Journal LittéRéticulaire de Berlol
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Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Décembre 2007

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Samedi 1er décembre 2007. Retirer ma cravate verte... et en mettre une noire.

Cours à l'Institut franco-japonais ce matin : chapitre II de la seconde partie de L'Étranger d'Albert Camus, dont le thème est : la vie de Meursault en prison. Se méfier tout d'abord de la relation de ce chapitre avec le précédent, le I, à la fin duquel le narrateur précise que l'instruction de son procès a duré 11 mois. Les 5 mois dont il est fait mention dans le chapitre II ne sont pas après ces 11 mois mais à l'intérieur, c'en sont les 5 premiers. Cette inclusion donne la clé de lecture du chapitre : le traitement thématique du temps, le même temps revu sous plusieurs angles. Chapitre I (Cf. samedi dernier) : l'avocat et le juge qui transforment une instruction criminelle en procès moral ; Meursault l'athée devenant, « Antéchrist » (111), un ennemi de la société d'ordre.  L'ordre, étant vertical, n'admet pas que chaque homme soit « comme tout le monde » (103).
Chapitre II : noter toutes les expressions du temps, les allers et retours dans ce temps de quelques mois alors qu'il n'y a plus d'espace, sauf durant les 5 pages du parloir (114-119) ; espace alors saturé de bruit et de lumière où Marie et Meursault (ne) sauvent (que) les apparences. Puis le même temps revu sous l'angle des femmes et du tabac, puis sous celui de la libération de l'esprit par le souvenir, puis sous celui du sommeil. Le gardien-chef (maître des clés) est peut-être celui qui, en quelque sorte, libère Meursault. En reconnaissant qu'il est comme les autres : comme les autres prisonniers, mais aussi égalité a priori de tous les êtres humains devant leur condition. Et en lui révélant l'évidence de la punition en quoi consiste la privation de liberté (121).
On s'occupera plus tard de « l'histoire du Tchécoslovaque » (124).

Après le déjeuner au Saint-Martin, je vais aux toilettes pour retirer ma cravate verte (contre la peine de mort).
Et en mettre une noire.

Nous pouvons alors aller, T. et moi, à l'église Saint-Ignace, à Yotsuya, pour assister, au milieu de près de 800 personnes, à la cérémonie en mémoire de Gabriel Mehrenberger, notre collègue de l'université Sophia, récemment décédé d'un cancer fulgurant (comme Fred Chichin). Outre l'ordre des intervenants et quelques éléments biographiques, le programme distribué contient un extrait de Jean-Luc Nancy, sur ce qu'est l'amour, et un autre de Jacques Derrida, à propos de survivre. Nous compatissons à la tristesse des amis, des collègues et de la famille. Nous avons notre propre tristesse. Mais cela, dans l'église, ne ressemble pas à ce que je connaissais (si peu) de Gabriel. Jusqu'à ce que sa veuve, après de longs remerciements en japonais, sa langue maternelle, déclare parler dès lors en français pour être plus fidèle à son mari. Et pour dire essentiellement et clairement qu'il a vécu athée et qu'il est mort athée.
Un autre collègue nous dira plus tard, quand nous serons à quatre au café Paul, combien Mehrenberger avait eu à souffrir — pendant plus de trente ans — de son rapport à l'institution religieuse universitaire... Un vrai calvaire. Une matière à travailler philosophiquement, sans doute aussi.
Quand je le croisais dans les couloirs de l'Institut franco-japonais, il était toujours d'humeur plaisante. Me questionnant sur ma situation à Nagoya. S'excusant, moi refusant qu'il ait à s'excuser...
En 1998, je crois, j'étais venu à un entretien pour un poste à Sophia. Mehrenberger était très positif sur mes chances de l'avoir, il soutenait ma candidature. J'allais l'avoir. Nous allions être collègues. Mais j'avais parlé franchement à l'entretien, expliqué pourquoi je travaillais sur Claude Simon (plutôt anticlérical) et précisé que j'étais moi-même athée, divorcé aussi. Ce fut rédhibitoire pour une ou deux autres personnes du jury, notamment la sœur qui terrorisait alors tout le département. Gabriel n'y put rien.

« En vérité, le cœur n'est pas brisé, en ce sens qu'il ne préexiste pas à la brisure. Mais c'est la brisure elle-même qui fait le cœur. Le cœur n'est pas un organe, et il n'est pas non plus une faculté. Il est : que je est brisé et traversé par l'autre au plus intime de sa présence et au plus large de sa vie. Le battement de ce cœur — rythme de la partition de l'être, syncope du partage de la singularité — traverse la présence, la vie, la conscience. C'est pourquoi la pensée, qui n'est pas autre chose que la pesée ou l'épreuve des limites (des fins) de la présence, de la vie, de la conscience, la pensée elle-même est amour.
L'amour ne transfigure pas la finitude, et il n'opère pas sa transsubstantiation en infini. Il la traverse, toujours de l'autre à l'autre, qui jamais ne revient au même — et toutes les amours, si humblement pareilles, sont superbement singulières. Il offre la finitude dans sa vérité, il en est la présentation éclatante.» (Jean-Luc Nancy)

« La philia commence par la possibilité de survivre.
Survivre, voilà l'autre nom d'un deuil dont la possibilité au moins ne se fait jamais attendre.» (Jacques Derrida)

La vie continue. Ce soir, nabe de légumes. T. est fatiguée par le vaccin contre la grippe, reçu ce matin.
Pendant qu'elle visionne Les Choristes et que je regarde Swimming Pool, assurément le meilleur film de François Ozon, je sais qu'il y a, sur France Culture, une lecture de textes de Volodine enregistrée à la Grande Halle de La Villette le 25 novembre.
Ce sera pour demain, ici...

Commentaires

1. Le samedi 1 décembre 2007 à 23:01, par brigetoun :

et c'était très bien (Volodine)
Tous ces cancers (une amie d'amie) qui tuent. Une façon de nous donner aux survivants le devoir de vivre

2. Le dimanche 2 décembre 2007 à 00:23, par grapheus tis :

Merci, Berlol, de publier ces deux textes forts.
Ça me fait recreuser la douleur de la perte mais aussi de me resaisir à nouveau par les "mots" .



Dimanche 2 décembre 2007. Les imparfaits font une nappe épaisse.

On laisse glisser la matinée. Finalement, il vaut mieux déjeuner avant de sortir. Quelques rayons de soleils s'affairent à sécher notre linge. T. fait d'excellents udons au miso avec les restes du nabe d'hier soir.
Outre se dégourdir les jambes, l'objectif de notre sortie est d'abord d'aller visiter un autre appartement en vente, pas très loin de la gare d'Iidabashi. Alors que l'autre jour nous avions été très déçus par celui que nous avions visité, inconfortable, bruyant, vieux, d'ailleurs encore en vente ce week-end, nous sommes aujourd'hui très favorablement impressionnés. Grandes baies donnant en partie sur un square (inconstructible), à l'ouest, nombreux placards, plafonds à plus de 2,60 mètres, immeuble de moins de dix ans, ascenseur. Demandons une baisse du prix et une réfection des papiers peints avant discussion, mais le fait est que nous nous y voyons déjà...

« 453. Dans les grandes affaires on doit moins s'appliquer à faire naître des occasions qu'à profiter de celles qui se présentent.» (La Rochefoucauld, Maximes, 1678)

On pousse ensuite jusqu'à Jimbocho, par l'Hotel Edmont et Suidobashi. Un bon café avec un donut.
Pendant tout ce temps, j'enregistre toutes sortes d'émissions en retard : Surpris par la nuit de mercredi et Une vie une œuvre de jeudi sur Flaubert, les extraits de Volodine repérés hier, Du jour au lendemain de mardi avec Tugny. Mais pas encore le temps de voir les Esprits libres de Durand, notamment avec Pécresse et Sollers.

« Le ressort grinçait, la mouche emprisonnée se débattait en observant des pauses pathétiques. La lumière de la rue rebondissait contre les murs. Le chant coréen se prolongeait. C'était une mélopée d'après la défaite, d'après le décès, destinée à rendre leur fierté aux guerriers disparus ou à leurs complices encore en vie. La voix de la chanteuse était âpre, à peine mélodieuse. Quand le ressort faiblissait et qu'elle commençait à dégénérer grotesquement vers les graves, le type qui l'écoutait tournait la manivelle de son appareil pour lui redonner de l'énergie. C'était sans fin.» (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 43)
Les imparfaits font une nappe épaisse, du temps qui colle aux yeux et les ralentit.


Lundi 3 décembre 2007. Deux éclopés qui s'étaient.

Sollers a rêvé que le président en personne était venu chez lui pour écrire son article...
Ça y est ! Je l'ai enfin vu dans Esprits libres (France 2, le 23 novembre), face à Valérie Pécresse (il y avait aussi Alain Touraine, Michèle Cotta et al.). C'était... drôle ! On ne peut rien en dire de plus. Sauf qu'elle se défend bien, la bougresse ! Non, le problème, c'est Durand. Toujours à crier pour parler à son public, à son panel formé de gens toujours représentants de quelque chose. À peine un débat est lancé, il ne suit pas, il coupe pour suivre son plan. Il tue les effets qui ne sont pas les siens. La fille de l'UNI de la fac d'Orléans était très bonne, elle aussi. Elle devrait avoir des débouchés plus vite que les autres.
Heureusement, j'ai trouvé à mieux employer mes oreilles sur le canal des Sentiers de la création de France culture, avec des Morceaux du délice rassemblant quelques archives, de 1947 à 1973, traitant de scandales littéraires (Gide, Sagan, Baudelaire, Guyotat, Pauvert, Bataille, Mandiargues, Miller). Pour ceux que ça intéresserait, derniers passages de cette sélection hebdomadaire ce lundi 3, de 16 heures à 20 heures (à l'heure à laquelle je poste, c'est dans 10 minutes), et mardi 4 de 4 heures à 8 heures du matin.

La presse écrite et la librairie : deux éclopés qui s'étaient l'un l'autre (jusqu'à ce qu'ils s'écroulent ensemble). Jean-Maurice de Montremy m'a amusé comme ce n'était pas arrivé depuis longtemps dans son canard, en détaillant la nouvelle trouvaille « Livres » du journal Le Monde.

Ici, pluie. Fine. Suis sorti en vélo, voir les abords de l'appartement visité hier, faire quelques photos. Semblerait qu'une grosse avenue doive être percée derrière bientôt... En prolongation de celle qui a été ouverte l'an dernier. Sur le plan du quartier que la publicité propose, toutes les rues sont représentées, sauf cette avenue déjà ouverte, sans doute de crainte qu'on en imagine la prolongation. Pas très honnête, tout ça. Sûr qu'après ça, on ne va pas négocier au même tarif. Et peut-être même pas négocier du tout, se dit-on pendant que T. empote je ne sais quels oignons pour embellir le balcon au printemps.

Commentaires

1. Le lundi 3 décembre 2007 à 10:09, par alain :

Oui, c'est très bien, l'article de Jean-Maurice de Montremy.
Merci.

2. Le lundi 3 décembre 2007 à 10:21, par alain :

Mais, en revanche, ce Tugny, signalé hier, à l'écouter, paraît un petit con. Il pue, il pue.

3. Le lundi 3 décembre 2007 à 13:36, par Berlol :

Mais tu as été des premiers à s'étonner de son style !...

4. Le lundi 3 décembre 2007 à 19:42, par alain :

Oui, c'est vrai, il y avait dans l'extrait ou les extraits quelque chose qui brillait, une attention à la langue, qui semblaient intéressants. Le choix du sujet également. C'était publié chez Léo Scheer, mais bon. J'ai suivi les liens que tu inscrivais, j'ai vu quelques videos, écouté. Oh lala, que de fabrications ! que de génie !

5. Le mardi 4 décembre 2007 à 00:22, par brigetoun :

loupé tout ce que vous avez signalé. Par contre hier soir sur France Culture Sollers, exaspérant le plus souvent mais aussi jubilatoire, et Vasset avec Veinstein, précis avec des traces de désinvolture



Mardi 4 décembre 2007. Harcèlement moral — étagères, cartons, rouleaux de scotch.

Après avoir visionné les infos de France 2, mon petit délire en préparant le thé matinal :
En vérité, je vous le dis. C'était pas bien, la colonisation. Non, pas beau, pas beau, pas beau. Et même pas républicain. Mais bon, pas de ma faute, moi, j'avais 7 ans. Alors, vous pensez !...
Voilà, c'est dit. Allez, c'est bon ? les milliards, on les a ?
C'est... ? Quoi ? Contradictoire ? Avec la loi où on a dit qu'il y avait eu des bons côtés ? Et avec le discours de l'autre jour à Dakar ? Oh, mais y commencent à me courir, tous. Lagarde ! Ici ! Interdire de penser, c'est bien. Mais interdire de mémoriser, c'est mieux. Souvenez-vous-en !

Très belle surprise dans le shinkansen à l'écoute de Grande Entreprise, fiction de Nathalie Kuperman diffusée le 20 octobre (encore disponible à l'écoute ici). Variation sur trois objets de bureau qui expriment le harcèlement moral — étagères, cartons, rouleaux de scotch — comme une lente accumulation de sarrautesques petites phrases, jusqu'au basculement dans le symbolique. Et très bon choix des voix pour la mise en ondes.

Après deux cours et une réunion, je m'emmitoufle et rentre pour des courses et préparer le dîner. Pendant lequel je regarde Ce soir ou Jamais du 28 novembre, sur Hugo Chavez. Ah, c'est pas l'hiver, sur le plateau ! Ambiance d'Amérique centrale ! Quelles empoignades, quelle discorde ! Et pas inutile. Il se dit plein de choses très intéressantes. Juste que c'est le bordel, des dialogues de sourds, et on a l'impression à la fin de l'émission que certains vont à peine commencer à s'entendre.

Et, pour finir, en écoutant l'album Stranded de Roxy Music (1973, ici Psalm ou Mother of Pearl, par exemple), quelques pages du nouveau livre de Dominique Meens, reçu tout à l'heure (en le remerciant de son envoi gracieux) :

« Je décrirais aujourd'hui demain pour ventiler l'odeur d'égout, la mauvaise haleine, chassant l'un pour l'autre.
La route qui sort du village au nord s'écarte de la plage et la rejoint plus loin ; « Pacoa » nomme l'espace laissé par la courbe, quadrillé de pistes poussiéreuses. Au nord, à cinq minutes, tempêtes sur le devant, inondations sur l'arrière, ont détruit une maison. De même vers le sud, où de grands pans de béton gisent sur le sable, anciennes cuves où l'on élevait des larves de crevettes. Des gens vivent là, dans ce qui reste d'habitable. Deux immeubles, une baraque verte, au voisinage, ont été construit depuis, un peu plus en retrait de l'océan. Une famille, un couple, un type seul, viennent visiter les lieux, irrégulièrement. Personne ne se résout à s'installer. « Désolation », dit la voix de la chambre du fond.
— Tu ne dors pas ?
— Non.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je me demandais... Qu'est-ce que tu en penses ?
— Quoi donc ?
— Le roman français...» (Dominique Meens, Aujourd'hui demain, Paris : P.O.L, 2007, p. 12-13)

Commentaires

1. Le mardi 4 décembre 2007 à 13:55, par Philippe De Jonckheere :

Je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, je hais ce type, il me dégoûte.
Phil qui sait que c'est pas bien malin comme commentaire, mais, vraiment, je hais ce type.

2. Le mardi 4 décembre 2007 à 14:11, par Berlol :

On te comprend...

3. Le mardi 4 décembre 2007 à 14:50, par christine :

Philippe, depuis que j'ai lu il y a une semaine environ sous votre plume (pardon votre clavier) : " Suis-je le seul à vivre l'action gouvernementale comme un affront personnel ? " (je cite de mémoire, pardonnez-moi si je me trompe), cette phrase me revient très régulièrement et je me dis qu'il faut que je vous réponde
je profite donc de cette occasion pour le faire : non vous n'êtes pas le seul ! nous sommes au moins deux, et, d'après ce que je peux entendre autour de moi, beaucoup plus ...

4. Le mardi 4 décembre 2007 à 15:16, par Berlol :

Beaucoup plus nombreux, oui. Un affront personnel, oui. Et, à l'étranger, une honte, aussi. Les questions viennent de temps en temps, un peu ironiques : "Alors, vous êtes content de votre président ?", ou tout simplement : "Alors, Sarkozy ?", comme si j'étais, nous étions, les Français de l'étranger, dépositaires de connaissances particulières qui pourraient éclairer l'incompréhension de nos collègues. Et la réponse : "je n'ai pas voté pour lui", ou "je ne sais pas, je n'y suis pas"... Et cette conclusion, finalement, que le mieux est en effet de ne pas y être.

5. Le mardi 4 décembre 2007 à 23:25, par alain :

Le lien pour écouter Grande entreprise semble diriger sur autre chose.


Et moi aussi comme Philippe et vous ci-dessus, moi aussi, moi aussi, moi aussi...

6. Le mercredi 5 décembre 2007 à 00:08, par Berlol :

Tu as raison, Alain. J'avais oublié de modifier la date pour que ça ouvre l'émission du 20 octobre. Ça y est ! Tu peux y aller !

