La titanicité de l’édition française m’étonnera toujours
Un beau dimanche, bien calme, avec de beaux nuages, quelques brèves averses. Restés à la maison, nous avons travaillé à l’ordinateur, chacun le sien. Je me suis installé une petite heure sur le balcon pour lire quelques pages de Volodine. Sublimes ! En face, des voisins français finissaient de déjeuner sur leur terrasse. Au-dessus, d’autres jouaient au ping-pong. Un dimanche, je vous disais.
Décidément, Constance (ici à droite, à côté de Nathalie Jungerman, à la terrasse du Mauzac le 13 mai) est toujours à l’avant du bateau de l’édition. Là où les vents soufflent en premier (00h00.com, mythique entreprise…), là où les grains s’abattent (Zulma) — alors même que l’arrière du bateau coule et que tous les margoulins éditeurs essaient encore d’en profiter. La titanicité de l’édition française m’étonnera toujours. À la différence d’entreprises radicales, comme Publie.net qui, comme son nom l’indique, publie sur le net, Constance tente encore l’alliance de la carpe et du lapin en proposant à des éditeurs classiques une dynamique web qui serait autre chose que des bribes de textes ou de vidéo données en pâture aux internautes, comme le font de plus en plus les sites des éditeurs. Alors que je ressortais humblement de derrière les fagots ma Mondialisation de la rentrée littéraire de 2001, qui me paraît tout de même encore bien valide, je voudrais rappeler qu’une paire de livres a été lancée ce printemps d’une manière radicalement différente de tout ce qui s’était fait jusqu’alors, à ma connaissance. Et sans vision marketing. Avec site web intriguant, traîne de blogs photographiques et, in situ, collages sauvages et autres blogs ou pages MySpace déviantes et musicales… Il s’agit des deux ouvrages de Lutz Bassmann, Avec les Moines-soldats et Haïkus de prison, avec l’accord de Verdier et l’amical soutien de Volodine, mais sans qu’on sache officiellement qui en est / en sont le ou les artisan(s). J’aimerais bien que Constance nous donne son avis éclairé sur cette opération. Et que leurs concepteurs s’expriment aussi, s’ils passent par ici.
Oublié de dire que j’écoute assidument La Conscience de Zeno, d’après le roman d’Italo Svevo, en feuilleton depuis lundi. Lu dans les années 80, après avoir découvert Freud, ce livre m’avait beaucoup amusé. Par dessus les bouleversements littéraires que mon jugement a connus, j’ai gardé une grande estime pour Svevo. Sans doute parce qu’il était le premier — dans l’historique de mes lectures — à parler le langage de la psychanalyse sans le sérieux souvent affecté par les psys pour se donner de l’épaisseur. Pour Freud, je ne sais pas, après tout, c’était traduit et j’étais fort débutant, mais j’ai l’impression qu’il avait de l’humour…
Le beau et mystérieux film Crops, de Fred Griot et Philippe Rahmy, m’a fait souvenir que T. et moi sommes, depuis notre passage à Carnac l’an dernier, en possession de « graines de menhir ».
En une année, ont-elles poussé ?
Dans un million d’années, il y aura de plantureux menhirs dans les ruines d’une ancienne capitale des îles japonaises et les araignées qui tiendront alors le haut du pavé humain s’interrogeront sur cette présence étonnante en un lieu si peu celtique — jusqu’à ce qu’elles trouvent ce billet de mon journal, bien sûr.
Tags : Bassmann Lutz, Bon François, Freud Sigmund, Griot Fred, Jungerman Nathalie, Krebs Constance, Rahmy Philippe, Rebollar Patrick, Svevo Italo, Volodine Antoine
Publié dans le JLR
ouf ! le contrechamp n’est pas mis en ligne : merci !
Attention ! Ça pourrait venir !… Et Philippe a des photos, lui aussi…
Merci de la reprise du débat sur l’idiorythmie (avec un « r » ou deux, les deux sont attestés).
On passe, on pense encore à Lutz Bassmann et, tiens ! un visage familier…
j’aurais plutôt tendance à préférer idiorythmie avec un seul r, mais Barthes, que je citais la dernière fois que nous avions parlé rythmes de lecture en met 2 dans « Comment vivre ensemble » (dont j’ai relu des passages la nuit dernière grâce à vous deux!)
sait-tu que quand on clique sur « 13 mai », on obtient cette belle variante de « la vérité est ailleurs » :
« Introuvable
Désolé, ce que vous cherchez ne se trouve pas ici. »
A y’est, c’est réparé ! Faut que je fasse gaffe aux adresses, avec tous ces changements…
Sinon, oui, pour Barthes, je me souvenais bien. Content que tu aies passé la nuit avec lui…
… c’est toujours un plaisir de passer la nuit avec ce cher Roland, en tout bien tout honneur, bien sûr !
[…] Autant de modes d’édition. Mon avis, Berlol, sur qui est Lutz? M’enfin, tu le dis toi-même : “… lisant Volodine sur la […]
Merci, Constance, de cette réponse développée sur ton site, et bien sentie. François a raison de souligner qu’à trop s’échiner sur les éditeurs qui ne veulent ni ne comprennent (tout en espérant une panacée facile et gratuite, pour eux, et qui rapporterait beaucoup, autant dire : l’impossible) tu perds un temps précieux que tu pourrais passer sur les boulevards littéraires du réseau. Ceci dit, il faut ajouter que tout le monde n’a pas la même assise pour lancer et faire tourner un projet.
Ce que François réussit, même s’il n’accepte peut-être pas ce que je vais dire, est quand même bâti, reposé, garanti, sur l’envergure littéraire acquise dans le « milieu ».
D’où l’intérêt de renforcer les liens et activités professionnelles à partir des affinités réticulaires.