Littéréticulaire : adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur. |
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à "berlol" chez "inter.net".
Samedi 1er
mai. Cinglés singuliers.Je muguais autrefois Avec T., rendons visite à son père dans la vieille maison de Yokohama. Pour lire aujourd'hui dans le train, m'étais-je dit, il faut Apprendre à finir... Mauvignier sur la ligne de Yokohama, en accord. Mais non, le père était en pleine forme, balayant les feuilles mortes dans son jardin, et ce ne sont pas des métaphores. Moi, faisant des photos, mais pas trop. Ne pas avoir l'air d'immortaliser trop, car ce serait dire le contraire. Comme il faisait doux, après, quand nous nous sommes promenés encore une fois dans Motomachi ! Puis marchons en travers du quartier chinois jusqu'au bord de mer. Tout le bord, autrefois industriel et grisailleux, que même moi j'ai connu, maintenant transformé en promenade sur des kilomètres, jusqu'aux anciens entrepôts Red Brick Warehouse rénovés en centre commercial après un temps avoir été lieux d'expositions d'art contemporain (y suis venu il y a trois ou quatre ans avec Anne, Dominique, Bikun, ils se souviendront peut-être de la date...), puis jusqu'à l'hôtel Pacifico et à la Landmark Tower, après quoi on rentre à la maison en une heure pour faire la sieste parce qu'avec tout ce monde et tout ce vent, toutes ces familles en déplacement, tous ces hauts-parleurs, toutes ces lignes qui s'entrecroisent et nous cahotent, nous, on est crevés... Le père de T. nous a donné une livre de prunes pas mûres et la mission d'en faire de l'umeshu. Obligés ce soir d'acheter l'alcool, le sucre et le bidon. Je le soupçonne d'être un philosophe taoïste, lui aussi un cinglé singulier. Ah, tu m'eus, gai!
Ah, tu mues, gay? As-tu muguet? Ah, t'humes? hue, gai! Cliquez sur mon nom pour obtenir votre carte. 2004-05-01 18:20:28 de Sir Reith Oubnaitch |
Dimanche 2 mai 2004.
Soldatesque. Lever tard. Après le petit-déjeuner, T. prépare l'umeshu sans être sûre que son père pourra en boire ; moi je crois bien que si. Il en va de même pour tout le monde. Je me demande si l'événement le plus important depuis le premier mai est l'élargissement de l'Europe ou le fait que je puisse maintenant aller dans n'importe quel centre de sport Konami, et donc à Tokyo avec T. Il m'en coûtera 620 yens pour aller dans un autre centre que celui auquel je suis inscris, ce qui est nettement plus acceptable que les 3.800 yens qu'il m'aurait précédemment fallu débourser – rhédibitoires ! Nous voilà donc partis pour Shibuya et ses rues noires de monde. Par contre, le centre de sport est relativement calme ; beaucoup de gens ont dû partir faire du golf ou du tourisme... J'entame à vélo L'Homme à l'envers de Fred Vargas, à quoi l'on voit que je suis persévérant... Ça commence bien, cette histoire de loups qui égorgent des agneaux, avec un Canadien dans le microcosme hexagonal. Replongé seul dans la foule shibuyante, je vais d'une librairie à un disquaire, puis une autre librairie, etc. Toujours déçu (la déception est un moteur) de ne pas trouver le Roth que je cherche depuis avant-hier : Book 1st n'en a aucun tandis que Tower Records, magasin de disques dont le dernier étage est une librairie d'import, en possède 5 ou 6, mais pas celui que je cherche. Par contre, je ramène dans mes filets deux Zappa et les agités The Streets, enfin. Ne sont-elles pas futiles, toutes ces lignes ? Parfois, je m'interroge... Le Dos de Mayo est un jour de répression de 1808. Les armées napoléoniennes occupant l'Espagne pour y régner. Le père de Hugo en était. Le petit Victor a vu des massacres et des pendus le long des routes. Il a vu plus ou moins ce que Goya a peint. La petite Aurore Dupin en a-t-elle vu autant ? Sont-elles fondatrices de littérature, ces visions ? Ne sont-elles fondatrices que de littérature et de peinture ?... Sans parler du Tres de Mayo. D'ailleurs, demain, je n'en parlerai pas. Mais vous saurez que j'y pense encore quand je pense à la soldatesque en Irak. L'Histoire écrite est non seulement celle du vainqueur, en général, mais elle n'enregistre pas le mauvais comportement des soldats, en bref la soldatesque, parce qu'elle le considère comme normal, nécessaire, voire utile. Ce n'est peut-être pas très politiquement correct, ce que je dis là. Mais lire ou relire Guyotat, par exemple, au lieu de ne pas le lire, pour voir comment cela rejoint d'éternels fantasmes, d'éternelles pulsions, d'éternelles et regrettables vérités humaines auxquelles les dirigeants de la pure et hypocrite Amérique, ainsi que ceux de sa très gracieuse Majesté la Reine ont à répondre maintenant. Alors qu'avant on les passait par profits et pertes. "Ne sont-elles pas futiles, toutes ces lignes ? Parfois, je m'interroge..."
Ma foi.... ça dépend ! Quels Zappa ? ;) 2004-05-02 19:37:34 de Oneiros Thanatos Non pas futiles, les lignes! Lis, t'es hérétique, hue l'air... Et puis, si on parlait aussi de computationnalisme... Voir le lien de mon nom, il change chaque jour (le lien, pas le nom). Le rapport avec le journal? me direz-vous! Aucun, encore que... 2004-05-03 04:03:11 de Sir Reith Oubnaitch Pour les Zappa, il s'agit des albums "Absolutely Free" (1967) et "Tinseltown Rebellion" (1981). Quant au computationnalisme, j'avoue que ça me passe très loin au-dessus de la tête. Sir Reith, ne devriez-vous pas avoir votre blog perso ? De la sorte, chacun pourrait vous laisser des commentaires sur les sites que vous nous proposez... Y'aurait de quoi dire, je crois ! 2004-05-03 07:51:23 de berlol Oui, tu as raison, cher littéréticulateur, je devrais avoir mon blog perso au lieu de polluer le tien... Mais, au fait, y a-t-il une charte d'utilisation des commentaires (écrite ou non-écrite)? 2004-05-04 13:04:47 de Sir Reith Oubnaitch |
Lundi 3 mai 2004.
Et le magret vint ! Depuis deux jours, je me demandais comment me débarrasser du canard. Ce matin, nonchalamment assis sur le trône, soudain, je l'ai vu. J'ai su de quelle façon sublime j'allais mettre un terme à ces 48 heures de présence dans notre frigo d'un énorme magret de canard ramené du supermarché National Azabu, près l'ambassade où je suis allé chercher mon passeport vendredi. En une fraction de seconde, j'ai synchronisé la préparation de la purée, du magret et de sa sauce, j'ai fait un casting des légumes, épices et condiments dont je disposais. Et, tirant la chasse d'eau, j'ai dit à T., dans un geste de roi, sceptre en main, que je m'occuperais du déjeuner. S'il arrive souvent que je fasse la cuisine, il est assez rare que je sorte les grandes assiettes Villeroy & Bosch à motif naïf. Quatre grosses pommes de terre cuites à l'eau, sans sel surtout, pendant vingt minutes. Mises à refroidir d'elles-mêmes. Dans un pot : quelques rasades de vinaigre balsamique, une bonne dose de cognac, quelques figues séchées coupées aux ciseaux, une étoile d'anis entière, deux morceaux de tomates séchées conservées dans l'huile d'olive. Remuer de temps en temps, en attendant... Un pamplemousse dont on lève les quartiers en en enlevant la peau. Réservé dans un bol. Une branche de persil coupé gros. Pour la finition. Deux gousses d'ail débarrassées de leur germe. Pour la mi-cuisson du magret. J'épluche les pommes de terre et les écrase grossièrement à la fourchette de bois, avec lait et beurre, récrasant un peu plus à la fourchette normale. Et voilà la meilleure purée de la Terre ! Le magret, poëlé 7-8 minutes de chaque côté, côté peau d'abord, puis avec l'ail en demi gousse. Réserver sur une assiette. Dans le beurre de cuisson presque noir, je verse mon mélange vinaigre balsamique-cognac-figues-etc., puis je porte à ébullition douce, je remets mon magret, je poivre et je mets le couvercle moins de dix minutes à petit feu. Pendant ce temps, T. met la table et je remue la purée. Puis je sors le magret pour le couper en tranches tandis que j'ajoute dans la sauce les quartiers de pamplemousse pour qu'ils s'en imbibent sans se désagréger. Je sers sur les assiettes les tranches de magret et je remets le sang dans la sauce que je chauffe un peu fort un dernier coup. Naper dans les assiettes, servir la purée à côté, ajouter le persil ne prend qu'une minute et... Itadakimasu ! (On traduira par "bon appétit !", mais ça veut dire "Allez, je mange !"). Cependant, il n'y a pas de recette pour l'accompagnement du deuil. Un magret de canard n'y pèse pas lourd. En milieu d'après-midi, pendant que T. lit, je vais faire un tour à Roppongi Hills, par la station Azabu-Juban. Lecture de L'Homme à l'envers dans le métro, puis plus tard à la maison. Ça commence à prendre tournure, l'affaire criminelle. On sent que l'auteur a soigné l'aspect typique et reconnaissable de chaque personnage. La nouvelle Babel des industries Mori (promoteur de Roppongi Hills) est monstrueusement surpeuplée ; je n'y ai jamais vu autant de monde. La mort d'un enfant dans une porte tournante ultra-moderne il y a quelques semaines est déjà oubliée... Je traverse tout ça fissa, pour aller vers le carrefour ancien de Roppongi puis dans les ruelles derrière, pour rejoindre la station Roppongi-Itchome et rentrer. Ces ruelles sont d'abord celles des quartiers de nuit, étrangement désertes le jour, avec tous les panneaux éteints alignés verticalement le long des immeubles, tous les noms suggestifs d'amusement, d'agapes, voire de luxure ou d'orgie mais désactivés par le calme et quelques rayons de soleil de fin d'après-midi. Puis ce sont des ruelles plus petites, d'habitations, petits immeubles et belles maisons, ça monte et ça descend, ici une impasse, tiens ! deux Rolls dans un garage, là un escalier et à droite un cimetière avec derrière à cent mètres le Roi Building, typique du Roppongi des années 70-80, plus de magasins, plus de restaurants, plus de clubs, que des ruelles qui montent, descendent, sinuent. Le magret vint! Fallait oser... Mais surtout
pas sans T (à vin), cela aurait été inconcevable! Santé!
Même avec ce deuil récent, ce n'était pas un magret vain. Dis, quand est-ce que t'ouvre un resto? Remarque, je préfère que tu nous invite... 2004-05-04 13:25:11 de Maghrébin |
Mardi 4 mai 2004.
Un monstre de don, une hydre d'inquiétude. Pas de lecture, pas de cuisine, pas de programme, pas d'horaire non plus. Le ciel quant à lui n'a pas donné la pluie que les prévisions météorologiques lui prêtaient, ce dont nous lui savons gré. Par contre côté vent, il ne s'est pas gêné. Sortis vers 11 heures pour une petite promenade du côté de Kudanshita-Jimbocho, nous sommes revenus vers 18 heures après avoir fait au moins quinze kilomètres, la plupart du temps dans des rues désertes. Privilège de pauvres. Les infos du soir nous montrent des bouchons monstres aux péages d'autoroutes, les queues habituelles dans les gares et les aéroports. C'est presque la fin de la Golden Week. Je viens de parcourir un nouveau site consacré à Baudelaire et je trouve que c'est plutôt une réussite. Les oeuvres, la correspondance, la biographie, tout cela est bien fait et pratique (plus avec Internet Explorer qu'avec Netscape, d'ailleurs), de même pour le design. Je vais donc m'en servir et le recommander à mes étudiants. Avant de l'annoncer aux membres de la liste Litor, j'ai répondu au courrier qui m'invitait à découvrir ce site. J'ai envoyé remerciements et félicitations en y ajoutant un questionnement – sur le bien fondé duquel je m'interroge tout de même. En effet, devant ce genre d'entreprise (publication gratuite de classiques), je me demande toujours quelle en est la motivation et quels moyens y sont engagés. De quel droit je me le demande, c'est ce que je me demande maintenant. Je ne souhaite pas que mes presque dix ans d'internet me donnent quelque droit de regard que ce soit sur le panorama littéraire du web ; ça, c'est clair à mes yeux. Pour autant, l'expérience a montré que certains sites intéressants de prime abord masquaient un projet commercial à plus long terme. Ce qui pouvait être intéressant aussi. Si ce n'est pas criminel, il est quand même désagréable de se sentir trompé, d'avoir cru naïvement au désintéressement de personnes qui avançaient masquées. Par ailleurs, tout le monde ne peut pas être chercheur rémunéré ou enseignant universitaire bénéficiant d'une certaine protection, et il faut bien alors, parfois, monter un projet attractif, gratuit dans un premier temps, puis contributif, puis commercial si viable, etc. Il est même très bien que les choses aillent comme ça. Alors quoi ? Pourquoi est-ce que j'en tartine mon journal ? Eh bien, justement pour laisser le temps à ma réticence de se poser, de se montrer, et pour me permettre de la regarder et de la donner à voir. Et si je n'arrive pas à la comprendre moi-même, il y aura peut-être quelqu'un quelque part qui pourra m'aider, en abondant dans mon sens ou en argumentant contre. Mon indécrottable optimisme se teinterait-il du pessimisme qui consiste à penser qu'il n'y a pas d'action gratuite qui ne cache un dessein malhonnête ? Ou bien y aurait-il une forme d'intuition qui permettrait de flairer le pas net dans le bien propre ? Autre chose ?... Par exemple, sur ce site Baudelaire, le lien Qui sommes-nous ?, sympathique au demeurant, ne révèle pas de compétence littéraire particulière de la part des trois auteurs (en faut-il ?) ; leur définition sommaire, si sommaire, ne renvoie qu'au monde de l'internet : ni âge, ni études, ni goûts, ni publications ; discrétion toute à leur honneur, dira-t-on aussi. C'est ainsi le problème de l'anonymat qui apparaît. Non pas de l'anonymat du nom, puisque j'ai les noms des personnes, mais l'anonymat que produit l'absence de voix, l'absence d'expression personnelle, l'absence d'un discours personnel qui motive l'action dans laquelle on s'engage. En bref, quand vous savez le nom d'une personne, vous ne savez presque rien ; mais quand vous entendez quelqu'un qui s'engage par sa parole et qui affirme quelque chose de personnel, alors, même si vous ne connaissez pas son nom, vous savez que c'est quelqu'un. Quelqu'un qui répond de soi par sa parole. Humain en cela, et non par son état-civil. Voilà, je sais maintenant que c'est cela qui me manquait. Un éditorial bien senti, et signé, en page d'accueil, qui fait associer une voix, un ton, un projet et une ou des identité(s). Au lieu de quoi la page d'accueil me donne un extrait de Baudelaire, "Enivrez-vous", comme si c'était lui qui me parlait... Bon extrait, mais erreur de communication. Engagé dans cette voie (vers la parole), je me demande où les promoteurs de ce Baudelaire-sur-web auraient bien pu s'exprimer... Et je trouve le nom de la personne désignée comme graphiste, Julia Briend, comme auteur d'un des deux articles de la rubrique "Articles" : Baudelaire et la photographie. Très bien ; un peu court, pas vraiment nouveau, mais intéressant. Avec un lien "voir son site internet", sur lequel je clique et qui mène à un site consacré à la photographie et aux photographes : Photographiz. Dans lequel il est tout à fait impossible de savoir qui fait quoi ! Le nec plus ultra des sites, et des beaux sites, serait-il l'effacement total des marques identitaires auctoriales ? Voilà qui ne cesse de m'étonner (car ce n'est pas la première fois). Cela irait bien dans le tableau du web d'aujourd'hui, par exemple avec les auteurs de blogs qui n'ont aucun droit d'auteur ! Pendant que j'écris ceci, je reçois une réponse par courriel de l'un des trois auteurs du site, celui-là même qui me l'a signalé, David Smadja. Et tout de suite, c'est un ton, une voix, une identité, quelque chose qui rend tout humain et qui m'ôte toute réticence : "Notre but, en créant ce site, n'était autre que la réalisation d'un site digne du poète maudit et Litteratura est et restera totalement indépendant. Concernant les moyens qui, vous l'avez dit, vont avec les objectifs, notre équipe de trois personnes n'a à sa disposition que travail et bonne volonté et nous hébergeons nous-même le site sur une ligne domestique, à la fois par faute de moyens et désir d'indépendance. Nous envisageons effectivement la création de sites dédiés à d'autres auteurs ainsi que l'élaboration du portail www.litteratura.com mais nous ne saurions avancer de dates, le travail progressant plus ou moins vite en fonction de nos disponibilités." Voilà qui est dit et rendu public, et tout à leur honneur ! Créateurs de sites, ne soyez pas modestes ! C'est à votre engagement personnel et à la personnalisation de votre engagement que se mobiliseront les attentions du public, en sus de la qualité du contenu. Mais la qualité du contenu seule, avancée nue par une main sans visage, devient un monstre de don, une hydre d'inquiétude à laquelle on prêtera toujours quelque turpitude... Merci
pour votre voix, c'est tellement agréable d'en entendre une sur internet,
et dont on sent que c'est la voix de quelqu'un. Merci de nous guider vers
une présence de Baudelaire. F.