7. Le mercredi 5 décembre 2007 à 03:29, par patapon :

Il est vrai qu’il faut avoir l’estomac bien accroché pour avaler toutes les couleuvres de l’antisémitisme d’État tel que le pratique ce “grand pays ami”, simplement parce qu’on se dit qu’il ya de juteux contrats à la clé....

8. Le mercredi 5 décembre 2007 à 03:49, par brigetoun :

délicieux la transcription du bonhomme (être représentés par lui !) - quant au premier commentaire j'aime lire le désordre pour ne pas avoir à verbaliser ma détestation profonde, Philippe De Jonckeere le fait si bien !
J'avais bien aimé aussi la "grande entreprise"



Mercredi 5 décembre 2007. À minuit pile, nous nous transformons en...

« J'ai 4 fois l'âge que vous aviez quand j'avais l'âge que vous avez. J'ai 40 ans. Quel âge avez-vous ? »
Tel est le problème que j'avais dicté à mes étudiants de 2e année la semaine dernière — avec la consigne de le résoudre. Sur une trentaine, cinq l'avaient résolu et l'étudiante appelée au tableau a pu parfaitement écrire la phrase, poser les équations et donner la solution. Mais elle a été dans l'incapacité de l'expliquer pas à pas en français, ou en japonais. Je lui ai donc demandé d'écrire le problème en japonais, avec l'aide de ses camarades. Il y a alors eu un quart d'heure une extraordinaire discussion d'une dizaine d'étudiantes qui cherchaient ensemble la meilleure formulation en japonais, en prenant à rebours, comme il se doit, la concaténation grammaticale française. Jusqu'à avoir au tableau, en japonais, un texte que ceux qui n'avaient pas compris (en français) commençaient à entendre enfin.
Interrogés au déjeuner, mes collègues ont donné leur langue au chat.
Et vous, vous connaissez la réponse ?

Après ça, repos. Et sport en milieu d'après-midi. À cet horaire, un mercredi, c'est un peu comme désobéir au diktat de l'entreprise qui, sans le dire, nous veut au bureau toute la journée quand on n'a pas cours.
Pourtant, pédalant sur place et dégouttant de toxines, je continue à me cultiver...

« Par exemple, en fin de nuit, il nous arrivait de répéter son nom et de passer un moment entre sommeil et réveil, un moment que nous espérions prolonger le plus possible, à évoquer son visage et son corps, son apparence de fille fatale et craquante, prête à tout. Certains parmi nous alors, surtout les mâles, surtout les plus jeunes, bandaient. Nous l'obligions donc aussi à errer dans les caniveaux bourbeux de nos consciences, associée à nos humidités préhistoriques, à nos appels génétiques rauques et à des poussées de sang qui dataient des premiers vertébrés, du crétacé ou d'avant encore. Ainsi aussi nous l'entraînions au milieu des brutes images animales de coït qu'on nous avait appris à ne juger ni désolantes ni honteuses, qu'on nous avait appris à humaniser, à civiliser en parlant d'érotisme ou même d'amour. Ainsi elle se retrouvait involontaire actrice dans nos représentations parfois très lyriques de l'acte sexuel, et parfois au contraire sans lyre, réduites à une brève agitation crue et sordide, surtout chez les mâles. Voilà pour la dimension affective et non exclusivement politique des relations entre nous. Pour ce qu'il y avait de sexué dans nos relations.» (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 58)

Soirée à quatre en deux temps. D'abord au restaurant italien Buco di Muro de Nadya Park, buffet d'entrées, pâtes à la tomate et pizzas, poisson et desserts, avec deux bonnes bouteilles de vin et une brillante conversation dont j'ai tout oublié présentement (il est 1h15 et, vin et whisky n'aidant pas, c'est dur d'aligner les mots...).
Ah, si ! Par exemple, Sophie m'a dit qu'elle avait commencé René Leys, qu'elle en était enchantée, qu'elle comprenait pourquoi j'avais fait du chinois, il y a vingt ans...
Andreas avait bien préparé son coup pour nous entraîner ensuite dans un bar nommé le jazz modal de l'autre côté de Sakae. Sophie, Benoît et moi l'avons suivi sans difficulté. Dans un quartier de petits bars, de malfrats et de prostituées, nous avons trouvé l'endroit étonnamment branché : sièges clairs et cosy, lumières intelligemment réparties et masquées, écran avec un mash-up de films rétros et de jazz fusion. Et un jeune patron... qui parle français. Plus tard, nous apprendrons qu'il sort précisément de notre université (à Andreas et moi) et qu'il a ensuite vécu six mois à Paris et six mois à Lyon.
À minuit pile, nous nous transformons en... hommes qui rentrent chez eux en taxi, Sophie étant déjà partie depuis plus d'une demie-heure pour avoir son bus. Dans un message téléphonique, elle m'écrit qu'elle a passé une excellente soirée et que nous avions été magiques. Toi aussi, Sosso.
Sûrs et certains qu'on reviendra !

Commentaires

1. Le mercredi 5 décembre 2007 à 14:55, par christine :

le mieux pour les maths ce n'est ni le français ni le japonais c'est de poser l'équation, quelque chose comme :
40 / 4 = 10
40 - x = x - 10
2x = 40 + 10 = 50
x = 25 ans

2. Le mercredi 5 décembre 2007 à 15:00, par Berlol :

Bien joué !!! C'est exactement ce que mon étudiante a fait.
Mais comme on est en cours de langue, il faut expliquer à ceux qui ne comprennent pas... Et ça marche.

3. Le mercredi 5 décembre 2007 à 16:24, par christine :

qu'est-ce que je gagne ? (à part - et c'est déjà beaucoup - la satisfaction nostalgique d'être la bonne élève qui lève la première son ardoise avec la bonne réponse !)

4. Le mercredi 5 décembre 2007 à 18:33, par Berlol :

Je te paierai un pot en février... Ou tu préfères une carte de nouvel an au pinceau ?

5. Le mercredi 5 décembre 2007 à 20:54, par eric :

Ce problème est très curieux du point de vue de la logique énonciative : "je vais vous dire mon âge, ça vous aidera à trouver le vôtre : c'est les cinq huitièmes du mien".
Les fictions mathématiques sont bien les plus romanesques de toutes!
A samedi

6. Le mercredi 5 décembre 2007 à 23:55, par brigetoun :

le genre de problème devant lequel mon cerveau se transforme immédiatement en petit pois, allant jusqu'à refuser énergiquement de comprendre l'explication de la solution.
irrécupérable suis.
j'aime bien le bar branché dans le quartier excitant. Pas spécialement japonais non ?

7. Le jeudi 6 décembre 2007 à 00:17, par Berlol :

Ne vous inquiétez pas, Brigetoun, et sans doute pour la raison qu'Éric donne, une étudiante m'a répondu en disant : "Mais, Monsieur, j'ai 19 ans ! Je ne comprends pas..." Ce qui veut bien dire qu'en donnant son âge (réel), elle refusait d'entrer dans une stupide fiction logique...

8. Le vendredi 7 décembre 2007 à 08:07, par Stubborn :

J'étais CER-TAI-NE que la réponse était 10 ans ! Le premier qui m'explique, en japonais ou en français, comment mon cerveau gauche a fait son tour de passe-passe pour trouver une si jolie (j'y tiens) mauvaise réponse... ;-)

9. Le vendredi 7 décembre 2007 à 15:13, par Berlol :

Euh... là, vous exagérez un peu, non ? Il n'y a pas écrit : j'ai 40 ans et 4 fois l'âge que vous avez. Il y a des verbes à l'imparfait... Nobody's perfect !

10. Le samedi 8 décembre 2007 à 12:04, par Joël :

Le coup de "Mais, Monsieur, j'ai 19 ans..." me rappelle l'histoire d'un collègue de bureau à qui je demandais de me faire une synthèse rapide, en qq phrases, du projet sur lequel il travaillait depuis 10 jours.

Comme il était incapable de comprendre ma question, je lui dis : "Suppose que tu ais rencontré un copain hier et qu'il t'ait demandé de parler du projet sur lequel tu travailles. Que lui aurais-tu dit?"
Réponse: "J'ai pas rencontré de copain hier soir."

11. Le dimanche 9 décembre 2007 à 14:30, par Olivier :

Avec un peu de retard, car j'étais au colloque de Kyoto...
Ben moi aussi j'avais compris 10 ans... Les analphabètes des mathématiques en force!!! Et j'essaie encore de savoir si je suis sûr d'avoir tout à fait compris l'équation....
A une toute prochaine, ami!!

12. Le dimanche 9 décembre 2007 à 16:28, par christine :

c'est ce que je trouve très beau avec les équations : on n'est jamais sûr d'avoir bien compris (ceci dit depuis mon très très modeste niveau, car des maths je n'en ai plus fait depuis le lycée, c'est à dire depuis un certain temps !) ... quand est-ce que tu viens en février ?

13. Le lundi 10 décembre 2007 à 06:38, par Stubborn :

@Berlol. Vous—pouvez—pas—comprendre. L'imparfait appliqué aux mathématiques revêt pour moi (pour nous ; salut Olivier !) une faculté tout à fait fascinante : sa neutralisation. Alors que dans le même temps, si je puis dire, il s'avère indéniable que la moindre cellule grise de poésie voudrait que l'âge dont l'homme a la nostalgie, fut celui symbolique de l'enfance. Ah.

14. Le lundi 10 décembre 2007 à 06:41, par Berlol :

Ah, alors... Si la poésie s'en mêle ! Là, je n'y peux plus rien. Ceci dit, comme vous semblez déjà avoir eu tous deux le bac, vous n'avez plus rien à craindre...

15. Le lundi 10 décembre 2007 à 16:06, par Olivier :

mmm désolé d'en rajouter une louche...
Ce n'est certes pas grâce aux mathématiques que je l'ai obtenu ce bac... Option obligatoire... à l'oral!!!! Mais je suis frustré, aujourd'hui encore, de ne pouvoir suivre un raisonnement matheux (sauf en probabilités, allez savoir pourquoi)... En même temps, cela ne m'a jamais empêché de raisonner tout court... Notamment, par exemple, en suivant parfaitement la trajectoire qu'est en train de dessiner pour son pays un certain président de la république (pas besoin de majuscules pour ce naboléon!!) avec ses fréquentations plus que douteuses... Qui se multiplent de jour en jour... Pas besoin d'équation pour voir la trajectoire de la parabole et savoir où il veut l'entrainer...
Et merci Stubborn pour l'explication de texte!!! Je saisis mieux maintenant...



Jeudi 6 décembre 2007. Quelque chose qui ne ressemble même pas à un déchet.

Levé entre 4 et 5 pour cause de mal de tête, heure passée à m'hydrater la cafetière avec un demi-litre de thé au jasmin, mon médicament, et en finissant le billet d'hier. Puis recouché jusqu'à 7 heures, heure du lever officiel des restes du Berlol. Nouvelle hydratation, au thé vert ; les morceaux d'hier se recollent pour me faire la tête d'aujourd'hui, pas trop mauvaise finalement, à 9h20, souriant et sautillant sur mes ressorts quand il faut apparaître dans la salle de classe pour faire vivre une batterie d'exercices de grammaire.
La suite est à l'avenant. Je propose même une nouvelle façon de présenter les recours aux présents de l'indicatif, du conditionnel et de l'impératif, avec des graphiques de zones interrelationnelles déformées vers soi ou vers l'autre selon que l'on va du respect a priori de l'avis du vis-avis (j'aimerais, je voudrais...) à l'emprise hiérarchisante (fais ci, fais pas ça), en passant par la simple et ronde énonciation situationnelle (je veux, tu peux...), le tout très dynamique, allant venant dans la conversation, et variant selon le type de relation (travail, amis, famille, inconnus, etc.). L'avantage du graphique, c'est qu'il s'applique à toutes les langues, même si cela se réalise différemment dans chaque.

Volodine dans le shinkansen, après un assez mauvais bento.
« La sueur coule sur ton visage, Mevlido, elle coule sur ton visage et sur tes bras nus. Des pieds à la tête, tu ruisselles comme si tu avais une forte fièvre. Une fois de plus, au lieu de cheminer avec naturel sur le trottoir, tu te sens en train de progresser dans ce couloir de la mort à quoi se réduit selon toi la vie, un bout de chemin rendu hideux par sa brièveté et par les échos de tragédie qu'on y soulève à chaque pas. Dead man walking. Tu n'as pas tort, Mevlido, tu as même raison sur toute la ligne, mais il vaut mieux que tu considères les choses autrement. Prends exemple sur ceux que tu croises. Réfugie-toi dans leur ignorance. Apprécie comme ils le font la somnolence qu'ont apportée les vainqueurs. Imite ces gens.
Laisse entrer en toi l'idiotie et l'aveuglement.» (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 95-96)

Éplucher des clémentines... Au Japon, c'est un art. Autrefois (le vieux style !), je faisais plein d'épluchures, un tas. Depuis plus de dix ans, tout de même, je m'arrange, ayant observé maints autochtones, pour n'avoir qu'un morceau, avec différentes branches, plus ou moins larges, inégales, parfois à la limite de la séparation. Or, T. fait ça très rapidement et avec quatre larges quarts, linéairement détachés. Je décide d'outrepasser ma honte d'être d'une fruste culture pour lui demander comment elle fait. Nous comparons nos façons de tirer la peau, moi en glissant l'ongle pour aller progressivement, elle en tirant vers l'extérieur, sans passer l'ongle en-dessous. C'était donc ça. Il y avait l'ongle de différence.
L'intérêt principal est de pouvoir replier ensuite les branches zoomorphes de la clémentine vide pour avoir quelque chose qui ne ressemble même pas à un déchet.

J'essaie de regarder le dernier film de Jacques Tati, Parade, sur TV5 Monde, mais je m'endors littéralement. Outre le fait de voir comment étaient accoutrés les Suédois en 1974, je n'y vois strictement aucun intérêt. Pardon pour les tatistes.

Commentaires

1. Le vendredi 7 décembre 2007 à 02:07, par brigetoun :

curieux de lire le début du billet alors que je me cramponne à une position quasi verticale, et tente de ne pas laisser mes projets pour la journée s'évanouir.
Pour les clémentines en acheter pour le plaisir d'essayer cette façon de les dépouiller et jouir de l'odeur ? ou en rester à ma nostalgie des mandarines ?



Vendredi 7 décembre 2007. Devant cette conversation végétale.

« 15. Un blouson en vache folle.» (Édouard Levé, Œuvres, Paris : P.O.L, 2002, p. 10)

Rendez-vous avec le directeur de l'Institut franco-japonais pour un projet d'exposition en 2008 (je dirai lequel plus tard). Son enthousiasme m'étonne. Il a des idées d'installation tout à fait originales. Nous verrons si cela se révélera faisable, mais cela fait tout de même plaisir de voir une modeste proposition prise au sérieux. Pendant que je l'attendais, j'ai vu ce beau diptyque d'arbres à sa fenêtre. On doit bien travailler devant cette conversation végétale.
Déjeuner au Saint-Martin avec T., couscous pour elle et boudin noir frites pour moi.
Quelques courses rapides dans Kagurazaka et retour devant l'ordinateur pour travaux d'écriture. Jusqu'au soir.
T. va chez l'oto-rhino pour un petit mal de gorge et en sort avec une... maladie de Ménière ! Pas trop avancée, heureusement, mais cela permet de mieux comprendre des sensations de vertige qu'elle avait parfois eues, des acouphènes qui la dérangent un peu depuis plus d'un an.

« 33. Les bruits entendus dans un paysages sont écrits sur les murs et le sol d'une pièce. La taille des caractères est proportionnelle à leur intensité et à leur distance. Leur emplacement sur le mur correspond à l'endroit où ils sont apparus dans le paysage.» (Ibid., p. 16)
Ayant commencé ce livre au bain, je puis ainsi considérer comme une œuvre d'art contemporain de ne le lire que dans l'eau.
Et de l'y noyer quand je l'aurai fini.

Commentaires

1. Le vendredi 7 décembre 2007 à 16:46, par Bikun :

Allez Berlol, soit franc, tu as pris les arbres en photo puis rajouté la fenêtre dans photoshop?!!! ou l'inverse?!

2. Le vendredi 7 décembre 2007 à 23:59, par Berlol :

Peux pas le dire, pasque j'ai pas payé ce logiciel...

3. Le samedi 8 décembre 2007 à 03:03, par docteur Ménière :

avec un petit h pas à sa place dans l'oreille ? - s'il s'agit d'exposer les photographies d'Edouard Levé vous avez bien raison de vous bouger (on devrait bien en faire autant ici!)

4. Le samedi 8 décembre 2007 à 03:42, par Richard :

Essayez avec cette orthographe : oto-rhino
c OR dia L ement,

5. Le samedi 8 décembre 2007 à 03:46, par brigetoun :

naïve je suis et je veux être, et ne vois pas pourquoi il n'y aurait pas une fenêtre s'ouvrant sur des arbres qui a cette époque font dialoguer leurs couleurs.
Plaisir de savoir que cette petite vitrine est dirigée par un être enthousiaste, surtout s'il n'est pas que ça

6. Le samedi 8 décembre 2007 à 04:06, par Berlol :

Voilà ce que c'est que de taper vite et de partir sans se relire. Merci les ORL qui savez m'écouter !
En effet, Brigetoun, il n'est pas qu'enthousiaste... Mais je ne sais s'il a vu ces arbres comme je les ai vus. Nous n'en avons pas parlé...

