaire un peu épaisse, rustique, mais toujours timbrées et rythmées, et un ou deux exemples de ces expressions serties si juste que les figures s'y entassent sans ordre. « La Seigneurie d'Orsenna vit comme à l'ombre d'une gloire [...] » commence une phrase qui deviendra plus explicite après les deux-points. Mais déjà cette ombre d'une gloire... Qu'est-ce que l'ombre d'une gloire ? Son contraire, sa suite, sa projection ? La gloire est encore là, toujours lumineuse, quelque part, très haut, sembliez-vous vouloir dire. Et au début, il n'y avait pas d'ombre, il n'y avait que la gloire (« le succès [des] armes », « les bénéfices fabuleux », écriviez-vous). L'ombre a dû naître un jour que ces succès et bénéfices, quoiqu'encore présents, ne pouvaient plus suffire. Mais suffire à quoi ? Ça, c'est une question essentielle, il vous avait fallu plus de trois cents pages pour y répondre. Car on se lasse, un peuple entier se lasse, comme aujourd'hui, tiens ! Et on se demande bien ce qu'on y peut ! Mais je reviens à Orsenna, pardon. Ombre et gloire, ça fait donc un oxymore, un oxymore dans lequel Orsenna « vit », au présent. Vous, je ne sais pas, mais moi, vivre dans un oxymore, je ne sais pas ce que c'est. En revanche, si c'est une métaphore — ça ne peut qu'être une métaphore ; elle ne vit pas à l'ombre d'une montagne ou d'un bel arbre — je peux comprendre que cette Seigneurie vit dans une tension qui peut-être la paralyse et que cette inertie l'asphyxie lentement. Oui, je peux comprendre cela, grâce à la métaphore. Mais votre vice précision va plus loin : elle ne vit pas à l'ombre, elle vit « comme » à l'ombre. Si je comprends comme si elle était à l'ombre, j'ai l'impression d'une explicitation pour simples d'esprit, du style : ne croyez pas qu'il y ait une vraie ombre, c'est pour souligner la métaphore. Mais vous ne preniez jamais votre lecteur pour un simple d'esprit, c'est d'ailleurs à cela que nous pouvons toujours vous reconnaître, sachez-le, là où vous êtes maintenant. Votre premier comme n'est donc pas pour faire une comparaison, pour ravaler une métaphore. Et pourtant, par parenthèse, vous alliez en faire beaucoup des comparaisons. Les comme vont foisonner dans les lignes et les pages à venir. Mais ce premier, là, il est différent : il est comme la syncope, comme le bémol ; dans le truc régulier, il introduit un bout d'erreur, il euphémise et, si on le regarde de près, ce comme, il révèle que si Orsenna vivait en effet dans l'ombre de sa gloire, ça se saurait, les habitants le sauraient, se le diraient, essaieraient de faire quelque chose, c'était pas des imbéciles. Non, cette vie dans l'ombre de la gloire, c'est comme si elle n'existait pas : il n'y a qu'Aldo qui la voit. Qui ? Quoi ? Ce freluquet ? Il saurait des choses comme ça, il verrait ce que personne ne voit ?... Non. Impossible. Ce serait absurde, psychologiquement. Alors ?... Un autre Aldo ? Un Aldo... plus mûr ? Plus tard ? Celui qui écrit ?... Mais bien sûr ! Celui qui écrit, il sait tout cela. Et pas parce que vous le saviez, Julien, je le sais. Mais parce qu'il a su le voir, par ce qu'il a dû vivre, précisément... Mais qu'est-ce que ça peut être, ce qu'il a vécu, alors ? Oui, je vous entends bien, Julien, je vous entends de mieux en mieux : c'est le sujet du roman. Ce comme qui n'est pas le comme d'une comparaison, c'est le sujet du roman. C'est comme la vie. La littérature, c'est comme la vie. ... ... Vous savez, Julien, je vous aime.

Pas sûr que j'aie besoin de consulter vos manuscrits qui viennent d'être légués à la BnF. Mais on verra.

On ne déjeune pas au Saint-Martin, diète oblige. Bol de udon, donc, très bien parfumés, avec du poulet cuit dans le bouillon. Sieste (Gracq m'a un peu fatigué, qu'il me pardonne).

Avec le dîner, le film le plus enthousiasmant que nous ayons vu depuis le début de l'année : Death Proof (Boulevard de la mort, Tarantino, 2007), ou : tel est pris qui croyait prendre... Car si la voiture du cascadeur est à l'épreuve de la mort, l'homme, lui, non — du fait de sa connerie pathologique. Pauvre, pauvre, pauvre Kurt Russell ! En même temps, c'est un bel hommage au difficile métier de doublure-cascadeuse de Zoë Bell, qui doublait Uma Thurman dans Kill Bill 2. Hommage aussi à la Dodge Charger et aux cascades routières de Vanishing Point (R. C. Sarafian, 71), ainsi qu'à la sous-culture (et peut-être contre-culture) cinématographique résumée par le terme Grindhouse et repris pour titre du diptyque signé Rodriguez & Tarantino.
La chanson de fin est on ne peut plus pertinente — merci Serge !
« Laisse tomber les filles
Ça te jouera un mauvais tour
Laisse tomber les filles
Tu le paieras un de ces jours »

Ah, oui ! Je parie qu'il y en a qui n'ont pas vu la contrepèterie d'hier...

Commentaires

1. Le dimanche 6 avril 2008 à 04:08, par F :

Je rebondis sur ce codicille du legs Gracq :

"Comme le voulait Julien Gracq, qui vivait retiré dans sa ville natale de Saint-Florent-Le-Vieil en Anjou, une copie numérique de l’intégralité du legs sera transmise à la Bibliothèque universitaire d’Angers qui abrite un fonds de documentation sur “l’enfant du pays”."

ça veut dire que la BNF va numériser intégralement, et qu'éventuellement on pourra même consulter à distance ? (suivez mon regard, de qui j'attends réponse ? )

2. Le dimanche 6 avril 2008 à 06:10, par Berlol :

Oui, je suis ton regard, de qui nous attendons réponse !...

3. Le dimanche 6 avril 2008 à 07:53, par jenbamin :

bon eh bien, je suis également vos regards, messieurs, en attendant réponse...

mais surtout : merci beaucoup Berlol pour cette lecture du début des Syrtes, du coup j'en ai profité pour reprendre le bouquin, et relire tout le premier chapitre.

4. Le dimanche 6 avril 2008 à 12:30, par martine sonnet :

et le report de la mise à dispo du wifi à la BnF - justement j'y vais demain et à chaque fois ça me manque - dont je ne peux lire que l'annonce sur la page d'accueil de Livre Hebdo, s'il y avait moyen d'en savoir plus par la même source...

5. Le dimanche 6 avril 2008 à 15:12, par christine :

je me sens visée (et quelque peu troublée d’ailleurs par tous ces regards qui ont un côté « l’œil était dans l’internet » !) mais si c’est à moi que vous pensez je crains fort de décevoir votre impatience : je ne suis malheureusement pas « la BNF », vieille et lourde institution, dans les artères bouchées de laquelle l’information circule très mal …

ainsi je crains fort que la mise à disposition des manuscrits numérisés de Julien Gracq ne soit ni pour demain ni pour après demain, mais je vais me renseigner ...

et j’ai aussi cliqué vainement hier soir sur le titre de Livres Hebdo dont vous parlez, Martine, pour en savoir plus : nous sommes quelques uns au sein de la BnF, et depuis « un certain temps », à relayer le souhait des lecteurs de disposer d’un spot wifi : la réponse est en général que les informaticiens instruisent un dossier rendu complexe par le risque de mise en péril de notre intranet ! récemment un autre argument est venu servir de prétexte : le wifi donnerait des maux de tête au personnel des bibliothèques de la Ville de Paris ! et on nous a annoncé récemment qu’était à l’étude un dispositif de remplacement dénommé « wifil » qui serait du wifi par câble …

6. Le dimanche 6 avril 2008 à 22:19, par ms :

Merci Christine pour le relais du souhait des lecteurs question wifi, et attendons qu'un heureux abonné à Livres Hebdo passe par ici...

7. Le lundi 7 avril 2008 à 01:03, par brigetoun :

égoïstement la borne me concerne peu. Par contre merci pour cette belle adresse à Gracq, et je réalise qu'il y a moultes années que je l'ai lu (le rivage) et que, moi aussi, vous me donnez envie d'y revenir.



Dimanche 6 avril 2008. Nous défendons de mauvaises habitudes.

Une semaine à ne pas manger normalement — et l'impression d'avoir plus appris sur la nourriture en six jours qu'en quarante ans. Mais je ne me nourrissais déjà pas si mal. D'abord parce que j'ai presque éliminé la restauration rapide et les plats tout prêts des supermarchés. Même quand je ne suis pas avec T., je prépare moi-même des choses simples (tomates, carottes, concombres, pommes de terre, laitue, chou-fleur, etc.), auxquelles s'ajoutent celles que j'ai appris à connaître au Japon : okura, gobo, renkon, tofu, etc., et ces choses qu'on achète plus rarement, selon la saison et le prix : asperges vertes, avocat, etc. Un rééquilibrage s'est opéré, au profit du végétal et du poisson. Non que je refuse la viande, la charcuterie et autres produits carnés, mais parce qu'il n'y a aucune nécessité d'en manger autant que ce qui paraissait normal dans ma culture familiale.

Trop souvent nous défendons de mauvaises habitudes, croyant qu'il s'agit de notre goût propre.

Sortie ensoleillée jusqu'au Seijo Ishii de Korakuen, d'où l'on rapporte des yaourts et quelques autres denrées. Sieste et lecture.

« [...] comment leurs gardiens s'y prenaient pour faire en sorte qu'ils n'aient jamais une seconde l'esprit disponible, d'abord ces sandales à semelles de bois, disait-il, tout était étudié pour que nous ne cessions d'avoir l'esprit préoccupé par le fait que notre corps n'était pas loin de nous lâcher, par exemple aussi, quatre heures debout dans le froid, devant les blocs, sur le terrain inégal pavé de pierres, et je n'ai pas dit inégal pour ajouter un qualificatif, j'ai dit inégal parce que, comptant parmi les premiers arrivants au camp de Wakhausen, j'ai construit ces blocs et ces allées. La consigne était, lors de la construction des allées, de laisser apparentes les arêtes des pierres et de constituer une surface accidentée, j'ai compris pourquoi lorsque j'ai posé les pieds sur ce sol inégal avec mes semelles de bois, c'était intenable, et nous restions des heures dans cette position intenable, le temps qu'ils fassent l'appel dix fois, vingt fois, pour nous concentrer sur la douleur, puis nous déshabituer de la douleur, puis nous laisser nous concentrer de nouveau, puis nous détourner de cette concentration, pour faire dévier notre volonté de résister, c'était pour nous abattre, c'était un moyen psychologique de détruire en nous ce qui aurait pu rester de conscience, voyez, ce sol inégal dont il subsiste des traces, c'était pour éradiquer ce qui resterait en nous d'humanité au moment de mourir.» (Yves Ravey, Alerte, p. 49-50)

La Bête aveugle (Y. Masumura, 1969). Mouais... Du beau noir et blanc, une recherche intéressante dans les éclairages, les cadrages, un excellent jeu d'acteurs mais au final, un film un peu décevant, peut-être à cause du huis clos, de l'histoire elle-même, ou de la narration off. Encore ce tropisme japonais de l'amour impossible, ici impliquant régression, masochisme, mutilations...

Commentaires

1. Le mardi 8 avril 2008 à 04:59, par Unknow :

Un vrai bourge !
Vivre au Japon et manger aussi bien...
Savez-vous vraiment ce qu'est de vivre au Japon et de ne pas pouvoir se nourrir normalement. Se dire que l'on a moins de 1000en par jour. De rencontrer des compatriotes, de ne rien faire paraître. Faire comme tout le monde et demander s'il y a du travail dans les alentours... et écouter les conseils idiots de ceux qui n'ont rien à dire.
J'ai rien contre la réussite, rien contre votre gloire professionnelle.
Juste que vos propos sont une insulte à ma galère de vie, nos galères de vies, nous, les milions de "petits" français, japonais, etc.
Vous vivez la vie, à vous lire, comme une belle et parfaite leçon.
Avez-vous oublié vos premières années intellectuelles ?
Cherchez-les, elles sont au font de votre crâne, là où vous les avez laissées.
J'ai tant à vous dire, mais les mots et surtout le temps me manque.
Une autre fois peut-être, si vous êtes capable d'entendre...
Sachez que le contenu de votre journal, ou plutôt votre quotidien, m'exaspère. Vos idées sont sales, pas par nature, mais entachées par votre quotidien. Réveillez-vous bon sang !
Je vie la Japon (et en général) aux antipodes.... et je peux tellement vous apprendre... pour peut que j'en ai l'envie.

Unknow
[cette signature... je n'ai pas honte de mon nom, mais moi, je sais que je suis personne. On me connait mais il n'est pas possible de se souvenir de moi. J'ai conscience de mon inexistante !
pas besoin de livre, d'oeuvres... pour cacher ma peur de disparaître]

2. Le mardi 8 avril 2008 à 05:23, par Berlol :

J'en crois pas mes yeux !
Désolé, je n'ai aucune intention de me dépouiller pour me mettre au niveau d'indigence que vous décrivez. Je peux comprendre votre colère mais je ne crois pas pouvoir en être le destinataire. Par ailleurs, si mon quotidien vous exaspère, vous n'avez qu'un clic à faire pour l'effacer de votre ordinateur et ne plus jamais y revenir.
Quant à ce qui est de disparaître, je viens déjà de passer une sale semaine...

3. Le mercredi 9 avril 2008 à 04:32, par Unkonow :

Vous n'en croyez pas vos yeux...!?
Etes-vous autoritaire ? Es-ce un signe ?
Je n'ai aucune colère à exprimer contre vous.
J'ai une saine considération. Mais pas d'admiration.
Bref, mes critiques plaisantes ou pas, se posent sur vos activités publiques. Et qu'il ne vous en déplaise, c'est ainsi. Si les propos contradictoires vous choquent, je vous invite à revenir dans l'ombre.
En ton cas, ce n'est pas par mon "clic" que vous prendrez ce chemin.
De plus, votre niveau de vie n'est pas une insulte aux pauvres (dont je suis membre sans honte). Ne vous appauvrissez pas pour une cause, vous n'en n'êtes pas capable (et vous n'êtes pas le seul). S'il y a indigence à aborder c'est sur le plan intérieur (spirituel, valeurs morales, narcissisme... a vous de choisir car je ne peux pas prendre votre place sur ce point).
Pour finir... vous avez peur ???
Auriez-vous des fantômes, cachés par un aussi brillant esprit ?
Il faut consulter !
Quant a moi, je n'ai pas peur de l'inévitable. Je ne suis pas présomptueux. J'attends la suite des évènements, le "destin", cette force que personne ne peut maîtriser. Ma prochaine vie sera meilleure, j'espère ! et tant qu'à celle-ci, je sais que je ne suis que locataire des moments passés.
Mais, Mr Berlol, il vous manque je ne sais quoi.... je pense sincèrement que vous êtes un esprit exceptionnel. Mais il y a quelque chose que je n'arrive pas à percevoir et qui me semble pas très normal. Je ne peux pas encore l'exprimer, difficile à cerner. Etes-vous authentique (ce que je pense) ou un être totalement faux caché sous un air très débonnaire ?
Je ne vous souhaite pas de mal, loin de moi une pensée aussi stérile, et je perçois vos propos concernant la semaine passée...
En conclusion, vous êtes bien le destinataire de mes critiques.
Votre ou vos réponse(s) me conforte en ce sens.
Unknow.

4. Le mercredi 9 avril 2008 à 06:02, par Berlol :

En attendant "la forza del destino", je lirai volontiers, de temps en temps, la progression de votre pénétration psychologique.



Lundi 7 avril 2008. Atteindre un record létal.