2004-06-04 22:47:47 de Caro |
Mercredi 5
mai 2004. Kodomo no Hi. Pluie dans la nuit. Son doux crépitement enveloppe nos songes. Ultime jour de congé. Matinée bruineuse. Faire la vaisselle et passer l'aspirateur nous anime enfin. Sortons pour déjeuner au chinois et ramenons deux DVD loués, nouveautés à regarder dans les 24 heures. Vers 14 heures, nous fermons les rideaux pour une intimité de meurtres distrayants. Kill Bill, par l'exagération des jets de sang, l'esthétisme chorégraphié des combats et les sauts temporels de la narration est en effet une bonne distraction. Le ludisme affiché des couleurs et des décors ajouté à la démesure précise de certains personnages me rappellent mes premières sensations almodovareuses, à la fin des années 80. Pour autant, ce n'est pas fait en dépit du bon sens : T., qui a quelques connaissances dans le domaine, constate le respect de la part de Tarantino de nombreux gestes rituels, soit dans les combats, soit dans les codes des yakuzas, pour le facteur de sabre, les décors, etc. Pour ma part, j'aurais sans doute besoin de le revoir car l'anglais mélangé au japonais ne m'ont pas permis de tout bien comprendre, surtout des motivations des uns et des autres. Mais est-ce bien important, les motivations, dans ce genre de film ? Je prends le shinkansen de 16h53 et lis pendant une heure et demie L'Homme à l'envers de Fred Vargas. J'en suis aux deux tiers, au moment où le policier parisien vient d'être contacté. Avec effarement – et admiration pour l'auteur, je le confesse – je m'aperçois que l'intrigue est dans une purée de pois peu commune dans le domaine du roman policier. Le road-movie dans les alpages est très réussi ; s'y mêlent du Queneau, du Giono et... du F'murr ! Le taiseux qui téléphone chez lui et à qui on passe la brebis de tête du troupeau est une trouvaille d'une rare originalité. Il semblerait aussi que Fred Vargas veuille faire l'éloge de quelques formes textuelles peu admirées : le catalogue d'outillage, la portée musicale, le dictionnaire, sans compter que le roman tout entier réactualise ironiquement le vieux mythe du loup-garou. F'murr !... le Génie des alpages !... Voilà un moment que je n'avais pensé à cet humour ravageur ! Et pendant tout ce temps, T. regardait Matrix, Revolutions (tout de même décevant, m'a-t-elle dit). Voilà comment on a passé la Journée des enfants ! |
Vendredi 7
mai 2004. Métamorphoses du texte.Le pilote de l'Airbus gouvernementalL'assimilation des citoyens français à des passagers d'avion transforme la citoyenneté en service commercial. Avez-vous payé votre billet ? Combien ? Quel service pouvez-vous avoir ? Quel est le menu et qu'est-ce qu'il y aura comme films ?... Voilà encore une preuve de la nature profonde de notre Premier ministre : boutiquière ! Je crois qu'il ne peut pas en sortir. Dans le train, je finis L'Homme à l'envers de Fred Vargas. Ferveur et jubilation. Non seulement j'adhère à l'esthétique nomade de l'aventure et de l'enquête, mais la sympathie ressentie pour ces personnages rend douloureux le moment de la dernière page. L'humanisation d'une bétaillère, a priori inhabitable, par création de rituels et de codes dans l'espace mutualisé sonne étrangement à mes oreilles. On comprendra pourquoi tout à l'heure... Cependant, un léger mal de tête ne m'a pas quitté depuis le matin. Avec T., qui n'est pas très en forme non plus, on va à l'Institut pour voir Vampyr de Dreyer. Le grand classique est précédé de films de Pierre Alferi (excellent Elenfant, suivi d'un autre qu'on ne verra pas à cause de problèmes techniques), présentés par l'auteur (en présence de Jeanne Balibar). Quand arrive la dernière image du Vampyr, T. et moi nous éclipsons : la lumière nous a agressés les yeux et on a faim. On laisse tout le monde sur place avec le débat entre Alferi et Kurosawa Kiyoshi. Tant pis... D'autant que j'ai aussi mon cours à préparer ! La Route des Flandres, explication de texte sur les pages 91-95 (coll. Double, Minuit). Bribe de mémoire numéro combien ? Soudain, le narrateur, Georges, se souvient du moment où il avait retrouvé Blum. C'était dans le wagon de prisonniers. Entassés dans le noir, ils se reconnaissent à l'oreille, progressent entre les coups pour se retrouver côte à côte. Blessé par un cou de pied invisible, Georges y voit enfin la preuve – ironique – de sa participation à la guerre. Alors commence une digression, un monologue intérieur sur le statut de cette blessure. Infligée par l'ennemi ? Non. Par la chaussure d'un être humain ? Même pas sûr, car dans le noir, c'était peut-être un cheval... Donc pas de quoi "se vanter", c'est-à-dire pas de fierté possible. Mais tout est à cause d'une erreur : mettre des hommes dans un wagon à bestiaux ! Et c'est là que ça se joue, dans cette fraction de seconde pendant laquelle le raisonnement s'inverse. Car en fait, ce n'est pas une erreur, c'est justement la vérité enfin nue des hommes déshumanisés par la guerre : ils ne sont que des animaux ! Du coup, réminiscence de mythes avec métamorphose, par exemple chez Ovide, étudiés en latin par Georges quand il était enfant. Thème que Claude Simon développera dans La Bataille de Pharsale quelques années plus tard. Ce qui m'importe le plus dans ce passage, c'est que la digression et l'aléa mémoriel (qui sont des constructions textuelles, ne l'oublions pas) permettent d'acheminer une pensée (voire un message) à son terme : la bestialité où sont ravalés des êtres humains. Alors que le discours conventionnel, logique, reste toujours en deçà. Il ne produit qu'une explication politique, un arrangement politique, presque toujours commercial (par exemple, le Traité de Versailles, qui crée les conditions de faillite de l'Allemagne et l'émergence du nazisme, ou les propos des dirigeants américains d'aujourd'hui qui proposent d'indemniser en argent les tortures et les humiliations des prisonniers irakiens). Cet arrangement politique a toujours pour préalable l'indignité humaine du dominant lui-même, du fait des droits excessifs qu'il s'arroge pour sa domination. Le
commentaire de Bikun, qui se plaignait que cette page se limitait à une simple
annonce du contenu à l'heure où il pouvait la lire, a disparu !
Censure !!! ;) 2004-05-09 02:51:15 de Manu Eh oui, mais si je l'avais laissé, on ne comprendrait ce qu'il voulait dire, puisqu'on voit maintenant un message assez long. Qu'il m'en excuse ! Ceci dit, je suis content de constater qu'il y a des lecteurs qui m'attendent (au tournant). Et sur le contenu, t'as rien à dire ? 2004-05-09 08:58:15 de berlol Salut les jeunes, j'viens tt juste de rentrer de mon weekend et plutôt que de vous écrire un email, j'écrit ds le blog de Berlol. J'ai un souci ce soir, c'est la dissertation de N. Je dois avouer que SP commence à me casser les c******* car j'ai franchement l'impression que pour qqun qui veut faire de l'humanitaire on y étudie 5% de choses utiles et puis 95% de conneries qui ne servira à rien. Si encore ils avaient le temps de digérer tout ca. C'est à coup de disertations que l'on forme des intellectuels sans aucunes connaissances du terrain. Tenez, pour le plaisir je vous livre une grosse partie du sujet de la dissert de N.: "You have to show that the communitarian approaches to multiculturalism imply a culturalist vision of identity which may lead to an exclusivist concept of belonging"... C'est beau hein?! Voila pkoi l'humanitaire dirigé par de pures intellectuels ne mène à rien...si ce n'est faire de l'assistanat et donc enfoncer encore un peu plus dans la dépendance de nombreux pays. Bon, a part ca tout va 2004-05-09 21:52:26 de Bikun Berlol, pas de problème, je comprends que laisser le message de Bikun aurait été quelque peu incohérent. J'ai moi-même eu du mal à être clair dans ma remarque. Bikun, effectivement, ça n'a pas l'air simple la dissert... Et je comprends qu'on puisse se poser la question du décalage entre le contenu des études et de l'emploi visé. 2004-05-10 03:04:56 de Manu |
Samedi 8 mai 2004.