7. Le samedi 8 décembre 2007 à 05:57, par docteur Ménière :

nous appeler oto rhino c'est rosse : n'abusez pas du boudin - est-ce Edouard Levé ? ses "fictions" sont extraordinaires (n'est-ce pas monsieur De Jonckheere)
www.loevenbruck.com/artis...

8. Le samedi 8 décembre 2007 à 06:11, par Berlol :

Pour l'expo de photos de 2008, elles ne sont pas encore faites (donc pas d'E. Levé). Mais, celles vues à l'adresse indiquée sont passionnantes. En plus, j'y ai retrouvé un ami ! encore merci !

9. Le dimanche 9 décembre 2007 à 03:31, par brigetoun :

bien aimé la fin du billet - mais : se débarrasser du noyé ensuite, moment désagréable



Samedi 8 décembre 2007. Un long élastique fixé à l'appartement.

Encore un petit matin donné à L'Étranger de Camus, cette fois pour le chapitre III de la seconde partie, facile à préparer puisqu'il narre chronologiquement (ce qui tranche sur le précédent) le début du procès de Meursault — un Meursault qui revient au temps linéaire en société alors qu'il a plutôt un temps en bou(c)le en prison. Ça se comprend. L'essentiel de ce chapitre réside dans l'ordre d'appel des témoins à la barre. En effet, chaque personne apportant un bout de l'histoire, coloré d'une certaine façon par sa subjectivité propre et recoloré par les éventuelles prises de parole de l'avocat et du procureur, c'est l'ordre d'assemblage de ces différents bouts qui formera en grande partie la conviction intime des jurés. Or, cet ordre n'est pas laissé au hasard... Laissant le crime et le mort arabe de côté, les questions concernent l'attitude de Meursault vis-à-vis de sa mère, le fait de l'avoir mise à l'asile, d'avoir été indifférent, en apparence, le jour de son enterrement, d'être allé draguer Marie et se poiler avec un Fernandel dès le lendemain. D'évasif au départ, le procureur déploie son art oratoire et sa psychologie pour resserrer l'étau de ses certitudes sur les jurés, voulant qu'essentiellement Meursault soit le responsable impardonnable de l'assassinat de sa mère.

À midi pile, je suis parti pour Kyoto, sac de voyage en main, pour assister au colloque de génétique littéraire signalé l'autre jour.
À midi cinq, arrivant presque en bas de Kagurazaka, je me suis... décidé à remonter, comme si j'étais mu par un long élastique fixé à l'appartement.
C'est qu'en descendant, j'étais de moins en moins sûr de faire le bon choix. L'idée de laisser T. jusqu'à vendredi prochain avec cette désagréable sensation de commencer seule un traitement médical (seule, Ménière...) pour aller me baguenauder à Kyoto, faire le beau à un colloque plus qu'à moitié fini et dans lequel je ne suis même pas intervenant. Sans compter la dépense, le temps... Mon seul regret étant pour la fin de soirée entre copains et l'hospitalité d'Éric pour la nuit. Et le fait que je m'étais engagé pour le dîner payant. Mais cela, objectivement, à mes yeux, ne faisait plus le poids.
Je prie ici instamment l'ami Éric de bien vouloir accepter mes excuses. Et je dois écrire à la personne qui s'occupait des réservations au restaurant.

Bon, me voilà à la maison. Je ne bulle pas longtemps...

À propos de Pascal Quignard, après le vandalisme de Lagrasse. « Au milieu du désastre, il a remarqué que les livres de Saint Augustin avaient été souillés, et pas ceux de Sade, comble d'ironie.» (chez Marc Pautrel)

Dire à T. qu'Alain Rey parle des mazarinades dans L'Amour du français, recensé par Bernard Cerquiglini. Merci, aussi, Professeur ! pour votre revue de 2006 en neuf mots (bienveillantes, boule (coup de), éléphants, indigène, Libé, Outreau, précarité, premier, tontonmania).

Merci à Christian Sauvage qui, sans le savoir, je pense, me rend hommage, nonobstant qu'il réinvente ce fil à couper le beurre de la critique littéraire qu'est le commentaire progressif tel que je le pratique depuis plus de quatre ans...

Sans ironie, cette fois, je suis heureux que Philippe De Jonckheereait enfin, après une énième lettre de refus, accepté l'idée qu'il n'est pas nécessaire de s'échiner à trouver un éditeur si le but qu'on recherche est essentiellement d'avoir des lecteurs. (Alors qu'en effet, Philippe, il y a déjà dix ou cent fois plus de lecteurs de ton site qui ont assurément bien plus d'estime pour toi que s'il s'agissait de livre de papier — et je suis du nombre.)

Dans la soirée, subitement, des pop-up apparaissent à l'écran, m'informant de risques de virus, ouvrant des fenêtres d'Internet Explorer vers des propositions d'achat d'anti-virus, anti-spyware, etc. Je ne crois pas à tout cela, depuis longtemps. Je ferme toutes ces boîtes malfaisantes. Mais elles réapparaissent après quelques secondes, ou minutes. Et puis trois icones inconnues se sont incrustées dans le bureau... Tout ça m'a l'air d'être un sérieux coup monté ! Pendant que mon scanner anti-virus passe le contenu du disque dur au peigne fin, je commence les recherches sur le web, pour savoir quoi faire, du plus simple au plus efficace. Et je vais me coucher en sachant à peu près de quoi demain sera fait.

Commentaires

1. Le dimanche 9 décembre 2007 à 03:47, par brigetoun :

l'art de savoir déterminer ce qui est important - une façon d'honorer l'humain en soi.
Pour les mots pour 2006 un regret : le ton immensément consensuel qui rend l'exercice assez inutile - pardon
pour Philippe De Jonckheere un souhait fervent : qu'il puisse trouver le temps de mettre en ligne son livre comme il l'envisage

2. Le dimanche 9 décembre 2007 à 04:09, par patapon :

Dommage, cher Berlol, et je comprends tes scrupules qui te font honneur - en souhaitant bien sûr à T. une bonne santé. J’ai vu Éric, et on a un peu parlé de toi... Ce colloque était vraiment très réussi, j’ai beaucoup appris. Les Actes seront de toute façon publiés, j’imagine, dans un assez proche avenir.

3. Le dimanche 9 décembre 2007 à 05:21, par eric :

Pas d'inquiétude : ce motif te fait honneur, je fais chorus avec patapon, dont je viens de faire la connaissance dans la vie réelle (je n'ai pas dit la vraie vie...); ou plutôt, son avatar électronique vient de coïncider avec un visage et une voix qui m'étaient familiers depuis longtemps... occasion de rendre grâce à ce blog pour procurer ce genre de réjouissantes expériences... j'en profite aussi pour saluer amicalement Olivier, s'il passe par ici, puisque, à distance, tu as, berlol, contribué à ce que nous liions sympathie.
Ce colloque a été pour moi un long exercice d'admiration (et la source d'une petite émotion personnelle : j'ai parlé le 8 décembre 2007 à 10 heures, j'avais pour la première fois de ma vie foulé le sol japonais le 8 décembre 1997 à 10 heures). Je n'entrerai pas dans le détail des commentaires éblouissants que j'ai entendus sur Flaubert, Stendhal, Camus, Proust, etc. Mais il y a eu cet après-midi une communication de Nathalie Mauriac sur le voyage à Venise du narrateur de la Recherche, qui ajoutait au brio intellectuel une vibration et une émotion très spéciales, montrant tout ce qui se joue d'humanité et de conscience civique dans la recherche en littérature : de quoi puiser de la motivation et de l'énergie au travail pour longtemps...
Sans attendre une publication d'actes qui suivra son train de sénateur, sans doute l'occasion de t'en dire plus à Tokyo en janvier...
D'ici là, tous mes voeux à T
A bientôt

4. Le dimanche 9 décembre 2007 à 06:17, par Berlol :

Je ne doutais pas que ce fût un excellent colloque et il me tarde de lire les Actes. Vous vous êtes rencontrés et c'est très bien (depuis le temps que je vous le disais); vous ne m'en voulez pas et c'est encore mieux.
Très étonnante, cette coïncidence de 10 ans ! J'espère qu'il ne se passera pas dix autres années avant que je puisse t'entendre !

5. Le dimanche 9 décembre 2007 à 08:25, par Philippe De Jonckheere :

Que veux-tu, je suis long à la détente.
Amicalement
Phil



Dimanche 9 décembre 2007. Entre les rainures d'une chaussure.

Je démarre l'ordinateur, ce matin, comme un enfant qui espère qu'une horreur aura disparu avec la nuit. Mais non. Les pop-up indésirables sont toujours là. Je les laisse agir autour d'une fenêtre réduite de TV5 Monde pendant que nous prenons le petit déjeuner. Le nombre d'événements terroristes ou publicitaires se réduit finalement à 5 ou 6, qui se déclenchent l'un après l'autre à quelques secondes ou minutes d'intervalle, formant une ronde qui devient vite ridicule...
Mais il vaut mieux, puisqu'il fait beau, que je m'en occupe plutôt cet après-midi.

Le grand soleil — et le risque que c'en soit un des derniers jours — nous motive à sortir. Marcher. À Yoyogi-Koen, le grand parc derrière le sanctuaire Meiji-Jingu, à Harajuku. Y marchons, y marchons, T. et moi, une bonne heure, nous remémorant d'autres parcs arpentés, reprenant les éléments de nos actuelles combinaisons (travail, recherche, santé, ennuis de copropriété, etc.).
Entre des feuilles marron, beiges et brunes, une mante religieuse d'un vert printanier semble perdue, n'avance plus guère dans cet automne finissant. Vue de près, elle a perdu une de ses pattes arrières, sans doute écrasée par un passant qui regardait en l'air. Après l'avoir photographiée, je la fais monter sur un petit bâton pour la déposer au pied d'un arbre, où elle aura moins de risques de finir écrasée entre les rainures d'une chaussure.
Les feuilles des ginkgos sont tellement nombreuses à terre que toute la lumière est réorientée de bas en haut. Nombreux groupes de photographes amateurs, certains concentrés sur les feuilles quand elles se détachent des arbres, d'autres pointant leurs gros objectifs sur une ou deux jeunes alouettes à courte jupe que rétro-éclairent des miroirs.
Dans un vallon ensoleillé du parc, nous trouvons un tronc allongé et sec sur lequel nous nous asseyons pour y lire une bonne quarantaine de minutes durant. Un moment d'éternité durant lequel Mevlido croit encore perdre Verena Becker...

« Elle portait une robe verte, de ce vert asiatique qu'autrefois on définissait sous le vocable de shocking green, à l'époque où l'Asie était exotique pour ceux qui accaparaient la parole, et où il se trouvait encore des anglophones qui déterminaient si une couleur était ou non choquante pour le goût occidental.
[...] Cette femme ressemblait à Verena Becker. Ce n'était pas vraiment la même manière de se tenir, ni la même coupe de cheveux, ni la même couleur de peau. Ni la même taille. Mais elle lui ressemblait énormément, par quelque chose qu'il aurait été incapable de définir. Le parfum non plus ne correspondait pas. Mais c'était elle.
[...]
[...] la tête de la femme en vert n'avait pas été joliment cisaillée, bien au contraire. Les roues en fer l'avaient broyée de façon ignoble après avoir traîné et mâchouillé son corps. Quant au conducteur, ce n'était pas, comme dans Le Maître et Marguerite, une fringante ouvrière en route pour l'avenir radieux. C'était un homme d'une cinquantaine d'années, et, s'il avait eu autrefois des sympathies pour les Komsomols, il ne s'en vantait plus en public depuis très, très, très longtemps.» (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 101-102 et 108)

Marche reprise jusqu'à Shibuya. Déjeuner au Panda (tu t'en souviendras, Éric). Puis retour en marchant jusqu'à Harajuku par le parc de la NHK et le complexe sportif Kenzo Tange. D'où je tire ce souriant lampadaire pour le dédier à Christine, qui semble apprécier les visages fortuits.
De retour à la maison, j'évacue la question des pop-up en moins d'une demie-heure (identification des fichiers à l'origine des icones surnuméraires, ouverture desdits fichiers avec Notepad pour en vider le contenu texte, les enregistrer à côté sous un autre nom, modifier les noms des documents en intervertissant nouveaux et anciens, redémarrer, enfin effacer les fichiers anciens et nouveaux puisque leurs programmes n'ont pas réussi à s'exécuter au démarrage — et hop ! ça marche !).
Puis me remets au travail.

Commentaires

1. Le dimanche 9 décembre 2007 à 08:45, par christine :

merci beaucoup, je suis très touchée ! ton lampadaire sur fond de nuages est magnifique, snob et énigmatique à souhait ...

2. Le dimanche 9 décembre 2007 à 15:41, par brigetoun :

moi j'ai trouvé la promenade sous les ginkgos avec les fantaisies de la lumière irrésistible

3. Le lundi 10 décembre 2007 à 01:14, par jenbamin :

cher Berlol,
je sais, c'est très pénible les gens qui font leur propre pub... mais bon, comme je sais que tu approuves ce genre d'initiative, je me permets de te signaler la mise en ligne des enregistrements d'un colloque auquel j'ai participé en fin de semaine dernière :
www.genres-en-mouvements....
ma propre communication concernait Tumulte, de François Bon — le texte en est ici :
www.tache-aveugle.net/spi...
bien amicalement,
benjamin

4. Le lundi 10 décembre 2007 à 01:23, par Berlol :

Bah, oui ! Quand c'est pour ça, il FAUT faire de la pub ! D'ailleurs, ce n'est pas de la pub, c'est de la réticulation littéraire ! J'y cours...

5. Le lundi 10 décembre 2007 à 02:18, par jenbamin :

réticulons, réticulons, donc...



Lundi 10 décembre 2007. Les droites de l'homme.

Ordre du jour de Sarkozy : faire (Kadha)fi des droits de l'homme !
(Ce sont les droites de l'homme qui triomphent.)

Article 13, alinéa 2 :
« 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.»

Au bain matinal, une onction d'anti-doxa :
« 49. Une revue de décoration, au lieu de présenter de riches et élégantes demeures, montre des maisons modestes et banales. Le support est luxueux : photographes spécialisés, beau tirage, papier glacé. Les articles décrivent l'histoire des lieux, la genèse de leur aménagement, la manière dont les idées de décoration sont venues à leurs occupants. Des légendes donnent les noms des magasins où les objets furent achetés, et à la fin, une rubrique indique les adresses.» (Édouard Levé, Œuvres, p. 24)

À Ichigaya, avec T., à la banque pour opérations sur son compte. Quant à moi, j'essaie de relocaliser ici un compte de l'agence de Waseda vieux de 15 ans, inutilisé depuis 5, où mon nom s'écrivait selon une autre prononciation, et en donnant mon adresse de Nagoya. Ça fait beaucoup, pour le chef de la section. Mais bon, on y arrive, tout de même...
Puis on déjeune d'un teishoku du quartier. C'est bon, mais ce n'est pas un endroit pour un café.
En revanche, l'Institut, oui. Double expresso, avec un bout de far breton. Et une petite heure de lecture de revues. Et je trouve enfin Rashômon et autres contes, d'Akutagawa Ryûnosuke, un bouquin qui d'habitude est toujours sorti...

« [...] et si un lecteur tousse, vous pouvez être à peu près certain qu'il y a au moins 300 ou 400 personnes qui se retournent en fronçant les sourcils.»
Dixit Pierre Assouline parlant des salles de lecture de la BnF (dans Envie(s) de voir, TV5 Monde). Je déteste cet homme. À chaque fois, je me dis que je vais passer l'éponge, que toute détestation est symptomatique... et il sort une connerie plus grosse que lui — et qui n'est même pas de l'humour. Je sais qu'il convient de vanter le calme et la discipline dans une bibliothèque, mais que vaut cette image de reproche collectif envers un pauve hère enrhumé ?

Commentaires

1. Le mardi 11 décembre 2007 à 01:46, par patapon :

Notre président aura-t-il bientôt le prix Kadhafi des droits de l’Homme? Non, c’est vrai, ça existe: c’est un prix qui a été créé par Jean Ziegler et Khadafi en 1988, et qui a déjà récompensé de grands défenseurs des droits de l’Homme: Fidel Castro en 1998, et Chavez en 2004 - sans oublier Ziegler lui-même et Robert Faurisson en 2002 ! Comme quoi, entre titulaires de cette noble récompense, on est vraiment en bonne compagnie...

2. Le mardi 11 décembre 2007 à 05:19, par Berlol :

J'y crois pas ! J'ignorais totalement l'existence de ce prix. T'es sûr que ce n'est pas un canular ?
Si ça existe, sûr que Sarkozy l'aura !



Mardi 11 décembre 2007. Un train, deux cours, trois lettres.

Voilà bien une journée tout à fait sans intérêt (un train, deux cours, trois lettres), qui ne mérite même pas d'entrer dans le JLR...
Une bonne occasion pour partir en plongée verticale vers les 11 décembres précédents. En 2006, quand je lisais Virginie Despentes et quand, ironie du temps, j'écrivais que L'Étranger m'avait peu remué alors que je ferai un cours dessus moins d'un an après (et sans regrets). En 2005, je me baladais, j'écoutais Christine Angot en découvrant le quartier de Tsukishima, les sensations de cette marche sont à peine émoussées. En 2004, j'étais sur la fin de La Mare au diable et, par dix-huit degrés sur le balcon, je rempotais un sapin devant le père de T., ça aussi je m'en souviens plutôt bien. Enfin, en 2003, puisque mon journal n'est pas plus ancien, quelques propos sans grand intérêt sur Savigneau, Sollers, Meschonnic.