Si le ridicule tuait, la flamme olympique « du tibétain inconnu » risquerait d'atteindre un record létal. J'écris ceci avant sa traversée de Paris, alors que France Info annonce l'ampleur des moyens policiers et l'état de fébrilité des médias... La même radio ouvre un forum avec cette question très tardive — je n'en crois pas mes oreilles : fallait-il donner les jeux olympiques à la Chine ?

Pour prendre du champ, je suis parti très loin, vers Déméter, chez Brigetoun. Ça m'a fait du bien.

En cuisine, 'ai repris l'initiative. Salade d'okuras bien cuits (pour ramollir les fibres), avec purée de prune et kazuobushi. Steacks de bœuf bien cuits et purée de pomme de terre liée au yaourt (sans sucre et parce qu'on n'a pas de lait), relevée d'un filet d'huile d'olive. Ça se diversifie.
Dans l'après-midi, j'ai même droit à un chou à la crème au salon de thé Théobroma.
Film du soir, Timeline (R. Donner, 2003), où comment une équipe de scientifiques envoyés en France au XIVe siècle vont involontairement faire gagner les Français contre les Anglais et commencer à finir la Guerre de Cent Ans — inconsciente manière américaine de se rendre indispensables même quand leur pays n'existait pas encore. Au demeurant, un film pas désagréable.

Commentaires

1. Le lundi 7 avril 2008 à 03:10, par DM :

L'évoquer par la bande :
jamaisje.blogspot.com/200...
Cordialement,
DM.

2. Le lundi 7 avril 2008 à 04:01, par Berlol :

On vient d'annoncer que les "organisateurs" l'avaient éteinte, ou évacuée "vers un endroit inconnu", ou abritée dans un bus, qu'ils estimaient qu'il y avait trop de monde, trop de risques d'incidents. Un fiasco total, l'expression de la rue, et en même temps une succession incroyable de témoignages de sportifs à la radio, tous positifs sur les jeux et la Chine, sauf, surprise, Douillet, qui estime qu'il n'aurait pas fallu choisir de donner les JO à la Chine !
Bon, allez, j'ai d'autres trucs à faire, moi...

3. Le lundi 7 avril 2008 à 18:39, par Olivier :

A force de donner l'impression d'escorter l'ennemi public n° 1 (tous les pays cautionnent!!!), il est effectivement temps de se demander(pas vraiment en fait... hélas...) ce que vont donner les jeux... J'ai l'impression d'être revenu presque 100 ans en arrière, entre la crise de 29 qui nous (re)pend au nez ("grâce" à l'ultra-libéralisme qui pompe tout l'argent au bénéfice des actionnaires...) et une remontée nauséeuse des "fascismes" de tout poil... Cf. les emprunts, sus et insus (??), des lois françaises du gouvernement aux lois vichystes,
(sans parler des exploits chinois :
www.lemonde.fr/asie-pacif...
et des dérapages japonais...).
Enfin, dans tout ça, la bonne (excellente) nouvelle, c'est que Berlol se remet bien de son intervention!!!!! Ca soulage de savoir que certaines choses vont plus que bien!!!

4. Le mardi 8 avril 2008 à 03:29, par brigetoun :

esti-ll indispensable d'accoler de "valeurs" à ce beau spectacle, en plus du commerce et du nationalisme ?.
L'olympisme démasqué

5. Le mardi 8 avril 2008 à 04:33, par Christian :

Salut!
Je suis en retard pour te souhaiter un rétablissement complet. En japonais, ça donne:
どうぞ、ご自愛ください。
Pas mal, hein?
Au fait, tu passes combien de temps sur les sinogrammes chaque jour?

6. Le mardi 8 avril 2008 à 05:24, par Berlol :

Une petite heure. Merci de tes bons vœux.



Mardi 8 avril 2008. Soigner la maladie en éliminant le symptôme.

Fin de l'alerte.
Rendez-vous ce matin, avec T., à l'hôpital Toranomon, malgré les fortes pluies, pour m'entendre dire que mes deux polypes n'étaient pas cancéreux. Nous savions que c'était une possibilité, surtout du fait de leur taille, mais prononcer le mot durant cette semaine ne nous aurait avancés à rien. L'angoisse était sous-jacente. Le soulagement est, lui, plus extériorisé. On va déjeuner au Saint-Martin où j'ai droit à du poulet (du blanc, sans la peau) et à de la purée (à la place des frites). Et pas de vin, bien sûr. Pendant au moins un mois.
En fait, à discuter avec notre médecin traitant de ces ablations de polypes de plus d'un centimètre, telles qu'elles se pratiquent à la pointe de la technologie dans cet hôpital, et à écouter T. me résumer des articles un peu spécialisés en ligne, nous avons l'impression d'être pris entre les partisans d'une chirurgie lourde (plus d'un centimètre et demi : il faut ouvrir le ventre, on ne peut pas opérer avec le coloscope) et les pionniers forcément un peu aventureux, amateurs de jeux vidéos (et si les clips sautent, re-coloscope, c'est toujours mieux que d'ouvrir...).
Mais nous, on n'entre pas là-dedans. Ce que je vois, c'est que j'ai une cicatrice de trois centimètres et une autre de deux et que j'ai intérêt à me tenir à carreaux si je ne veux pas me reprendre deux litres de laxatif dans le colon...

En plus, il faut que je parte à Nagoya. Avec une petite valise, pas trop lourde. Dans le train, je finis Ravey... Le sujet du livre a été subtilement maîtrisé de bout en bout. Il faudrait étudier les emboîtements syntaxiques pour suivre sa façon légère, rythmée, de relier sans cesse personnes, voix et situations sans qu'elles s'amalgament en un continuum monotone. Dès le Fuji doublé, il fait grand soleil.

« Les historiens se dirigeaient silencieusement et d'un pas lent vers le grand escalier dont ils commençaient à gravir un à un les degrés. Mandrake, qui s'était engagé lui aussi dans l'ascension, s'arrêta net, c'était le signal du téléphone mobile. Il redescendit de quelques marches. C'était Allison. Je suis sur l'autoroute, lui dit-elle, au poste-frontière, Rebecca a été entraînée par Karl dans une histoire stupide, je me suis rendue à la police, il ne l'importunera plus, et elle regrette, elle regrette amèrement, vois-tu, elle est à côté de moi, elle te fait dire que tout va bien, Karl a disparu, il l'a menacée de mort, c'est pour cette raison que j'ai pris rendez-vous avec le commissaire, les inspecteurs disent que Karl est connu de leur service, ils disent que c'est une grosse affaire et que Rebecca était en danger [...] » (Yves Ravey, L'Alerte, p. 100-101)

Au bureau, après une rassérénante conversation avec David, j'écoute la radio. Deuxième étage du fiasco de la flamme : on parle maintenant de cesser son parcours international. Cela s'appelle faire l'autruche : il y a un énorme problème, feignons de ne pas le voir. Ou croire soigner la maladie en éliminant le symptôme. Je ne sais pas où on va, mais on y va.

Reprise de mes dîners en compagnie de Frédéric Taddeï et de ses invités. Le Ce soir ou Jamais du 1er avril est excellent.

Commentaires

1. Le mercredi 9 avril 2008 à 03:34, par brigetoun :

désolée de jouer les experts, le prélèvement de polype lors d'une coloscopie se pratique en clinique sans hospitalisation, de façon courante,à Paris. On n'opère bien entendu pas avant de savoir que c'est cancéreux et on évalue en ce cas quelle est l'intervention souhaitable.
Aller vers une prépondérance du commerce (avec ou sans guerre) et sur l'instrumentalisation du sport est ce que cela ne dure pas depuis des siècles ?



Mercredi 9 avril 2008. Passe du mur à l'homme.

Enchaînement rapide passage à la poste montée au bureau réception colis de livres Amazon apuration des comptes du stage d'Orléans courrier kraft avec dernier Meschonnic suite du tri courrier interne en déchiffrant le japonais comme je peux préparation premier cours des 2e année en lecture et phonétique d'abord exercices de sensibilisation avec les noms des régions françaises premiers essais de transcription et règles d'écriture vérification en pratique qu'à parler une heure trente les abdos se contractent pour que la voix porte inquiétude pour cicatrices retour appartement pour déjeuner pas question de m'intoxiquer à la cantine retour bureau à deux heures pour une réunion de département que suit de près une réunion de faculté total trois heures dont au moins une à lire Peslerbe ce qui est d'un total dépaysement et bonheur

« Au mur, sa sainte Agathe, une grande toile à l'huile 50 par 150, les seins coupés offerts sur un plateau. L'avait-il remarquée ? La femme marcha devant elle vers le coin cuisine, ses hanches et ses fesses n'avaient aucune rondeur. Une femme serpent, un château fort. Pour Elisa, ce fut une confirmation, elle en était réjouie. De sa voix d'expert, il lui dit qu'il s'agissait visiblement d'une fuite sous dalle. Il trouva le goutte à goutte sur un tuyau passant dans le placard sous l'évier. Le félon ! L'eau s'infiltrait sous le carrelage, puis sous la moquette, invisible. Elisa achevait de ne plus rien comprendre. C'était donc de sa faute ? La révélation lui parut cruelle, mais elle trouva beau ce savoir des choses relatif aux dégâts des eaux.» (Emmanuelle Peslerbe, Un Bras dedans, un bras dehors, Rodez : éditions du Rouergue, 2007, p. 10-11)

« Elisa se leva pour aller prendre la loupe dans le tiroir de la commode. Elle examina la fissure et les traînées qui coulaient du plafond. C'était rudement beau. Elle sortit une feuille de Canson, les pastels gras, l'essence. Elle déchira la feuille pour obtenir un effet « fissure » et commença de travailler les coulées. Les moisis. les bruns et les gris. Les estompés. Les moussus. Les liserés. Elle retoucha au crayon de bois. Elle lissa au doigt. Elle délaya au pinceau. Elle rajouta du blanc sur les parties trop sombres. Cela ne rendit absolument rien. Un désastre. Cela n'était que partie remise. Elle rangea et se servit une bière. Elle l'avait bien méritée.» (Ibid., p. 72)

Une histoire de fissure qui passe du mur à l'homme, une peintre en dégâts des eaux, un sinistreur sinistré et la preuve, par une écriture morcelée, légère, dentelée voire acérée, qu'avec l'identité sexuelle il n'y a pas d'insinuation gratuite.

Blanc de poulet et chou-fleur, sauce safranée, je déguste Ce soir ou Jamais du 7, avec Georges Lautner, Bertrand Blier et Olivier Marchal. Nombreux extraits de films, une avalanche d'anecdotes sur les acteurs et la production dans les années 60 et 70, l'originalité du style Lautner à la loupe. Quand c'est fini, je m'en repasse la moitié tellement c'est bon ça aussi.

Commentaires

1. Le jeudi 10 avril 2008 à 01:49, par brigetoun :

tentant, extrèmement, ce livre



Jeudi 10 avril 2008. On laisse tomber les billes.

Toujours crevant, un jeudi de cours. Alors un jeudi de reprise, pensez !
En plus, avec un nouveau collègue, fort sympathique, au demeurant, mais il faut du temps pour se parler, s'écouter. D'ailleurs, il vient d'arriver au Japon avec un visa working holiday, première expérience — oui nous on accueille aussi des premiers emplois et ça va sûrement se passer très bien.
Pour le séminaire de cinéma, j'ai laissé le choix pour commencer entre Cléo de 5 à 7 et De battre mon cœur s'est arrêté. La majorité s'est portée sur ce dernier. Je n'avais pas fait attention à quel point les dix premières minutes sont dans le noir (ça se passe la nuit, ils mettent des rats dans des immeubles) ; les étudiants étaient effarés, ne comprenaient rien, même avec les sous-titres. Ensuite, ils ont compris que c'était fait exprès. On n'a vu qu'une trentaine de minutes en s'arrêtant chaque fois au rendez-vous entre Thomas et son père ; ce sont ces rendez-vous qui rythment le films et le découpent en autant d'épisodes...

Encore un excellent Ce soir ou Jamais — je suis désolé de ne pas tarir d'éloges sur cette émission, et d'habitude je ne laisse pas mon tour pour dire ce qui me déplaît ici ou là. Mais là c'est le format, le ton, les plateaux, les contenus moins convenus qu'en aucune autre émission. C'est comme au pachinko, on tient la bonne position, on ne bouge pas et on laisse tomber les billes, en l'occurrence les remarquables débats qui se suivent, ne se ressemblent pas sauf sur les qualités d'intelligence et de convivialité. Bref, cette fois, c'est l'émission d'hier, intitulée comment sortir du bla-bla sur Mai 68 ? On peut reprocher ses positions à tel ou tel (July ou Glucksmann, par exemple), mais on doit reconnaître que leurs propos font avancer des idées en nous, en moi en tout cas.

Plus tard, je garde mon cap d'excellence en finissant le livre envoûtant d'Emmanuelle Peslerbe. Juste dommage qu'il ne soit pas trois fois plus long, même si je sais que la brièveté est dans son cas constitutive du projet d'écriture.

« Un soir, en regardant sa toile, elle se dit que cela ne donnerait rien. Cela ressemblait à s'y méprendre à un dégât des eaux.» (Emmanuelle Peslerbe, Un Bras dedans, un bras dehors, p. 106)

« Elisa avait redescendu à la cave le 60 marine et avait remonté une ribambelle de huit figures, bien plus facile à tendre et à manipuler. Elle les prépara toutes à l'épreuve de l'eau. Elle aimait mener plusieurs chantiers de front. Elle commença les auréoles, géantes, des traînées telles des rivières, des moisis comme des forêts. Un monde mystérieux, géographique. Nul besoin de montrer la fissure. À cette échelle, elle aurait pris des allures de Grand Canyon. Quand elle peignait, Elisa se sentait loin de tout, à l'abri de tout. Elle disparaissait aux yeux de tout. Dans le triangle des Bermudes. Elle pleurait de temps en temps. Sans savoir pourquoi. À cause du désastre. Des dégâts. Elle vivait dans son bocal. Personne pour l'observer. Dieu n'existait pas. C'était tant mieux.» (Ibid., p. 108-109)

Commentaires

1. Le jeudi 10 avril 2008 à 15:29, par jenbamin :

Zut, moi j'aurais plutôt voté Cléo : je ne l'ai jamais vue – une honte pour un habitant du XIVe.

2. Le jeudi 10 avril 2008 à 16:59, par Berlol :

Moi aussi, surtout parce que je l'ai beaucoup vu !... Mais les étudiants ont eu un peu peur du noir et blanc et de ce thème de la maladie. Mais ça sera pour plus tard.

3. Le vendredi 11 avril 2008 à 17:41, par Christian :

Salut!
Une info...
En passant sur l'annuaire libre dmoz, j'ai trouvé cette rubrique:
www.dmoz.org/World/Fran%c...
Je te conseille d'y ajouter ton blog.

Pour info, DMOZ est un annuaire "open source" dont les données sont reprises automatiquement par les annuaires les plus importants du web, dont l'annuaire Google. (je dis bien "annuaire")
Voici l'adresse de la version française:
www.google.fr/dirhp?hl=fr

4. Le vendredi 11 avril 2008 à 22:27, par brigetoun :

moi aussi Cléo parce que je l'ai beaucoup vu et plus encore rêvé. Par contre pour Ce soir ou jamais, il me lasse parfois par un petit côté "chic" plus récent que mes références du même genre. Et là, constater que pour parler de mai 68 étaient convoqués une fois encore July et compagnie, les propriétaires qui reécrivent à^posteriori pour leur plus grande gloire et l'appui de leur cynisme est chose suffisante pour que je passe au large.