Roseaux courbés. Avec le texte de Claude Simon, le premier problème des étudiants est de savoir quand on passe d'une bribe à l'autre, quel type d'unité grammaticale ou lexicale opère ou facilite le passage d'un épisode à un autre. La construction digressive, que je disais hier essentielle parce qu'elle s'oppose au discours (du) dominant, est d'abord pour eux une gêne... Bon, on y travaille, les mains dans le cambouis textuel. Léger pathos dans la classe à l'évocation de deux sortes d'êtres humains (qui ne sont pas les deux seules), ceux qui se suicident par excès de dignité (en jouant les cibles humaines, comme de Reixach, dans un monde qui ne leur convient plus) et ceux qui survivent par l'abandon de dignité (rampant dans le noir, perdant figure humaine). Dépendent-elles seulement de l'échelle de la peur ? En quelque sorte, le texte de Claude Simon répond que ce serait trop simple : il y a aussi l'histoire familiale, le niveau d'éducation, la détermination à vivre au-delà de la survie. En effet, T. m'ajoute qu'il y a aussi ceux qui acceptent la domination (et éventuellement les humiliations et indignités), roseaux courbés, à seule fin d'avoir par la suite la possibilité de la contre-attaque, de la revanche, de la reconquête, etc. – je n'écris pas : de la vengeance... Sans eux, que serait l'Histoire du Monde ? Après-midi balibaro-alferienne à l'Institut : le film Intime de Pierre Alferi (qui avait un problème technique hier), suivi d'une lecture de textes par l'auteur. Puis le plat de résistance : le film de Raùl Ruiz, Comédie de l'innocence dans lequel Jeanne Balibar interprète un rôle fort intéressant. J'avais d'abord écrit : "for intéressant", coquille-lapsus révélatrice car le personnage qu'elle y interprète est le seul à susciter la sympathie, à être humainement normal et sensible au milieu des autres qui sont prêts à la faire enfermer ! Le petit garçon, vidéaste en herbe et déjà manipulateur, sa mère, quelque peu distante de son enfant, jouée par une Isabelle Huppert qui semble aimer errer dans des décors de bourges, son père souvent absent et que l'amour pour son fils n'étouffe pas, son oncle psychiatre qui crise quand on touche à ses jouets, tous semblent issus d'un milieu friqué manquant visiblement d'entrain et de joie de vivre. Joie, entrain, disponibilité parentale dont l'enfant aurait bien besoin et à défaut de quoi, frustration ou roman familial, il va s'imaginer une autre maman... Après la projection, le débat démarre poussivement entre la salle et nos deux invités. La plupart des questions sont adressées à Jeanne Balibar qui jouit déjà d'un statut de star au Japon. Réponses assez convenues (comme les questions, souvent), d'où s'échappe parfois quelques vapeurs d'acide. On apprend ainsi qu'Isabelle Huppert, tenant beaucoup à ce film, avait fait bien plus qu'un travail de comédienne : apportant des amis producteurs, qui eux-mêmes apportaient des acteurs, une grande maison parisienne pour le tournage, etc. Ou encore que Jeanne Balibar refusait, elle, de se considérer comme une comédienne professionnelle... Comprenne qui pourra. On reviendra lundi soir pour les lectures. |
Dimanche 9
mai 2004. L'auto-immunité, c'est tendance ! Pas de ping-pong pour cause de vie familiale de mon partenaire... Je vais avec T. au centre de sport, à Shibuya. Après avoir lu à vélo quelques pages de Roth-mal-traduit (Tromperie, pour Deception, Cf. Journal du 28 avril), notamment avec une Tchèque qui raconte son exil à Londres (pages plus intéressantes que le dernier Kundera, Cf. Journal du 18 février et surtout du 23 février), je m'échine aux machines en écoutant Derrida, interviewé le 24 avril (diffusé dans les Matins de France Culture le 26 avril, au sujet notamment de son livre d'entretiens avec Habermas sur le "Concept" du 11 septembre, chez Galilée). Juste deux extraits (rappelons que cet entretien date d'avant les révélations sur les tortures des prisonniers...) : J. Derrida : "War against Terrorism. [...] Et Bush a déclaré la guerre au terrorisme comme si il savait à qui il avait affaire, à quel État il avait affaire. Or il ne le savait pas, et je dirais qu'il le sait de moins en moins, et nous savons qu'il le sait de moins en moins." J. Derrida : "[...] Ce concept d'auto-immunité, que dans beaucoup de textes récents j'ai généralisé, me paraît justement généralisable, c'est-à-dire être à l'oeuvre partout. Dans toute politique il y a un élément, un risque de pulsion de mort, ou de pulsion suicidaire plutôt, qui fait prendre des décisions contraires à son propre intérêt. Je le dirais des États-Unis qui ont fait des choses en Irak qui sont en train de se retourner contre eux, ce qui était prévisible. Je pense à la politique du gouvernement israélien, à certains aspects des actions terroristes palestiniennes. Je pense, alors, pour revenir en France, à la politique de M. Raffarin, qui est... M. Voinchet : – De quelle manière ?... J. Derrida : – Écoutez, je crois qu'en limitant le budget de la recherche, en ne faisant pas ce qu'il faut pour l'éducation, pour la culture, en ne réglant pas le problème des intermittents, etc., etc. En ne faisant pas ce qu'il faut pour la santé publique. Ce gouvernement fait des erreurs politiques contre lesquelles on peut prendre un parti politique, c'est mon cas. Mais fait aussi des erreurs, ce que j'appelais ailleurs des erreurs de niaiserie, quant aux propres intérêts de la politique néo-libérale qu'il prétend représenter. C'est-à-dire qu'il ne se rend pas compte que pour la productivité, pour la rentabilité, pour le marché et les entreprises françaises, il est bon que la recherche scientifique se développe. Pour la santé publique, il est bon que la recherche scientifique se développe. Il est bon que l'éducation ait tous les moyens. Ça, c'est ce que j'appelle auto-immunité, c'est-à-dire politique suicidaire. Même du point de vue de ses propres intérêts. Ça veut dire, auto-immunité, pour qu'on s'entende bien : la capacité mystérieuse qu'ont des organismes biologiques à détruire leurs propres protections. Donc il s'agit de destruction, d'auto-destruction." T. s'est rendue compte qu'elle était une victime collatérale du 11 septembre. Son épaule dont elle a souffert en 2002, qui s'est partiellement bloquée, coincée, et qu'elle a commencé à traiter en 2003. Éh bien, ça date du soir du 11 septembre ! Car pour nous, c'était le soir, la fin de l'après-midi et le soir. Elle était scotchée devant le téléviseur, comme beaucoup de gens, allongée de travers sur le lit et oubliant des heures durant la position de son bras. Lorsqu'elle l'a remué, elle a senti que quelque chose n'allait pas... Moi, j'étais à Nagoya. En fin d'après-midi, j'ai vu ces images de tour en feu, pensant à un film, il y en a tellement. Et puis j'ai vu du texte incrusté dans l'image, ce qui n'est pas dans le genre de la fiction. J'ai regardé de plus près et j'ai vu le second avion entrer dans la seconde tour. Vertige de la compréhension, alors. Scotché, moi aussi. D'horreur. Quelques minutes après, j'avais la présence d'esprit de me connecter à France Info par l'internet, et d'enregistrer en direct. J'ai enregistré tous les commentaires pendant trois heures. Jusqu'après la chute des deux tours. Je me souviens m'être couché glacé de terreur, alors qu'il faisait chaud, en septembre. J'ai réécouté ce minidisc l'an dernier, c'est effrayant... Le présent, le direct, l'information que l'on voit se faire avant de l'entendre dite. Vers 17 heures, je vais à l'Institut franco-japonais (encore) pour voir comment s'y passe le Salon de l'enseignement supérieur, organisé par ÉduFrance, le Service culturel de l'ambassade et l'Institut. J'ignore tout à fait quelle tournure cela peut prendre. Et surprise, il y a beaucoup de monde ! On me dit même qu'il y en a eu beaucoup plus en début d'après-midi. Qu'on n'arrivait plus à avancer dans les couloirs ! Dans son petit discours de toast, le Conseiller culturel, André Siganos, indique qu'il y a eu 800 étudiants japonais qui sont passés prendre des informations et discuter d'études en France avec une cinquantaine de responsables, presque tous invités de France pour cette opération de promotion de l'enseignement supérieur. Voilà qui est extrêmement étonnant : 800 étudiants ! Un dimanche ! Et qui donne à réfléchir. Notamment sur ce discours que nous servent les autorités universitaires japonaises sur cette prétendue désaffection pour le français. Cela ne serait-il pas une chose orchestrée ? Qui accompagnerait le tropisme asiatique, depuis que le Japon s'intéresse à la manne chinoise ? C'est bien attirant, maintenant, la Chine ! Pis faut se placer pour l'avenir ! Se faire bien voir... Alors, "on" va faire savoir aux lycéens ce qu'ils doivent penser, pour qu'ils le pensent, et qu'ils choisissent de plus en plus les langues chinoise et coréenne, au détriment de l'allemand, du français et de l'italien. Les universités seront bien obligées d'en tenir compte et de s'organiser en conséquence. Et ensuite, on dira que ça s'est fait tout seul, que c'est une tendance... Beau mot, ça, une tendance... Qu'est-ce qu'on peut faire contre une tendance ? Hein ? Je bois un coup avec François, collègue heureux de voir certains de ses étudiants dans le staff d'accueil d'aujourd'hui. Et il a raison. Il m'avoue être de mes lecteurs occasionnels et recommande mon journal. J'en rougis... Et l'y voilà incorporé, pour le remercier. Et vous, où étiez vous le 11 septembre...?
En train de me la couler douce sur une petite île en Australie...mais où il y avait qd mêmeune télévision devant laquelle tous les touristes présents de l'ile - cad une 30aine - étaient agglutinés comme des mouches sur du papier tue-mouche... J'aimerais bien écouter ton enregistrement. Moi aussi je recommande ton journal! 2004-05-09 22:14:44 de Bikun Moi, j'ai fait "mieux". Moins d'une heure avant de me rendre à l'aéroport de Strasbourg avec C. pour rejoindre Paris, après avoir vu un dernier film en famille, le magnétoscope bascule automatiquement sur la chaîne télévisée: tiens, un journal d'infos à cette heure-là avec PPDA... Et voilà, l'annonce du drame en direct, on hésite encore entre un accident et un acte terroriste, quand un deuxième avion vient percuter l'autre tour. Là, il n'y a plus de doute... Malaise dans la famille: est-ce bien prudent de prendre l'avion? On finit par se convaincre que la probabilité est faible et on y va. Après tout il n'y a que la tour Montparnasse... J'ai dû vider mon sac à l'aéroport: c'était au moins rassurant de voir la réaction rapide des services de sécurité pour renforcer les contrôles. Puis il y a eu Toulouse le 21 et on a cru que cette fois la France aussi avait été attaquée alors qu'on reprenait encore l'avion de retour de Grèce pour le Japon... 2004-05-10 02:59:22 de Manu |
Lundi 10 mai 2004.
La frontière théâtrale de la voix. Ce matin, aller-retour rapide à Akihabara pour ramasser des informations sur les téléviseurs à écran plat. On voudrait gagner un peu de place en mettant la télé au mur, tout en ayant un écran plus grand. Globalement, il faut bien compter 200.000 yens (environ 1500 euros) pour avoir quelque chose de correct. Cependant, on n'est pas au bout de nos peines parce qu'il y a plein de types d'écrans plats : plasma, high-vision, digital, etc. J'ai ramené quelques brochures à T. pour faire un premier tri. En fin d'après-midi, je retrouve une partie de mes chevaliers du GRAAL, mais cette fois à l'Institut franco-japonais, au coin café, pour discuter de George Sand en attendant l'heure du spectacle... On a une pensée émue pour un autre George qui a pris sa retraite de l'Université de Tokyo et qui se la coule douce maintenant en Touraine, ainsi que pour Laurent, alias Larry, qui passe une année sabbatique à Paris et qui ne nous écrit pas. Deux de moins pour le GRAAL ! En fait, on ne parle pas de Sand mais de notre nouveau collègue, Franck, qui entre dans la confrérie aujourd'hui, de sa relation à la poésie contemporaine ; il a soutenu une thèse sur André du Bouchet et co-organisé un colloque il y a quelques mois sur la poésie contemporaine (6-7/12/2003). Précisément, de ce qui nous échappe encore et qui fait qu'un texte aide à vivre ou change la vie, pour quelqu'un, alors que quelqu'un autre y reste parfaitement indifférent. Et de comment peut alors se faire une explication, une pédagogie du fait poétique du texte, de la poéticité. Pour Thierry, interrogé quelques heures après, poésie est un autre nom de la littérature, quand elle est vraiment littérature (et non pas ce qu'on appelle abusivement littérature et qui n'en est qu'un succédané commercial...). Au sujet de la fragrance des marronniers et des châtaigniers (Cf. 27 avril), il m'indique qu'il existe un petit conte de Sade, que je retrouve sans difficulté (merci, Thierry !) : "On prétend, je ne l'assurerais pas, mais quelques savants nous persuadent que la fleur de châtaignier a positivement la même odeur que cette semence prolifique qu'il plut à la nature de placer dans les reins de l'homme pour la reproduction de ses semblables. Une jeune demoiselle d'environ quinze ans, qui n'était jamais sortie de la maison paternelle, se promenait un jour avec sa mère et un abbé coquet dans une allée de châtaigniers dont l'exhalaison de fleurs parfumait l'air dans le sens suspect que nous venons de prendre la liberté d'énoncer. – Oh mon Dieu, maman, la singulière odeur, dit la jeune personne à sa mère, ne s'apercevant pas d'où elle venait... mais sentez-vous, maman... c'est une odeur que je connais. – Taisez-vous donc, mademoiselle, ne dites pas de ces choses-là, je vous en prie. – Eh pourquoi donc, maman, je ne vois pas qu'il y ait de mal à vous dire que cette odeur ne m'est point étrangère, et très assurément elle ne me l'est pas. – Mais, mademoiselle... – Mais, maman, je la connais, vous dis-je ; monsieur l'abbé, dites-moi donc, je vous prie, quel mal je fais d'assurer maman que je connais cette odeur-là. – Mademoiselle, dit l'abbé en pinçant son jabot et flûtant le son de sa voix, il est bien certain que le mal en lui-même est peu de chose ; mais c'est que nous sommes ici sous des châtaigniers, et que nous autres naturalistes, nous admettons en botanique que la fleur de châtaignier... – Eh bien, la fleur de châtaignier ? – Eh bien, mademoiselle, c'est que ça sent le f..." (Sade, La Fleur de châtaignier, 栗の花, 1788 selon cette édition PDF des Historiettes, Contes et Fabliaux du Marquis). Au fait, pourquoi sommes-nous là, tous ? à l'Institut ? Ah oui ! La salle est pleine à craquer pour écouter Jeanne Balibar et Naoko Yamazaki faire une "lecture de textes de Pierre Alferi". En fait de "textes", il n'y en a qu'un, extrait du Cinéma des familles (1999), décrivant diversement un tableau vivant d'un Massacre des innocents. La lecture bi-lingue à deux voix alternées donne à entendre deux rythmes et deux sensibilités. Accompagnée de gestes esquissés, dans le silence approbateur de la salle, elle nous pose sur la frontière théâtrale de la voix. Trente minutes de tension descriptive qui louche vers les fantasmes, avec cette drôle de petite pointe de sadisme de celui qui maintient ses acteurs immobiles et qui ne dit pas "Coupez !" On me dit que la traduction de Ryoko Sekiguchi est d'une grande finesse. Parfois, pas seulement ce soir, quand je parle de ce Journal-sur-Internet à des gens, j'entrevois une petite moue que j'hésite à interpréter. Serait-ce un léger mépris pour le diariste qui n'est pas journaliste (i. e. qui ne se fait pas payer) ? Ou ce rejet de l'internet, qui a un effet si élégant, dans les cocktails mondains ? Ou que sur ma mine, on ne donne pas cher de ma production ? Ou ce qu'on imagine de déballage fétide derrière les mots "J'écris un journal en ligne" ? Ce qui en dit long, à chaque fois, sur le propriétaire de la moue en question. Cela va parfois jusqu'au refus de cliquer sur le lien que j'envoie dans un courriel : on n'a pas le temps, on n'a pas vu, on ne s'intéresse pas à ce genre de choses... Tant pis. Pas pour moi (je m'en suis déjà expliqué). Courriel, justement. Merci à François de m'avoir écrit que le mot avait enfin été accepté par les autorités françaises. Il était temps, puisque le "Mél." ne devait pas être pris pour substantif ! coctails ou cocktails?