Au dîner, je réécoute avec grand profit le Ce soir ou Jamais du 12 novembre sur les privilèges. Assurément un des meilleurs de la saison. À réécouter sans modération.
Puis finalisation d'une commande de livres (avec du Mauche, du Volodine et deux films de Woody Allen).

Commentaires

1. Le mardi 11 décembre 2007 à 12:30, par alain :

O ! les journées sans intérêts !
Les journées.
Si, il a plu aujourd'hui.

2. Le mardi 11 décembre 2007 à 16:34, par christine :

là où je t'admire, c'est de trouver de chacune de tes autres journées - et avec une telle constance - le substantifique intérêt ...!

3. Le mardi 11 décembre 2007 à 22:36, par brigetoun :

je devrais essayer - moi ce serait plutôt : sombré dans le sommeil - privilège de l'âge

4. Le mercredi 12 décembre 2007 à 00:07, par sancho :

Je viens de découvrir votre journal. Pas mal... pas mal... ça se lit comme du roman. Je reviendrai.

5. Le mercredi 12 décembre 2007 à 07:30, par Berlol :

Mais faites donc ! Vous êtes le bienvenu. Et merci du compliment. Même si aujourd'hui n'était pas le plus... romanesque.



Mercredi 12 décembre 2007. Toujours à la fois un pensum et une thérapie.

Sténo pour rédac. ult. (demain chargé aussi).

Matin, 2 cours dont lecture. Pb de trou à creuser trop facile. Autre pour le 19, avec compte d'humains et d'animaux allant à la plage.
Fête org. par étudiants, invit. étud. français (3), très bonne ambiance.
Prise de tête pour savoir où a lieu la conférence de Pierre-Louis Rey. En fait, pas à l'univ. voisine mais au Centre International de Nagoya, près de la gare centrale. Quà cela ne tienne, faudra partir un peu + tôt de la...
Réunion de faculté. Jour d'élection du chef de la fac. des langues, comme de juste.
Esquive à 17h15. En vélo tt de suite, légère pluie, métro à 17h23. Changement à Marunouchi vers 17h40 (éviter : couloirs trop longs). Sortie 2 à 18h50, entrée directe dans la tour du Nagoya Kokusai Center (Centre international de Nag., où il y a aussi des bureaux d'aide aux étrangers), direction 15e étage.
J'ouvre une porte et derrière : Pierre-Louis Rey, Kazuhiro Matsuzawa, Takayuki Kamada, Éric Bordas, Philippe Dufour et d'autres personnes que je ne connais pas (encore). Les Français descendent d'un avion en déb. d'aprem, sauf Rey tout frais pour parler des Trois Contes de Flaubert (enregistrement). Des gens arrivent, je reconnais des têtes, salutations. Salle bien remplie, finalement (30 pers.). Pas mémorable si on connaît déjà un peu Flaubert. À retenir que pour lui (Fl.), écrire est toujours à la fois un pensum et une thérapie. Après, pot. Puis restaurant cuisine tradi. mais service hypermod.
Discussions nombreuses (Pléiade Flaubert en cours, tourisme au Japon, carrières, sujets de recherches, etc.).
Métro retour seul avec lecture extraits Volodine (animaux). Journée bien remplie !

Le lendemain.
Bon, bah, nan ! Là, je vais laisser l'aspect décoffré. D'abord parce que je n'ai pas trop le temps de fignoler. Ensuite parce que ce n'était vraiment pas du formalisme. On est dans une période de dingues, tous, à la fac, avec des charrettes pleines à trimballer encore une semaine, en gros — et à vider d'ici là, si possible.
Pour les passionnés de calcul, le problème du trou, c'est qu'on creuse en une heure un trou de deux mètres de côté (en long, en large, en profondeur) et qu'on veut savoir combien d'heures il faudra pour un trou de quatre mètres de côté. Cette fois tout le monde l'a fait (je pense qu'Olivier et Stubborn devraient également y arriver) mais ce qui était intéressant, pédagogiquement parlant, c'est qu'il vaut mieux faire un petit dessin et prononcer trois phrases que de poser les opérations. Donc, l'étudiant apprend l'intérêt d'adapter ses moyens aux problèmes qu'il a à résoudre...
On l'aura compris, le dîner m'a fait plus d'effet — et de bien — que la conférence. Ce ne sera pas la première fois. J'ai d'abord eu l'occasion de remercier celui qui avait, en mars, diffusé l'annonce de mon cours sur Madame Bovary à l'ensemble des chercheurs flaubertiens du Japon, ce qui est un honneur quand on sait que l'Institut n'est pas un lieu particulièrement admiré des universitaires japonais (même si beaucoup d'entre eux y ont appris le français, ou justement à cause de cela...). J'ai ensuite pu féliciter Philippe Dufour pour son Flaubert et le pignouf, lu et apprécié il y a fort longtemps (1993), un peu honteusement parce que je ne savais ce qu'il avait publié après.
Éric Bordas n'était plus à côté de moi, il devait être à un mètre vingt, on s'était émus de conserve au souvenir de Cerisy en septembre, alors qu'à Paris, ce même jour, Antonia Fonyi et Scott Carpenter avaient aussi rendez-vous pour évoquer les derniers développements de notre équipée mériméenne.
Ces joies ! Aussi le retour à la maison en métro avec aux oreilles le passage des Anges mineurs où l'on accouche des ourses blanches en compagnie de Sophie Gironde avait-il fini de m'ensoleiller de littérature, de comment je vis et danse en elle, m'en soigne de presque tout — à dix mille kilomètres des déconvenues et des interrogations éditoriales germanopratines de François, à qui je comprends que ça pèse (on notera au passage — sa vengeance — qu'il laisse entendre que le Littell a été réécrit).
Et donc : pour rien au monde je ne retirerai un seul mot de tout le mal que j'ai écrit des éditeurs... Nonobstant le petit nombre auxquels je tire mon chapeau.


Jeudi 13 décembre 2007. Une heure de défoulement et de chocolat.

Marathon de cours : les trois habituels, à quoi s'ajoute une séance préparatoire au stage d'Orléans (15 février-14 mars). Chacun des trente-deux étudiants veut savoir où habite sa famille d'accueil, ils viennent me voir pour que je leur montre sur le plan. Certains seront près du centre-ville, d'autres près de la fac, d'autres loin de tout. Une chose est sûre : on fera beaucoup de photos.

Après les cours — ayant survécu — j'invite Andreas et David à prendre un thé. S'ensuit une heure de défoulement et de chocolat qui vaut mieux qu'une sieste (pour cette fois). Je note que David a dit qu'il se joindrait de temps en temps à nos mercredîners (ça vient de sortir).

En dînant, un Ce soir ou Jamais et demi. D'abord la fin de celui de lundi (10 décembre) entamé ce matin. Dire à T. qu'à la 51e minute, il est question de la sauce Robert (elle en a besoin, confère Perrault). Puis celui du 11, tout à fait passionnant sur les turpitudes présidentielles, sa diplomatie très personnelle qui consiste à honorer tous les dictateurs vivants — même si l'hypocrite Kouchner refuse de dire oui quand on lui demande si Kadhafi-des-droits-de-l'homme en est un... C'est fou ce que la vanité de rester en place oblige à se contorsionner. N'est-ce pas, Mme Yade ?
Je ne ferai qu'une brève citation, ce qui m'a le plus emballé :
« Nous avons affaire à deux stratèges politiques extrêmement forts. D'un côté, nous avons affaire à un homme politique, Kadhafi, qui est une star du cinéma égyptien, et qui se comporte comme un acteur égyptien de la grande époque, qui porte des beaux costumes et qui est beau, et qui est là, et relifté et tout ça. Et on a affaire à une star du cinéma américain ringard, Sarkozy,  qui se comporte comme une star un peu..., enfin médiocre [...] » (extrait d'une des prises de parole de Djamel Bensalah).

Commentaires

1. Le vendredi 14 décembre 2007 à 00:26, par brigetoun :

raison le Djamel (mêmesi physiquement la star égyptienne a sacrément vieilli et prend un genre vcieux beau ou vieille folle)
Kouchner l'air tourmenté, certains continuent à croire que c'est par l'humanité, je tendrais à penser que c'est surtout par le décalage entre ses adhésions profondes de croisé et l'image qu'il s'est donnée dans un passé lointain.

2. Le vendredi 14 décembre 2007 à 06:28, par sancho :

Bonjour Berlol. Je ne sais pas si Kadafi a l'essence de l'acteur égyptien, le fait est qu'il a une gueule extraordinaire de sphinx extrait des sables. A côté, Sarkozy a l'air du touriste qui pose à côté du monument.



Vendredi 14 décembre 2007. Que risque-t-on à vouloir se débarrasser de ses tares ?

Sport, séance courte (pas été depuis deux semaines, ne m'en étais même pas rendu compte...). J'y reprends tout de même Volodine qu'heureusement j'avais continué entre temps.

« Maggie Yeung se représente Mevlido tenant un couteau ou un sabre.
— Attendez, Mevlido, Mais pourquoi...
— Pardon ?
— Mais qu'est-ce qui vous a pris, Mevlido ? Pourquoi est-ce que vous l'avez...
Une pause. La phrase reste en suspens.
— Il pleuvait, raconte Mevlido. C'était le début de l'orage. On ne voyait pas à dix mètres. Le tramway a surgi à pleine vitesse. Elle a disparu dessous.
— Ah, je préfère ça. Comme ça, c'est mieux.
— Pardon ?
— Non, rien, je croyais que... J'ai cru que c'était vous qui...
Maggie Yeung se ressaisit. Elle s'éclaircit la voix que l'émotion avait enrouée et elle retrouve une intonation professionnelle.
— Et cette femme, vous la connaissiez ? » (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 138)

J'aime beaucoup ce malentendu rapidement et elliptiquement rectifié, tout le non-dit entre les deux « Pardon ? ». Les dialogues ont souvent, chez Volodine, ce phrasé simple de tout le monde. Non sans humour. Ce dialogue au téléphone finit un peu après parce que la ligne est coupée. Après que Mevlido a demandé à plusieurs occasions s'il pouvait appeler Maggie « Maggie », c'est le vautour Alban Glück qui prend d'autorité le combiné pour vérifier si ça marche en appelant plusieurs fois Maggie par son prénom — ce sont les derniers mots du chapitre.

« Puis il se tourne vers Mevlido.
— Je peux l'appeler Maggie ? demande-t-il.» (p. 140)

Après le déjeuner avec David, je marche jusqu'à l'université de Nagoya pour la première séance du colloque Balzac, Flaubert. La genèse de l'œuvre et la question de l' interprétation.
Ouverte mais polémique entrée en matière d'Éric Bordas qui se demande si toute génétique n'est pas — par essence, culture et étymologie — une herméneutique et si les défenses téléologiques de certains généticiens de la littérature ne sont pas quelque peu... erronées, voire hypocrites, voulant rattacher de force au continent scientifique et matérialiste (et athée) des études dont l'herméneutique est consubstantielle à son origine chrétienne...
Suite avec Philippe Dufour qui se focalise sur la notion de roman démocratique, où, partant de Tocqueville, la valeur et l'existence de l'humain dans le roman sont finement questionnées chez Balzac et Flaubert, ainsi que chez Victor Hugo (ce qui me rappelle agréablement une communication que j'ai proposée en 2004 à la Société des études hugoliennes du Japon, dans laquelle j'étudiais l'ensemble des occurrences de l'adjectif humain, humaine, etc., dans Quatrevingt-Treize).
Dommage de devoir quitter cette belle compagnie !

Dans le shinkansen, lecture de L'Étranger, encore, pour préparer la séance de demain, l'avant-dernière. Ayant bien réussi à gérer son traitement médical et ses cours de la semaine, T. est assez fatiguée. Aussi les récents problèmes de la copropriété lui font-ils renoncer à participer au syndic à compter de demain. Enfin !
Plus tard, accueil de Sophie que nous hebergeons pour la nuit. Elle aussi est fatiguée. On en est tous là, à la fin de l'année (surtout celle-ci, je trouve...).
Avant de m'endormir, sur le conseil de T., je lis la nouvelle d'Akutagawa intitulée Le Nez... Ou que risque-t-on à vouloir se débarrasser de ses tares ?

« À la hâte, il porta la main à son nez. Il le tâta ; ce n'était plus le nez court de la veille. C'était le vieux et long nez qui pendait de la lèvre supérieure au bas du menton sur un espace de cinq à six pouces. Zenchi comprit qu'en une nuit son nez s'était rallongé et, dans le même temps, il sentit revenir dans son cœur, il ne savait d'où, cette même sensation de sérénité qu'il avait une fois éprouvée lorsque son nez avait été raccourci.» (Akutagawa Ryûnosuke, Rashômon et autres contes / traduction et introduction d'Arimasa Mori, Paris : Gallimard, 1986, rééd. de 1965, coll. Unesco, p. 75, le texte original date de 1916)

Commentaires

1. Le dimanche 16 décembre 2007 à 01:04, par sancho :

Vous réussissez quand même à faire pressentir une unité de tout cela. Bravo!

2. Le lundi 17 décembre 2007 à 03:24, par eric :

Je viens d'écouter ta communication de 2004 : passionnant, et le saut méthodologique-spéculatif est très convaincant, et frappant.
A la parution du roman, en 1873, un critique (je ne sais plus qui, c'est dans le dossier de l'édition Club français du livre) avait écrit :
"plein de scènes étrangement inhumaines, ce beau livre permet d'aimer l'humanité."
C'est la même idée que tu esquisses, je crois : la réflexion de Hugo sur l'humain continue à se distribuer selon les catégories qu'il a forgées dans ses manifestes esthétiques des années 1820-1830 (épique = surhumain / tragique = inhumain); s'il les déplace un peu dans 93, c'est pour replacer le lyrique originel à l'horizon des fins. Le schéma circulaire montre, il me semble, que le fait de penser l'Histoire selon des catégories qui restent, en dernière instance, esthétiques, empêche d'appréhender le siècle suivant.
Mais tout cela reste trop sommaire.
Sinon, aurais-tu, par une heureuse coïncidence, enregistré Philippe Dufour vendredi?
On est tous un peu sur la jante en ce moment : ganbatte!

3. Le lundi 17 décembre 2007 à 04:31, par Berlol :

Merci du compliment ! comme quoi, on a tout intérêt à faire remonter l'info enfouie par le temps qui passe...
Oui, j'ai enregistré Philippe Dufour. Je vais voir si je peux le mettre en ligne...
Voilà, j'ai mis un lien sur son nom. On verra si je peux le laisser.



Samedi 15 décembre 2007. Combattre cette puérile maladie de l'imagination.

Journée difficile. La vue depuis le dimanche soir est plus calme.

Cours sur L'Étranger. Les plaidoiries, le délibéré et le verdict. Rien de plus simple, sauf que la première page du chapitre est diablement synthétique. Enfin, diablement, je ne devrais pas utiliser ce mot-là... Le narrateur résume et compare les deux plaidoiries, celle du procureur et celle de son avocat, pour dire qu'il n'y a peut-être guère de différence, sinon que l'un est meilleur que l'autre, que l'un plaide la préméditation et l'autre pas. En mettant de la sorte les deux parties du même côté, et qu'elles le tiennent toutes deux pour irresponsable, il met en procès l'institution elle-même. C'est alors un peu Camus qui parle, derrière Meursault. Et c'est pour cette raison qu'il n'évoque pas le verdict à ce moment, qu'il le garde pour la fin anecdotique du chapitre.
Le second point vraiment intéressant, pour ce matin, c'est de voir comment le procureur fait rhétoriquement la preuve de la préméditation (en réalité, il n'a aucune preuve, et si l'avocat de Meursault était vraiment là pour le défendre, il aurait facilement pu objecter, voire faire annuler la procédure pour vice de forme, ou quelque chose dans ce genre). Son projet de fournir « la psychologie de cette âme » (152), en mêlant les registres du matérialisme à prétention scientifique (psychologie) et du religieux alors encore dominant (âme), montre déjà où il va déboucher, trois pages plus loin en se penchant sur cette âme, avec force tropes dont des lycéens font chaque année la liste — pour n'y voir que du vide, c'est-à-dire le diable menaçant la pyramide sociale, et finalement demander la tête de Meursault comme auteur des meurtres d'un Arabe, de sa mère, et même du parricide à juger le lendemain ! Ah, si Meursault avait eu un bon avocat ! (C'est aussi ce qui sépare le roman-conte philosophique de Camus d'un vrai roman réaliste...)

Quand je reviens à la maison, T. n'y est plus. Excèdée par la copropriété, oppressée par le dégoût que cela lui inspire, en vue de la réunion de demain, elle est partie sans me prévenir. Nager un kilomètre. Marcher dans les rues. M'appeler pour me dire de ne pas l'attendre. Se dépenser pour dormir mieux, s'abrutir presque. Fatiguée aussi d'avoir à me parler en français, ça se comprend. C'est en tout cas ce qu'elle m'expliquera après son retour, le soir. Entre temps, sans manger, j'aurai oscillé mille fois entre la confiance que je lui dois et la crainte d'un stupide accident de la circulation, quand même plus probable quand on a l'esprit occupé.
Mais il me faut surtout apprendre à combattre cette puérile maladie de l'imagination.
Celle qui fait les écrivains ? — Je n'y crois pas.

