Bref,
rien n'est plus
comme au début.
Pourtant,
c'est
un nouveau début car les lecteurs des résultats de l'enquête,
qu'ils y aient pris part ou non, se prennent (légitimement) à
commenter, à participer après-coup, à réagir
aux raisons des uns et aux choix des autres, ainsi qu'à mes propres
commentaires. Et c'est peut-être là, dans l'échec d'un
premier tour de manivelle au moteur récalcitrant, que peut jaillir
un débat littéraire sur le contemporain. Car de vrai débat,
il n'y en a pas eu depuis des années (me semble-t-il). Il y a d'un
côté le monde de l'édition, revues comprises (à
de rares exceptions près), ou tout est filtré, et, de plus
en plus, codifié dans le but de rapporter (argent et médiamétrie);
et il y a de l'autre côté des listes de discussion sur l'Internet
(mailing-lists, comme Balzac-L et France-Langue) où chacun cherche
réponse à des questions détaillées et personnelles,
où les communautés s'informent d'événements
qui se passent dans le monde réel (colloques, revues, postes vacants,
etc.), ce qui est utile et (déjà) nécessaire, mais
où les débats sont évités (sans que l'on sache
si c'est par tacite volonté de préserver sa tranquillité
en même temps que celle de tous les autres, par inadéquation
ou immaturité du média réticulaire, ou par ce qui
pourrait être une forme d'indifférence/incompétence
- ce qui nous amènerait alors à nous demander comment il
se fait que la plupart des abonnés sont professeurs et/ou chercheurs...)
On trouvera donc
ci-dessous, de façon
informelle,
la suite des listes, les commentaires,
toujours sous forme anonyme (sauf en
cas d'accord de l'auteur),
datés comme un journal de bord...
d'un bord contemporain des lettres francophones !
Quand faut y aller !
Si vous souhaitez réagir à votre tour, si vous souhaitez que votre réaction soit retirée, si vous souhaitez que votre nom soit ajouté à votre réaction, dites-le-moi.
R1
- Le 2 décembre 98 :
un
petit mot pour exprimer (a mon tour) de la deception. Non, il ne s'agit
pas
de la faible participation, je continue a trouver des circonstances
attenuantes
a nos collegues... Il s'agit de la liste. De mon point de vue,
la
moitie des oeuvres citees est a mettre a la poubelle. Je citerai, en
autres
auteurs surfaits ou d'une mediocrite sans nom: Annie Ernaux et
Philippe
Djian.
Si
je peux me permettre une remarque sur la methodologie de cette liste,
je
dirai qu'elle fait un peu fourre-tout et que le choix des dates reste a
expliciter.
Le principe, lui, capte tout mon interet, en tant que prof
(quelles
sont les tendances chez mes collegues?) et en tant qu'amateur de
litterature
(la recurrence de certains auteurs et l'absence d'autres).
En
conclusion, je pense que vous avez eu une bonne idee qui demande a murir.
L1- Le 2 décembre 98 :
Sur
le fond, je ne suis que très légèrement surpris par
le classement des
auteurs
les plus plébiscités : parmi les 9 auteurs ayant obtenus
plus d'une
voix,
on relève quand même 4 noms couronnés par un Médicis
ou un Goncourt!
Or,
votre questionnaire ayant été posté sur des listes
majoritairement
fréquentées
par des enseignants et des chercheurs, ce résultat me paraît
inquiétant
dans la mesure où il reflète un certain conformisme (même
si,
bien
sûr, une aussi faible participation ne peut en aucune manière
avoir
valeur
de photographie). Et que M. Duras ait obtenu 4 voix avec son ouvrage
le
plus "facile" (L'Amant) confirme ce qui précède. De même
que cette
écrasante
majorité de romans et d'auteurs "bien en place".
Nous
sommes encore très éloignés du jour où nous
serons capables de sortir
des
sentiers battus, de prendre les départementales plutôt que
les
autoroutes
et la monotonie qui leur est propre !
Bien
entendu, vous pouvez publier cette réaction (tout comme d'ailleurs
mon
choix)
qui, peut-être, en incitera d'autres.