2004-05-11 02:30:20 de Manu Euh... ça dépend des k... ... Allez, va, je le corrige ! Et merci ! 2004-05-11 10:53:28 de Berlol coque telle... 2004-05-11 22:39:19 de Bikun |
Mardi 11 mai
2004. Un système de défense contre l'incertitude. La Turquie doit-elle entrer dans l'Europe ? Oui. D'ailleurs elle y est déjà, historiquement. Il y a plus de 16 siècles, Constantinople devenait la capitale de l'empire romain. Rappelons ceci : "Constantinople commande les passages entre l'Europe et l'Asie. Elle est également proche des frontières du Danube et de l'Euphrate. Elle est enfin située au cœur des terres de la vieille civilisation hellénique." Pour la provocation, fêtons un petit maître : Salvador Dali. C'est son centième anniversaire ! Et puis roublions-le. Moi, il m'a toujours fatigué, avec ses airs ! Shinkansen ce matin en écoutant Pierre Alferi chez Alain Veinstein (Du Jour au lendemain du 8 avril). C'est bien sa voix, et son ton un peu espiègle, vaguement pince-sans-rire, un petit quelque chose de Jean-Philippe Toussaint dans le décalage, et une grande pertinence pour présenter et défendre La Voie des airs et Des Enfants et des monstres (chez POL). J'enchaîne avec la Ville panique de Paul Virilio (même émission, du 4 mai, ouvrage publié chez Galilée), plus biographique et plus clair que lors d'autres émissions, plus clair aussi que dans ceux de ses ouvrages que j'ai lus et qui m'ont laissé une impression de cassandresque un peu grossier. P. Virilio : (Suite aux attentats du 11 septembre et aux récents développements du terrorisme) "[...] la question du lieu, du hic et nunc, du ici-et-maintenant est reposée au niveau politique. Le lieu, quand on dit "un événement a eu lieu", l'avoir lieu, c'est la base du politique au sens "polis", la cité. Donc, quelque part, c'est la localisation qui est en cause. Non seulement dans les délocalisations et l'externalisation dans les entreprises, mais dans tous les domaines, y compris la guerre. Et c'est d'une certaine façon ingérable au niveau de la défense. La défense n'est possible que si on repère le lieu où l'ennemi, l'ennemi anonyme va intervenir. Mon rôle dans ce livre, c'est de dire : ce lieu, c'est la ville. Pourquoi ? Parce que c'est là où on peut faire le plus grand accident. Puisqu'il ne s'agit plus de bataille, la ville n'est pas un champ de bataille, elle est le lieu où on peut surprendre et avoir le maximum de résultat, au niveau des victimes." "[...] Le retour des tours est une question géo-politique. La question géo-politique, on peut la retrouver dans la construction, si on ne l'a plus réellement dans la guerre. Par le caractère indéfini des attentats (ils ont lieu n'importe où). Par contre, on sait qu'en construisant des tours, on construit un système de défense contre l'incertitude." "La question de l'accident devient un pouvoir, le pouvoir non plus de standardiser les opinions, comme c'était le cas avec la presse aux XIXe et XXe siècles, mais de synchroniser les émotions. [...] La synchronisation de l'émotion n'est pas un phénomène démocratique. C'est un phénomène sectaire. C'est un phénomène qui peut déclencher le pire comme le meilleur..." Et puis, il y a des sujets sur lesquels je ne le suis pas du tout, mais alors pas du tout, quand le Cassandre revient en force, avec de l'idéologie à gros sabots. Facile : "Il y a donc un accident du temps, dans la mesure où le monde est trop petit, la Terre est trop petite pour la vitesse de la lumière. c'est parfait pour le live, c'est parfait pour les téléconférences, mais je ne doute pas que dans peu de temps le sentiment de claustration, d'enfermement qu'annonçait Michel Foucault, sera perçu par les générations. Ce monde trop petit finira par nous suffoquer. Dans une sorte de claustrophobie." |
Mercredi 12 mai
2004. Lierre et jasmin. Chevillé au bâti ............../////....... de longue date inaperçu des vulgaires piétons qui ..................... vont et viennent sous son travail ................//////////////////////////........ lierre lierre... nom commun Grimpant dans sa ruse végétale ................. ........................ de belle ruse ! épouse le béton puis l'épuise dans ....../////////..... l'infinie lenteur ..........///////////////. vers quel toit que tu ne verras jamais, mortel ! ../////........... le lierre palpite dans l'infinie ........ lenteur ......////////...... lui-même serré, embrassé, envi- ronné d'un jasmin autrement ex ..................... plosif ........................ .................. d'aucuns coeurs y boivent du nez. Ode à vélo au volley Pédalant pédalant mon immobile vélo hebdomadaire mon arme imparable mon livre avec moi toujours prêt à s'ouvrir c'est encore L'Homme aux cercles bleus comme les cercles célères de mes pieds comme les cercles digitaux du temps du cadran où mon coeur bat mais cette fois ce soir exceptionnellement ne pouvant l'ouvrir mon livre capté par un écran car écran il y a je n'y peux rien d'habitude négligé laissé aux vils addicts mais j'en suis ce soir car volley il y a volley-ball seul sport peut-être que j'aime vraiment regarder tellement rapide changeant changeantes combinaisons de mouvements en trois dimensions passes sauts souples si souples roulades au sol joueuses aux longs doigts tendus aux longs doigts smash en altitude en face couchées par terre grands écarts juste trois doigts parfois et ça remonte l'une s'efface masque l'autre qui simule d'armer son bras en face le mur quatre mains six mains dépassant du filet mais lobe juste derrière elles un trou énorme huit dix mètres-carrés la balle y meurt et les espoirs gros plans des vingt cinq caméras figures déçues bruits de consternation dans les gradins un repos se regroupent psalmodient en pack sur la touche puis s'ouvrent comme pétales se touchant toutes toutes les mains pour la chance pour les paris les combinaisons choisies la chance dans leurs doigts leurs doigts sacrés tendus vers la victoire entourés de bandelettes cassés tordus si savants si vivants terminaisons des corps si souples rituels engagement réception préparation passe saut et tir cris d'orgasme du point gagné et vite vite recommencer visages radieux pédalant moins puis ne pédalant plus mon immobile vélo hebdomadaire maintenant immobile Le lob qui a frôlé le lobe de l'homme à l'aube, à l'aube...
2004-05-13 15:32:58 de Sir Reith Oubnaitch Penserais-tu à une faute d'orthographe à "lobe" ? Ici, c'est le verbe "lober", donc avec un "e", je crois que c'est correct... Quant à l'aube, je ne suis pas de ceux qui prononcent le "o" ouvert. Sinon, je crois qu'il vaudrait mieux que j'ajoute un "et" à la première ligne de l'Ode : "et mon arme". Rythme et sens s'en porteront mieux. 2004-05-13 17:07:40 de Berlol |
Jeudi 13 mai
2004. Le Japon par les bandes (à part). On a eu les Carnets nomades (France Culture) de Colette Fellous, trois semaines de suite sur Kyoto et Tokyo, qui n'étaient pas mal mais dont je regrette certaine tendance lascive (sans compter qu'il y en a qui disent des conneries, par exemple que Mishima n'aurait pas été nationaliste ou que les Japonais d'aujourd'hui seraient de son avis, ce qui est totalement faux, vu que Mishima n'est tout simplement pas lu au Japon actuellement – Merci à Olivier pour sa vigilance), voici maintenant qu'il faut absolument écouter l'émission Bandes à part du 12 mai : outre l'ouverture du Festival de Cannes avec le discours d'Almodovar (+ informations sur sa Mauvaise Éducation), on s'y délectera d'un carnet de voyage intitulé "Tokyo cinéma". On y entendra notamment Yoichi Umemoto (critique de cinéma que je côtoie régulièrement à l'Institut ; d'ailleurs Abi et Kyoko sont citées et remerciées par Serge Toubina) dire avec conviction qu'il a appris le français spécialement pour pouvoir lire les Cahiers du cinéma ! (motivé, hein !). L'entretien avec Shigehiko Hasumi (professeur de littérature française à l'université de Tokyo) est aussi très intéressant, pour quelques confidences sur ses jeunes années mais surtout pour une histoire de la réception des cinémas français et japonais depuis les années 60. Deuxième partie de l'émission ce soir même. Ça promet ! Par contre, je n'ai pas gardé de copie des Mardis littéraires. Malgré un programme intéressant, a priori, le contenu des discussions s'est avéré particulièrement inepte et Pascale Casanova limite obtuse. Le titre "Débat critique autour des dernières parutions littéraires" s'est resserré sur trois ou quatre choses pas du tout représentatives, et pour débiter des détails et des avis personnels que rien n'étayait. C'est le Masque et la Plume, sans l'humour et la distanciation. La Revue littéraire 1 et 2 (Léo Scheer), pourquoi tant en parler si l'on finit par dire en 3 secondes que Nioques, L'Animal ou Histoires littéraires sont meilleures, et de loin !? À la fin d'Éric Laurrent (Minuit), c'est là que Pascale Casanova donne son pire. Il y a un de Gabriel Bergounioux (Champ Vallon), soit. Quitte ou double de Raymond Federman (Al Dante), je ne connais pas encore, mais les commentaires ne m'ont pas spécialement donné envie de le lire. Enfin, La Voix des mauvais jours et des chagrins rentrés (autre critique que celle donnée dans mon Journal du 1er avril, ce qui n'était donc pas un poisson...) de Jean-Luc Benoziglio (Seuil), c'est-à-dire le meilleur de cette sélection est tout simplement passé à la trappe, "pas assez de temps" ce que je traduis par mauvaise gestion du temps, ou volonté délibérée de laisser dériver n'importe comment. Alors, Pascale, ça veut dire quoi, ce binz ? En plus, moi, je mets des liens dans ce journal, pour qu'on aille aux sites et lire, mais dans la page web de l'émission, que dalle ! |
Vendredi 14 mai
2004. D'un campus l'autre. Est-ce une infusion de Claude Simon dans mon quotidien mais j'aime voir de temps en temps se refermer virtuellement une longue parenthèse historique. Parti un peu plus tôt que d'habitude de mon campus de Nagoya, et après la petite parenthèse du shinkansen dans lequel j'ai préparé à 300km/h mon cours de demain, je me suis retrouvé sur le campus de la fac des lettres (Toyama) de l'université Waseda, celui-là même où j'ai commencé à enseigner quand je suis arrivé au Japon il y a un peu plus de douze ans. Presque rien n'a changé. Un ou deux bâtiments modernes autour des vieux, le temple d'en face dont on refait les murs d'enceinte, des téléphones portables partout dans les mains des gens. Beaucoup moins de changement que je ne l'aurais imaginé, par exemple en me basant sur Le Palace dans lequel le narrateur simonien revient à Barcelone quinze ans après la fin de la Guerre civile. Qu'a-t-on et qu'ai-je comme expérience de retour-quinze-ans-après (ou plus) ? Je ne suis pas retourné à La Ferté-Saint-Aubin depuis les années 60, ni à l'Île de Ré depuis les années 70, ni à Inverness, ni à Saint-Tropez ni au Cap-d'Agde depuis le milieu des années 80, ni à Almenara depuis les années 90... Expériences qui m'attendent à ce stade de ma vie. Toujours est-il qu'à Waseda, j'y suis revenu entre temps, ne serait-ce que l'an dernier pour y écouter Pierre Michon, mais arrivant aujourd'hui de mon actuel campus dans mon ancien campus, c'est l'effet de démultiplication qui m'a saisi et fait penser... Mais c'est pour Pierre Alferi que j'étais là ce soir. L'ayant vu à l'Institut, dans un cadre sympathique et grand public, il était aussi intéressant de le voir dans un cadre, comment dire ?, plus technique. Il nous a donné lecture de quelques poèmes de Kub Or et de La Voie des airs. Puis nous a montré trois courts films au sommaire du DVD déjà cité (dont le superbe Tante Élisabeth, chanson traditionnelle de description énumérative et cumulative qu'interprète le plus sérieusement du monde Mme Rosa, en patois welche, région d'origine de Rodolphe Burger qui signe l'adaptation musicale avec beaucoup de finesse). Ensuite, il a été interrogé avec précision par son hôtesse à Waseda, Odile Dussud, dont le noble but était surtout que de jeunes étudiants-chercheurs portent un regard sur la poésie contemporaine, alors que bien des universités les poussent vers des spécialités moins incertaines (balzaciens, proustiens, rimbaldiens, etc.) en vue de trouver plus facilement des postes. C'est là mon opinion (et non celle d'Odile qui ne s'est pas exprimée sur ce sujet). La chose qui m'a le plus étonné, dans les propos de Pierre Alferi, c'est sa détermination à repousser l'ironie comme instance littéraire (et conséquemment comme position ontologique). Bien sûr, il ne nie