Chaque jour qui passe est perdu.
Mais aucune journée n'est vraiment perdue.


Dimanche 16 décembre 2007. Dangereux si contredit.

Ménage dans la maison et ménage dans les têtes. Et assez de soleil et de vent pour faire tourner une machine.
Un plan de bataille est adopté : j'irai à la réunion pour y dire que nous refuserons désormais de participer au syndic, au moins tant qu'on ne recourra pas à une gestion externe. Je prépare mon texte, court, en dix points. Le président du syndic, qui parle bien français, devrait accepter de me traduire.

Après le bain et le déjeuner au French Dining, devant un immeuble où nous reviendrons en fin d'après-midi, nous voyons ce président et son épouse. Et puis je vais à cette fameuse réunion, qui durera près de trois heures, dans un local minuscule et à peine chauffé. Où l'on croira m'amollir au point d'accepter la vice-présidence que je suis venu refuser. Mais c'est compter sans mes 20 % de compréhension du japonais (tout de même) et ma longue pratique des réunions de faculté (on y apprend notamment à ne pas s'énerver et à ne pas s'endormir). J'y vois clairement fonctionner un système rôdé depuis longtemps, avec le teigneux dévoué 24 heures sur 24 pour l'immeuble depuis plus de trente ans, au point de s'en croire le chef, qui coupe la parole à tout le monde et dirige la réunion, avec l'assentiment du débonnaire président, respecté, lui, pour sa célébrité (je pense que personne ici n'a lu ses livres) et qui en profite bien. Le teigneux toujours là et le débonnaire qui habite ailleurs, sans le savoir, peut-être, se complètent, et les autres, présents ou absents, sont bien obligés de s'incliner devant ce capitaine bicéphale.
Sauf que moi — pour une fois dans le rôle d'Antigone — je refuse toujours, et quand on parle des problèmes avec le nouveau bâtiment (mur de séparation de trois mètres en fer et autres broutilles), le teigneux se met ostensiblement à discuter d'autre chose avec son voisin. C'est alors qu'on entend ma voix, assez fort, deux fois, pour lui demander, en japonais, d'écouter. Stupéfaction. Plus tard, en aparté, je dirai au président, par ailleurs psychiatre, que le teigneux est un fou — certes utile à la collectivité, plus que moi peut-être, mais fou, donc dangereux si contredit. Maintenant, je sais qu'il sait que je sais ce qui se passe ici.
[Le lendemain, une voisine qui assistait à cette réunion téléphone à T. et lui dit combien elle avait été surprise et contente que quelqu'un lui cloue le bec, pour une fois.]

T. m'offre un thé. Sortons visiter un appartement. Oui, on cherche tout de même à s'enfuir. Investir et s'enfuir. Ce qu'on visite est très récent, trop petit pour nous, mais intéressant pour notre expérience. Une sorte de bunker zen en rez-de-chaussée, au pied d'un mur en béton creusé dans la colline. Dans l'appartement, toutes les fonctions modernes pour vivre en autarcie après un conflit atomique. On s'en amuse avec l'agent qui nous fait visiter.

On réussit enfin à entrer au restaurant Zio, dans une ruelle de Kagurazaka, qui nous a attiré maintes fois mais toujours complet. Pas ce soir. Même plutôt calme. Et c'est très bon. On fait simple : salade de rucola, pizza avec parme et mortadelle, spaghettis sauce de légumes.

« 69. Un immense dessin fait d'un fil rouge collé au mur représente un paysage urbain contemporain. À l'issue de l'exposition, le dessin est effacé en tirant sur le fil : le film de sa réalisation se délite à l'envers.» (Édouard Levé, Œuvres, p. 36)

Commentaires

1. Le dimanche 16 décembre 2007 à 07:39, par brigetoun :

qu'il est agréable de lire un compte rendu d'une réunion de copropriété en étant totalement détachée - en passant une bonne expérience de ce que peut être la "démocratie", et comment on peut essayer de l'orienter (sauf quelques groupes que l'on se repasse dans un cabinet). Bon en quarante et quelques années on se lasse

2. Le dimanche 16 décembre 2007 à 14:56, par cecyl :

bonjour
pouvons-nous échanger nos liens
merci d'avance
en espérant vous plaire
cecyl
www.cecyl.net/

3. Le dimanche 16 décembre 2007 à 15:23, par Berlol :

Non, merci, Dieu ne me parle pas parce qu'il n'existe pas. Vendez bien.

4. Le lundi 17 décembre 2007 à 00:08, par scott :

Un régal, ce petit texte. Ça me rappelle une réunion à laquelle j'ai assisté quand je venais de débarquer en France il y a bientôt 30 ans : force discussions, dont quelques commentaires à mon propos, car on me croyait entièrement xénophone, où j'ai eu le menu plaisir de décontenancer quelques personnes en prenant la parole vers la fin.
C'est toujours un zoo, ces réunions, et nous sommes d'étranges animaux, nous autres humains.



Lundi 17 décembre 2007. Pour revenir à mes moutons réticulaires.

— Comment vous trouvez le président, après le soleil de Lybie ?
— Il a bruni.

Mais ça ne vaut pas (Léo) Scheer. Tout le monde ne va pas en rire, de son cours de journalisme ! Au-delà du mouvement d'humeur, qui peut s'expliquer dans le cadre d'une concurrence sans véritables bornes morales, je me demande quel intérêt LS peut envisager tirer d'un foutage de gueule public sur le dos de François Bon. Surtout que LS doit toucher beaucoup plus de thunes dans l'édition que FB !... Noircir son voisin permettrait-il de se donner les mains blanches ?
Enfin, ce que j'en dis, moi, hein !...

Lu quelques pages d'Akutagawa, eu un rendez-vous à la banque, déjeuné au Saint-Martin avec T. (en remplacement de samedi), pris le thé chez nous avec l'employée d'une société de numérisation de documents qui était aussi étudiante de français au Lys blanc il y a quelques années. On connaît ses profs, elle s'intéresse aux Contes de Perrault, je laisse les deux dames après les tartes aux pommes ramenées du Saint-Martin pour revenir à mes moutons réticulaires.
Comme enregistrer les 5 causeries d'Antoine Compagnon dans les Nouveaux Chemins de la connaissance de la semaine dernière.
Comme lire L'Huma, dont je tire l'article ci-dessous. Le même jour, se trouve également un article au titre réjouissant et qui se passe de commentaire : Al Dante sort de l'enfer.

Michon dans le texte
« Les livres de Pierre Michon n’occupent pas deux décimètres sur les rayonnages de nos bibliothèques. Une œuvre matériellement de peu de poids, mais dont on sait qu’elle constitue l’une des références de l’actuel paysage littéraire. En partage avec les grands textes de Pierre Bergounioux, François Bon, Patrick Chamoiseau, Jean Echenoz, Pascal Quignard, Jean Rouaud, Jean-Philippe Toussaint, Marie N’Diaye ou encore, de plus en plus, François Taillandier. Si Pierre Michon publie donc peu, douze maigres volumes en vingt-trois ans, il se trouve continûment habité par la littérature, ainsi qu’en témoigne la trentaine d’entretiens aujourd’hui réunis. Face à des interlocuteurs souvent pertinents, mais quelquefois aussi d’une stupéfiante cuistrerie, quand ils ne tombent pas carrément dans l’amphigouri, l’écrivain fait en effet valoir une constance dans ses convictions et une profondeur de réflexion tout à fait remarquables. La littérature comme on aimerait la voir plus fréquemment pensée et défendue. Pierre Michon n’assène pas ici des sentences obscures et définitives. S’il théorise, beaucoup, c’est toujours à partir de son expérience concrète d’écriture. D’où la prodigieuse force de conviction de son propos. Écrire consiste pour lui d’abord à lire. L’idée pourrait paraître banale, si elle ne signifiait chez lui une connaissance intime de tout ce que l’on peut considérer comme essentiel, depuis l’origine jusqu’à nos jours. Tels les compagnons qui ont fait leur tour de France, il a effectué son tour de la littérature, observant au travail les maîtres anciens et plus récents, repérant leurs tours de main, approchant leurs secrets de fabrication. Auprès d’eux il s’est forgé la conviction que l’écriture était une affaire qui se jouait, de bout en bout, dans les détails du mot et de la phrase. Dans leur justesse, leur équilibre et leur rythme. On peut ainsi l’observer retrouver à partir de son expérience propre la leçon de Claude Simon, qui voyait dans la création littéraire une somme d’« arrangements, permutations, combinaisons ». Car cet écrivain, en lequel certains exégètes voudraient distinguer l’une des figures phares d’un rigoureux classicisme, ne s’est pas tenu à l’écart des grandes interrogations et innovations des dernières décennies. Alors que la pensée néoconservatrice a également diffusé sur le terrain de la littérature et de l’esthétique — avec pêle-mêle la sanctification du récit, les accusations de formalisme et de solipsisme, ou encore les injonctions à s’inscrire dans une pratique pré-flaubertienne —, on peut voir ici combien Michon lui-même se réfère à ce qui a bouleversé le champ de l’écriture depuis un siècle et demi. Flaubert, Rimbaud, Lautréamont, Melville, Faulkner, Artaud, Céline, les générations successives du « soupçon » (Beckett, le nouveau roman, Tel Quel) : « Je suis sûr que les avant-gardes ont tenu pour moi le rôle exigeant et inquiet d’un surmoi littéraire.» Pour tous ceux-là, comme pour lui, la langue en effet placée au centre du travail d’écriture. À l’exact opposé d’un médium neutre et transparent. À plusieurs reprises il revient sur sa « scène primitive », une fin d’après-midi dans son village de la Creuse. L’instituteur lisant à sa classe l’ouverture de Salammbô et la sidération devant ce défilement de mots inconnus et étranges, cette profusion de sons inouïs. Plus tard, dans les longs intervalles de mûrissement de l’écriture, Madame Bovary arpentée en tous sens, les images qui s’y cachent débusquées et mises au jour, l’énorme signifié poussé hors de ses tanières. Une littérature en bouleversement. Celle-là même hors de laquelle Michon ne conçoit pas de produire rien de valable, à des années-lumière de l’académisme. Il se trouve que ce recueil d’entretiens nous parvient juste après les Carnets de notes de Pierre Bergounioux. Le Creusois et le Corrézien, voisins d’enfance du désert central, nous offrant ainsi, dans une simultanéité qui relève du plus pur « hasard romanesque », c’est-à-dire de la nécessité, deux approches fines du besoin et de la douleur d’écrire. Quand tout paraît avoir été dit. Mais quand demeure l’irrépressible désir de nommer, de faire sonner ensemble des mots, d’ouvrir des portes nouvelles dans le réel.»
Le roi vient quand il veut. Propos sur la littérature, de Pierre Michon. Éditions Albin Michel, 400 pages.
Article de Jean-Claude Lebrun, dans L'Humanité du 6 décembre 2007.

Commentaires

1. Le lundi 17 décembre 2007 à 12:03, par jenbamin :

On savait Léo Scheer mesquin et intéressé, on le sait maintenant méchant gratuitement... C'est bien médiocre, tout ça.

2. Le lundi 17 décembre 2007 à 14:11, par Berlol :

Et François reste digne, à lire chez lui. Il a autre chose à faire.

3. Le lundi 17 décembre 2007 à 21:55, par patapon :

Ah là là ! Oui, il a bruni, libre à lui: mais au lieu de choisir la Comédie-Française ou Orsay, il faut que ce soit Eurodisney! Je suis sans voix, le cul par terre. Nos “héros” avaient-ils des oreilles de Mickey sur la tête lorsque la presse les a surpris? Ô désolation! Ô sanglots!
Je n’en ai pas dormi de la nuit, et ce matin, j’en pleurais encore!

4. Le lundi 17 décembre 2007 à 22:12, par Berlol :

Eh, oui ! Mais tout cela est tellement... populaire !

5. Le mardi 18 décembre 2007 à 04:24, par eric :

Merci pour le lien avec Dufour : ça marche, et c'est un régal.
Quelle sensibilité à fleur de peau, patapon! Carla Bruni est à mettre exactement sur le même plan que Kouchner : c'est une belle prise, une part de butin, une entourloupe post-lybienne. Mais, puisque l'alcôve et le cabinet n'ont plus de séparation, cela a l'avantage de démontrer :
- que Kouchner est bien une danseuse
- que Carla Bruni n'est hélas plus très loin du titre que Christine Deviers Joncour se décernait à elle-même.



Mardi 18 décembre 2007. Notre part de naïveté.

Ton petit nid douillet
et ses barreaux dorés
m'ont paru ce matin
plus qu'à l'accoutumé
difficiles à quitter

C'est qu'il fait froid dehors
que je sors sans mon cœur
resté entre tes mains
mieux qu'en tout autre lieu
heureux et dorloté

Des trains et des métros
de nous m'ont arraché
pour m'emporter là-bas
vers un travail ardu
puis une couche austère

Encore trois jours sans toi
dans une vie si courte
qu'encore je me demande
pourquoi je suis sorti
de notre douillet nid.

Et ce n'est peut-être que ça, le noyau de la vie, cet amour, quand on l'a. Les arts et les lettres ne font que l'embellir à nos sens et le sublimer en notre orgueil. Les journaux, la politique, les grandes causes tentent bien de nous détourner, de nous circonscrire et de nous appréhender ; on s'exalte et on se scandalise, on s'extasie et on se mobilise... Mais je me demande parfois si tout cela ce n'est pas des histoires, et ce que c'est d'autre que des histoires qu'on nous raconte. Des catastrophes, des questions et des hontes nous entourent effectivement, oui, c'est l'évidence. Mais elles nous parviennent toujours prises dans des réseaux d'intérêts cachés et de conflits rapportés ; et c'est notre part de naïveté, à chaque fois sollicitée, qui nourrit le monstre des actualités.
Et ce ne sont pas les propos sur le storytelling politique sous Blair et Sarkozy, tel qu'il est savamment débattu dans Ce soir ou Jamais d'hier qui m'enlèveront ça de la tête. Bien au contraire ! Et en ces matières je suis plus enclin à suivre les idées de Bernard Stiegler — revenu chez Taddeï, ce n'est pas rien — ou de Christian Salmon, que celles d'Alastair Campbell ou d'Yves Jégo. Ce dernier nous prend pour des cons — décidément, c'est monnaie courante dans son parti — et voudrait encore nous faire croire qu'on va chercher trop loin quand on interprète l'avènement de la claire Carla comme un moyen de bouter la noire semaine lybienne hors de l'agenda. C'est qu'il ne peut pas reconnaître (Jégo qui n'est pas plus convaincant que l'avocat de Meursault) que les audiences des médias sont maintenant réduites à des mémoires flash qu'on débarrasse d'une mauvaise nouvelle en y mettant une bonne — il y a peu de place dans le buffer.

Commentaires

1. Le mardi 18 décembre 2007 à 11:58, par alain :

Alors, peut-être, je viens de m'en apercevoir, de les mesurer approximativement, sans parler de tes choix, de tes goûts, ni des noms des gens qui parfois ou souvent émaillent tes propos, c'est que ce que tu écris est, par exemple ce soir (je ne parle pas de tes vers mais de ce qui suit), truffé de vers blancs.
Dorénavant, je ne vais plus te lire mais te compter.
Larvatus prodeo

2. Le mardi 18 décembre 2007 à 14:52, par Berlol :

À quelle sauce la veux-tu, ta salade de vers blancs ?
Amicalement.

3. Le mercredi 19 décembre 2007 à 03:56, par brigetoun :

sage, si sage, du début jusqu'à la fin.
Aurais je du goût pour les vers blancs ?



Mercredi 19 décembre 2007. Bouse fumante.

« À L'AUBE: UNE TERRE IMMENSE, AU CRÉPUSCULE: UNE BOUSE FUMANTE! » (Maria Soudaïeva, Slogans, traduit du russe par Antoine Volodine, p. 52)

Un petit coup de mou, ce matin, entre deux cours. Cherchant où m'appuyer pour ne pas dormir, j'ouvre le livre au hasard et tombe sur ça. Éclat de rire. Propulsion maximum pour la journée. Puisse-t-elle (Maria) servir à quelqu'un d'autre !

Ça m'a propulsé, comme hier, à travailler au bureau jusqu'à près de 22 heures, avec une pause dans l'après-midi.
Après le déjeuner, en effet, David et moi sommes sortis du campus en voiture pour rendre visite — par politesse, à la japonaise — à un agent immobilier. Louer ou acheter, maison ou appartement, nous sommes, pour des raisons différentes, amenés tous deux à y réfléchir, et les conseils d'un spécialiste en qui on puisse avoir confiance sont les bienvenus. Or, T. et moi avons de bonnes raisons de penser que cet agent-là n'essaiera pas d'abuser de nous. Et puis tout le monde dit que le marché immobilier japonais commence à baisser...