5. Le samedi 12 avril 2008 à 07:32, par Berlol :

Merci, Christian ! En fait, je n'ai jamais inscrit moi-même mon JLR nulle part. N'étant pas en quête de notoriété ou de croissance de fréquentation de mes pages, je ne suis pas non plus très motivé pour me retrouver coincé entre les dénominations des autres inscrits. Et puis la catégorie "Inédits en ligne" que propose DMOZ me paraît contestable, et même contraire à la réalité : les sites listés sont bien "édités" et "en ligne". Le mot "Inédits" n'est donc utilisé que par rapport à ce que quelqu'un (?) a considéré comme une "norme", une "normalité", à savoir l'édition papier par un éditeur ayant pignon sur rue. Or, c'est bien contre cette normalité-là que je me bats en silence dans mon coin depuis quelques années. Depuis que tu m'en as donné l'occasion, cher Christian ! Bien amicalement.
Chère Brigetoun, je comprends votre réticence. Cependant votre curiosité m'avait habitué à ne pas vous voir arrêtée par des a priori. Comme je le signalais, j'ai aussi toute sortes de griefs à faire à July, Glucksmann et consorts, et cette émission ne les en dégage pas. Pour autant, j'ai trouvé le débat intéressant... Ceci dit, je comprends que vous ayez mieux à faire. L'offre est vaste et chacun fait ses choix à sa guise.



Vendredi 11 avril 2008. En torturant délicatement la page.

Le sport m'étant toujours interdit, je monte au bureau tôt pout faire du rangement ; tous les documents des cours et de l'administration de l'an dernier à ranger ou jeter ; ce qui fait aussi du sport. Au courrier d'hier, bien reçu Rashomon, le film en dévédé que ma sœur voulait m'offrir à Noël. Sauf que sa FNAC l'avait puis ne l'avait pas, a lambiné des mois, si bien qu'on est en avril... Mais cette fois, ça y est, il est entre mes mains, avec ses sous-titres en français.

Au courrier d'aujourd'hui. Grosse émotion en ouvrant l'enveloppe à bulles. Un ami très cher m'envoie les deux livres de Lutz Bassmann chez Verdier (coll. Chaoïd) : Haïkus de prison et Avec les Moines-soldats (en librairie le 2 mai)... TINA et quelques autres les avaient déjà annoncés. Belles photos de jaquettes représentant des lieux délabrés, des débris d'objets indéterminés. Il y aura un site web à partir du 15 avril. J'en lis des bouts en finissant mon rangement, entre les visites à la scolarité et à la bibliothèque (début d'année universitaire oblige) et le déjeuner avec David et deux autres collègues, chez Downey où je mange à peu près normalement mes sandwichs.

« Les surveillants sifflotent dans le couloir
le moine a entendu dire
qu'ils avaient tué un politique
[...]
L'organisation s'est constituée
les conditions objectives pour la révolte
se font attendre
[...]
En pleine nuit il y a eu un silence
ça a réveillé
tout le monde » (Lutz Bassmann, Haïkus de prison, Paris : Verdier, 2008, p. 14-15)

En regard de la page de titre intérieur, une page intitulée « Voix du post-exotisme », avec une liste d'œuvres de Lutz Bassmann, Manuela Draeger (à l'École des loisirs), Elli Kronauer (à l'École des loisirs et chez Byline) et Antoine Volodine (chez Denoël, Minuit, Gallimard et au Seuil). Comprenne qui pourra. Ajoutons qu'une vingtaine de haïkus bassmanniens avaient déjà paru en 2005 dans la revue Hypercourt, n°5, éditions Ère, et d'autres dans la revue Éponyme, n°2, certains repris dans le blog Chin Chin Pui Pui (« guili guili », en japonais).
En torturant délicatement la page Google, je lui ai même fait cracher La femelle du requin, qui avait commis quatre articles sur Volodine dans son rude numéro de l'hiver 2002 — des plumes perdues de Sylvain Nicolino, Sébastien Omont, Laurent Roux et quelques réjouissantes impostures...

Quand trois heures approchent, je m'enfuis... Direction, la capitale. Et T. qui m'attend pour un bilan santé de la semaine. Dans le shinkansen, je ne sais pas ce qui s'est passé, j'ai complètement traversé de part en part le Bambi Bar et ça m'a beaucoup plu. Yves Ravey aime décidément bien finir le boulot à l'explosif, ce qui ne serait pas pour déplaire aux personnages déjantés de Sukiyaki Western Django (T. Miike, 2007) que nous regardons en dînant.

« Le soir, Monica est restée seule avec sa fille, Maurice est revenu après le dîner. Caddie a regagné sa chambre et Monica a enfilé une veste de tailleur. je me suis dit que c'était peut-être l'occasion.
J'ai quitté l'appartement. j'ai pris par la cour et j'ai traversé la rue tout en vérifiant que la voiture de Maurice n'était plus là. Enfin, je suis monté à l'étage. J'ai frappé à la porte et j'ai demandé si j'étais bien chez Caddie, la fille de Monica. Personne n'a répondu. J'ai insisté. Elle pouvait ouvrir, elle ne courait aucun risque. Rien n'a bougé. je me suis rendu à la petite fenêtre du couloir qui donnait sur la rue vérifier que Maurice n'était pas déjà de retour.
[...]
— tu comprends, Léon, a dit Maurice, je suis bien ennuyé. Alexander et moi on se pose des questions, on aimerait que tu nous dises à quoi sert la paire de jumelles dans ton appartement. Le gardien de ton immeuble est venu prendre un verre au bar, et on a discuté. Il a dit qu'il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez toi, et il nous a proposé de visiter ton appartement. Alors nous, tu nous connais, Léon, on ne te veut pas de mal, mais on l'a suivi et il nous a ouvert la porte.» (Yves Ravey, Bambi Bar, Paris : Éditions de Minuit, 2008, p. 38 et 75)


Samedi 12 avril 2008. Jamais vu ni fourmilière ni talon.

« Il y a un grand charme à quitter au petit matin une ville familière pour une destination ignorée.» (p.11)
« Je trouvais un charme à cette vie retranchée.» (p.28)
« Je m'asseyais, toujours un peu troublé par cette estrade qui semblait appeler un auditoire, mais bientôt enchaîné là comme par un charme.» (p. 31)
Telles sont les trois occurrences du mot pour les pages qui occuperont ce matin notre cours sur le Rivage des Syrtes. Il y en a une dizaine d'autres dans l'ensemble du livre, dont une où le mot « aimantée » (p. 216) est dans le contexte proche. Petit à petit, le narrateur distille l'idée d'une attraction dont on ne saura jamais si elle ressort de la magie ou de la destinée — à moins que ce soit la même chose. Cette indécision sur la cause ou l'origine de ce qui le meut est bien l'inconnue majeure du narrateur. Par ailleurs, en effet, il sait déjà tout ce que nous ignorons et prend un malin plaisir à ne pas se presser. Le lecteur doit serpenter, mariner, grenouiller, faire des détours, se perdre dans des labyrinthes de mots, se farcir des tartines de cheveux coupés en quatre, atermoyer les chapitres pour être à ton diapason, Aldo, hein !
Cependant, à bien le regarder, ce charme — et c'est à ça que sert l'explication littéraire, si elle sert jamais à quelque chose —, on peut constater qu'il est précisément la forme donnée, par Gracq, à l'esthétisation d'un téléologisme exactement spenglerien : un pays décati et barbant, drapé dans sa fierté ; en face de lui, un pays bouillonnant, bigarré, sauvage ; et, naissant de ce différentiel, un tropisme de « rajeunissement » (p. 15). L'esthétisation mais aussi la narrativisation, si je puis dire, car pour que le phénomène civilisationnel des vases communicants commence, les forces inconscientes de l'histoire ont besoin d'un catalyseur. Et c'est le catalyseur qui nous parle, après avoir joué son rôle...
Pour ce matin, je ne peux pas encore parler d'Oswald Spengler, j'en resterai au beau voyage jusqu'aux Syrtes, dont la définition oscille entre le « fond » et le « front » (p. 11), à l'arrivée à l'Amirauté, à la rencontre du placide capitaine Marino, aux premiers mois d'habitudes, jusqu'à la découverte du « lieu attirant » par excellence (p. 30), la chambre des cartes — et sa bannière au mur, d'abord vue comme une « large tache de sang frais » (p. 31).
J'en profite pour détailler la structure canonique de la comparaison universalisante de type gracquien (on en citerait des centaines dans ses œuvres). Elle contient un comparé avec déictique, suivi d'un comparant sous forme de relative avec verbe au présent, implication du lecteur et métaphore post-surréaliste.
Exemple : « [lorsque je suivais] cette naïve activité villageoise [...] je sentais monter en moi cette fascination d'étrangeté qui nous tient suspendus à suivre le remue-ménage d'inconscience pure d'une fourmilière sous un talon levé » (p. 28). L'image est forte, osée, mais parfaitement reconnaissable pour un lecteur qui, du coup, se dit que, oui, il comprend bien ce que ça veut dire, un lecteur qui est content d'être allé puiser dans son propre fonds d'images pour participer à la lecture — à moins qu'un lecteur n'ait jamais vu ni fourmilière ni talon...

Repos bien mérité avant d'aller au Saint-Martin. Cette fois encore, poulet-purée, mais j'ai le droit de manger aussi la peau... Parce que j'ai été un convalescent très sage.
Quelques courses, lectures et courrier. Tiens ! du Manchette à l'horizon ! Et ceci qui me fait plier de rire tellement ça sent LE truc qu'il faut dire pour que tout le monde la ferme : « Olivier Nora, le patron de ­Grasset, a dit sa crainte de voir ces agents asphyxier l'édition française. Il a tenu à souligner que le métier des éditeurs repose avant tout « sur un système de mutualisation et de péréquation des risques », et que les profits dégagés sur certains auteurs permettent d'investir sur d'autres publiant une littérature plus difficile ou des essais plus exigeants sur lesquels la maison d'édition investit durablement.» Qu'on me cite UN éditeur qui fait encore ça ! Un seul !

Film du soir : Le Prix du désir (R. Andò, 2007). Pas inintéressant, mais un peu mou du genou. Anna Mouglalis est excellente de duplicité mais Daniel Auteuil reste trop retenu, comme s'il était chez Haneke. De la musique répétitive pour lanciner le spectateur. Mais à trop lanciner, on énerve. Et puis il pleut décidément trop, à Genève.

Commentaires

1. Le dimanche 13 avril 2008 à 08:04, par brigetoun :

élève attentive et ravie même si la petite fièvre la gêne pour prolonger la réflexion
non pas retourner mais entreprendre des études ?

2. Le lundi 14 avril 2008 à 03:45, par Berlol :

Et encore onze heures d'interruption de l'accès ! Merci Globat !

3. Le lundi 14 avril 2008 à 05:08, par Berlol :

Au temps pour moi : on me rapporte qu'il y a encore des éditeurs qui font la péréquation. Enfin, un, pour l'instant. J'attends la suite. J'en publierai la liste...



Dimanche 13 avril 2008. Tire sur la corde larmifère.

Pas grand-chose... Fait pas beau. Froid, même. On voulait sortir, on décide de pas.
Quelques courses pour le déjeuner et je prépare tomates, concombres et côtes de porc.
Et le billet sur Gracq, qui me prend un peu plus de temps que d'habitude.
On se passe La Môme(A. Dahan, 2007). Long, sirupeux, un tout petit peu pédagogique. En un mot, chiant. Vrai que Cotillard joue bien ! Faudrait voir d'ailleurs combien de pour-cents du film elle n'est pas dans le cadre. À leur décharge, faut dire que déjà depuis toujours je n'aime pas Piaf, sa gouaille — le sentimentalisme chialeur, en général. Alors forcément, un film sur Piaf qui ne montre qu'elle, qui tire sur la corde larmifère au détriment de la vérité historique — parce qu'ils ont quand même fait disparaître la Seconde Guerre Mondiale, la liaison avec Montand (comme la plupart des autres liaisons, d'ailleurs), ou la carrière cinématographique. On a beau se dire que ce n'était que le film de la môme qui était à l'intérieur de Piaf — et non le film de Piaf elle-même — mais ça déçoit quand même pas mal. Enfin, au moins une chose me fait plaisir, je n'ai pas acheté le dévédé : T. l'a emprunté jeudi à la fac et elle va le rendre cette semaine.

Heureusement qu'il y a Lutz !

« Sur la grisaille hostile du ciel
les barbelés dessinent
une touche d'humanité »
(Lutz Bassmann, Haïkus de prison, p. 19)


Lundi 14 avril 2008. Même un attentat dans la cour.

Encore onze heures d'interruption chez Globat ! Du coup, je suis allé faire un tour sur des blogs ou des forums où l'on disait pis que pendre de cet hébergeur. Et de s'échanger des noms d'autres. Dont on se plaint ailleurs. Et ainsi de suite. Je suis passé à autre chose...
Enfin j'achève la réduction à 20.000 signes de mon intervention de Cerisy sur Mérimée, avec les références comme les veut l'éditeur. C'est parti.
Déjeuner au Saint-Martin. J'y mange mon plat normalement. N'y a que le vin et le café auxquels je n'ai pas droit. Puis on marche une heure, entre grisaille et soleil pâle — l'astre serait-il convalescent, lui aussi ?

J'ai regardé le Bateau Livre de la semaine. J'aime beaucoup Ariane Ascaride. J'espère voir bientôt le film de Guédiguian. Ce Monde-là de François Taillandier m'intéresse aussi beaucoup. Florence Delay, j'ai toujours eu plaisir à l'écouter, et de très bons souvenirs de lecture. Mais je ne sais pas pourquoi, quand elle parle de corrida, de la mort sublime du taureau fier, encore opposée à celle indigne et horrible de l'animal de boucherie, là, je n'arrive plus à admirer l'auteur de L'Insuccès de la fête. Continuer à faire valoir ce discours de la noble tradition qui ne doit cesser, et cet anthropocentrisme de prêter à l'animal des sentiments et même des concepts humains, c'est ce qui me déçoit beaucoup chez cette femme si intelligente.

TV5 Monde programmait ce soir une adaptation récente du Silence de la mer (Boutron, 2004) de Vercors. Après le film de Melville de 47 et avec un texte originel à la fois juste, mince et sévère, il paraissait difficile d'arriver à faire autre chose. Résultat mi-figue mi-raisin. Je crois qu'on a ajouté quelques épisodes pour contextualiser, et même un attentat dans la cour — il faut que j'aille vérifier dans le livre. Dans un sens, cela resserre l'action dans son lieu, donne plus de poids aux émotions (mal) retenues, dans l'autre cela trahit l'œuvre et massacre sa finesse. Pas sûr du tout que Vercors aurait validé ces bonnes intentions pédagogiques.

« Le directeur fait un discours
le vent souffle en rafales
on n'entend rien »
(Lutz Bassmann, Haïkus de prison, p. 27)

Commentaires

1. Le mardi 15 avril 2008 à 01:04, par vinteix :

Quel bonheur de relire "Le Rivage des Syrtes" !!
bon, j'ai 3 jours de retard... pour sortir cette banalité... mais "la clé" est parfois dans "le simple"...
Prétexte aussi à un salut amical en passant et te dire à bientôt (fin mai à Tokyo...)



Mardi 15 avril 2008. Essence du lieu (ontologique, forcément).

Déjà le 15 ! Je n'en reviens pas, déjà un mois que nous sommes revenus d'Orléans. Ça me paraît être la semaine dernière. Sauf qu'il y a eu la parenthèse endoscopique qui laisse à l'esprit une sensation bizarre. Maintenant que tout va bien et que je me nourris presque normalement, je continue à me demander où ça en est là-dedans, si ça cicatrise bien, si je peux porter tel sac de livres ou courir au feu orange, des fois que la cicatrice se rouvrirait... Mais à défaut de caméra embarquée, aucun moyen de savoir, donc suivre les conseils de prudence encore deux semaines, même si ça ne sert à rien.