pas que l'ironie existe, et peut-être lui arrive-t-il de la pratiquer, plutôt de manière humoristique. Mais il est convaincu que les ironistes patentés ne prennent leur distance dévalorisante et ricanante qu'en fonction de l'importance qu'a en réalité et secrètement pour eux ce qu'ils moquent. Cette conviction quelque peu carcérale et qui nous mènerait tous au sérieux emprunte sans doute autant à la psychanalyse qu'à la philosophie. Qu'il aime sincèrement les films de série B qu'il a chroniqués (chroniques rassemblées dans le récent Des Enfants et des monstres), soit. Qu'il se refuse à "être" lui-même ironique, après avoir constaté que telle n'était pas sa "nature", soit encore. Mais qu'il pense que cela n'existe pas, ou en tout cas pas au-delà des simples mots, c'est au mieux un voeu pieu, au pire la pente du fondamentalisme, de n'importe quel fondamentalisme, si on y réfléchit bien. Considérer un ironiste comme quelqu'un qui ne l'est pas et ne fait que simuler, dévalue définitivement le simulateur, bien sûr, mais condamne aussi l'humanité entière au sérieux de sa condition. En effet, derrière l'ironie, "figure de rhétorique", qui semble n'appartenir qu'au langage, le TLF admet : "Par métonymie : Actes, paroles qui manifestent cette disposition d'esprit". Comment passe-t-on (sans le dire), du trope à la disposition d'esprit ? C'est sans doute qu'il faudrait différencier l'ironie occasionnelle, comme disposition d'esprit temporaire, affectant un plus ou moins grand nombre de secteurs de la pensée, d'une ironie moins occasionnelle qui serait la disposition permanente d'un esprit et qui affecterait l'ensemble de l'être-au-monde d'un individu, ce qui selon moi existe assurément, même si ce n'est pas mon cas. Y a-t-il quelqu'un pour me dire où je me trompe, le cas échéant ? Cette digression ne concerne cependant qu'un moment de la discussion et n'empêche en rien l'approbation générale aux propos de Pierre Alferi. Sa volonté de jouer avec des contraintes formelles sans s'y enfermer, afin de laisser venir l'accidentel ou l'indicible pour l'inclure dans la composition, doit permettre d'assumer des oeuvres dont le sens ne s'épuise pas dans la lecture, y compris pour l'auteur, sans pour autant être une auberge espagnole où tout un chacun comprendra ce qu'il voudra. Je résume mal, peut-être, mais cela me paraît être une très belle définition de la littérature. Avant que demain matin Pierre et Jeanne ne reprennent l'avion de Paris, un dernier dîner donnera encore à Pierre l'occasion d'apprécier d'étonnantes spécialités japonaises. Le restaurant Sugiura (près de la sortie Est du métro Waseda) nous sert notamment de sublimes misonasu (ou nasu dengaku, なす田楽, demie-aubergine au four napée de pâte de soja fermenté) et une étonnante sardine, cuite à la japonaise, et enfermée dans une sorte de nasse (yana, 簗) faite de sobas grillés que botte à chaque bout un noeud végétal. N'en ayant jamais vu auparavant, j'ai pris cette photo. |
Samedi 15
mai 2004. Le paradoxe du jockey monté. Le bout de Route des Flandres sur lequel les étudiants m'accompagnent ce matin (p. 126-131 de l'édition Double), permet d'étudier les modes de restitution de l'histoire du jockey par Georges. Formellement, Claude Simon laisse s'y déployer l'éventail complet de ses parenthèses, de la classique (information secondaire) à la subversive (très longue, mais que ferme un raccord faisant référence à ce qui précédait son ouverture), en passant par la parenthèse à double lecture ("il n'avait pris garde au (ni peut-être même senti le) poing qui avait réussi à passer par-dessus ou entre les épaules des gendarmes", p. 126). ce qui fait que la subversive est subversive, c'est que son contenu, beaucoup plus long que le reste de la phrase où elle prend place, est aussi beaucoup plus important du point de vue sémantique ; par là, Claude Simon conteste encore une fois l'ordre conventionnel qui cantonne la parenthèse à un rôle secondaire, voire la déconseille pour une plus grande littérarité. On constate aussi que la narration au passé du Georges extradiégétique est interrompue de temps en temps par des phrases, pas très importantes d'ailleurs, au discours direct, entre guillemets. Effet rythmique qui réveille le lecteur en proie à l'ambiance plombée du régiment en déroute, se dit-on d'abord. Mais ce n'est pas tout : par le contraste que ces guillemets font apercevoir, on prend progressivement conscience du degré auquel le discours indirect libre de Georges est complexe, intégrant bien sûr les éléments de l'histoire d'Iglesia, le jockey, mais aussi les remarques plus ou moins désabusées que Georges a pu se faire à différents moments, ainsi que des propos acides de Blum, sans compter les digressions philosophiques sur le temps ou les fantasmes que Georges entretient en permanence sur de Reixach ou sur Corinne. L'étonnement que Georges manifeste pour le mode d'existence d'Iglesia signifie à quel point il s'en trouve différent : l'un étant essentiellement fonctionnel et accessoirement humain, l'autre étant d'une humanité infinie par son permanent questionnement et sa conviction de la vanité de toute chose. Pour les lecteurs un peu perdus dans le suivi des fils entrecroisés d'épisodes et de digressions, Claude Simon a consenti à tisser une signature éclairante, une belle mise en abyme transcendantale, comme dirait Lucien Dällenbach (in Le Récit spéculaire) : "[...] ce n'était pas jour après jour mais pour ainsi dire de place en place (comme la surface d'un tableau obscurci par les vernis et la crasse et qu'un restaurateur révélerait par plaques – essayant, expérimentant çà et là sur de petits morceaux différentes formules de nettoyants) que Georges et Blum reconstituaient peu à peu, bribe par bribe [...] l'histoire entière [...]" (p. 129) Le temps est devenu de l'espace ; le récit est un tableau abstrait ; la restauration se fait en même temps que la genèse. Et l'on sait que Claude Simon a réellement composé son roman avec un plan formé de parties colorées selon thèmes, temps et personnages, qu'il ajustait et complétait selon sa perception visuelle de l'ensemble graphique. Sortant du cours, je tombe sur Alain R. qui avait quitté Tokyo pour Tel-Aviv il y a trois ans. Quand il habitait Yokohama, j'avais profité de son hospitalité pour être plus près du Festival du cinéma français. Le voilà pour un stage de trois mois à Tokyo, ce qui ne regarde personne... Ce qui regarde tout le monde, c'est que nous avons tous les deux vu un film remarquable, dans des conditions fort différentes... En février 2003, T. et moi avions beaucoup apprécié le film Intervention divine d'Elia Suleiman, qui était venu en personne présenter son film à l'Institut. La finesse humoristique de Suleiman, dans son film comme dans sa personne, rendait pathétique l'absurdité du quotidien des Palestiniens comme des Israéliens, que ce soit autour d'un check-point, entre voisins de la même ruelle ou dans la cuisine d'un vieil homme. Suleiman nous avait parlé de l'incroyable mais bien réelle projection de son film à Tel-Aviv même, l'année précédente, je crois. Éh bien, Alain R. y était, à cette projection ! En fin d'après-midi, je rejoins T. à Ochanomizu pour se décider sur un engagement assez délicat : très odorant, mesurant moins d'un mètre, et pesant bien déjà ses quinze kilos... Je suis emballé aussi, alors on y va, on achète un citronnier. Livraison, lundi matin. C'est étrange....
C'est la première fois que j'"entend" parler de Claude Simon comme cela... J'aime infiniment les couleurs que tu lui donnes. 2004-05-15 18:48:01 de Oneiros Thanatos C'est vrai que les commentaires sont souvent rébarbatifs. Je suis heureux de te le rendre plus séduisant ! 2004-05-16 18:13:16 de berlol |
Dimanche 16 mai
2004. Radio dantesque. Bruine. On s'en fout. Ça commençait salement mal pour moi, ce match de ping-pong à Shibuya. Pourtant on avait la bonne table, la 12, celle qui permet de déployer le grand style sans craindre ni murs ni voisins. J'ai perdu la première manche en ne mettant que quatre points. Mon C.C. Lemon ne faisait pas le poids devant le Gatorade auquel Manu carburait. Mais dès la seconde manche, mon bras inspiré reprenait le dessus et je remportais encore les trois parties suivantes. Sur la notice du Gatorade, il est inscrit que l'effet est très rapide. Mais on oublie de dire qu'il est aussi très bref... Bruine, suite. Pastas habituelles. Passage éclair à Tower Records pour ramener le second disque des Streets, qui sortait cette semaine. Écoutant quelques extraits dans le magasin, ça donnait l'impression d'un album-concept. Avec moins de punch que le premier, peut-être... Bruine, encore. Mauvais sort. Que fais-tu dehors ?... Retour à l'Institut pour voir deux vieux films, du cycle Frayeurs françaises proposé par Pierre Alferi : Night Call de Jacques Tourneur, suivi de La Main du diable de Maurice Tourneur. L'un issu de la série Twilight Zone, bref, resserré sur une seule vieille dame que terrifie son téléphone qui sonne en pleine nuit ; pas indispensable. L'autre beaucoup plus long, saga d'une main enchantée et vendue durant plusieurs siècles, appartenant momentanément à un Pierre Fresnay superbe. Rien d'exceptionnel non plus. Lourde bruine. Retour maison pour préparer un dîner de cotelettes d'agneau de Nouvelle-Zélande achetées hier à Hanamasa. Elles ont bien décongelé dans le réfrigérateur et le couteau les sépare sans avoir à rien casser. Sans violence. Main du boucher taoïste. Sur France-Culture, lecture de la Divine Comédie de Dante, traduction de Jacqueline Risset, celle-là même que recommandait Sollers il y a trois ou quatre ans et que j'avais alors acquise en folio. Ça dure des heures (de 14h à 22h30) et ça va déborder largement sur ma nuit (décalage horaire). Apparemment, le site web a levé pour cette longue lecture sa barrière des deux heures de connexion (après quoi il faut cliquer pour dire qu'on souhaite continuer l'écoute, sinon arrêt), ce qui veut dire que je vais pouvoir aller me coucher en laissant tourner le Total Recorder. Faut juste que je programme l'heure d'arrêt... |
Lundi 17 mai
2004. Mes stars du jour : Agnès Jaoui et Fred Deux. Enregistrement de Dante réussi : un seul fichier de 8h50, soit 127 Mo. C'est le plus long enregistrement réalisé en un bloc. L'an dernier, pour la Légende des siècles, j'avais fait en sorte que le logiciel Total recorder coupe et enregistre toutes les deux heures. Cette fois, j'ai laissé tourner toute la nuit et je constate qu'il n'y a aucune coupure, même pas le plus petit problème de buffering... Je découpe logiquement en trois fichiers différents et j'efface le beau monstre. Arrivée du citronnier à 10h (Cf. avant-hier). Agnès Jaoui comme je l'aime... (Cf. 22 avril). "Agnès Jaoui exprime son soutien aux intermittentsNe manquez pas d'écouter Fred Deux ce soir, ça va vraiment vous décoller les oreilles ! (rediffusion d'un entretien dans Surpris par la nuit, à l'occasion d'une exposition intitulée Alter Ego à Beaubourg, dont j'avais appris la préparation le 22 mars). foutaises et merde en paillettes!
2004-05-17 07:28:35 Voilà un commentaire qui honore son non signataire ! 2004-05-17 08:48:42 de berlol On aimerait bien voir Depardieu ou encore Reno respectivement classés 1er et 2ème plus gros cachet (avec des montants avoinant les 2 millions d'euros) du cinéma français soutenir les intermittents...! Ceci bien sur sans aucune atteinte à leur talent. Moi en attendant, stagiaire non payé! 2004-05-17 23:17:25 de Bikun Tient je me permet encore une remarque motivée par le commentaire non signé. J'étais à couvrir la manif contre l'anti-sémitisme qui s'est déroulée dimanche et lors de la tribune ou toutes les personnalités ont fait leurs speech, ce genre de commentaire "anonyme" crié au beau milieu de la foule m'a franchement énervé. Est-ce bien français de critiquer à tout bout de champs??!!! Français qui me lisaient, apprenez d'abord à écouter, raisonner puis discuter sans cette violence caractéristique. Je l'ai encore rencontré aujourd'hui à l'agence ou je suis en stage. Un employé mécontent des conditions de son CDD s'est vu rembaré dans les cordes comme un boxeur... Lui n'avait pas totalement raison je pense de raler mais eux encore moins de le renvoyer comme du linge sale! Je devrais m'exiler à Guernesay je pense...! Ou peut-être à Tokyo?! Dans ce cas, ca ne serait pas un exil, mais peut-être des vacances :-) Amitiés. 2004-05-17 23:26:08 de Bikun |
Mardi 18 mai 2004.