Au bureau, correction de copies, préparation de sujets d'examen, constitution d'une liste de discussion des étudiants qui partiront en France en février, etc. La partie rouge de ma check-list doit être barrée avant vendredi (autant dire qu'une terre immense sera réduite à l'état de bouse fumante — sur le papier). Après, ce sera une autre histoire — pendant les congés, le chercheur prendra la place de l'enseignant.

« Comme toujours, on entendait une basse continue faite de cris, de froissements d'ailes, de cognements, de chutes, de brisures, avec, là-dessus, des voix humaines qui se croisaient. Partout dans Poulailler Quatre, les résidents, toutes espèces confondues, continuaient à bougonner ou à se taire par petits groupes. Du côté des restaurants, les tintements de vaisselle n'avaient pas cessé.
Quelqu'un avait allumé une bougie dans une maison près du carrefour.
La flamme n'éclairait rien.
La lune à présent se cachait. Les étoiles avaient déclaré forfait, des montagnes de vapeur goudronneuse se rassemblaient au cœur du ciel. L'obscurité se renforçait.» (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 156)

Commentaires

1. Le mercredi 19 décembre 2007 à 23:56, par brigetoun :

absurde de se sentir bien, comme moi, dans le monde de Volodine. Serait-ce la même chose s'il n'était pas sur papier ? Je pense autant que dans le monde glacé du 16ème ou de Neuilly, ou dans une ville nouvelle qui n'aurait pas commencé à être dégradée

2. Le jeudi 20 décembre 2007 à 16:30, par Berlol :

C'est aussi mon sentiment, chère Brigetoun ! L'univers plombé et torturé de Mevlido nous dit une chose tandis que l'écriture elle-même nous en dit une autre... Pour le 16e, je ne sais pas, je n'ai fait qu'y passer très brièvement — pour moi, c'est plus loin que la Patagonie.



Jeudi 20 décembre 2007. Les grands écrivains sont une menace pour leur peuple.

Tiens ! Je me demandais quand j'allais donner mon point de vue sur la chose, mûri depuis des semaines par les diverses invitations reçues. Mais voilà que je trouve très précisément l'opinion que je me suis faite dans un billet de Daniel Garcia. J'y renvoie donc, aussi pour ce qui précède et ce qui suit.
« Facebook par-ci, Facebook par-là : plus à la mode, tu meurs. Sauf que moi, Facebook, ça ne m’a pas un seul instant inspiré. Il y a trente ans, ou quelque chose comme ça, un truc aussi, avait été furieusement à la mode : la CB, ces radios dans les voitures. C’était formidable, paraît-il, pour se faire de nouveaux amis, engager le dialogue, créer du lien — ça a duré quoi ? un an ? Facebook, c’est un peu la même chose : l’illusion de créer du lien social, quand celui-ci se délite à tout va et que les gens n’ont jamais été aussi seuls qu’aujourd’hui. [...] »

Le billet de J.-M. de Montremy sur l'oreille droite est aussi très instructif et nous rend un grand service : faire l'économie de l'achat d'une revue faussement nouvelle nommée Service littéraire.

Nouvelles épiphanies du post-moderne.
Perpétuité sans preuves (Colonna) contre multi-récidiviste en liberté (Chirac). Loyer quatre fois moins cher pour serviteur de l'État contre décès d'un homme sans couverture, sur une palette, à la Concorde. La foi sauve le beau monde bien chaussé : Benoît XVI, Sarkozy et Bigard communient ; pendant ce temps, les artisans de la chaussure ont les foies (Jourdan). La garde des sceaux, qui ne voit plus ses fonctionnaires, garde un œil sur les grands couturiers (Dati).
Procès pour un carambolage ; le brouillard a été relaxé.

Journée continue : trois cours, un informaticien qui vient changer les proxy, des courriers, des rapports, etc. La check-list se barre.

Pour finir sur une vraiment belle note :
« Je constate que les écrivains que nous primons sont souvent des exilés, qu'ils aient fui hors de leur pays ou à l'intérieur d'eux-mêmes. En cela, ils sont plus des représentants de la "Weltliteratur" que de leur nation. C'est pourquoi, souvent, leurs concitoyens auraient préféré que nous ne les récompensions pas ou alors que nous couronnions quelqu'un d'autre à leur place ! Voyez Claude Simon : les Français nous ont dit : "Pourquoi pas Yourcenar ?" Pareil pour Imre Kertesz ou Günter Grass. Les grands écrivains sont une menace pour leur peuple. C'est seulement une fois morts qu'ils cessent d'être un problème. Alors l'opinion change et, d'enfants prodigues, il deviennent tout simplement des dieux.» (Horace Engdahl, secrétaire perpétuel de l'Académie Nobel, « Horace Engdahl : le faiseur de Nobel » / entretien avec Florence Noiville, Le Monde du 20/12/207)

Commentaires

1. Le jeudi 20 décembre 2007 à 23:50, par brigetoun :

vrai que les grands écrivains .... mais Claude Simon exilé ?

2. Le vendredi 21 décembre 2007 à 00:13, par jenbamin :

Claude Simon venait de province : c'est presque pire que l'exil, non ?

Sinon, pour être plus sérieux (quoique), au sujet de facebook : c'est comme pas mal d'autres choses, l'outil en lui-même est pauvre, son usage dominant est pitoyable (illusion de créer du lien social en effet, mécanismes addictifs, etc.), inutile d'y insister. C'est un peu comme les blogs : tous au même format, déballage d'« effets d'intime » (comme tu les appelles, si je me souviens bien), narcissisme élémentaire, etc. Sauf que... Sauf que dans la galaxie blog il y a aussi des JLR, des lignes de fuites, des Ph. de Jonckheere, des François Bon, des ... — je m'arrête là parce que la liste pourrait être très, très longue.

La question est donc : est-il possible de détourner facebook de sa fonction d'auto-mise à disposition de cerveaux disponibles ? Je n'ai pas la réponse, et je ne suis pas franchement optimiste, mais je crois que c'est la seule question qui vaille : les mauvais aspects du machin, est-il vraiment nécessaire de s'y arrêter ?

(Là, je réfléchis un instant, et je me dis que mon cerveau doit être de plus en plus disponible, il faudrait que je me surveille plus : en fait oui, ça vaut encore le coup de dénoncer le mensonge grossier, c'est même urgent. Mais gaffe, on va avoir fort à faire. Et ça commencera peut-être par la télé, plus que par facebook, finalement assez inoffensif en comparaison.)

3. Le vendredi 21 décembre 2007 à 03:11, par jenbamin :

Afterthoughts... : peut-être finalement Henri Guaino est-il un grand écrivain.

4. Le vendredi 21 décembre 2007 à 15:26, par patapon :

Bigard au Vatican... franchement! (mais dans le fond il est possible que quelques histoires salaces leur fassent un peu de bien...)

5. Le vendredi 21 décembre 2007 à 16:17, par Berlol :

Sur France 2, on voyait que c'était plutôt lui qui virait bigot...
Merci, Jenbamin !

6. Le samedi 22 décembre 2007 à 01:08, par brigetoun :

salace et bigot cela n'a rien d'antinomique



Vendredi 21 décembre 2007. Presque une (lit)thérapie.

Réveillé en pleine nuit par un bon mal de tête — ça faisait un moment que ce n'était plus arrivé. Thé au jasmin de 4 à 5, ça passe, comme d'habitude, puis recouché une heure. Rédaction du JLR d'hier et d'un dernier rapport avant le petit déjeuner. Rangements en prévision du départ jusqu'à l'année prochaine.
Au sport, étirements en commençant le pédalage. La douleur musculaire ou tendinaire apparue dimanche ou lundi a presque disparu. T. craignait ce qu'elle appelle le frozen shoulder, en français je ne sais pas... Un truc qui peut durer six mois ou un an. Heureusement, ce n'est pas ça. Et puis avec tout ce qu'on a à faire en ce moment, j'ai dit à mon épaule que ce n'était pas le moment. Elle a compris, je crois.

« Mevlido avait commencé à mugir. C'était pour l'instant, le seul moyen qu'il avait trouvé pour se débattre. Les paroles se diluaient dans sa bouche, elles devenaient un beuglement sans articulation ni efficace. Ce n'est pas réel, pensa-t-il soudain. Je suis ailleurs que dans le réel. Sa peur augmenta. Il s'était rendu compte qu'il rêvait, mais il ne pouvait pas sortir de l'ailleurs ni en chasser Alban Glück. Il aurait fallu prononcer une formule conjuratoire quelconque. Mais sa langue avait désappris la parole et ne lui était plus d'aucun secours.
— Ne crie pas, dit quelqu'un. Ne crie pas, mon Yasar. Tu me fais peur.
Il avait la chair de poule. Il sentit sur lui la main de Maleeya Bayarlag. Un cauchemar, pensa-t-il. Rien de plus qu'un sale cauchemar de plus. Il était allongé, il lui semblait entendre encore l'écho des plaintes par lesquelles il exprimait son désir violent de changer de monde.»
(Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 166)

J'écrivais avant-hier que « l'univers plombé et torturé de Mevlido nous dit une chose tandis que l'écriture elle-même nous en dit une autre...» Mais je crois que ce n'est pas tout. Autre chose me rend chères les œuvres de Volodine, autre chose fait de sa littérature presque une (lit)thérapie contre la folie du monde actuel. En plaçant souvent l'humanité dans un futur imprécis, ou dans un hors temps quelconque, Volodine me (nous) soulage du poids de l'histoire sans l'oblitérer, me (nous) dégage des chaînes qui me (nous) rattachent aux œuvres littéraires contemporaines quand elles sont réalistes, ancrées, circonstanciées, quand elles ne font qu'aggraver notre emprise, mais dans le même temps Volodine n'essaye pas de me (nous) faire avaler un conte de fées où les problèmes, les angoisses, les frustrations n'existeraient plus, il ne tente pas de me (nous) fourguer les doses de calmant que les patrons de l'édition — copains des patrons de presse, copains des dirigeants politiques et des potentats financiaro-industriels — aiment à sélectionner pour ce qu'ils considèrent comme leur noble métier d'éditeur... et qui s'apparente le plus souvent à une distribution générale (payante) de bonbons farcis de tranquillisants.

Après le très agréable dernier déjeuner de l'année avec David (qui s'envole pour Cairns dans trois jours, le salaud !) et une dernière réunion, je m'en vais prendre le train, relire les dernières pages de L'Étranger, dormir, rêver, peut-être... Et rejoindre T., enfin, mais pas en rêve !

Lectures du soir. Pas le seul à avoir eu un petit coup de mou, on dirait !
Mais, François... ce que tu dis là — la concurrence des blogs où l'on trouve ce que l'on ne trouvait autrefois que dans des livres —, j'en suis convaincu depuis plusieurs années déjà. Je te demande bien pardon, je ne suis pas quelqu'un qui publie des livres, je n'ai pas le droit de pointer au catalogue des écrivains, mais je crois bien avoir dit dès le début qu'une partie de la nouvelle littérature était là — et que j'en étais, modestement.

Commentaires

1. Le samedi 22 décembre 2007 à 12:41, par brigetoun :

pour Volodine est ce qu'il n'est pas l'incarnation en notre temps d'une longue tradition : le pas de coté qui permet d'éclairer



Samedi 22 décembre 2007. Humer les chaussettes de Rimbaud.

Pour expliquer ce qui se passe entre les mots « Aujourd'hui » et « haine », respectivement premier et dernier de L'Étranger de Camus, je dirais que l'on passe d'un athéisme involontaire (euphémiquement nommé « insensibilité ») à un athéisme accepté (poétiquement nommé « tendre indifférence du monde »). C'est le conte d'une prise de conscience qui nécessite : 1. un événement permettant de discriminer un individu (le meurtre), 2. une stigmatisation par laquelle l'institution se dévoie (ou se montre telle qu'elle est : le procès), 3. un révélateur quand quelque chose « a crevé en moi » (la colère contre l'aumônier). Aux fables qui recensent les diverses tentations que le Diable et ses sbires font subir à une âme (type Saint Antoine), Camus oppose, dans ce chapitre ultime, celle d'un homme presque quelconque qui doit subir et repousser les assauts d'un prêtre et de sa foi assujettissante. L'horizontale d'un homme qui se pense « comme tout le monde » vient se mettre en travers de la verticale des hiérarchies religieuse et étatique. Cette croix que forment le matérialisme et le catholicisme, c'est celle que Camus (ap)porte à notre édification.
N'oublions pas que le roman ne s'achève pas par l'exécution du condamné. Même si Meursault s'en fout, le pourvoi en grâce est peut-être arrivé le lendemain du point final...

La grisaille recouvre tout. Un froid humide de moins de 10 degrés, mais encore bien plus chaud que ce que je constate en France. Au Saint-Martin, je n'en prends pas moins de l'agneau. Ça réchauffe le corps...
Puis on reste à la maison. T. reçoit quelques étudiantes qui vont bientôt partir en France, pour leur donner des conseils de voyage, de sécurité et de savoir-vivre. Moi, je réponds à du courrier en retard, j'écoute la radio, je parcours yeux et oreilles la nouvelle formule de Jamendo — tout simplement époustouflante !

Le lapin qui fait du mochi dans la Lune...Dans le journal Asahi, deux pages sur Murakami Takashi ( 村上 隆さん), 45 ans, l'artiste créateur du groupe Kaikai Kiki dont nous avons déjà parlé et qui est composé de plusieurs artistes (ci-contre une œuvre de Takano Aya).
T. m'en traduit une bonne part : les études d'art japonais classique, la recherche d'une voie personnelle et kawaii, les années de clochardisation par désintérêt du public, le voyage aux États-Unis où Murakami trouve sa voie et de l'aide, la nécessité d'être en même temps un homme d'affaire.
L'expression Kaikai Kiki trouve son origine étymologique dans un mouvement artistique de l'ère Momoyama (sur)nommé Kiki Kaikai (fin du XVIe siècle), par et autour de l'artiste Kanô Eitoku dont le style est apprécié pour la bizarrerie, l'excès de vitalité, et qui honore des commandes de grands seigneurs (comme Oda Nobunaga ou Toyotomi Hideyoshi, deux des acteurs d'une première unification du pays)...

Bonus pour Christine :
« Two monsters, one white with long ears and a smiling mouth (Kaikai), the other pink with short ears, three eyes and jagged teeth (Kiki), take their names from a 16 th Century ideology. In the late 1500s the work of the painter Kano Eitoku was criticized for its execessive liberty. Using Chinese characters (as on Murakami’s characters’ ears) his work was described as Kaikai Kiki (elegant) or Kiki Kaikai (supernatural and bizarre).  The adjective kikikaikai is used to describe strange things or phenomena, but the term kaikaikiki embraces several different notions — bravery and power with a keen sense of sensitivity. Kaikai and Kiki appear in sculptural form, in paintings together, alone and amongst other characters. When presented flanking Mr Oval, they can be seen as acolytes to Oval’s Buddha.  Murakami has applied the term Kaikai Kiki to the title of this exhibition as well as his corporation.» (Selon Murakami)

Entendu dans Jeux d'épreuves du 15 décembre : « Pour ma part, en tout cas, je préfère les chaussettes de Rimbaud aux autofictions de Christine Angot.» Je dois dire que j'en suis resté baba ! Après un quart d'heure de considérations raisonnables sur la Correspondance de Rimbaud, finir sur cette note ridicule, de la part de Joseph Macé-Scarron, c'est tout simplement indigne. On se demande parfois si les gens de radio s'écoutent !
Ceci dit, il va falloir que je retourne humer les chaussettes de Rimbaud, ça m'inspirera peut-être pour la prochaine session de cours de l'Institut.

Commentaires

1. Le samedi 22 décembre 2007 à 21:44, par Philippe De Jonckheere :

Berlol, si j'osais, en matière de comparaison entre le grand Arthur et Christine-moi-je, je crois que j'écrirais bien pire. Mais je ne passe pas à la radio.
Amicalement
Phil

2. Le samedi 22 décembre 2007 à 21:51, par Berlol :

Oui, je n'en doute pas ! Mais là, ça tombait comme un cheveu sur la soupe. Une vraie faute de goût.
À part ça, je te souhaite de bonnes fêtes !

3. Le samedi 22 décembre 2007 à 23:40, par Philippe De Jonckheere :

Pareil, bonnes fêtes, et puis aussi, le 27, moi ce sera le 28, le jour du massacre des innocents.
Amicalement
Phil

4. Le dimanche 23 décembre 2007 à 01:15, par brigetoun :

me faut relire l'Etranger - votre éclairage a manqué à mon adolescence - difficilement concevable ?

5. Le dimanche 23 décembre 2007 à 13:44, par christine-moi-aussi :

oh ! merci beaucoup ... c'est gentil de me trouver des infos et des illustrations sur le Kikikaikai / Kaikaikiki, qui me semblent des concepts intéressants

d'autant que ça me console (feignasse de fonctionnaire que je suis!) d'avoir du aller travailler par ce beau dimanche ensoleillé où j'aurais pu aller consommer plus (en fait non même pas, car cette période des fêtes de la consommation m'enlève toute envie d'acheter quoi que ce soit!)

6. Le dimanche 23 décembre 2007 à 13:48, par christine-moi-pas :

rappelle moi ce qu'est le mochi (que fait le lapin dans la lune) : tu nous l'as certainement déjà expliqué mais j'ai du zapper

7. Le dimanche 23 décembre 2007 à 15:38, par Berlol :

C'est de la pâte de riz qu'on obtient en tapant dessus.
Pour Kaikai Kiki, il va y avoir la suite ! Tu vas voir !...

