Sois content du strapontin qu’on t’assigne
Qu’est-ce que j’ai fait hier ?… Enfin, je veux dire aujourd’hui, ce 10 mars. Comme j’écris le lendemain, n’ayant toujours pas de connexion à la maison le soir… D’ailleurs, il y a assez à faire avec les cartons à vider, l’aménagement de l’espace libéré au fur et à mesure. En dînant puis réfléchissant à l’accès aux plats, assiettes, bols, tasses, casseroles, poêles, etc., en fonction des onze portes des trois placards de la cuisine, je me suis repassé Le Rôle de sa vie (François Favrat, 2003), pour avoir de la compagnie — mais pas juste pour ça. Je me suis rappelé une interview d’Agnès Jaoui que j’avais dû entendre bien après ce film et dans laquelle elle disait que tous ses rôles exploraient les blessures infligées par les rapports de classes, de groupes, de cultures. Je ne crois pas qu’elle le disait comme cela, mais c’est cette idée dont je me souviens. Et c’est bien le cas ici. À mon commentaire de juin 2005, j’ajouterai que tout repose sur des expressions furtives captées sur un visage au moment où il ne fallait pas, et plus encore sur des propos presque insignifiants, qui trahissent plus que de grands discours. Ainsi la vedette que joue Jaoui n’est-elle pas tant blessée parce qu’un grand nombre de personnes imprévues débarquent soudain dans un dîner qui devient un traquenard, que par la petite phrase, la petite familiarité au sujet des clopes qu’elle taperait toutes les deux minutes. Exploration verbale et gestuelle plutôt que construction scénaristique : on est en fait tout près des tropismes sarrautiens, façon Pour un Oui ou pour un non, et c’est ce qu’Agnès Jaoui et Karine Viard jouent excellemment.
Allons bon, j’ai commencé par la fin. Ceci dit, la matinée était consacrée au voyage en shinkansen, mi-lecture mi-somme, pour arriver à la fac pour une réunion à 12h30. Compte-tenu de l’horaire, on nous fournit une boîte-déjeuner de chez Downey avec des sandwiches au poulet au curry. Pas mauvais du tout. Quant à la réunion, c’était la dernière du comité des langues étrangères, juste pour un petit bilan.
À la sortie, un collègue m’aborde avec des pincettes, pour savoir si on ne pourrait pas solliciter quelque étudiant de 4e année pour mettre un créneau hebdomadaire de conversation en français dans cette sorte de club qui a été créé pour les langues étrangères, en marge des cours. Il sait que j’ai été contre ce projet dès le début parce qu’il a été mis en place par les anglophones sans nous demander notre avis (il y a quand même quatre autres départements de langue), créant un cadre anglo-américain a prori, toujours géré par les mêmes et d’ailleurs attenant à leurs bureaux, dans lequel il est possible de demander à causer avec quelqu’un en espagnol, chinois, indonésien, allemand ou français…
Suis-je trop susceptible ? Un, on te bâtit ce bazar sans te demander ton avis, deux, on veut que tu y entres et sois content du strapontin qu’on t’assigne, et trois, on vient te reprocher gentiment de n’y avoir pas mis les pieds. Ceci dit, si on trouve un ou une étudiant(e) que ça amuse, pourquoi pas !
Comme j’ai remis la main sur mon carnet de chèques (quelque part dans un carton…), je peux enfin payer nos cotisations de Cerisy pour 2008 (honteusement en retard) et 2009. Je vais même illico à la poste en vélo, malgré les vents contraires, pour que ça parte tout de suite.
« D’un seul coup le vent froid arrive sur moi, bousculant les feuillages. Je vois les vagues courir sur les champs de canne. Le vent tourbillonne, m’enveloppe, avec des rafales qui m’obligent à m’accroupir sur le rocher pour ne pas être renversé. Du côté de la Rivière Noire, je vois la même chose : le grand rideau sombre qui galope vers moi, recouvre la mer et la terre. Alors je comprends qu’il faut m’en aller, très vite.» (J.-M. G. Le Clézio, Le Chercheur d’or, p. 79)
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Publié dans le JLR