Cercles et sillons. GRAAL d'hier soir : second chapitre de La Mare au diable ("Le labour", p. 11-20). Dépoussiérage, plus de cent cinquante ans après publication. Littérairement parlant, c'est très bien construit : un "je" narrateur venant de refuser la vision mortifère de Holbein se promène dans la campagne et, glissant du tableau à la réalité, voit un laboureur sous de meilleures couleurs ; et même un autre, qui est plus loin mais que l'on voit mieux, et qu'accompagne un enfant beau "comme un ange", ce qui nous change de la Mort. Pour faire partager cette vision "féconde" du "travail", il faudrait que certains romanciers de ce milieu du XIXe siècle cessent de montrer les pauvres comme des brigands et que celui qui trime en soit mieux récompensé. Ce faisant, l'auteur creuse son sillon, prépare l'entrée en narration du chapitre 3. Le lecteur est alors prévenu et cadré : il ne risque pas de prendre cette bluette du copain des boeufs et de la copine des moutons pour une histoire sans importance. Ces effets de cadre et de perspective imposent une double profondeur à l'ouvrage : sociale (ces gens méritent notre attention, il faut les considérer dignement et rémunérer correctement leur travail) et ontologique (malheureusement, le paysan ne peut (conce)voir la beauté dans laquelle il baigne car – en gros – il lui manque une case qu'il convient que nous, gens instruits, essayions de lui faire acquérir). Évidemment, c'est ce second message qui ne passerait pas tel quel de nos jours : "[... ] l'homme du travail est trop accablé, trop malheureux, et trop effrayé de l'avenir, pour jouir de la beauté des campagnes et des charmes de la vie rustique [... ]" ; "[... ] un jour viendra où le laboureur pourra être un artiste, sinon pour exprimer (ce qui importera assez peu alors), du moins pour sentir le beau." [... ] "Croit-on que cette mystérieuse intuition de la poésie ne soit pas en lui déjà à l'état d'instinct et de vague rêverie ?"Il est tout à fait certain que George Sand aime et respecte les gens du terroir qu'elle met en scène, et qu'elle ne leur veut que du bien, mais le soubassement idéologique de son langage laisse entrevoir une échelle de valeurs datée, sans doute progressiste en son temps, mais qui ne l'est plus du nôtre (quoique... la "France d'en-bas", c'était pas jojo...). Le sens de certains mots a changé, mais insensiblement. De sorte que si l'on n'est pas très prudent, le contresens est possible pour tout ce qui est moral, social, politique, ontologique, voire affectif. Chacun doit s'efforcer d'éviter la lecture anachronique, celle qui donne aux mots d'hier ou d'avant-hier le sens qu'ils ont aujourd'hui. Bon, c'est déjà trop long, ce sillon... Sinon, c'est : voyage en shinkansen, cours à la fac et courriers administratifs au bureau. Une journée sans grand relief. Ah si ! J'ai fini L'Homme aux cercles bleus. Des longueurs psychologiques, mais à visée anthropologique, et auxquelles on s'habitue. Au point d'en oublier, de temps en temps, avec l'auteur, semble-t-il, qu'il s'agit d'un roman policier... Du coup, ayant écouté Fred Deux dont je parlais hier soir, je vais passer d'un Fred à l'autre et rouvrir La Gana (1ère éd. en 1958)... |
Mercredi 19
mai 2004. Électrocutée elle-même. 7h50. Encore une journée qui ne va pas être terrible, je le sens. Quoique... on annonce de fortes pluies dans l'après-midi ou ce soir. J'aime bien ça. Ça crée un climat spécial, chez les gens. D'un coup, ils organisent leur journée différemment pour pouvoir rentrer tôt, se calfeutrer. Et j'en profite pour sortir. Mais en attendant, il faut s'occuper des étudiants... 13h20. Voilà, deux cours donnés et un déjeuner reçu. Pour les étudiants de deuxième année, activité de classe pour faire découvrir progressivement trois niveaux de lecture d'un petit texte (une critique de programme de télé, p. 41 du manuel Forum 2, chez Hachette) : le déchiffrage du texte (relations entre les mots dans les phrases, vérifications dans le dictionnaire), sens des phrases par rapport à un référent, sens global du texte avec argumentation prescriptive. Ces niveaux de lecture correspondent à des distances auxquelles chacun est familier dans sa (ses) langue(s). Dans une langue en apprentissage, il en va tout autrement : obnubilé par le déchiffrage, le lecteur arrive péniblement à prendre de la distance pour juger de chaque phrase. Et la frustration de ne pas pouvoir patauger dans le sens global comme un gosse dans les flaques d'eau. 18h. Pause dans le travail de correction de copies. Suis allé faire des courses puis au sport, pour le cas où il pleuvrait vraiment très fort... J'y lisais Apprendre à finir que j'avais laissé de côté depuis le 1er mai. Habitué à Claude Simon et aux auteurs historiques du Nouveau Roman, je ne vois guère de nouveauté dans l'écriture de Mauvignier. Je comprends qu'il intéresse pas mal de gens et j'en suis même content pour eux (et pour lui). Pourtant, je ne peux pas m'empêcher de penser que L'Herbe, par exemple, c'est beaucoup mieux ! Je prends, L'Herbe, de Claude Simon, comme exemple, parce qu'il y a aussi une narratrice créée par un auteur. C'est-à-dire un homme qui écrit comme s'il était une femme. Et qui y réussit. Ce n'est pas si courant. Quelles autres oeuvres écrites par des hommes ont une narratrice à la première personne qui soit en même temps le personnage principal ? Dans Libération d'aujourd'hui, pages Rebonds, Pornographie de la guerre, par Jean Baudrillard : "[...] Avec le 11 septembre, c'était comme une réaction globale de tous ceux qui ne savent plus quoi faire de cette puissance mondiale, et qui ne la supportent plus. Dans le cas des sévices infligés aux Irakiens, c'est pire encore : c'est elle-même, la puissance, qui ne sait plus quoi faire d'elle-même et ne se supporte plus, sauf à se parodier elle-même d'une façon inhumaine." "[...] En fait, les Américains sont dépassés par leur propre puissance. Ils n'ont plus les moyens de la conjurer. Et nous sommes partie prenante de cette puissance. C'est tout l'Occident dont la mauvaise conscience cristallise dans ces images, c'est tout l'Occident qui est là dans l'éclat de rire sadique des soldats américains, comme c'est tout l'Occident qui est derrière la construction du mur israélien." "[...] Toute cette mascarade qui couronne l'ignominie de la guerre jusqu'à ce travestissement, dans cette image la plus féroce (la plus féroce pour l'Amérique) parce que la plus fantomatique et la plus «réversible», de ce prisonnier menacé d'électrocution et devenu tout entier cagoule, devenu un membre du Ku Klux Klan, crucifié par ses congénères. Là, c'est vraiment l'Amérique qui s'est électrocutée elle-même." |
Jeudi 20 mai 2004.
Autres lieux, autres gants. Le retournement comme un gant du procès d'Outreau me rappelle la Comédie de l'innocence, film de Raùl Ruiz (Cf. 8 mai) dans lequel la parole de l'enfant sérieux provoque des réactions irrationnelles chez les adultes. La tendance actuelle de la justice et des médias à charger dans la précipitation le moindre soupçon pédophilique sera peut-être modérée demain par un peu plus de circonspection : l'enfant, qui n'est ni bête ni machine, peut aussi jouer sérieusement ; il découvre alors la puissance infinie qu'il peut avoir sur des adultes, surtout lorsqu'il a réellement été traumatisé ! Juges et policiers sont parfois les plus crédules des hommes, et même parfois d'une crédulité... sarkozienne (adjectif signifiant : prompt à juger vite et mal, sans discussion ni contradiction, surtout si cela sert sa situation personnelle). Autres lieux, autres gants. On relira avec attention les pages 106-114 de United Emmerdements of New Order de Jean-Charles Massera (chez POL, 2002). Ironie dénonciatrice (si cela existe (reprise du sujet du 14 mai). À rapprocher de ce graphique publié aujourd'hui... "Monsieur, J'ai pris bonne note de la destruction totale de votre habitation. En cas de démolition pour défaut de permis de construire, ce qui semble être votre cas, les dommages causés par des bulldozers encadrés par un grand nombre de soldats et de policiers à votre quatre-pièces, deux cuisines et trois salles de bains, n'entraînent pas droit à réparation. L'obtention d'un permis de bâtir nécessitant une attente de cinq ans et le paiement de 20000 dollars pour une maison de 100 m2 de surface, je me vois donc dans l'obligation de vous laisser vivre dans une seule pièce, avec une cuisine et sans salle de bains afin de procéder sans délai à la réaffectation de votre sol. Sincèrement, ....................................................... L'occupant " (p. 106) "[...] un village arabe cela n'existe pas, c'est un village où vivent des Arabes, temporairement, de mon point de vue." (p. 107) "Un permis de démolition d'un village où vivent temporairement des Arabes est délivré à toute personne qui rend vraisemblable qu'elle a besoin d'un bulldozer pour se protéger ou pour protéger des tiers ou des choses contre un danger tangible." (p. 109) Sinon, ici, c'est pluie, pluie, pluie. On accueille dans quelques heures le typhon Nida, un peu fatigué, espérons-le, des ravages qu'il vient de faire aux Philippines... |
Vendredi 21
mai 2004. Enfin par ci enfin par là. 6h30, lever de la bête. Faisant glisser le shoji, j'aperçois ma rue ensoleillée. Plus trace de typhon... Qu'est-il devenu ? Il a dû passer au large du Japon, finalement. J'ouvre toutes les fenêtres pour faire de grands courants d'air, chasser l'humidité. 9h45. Enfin des néons d'un mètre ! J'ai fait plusieurs magasins depuis quelques semaines. On y a des ampoules, des petits tubes de néon, des tubes ronds aussi, mais on ne s'encombre pas du modèle d'un mètre de long, celui qui est justement chez moi en quatre exemplaires. Tel un chevalier tenant ferme sa lance au tournoi pour les yeux de quelle belle, je rentre à vélo avec mes trois tubes de néon. Un tournant, un coup de vent et en voilà deux par terre ! Guidon godant de-ci de-là, j'arrive à m'arrêter et à les ramasser. Pas cassés, grâce à leur gaine de carton. 10h15. Seul ou presque au centre de sport, qui ouvre à 10 heures. Après vélo et machines, ayant bien transpiré, je dispose d'une salle de bains de 200 m² ! 17h. J'ai trouvé un nouveau jeu : faire des photos à grande vitesse, par la fenêtre du shinkansen. Tout va très vite, vous pensez prendre quelque chose et vous avez systématiquement photographié autre chose. Même un objet lointain, vous le cadrez proprement et appuyez sur le bouton : finalement, vous avez en gros plan un poteau avec sa plaque numérotée, flou. Voire un intérieur de tunnel. Comme il y a pas mal de lumière dehors, l'appareil peut être réglé au 1/2000e, ce qui fait que c'est tout de même assez net. Il y a aussi l'espoir, comme dans Blow-Up (1966), de découvrir un crime... Une demie-heure de ce petit jeu suffit à me crisper le poignet et je me replie sur les pages de La Route des Flandres que j'ai imprimées pour les annoter en vue du cours de demain matin. 20h45. Après le dîner au Hong-Kong Shokudo, une de nos bases de repli les plus secrètes, courses à Kagurazaka avec T. qui, comme moi, juste en face du supermarché Marusho, tombe en arrêt devant une boutique tellement nouvelle qu'elle n'a pas encore d'enseigne... C'est une boulangerie ! Dans un coin de l'entrée, des pots de fleurs de l'inauguration, et un petit panneau avec le nom planté dans un pot : Bäcker ! Enfin (le deuxième de la journée) une bonne boulangerie dans Kagurazaka ! (Le nom est déjà connu parce qu'il y a un magasin vers Ichigaya.) On prend une des deux baguettes qui restent ; à cette heure, c'est déjà une chance ! Faut qu'on dise ça à Bill, lui qui adore le pain noir allemand... 23h. Suite et fin de la préparation du cours sur La Route des Flandres (à suivre demain). Enfin! On se demande comment cela a pu prendre autant de temps dans ce quartier "le plus français" de Tokyo.
On va retourner habiter dans la Kagu alors! Alors, fini le pain ramené de Shibuya et congelé? Dis-nous tout! C'est Paul, Burdigala ou autre ou c'est un artisan local? 2004-05-22 04:45:49 de Manu |
Samedi 22 mai 2004.
Tout s'y fait à main nue. Contrairement au passage de la semaine dernière où se mêlaient fictivement les discours de trois ou quatre personnages dans l'indirect libre du narrateur, les pages commentées aujourd'hui (146-152, coll. Double chez Minuit) offrent de La Route des Flandres un exemple de souvenir pur, sortant tiède de la crypte mémorielle : les premiers tirs allemands et la mort de Wack. Excellent terrain pour une étude de la composition parataxique. Mais où couper pour donner du sens, dans un texte où la ponctuation conventionnelle fait défaut ? Où mettre des pauses pour que le lecteur y respire ? Après quelques remarques, on constate que les récurrences de participes présents, de "maintenant", de "et" de relance et de tous les opérateurs de comparaison ainsi que de quelques autres petits mots auxquels on n'est pas habitué à faire attention peuvent servir d'appui à la voix pour jouer le texte. Sur un plan sémantique plus intense, certaines répétitions d'adjectifs, ici "invisible" et "raide", donnent accès à deux thèmes qui s'articulent entre eux : les forces invisibles qui agissent les hommes dans la guerre et qui font d'eux des pantins ridicules ("chevaux-jupons") vite désarticulés par le tir ennemi ("cordes de guitare") et la résistance au mouvement (raidissement du cheval terrorisé, démission opérationnelle de la selle !) qui paradoxalement sauvera la vie de Georges, alors qu'il verra Wack, atteint par une balle (ou plusieurs) quelques secondes plus tard, décoller littéralement de sa selle et tournoyer dans les airs avant de s'écraser sur un talus... Ironie du sort que le narrateur arrive à faire sentir depuis son lieu d'écriture, postérieur à la guerre, tout en restituant l'abrutissement du personnage en plein coup de feu. Après un déjeuner salutaire au Saint-Martin, T. et moi allons ouvrir et refermer nos parapluies dans les rues de Ginza, flânant devant quelques devantures comme cette boutique de billets à tarif réduit (surtout pour le cinéma) ou majoré (puisqu'on y trouve des billets pour des spectacles très recherchés), en attendant l'heure fatidique de la séance de Kill Bill 2. Tout près du Printemps, bonne salle, bon écran, bons fauteuils. L'attente d'une suite de Kill Bill 1 dans le sang et par le sabre est heureusement déçue car les combats sont d'une grande brièveté ; ils cèdent la place à de longues conversations éclairant le passé et visant à faire poireauter le spectateur en admirant les jeux de visage de David Carradine, Uma Thurman ou Darryl Hannah. Le volume 1 donnait dans l'admiration des arts martiaux japonais, le volume 2 remonte plus haut, dans un art chinois où le sabre est inutile, prétexte ou presque : tout s'y fait à main nue. Casser une planche de bois, arracher un oeil ou tuer quelqu'un avec le coup des cinq points mortels par explosion du coeur (où l'on retrouve le thème des points de blocage mortels, comme dans le Baiser du dragon, si je ne me trompe pas de titre, avec l'épingle plantée dans la nuque de Tchéky Karyo). Si objectivement la petite Kido n'est pas la plus musclée, elle et sans doute la seule à avoir suivi jusqu'au bout l'enseignement du maître chinois... Vous comprendrez ce que je veux dire en voyant le film. Tout
cela est bel et bon ... mais ne nous dit pas si notre heroine a reussi a
attteindre son ultime but, a realiser enfin ce reve qui etait toute sa raison
de vivre, a savoir: "tuer bill" -disons plutot, en bon franceais: "expedier
Guillaume dans un monde meilleur", ou encore: "faire decouvrir a Guillaume
les sombres bords"... ce qui serait quand meme un meilleur titre que cette
barbare cacophonie ("qui le bile ?" "cris debiles", ou "crise de bile").
Quel suspense insoutenable, et que de montagnes de moignons a franchir pour
avor le fin mot de l'enigme ! J'en transpire !!