Dans le shinkansen, j'écoute plusieurs interventions du colloque Butor d'octobre 2006 à la BnF, intitulé « Déménagement de la littérature » (enregistré en janvier 2007 sur France Culture). Très intéressant, dans l'ensemble. Certaines interventions déjà écoutées deux ou trois fois puisque ça reste toujours dans mon baladeur numérique. Il arrive toutefois que des intervenants dominent tellement leur sujet qu'ils le perdent de vue, je veux dire qu'ils ne citent plus les textes, ne font plus d'analyses de détail. Ce ne sont plus des recherches, à mon avis, mais des considérations. La plus enrichissante, pour moi, c'est l'intervention de Michel Collot, à propos du « génie des lieux » — qui vient nourrir mon propre questionnement sur l'essence du lieu (ontologique, forcément).
Si l'on se souvient de ma commande de livres d'août dernier, on peut se dire qu'il doit y avoir quelque chose en préparation... Mais pas pour tout de suite.

Le Blogue de la médiathèque de Lisieux nous fait un superbe cadeau : une copie d'un tableau de Henri Brispot représentant la récipiendaire Catherine Leroux aux comices agricoles (de Madame Bovary, bien évidemment).
Autre sujet d'édification : un Mai 68 en bandes dessinées, ça c'est dans Le Monde de ces derniers jours (et jusqu'au 6 mai).

Deux cours sans histoire. Dîner avec Ce soir ou Jamais d'hier, d'abord avec Michel Serres et Jean Nouvel, débat de haut niveau sur l'architecture, suivi d'une discussion (sans Serres ni Nouvel) sur l'Italie au lendemain des élections. On n'y évite pas quelques cacophonies mais je m'aperçois que ce que je savais de l'histoire récente de l'Italie était proche du zéro pointé. J'en sais sans doute plus sur l'Italie de la Renaissance que sur l'après-Mussolini. Honte à moi...

Commentaires

1. Le mardi 15 avril 2008 à 14:06, par Philippe De Jonckheere :

Le mai 68 en bande dessinée du Monde, c'est à peu près le degré zéro de la bande dessinée. Je me demande si je ne préférerais même pas les dessins de Jacques Faizant, plutôt que ce truc sans forme.

Amicalement

Phil

2. Le mardi 15 avril 2008 à 15:44, par Berlol :

Assez d'accord avec toi. C'est le sens que je donne à édification, en me demandant ce que de jeunes lecteurs (si Le Monde en a) pourront y comprendre...

3. Le mercredi 16 avril 2008 à 02:13, par brigetoun :

surtout il y en a un peu marre de cette officialisation avec vedettes autoproclamées dans laquelle je retrouve assez peu de mes souvenirs (pas mal la planche sur les désaccords entre les groupes constitués tout de même, mais un détail :combien d'étudiants à l'époque avaient une auto ?)



Mercredi 16 avril 2008. Tond la laine avant même qu'elle ne pousse.

Hhhan ! On a trouvé des grosses traces d'inflation ! Jusque dans les chiffres truqués des ministères — ils en profitent pour répercuter d'un seul coup tout ce qui était resté sous le coude. Tu penses, quelle aubaine, ce pétrole ! Et maintenant les céréales ! demain, le slip sera plus cher !
La semaine dernière, en rangeant des documents dans mon bureau, je suis tombé sur un magazine de septembre dernier qui détaillait déjà toutes les augmentations de la rentrée. Et c'était avant l'envolée spectaculaire du pétrole. La mondialisation est en train de devenir non pas le prétexte comme on le croyait mais bien le terrain d'une véritable terreur économique organisée par les grands groupes industriels et les groupes de spéculation boursière, sur le dos des populations dont on tond la laine avant même qu'elle ne pousse, et dirigée contre les gouvernements à qui l'on remontre ki ki ksè qu'a le pouvoir, hein !

J'aime bien quand Lionel s'énerve — ça donne un sashimi de vraie vie, un truc cru, forcément. En voilà un qui ne se laisse pas tondre sans regimber.

De mon côté, un cours et une réunion. Entre les deux, je déjeune à la maison et je prépare les documents officiels pour mon voyage du mois prochain : il faut une demande d'autorisation de voyage à l'étranger pour colloque, une demande de budget de recherche, une déclaration pour les dates d'absence de la faculté et une demande de remplacement des cours, assortis d'une lettre d'invitation, d'une photocopie de mon billet d'avion, d'un programme de colloque sur lequel mon nom figure, de ma proposition initiale et du texte de mon intervention. Tout est prêt, sauf le dernier document. Je trouve d'ailleurs aberrant que le texte complet soit demandé, comme ça, des semaines à l'avance, alors que la plupart des chercheurs continuent à travailler et à modifier leurs textes d'interventions quasiment jusqu'au jour du colloque...

Quelques coups de téléphone ont tout de même pu être donnés et reçus et l'on se retrouve à six pour dîner au restaurant de poulet Toriden, entre l'Alliance et la station de Motoyama. Sophie, Andreas et Benoît sont très heureux de reformer le groupe qui fête sa première année d'existence. Ma collègue C. se joint à nous pour la troisième fois tandis qu'un collègue de plus de 10 ans à Tokyo qui vient de prendre son poste dans une université à deux pas d'ici découvre pour la première fois qu'il y a de la vie francophone à Nagoya.
On s'est retrouvé dans ce restaurant un peu par ma faute puisque j'ai posé mes conditions diététiques mais il faudra trouver mieux dès la semaine prochaine. Il y avait un énorme groupe d'étudiants dans la salle donnnant sur la rue, les petits salons tous pleins, on nous a fait entrer dans une pièce en forme d'œuf, si si !, avec une table ovale et juste six places. Mais on s'est bien marré quand même. Les vacances de chacun, quelques détails (ma non troppo) sur la coloscopie, la comparaison des stages d'étudiants à l'étranger, la vie subversive à Orléans, et même un peu de littérature puisqu'il est question de Muriel Barbery à Kyoto.

« Près du trou à pisse
le bonze médite sur l'enchaînement des causes
et des effets »
(Lutz Bassmann, Haïkus de prison, p. 56)


Jeudi 17 avril 2008. Sorti du noir, Lutz.

07:51. Ça y est ! Il est sorti du noir, Lutz Bassmann ! Il a même des visages. Enfin...

22:09. Trois cours, un déjeuner et un dîner plus tard, le tout sous des pluies qui n'intéressaient personne, je me rebranche au flux et je constate une recrudescence de connexions sur ce minuscule billet de seize mots. Je me dis : Waouh ! quel succès pour l'ami Lutz ! et en regardant le détail des arrivées, je constate qu'une bonne partie vient d'un billet de François Bon, le numéro 1250, lui-même branché sur Claro. Avec humour, le billet de François tente un enveloppement stratégique des récents champs de ruines volodino-bassmanniens, éventant et décryptant un complot mondial. Il fait même mine de croire qu'on pourrait se fâcher, lui et moi, à cause de ça — alors que je suis mort de rire, et Antoine, Maria et Lutz aussi sont morts de rire, et quelques autres aussi vraisemblablement. Et le 12 mai est encore loin. Je prédis qu'il y aura des queues dignes d'un lancement harry-potterien.
Mais qu'il me soit permis de revenir sur la figure sémantique assez baroque que nous propose le slogan bassmannien : « Seuls ceux que j'aime, seuls ceux que j'aime, écoutez ! » On remarquera tout d'abord qu'avant même d'être considérée en contexte dans un livre (p. 97 d'Avec les Moines-soldats qui n'est pas encore en librairie), l'adresse nous est proposée hors-contexte, c'est-à-dire universalisée : pouvant être reçue et entendue partout où le réseau s'immisce. La lecture de cette phrase implique, pour être comprise, que le lecteur, sans même s'en rendre compte, présuppose et envisage d'un même mouvement mental une communauté auditive, une sorte de foule à portée de voix dont il fait tout aussi soudainement partie. Toujours dans le même mouvement de pensée, cette foule est séparée en deux : ceux que j'aime et les autres — présupposant aussi que ceux que j'aime peuvent savoir que « je » les aime, qu'il y a donc une historicité permettant cette connaissance et conséquemment cette re-connaissance. Et il y aurait alors, postulée par l'apostropheur, la possibilité que ceux que j'aime écoutent, et seulement eux. C'est-à-dire que les autres, ceux que je n'aime pas et qui doivent bien le savoir devraient pouvoir ne pas écouter, en l'occurrence partir, disparaître ou avoir le don de se rendre sourds. Sans compter que le « je » reste indéfinissable, peut-être seulement reconnaissable par ceux qu'il aime, justement... Mais dont on ne sait s'ils l'aiment.
Vu de l'extérieur par un lecteur qui ne se prend pas pour un de ceux que j'aime, ce slogan propose un empilement d'au moins quatre présupposés impossibles, ou fortement irréalisables, manifestant par là l'extrême et absurde idéalisme de celui qui parle — dont on est convaincu à l'avance, par un retournement intellectuel de la figure sémantique, qu'il parle dans le désert, sans aucune chance d'être écouté par qui que ce soit. Alors même que nous sommes en train de l'écouter...
Faite de mots simples, et en apparence banale, cette apostrophe est en réalité une véritable bombe mentale — pour qui veut bien réfléchir.

23:59. (Seuls ceux qui pensent, seuls ceux qui pensent, réfléchissez ! )

31:23. L'apostrophe dichotomisante n'est toutefois pas impossible par principe. Que l'on pense à :
  • Seuls ceux qui ont déjà leur billet, montez dans le train !
  • Seuls ceux qui ont mangé du jambon du lot 45872, rendez-vous aux urgences de l'hôpital !
  • Seuls ceux qui sont très fortunés, soyez exonérés d'impôts !

Commentaires

1. Le jeudi 17 avril 2008 à 09:48, par F :

c'est quand même bien, de se fâcher de temps en temps ? - tu pourrais me redonner lien de Volo t'accompagnant pour acheter valise ?

2. Le jeudi 17 avril 2008 à 14:09, par christine :

et nous autres qui ne pouvont nous faire une idée, en lisant ces textes, de qui en est l'auteur ... on compte les points ?
on se demande si Berlol n'en serait pas l'auteur caché ?
lol !

3. Le jeudi 17 avril 2008 à 15:19, par Berlol :

Se fâcher, oui, disputatio, la fâche rhétorique. Pour la valise, y'avait qu'à chercher Badinier et Volodine pour arriver au 6/9/2006...
À propos d'auteur, Christine, il est intéressant d'aller voir l'historique de la notice de Lutz Bassmann dans la Wikipédia. On y découvre que ce sont ses amies Ingrid Vogel et Ellen Dawkes qui ont créé sa notice, toutes deux novices dans l'encyclopédie, suivies cette nuit même de Mu (無, rien, néant), utilisateur lui-même confirmé mais dont l'identité n'est pas moins tentaculaire et problématique... Je crois que les réseaux secrets du post-exotisme littéraire ont déjà rejoint ceux de l'encyclopédisme pré-révolutionnaire, au grand dam d'Assouline-le-Pur.

4. Le jeudi 17 avril 2008 à 21:26, par F :

Lutz Bassmann (le vrai) m'a informé vouloir transmettre SP à LdF et Désordre me suis permis communiquer adresse postale

5. Le jeudi 17 avril 2008 à 22:44, par brigetoun :

dans mon cas vos trois lignes ont précédé la retrouvaille chez François Bon et la suite.
Impeccable le billet, même si c'est pour seuls ceux qui l"ont lu.
Et gouteuse la chute

6. Le vendredi 18 avril 2008 à 03:13, par christine :

merci pour ces "éclaircissements" et l'exercice de style, en effet très réussi, berlol : rien (Mu) ne le prouve pas, en somme ?
... et merci beaucoup pour le SP demandé au "vrai", F !



Vendredi 18 avril 2008. D'où qu'automatiquement.

Chloé Delaume nous livre un bout de sa pièce de 2009, Eden matin midi et soir. Ce n'est pas sans intérêt. Résistance secrète, enfermement, groupuscule incertain, délire de lucidité : elle pourrait presque s'inscrire au club très fermé du post-exotisme... Mais pourquoi avoir appelé Adèle l'ennemie, celle dont on a voté la mort ? Dans le passionnant de l'écriture se glisse le ridicule du calembour. Et l'on se dit : quand même, elle ne va pas nous la faire ? Non, pas elle !

Éric Chevillard, de son côté, commente la suffisance d'un certain Richard Millet dont le désir manquerait cruellement à l'Afrique. Cela suffit sans doute à discréditer Millet, même en retrouvant le contexte de la citation, et chacun voit tout ce qui se cache derrière la fausse finesse d'une défense argumentée. Mais je ne peux m'empêcher de relever que Millet garde de l'intérêt pour la « chrétienne Éthiopie », ce qui semble sous-entendre que c'est seulement parce qu'elle est chrétienne, d'où qu'automatiquement le reste de l'Afrique est sans intérêt parce que non-chrétien — ce n'est peut-être pas du racisme mais ça va très loin dans la connerie.

Rien que ça dans le ventre au petit déjeuner, ça permet déjà de voir venir. Je m'occupe ensuite de courrier, de rangement de factures, de regrouper des documents épars dans un seul meuble (ça prendra encore des semaines) en écoutant Ce soir ou Jamais de mardi — amusant coq-à-l'âne : on débat du succès des Ch'tis, de la mort volontaire, de la cacophonie gouvernementale et des devoirs des chômeurs.
Déjeuner avec David. Nous allons sous la pluie jusque chez Rhubarb pour une bonne crêpe complète. Après quoi, je passe encore plus de deux heures à boucler mon dossier administratif pour le colloque de mai (c'est autant de temps que je ne peux pas consacrer à la rédaction de mon intervention, et ça, l'administration ne semble pas le comprendre...).
Quand j'arrive enfin à m'enfuir, je file au shinkansen de 17h40 dans lequel je relis quelques leçons de japonais.

Henri Béhar diffuse sur la liste Mélusine la lettre de démission du Parti Communiste d'Aimé Césaire (attention : le paragraphe qui commence par « [p.3] Ici Aimé Césaire » est un commentaire oublié dans le texte original). Elle date du 25 octobre 1956, jour où Eisenhower condamnait avec force l'intervention des troupes soviétiques en Hongrie (occasion de découvrir l'étonnant site des archives européennes) tandis que le journal Tintin publiait la Justice des samouraïs. Le même jour — c'est quand même autre chose — Allen Ginsberg lisait un extrait de Supermarket in California à l'université de San Francisco (dans la Revue des Ressources, bellement modernisée !).
Voilà comment je me distrais avant de retourner sur le front des Syrtes...

Commentaires

1. Le vendredi 18 avril 2008 à 11:27, par Philippe De Jonckheere :

Franchement, cela t'étonne de Chloé Delaume, de donner dans la facilité et le calembour troué aux mites?, il m'avait au contraire semblé que depuis son seul et unique livre, "le cri du sablier", ce n'était précisément que cela. Et je me souviens distinctement m'être demandé quel livre elle pourrait écrire après "le cri du sablier". A mon sens elle n'a pas encore répondu à la question.

Mais apparemment il est également possible qu'elle ait des comptes à rendre avec une Adèle au point de vouloir une morte Adèle.

Amicalement

Phil

2. Le vendredi 18 avril 2008 à 14:43, par christine :

je ne suis pas d'accord concernant Chloe Delaume : "Le Cri du Sablier" est pour moi, à cause de son thème lourd, un livre d'une certaine façon "facile" et "à l'estomac" (qui d'ailleurs avait valu à son auteure pas mal d'invitations sur des plateaux télé) : je l'avais trouvé intéressant mais j'ai préféré les suivants

quant aux calembours, ils ont du bon : l'excellente et réjouissante chute de Chevillard, "piler le millet", après tout ce qui précède, remplace très avantageusement toute réfutation "logique" des arguments de Millet

3. Le vendredi 18 avril 2008 à 15:17, par Berlol :

La différence entre les deux étant précisément l'humour, et la distanciation qu'il occasionne...
(Je ne dis pas que Chloé n'a pas d'humour, mais que ce n'est pas le même.)



Samedi 19 avril 2008. Vergogneuse flamme inolympique.