8. Le dimanche 23 décembre 2007 à 16:12, par christine-moi-non-plus :

super, j'en redemande
mais que de cliffhangers dans le JLR en ce moment ! et la "grande décision", sera-t-elle exposée publiquement ?

9. Le mardi 25 décembre 2007 à 01:27, par Berlol :

Hélas, non ! Pas avant des mois... Les pierres blanches sont à mon usage (et à celui de mes futurs biographes, bien sûr).



Dimanche 23 décembre 2007. Lui-même arrivé au Farghestan.

C'est avec les mots de François que je comprends... Merci à toi d'y être allé à mots couverts.
Or, c'était déjà décidé, avril-juin à l'Institut franco-japonais de Tokyo, ce serait Le Rivage des Syrtes. Je l'ai dit hier midi à une des participantes assidues du cours qui me demandait ce qu'il y aurait après Rimbaud. Ce titre, fétiche pour moi, était dans la liste de mes prévisions de cours depuis quatre ans, je crois. C'était déjà l'œuvre choisie pour ma maîtrise, en 1986...
Maintenant, il est lui-même arrivé au Farghestan.

Alea jacta est.

Sens vers l'amont et sens vers l'aval. Ces mots latins seront aussi les trois pierres blanches de notre nouvelle vie. Aujourd'hui, T. et moi avons pris une grande décision, sur laquelle nous tergiversions depuis plus de six mois. Encore invisible pendant des mois, elle se matérialisera d'ici un ou deux ans...

Yukie nous avait prévenus que le Saint-Martin serait exceptionnellement ouvert ce dimanche. En profitons.
Pas trop de clients. On discute un peu de mangas et par hasard je prononce le nom de Murakami. Et là, grosse surprise, Yukie connaît Murakami Takashi ! Plus précisément, par son frère qui est designer, qui faisait partie, il y a une quinzaine d'années, du groupe de jeunes artistes et d'étudiants dont Murakami faisait partie. Elle dit avoir chez elle plusieurs catalogues de ses expositions. Les amènera...

Le soir, au lit :
« Arracher les cheveux aux cadavres, je n'ignore pas en effet combien c'est vil. Mais crois-moi, tous ces morts le méritent bien. La femme par exemple, à qui je viens d'arracher les cheveux allait vendre au quartier des officiers de la chair séchée de serpent. Elle la coupait en des morceaux de quatre pouces de longueur, qu'elle faisait passer pour du poisson. Si elle n'avait succombé à l'épidémie, elle continuerait à en vendre. Il paraît que les officiers en achetaient toujours pour leur nourriture, disant que c'était bon. Mais, pour ma part, je ne crois pas que sa conduite ait été mauvaise. Elle ne pouvait faire autrement pour éviter de mourir de faim. Je ne crois pas que la mienne, elle aussi, soit répréhensible. Sinon, je mourrais de faim. Que veux-tu que je fasse ? Cette femme qui savait cela ne m'en voudra pas trop, j'en suis sûre.
La vieille femme parla à peu près en ces termes.» (Akutagawa Ryûnosuke, Rashômon et autres contes, « Rashômon » [septembre 1915], p. 81-82)


Lundi 24 décembre 2007. Ne refleurit que ces jours-ci.

Presque rien.

La tranquillité.

Le matin, un agent immobilier nous apporte une estimation de la valeur de notre appartement. C'est intéressant, mais on ne vendra pas. Justement pour les conditions qui font que c'est intéressant : nous sommes en plein soleil, les plantes poussent sur le balcon (notamment, une plante récupérée presque morte sur le balcon de Bikun au moment de son déménagement et qui ne refleurit que ces jours-ci), c'est calme — en plein centre de Tokyo.
Dans l'après-midi, je fais un saut au Seijo Ishii de Korakuen pour quelques denrées alimentaires. Et des petites roses d'un très beau pastel marie-antoinettesque.
Les folies de notre réveillon seront très limitées : de la sole et du camembert. Pas d'alcool à cause des médicaments que T. prend. Elle va bien mieux, d'ailleurs, quand elle ne travaille pas — ce qui est la preuve que travailler fatigue et déprime...
Tout comme les programmes de TV5 Monde pour le réveillon !
Donc se couche avant minuit — un cadeau, pour nous.

Le père Noël passera-t-il ?
(On n'a ni neige ni cheminée.)

« Mais l'imagination fait de rien quelque chose, c'est sa nature, et l'histoire de cet œuf d'argent est peut-être celle de tous les biens matériels qui éveillent notre convoitise. Le désir est beaucoup, la possession peu de chose. Ma mère me chantait aussi une chanson de ce genre la veille de Noël ; mais comme cela ne revenait qu'une fois l'an, je ne me la rappelle pas. Ce que je n'ai pas oublié, c'est la croyance absolue que j'avais à la descente par le tuyau de la cheminée du petit père Noël, bon vieillard à barbe blanche, qui, à l'heure de minuit, devait venir déposer dans mon petit soulier un cadeau que j'y trouvais à mon réveil. Minuit ! Cette heure fantastique que les enfants ne connaissent pas et qu'on leur montre comme le terme impossible de leur veillée ! Quels efforts incroyables je faisais pour ne pas m'endormir avant l'apparition du petit vieux ! J'avais à la fois grande envie et grand'peur de le voir : mais jamais je ne pouvais me tenir éveillée jusque-là, et le lendemain, mon premier regard était pour mon soulier, au bord de l'âtre. Quelle émotion me causait l'enveloppe de papier blanc, car le père Noël était d'une propreté extrême, et ne manquait jamais d'empaqueter soigneusement son offrande. Je courais pieds nus m'emparer de mon trésor. Ce n'était jamais un don bien magnifique car nous n'étions pas riches.» (George Sand, Histoire de ma vie, 1855, p. 155, ou p. 80-81 selon l'édition)

Commentaires

1. Le mardi 25 décembre 2007 à 03:21, par Bikun :

extraordinaire, une plante qui a survécu a une absence totale de soin, sachant qu'elle était déjà sur le balcon lorsque j'ai emménagé en janvier 99! Qu'elle âge peut-elle bien avoir?! Joyeuses fêtes tranquilles...

2. Le mardi 25 décembre 2007 à 06:27, par Dabichan :

A Very Merry Christmas du Queensland...
Son humidité, sa chaleur, ses ultra-violets, ses démangeaisons, ses kangouroos et autres crapauds victimes de la folie insouciante (pléonasme ?) des hommes au volant, mais Cairns appréciée, dégustée, savourée comme il se doit par une famille qui se retrouve en harmonie hors du rythme fou des jours quotidiens...
Parce que le monde est beau, Cairns et l'Australie : à voir ou à revoir !

3. Le mardi 25 décembre 2007 à 09:56, par christine :

alors, est-ce qu'il est passé, le père noël ?... le suspense est insoutenable ! et tes futurs biographes attendent cette info capitale ! joyeux noël à vous en tout cas ! (ici non plus pas de neige, ni de kangourous d'ailleurs)


Mardi 25 décembre 2007. Sur le cuir des rennes.

Presque un miracle,
la tranquillité continue.

Et, ce matin, accroché au montant de mon lit, un sac plastique. Il contient une petite boîte, grande comme deux plaquettes de beurre. Mais le Père Noël ne se déplace pas pour du beurre. Dans la boîte, il y a une Suunto X6. À nous, les montagnes !
Quant à T., elle a décidé de se servir largement sur le cuir des rennes et souhaite des chaussures sur mesure, pour lesquelles elle devra attendre encore quelques jours. Pour aujourd'hui, les roses lui suffisent...

Sournoisement, la fissure de notre baignoire s'était agrandie. Signalée aux propriétaires dès notre arrivée, qui jugèrent que c'était sans importance (sous-entendu que nous exagérions un peu). Hier, j'y ai remis du joint, un truc entre le mastic et la colle, qui met au moins deux jours à sécher. Obligé alors ce matin d'aller prendre un bain dans l'appartement dit du père de T. — parce qu'acheté pour qu'il y soit mieux qu'à l'hôpital. Immergé à sa place, un livre à la main, quelques minutes, je me souviens. Mais le présent reprend le dessus.

« Épargnez jusqu'à ce que mort s'ensuive.» (p.9)
« Ne restez pas sourd aux supplications de votre banquier, tendez l'oseille.» (Hubert Lucot, Grands Mots d'ordre et petites phrases pour gagner la présidentielle, Paris : P.O.L, 2007, p. 10)

Déjeuner au Saint-Martin. Yukie me passe des catalogues d'art contemporain des années 80 et 90 dans lesquelles Murakami est présent...

Radio : enregistrements de 4 émissions sur l'histoire du Japon (la fabrique de l'histoire), Une vie une œuvre sur Charles Perrault, des Vendredis de la philosophie où Roger Laporte parle de Maurice Blanchot. Pendant que, marchant dans les magasins et les rues, de Yurakucho à Ginza, j'écoute Didier Da Silva (qui cite beaucoup Akutagawa) et Buffon (Cf. site CNRS d'édition en ligne)...

« Les Lappons chassent les rennes sauvages de différentes façons suivant les différentes saisons ; ils se servent des femelles domestiques pour attirer les mâles sauvages dans le temps du rut ; ils les tuent à coups de mousquet, ou les tirent avec l'arc et décochent leurs flèches avec tant de roideur, que malgré la prodigieuse épaisseur du poil et la fermeté du cuir, il n’en faut souvent qu’une pour tuer la bête.» (Georges-Louis Buffon, Histoire naturelle, tome XIIe, p. 108-109)

En soirée. Dévédé loué : Babel (Iñarritu, 2006), bon film mais... sommes déçus. Pourquoi ? Difficile à dire...
Un problème de... point de vue. Certes, les liens de cause à effet entre les histoires sont compréhensibles et devraient suffire à mettre en cause des modes de vie, des comportements fautifs, quoiqu'à peu près normaux. Mais nous pensons que la plupart des spectateurs attribueront vite la faute à pas de chance, précisément parce qu'il manque un point de vue fédérateur, focalisateur, sans doute celui du réalisateur, resté en retrait.

Commentaires

1. Le mercredi 26 décembre 2007 à 16:31, par le consul :

oh non, vous non plus vous n'allez pas parler de Da Silva, l'escroquerie intellectuelle (?) de cette fin d'année...
Pour Babel, je crois que c'est bien qu'il n'y ait pas de point de vue fédérateur, car ce n'est pas un film moral et moralisateur. La faute-à-pas-de-chance, sans doute. Mais pas la faute d'une personne non plus. Assez hégélien comme film, "la main qui blesse est celle qui soigne", et je pense en particulier à l'épisode au Japon, car si le père est responsable de la mort d'un enfant au Maroc, il sauve aussi sa fille par la même occasion, (venue du policier qui empêche sans doute le suicide)

2. Le mercredi 26 décembre 2007 à 18:59, par Berlol :

Pas encore lu Da Silva, donc pas encore d'idée de l'œuvre. Pour l'instant, l'ai seulement entendu parler de ses influences japonaises, de son voyage, etc., ce qui était en soi assez intéressant. Mais sans plus... De même pour vous, semble-t-il ?...
Pour Babel, je comprends bien ce que vous dites, mais la mauvaise impression reste. À creuser.

3. Le jeudi 27 décembre 2007 à 08:21, par le consul :

oui, et moi je l'ai lu.......

4. Le jeudi 27 décembre 2007 à 15:02, par Berlol :

Ah, bah voilà une bonne chose. Il faudrait en dire plus ! Par exemple, pourquoi ça vous paraît être une escroquerie intellectuelle. Pour des raisons littéraires ? Parce que ça ne respecte pas les éléments japonais recensés ? Etc. Allez ! Même en bref !

5. Le jeudi 27 décembre 2007 à 20:12, par le consul :

encore un de ces romans qui prend comme prétexte le japon pour étaler ses petites misères personnelles, et sous prétexte d'ouverture à l'autre, le tout autre que serait le japon et les japonais ne fait que se regarder le nombril. Je trouve ça agaçant au possible, vain et vaniteux. Ensuite oui il parle de romanciers japonais, mais toujours en retournant ses commentaires vers sa petite misère... voilà en bref... et en plus ce n'est même pas bien écrit, pas de souffle, pas de rythme. Je ne suis pas un grand admirateur de Ch. Angot, par exemple (un peu pour les raisons citées ci-dessus) mais je lui reconnais un style, propre, singulier et intéressant...

6. Le vendredi 28 décembre 2007 à 07:45, par christine :

vous avez le droit de ne pas aimer le style de Da Silva (quoique "pas de souffle" pour raconter une déprime soit plutôt mieux à mon sens), mais c'est vous qui pratiquez l'escroquerie intellectuelle (ou bien l'avez lu avec un gros a priori) en répétant qu'il prend comme "prétexte" le japon : il s'agit clairement dans ce récit d'une expérience intérieure et aucunement d'une tentative d'"ouverture à l'autre" comme vous le dites : "peut me chaut la réalité" dit d'ailleurs très bien le narrateur
... le point positif est que vous reconnaissiez des qualités à Christine Angot, ce qui n'est pas fréquent (note le, Berlol, ça peut te servir un jour ... et lis Da Silva pour te faire ta propre opinion).

7. Le vendredi 28 décembre 2007 à 15:15, par Berlol :

Ce que dit Le Consul me fait penser — toutes proportions gardées — aux critiques fréquemment adressées au film Lost in translation, dans lequel deux personnes se rencontrent et s'apprécient vraiment du fait même d'être déboussolées et esseulées dans un endroit nommé Tokyo. On dit alors que la vision des Japonais ou de la ville est trop ceci ou pas assez cela, mais toujours pas correcte selon les critères et expériences de ceux qui y vivent... Ces reproches sont possibles, mais ils ne s'adressent pas à l'œuvre elle-même. Ils s'adressent à l'idée de l'œuvre que se sont faite les personnes qui les formulent. Or le titre n'est pas Lost in Tokyo mais Lost in translation...
Pour Da Silva, il faudra donc que je me fasse mon opinion sur le tas, comme on dit, en essayant d'oublier ces deux sons de cloches — pardon, c'est une expression...

8. Le vendredi 28 décembre 2007 à 16:16, par le consul :

merci de me reconnaître un point positif et de me donner en fin de compte une bonne petite note et une tape amicale sur l'épaule. Par contre de mon côté je ne vois rien de positif chez vous.
Adieu.



Mercredi 26 décembre 2007. Ceux qu'on jette (peu).

Encore du beau soleil et dans les 10°C. Allons au centre de sport de Shibuya, T. pour la piscine, où elle nage 1000 mètres en améliorant son temps, moi pour le vélo statique où j'abats deux chapitres de Volodine avant d'aller soulever quelques dizaines de kilos de fonte.

« Ces dernières années, on avait introduit dans les bureaux tout un matériel à la technologie avancée, des moniteurs à haute définition visuelle et des ordinateurs, mais la greffe n'avait pas réellement pris et, en vérité, personne n'avait fait ses adieux au monde mille fois plus confortable des cahiers manuscrits, des coupures de presse et des classeurs colorés. Aussi les archives en papier s'entassaient-elles partout dans la pièce, obstruant l'accès à la plupart des claviers et ensevelissant l'imprimante que les chefs se partageaient.» (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 198)

De retour à la maison, reprise du grand rangement de livres, ceux qu'on jette (peu), ceux qu'on envoie à mon bureau de fac (peu utiles pour l'instant), ceux qui res(is)tent (nécessaires aux recherches actuelles).
Jusqu'à l'heure du coucher (tôt).

« C'est la jonction qui crée l'orgasme.» (Hubert Lucot, Grands Mots d'ordre et petites phrases..., p. 85)

Commentaires

1. Le jeudi 27 décembre 2007 à 02:01, par Manuzik :

Bon anniv !

2. Le jeudi 27 décembre 2007 à 02:27, par Berlol :

Merci ! et de ton keitaimeru !

3. Le jeudi 27 décembre 2007 à 02:38, par christine :

bon anniversaire itou !

4. Le jeudi 27 décembre 2007 à 11:03, par Philippe De Jonckheere :

Bon anniversaire P. J'arrive un peu tard, suis même pas sûr qu'on soit encore le 27 au Japon, mais ici il est encore temps.
Amicalement
Phil

5. Le jeudi 27 décembre 2007 à 17:16, par Berlol :

Merci à vous ! Ça me soutient le moral... (façon de parler, il n'est pas mauvais...)



Jeudi 27 décembre 2007. Calligraphe en matinée, tamponneur l'après-midi.

C'est mon 46e annniversaire et ça ne me fait que moyennement plaisir — j'en aurais deux fois plus à avoir deux fois moins, par exemple. De plus, il faut que je bosse : c'est le jour de fabrication des cartes de nouvel an. Comme chaque année, on les a achetées vierges à la poste et j'exerce dessus mes petits talents : calligraphe en matinée, tamponneur l'après-midi.

Décision de taille, le JLR ne sera peut-être bientôt plus quotidien, ou plus posté quotidiennement. On verra. Mais j'ai envie de cette liberté-là, un peu. Qu'on se le dise.