2004-05-23 02:58:45 de patapon Je me demande si "Kill Bill" ne serait pas une réponse au célèbre "I like Ike" de Jakobson. On peut aussi faire des variantes, par exemple hier, j'ai glissé dans mon texte un "quelle belle" du meilleur effet... Mais je ne réponds pas à ta question car tu n'aurais plus à payer ton écot à Tarantino ! Juste te dire que les montagnes de moignons, Patapon, c'était dans l'hommage au cinéma japonais. Dans la deuxième partie il en va tout autrement... 2004-05-23 08:41:12 de berlol N'ayant pas vu le 1, vous croyez que ca vaut le coup d'aller voir le 2? 2004-05-23 11:39:17 de Bikun Ce serait dommage ! Nous non plus n'avions pas vu le 1. On l'a emprunté en DVD (le 5 mai) et ça nous a bien mis dans le bain (de sang)... Fais la bise à N. 2004-05-23 14:39:05 de berlol |
Dimanche 23
mai 2004. La femme aux mille tours. Après que Gatorade a perdu tout crédit énergétique dimanche dernier, Manu s'est amené ce matin avec le même C.C. Lemon que moi. Du coup, les scores sont beaucoup plus serrés ; il faut aller jusqu'à la cinquième manche pour se départager, difficilement d'ailleurs, mais au profit de Manu. Je le regrette mais je lui rends hommage : malgré un plus grand nombre de fautes au service, il a su gérer ses avances et profiter de mes piètres amorties, souvent trop longues ou trop hautes. Dans les pauses, on matait les filles, spécialement nombreuses ce matin. Mais que les amateurs ne croient pas au ping-pong giboyeux : elles sont toutes déjà accompagnées ! On parlait de Kill Bill aussi. Dans sa situation actuelle (avec enfant en bas âge), Manu ne peut guère aller au cinéma. Donc je ne lui dis pas tout, mais je me venge des parties perdues en lui donnant envie d'y aller... Je lui disais justement ce que je pourrais aussi ajouter pour mon héron héron petit Patapon : l'héroïne tarentinaise s'appelle Beatrix Kido (son nom est masqué par un biiip dans le Vol. 1, mais je n'ai pas encore compris pourquoi...). "Kido" ? Peut-être pour aïkido (合気道) ou 鬼道, la Voie des Démons ?, ou des fantomes des morts ?... – Alexandre, tu me dis si je me trompe !). Mais surtout Beatrix, seul prénom au monde, je crois, qui fait entendre l'anglais "tricks", c'est-à-dire "tours", au sens de "jouer des tours" ou "connaître des sales tours" ou des "coups spéciaux", des feintes, des bottes, ce qui en fait une sorte d'Ulysse au féminin ; Ulysse, "l'homme aux mille tours", selon Homère... Nous promenant de ce côté-ci de Shibuya, on constate que le Tokyu Bunka Kaikan (qui était à droite de cette photo, hors-champ) a été entièrement rasé. Ce bâtiment abritait deux cinémas, un supermarché, plein de boutiques et un restaurant salon de thé Juchheim's (oui, je sais, cette orthographe est étrange, mais c'est la bonne !). Sur la palissade des travaux, il y a un panneau sur lequel se retrouvent les raisons sociales et les téléphones de tous les magasins fermés. Dans cette liste, je repère un signe bizarre, une sorte de hiragana que je n'avais jamais rencontré, que je photographie, et ici inclus dans la photo, sur le mur du bâtiment où le métro de la ligne Ginza va éternellement pour entrer. De retour à la maison, je m'empresse de questionner T. en lui montrant la photo. C'est une sorte de "é"... On consulte dictionnaire et web pour découvrir, Ô stupeur !, qu'il s'agissait d'une sorte de "wé", de la série des hiraganas du "wa" (わ) et du "wo" (を), abandonnée après la Seconde Guerre Mondiale. Le plus surprenant, du fait des problèmes que j'ai à faire entendre à mes étudiants la différence entre le "é" et le "è", le fermé et l'ouvert, c'est qu'il devait se prononcer un peu comme "ouais", avec un "è" ouvert, ou en tout cas un "é" un peu plus ouvert que le "é" (え) qui reste en japonais contemporain. Si quelqu'un à d'autres lumières là-dessus, ça nous intéresse ! |
Lundi 24 mai 2004.
Du couscous d'agneau à la culture du mouton. On admire nos plantes sur le balcon, surtout les pots de spatiphilum, dont on compte dix-sept fleurs, et le citronnier qui a l'air de bien s'adapter, pour l'instant. Matinée de préparation d'un exposé hugolien pour la semaine prochaine... J'en reparlerai. On admire aussi le palmarès de Cannes. Malheureusement, il faudra encore pas mal de temps avant que l'on puisse voir les films, aussi bien celui de Michael Moore que celui d'Agnès Jaoui. Déjeuner au Saint-Martin. On a bien fait de venir : aujourd'hui, c'est couscous d'agneau ! Au GRAAL, il est encore question de George Sand et de La Mare au diable. Le conte champêtre, cette "bluette du copain des boeufs et de la copine des moutons" (Cf. mardi dernier), est encadré par les deux premiers chapitres qui ont valeur de manifeste politique et esthétique et par l'Appendice qui nous propose un document ethnographique très intéressant. Préface et postface, pour le dire autrement, changent la face du conte et altèrent sa nature même de conte, sa fictivité : aux deux bords de l'histoire, le narrateur informe qu'il connaît personnellement Germain et qu'il tient de lui son histoire ; il la donne donc pour véridique. Mais l'histoire contient un épisode, dit "de la Mare au diable", qui correspond à une mésaventure d'égarement dans les bois que la petite Aurore Dudevant a vécu avec sa mère et qu'elle relate dans Histoire de ma vie. Comme il est peu probable que Germain, le fin laboureur, ait vécu un épisode si semblable à celui d'Aurore, c'est soit que l'auteur a créé un narrateur fictif et qu'alors la vérité du témoignage de Germain est incluse dans la fiction énonciative, soit que l'auteur est une image vraie d'un narrateur, mais d'un narrateur qui ment lorsqu'il affirme la véridicité de l'histoire de Germain, plutôt composée de bribes de vérités ramassées ici ou là et de quelques doses de données autobiographiques. Ça aussi, ça en fait une oeuvre plutôt moderne ! Pour finir, on remarque (chapitre VIII notamment) que Marie est débrouillarde et rusée alors que Germain est pataud, voire lourdaud. Selon elle, ces aptitudes lui viendraient de son activité de bergère (pâtour), de la nécessité de l'adaptabilité nomadique, contrairement au laboureur dont les mains sont bloquées pour conduire la force vers le sillon ("vous êtes plus fort de vos bras qu'adroit de vos mains", lui dit-elle) et qui ne connaît que la vie sans surprise de son lopin de terre. Comme Ulysse et comme Beatrix Kido (voir hier), la petite Marie serait polutropos... Opposer une intelligence du nomade à une bêtise du sédentaire serait sans doute exagéré, mais y voir deux types d'intelligence et deux champs culturels distincts est somme toute raisonnable. Leur mariage n'en sera que plus réussi. J'avais raté ta note d'hier...
J'avais lu quelque chose d'assez astucieux au sujet du qualificatif qu'applique Homère à Ulysse dès le départ, polytropos... C'était dans le rapport avec le géant Polyphème : polyphèmos, "Celui aux mille paroles", et le jeu qui se noue entre les deux à partir du moment où Ulysse (qui s'appelle en fait "Odysseus", "fils de la furie", ou "Furieux") lui fournit comme faux-nom "Outis", "Personne"... C'était très bien vu.... il faut absolument que je retrouve la référence à ce texte. Si c'est le cas, j'essaierai de te la faire parvenir. Sur ce, je retourne à ma propre "furie" contre MSN et Bill Gates ! Au fait... la menthe pousse toujours aussi mal sur ton balcon ? Parce que là... j'en suis réduite à faire des boucles sur un tuteur avec la mienne qui tourne à la jungle ! ;) 2004-05-24 18:22:46 de Oneiros Thanatos Oui... ça me dit quelque chose... Où Polyphème était appelé Grande-Gueule et Moulin-à-paroles... Jankélévitch, peut-être... A vérifier... Côté menthe, ça va un peu mieux. Les beaux jours qui reviennent... Faut dire que c'étaient des pieds de menthe arrachés à un coin de rue entre chez nous et la rue de Kagurazaka. On a bien fait, parce que tout a été rasé l'automne dernier et c'est maintenant un parking. Quant à toi, tu peux t'en faire une couronne parfumée, en ceindre ton front et en faire une photo qui remplacerait celle de ton site ! (puis la laver et la manger avec des nems en pensant à tous ceux qui te lisent régulièrement !) 2004-05-25 05:46:39 de Berlol J'ai retrouvé ! C'est sur la Revue M.U.L. Voici l'adresse de l'index général : http://perso.club-internet.fr/mul/ Et voici celle de l'article sur "Mille-paroles, le Cyclope" : http://perso.club-internet.fr/mul/mul1-2.html En fait, il y en a 4 successifs s'étalant dans le courant de l'année 1997. Tu peux les trouver indifféremment dans l'index thématique comme dans l'index par numéros de revue. Pour la menthe, elle part généralement dans la théière de thé vert de Chine mais j'aime bien les nems tout de même ! Sinon.... et si ça ne te dérange pas trop, je préfère garder ma couronne d'olivier... fidélité indéfectible à qui a justifié ma vie. 2004-05-25 15:06:08 de Oneiros Thanatos |
Mardi 25 mai
2004. Toujours à jouir... Je vais et je viens entre les reins du Japon toujours à jouir du paysage et de la rencontre Il y a des jours comme ça, on n'est bon à rien. Pas même un jeu de mots. Se taire. Le coup du silence... Comme si à l'intérieur, ça pouvait s'améliorer. Comme si ça allait passer. Surtout ne pas en laisser rien paraître. Politesse vis-à vis... Assumer... Autre solution : assumer de n'être pas constant, prendre sur soi les bas comme les hauts, s'il y en a jamais. Accepter de décevoir. Parce qu'on a accepté de tous aussi de pouvoir être déçu. Mais aucune systématicité, surtout. "Le chant IX ne décrit pas une histoire de cyclope et de héros, mais la rencontre d’Ulysse avec son négatif : Polytrope devant Polyphème, l’homme aux mille tropes devant l’homme aux mille paroles. Il décrit l’affrontement de deux êtres de langue : l’homme doué de mille mots (de mille sens, Ulysse aux mille figures, capable de contourner sans cesse la convention du langage, de jouer avec les mots) contre celui doué de mille paroles (de mille manière de parler, de donner réalité aux mots, Mille-Paroles le cyclope) L’un qui échappe toujours au sens qu’on veut lui assigner, qui bouscule le sens des choses (polytrope), l’autre qui fixe les paroles, qui produit des mots, qui donne consistance aux mots (polyphème)." (in Mark Alizart, "Mille paroles le cyclope", revue M. U. L., 1998, merci à Oneiros Thanatos pour ses indications d'hier). "Polyphème le cyclope est double. Il concentre sur lui la double nature linguistique et matérielle du piège. Et c’est en sens qu’Ulysse sera également appelé, s’il veut s’en délivrer, à s’en délivrer doublement. Ulysse ne pourra survivre qu’à la condition de s’échapper physiquement de la grotte du Cyclope et de s’échapper symboliquement de sa parole. Chose qu’il fera en effet, on le sait, au moyen de sa célèbre ruse. Ce nom de Personne dont il s’affublera pour tromper le cyclope. Mais le ressort essentiel de cette ruse, on ne l’a peut-être pas assez relevé, tient moins au fait qu’Ulysse se choisisse pour pseudonyme un nom qui dit aussi son absence, qu’au fait qu’il coupe le joint naturel entre les mots et les choses, ces joints élémentaires qui relient le signifiant au signifié, et qui conditionnent la possibilité même de tous les autres joints (entre les mots, entre les phrases, entre les propositions). Ulysse, maître des liens, maître des joints en la circonstance, défait le nœud essentiel entre le signe et ce qu’il désigne. Il rompt le contrat de confiance entre le locuteur, le langage et le monde. Et de ce fait, il donne consistance au signifiant, il le fait exister. Le langage existe comme tel, et non plus seulement comme l’instrument d’une dénotation qui l’engloutit toujours immédiatement. Il s’empâte, il "prend". Et prenant de cette manière, il se pose, il s’oppose, il prend conscience de lui-même. Et c’est le premier acte de toute littérature possible." (in Mark Alizart, "Libertérature", M. U. L., 2001) Mais tout individu n'atteint-il pas sa complétude insupportable en étant à la fois Polytrope et Polyphème, cette sorte de yin et de yang d'un être producteur/produit de parole... 11 ans à jouir...
Foutre! Pardon, fichtre, quel homme! 2004-05-25 21:42:35 de Bikun |
Mercredi 26 mai 2004.