Au champ lexical de charme (18 occurrences), aimant (6), magnétique (6), magie (11) s'oppose celui d'ennui (39), inertie (15), etc. On peut raisonnablement supposer que la fréquence des mots de ces deux champs est supérieure dans Le Rivage des Syrtes à ce qu'elle est dans la plupart des livres de même volume. À l'ennui d'une vie tranquille, d'amours faciles et de carrière toute tracée, le narrateur préfère l'attraction qu'exerce un fantasme mal identifié. Tout cela reste abstrait.
Mais la fin du deuxième chapitre apporte un premier élément matériel : la silhouette d'un bateau clandestin au clair de la lune. Dès le lendemain matin, chapitre 3, le ton monte dans le bureau du capitaine, entre celui-ci, Marino, partisan de l'inertie, et Aldo, partisan de l'action. Marino tient alors cet extraordinaire propos sur la fragilité de tout équilibre, qui n'est qu'apparemment stable. Et pire encore quand trois siècles d'histoire se sont entassés dans les plateaux de la balance : « un comble d'inertie » (p. 48) car le déplacement d'une petite quantité de loyauté ou de conviction peut très bien faire écrouler tout l'édifice...
En attendant d'aller de l'avant — équilibre littéraire oblige — le narrateur revient quelques années en arrière pour évoquer sa rencontre avec Vanessa, la « reine du jardin » (51), femme fatale et centripète, partout chez elle et toujours capable de « planter tout à coup ses tentes en plein vent »(78) — très dans la façon de Breton, son portrait. Aldo nous réserve ainsi de ces plongées dans le passé, destinées à chercher toujours plus loin les sources de sa vocation, jusqu'à se croire prédestiné, après avoir été comme averti par Vanessa que « la ville avait trop vécu et que son heure était venue » (55). Il pourra bientôt commencer à jouer « l'apprenti sorcier » (57).

Suis très étonné de recevoir un courrier de France à l'Institut ! Et avec de si beaux timbres ! C'est Richard qui, n'ayant pas mon adresse, m'envoie ici le programme de la rétrospective Kijû Yoshida de la cinémathèque de Beaubourg et un article découpé dans un journal sur... la prévention du cancer colorectal. D'une belle écriture à la plume, il exprime son plaisir d'avoir rencontré le maître et son actrice et compagne, Mariko Okada venus présenter les films. Grand merci, Richard, vraiment !

Au Saint-Martin avec T. et Laurent. Bientôt trois semaines de cicatrisation ; j'ai enfin droit au poulet-frites ! C'est peut-être un détail pour vous...
On discute avec exaltation de la situation des universités. Et de pourquoi je ne suis pas allé à la conférence de Jean Échenoz à l'Université de Tokyo — ni ailleurs : pour avoir déjà pu apprécier sa modestie et sa discrétion, je sais toutefois que le rencontrer dans un cadre officiel n'apporte rien de plus que la lecture des œuvres. Cela dépend des auteurs. Ce n'est ni une qualité ni un défaut. Et surtout pas un reproche.
Alors qu'aux universités, il y aurait beaucoup à reprocher ! À commencer par leur clientélisme, au point que beaucoup d'étudiants et de parents croient maintenant acheter le diplôme de fin d'études dès l'entrée en première année. Qu'un professeur veuille coller un cancre de 4e année et c'est l'université elle-même, aiguillonnée par les parents, qui veut faire un procès à son employé ! Non mais où va-t-on ?

Dîner avec La Forteresse cachée (Akira Kurosawa, 1958). Tout simplement sublime !

Le saviez-vous ? La France n'est donc pas (plus ?) un pays souverain. À l'occasion du passage de la flamme olympique, elle a laissé une autre police (?) que la sienne faire la police sur son territoire. Ce n'est pas le cas de l'Australie, qui refuse ces voyous (dixit Sebastian Coe à Londres), si j'en crois Eolas. Le Japon, dans la perspective du 26, s'est clairement exprimé dans le même sens ; la Chine souhaite quand même avoir deux hommes en bleu... Enfin hier, un temple bouddhiste de Nagano a déclaré en substance : elle ne passera pas par moi !
Qu'en sera-t-il ?...
C'est ce que vous saurez en suivant les prochains épisodes de La très Riche Chronique de la Vergogneuse Flamme Inolympique de l'An de Grâce 2008. Sur tous les écrans.


Dimanche 20 avril 2008. Synecdoquant sans le savoir.

Sarkozy et la Princesse de Clèves.
Le problème n'est pas que Sarkozy abhorrerait spécialement cette œuvre-ci plutôt que d'autres, mais bien qu'en fait et jusqu'à aujourd'hui il n'a pas réussi à retenir un seul autre titre d'œuvre littéraire. Synecdoquant sans le savoir, le monsieur Jourdain que les Français ont porté à l'Élysée emploie ce titre pour désigner l'ensemble de la littérature. Et ce, pour dire et répéter sa conviction que la littérature n'a été inventée que pour embrener les pauv' gars qui passent des concours de catégorie B.
Il n'y a donc pas lieu de défendre particulièrement Mme de Lafayette ou de pétitionner. De toute façon, Sarkozy ignore qu'elle en est l'auteur(e).

Installation du nouveau RealPlayer 11, gratuit — parce qu'elle était proposée. Un peu plus tard, je découvre la possibilité d'enregistrer une vidéo par simple clic. Essai avec Portishead en studio. Ça marche. Essai avec Esprits libres sur Césaire. Ça marche lentement mais ça marche. Je ne vais donc pas tarder à acquérir un baladeur vidéo... Mais faudrait être sûr qu'il lise les différents formats de documents vidéos (je vois du « ivr », du « flv », quoi d'autre encore ?). Si quelqu'un a des lumières sur ce sujet...

Une question. Aviez-vous écouté ce débat absolument ahurissant dans le Ce soir ou Jamais du 25 mars ? Moi pas encore, je le récupère in extremis (et l'enregistre, il va bientôt sortir de la liste des 15 dernières émissions). En bientôt deux ans d'écoute, je crois n'avoir jamais vu une telle fureur. Il aurait été nécessaire que Frédéric Taddeï intervienne fermement, c'est son rôle. On ne peut pas laisser Guy Millière ou Thierry Lévy tenir les propos qu'ils ont tenu sans réagir. Mais on ne peut pas laisser Jean-Jacques Beineix ou Raphaël Enthoven réagir comme ils l'ont fait. Il ne s'agit pas d'empêcher l'expression des opinions, ni d'éviter que certaines personnes ne se rencontrent, mais il faut que ce soit cadré avec fermeté et... retenue — celles et ceux qui ont vu l'émission comprendront.

Commentaires

1. Le dimanche 20 avril 2008 à 05:17, par patapon :

Pétitionner pour que Sarko lise la Princesse de Clèves et rédige ensuite un mémoire de 50 pages sur le sujet (allez, disons 10 pages, ce serait déjà formidable pour lui, à condition qu’on surveille Guaino, qui serait tenté de lui filer une antisèche...)? Pas mal, on pourrait rigoler (mais il est vrai que depuis un an, les occasions de rigoler ne manquent pas). Pendant ce temps-là, son pote Berlusconi pourrait plancher sur Pétrarque…

2. Le dimanche 20 avril 2008 à 05:33, par Berlol :

Bonnes idées ! On signe où ?

3. Le dimanche 20 avril 2008 à 07:01, par Manu :

Merci pour Portishead !

4. Le dimanche 20 avril 2008 à 13:53, par DM :

Pour la vidéo :
une fois le fichier enregistré avec RealPlayer (par exemple : bidule), le renommer en .flv au bout (bidule.flv). Puis vous rendre là :
media-convert.com/convert...
où vous le convertirez (gratuitement) en .avi, lisible à peu près partout.
À moins que quelqu'un ait une solution plus simple encore à proposer.
Cordialement.

5. Le dimanche 20 avril 2008 à 14:26, par christine :

pour télécharger des vidéos, j’utilise depuis longtemps video downloadhelper, extension gratuite de firefox
addons.mozilla.org/en-US/...
c’est souple, simple et souvent efficace, on obtient aussi des fichiers flv

concernant "La Princesse de Clèves", ce n’est pas si simple à mon sens, car :
- quelque chose me dit que ce roman n’est pas choisi au hasard ni sans raisons, aussi inconscientes soient-elles : un roman de femme, plein de finesse, de subtilité de la langue, de goût de la nuance, de mépris pour le brillant, qui prône le renoncement à la facilité, plein de lignes de fuite : une sorte d’antithèse à ce qu’est le président
- le livre, cité à plusieurs reprises par Sarkozy et repris dans les discours d’autres membres du gouvernement (parmi les plus sympathiques, Darcos, Bertrand...), désigne en effet l’ensemble de la littérature, voire l’ensemble de la culture, inutile par définition
- il est donc peut-être important de synecdoquer nous aussi (en le sachant !) pour défendre toutes ces valeurs-là à travers La "Princesse de Clèves"

6. Le dimanche 20 avril 2008 à 16:03, par Berlol :

Oui, tu as tout à fait raison, le terme synecdochique est souvent central, quintessentiel. Mais ce sont des combats perdus d'avance, pour les attaquants, puisqu'en défendant n'importe quelle œuvre, Volodine, Gracq ou Queneau, nous défendons en même temps Mme de Lafayette et toute la littérature. En revanche, il est beaucoup plus efficace de supprimer les moyens et les personnels (direction du Livre, etc.). Je crains par conséquent que tout comme pour les fameux couacs à répétition du gouvernement, les attaques contre Clèves ne soient que des diversions : pendant que les intellectuels se soucient de défendre une princesse de papier, le véritable travail de sape se fait dans l'ombre et presque sans réaction.

7. Le dimanche 20 avril 2008 à 17:04, par christine :

il y a toujours plus grave, mais tout se tient (le battement d'aile du papillon ...)
je viens de lire ce que ton ami Assouline écrit à ce sujet
passouline.blog.lemonde.f...
et qui est assez juste, non ?!

8. Le dimanche 20 avril 2008 à 17:05, par patapon :

Au moins, ce qui est formidable maintenant, c’est qu’on sait comment entrer en résistance! Il suffit de prendre le contre-pied des obsessions affichées par sa Majestueuse Beaufitude! Donc, célébrer mai 68 en grande pompe (ce qui d’ailleurs est en train de se préparer très activement!), et avoir toujours sur soi un exemplaire de La Princesse de Clèves, dont on pourra lire quelques pages en toute circonstance: le soir en se couchant, le matin au réveil, à pied, à cheval en voiture, on encore dans les bars, les cafés, les trains les autobus (comme dirait Brassens)...



Lundi 21 avril 2008. Déchiré d'un cahier disparu.

À part aller déjeuner avec T. au Saint-Martin (boudin-purée), je reste à la maison, devant l'ordinateur. Des tas de choses à faire. Dans l'après-midi, quand même, quand T. est à l'Université de Tokyo pour une conférence de Charles Mazouer, je change d'écran et visionne La Marseillaise (Jean Renoir, 1938). Quelques excellents passages, mais globalement un peu long et lourd côté idéologique. J'ai bien aimé l'arrivée des Marseillais à Paris, avec un beau mouvement de caméra au dessus de la foule, un silence relatif qui se fait et le chant qui entre dans l'écran en même temps que la troupe, tout au fond de la perspective. Les propos des immigrés à Coblence sont amusants. Certains propos prêtés à Louis XVI, notamment, sur le risque qu'un libérateur prussien ne devienne un envahisseur, sont peut-être prémonitoires, en 1937-38... Et puis la représentation du couple royal, à confronter à celle de Sofia Coppola dans Marie-Antoinette, par exemple, et sans doute quelques autres. Ça me donne l'idée d'un cycle sur la Révolution française au second semestre...

« Le cliquetis torturé de nos mandibules
est devenu littérature
Même Livres Hebdo va en parler » (Lutz Bassmann, haïku déchiré d'un cahier disparu)

Commentaires

1. Le mardi 22 avril 2008 à 07:02, par eric :

cycle sur la Révolution française? Excellente idée : Abel Gance!! (de préférence à ce réac de Rohmer).
Je réponds à ton mail dans quelques jours, promis. Amitiés



Mardi 22 avril 2008. Je serai dorénavant un trou de sécurité.

De quoi le 22 avril est-il le nom ? (la mode des titres...)
Je me demandais ça parce que j'avais une envie très moyenne d'écrire et ne l'ai pas fait. Vous me lisez donc du lendemain. J'ai vérifié en 2004, 2005 et 2006 mais n'ai rien trouvé qui plombât ce pauvre 22 avril. Mais 2007, mon dieu ! Je comprends tout ! Pauvre, pauvre 22 avril ! L'an dernier, c'était dimanche et on votait ! Période atroce, où l'on avait encore de l'espoir, où la France n'était pas encore bananière. Je suis sûr qu'il est resté une trace dans ma mémoire. Qui dit : 22 avril, tu perds le fil !

Le reprendre.
Dans le shinkansen matinal, entame de Manière d'entrer dans un cercle & d'en sortir. Je lis jusqu'à la page 23 et je me demande... Ludisme d'écriture et d'images, pas sans sourires, mais : jeu sans enjeu, on dirait. Je ne dis pas que c'est mauvais, n'ai pas de reproche littéraire à formuler, vais sans doute continuer mais je me demande... ce que c'est. J'ai toujours besoin qu'en un livre quelque chose de politique ou d'ontologique se cherche et me travaille, derrière mots et figures. Or là, pour l'instant, je ne vois rien. Ça peut changer... Je ne suis pas braqué.

« Que fait-il ? On dirait qu'il calcule. On dirait qu'il récapitule tous les gestes qu'il lui faudrait faire au cas où il devrait réintégrer rapidement son module — alors qu'il n'en est qu'à la phase de conception. On dirait qu'il vérifie le nombre de dalles dans la grande cour, le nombre d'arbres autour de la grande cour, le nombre de toutes les marches, le nombre de livres dans la bibliothèque, le nombre de carrés dans le ciel, le nombre de comparaisons possibles, le nombre de grenouilles qui se sont trompées, le nombre de messages envoyés et reçus à ce jour. Vérifie-t-il aussi le nombre de mes secrets ? » (Pascale Petit, Manière d'entrer dans un cercle & d'en sortir, Paris : Seuil, coll. « Déplacements », p. 18)

À la fac, c'est pied de guerre : deuxième semaine de vrais cours, avec des morceaux d'efforts dedans, il faut que les étudiants comprennent qu'ils doivent travailler tous les jours, qu'il leur faut se secouer les synapses. Puis je demande à notre secrétariat de convoquer un ingénieur informaticien à mon bureau à 17 heures (coup de bluff, d'habitude on va pleurnicher à leur bureau...), et ça marche. Florian un peu, puis David assistent à ça : deux ingénieurs, ils sont venus à deux, à qui on demande pourquoi ils ont modifié le réseau pendant notre absence et sans nous demander notre avis, bloquant l'accès à la plupart des flux audio et vidéo, mais aussi l'usage du ftp et du routage smtp pour un domaine hors de la fac. Quelque chose entre la Chine et la Corée du Nord. Bien sûr, ils défendent leur sacro-sainte sécurité. Mais nous, on leur dit que dans ces conditions, on ne peut plus travailler et que les étudiants ne vont pas s'amuser longtemps à nous entendre dire qu'ils peuvent faire telle ou telle chose — écouter les infos de France 2 ou de TV5 Monde, telle chanson française sur Youtube — mais chez eux uniquement, et qu'à la fac non, la sécurité vous savez...
Ils comprennent, règlent le problème du courrier en premier, acceptent de rebasculer mon ordinateur sur l'ancien système, non sans me faire bien comprendre que je serai dorénavant un trou de sécurité et qu'ils devront le rapporter à leurs chefs.

Après ça, repos. À la maison, je n'arrive même pas à finir Il est plus facile pour un chameau... Donc j'en parlerai un autre jour.