Patrick
Kremer
Ecrivain
mailto:Patrick.Kremer@wanadoo.fr
http://perso.wanadoo.fr/patrick.kremer/
Directeur
de la revue Courant d'Ombres
http://assoc.wanadoo.fr/courdo/
Administrateur
de la liste Courdo
http://assoc.wanadoo.fr/courdo/html/liste.htm
R3
- Le 3 décembre 98 :
Oui,
j'aimerais réagir à vos propos, car ils me consternent: j'espère
sincèrement
que les raisons invoquées que vous mentionnez n'ont pas été
données
sérieusement, sinon, en plus de désespérer des étudiants,
je
désespérerai
de mes semblables bientôt: 1- invoquer le manque de temps
est
une aberration, entendu qu'on prend le temps d'aller lire nos
messages
et qu'il ne fallait qu'une minute de réflexion pour répondre
à
votre
question; 2- invoquer la peur et la timidité est, à mon avis,
de
la
mauvaise foi, sinon pourquoi ces gens sont-ils abonnés à
une liste de
discussion?
Par voyeurisme??? 3- quant à la pertinence ou la
non-pertinence
d'une enquête, cela est effectivement discutable, mais il
n'en
demeure pas moins que ce type de sondage s'avère intéressant,
pour
ne
pas dire quelquefois surprenant, et qu'il pourrait s'agir d'un
excellent
baromètre si les abonnés de Balzac voulaient bien y
contribuer:
en effet, pourquoi _L'Amant_ et _La Vie devant soi_
semblent-ils
les favoris, du moins à première vue? Est-ce la publicité
faite
autour de ces oeuvres, le fait qu'on puisse les faire lire à des
étudiants
de niveau collégial, le réel plaisir de lecture qu'ils ont
procuré,
enfin leur 'réelle' qualité littéraire? Mais alors,
en quoi
consiste
cette dernière? Etc. Vous voyez comme moi qu'une telle
discussion
vaut autant pour des littéraires que de connaître la dernière
théorie
de Machin. Seulement, sommes-nous prêts (nous, c'est-à-dire
les
chercheurs
'sérieux' pour qui il n'est de bon ton que de s'extasier
devant
Proust et de vouer aux gémonies les Nothomb, Houellebecq et cie)
à
sortir du 'carcan' universitaire? Je souhaite tout de même une bonne
fortune
à votre recherche.
R4deR2(>R1&R3) - Le 4 décembre :
Le
deuxième intervenant [R3]
(comment fera-t-on quand il y aura 100, 200
anonymes?...)
pose une question fondamentale au sujet de la reconnaissance
d'un
auteur : Duras et Gary-Ajar doivent-ils leur notoriété à
la publicité
faite
autour d'eux, à une relative facilité de lecture pour un
large public
ou
à la qualité intrinsèque de leurs oeuvres ? Sans doute
un subtil dosage
de
ces trois facteurs. Mais ce qui me paraît le plus évident,
et le plus
navrant,
c'est la paresse du public, son incuriosité qui le fait aller là
où
d'autres (journalistes, critiques, enseignants) ont décidé
qu'ils
iraient.
Et le cas Houellebecq, même s'il est loin de faire l'unanimité,
va
encore
en ce sens : le public achète ce livre parce que la presse a pondu
des
dizaines de pages à son sujet. Je suis de ceux pour qui les plus
belles,
les plus passionnantes lectures se produisent lorsqu'un individu
entre
dans une librairie, fouine et est appelé par UN livre en particulier.
Mais
pour cela, il faut être curieux et accepter de se perdre quelquefois.
Enfin,
pour conclure, je ne pense pas qu'il faille, sous prétexte de ne
pas
laisser
passer un chef d'oeuvre, opposer les "anciens" et les "nouveaux"
(Proust
et Houellebecq, par exemple) : n'oublions jamais que la création
ex
nihilo
est un mythe, que tout auteur crée à partir de la création
d'un
autre
qui lui-même créa à partir de... etc. En ce sens, le
terme de
créateur
est usurpé. Et puis, beaucoup d'écrivains sont les hôtes
d'un
purgatoire
immérité : les redécouvrir est aussi une expérience
passionnante,
laquelle n'empêche en rien la découverte d'auteurs
immédiatement
contemporains.
Désolé
de la longueur de cette réaction que, bien entendu, je ne désire
pas
anonyme.
Patrick
Kremer
L2 - Le 4 décembre :
à
suivre...