Grâce aux catalogues prêtés par Yukie, je peux retrouver dans le web quelques œuvres anciennes de Takashi Murakami. Comme cette Wildoll de 1992. Mais le plus simple reste encore de rechercher les images avec son nom en japonais (村上隆); on trouvera par exemple un stimulant bus de Roppongi Hills, un fond d'écran et le dessin animé pour LV, et plein d'autres vidéos sur YouTube, comme la planète kawaii...
Puisse le monde en être apaisé (et consommer en pets).
Dîner d'anniversaire au Saint-Martin, justement. Je rapporte les catalogues. Recevons deux coupes de champagne des amis croisés ici même avant-hier ! Très séduisante caille farcie pour T. et excellente poêlée de chevreuil de mon côté. Et les cuisiniers — ils me donnent la boîte avant notre départ — nous ont confectionné six petits chaussons aux pommes, que j'en ai, de surprise, la larme à l'œil...

Amusant de revoir Fantomas (sur TV5 Monde). Sans prétention.

« Un grand nombre de films américains renouvellent totalement la poursuite en voiture et la bagarre finale, mais, bien souvent, de la même manière.» (Hubert Lucot, Grands mots d'ordre et petites phrases..., p. 135)

Commentaires

1. Le jeudi 27 décembre 2007 à 10:22, par christine :

merci beaucoup pour toutes ces repros de Murakami : j'avais déjà entré Murakami dans google mais encore jamais 村上隆 !? (par la grâce du copier/coller je sais écrire en japonais)
quant à notre rv quotidien avec le JLR, il va nous manquer s'il n'est plus quotidien ... mais sens-toi tout à fait libre ! les jours d'anniversaires on a souvent envie de s'alléger

2. Le jeudi 27 décembre 2007 à 18:45, par Olivier :

Cher toi, Joyeux anniversaire!!!
Même si tu en es peu satisfait, je trouve important de le souhaiter!!
Heu et par ailleurs, désolé, c'est seulement maintenant que je te le souhaite...
Mais le coeur y est !!!

3. Le jeudi 27 décembre 2007 à 18:51, par Olivier :

Heu, et... inénarrable Murakami... Je connaissais surtout par son incroyable jeune homme aux cheveux bleux et à la position pour le moins... comment dire?!.... T'inspires-tu de son travail pour tes cartes de voeux 2008 ???

4. Le jeudi 27 décembre 2007 à 22:22, par patapon :

Bon anniversaire quand même! On se voit en janvier?

5. Le jeudi 27 décembre 2007 à 23:42, par caroline :

Joyeux anniversaire !
Murakami ? J'avais vu une expo lors d'une biennale de Venise, en 2001, je crois. Magique.

6. Le vendredi 28 décembre 2007 à 00:17, par brigetoun :

bon anniversaire au jeune Monsieur..
le JLR lui aussi en déshérence ? qu'allons nous devenir ?

7. Le vendredi 28 décembre 2007 à 02:51, par jcb :

Bon anniversaire...
Bonne idée de ralentir un peu...
On continuera d'aller voir où tu en es...
Pour te rajeunir de 3 ans , mais sans larmes svp...
www.jcbourdais.net/journa...
Allez courage !
Tu en as encore quelques-uns devant toi
:-)

8. Le vendredi 28 décembre 2007 à 03:50, par Berlol :

Eh bé !! Merci à tous !
Christine : bien vu pour les jours d'anniversaire !
Olivier : félicitations ! (pour info par mail)
Patapon : moi, je n'ai pas de projet pour Kyoto... Tu viens à Tokyo ?
JCB : sympa, le rappel ! Je m'en souviens très bien. Et pourtant, je n'avais pas souvenir que Tugny était déjà dans ta page. Comme quoi, la mémoire...



Vendredi 28 décembre 2007. Saluer et déposer offrandes.

Pour mémo. En vadrouille avec T. : banque à Ichigaya, c'est le dernier jour, il y a du monde, au temple pour saluer et déposer offrandes, au cimetière pour nettoyage du tombeau et renouveler les fleurs. On mange japonais à Aoyama-itchome.

Par deux, les employés déjeunent ;
soupir d'un jeune à son voisin,
déplorant, sur un ton de vieux :
c'est la dernière fois de l'année.

Magasins pour idées de meubles modulables, dont Bisley, près de la fac d'Aoyama, et HHStyle, à Gaien-mae. On a marché tout le temps qu'il y avait du soleil.

En soirée, T. effectue achat et réservation de billet d'avion en ligne, pour février.
Pas de littérature, pas de radio. Pas le temps.
Ah ! Je préviens tout de suite : je n'ouvrirai aucune carte postale électronique, à moins que l'identité de l'envoyeur ne soit clairement établie.

Commentaires

1. Le samedi 29 décembre 2007 à 10:16, par alain :

Bon anniversaire à toi.
Et bonsoir à T.
Dis-moi, est-il kawaii ce moine ou ce guerrier, là, en photo ?
J'apprécie beaucoup en ce moment les références à Murakami, entre autre, et les liens qui permettent de se promener sur ces images. Et même aujourd'hui, les meubles dont les rééditions de Charles Eames.
À Paris, il ne fait pas froid, non.
Lecture de Palahniuk.

2. Le dimanche 30 décembre 2007 à 18:40, par Berlol :

Cher Alain, je pense toujours à toi en parlant de kawaii... Quant à ce moine, on le dirait plutôt kowaii (effrayant).
Bonjour à Chuck, que je ne connais pas ! Tu en parles, si tu veux.

3. Le mardi 1 janvier 2008 à 01:05, par Manu :

Kowai! ;)



Samedi 29 décembre 2007. Avant-après à la queue levée.

Avec couple d'amis japonais, sushis chez Oojime, selon tradition d'Osaka, non pas avec du poisson cru mais avec du poisson mariné — méthode d'avant l'électricité et les techniques de conservation. Le talent résidait alors — réside toujours — dans l'effacement de l'acidité pour que le goût du poisson soit encore là. S'y ajoute la compression en moule et le plaisir de la géométrie. Et c'est tout à fait convaincant. Prix moyennement élevés, déco rétro et nombreux tableaux contemporains d'inspiration française ou italienne, grandes tables rustiques, service un poil hautain. Un endroit très tranquille, aussi.
Je me débrouille comme je peux pour entrer de temps en temps dans la conversation...
Et puis je fais des photos, comme cet avant-après à la queue levée. Finition des papilles à la fraise dans la maison voisine, chez Théobroma.
À Ginza (à deux) pour les mesures chez le bottier Ars Nova — T. n'aura pas des pantoufles de vair mais de kangourou, réputé à la fois chic et imperméable. On viendra les chercher le 3 février.
Diverses courses dans Matsuya Ginza.
Repos cosy avec café glacé au 6e étage. T. rédige son agenda 2008 pendant que je lis deux chapitres de Volodine.

« Je sais, fit-il. L'alerte est maximum depuis hier. Tout le monde a été prévenu.
— Deeplane m'a dit : Mingrelian restera ici, en soutien.
— Oui. C'est moi qui rédigerai le rapport sur ta mission.
Ils se trouvaient à présent dans le couloir. Mevlido eut un sourire approbateur.
— Au moins, avec toi, il y aura de l'adjectif, dit-il.
— Bah, dit Mingrelian. Pour ce qu'ils le remarquent.
— Ton style ne ressemble pas à celui des autres, dit Mevlido.
— Oh, dit Mingrelian. Mis à part toi, ici, personne n'apprécie mes efforts. Pour Deeplane ou Schumann, tous les rapports se valent. Ça atterrit sur leur bureau, et, une fois qu'ils l'ont résumé, ils l'archivent.» (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 219-220)

En dînant et après, nous visionnons Manon des sources (on a vu Jean de Florette il y a deux ou trois semaines). Je trouve le film mieux que la première fois que je l'ai vu, il doit y avoir une vingtaine d'années.
Dans la rencontre finale entre le papet et la vieille aveugle, on découvre la bifurcation heureuse que n'ont pas pu prendre les personnages quand ils étaient jeunes, la lettre que le papet n'a pas reçue parce que le courrier militaire ne marchait pas bien, celle par laquelle il n'a donc pas répondu, bref, la clé de voûte cachée de l'ensemble de l'histoire.
L'aveugle raconte que, si le jeune Soubeyran avait écrit cette lettre de promesse de mariage au père de la jeune femme enceinte (Florette), « on aurait pu montrer la lettre à tout le village et personne n'aurait songé à se moquer d'elle.»
T. s'aperçoit alors d'un énorme contresens ! Le sous-titre japonais signifie : « elle a montré la lettre dans le village et tout le monde était content » — ce qui rend absurde l'ensemble des deux films.

Commentaires

1. Le dimanche 30 décembre 2007 à 01:26, par brigetoun :

je me demande de combien de contresens de ce genre nous héritons devant un film sous-titré - et des nuances ignorées.
Me donnez envie de sushi

2. Le dimanche 30 décembre 2007 à 19:41, par Berlol :

Inévitable, pour les nuances, c'est sûr. Mais un tel contresens, niant l'existence du conditionnel, sans avoir recours au texte d'origine ni au script, là, ça tient de la faute professionnelle grave !



Dimanche 30 décembre 2007. Déjà plongé dans l'oubli...

Choses dont je me suis désintéressé cette année :
  • l'idée d'un appartement à Paris ou de vivre en France (par ailleurs, gravement sarkosée)
  • l'envie de publier un livre (rejet du monde de l'édition, sauf quelques exceptions)
  • les cédés, la musique en général
  • les œuvres au programme des concours (depuis qu'Hubert de Phalèse ne prépare plus de Cap'Agreg)
  • les blogs consacrés à l'actualité politique française ou à l'actualité du web 2.0
  • l'université française — sa stagnation, sa réforme
  • les artichauts, désespérément absents du Japon (à mon grand regret)
  • la viande rouge
  • la notoriété
  • un nouveau costume
  • les congrès de professeurs (leur hypocrisie généralisée)
  • les mondanités, les fêtes, les réveillons
  • et les choses que le désintérêt a déjà plongées dans l'oubli...
On ne sort pas. On a tout ce qu'il faut. Tranquillité totale, dingue. Journée de rangement, pour T. Des semaines qu'elle se promettait ça ! Pour moi, ouverture de deux grandes fenêtres :
  1. enfin une solution pour la communication avec le groupe d'étudiants pour le stage de février (un plug-in permettant d'avoir une liste de distribution au sein d'un blog, ce qui permet d'éviter les pénibles solutions de groupes chez Yahoo, Google, etc.) ;
  2. établissement des textes des prochains cours sur cinq poèmes de Rimbaud (Merci à François, Athena et Gallica ! — Et pas merci à tous ceux qui mettent en ligne des versions fautives).
Plus d'une heure de lecture au cœur — bien accroché — de Mevlido...

« J'ai beau regarder, je ne vois toujours pas par quelle fenêtre... fanfaronna-t-il d'une voix livide.
— Et ça, c'est quoi ? dit quelqu'un.
Tatiana Outougaï se fit très lourde, elle s'emmêlait à ses jambes et lui tordait le poignet avec une férocité de plus en plus prononcée. Sergueïev avait une manière de lui écraser les phalanges l'une contre l'autre qui lui pétrifiait complètement le bras. Il déplaça d'un centimètre l'axe de sa saisie et tout le flanc droit de Mevlido fut, à son tour, paralysé.
La main gauche de Samiya Choong rampa dans les cheveux de Mevlido pour lui tirer la tête vers l'arrière, mais, comme leur longueur ne permettait pas une saisie efficace, elle poursuivit sa route le long du crâne, jusqu'au front, jusqu'à pouvoir crocheter du bout des doigts les arcades sourcilières. Alors il devint possible de redresser la tête de Mevlido, afin qu'il aperçoive l'invisible fenêtre.
[...] Au risque de lui briser la nuque et de lui abîmer les paupières, car c'était à partir de là qu'elle lui agrippait le crâne, Samiya Choong continuait à lui maintenir la tête levée. Et oui, c'était bien un rasoir qui.
Un rasoir-sabre.
C'était bien un rasoir qu'elle faisait aller sous le menton de Mevlido, au-dessus de la bonde de l'évier, comme un archet.» (Antoine Volodine, Songes de Mevlido, p. 234-235)

Commentaires

1. Le lundi 31 décembre 2007 à 04:00, par Bikun :

La liste est longue!
J'espère que tu ne t'es pas désintéressé des amis :-)

Bon réveillon à vous 2, dans la simplicité et la tranquillité...et bonne année.

2. Le lundi 31 décembre 2007 à 07:16, par Laure L :

... pour la musique et les artichauts, faut changer ça en 2008 !
Pour les artichauts, je conseille un ptit voyage en Italie, il est presque impossible de ne pas en consommer au moins une fois par jour, là-bas ! - enfin, quand on n'est pas démuni, évidemment. Pour la musique, on en discute quand tu veux.
Bonne fin d'année !

3. Le lundi 31 décembre 2007 à 07:35, par jenbamin :

Les artichauts, passent encore — c'est dommage, certes, mais ce n'est pas vital. La viande rouge, par contre...
une bonne année quoi qu'il en soit — avec ou sans musique !
benjamin

4. Le mardi 1 janvier 2008 à 01:04, par Manu :

La dernière fois que j'ai mangé des artichauts au Japon, c'était à Yokohama, au restaurant Elysée, que tu connais, ça te tente ?

5. Le jeudi 3 janvier 2008 à 00:52, par christian :

Tu parles de "France sarkosée"... Mais tu vis au Japon ! Alors le Japon, il est quoi ?? "Ishihara-isé" ?? (du nom du gouverneur de Tokyo pour ceux qui ne sont pas spécialistes du Japon)

6. Le jeudi 3 janvier 2008 à 01:04, par Berlol :

Je vais essayer de faire une cure d'artichauts lors de mon prochain séjour hexagonal...
Oh, Christian !, ton message était dans le filtre parce que le mot "spécialiste" contient la chaîne "cialis"...
Quant au Japon, ma foi, je n'ose qualifier son régime qui, de toute façon, à mes yeux, mais pas qu'aux miens, je crois, n'est pas une démocratie. Contrairement à la France, dont c'était la fierté, si je me souviens bien. Mais n'a-t-on pas déjà eu cette discussion, toi et moi ?
Quoi qu'il en soit, je te resouhaite une bonne année !

7. Le vendredi 4 janvier 2008 à 05:55, par Philippe De Jonckheere :

Peux pas m'empêcher de faire mon tatillon, c'est que j'ai tellement peu de patience pour le désordre, mais le lien sur Hubert de Phalèse, l'est pas bon, c'est le cas de le dire, puisque cela pointe chez François Bon, à mon avis tout ceci est hérité âprement d'un copié collé erroné.
Amicalement
Phil

8. Le vendredi 4 janvier 2008 à 05:59, par Berlol :

Merci, Phil ! En général, je vérifie les liens... Ça y est, c'est rectifié !



Lundi 31 décembre 2007. Un escalator, ça avance tout seul.

Levés très tard. J'ai fait beaucoup de ski, cette nuit. Sans bâtons. Au réveil, je m'en souvenais très bien. Il y avait Manu qui skiait aussi, et plus loin, Michaël. J'avais un peu mal à la tête. C'est resté toute la journée. Malgré le bain et l'entame d'Emaz.

« Et si c'était cela, aboutir ?
Le mur achèverait.
On ne voit pas bien quoi.» (Antoine Emaz, « Poème du mur », dans Caisse claire, Poèmes 1990-1997, Points Poésie, 2007, p. 12)

On sort en début d'après-midi pour aller chercher du mochi, surtout histoire de marcher un peu dans le soleil d'Omote-sando. J'ai toujours en tête le décrochage de Mevlido lu et cité hier, et tout ce qui suit, le Bardo post-atomique. Une puissance d'évocation qui dépasse tout ce que j'ai l'habitude de lire et même mes meilleurs souvenirs de science-fiction.
On ne fait rien de spécial (on dit qu'on ne fait rien de spécial) pour passer d'une année à l'autre, c'est comme monter un escalator, ça avance tout seul et bientôt on sera sur le trottoir de l'avenue 2008.
Un bon nabe et une boîte de foie gras (du duty-free en septembre), pour encore sceller notre union franco-japonaise. T. regarde The Wind that shakes the Barley (Loach, 2006) qu'elle a emprunté à la fac, moi à moitié puisque je l'ai déjà vu, mais j'en retrouve toute la qualité, et T. en est très impressionnée aussi.
À minuit moins cinq, je lui demande si on ouvre du champagne. Elle dit oui. C'est aussi simple.

Commentaires

1. Le mardi 1 janvier 2008 à 01:14, par Manu :

Je voulais aussi acheter du foie gras, le même je suppose, mais le débarquement (retardé en plus) et embarquement tous deux en bus à CDG, a réduit notre passage à l'aéroport au strict minimum. Avec 1h15 entre l'atterrissage et le décollage, il y aurait dû avoir moyen de faire mieux. J'ai failli me plaindre : c'est la première fois qu'on embarque en bus pour un Paris-Tokyo... Dire qu'on y a passé 4 heures à rien faire à l'aller, vol de nuit oblige...

2. Le mardi 1 janvier 2008 à 01:15, par Manu :

Ah, et puis désolé pour le mal de tête causé par la séance de ski avec Michaël et moi ;)


© Berlol, 2007.