Commentaires

1. Le mardi 22 avril 2008 à 17:52, par christine :

le "quelque chose d'ontologique" (pour moi) dans le livre de Pascale Petit : l'élaboration par les personnages de stratégies et déguisements extrêmement complexes pour s'éviter (jusqu'à partir en orbite!) ; l'incommunicabilité entre les êtres, donc, sujet bateau s'il en est (les "quelque chose d'ontologique" sont en général des lieux communs) ... mais que la forme tord et triture jusqu'à le rendre tout neuf

... très bien aussi le "chameau" de Valeria !

2. Le mardi 22 avril 2008 à 18:40, par Berlol :

Oui, tu dois avoir raison : faut que j'aille un peu plus loin pour arriver à saisir quelque chose. Pour l'instant, je n'ai vu que l'apprêt. Faut que j'aille de l'avant ! Ah, l'incommunicabilité !...

3. Le mercredi 23 avril 2008 à 02:31, par Loïc :

le 21 avril est encore plus funeste, non ? parce que pour le 22 avril, il a fallu que je lise ta note pour me rappeler de ce qui s'y était passé.
Avant les élections, on avait plutôt peur de Sarko. Aujourd'hui, on le prend plutôt pour un clown, et à bien peser, je préfère qu'il en soit ainsi.

4. Le mercredi 23 avril 2008 à 03:43, par Berlol :

Tu tombes bien, je viens de recevoir Bleu Pétrole...
Clown, oui, certes, mais je crois qu'on peut encore avoir des frayeurs...
Sinon, qu'est-ce qu'il a, le 21 avril ?

5. Le jeudi 24 avril 2008 à 04:02, par Loïc :

le 21 avril 2002, non ?

bleu pétrole : l'album de l'année. Tu vas te régaler.

6. Le jeudi 24 avril 2008 à 08:21, par Berlol :

Ah oui, ce 21 avril-là ! Je l'avais déjà refoulé ! En plus c'était de ma faute : j'avais omis de me réinscrire sur les listes électorales !...



Mercredi 23 avril 2008. Le temps qui leste.

Dans mon agrégateur de fils rss, ça commençait sérieusement à bouchonner. Surtout dans la catégorie Littérature et Livres. Je me suis donc décidé, il y a une huitaine de jours, à faire une catégorie Auteurs et à les y placer. C'est qu'il commence à y en avoir ! Et c'est ce que je lis en premier. Le matin, le soir, dès que possible. Du coup, c'est plus net : dans l'autre catégorie on a divers types de commentaires littéraires, les revues, les journalistes, critiques ou pseudo. J'ai aussi fait du ménage dans la catégorie Techno, dédiée aux informations techniques sur l'internet et le web ; en fait, trois ou quatre suffisent parce qu'ils répètent tous plus ou moins la même chose, et dans des styles assez peu intéressants (et je ne parle même pas de l'orthographe, devenue un truc extra-terrestre). Pareil dans ma catégorie Politique, n'y en a plus que trois.

Bien sûr, d'aucune catégorie, je ne dirai qui en est. Dans ce sens, je suis réseau-social-résistant.

Cours de lecture & phonétique de 2e année. Pour bien lire, il faut d'abord bien respirer, donc choisir où faire des pauses. Pour que les étudiants mémorisent, un truc ludique, je leur explique : pose tes pauses ! celles qui s'imposent et celles que tu supposes ! (Et hop, trois verbes de la même famille...) Après, on peut regarder où on fait des liaisons et des enchaînements, où viennent les accents toniques, mettre la mélodie. Ça marche bien ; les deux tiers, ce sont mes étudiants boostés à Orléans.

En déjeunant, je réussis à finir Il est plus facile pour un chameau, film de Valeria Bruni Tedeschi (2003). Hors-norme, très personnel, allant dans tous les sens et pourtant centré sur la famille et l'agonie du père. Des scènes d'enfance et des scènes oniriques très belles, parfois on se demande si des personnages existent. Et puis on voit la petite sœur, Bianca, alias Carla, avant qu'elle ne chante ou qu'un Sâr Cosy ne l'embarque.

Arrivée d'un colis Amazon. Trois films d'Antonioni, quatre de Rossellini, c'était en promo, Les Fleurs du mal de Charles par Léo par Murat, c'est ce que j'écoute d'abord, ainsi que son dernier, Tristan — même si je n'oublie toujours pas Dordogne ou Réversibilité — le Bleu Pétrole de Bashung, trois gros livres sur Claude Simon, réédition de La chine m'inquiète de Jean-Louis Curtis et un Chevillard.

Lecture en réunion (ça sonne comme un délit...). Comme prévu, presque, j'entre dans le cercle textuel juste quand le temps en a épaissi la matière. En effet, la « Lettre du roi à la reine / Lettre dite "du 14 juillet" » (p. 35), revient sur leurs débuts amoureux, par liste hétéroclite, comme ils étaient en beauté et puissance dix-huit ans avant. Soudain ce temps qui a passé donne sens à l'état actuel compliqué et regrettable qui ne me touchait pas jusqu'ici... Une pointe de nostalgie, peut-être. Mais surtout l'impression que c'est le temps qui leste, qui permet aux lieux de signifier quelque chose.

« Nous étions des empereurs de Chine, des ambassadeurs extraordinaires, des caravaniers Kirghiz, des cavaliers Kazakhs, des Princes de la Terre, nous étions des milliardaires impatients, des espions indolents, nous étions des femmes du monde, des amoureux excentriques & nous nous pressions tous dans les wagons du Simplon Orient Express [...]
Ce qui devait vous séduire surtout, c'était la beauté de ces paysages à toutes les heures du jour & de la nuit [...] vous aimiez vous endormir en caressant inévitablement la crinière argentée de notre monture où nous emmêlions l'initiale de nos noms — car nous ne faisions presque plus qu'un alors.
J'utilisais des pieds d'alouette pour vous écrire à la place des campanules car le bleu des campanules en séchant devient marron. Mais la liste est inexistante pour trouver d'autres images que je ne peux ou ne veux plus trouver : ce ne sont plus que des images de satellites anciens.» (Pascale Petit, Manière d'entrer dans un cercle & d'en sortir, p. 42-43)

Régis Jauffret chante ! Vous le saviez ! Et c'est pas mal ! Je viens de voir ça dans le live de Ce soir ou Jamais d'hier. Enfin, si on appelle ça chanter... Il clâme surtout « Petite salope » comme un autre criait Aline.
Amusant que cela vienne après l'entretien de François Hollande avec Didier Éribon, Daniel Bensaïd et Emmanuel Todd. Que je n'ai pas pu suivre intégralement parce que la connexion s'interrompt après 51 minutes. Encore un coup de la censure ? Je le saurais en le téléchargeant. Mais je crois que je ne vais pas le faire, ce que j'en ai vu était déjà stérile.

Commentaires

1. Le mercredi 23 avril 2008 à 22:47, par brigetoun :

le plaisir d'ouvrir les paquets d'Amazon même si on ne devrait pas avoir la joie de la surprise, cela marche tout de même (et même si, c'est vrai, je devrais commander par l'intermédiaire d"un libraire) - et Baudelaire via Féré et Murat c'est un régal



Jeudi 24 avril 2008. Endoscopique, pour ceux qui créent.

Jamais deux sans quatre. On dirait qu'Éric Chevillard est papa ! Félicitations !

Le matin, je lis une info Roubaud des concours chez François, le soir je la retrouve chez l'Assouline, sans référence. Vachement honnête, le gars. On aura beau dire que l'info est publique, qu'elle avait peut-être déjà circulé ailleurs (mais je n'ai pas vu où), ça ne m'enlèvera pas de l'idée qu'un petit lien n'aurait pas fait de mal.
D'une manière générale, je trouve qu'à quelques notables exceptions près les littéraires du web sont peu réticuliers. Ça tient à la nature de leur art centripète, ou endoscopique, pour ceux qui créent. Des fois, on dit introspectif, aussi. Mais pour ceux qui (ne) font (que) dans le journalisme, c'est de l'anti-jeu.

Entre le matin et le soir, trois cours et un premier déjeuner depuis la rentrée avec mes collègues (j'estime que ma convalescence est terminée). Pas de temps pour la lecture ou quoi que ce soit d'un peu distrayant, si ce n'est un ou deux dessins. Et puis il pleut tout le temps ; T. me dit au téléphone qu'on n'en avait pas tant reçu depuis cent trente ans. Je n'y étais pas mais je veux bien la croire.

« Dans le brouillard sous les projecteurs
on ignore
à quel moment du cauchemar on se trouve » (Lutz Bassmann, Haïkus de prison, p. 71)

PS : une petite dernière, pour la route. Consultant mes liens entrants, je constate une arrivée dans mes pages suite à googlage de :  Je recherche une étude stylistique sur le roman Vipère au point.

Commentaires

1. Le jeudi 24 avril 2008 à 09:58, par DM :

D'une, question réticule : pas commode, à l'inverse, de progresser à sa mini mesure le long d'un fil ; les voies du réticule sont difficilement pénétrables au béotien.
De deux, question PS : on a atterri l'autre jour par chez moi après avoir pianoté « gros seins laiteux » dans Gougueule. Les trois mots en effet s'y trouvent, mais pas à la colle ; les comiques frustrations du réticule en cadavre exquis.

2. Le jeudi 24 avril 2008 à 15:27, par christine :

je suis flattée d'être promue « notable » !... surtout par un expert en réticule

plus sérieusement, ne pas réticuler dans mon blog me semblerait impossible : au-delà même du fait qu’internet sans les liens n’est pas internet, il me semble inutile de répéter ce que j’ai aimé lire ailleurs ; je préfère, dès lors que je n'ai rien à ajouter, faire passer
il est vrai que je ne crée pas, ce qui me permet d'être centrifuge (c'est d'ailleurs bien le moins quand on a choisi un tel titre)

(quant au terme "endoscopique", parlant de création, il me semble un peu centripète de ta part !)

3. Le vendredi 25 avril 2008 à 10:48, par Julien Sorel :

le gaz-au-net a parlé l'autre jour au CNL. J'y suis allé. Mal m'en a pris. En plus c'était le jour de mon anniversaire. Mais le sujet annoncé était "Livres, Internet et littérature". Je ne pouvais pas ne pas y aller, comme dit l'autre.

Bref, on a parlé de critique littéraire, de journaux en ligne, de types qui se font mousser par leurs sites persos, mais pas du Net, ou du moins rien de neuf (j'aurais pu dire la même chose voilà dix ans), et pas de littérature.

J'ai essayé de prendre des notes pour me calmer. C'est mon truc, à moi, quand les gars au micro m'énervent. Mon portable que j'avais oublié d'éteindre a fait "meuh, meuh", de plus en plus fort, parce que ma fille aînée voulait me dire bonsoir. Ca m'a détendu. J'ai fini par lever la main (de toutes façons, le gars m'avait repéré parce que je n'arrêtais pas de gigoter sur ma chaise tellement j'étais furieux). Contre toute attente, on m'a passé le micro:

JS. "C'est curieux, depuis une heure ou deux, je vous entends parler de critique littéraires, des lecteurs, des commentaires de votre blog, mais pas de littérature.
PA- Ah, mais c'est parce qu'il n'y a pas de public, pour ce type de littérature. Enfin, j'ai tout de même parlé du blog de Chevillard. Très bien écrit, remarquable. Mais je ne sais pas si Irène Lindon voudra le publier, parce que hein, tout de même.
(je vous jure, je n'invente rien.)
JS - Non, vous ne parlez pas de littérature qui vienne du Net. Je ne parle pas des revues, qui sont très riches, et vivantes. Je parle des sites qui font, au bout d'un moment, une oeuvre singulière. Il me semble pourtant qu'un site comme Désordre draine suffisamment de public pour être connu, et relayé. 3000 visiteurs par jour, je crois, c'est tout de même pas mal.
(Je n'allais pas revenir sur TiersLivre que le bonhomme avait évacué d'un revers de main fort peu agréable. J'aurais peut-être dû. Ca l'aurait agacé.)
PA - Ah, tant que ça? mais alors c'est parce que l'auteur est publié."

Je n'avais plus le micro.
Mais j'ai fait non, de la tête. Il a mordu sa lèvre inférieure.
Une autre question a suivi. Très bien, à propos de la presse. Ensuite Colette Kerber vendait les livres, papier, du gaz-au-net, épuisée, souriante, malgré tout. Chapeau. A elle.
J'avais loupé mon changement de printemps. Quoique, c'est peut-être ça la maturité: rétorquer.

4. Le vendredi 25 avril 2008 à 17:44, par Berlol :

"Julien Sorel", ça me dit quelque chose, ce nom-là...
En tout cas, vous avez bien fait. Et puis ce n'est pas la peine d'en faire trop ; ce genre de personnage est tellement imbu de lui-même et de plus entouré d'une coterie (caudataires), que vous serez vite mis en minorité et acculé dans un coin ou à une sortie rapide... Il n'y a qu'à voir le bordel qu'est sa zone de commentaires !
Je me demande ce qu'il en serait de la fréquentation de son site et de tous les m'as-tu-vu qui le suivent s'il n'était pas en LIEN PERMANENT sur la page d'accueil du Monde !

5. Le samedi 26 avril 2008 à 09:46, par Em :

Pfeu... après Marie Ndiaye me plagiant en appelant son fils Sylvère, voici Chevillard qui me copie en faisant naître sa fille le même jour que le-dit Sylvère, 17 ans après. Les écrivains font rien que se copier...

6. Le dimanche 27 avril 2008 à 02:32, par F :

On rédige une protestation officielle, Emmanuelle ? En plus, ai découvert que des rodeurs du web s'étaient introduits chez toi en ton absence, mangé du gâteau et pénétré tes ordis... quel monde...
www.desordre.net/blog/blo...

7. Le lundi 28 avril 2008 à 09:11, par Em :

Heu, je ne sais pas si je proteste... Phil est venu chez moi pendant que j'étais ailleurs, oui, mais qui a pénétré mes ordis ? Comment ça pénétré mes ordis ?



Vendredi 25 avril 2008. D'hôtels, de bouche et de taxis.

La flamme inolympique est arrivée au Japon. Suite au rejet des Schtroumpfs par les autorités japonaises, un accord a été passé pour rebaptiser flam-attendant les gorilles bleus de Chine qui n'ont plus le droit de tabasser les contestataires. Dès ce matin, six heures, dit-on, une nuée d'hélicoptères survolait Tokyo, sans doute pour protéger un déplacement secret de la chose vers Nagano où elle sera confinée. Arts martiaux contre des poings (points ?) levés, langues de bois contre langues coupées, carburants par tonnes all over the world pour la pureté des Jeux, frais d'hôtels, de bouche et de taxis pour la nuée encadrante, le coûteux et inécologique symbole attilesque grille où il passe, en réalité, tout espoir de paix.

Encore une belle sortie de Raphaël Sorin. Après le coming out de ses relations avec des Belges, cette belle pièce d'artillerie : « Jonathan Littell, qui s’est illustré en publiant une énorme choucroute indigeste, a eu une sorte de remords. Il a exhumé le livre d’un Belge, Degrelle, fasciste wallon, inventeur du « rexisme », variante criminelle et crétine du nazisme, qu’il avait lu au cours de ses recherches pour Les Bienveillantes et dont il fait l’exégèse. L’ouvrage, intitulé La campagne de Russie, est étudié d’une façon telle que j’ai cru d’abord à un pastiche de Barthes, Deleuze et Guattari par Patrick Rambaud qui aurait abusé l’éditeur (L’arbalète/Gallimard), en inventant aussi de toutes pièces un auteur allemand non traduit, Klaus Theweleit.»