JLR, effets primaires ou secondaires ? Revenant au fil bouclé du blog lui-même, j'aperçois, depuis quelques jours, ou semaines, un ou des effet(s) secondaire(s) que j'aimerais mieux saisir. En même temps, ce Journal littéréticulaire (JLR) aura bientôt six mois d'existence, ce qui en rend l'observation utile, peut-être. Mes amis et quelques-uns de mes collègues ou connaissances sont au courant. Le JLR devient un sujet de discussion lors de nos rencontres réelles ou dans des courriels ou des communications téléphoniques. Il devient également un des éléments avec lesquels une personne peut être amenée à me présenter à une autre. Certains me disent qu'ils le lisent tous les jours, d'autres une ou deux fois par semaine, d'autres plus occasionnellement. Il m'arrive souvent de leur préciser qu'il n'y a aucune obligation, pour qu'ils ne se sentent pas obligés d'y faire un tour avant de se voir, ce qui compliquerait pour tous les relations. Certains reprennent parfois des éléments du JLR de tel ou tel jour, avec parfois une précision qui m'étonne, pour proposer une suite, un avis différent, un autre angle. Ou bien c'est moi qui dis, dans une conversation, que justement j'ai parlé de "cela", "hier" ou "la semaine dernière", "dans mon journal" ; manière de dire que je suis au courant ou que cela m'intéresse, mais qui pourrait aussi signifier qu'il faudrait me lire avant d'en reparler, j'en suis conscient. Risque de passer pour prétentieux. Aussi j'évite autant que possible de le dire... Parler de ce que l'on écrit et vouloir le faire valoir sans passer pour prétentieux, présomptueux, voire méprisant n'a jamais été facile. Mais il ne s'agit pas de me lancer des fleurs (ni elles et eux en m'en parlant ni moi en le disant ici), mais de constater qu'un texte journalier, public et durable crée une couche relationnelle supplémentaire entre ceux qui se connaissent, en plus d'être éventuellement un blog comme un autre pour des personnes qui me sont inconnues (ou des personnes que je connais mais qui ne m'ont pas dit qu'elles le lisaient). Je ne vais pas me lancer maintenant dans une typologie des commentaires, écrits ou oraux, mais il faudra sans doute que quelqu'un fasse ça un jour. Disons que cela va de l'insulte lâche (car non signée, du type "foutaises et merde en paillettes" posté en commentaire ; mais pourquoi pas ! si quelqu'un le pense ! il fait bien de le dire !) au private joke hilarant (qu'après Kill Bill il faudrait tourner Égorge George !...), en passant par le courriel de mécontentement (qu'un jour, mon texte soit nul, où je comprends la déception de l'ami, mais aussi l'estime que je dois essayer de mériter chaque jour sans pour autant "faire exprès"...). Faire une place aussi à la contribution : on me signale des fautes d'orthographe, que je corrige, des erreurs de terminologie, que je corrige, des propos déplacés ou erronés, que je corrige parfois. L'asymétrie cependant est flagrante. De tous ces amies, amis et collègues, aucun ne tient de blog ou de journal public sous quelque forme que ce soit. Je ne leur en fais pas reproche, mais cela veut dire tout d'abord que je ne peux avoir sur l'un ou l'autre aucun aperçu de style ou de manière de traiter un sujet ou de thème récurrent observable ou pouvant servir de sujet de conversation, alors qu'elles et eux peuvent se servir à écran ouvert. Ce n'est pas nouveau, dira-t-on : journaux, magazines, revues et livres offrent déjà cette asymétrie depuis des siècles ! Sauf que le web et le blog, dans leur principe (qui est au fond le même), ne sont soumis à aucune autorité éditoriale (n'en déplaise à quelques faiseurs de lois qui voudraient que les hébergeurs deviennent des responsables éditoriaux, puisqu'ils auraient pour devoir de "vérifier" les "contenus"...). Sauf aussi que l'affichage instantané ne peut se comparer (et encore...) qu'avec le journal quotidien, mais que ce dernier a une mission d'information connue et admise, contrat de lecture que n'a pas le JLR. Il faut aller dans un second cercle, celui des relations littéraires et réticulaires, pour trouver mes congénères webeurs et bloggeurs (ou blogueurs) et trouver des traces ou des germes de tissage, treillages, entrelacs entre sites, pages, blogs, si différents soient-ils dans leur projet. Dans cette zone d'afficheurs, nous nous laissons mutuellement des commentaires (en plus de courriels privés, éventuellement) qui enrichissent nos textes et propositions (comme depuis quelques jours avec l'Ulysse aux "mille tours") et qui donnent un autre et nouvel exemple de conversation littéraire, c'est-à-dire une autre et nouvelle forme de salon littéraire, sujet qui m'est cher entre tous, certains le savent. Pour tout cela, peut-on parler d'effets directs, primaires, qui affectent frontalement ma vie ? Ou d'effets mous, courbes, de biais, secondaires, comme pour tout ce qui peut être arrêté sans engendrer tristesse ni perte d'identité ? Ou est-ce une combinatoire déjà infiniment complexe, mais cependant comme tout, répétons-le, inutile ? Voilà qui suffit, côté neurones (sans parler des cours de ce matin et de la continuation cet après-midi d'un exposé sur Quatrevingt-treize pour samedi). Il est temps d'aller se dépenser un peu d'une autre manière, et de continuer à vélo un sixième Fred Vargas... Je
me sens un peu stupide à écire ce que je vais écrire.... mais tu as toujours
la solution facile de penser que l'alcool y est pour quelque chose...
Je n'ai jamais pu supporter l'idée de vivre au Japon. Pour moi, c'est le comble du supplice. Il est bien entendu que c'est de l'ordre du ressenti quasi épidermique... Je ne sais pas.... cette culture de la hiérarchie, de la soumission... C'est sûrement totalement irrationnel. Ou j'ai trop lu Mishima... D'autant plus douloureux et incompréhensible que des personnes extrêmement proches de moi, envisagent au contraire d'y faire leur vie, ou considèrent que c'est le nirvana de ce qu'elles espèrent de l'existence.... 2004-05-26 20:03:28 de Oneiros Thanatos |
Samedi 29
mai 2004. Hugo et Sand se rencontrent, enfin... Le Congrès des profs de français et de littérature française (SJLLF) a lieu une fois par an dans une université de Tokyo, cette année à Shirayuri (Le Lys blanc, pour jeunes filles uniquement) où nous accueillaient somptueusement nos collègues. En attendant le programme officiel commun, la matinée est consacrée aux réunions des petites sociétés de recherche. Ronsardiens, proustiens, rimbaldiens, pascaliens (avec T.), et beaucoup d'autres se retrouvent quelque part dans la ruche pour un ou deux exposés et un peu d'administration. Chez les hugoliens, je faisais en second une communication sur Quatrevingt-treize. Les sandiennes nous ont rejoints pour m'écouter développer combien l'emploi des adjectifs "humain(e)(s)" sont banalement employés par Hugo, ce qui est décevant mais qui nous mène à d'autres conclusions, nettement plus édifiantes, à mon avis (Cf. le poly que j'ai distribué, truffé de liens, mais sans qu'on puisse savoir ce que sera la conclusion...). J'y reviendrai... Invitée dans la cadre du Congrès, Madame le Professeur Michèle Hecquet (université de Lille III) a ainsi pu assister, outre mes élécubrations, à un événement formidable : la rencontre officielle de deux sociétés d'étude et le déjeuner de sandwiches apportés par chacun et pris ensemble (devenant compagnons). Tout le monde a l'air très content de l'aventure ! Mme Hecquet nous montre une correspondance entre Sand et Hugo, qui vient de paraître, et qui prouve qu'ils ne se sont jamais rencontrés ! Promenade dans le beau parc de la fac. Nombreuses rencontres informelles avec des collègues, mini et maxi conversations, déformations reformations de groupes. Il fait beau, dans les 30°C, avec pas mal de soleil, mais pas trop. De temps en temps, j'aperçois T. avec telle ou telle copine, avec d'anciens professeurs. Elle me fait toujours un petit signe de complicité que je lui rends. Tout le monde la trouve radieuse... Entre 14h30 et 18h, les exposés officiels du Congrès. Je dois modérer les interventions dans la 11e chambre des communications, avec un exposé d'Agnès Disson (université d'Osaka) sur Anne Portugal et Pierre Alferi, puis un autre de Bruno Peyron (université Sophia) qui parle d'Hervé Guibert quand il se prenait pour Napoléon... Vraiment intéressant... Réception officielle. Qui a beaucoup de succès parce qu'elle n'a pas l'air très officielle. On s'y amuse bien. Je crois que c'est l'une des fois où j'ai pu parler avec le plus grand nombre de collègues, sans trop de mondanité et même plutôt avec connivence. Les organisateurs, quoique débordés par une affluence imprévue, y sont pour beaucoup. Pour ceux que je connais : merci à Christine, Josiane et Nao. Merci aussi de nous avoir autorisés, les six ou sept qui nous y étions intéressés, à partager et emporter les excellents fromages qui restaient à la fin et qui allaient se perdre. Dommage, petit bémol, qu'un piano à queue et qu'un éminent pianiste, tous deux présents dans la salle, n'aient pu se rencontrer... |
Dimanche 30 mai
2004. Lin pour gakkai, Shinjuku et matsuri. On prévoit plus de 30°C, de quoi sortir son lin, une chemise blanc cassé que je repasse. Et les bateaux bleus aux pieds, les voilà sortis de leur placard hivernal. Matinée à me préparer lentement, sans poids. J'arrive à Senkawa pour aller au Lys Blanc vers 12h15, manger tout d'abord mon bento avec quelques amis, puis écouter la conférence de Michèle Hecquet, sur Histoire de ma vie ("autobiographie du milieu du siècle, et de ses silences"), selon qui l'absence totale de mention de Napoléon III dans le texte sandien vaut pour néantisation de sa personne impériale, mâtinée de reconnaissance muette de la souveraineté du peuple qui l'avait élu, ce petit. Elle est suivie sur l'estrade par René Depestre qui nous entretient de "la littérature haïtienne d'aujourd'hui et la francophonie" en dressant un tableau historico-littéraire de ce qu'il considère comme la seule matière première de son pays : les artistes, notamment peintres et écrivains. Suite au voyage au Japon de Frankétienne, il y a trois ou quatre ans, j'avais acheté et lu avec délectation L'Oiseau Schizophone, il y a fort à parier que je vais aller voir du côté d'Hadriana dans tous mes rêves sous peu... Avec le groupe des sandiennes, auquel s'est joint un balzacien qui a fait une communication sur Sand hier, nous allons à Shinjuku pour une petite réception en l'honneur de Michèle Hecquet et en préalable au colloque qui aura lieu cet automne à l'Institut et à la Maison franco-japonaise. Difficile de piloter un groupe de douze personnes dans les couloirs de Shinjuku où se presse dans tous les sens la foule des dimanches, surtout lorsqu'il faut aller du côté Ouest au côté Est de la gare pour trouver la Brasserie Ginza Lion. Pendant plus de deux heures, ripaille et conversations à bâtons rompus... Fatigués d'être enfermés, les quatre qui n'ont pas besoin de repartir vers une province forcément lointaine ni vers un lit bien mérité, dont Mme Hecquet, Kyoko la thésarde de mars et moi, errons un peu dans les rues de Shinjuku avant de nous décider pour le sanctuaire Hanazono, comme on aurait dit le parvis de Notre-Dame ou le cimetière Montparnasse si c'était Paris. Dans une ruelle au bout du quartier des petits bars, si calme quand j'y suis passé le 30 janvier avec François Bon, on aperçoit des hommes à moitié nus, qui se changent dans la rue, comme après un défilé traditionnel, petite fête appelée matsuri. Par un escalier de côté, on entre dans l'enceinte du sanctuaire au moment où je disais qu'il y a ici des puces un dimanche sur deux, normalement déjà finies à cette heure-ci. Mais sous nos yeux, c'est la folie totale, la foule en mouvement : après quelques minutes à admirer les lampions partout, les stands de nouilles sautées et de bananes au chocolat, l'excitation et le bruit montent dangereusement, des gardiens ou des policiers dégagent gentiment l'espace au bas de l'escalier du sanctuaire et l'on voit arriver la procession du bout de l'allée centrale, des dizaines d'hommes en sueur, criant, psalmodiant au milieu de cris plus perçants, les ordres d'arrêts, d'avance, de mouvements de côté, portant le sanctuaire miniature, rutilant d'ors et de phénix, miniature mais pesant bien une tonne ou deux, ou trois, l'allée à peine plus large que le groupe d'hommes portant les poutres maîtresses, titubant parfois, repoussé parfois par un autre groupe symbolisant des forces contraires, des divinités opposées, puis des cris, le groupe reprenant son avance, sa lutte mètre à mètre jusqu'à poser tout le châssis sur un socle amené à cet effet dans les minutes précédentes. Ouf ! On souffle, nous quatre ! Heureux de ce hasard qui a mené nos pas jusqu'ici. D'ailleurs, ça recommence pour un deuxième sanctuaire miniature à ramener après tour du quartier. Les deux mikoshis seront sans doute rangés dans ce bâtiment sur le côté gauche du sanctuaire, que je n'avais jamais vu ouvert avant aujourd'hui et au fond duquel on aperçoit, superbe, un immense paravent argenté et doré peint de deux chevaux ailés. Après, il y a des danses traditionnelles sur la scène d'un petit théâtre, à droite, des femmes plus toutes jeunes et une musique éraillée dans des hauts-parleurs du siècle dernier, on s'amuse encore, mais on sent que la fête va finir. D'ailleurs, faut qu'on aille se reposer, nous aussi. |
Lundi 31 mai
2004. Les ruses verbales du satyre n'émeuvent point les âmes
pures. Rendez-vous vers 9h à la sortie Marunouchi de la gare de Tokyo pour une demie-journée de visite de Tokyo en Hato Bus avec Mme Hecquet et Mme Haruko Nishio. On se laisse mener. Près du palais impérial : suivez le petit drapeau jaune jusqu'à la vue des deux ponts sur l'entrée du palais ! Faites des photos ! Et hop, dans l'bus ! Puis au temple d'Asakusa : une heure de quartier libre ; monumentalité du temple ; petites boutiques où faire de petits cadeaux (un mouchoir et des sembés pour T.). Long tour en bus par le Rainbow Bridge, vue surplombante d'Odaiba, tunnel sous la mer. Puis à la Tour de Tokyo, la première fois que j'y monte ! Quelle belle vue ! Mais pas de Mont Fuji : trop brumeux. On déjeune au deuxième étage et on remonte en bus les derniers. Dans le bus, l'accompagnatrice parle absolument tout le temps ! Mélodieuse, souriante, mais tout le temps. Retour à la gare de Tokyo, il est 14h30. On se sépare pour se reposer une bonne heure chacun de son côté... Et on se retrouve, d'abord avec Mme Hecquet à Shinjuku à 16h30 pour aller à Ebisu, puis tous ensemble à la Maison franco-japonaise, salle 601, pour une séance du GRAAL très honoré de la présence d'une si prestigieuse sandienne, surtout pour finir en beauté La Mare au diable ! Un peu de discussion sur des personnes de notre connaissance, sur Lille et sur Tokyo, pour prendre langue. On entame la discussion sérieuse après lecture du chapitre "La Vieille" dans lequel Germain recherche Marie, elle-même poursuivie par le maître chez qui elle n'a pas voulue rester. Les ruses verbales du satyre n'émeuvent point les âmes pures. C'est édifiant, certes, nous confie Mme Hecquet, mais éviter d'appeler ça du machisme, car le concept n'est pas de ce temps. Malheureusement, les abus de toutes natures sur les jeunes filles venues chercher du travail étaient très fréquentes... Ne pas psychologiser trop non plus. On expose la trame de Jeanne, quelques bribes de Lelia pour y retrouver ces quêtes d'amour absolu. Puis il est question de ces auteurs qui, selon Sand, voient le monde en noir et plein de criminels. Pas de doute, le forçat évadé du chap.I (p. 34), c'est le Vautrin de Balzac ! On aborde ensuite le thème du lectorat de Sand. De son temps, quelques décennies plus tard, à la fin du XXe siècle et au début du XXIe ! Les enfants la lisaient-ils ? Quels groupes sociaux la préféraient ? (Jaurès, par exemple, la mettait au premier plan) Fut-elle récupérée sous Vichy ? (semblerait que non)... Restaurant thaïlandais dans Glass Square. J'ai plaisir à entendre ces bribes de mémoire du GRAAL qui se répandent autour de la table, ce salon littéraire à notre façon, toutes ces lectures que nous avons voulues pour notre propre distraction en dehors de tout cadre officiel et qui sont maintenant une des plus riches parts de notre vie. Et puis on se quitte. T'es au Japon là ? La chance!!!!!!!!!! Je voudrais bien y aller :(
2004-05-31 16:49:15 de Ryoh |
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