Après une matinée de rangement de documents dans l'ordinateur et le disque externe, déjeuner avec David au Downey, un hamburger fait maison, ça faisait longtemps. On discute du désarroi de certaines de nos étudiantes de 4e année (pas toutes) qui, doutant que les études servent à quelque chose, sentent que c'est bientôt pour elles l'heure du grand saut dans le vide de la société. Partir en France ? Ailleurs ? Se marier ? Continuer des études ?... Notre rôle ? Les aider à réfléchir... Oui mais si c'est avec des idées de libération et d'indépendance, au prétexte de réalisation de soi à la française, ça peut aussi, dans la société japonaise, produire de graves catastrophes. Ce ne sont pas des cobayes pour expériences de pédagogues...
Au bureau pour finir un programme de cours et préparer le voyage : Bashung (Bleu Pétrole) dans le baladeur mp3, à écouter à pied et dans le métro, et dans l'ordinateur portable un Ce soir ou Jamais pour le shinkansen ; celui du jeudi 17, débats sur OGM et crise alimentaire, TRÈS instructifs... — Et combien de plantes modifiées dans ces champs que le train traverse ? Et combien de morts de la faim pendant que j'écoute parler d'eux ? Et combien je coûte à la planète, à bouger comme ça, de 700 kilomètres chaque semaine ?

Bashung (voir liens mercredi). Des ambiances musicales très marquées, qui vont profond dans la tête et jusqu'à la peau parfois, l'impression rare d'être chez quelqu'un et d'y être bien. Comme un Légo, puissance neuf minutes, et cette reprise de Suzanne, d'une incroyable simplicité — mais personne n'avait osé ça. Osez, Joséphine, qu'il disait. Suis moins convaincu par Il voyage en solitaire, problème de guitares, mais surtout parce que, là, Manset complètement indépassable.

En dînant, une demie-heure de Nouvelle Vague, le Godard de 1990, pour savoir si je peux l'utiliser au séminaire sur le thème du double, dédoublement, double personnalité. Mais pas possible : j'essaie d'imaginer les têtes en face de cette merveilleuse — pour eux ahurissante et ennuyeuse — construction. Que dis-je ? Sublime ! Mais que je ne saurai leur expliquer, ou même seulement leur présenter, incompétent que je suis, là. (Et pas que là.)
On continue la soirée avec Ridicule (Leconte, 96), film moyen, déjà connu, bien clairement narratif, bonne leçon. Pas désagréable du tout. À mon niveau ?


Samedi 26 avril 2008. Quelque chose — ma berlue ?

Trois passages du Rivage des Syrtes bien relus hier soir, notes ce matin de 6 à 8 pour le cours de 10 à 12. Il s'agit, dans l'économie du roman, du moment d'extrême exacerbation des sentiments et fantasmes d'Aldo (la cérémonie aux morts, p. 65-68) avant qu'une preuve matérielle ne vienne le conforter, comme si elle était produite par le désir d'Aldo (le bateau sans immatriculation dans les ruines de Sagra, p. 70-74), et qu'il ne retrouve celle qui sera pour lui à la fois appui et guide (Vanessa, voyage de la Chambre des cartes à Maremma, p. 81-84).
La vision du cimetière militaire en coupe géologique, avec son empilement de cadavres inutiles, la mort-monstre de trois siècles se nourrissant des vivants de la surface, corroborent la devise (66) polysémique (272) d'Orsenna et détachent Aldo de la tutelle de Marino, de sorte qu'ayant retrouvé le bateau clandestin par un hasard que guident encore une fois la colère et le dépit, Aldo décide de ne pas en référer au capitaine, croyant faire cavalier seul et basculant sans le savoir du côté des comploteurs.
Je ne me lasse pas d'expliquer une fois de plus les jeux mimétiques d'assonances et d'allitérations qui font du transport nocturne (voiture-métaphore d'un Aldo qui s'abandonne) un des plus beaux moments de ce livre (le paragraphe de la page 81 à 82).
Les conversations entre Vanessa et Aldo sont d'époque... Quelque chose — ma berlue ? le désœuvrement lascif des personnages ? —  les fait ressembler à celles de L'Année dernière à Marienbad ou à celles des Petits Chevaux de Tarquinia...

Sautons un demi siècle. Vous l'avez vue, la flamme à Nagano ? Plus du tout ! Symbole soufflé par les nationalismes, voilé par les drapeaux. Ça commence à castagner entre peuples, le parfait contraire de l'olympisme. Il est temps que les Chinois ouvrent la porte...
Je vois ça après le saint-Martin où T. et moi avons partagé une grande salade niçoise et un poulet-frites en admirant le ciel qui virait au noir, et les courses que nous nous sommes dépêchés de faire dans Kagurazaka avant que la pluie ne tombe.

Ce matin, j'ai vu Ségolène Royal au 20-Heures de France 2 d'hier. Elle s'est exprimée de façon très claire et très posée. De la longue intervention de Sarkozy, elle n'a trouvé « ni le cap ni la cohérence » et assimile le programme fixé (?) à « une feuille de déroute », griffonnée par celui qui, selon Jean Véronis, prétendra qu'il a encore changé... (Pas encore vu Véronis dans Ce soir ou Jamais de jeudi, ce sera pour demain).
Pendant ce temps-là, un peu partout en France, des gens se jettent sous des trains...

Commentaires

1. Le samedi 26 avril 2008 à 23:26, par F :

eh, je croyais que tu nous avais viré de ton rss ?

2. Le dimanche 27 avril 2008 à 01:37, par Berlol :

Relis mercredi ! je n'ai rien écrit de tel...
Quant au Japon, c'est 32.000 suicides par an, ces temps-ci. Avec une nouvelle mode d'inhalation de détergents.

3. Le dimanche 27 avril 2008 à 02:20, par F :

bon, le mal est le même, apparemment - viens d'avoir imprimatur spécial pour
www.tierslivre.net/krnk/s...

mais avais condition pas photographier la silhouette active derrière tout cela!

éventuellement : l'adresse site PR avant berlol.net tu nous la redonnes ?

4. Le dimanche 27 avril 2008 à 03:38, par christine :

encore heureux, dit la silhouette ! même mon bureau aurait mérité d'être rangé avant photos ...

ce qui est dommage, F, c'est que les chroniques photos de Tiers livre n'apparaissent pas dans le rss (du moins chez moi) : je me demande parfois si c'est volontaire et puis j'oublie chaque fois de te le demander


5. Le dimanche 27 avril 2008 à 04:31, par F :

c'est 2 rss distincts, je vais mettre lien direct dans la page d'accueil

pb des choses qui n'ont pas été suffisamment pensées d'avance sur nos vieux sites !

(et j'aime bien pourtant que des visages soient associés aux sites qu'on suit...)

6. Le dimanche 27 avril 2008 à 17:34, par Berlol :

J'ai reconnu le bureau et le chemin souterrain... La vue par les fenêtres, aussi. Déjà un an et demi !
Pour les adresses depuis dix ans... C'était d'abord : www.twics.com/~berlol/ puis www.beehive.twics.com/~berlol/. Quant aux premières versions du JLR, c'était d'abord chez l'ami France-Japon.net puis chez http://www.u-blog.net de triste mémoire ; mais le tout est consultable en continu et avec les commentaires dans les pages fixes du JLR mensuel : http://www.berlol.net/jlrindex.htm dont l'index nominum n'est malheureusement plus à jour, faute de temps et de solution pratique, depuis près d'un an.

7. Le mercredi 30 avril 2008 à 01:54, par Christian :

Ouh là! Ça me fait drôle de repenser que tu avais commencé ton "grand oeuvre" sur france-japon.net !
Tu nous feras une concordance de ton blog, un jour? ;)

Toujours inconditionnel de Ségolène? Moi, je trouve qu'elle est plutôt mal placée pour parler de déroute quand on voit ce qu'est devenu le parti socialiste! :D

8. Le mercredi 30 avril 2008 à 02:17, par Berlol :

Sauf qu'à ma connaissance, ce n'est pas elle qui le dirige... ;)



Dimanche 27 avril 2008. Nous sommes morts sur le coup.

Voici une requête qui a conduit quelqu'un dans mes pages : « choisissez un fait d'hiver ou un événement de votre vie et rédigez un texte dans lequel vous imaginer ce qui aurait pu arriver a la place des faits qui ce sont produit » (sic). Cinq fautes en 33 mots (150 au kilo) et pas le droit aux faits d'été.

En 1982 (?), je revenais de boîte avec un copain, dans sa voiture, par les petites routes de la région de Pontault-Combault. C'était le petit matin sur de minuscules routes sinueuses entre les champs et les villages. Nous n'avions pas excessivement bu, nous ne somnolions pas et le copain ne roulait pas très vite. Je ne sais plus si nous écoutions de la musique, Supertramp ou Blue Öyster Cult. Nous parlions des filles, bien sûr, en ne regardant pas assez la route peut-être. Au détour d'un virage, dans la brume, juste au moment où on accélérait pour une petite ligne droite, il y a eu un cheval, énorme, bien plus haut que la voiture. Il était arrêté au milieu de la route, comme perdu, hagard. Ses yeux nous regardèrent arriver, freiner, déraper, sortir de la route et nous écraser contre un arbre planté là à cet effet. Je n'eus pas le temps de sentir la rosée rafraîchir mes blessures. Nous sommes morts sur le coup.

En réalité, le cheval était dans l'autre sens et il ne vit rien venir. Sa croupe s'est écrasée sur l'avant de la voiture et a fait voler en éclats le pare-brise de mon côté. Nous sommes sortis de la voiture indemnes. Le cheval avait disparu, sans doute relevé par réflexe. Quand les yeux du copain tombèrent sur moi, il fit une drôle de tête et voulut s'appuyer contre la voiture. Je ne compris qu'après ce qui l'avait ému : mon visage était constellé de minuscules éclats de verre par où du sang coulait. Je ne sentais rien. Un éclat un peu plus gros m'a laissé une cicatrice sur la lèvre supérieure. Les gendarmes nous apprirent que le cheval avait été abattu parce qu'il avait les jambes cassées.
(Les jambes, pas les pattes.)

Comme il fait beau, je fête mon mois de convalescence en sortant le vélo pliable. Bien emballé, il a passé l'hiver sans dommages. Un petit peu d'air dans les boyaux et le revoilà tout pimpant, me menant matin jusqu'à Seijo Ishii où je fais des courses, puis après-midi jusqu'à Akihabara où je traîne dans de vieilles rues que je connaissais pas, à l'écart des commerces d'électronique. Pas plus de 15 kilomètres en tout, histoire de ménager ce qui reste des clips. Ça commence à prendre des proportions mythiques, tout cela, ou fantasmatiques. Faut que je me dise une fois pour toutes que je suis guéri et puis basta !

T. quant à elle rédige des documents administratifs. Quand je rentre, elle a fini mais un problème avec la nouvelle version de Word empêche le formulaire préformaté de s'imprimer correctement (il provient d'un Word plus ancien). Du coup, après le dîner, elle retape tout sur un autre ordinateur (que par chance, elle a encore).

Moi, je ne vais pas plus loin parce que je suis enfin entré dans ma bulle d'écriture pour le prochain colloque. Il était temps, c'est dans moins de trois semaines... Pour sûr, le JLR va raccourcir d'ici là.


Lundi 28 avril 2008. Trames ténues des sens.

Enfermé à double tour dans les œuvres de Claude Simon
mon trésor numérique
la clef qui me libèrera déjà près place Monge
nageant les textes plongeant les index
traquant piégeant de fameuses co-occurrences
remontant de secrètes filières de mots
j'imagine connues de moi seul quel idiot
futur flop flagrant peut-être mais va savoir
copiant collant serein ce qui pourra servir
évitant surtout le trop d'apriorité qui tue
tôt la recherche la foison l'essaim pensant
venez à moi trames ténues des sens
je dirai quelque jour vos horizons d'attente

J'ai retrouvé du Terry Riley dans mes tiroirs. Ça accompagne bien ce genre de travail... Et le temps se dilate jusqu'au soir.

Après ça, on peut comprendre la joie monstrueuse qui s'empare de nous à la vue de Planet Terror, le film de Roberto Rodriguez (2007) que nous avons loué — louée soit Rose ! — et qui fait tandem grindhouse avec le Death Proof de Tarantino vu il y a trois semaines...

Commentaires

1. Le mardi 29 avril 2008 à 13:32, par Laurent Morancé :

L'agréable, quand on vous lit, c'est (aussi) la petite musique qu'on entend, là, tout bas, à peine un murmure...

2. Le mercredi 30 avril 2008 à 02:23, par Berlol :

Bonne oreille ! (ou oreille tout court)... C'est vrai que ce n'est pas la peine de crier (même si c'est la mer d'houille un peu partout...).



Mardi 29 avril 2008. Blanc pour elle, rouge pour moi.

Avec T. à la fac où elle travaille le mardi pour déposer un dossier. Il fait beau. Ça va dépasser les 24°C. On aimerait traîner, descendre les ruelles vers Takadanobaba. Mais il y a du travail qui attend. Et avant cela, passer à l'agence téléphonique où ça prendra forcément du temps.
Depuis trois semaines, en effet, mon téléphone portable donne des signes de faiblesse. Une fois sur dix, il y a quelques jours encore, mais une fois sur deux depuis hier, quand je l'ouvre, l'image de l'écran est partiellement absente ou déformée. Ce n'est peut-être qu'un problème de vidéo mais il vaut mieux agir vite, avant que des données ne soient perdues, ce qui m'obligerait à redemander les coordonnées de mes amis et collègues, ou d'accepter que certaines soient perdues.
Nous allons donc à l'agence AU de Kagurazaka où nous trouvons tout de suite Mme S., la chef compétente que nous connaissons déjà (avec les autres c'est moins facile de discuter : il fourguent leurs contrats, c'est tout).
Je me suis décidé pour un modèle W61P de Panasonic. On détaille les types de contrat. On en a un pour lequel les communications entre nous deux seront gratuites. Et avec les points accumulés depuis trois ou quatre ans, il est même plus qu'intéressant que T. change en même temps que moi, pour le même modèle. Blanc pour elle, rouge pour moi. En revanche, la lecture de pages web est passée à un prix exorbitant, surtout dès qu'il y a des images, ce qu'on ne sait pas toujours en choisissant une page. Bref, je ne lisais déjà rien du web avec le téléphone portable et ce n'est pas maintenant que ça va commencer. Transferts de données, signatures, paiement, etc. Une heure et demie en tout. Et toute la doc à se farcir, ou intuiter les fonctions une par une. J'ai basculé les menus en anglais. En revanche, je n'ai plus de dictionnaire japonais/anglais intégré. Espérons que mon niveau de kanjis me permettra maintenant de m'y retrouver. C'est aussi une motivation...

Impossible de manger quelque part tellement il y a de touristes, en sus des gens qui travaillent. C'est déjà la Golden Week, avec beaucoup de gens qui travaillent encore aujourd'hui et demain.
On rentre déjeuner de pâtes mais la sauce tomate industrielle est vraiment moins bonne que celle que je fais quand j'en ai le temps...
Allez, hop ! Oublie cette sauce, ne regarde pas le soleil et retourne dans tes index ! Pendant que j'y suis, le site d'Hubert de Phalèse ne m'ayant pas l'air très pimpant ces derniers temps (je ne sais même pas qui (ou si quelqu'un) s'en occupe), je conseille aux amateurs de Simon de copier ces index. On ne sait jamais... Même s'ils n'intègrent pas le Jardin des plantes et le Tramway (qui n'étaient pas encore publiés), ils peuvent déjà bien servir. J'en fais justement un point de méthode.

« Journal du roi
1er août
(Nuit blanche astronomique)
Quand son visage apparaît sur l'écran de navigation, l'affichage digital de ses pulsations cardiaques indique cent trente. Je termine aussi vite que possible la check-list, ce qui n'est qu'une précaution d'usage. Mais j'ignore toujours tout de cette silhouette non autorisée qui disparaît derrière elle sitôt que je l'aperçois.» (Pascale Petit, Manière d'entrer dans un cercle & d'en sortir, p. 71)

Commentaires

1. Le mercredi 30 avril 2008 à 01:11, par DM :

[hors sujet]
Dire ici mon plaisir d'avoir découvert par le biais du JLR Un bras dedans, un bras dehors d'Emmanuelle Peslerbe.
Aimé scalpel (non tranchant tétons d'Agathe), teneur, tenue, le bref, la constellation de fragments.
Cordialement,
DM.

2. Le mercredi 30 avril 2008 à 01:38, par Christian :

Alors, oui, parle-nous de ton niveau de kanji! ;)

3. Le mercredi 30 avril 2008 à 03:56, par Pascal :

Ah ! Je suis fou ! C'est quoi tout ce que tu as écrit ! J'tombe par hasard sur ton '' Berlol '', sans parvenir à déterminer sur quel site je suis entré, j'l'ai zieuté pendant une bonne heure ! J'adore !
Hésite jamais à passer sur mon blog en Invité ! J'aimerais savoir qui tu es ! Car lire tout ce que tu as écrit... 8-°
Moi c'est Pascal et je suis accro aux persiflages, aux '' bons mots '', à la langue française, à l'écriture, aux écrivains, etc.
Si de '' coterie ''... oublie !

4. Le mercredi 30 avril 2008 à 06:44, par Berlol :

>o< Christian, franchement, c'est pas gentil de se moquer d'un pauvre apprenant de mon niveau !
>o< DM, ça me fait très plaisir ! Moi, je l'avais découverte un peu par hasard, en février-mars, mais je sais que son nom m'était resté après lecture de Lignes de fuite. Donc, CQFD de notre constellation de blogs !
>o< Pascal, bienvenue. Coterie, ici, c'est un mot dont on rit, surtout quand elle est germanopratine. Quelque chose comme cotte de mailles et paille de riz... (N'importe quoi...)



Mercredi 30 avril 2008. Gauchet est un hypocrite et un vendu.

Ikebukuro, Kagurazaka, Iidabashi — O-Ka-Shi...

Chaque université a une certaine latitude pour fixer les congés ; aujourd'hui T. travaille et pas moi. Je profite du soleil pour sortir et déplier le vélo. Okubo-dori vers Ushigome-Yanagicho. De là, je suis à plus de dix ans en arrière, quand j'habitais cette ruelle que je remonte, cette maison préfabriquée de six ou huit appartements. Dans la même ruelle, je peux me dire qu'ici habitait Patrice J., puis plus loin, vers Waseda, qu'ici habitait Nicole D. et ses filles, qu'ici habitait Sylvie R. avant l'appartement où nous habitons maintenant, et ainsi de suite, quelques autres, qui n'y sont plus. Alors que moi, j'y suis. Sans savoir ni ressentir si c'est bien ou pas. Du carrefour de Waseda, où j'étais de 92 à 96, je laisse la fac de Lettres sur la gauche et je monte le long du grand temple ; passe devant ce petit restaurant qui faisait un excellent bento le midi ; le patron a l'air occupé à la mise en place de ses trois tables. Jusqu'à Takadanobaba, je trouve que c'est plus animé qu'avant, il y a plus de restaurants, plus de couleurs. Un peu d'embourgeoisement, aussi. Après Meiji-dori, dans une petite ruelle entre l'avenue et le canal, le premier restaurant français où je suis allé n'existe plus. J'ai oublié comment il s'appelait. Je me souviens qu'il y avait des nappes à petits carreaux rouges et blancs. Que j'y suis venu avec Kazuo, l'assistant du département de français. Pédalons. Au retour, je m'arrête au même petit marchand de fruits et légumes, où rien n'a changé depuis dix ans que je n'y avais pas mis les pieds. Je prends des tomates, concombres, fraises, kiwis, une pomme, de l'ail. J'ai renoncé aux poireaux, trop encombrants pour mon panier de vélo. Et je rentre déjeuner.
J'imagine que ça doit être pénible de lire ça. Et d'ouvrir les liens si on ne connaît pas... Pour moi aussi, c'est moyennement agréable. Je me demande si je vais laisser ce paragraphe. Mais après tout, c'est ce que j'ai fait ce matin, c'est tout. Ça n'est pas là pour plaire.

Après, je me scotche au bureau et n'en bouge plus. Jusqu'au dîner où on regarde Sin City. Eh oui, T. l'avait vu il y a près de deux ans et, en France, m'avait offert le dévédé que je n'avais encore jamais regardé (indélicat que je suis...). Le côté bédé resucée et designée, ça n'est pas toujours de mon goût, surtout quand ça donne des films lourds. C'est que je ne connaissais pas encore Robert Rodriguez... C'est par la découverte de Tarantino, Pulp Fiction, Kill Bill puis, très récemment, Death Proof, que nous avons retrouvé le nom de Rodriguez avec Planet Terror, et que, Ah tiens, il était l'auteur de Sin City (2005)...
Alors alors ? Excellent ! Sanglant à souhait ! Mais tellement drôle. BD design aussi, mais très digeste.

L'article qui suit, copié ici pour archive, m'a beaucoup amusé. Vous souvenez-vous de ces villes que les soviétiques faisaient visiter aux étrangers et qui n'étaient que des façades avec des figurants ? Et rien derrière. La stigmatisation de 68 me fait penser à ça ; et Gauchet serait un des touristes bernés.
Il y a eu des contestataires. Il y a eu des illusions. Il y a eu des conneries. Certes. Mais on ne va pas nous faire croire que ce sont les mêmes, et ceux-là seulement qui ont bâti la France déglinguée d'aujourd'hui. À ma connaissance, ni ces contestataires, ni les fameux intellectuels soixante-huitards ni même leurs idées ne sont devenus majoritaires ni n'ont pris le pouvoir dans ce pays déjà pourvu d'élites ayant bien verrouillé les accès aux commandes (élections, gouvernement, industrie, commerce, justice, etc.). Admettons que 20 % des jeunes aient été des exaltés libertaires, ou même 30 %, pendant cinq ou dix ans... Mais pendant ce temps-là, que faisaient les autres, les 70 % restants ? Pour une grande majorité, rien qui soit en rapport avec la révolution, ils essayaient seulement de trouver du boulot, de fonder une famille, etc. Et tout ça leur est passé bien au-dessus de la tête. Sauf qu'il fallait galérer pour les transports en commun — mon père et ma mère ont pris les camions militaires pour aller au boulot, et pas à la manif. Et puis, il doit rester 15 à 20 % de la tranche d'âge qui n'étaient pas dans les rues parce qu'ils n'étaient pas d'accord, parce qu'ils avaient la trouille ou parce que papa le leur avait bien interdit : parce qu'ils étaient les véritables héritiers des intérêts familiaux, des privilèges acquis, des patrimoines et des postes-clés. Gauchet a-t-il oublié le formidable virage à droite qui a suivi 68 ? L'impute-t-il aux intellectuels de 68 ? Les en rend-il responsables ? Combien de ces exaltés ou de ces intellectuels ont réellement participé à des politiques locales ou nationales ? Combien sont entrés dans les postes de direction des industries, des grands corps de l'État, des institutions financières et bancaires du pays ou de l'Europe ? Ont-ils vraiment vendu plus de livres que Druon, que Dutourd, que Castelot, qu'Aron ou que Rika Zaraï ? Leurs revues ont-elles dépassé les tirages de Paris-Match, de Playboy ou de Gala ? Les trouvait-on dans les cabinets des médecins des villes et des campagnes de France ? Allaient-ils tous les jours à la radio ou à la télé ?
Alors, je n'hésite pas à le dire. Monsieur Marcel Gauchet, peut-être bon sur d'autres sujets, est ici un hypocrite et un vendu. Il apparaît lui-même un des « suppôts » ou « suiveurs » qu'il a identifiés. Et c'est ça qui le rend idiot et méchant. C'est qu'il sait qu'il ne mérite en rien le titre galvaudé de philosophe. Tout au plus meneur de revue...

*  *
*

Contre la génération 68, la lutte continue
« Sous ses dehors prophétiques et altruistes, la "génération 68" aurait semé le doute et l'inertie. Elle aurait failli. Des héros, les baby-boomeurs ? Des imposteurs plutôt, dont la société française n'a pas fini de payer les inconséquences, soutient, dans le dernier numéro du Débat [mars-avril 2008], le philosophe Marcel Gauchet.
Sa thèse, sévère mais argumentée, clôt une série d'articles moins significatifs, que cette revue, dont il dirige la rédaction, consacre à "Mai 1968, quarante ans après". Sous le titre "Bilan d'une génération", il dénonce avec véhémence les libéraux-libertaires auxquels cette génération s'identifie : "Le libéral-libertaire est un défenseur résolu de la souveraineté du peuple, mais un contempteur féroce du populisme ; il est l'avocat enflammé de tous les droits en souffrance, mais il n'a pas de mots assez méprisants pour fustiger les "beaufs". Bref, il est un aristocrate de la démocratie, comme seul ce pays pouvait en produire un."
Pour étayer ces accusations, Marcel Gauchet ajoute qu'à ses yeux la génération de 1968 n'a enfanté aucun intellectuel digne de ce nom, mais des "suppôts diversement talentueux et des suiveurs plus ou moins originaux" de Lacan, Derrida, Foucault et Bourdieu. Cette génération de "disciples", comme il l'appelle, a beau porter aux nues la "pensée critique" de ses maîtres, elle ne l'a pas régénérée. Incapable de la dépasser, elle en ânonne les préceptes, un point c'est tout.
Peu importe à ces "disciples" qu'une idée soit juste ou non, ironise Marcel Gauchet, pourvu qu'elle soit "dérangeante". Posture de justicier. Dogme de la dénonciation. Ces travers, à en croire Marcel Gauchet, ont fait beaucoup de dégâts, en particulier dans les médias où les héritiers plus ou moins directs de Mai 68 ont longtemps sévi. Ainsi à Libération, celui de Serge July, et au "Monde de Plenel et Colombani".
Comme c'était prévisible, "la ficelle a fini par se voir, écrit Marcel Gauchet en guise d'épitaphe, et le ton prédicant par se révéler insupportable". Il n'empêche que la "génération 68" a marqué pour le pire la société française. On lui doit, sous l'apparence de la modernité, la perpétuation de nos archaïsmes. Et la consolidation de "notre fatal modèle étato-aristo-clérical", qui fait de la France un pays "en état de sécession endémique vis-à-vis de tout ce qui prétend le diriger ou le représenter".
La responsabilité de cette génération est d'autant plus lourde, explique Marcel Gauchet, qu'à vouloir perpétuer son hégémonie, elle a empêché les générations suivantes d'être elles-mêmes. De s'émanciper. Une "indifférence à la transmission" tout aussi condamnable à ses yeux que la suffisance intellectuelle des baby-boomeurs.
Telle est la thèse développée, quarante ans après 1968, dans l'une des revues françaises les plus influentes. On peut y voir la preuve qu'une page se tourne — le temps de la "génération 68" serait révolu, elle n'en impose plus, l'heure de rendre des comptes a sonné... Ou se dire que Marcel Gauchet force le trait. Qu'il surestime le poids des soixante-huitards en les rendant responsables de tous les maux de la société française : les carences du système éducatif, l'inanité de la vie intellectuelle... Surestimer leur influence est au demeurant à double tranchant. C'est minimiser le rayonnement d'une revue comme Le Débat, où "l'esprit de 68" n'a jamais soufflé.»
Bernard Le Gendre, dans Le Monde du 28/04/2008.

Commentaires

1. Le jeudi 1 mai 2008 à 07:14, par Manu :

Les cerisers le long de la rivière Kanda où je faisais mon footing sont en fleurs sur les photos de Google ; c'était la période de l'année la plus agréable pour courir. Souvenirs pour moi aussi...

2. Le jeudi 1 mai 2008 à 07:39, par Berlol :

Mais les azalées, c'est très bien aussi !

3. Le jeudi 1 mai 2008 à 11:17, par brigetoun :

mea culpa, mea culpa, mea maxima culpa

4. Le jeudi 1 mai 2008 à 11:48, par Bikun :

Patrick, je trouve que tu y vas un peu fort avec le mot "déglinguée". Sans vouloir prétendre que la vie est au mieux et pour tout le monde dans notre bon vieil hexagone, je constate quand même que la MAJORITE de la population d'un bon nombre de pays (voir la majorité) vis sous un seuil qui ne nous paraîtrait même pas du domaine du concevable. Ces pays là sont bien déglingués.
Je sais que bon nombre de concitoyens (dont je fais parti quelque part) sont loin d'aligner les chiffres sur leur compte bancaire et se battent quotidiennement pour avancer socialement ou tout simplement survivre, mais j'ai aussi remarqué que, finalement, dans les quelques pays en développement que j'ai visité, les gens sont tout aussi heureux (ou malheureux) que nous, voir plus.
Les paysans rencontrés dans les villages du Népal me montraient constamment de beaux sourires, tout comme les enfants ou les femmes et pourtant ils labouraient leurs champs avec des buffles. Et simplement discuter avec eux, par l'intermédiaire d'un traducteur est un excellent enseignement de relativisation.
Mais en aucun cas je ne veux nier les problèmes qui existent bien (et qui peuveux être combattus et résolus) chez nous aussi, d'un autre ordre cependant lorsque l'on regarde globalement.
Ma petite touche personnelle qui n'engage que moi...

5. Le jeudi 1 mai 2008 à 15:43, par Berlol :

Bien d'accord avec toi, Bikun. Il y a pire, et presque partout. Raison supplémentaire de NE PAS désigner un groupe de responsables de tout ce qui va mal, non ?
Que se passe-t-il, Brigetoun ? De quoi vous sentez-vous coupable ? Vous vous sentez montrée du doigt par Gauchet ? C'est ça ? Si c'est ça, faut pas. Il a même pas les doigts propres...

6. Le vendredi 2 mai 2008 à 00:52, par Bikun :

Exact. Les responsables sont nombreux...

7. Le vendredi 2 mai 2008 à 18:18, par Berlol :

Et pas une voix pour défendre Gauchet ! C'est vrai qu'ici on est tellement loin du centre de la galaxie...

8. Le samedi 3 mai 2008 à 01:18, par jenbamin :

« Monsieur Marcel Gauchet, peut-être bon sur d'autres sujets... »

ah bon ? lesquels ?...
Je l'ai vu il y a dix jours à Beaubourg parler sur « l'art et le sacré au XXe siècle » : il a enchaîné un nombre de conneries assez impressionnant, et il m'est apparu que ses formes de raisonnements faisaient qu'il était strictement impossible qu'il ait quoi que ce soit d'intéressant à dire sur aucun sujet. — Rien d'un philosophe, et en tant qu'historien : quelques dates à réviser.

9. Le samedi 3 mai 2008 à 02:03, par Berlol :

C'est assez mon avis. Mais, n'ayant pas tout lu, et de nature tolérante... En fait, ce "peut-être" et le membre de phrase qui suit est un repentir. Il n'était pas dans la première version.

10. Le lundi 5 mai 2008 à 02:15, par eric :

Moi, j'aime bien Marcel Gauchet.
Je suis d'accord pour trouver ineptes ses propos sur les intellectuels après 68, tels qu'ils ressortent de la recension du Monde. Mais je me méfie un peu des simplifications journalistiques : il faudrait juger sur pièces l'article du Débat. Car je pense aussi que son portrait du libéral-libertaire n'est pas dénué de justesse, à condition de bien en circonscrire la cible.
Je ne lui prête pas une grande compétence sur les questions d'esthétique : je suis donc étonné qu'il ait été sollicité pour intervenir à Beaubourg, et je ne m'étonne pas de l'effet défavorable qu'il a produit. Mais il ne faut pas se repentir du repentir : il a écrit des choses remarquables en philo politique, son diptyque La Révolution des droits de l'homme / La Révolution des pouvoirs est vraiment excellent, et lui vaut, à mon avis de non philosophe, de mériter pleinement le titre de philosophe.
Enfin, ce n'est pas du tout un réac : c'est un social-républicain, une tendance de la gauche, quoi, sans laquelle on ne fera jamais de majorité.


© Berlol, 2008.