Le français, première
langue littéraire de l’Internet
par Patrick Rebollar,
Congrès SLLF de Seijo, Mai 1998
Titre un peu accrocheur, mais est-ce donc si important ? Quand
les anglophones se targuent d’être les premiers en tout, il faut
peut-être remettre les chiffres à leur place.
Par divers comptages, on établit que 1500 à
2000 textes littéraires sont disponibles en anglais dans le réseau
Internet. Pour les textes en français, on disposait fin 1997 du
chiffre approximatif de 400 œuvres sur le web. Or, c’est à ce moment,
en novembre 1997, que la BNF a ouvert son serveur public Gallica,
consacré au XIXe siècle et contenant plus de 2700 ouvrages,
ce qui fait passer le chiffre des textes en français à plus
de 3000.
Cette première version de Gallica sera suivie
dans le courant de 1998 d’une version Gallica 2, ouverte peut-être
sur les siècles précédents, et le nombre de texte
devrait être plus que doublé ; la littérature francophone
devrait donc se déployer sur le web par une offre de plus de 6000
ouvrages virtuels.
Enfin la BNF annonce encore l’ouverture progressive de
tout le domaine public, soit d’ici 2 à 5 ans, soyons prudents, un
corpus de 100.000 volumes en ligne.
Je précise ou je rappelle que tous ces textes sont
accessibles gratuitement, de n’importe quel point du monde relié
au réseau Internet par un ordinateur courant, et que l’on peut conserver
chez soi, pour la lecture ou pour l’étude, tous les textes souhaités.
Face à cette offre gigantesque, les enseignants
et les chercheurs, les étudiants aussi, se demandent où et
comment accèder aux textes. Nous essaierons dans une première
partie de donner quelques pistes sûres.
Mais pour vouloir faire usage de ces ressources, il faut être
persuadé de leur utilité et de leur efficacité, ou
simplement curieux de les mettre à l’épreuve. C’est ce que
nous ferons dans une deuxième partie avec l’exemple de quelques
questions littéraires.
1. L’offre littéraire
francophone du web et comment l’atteindre
Pour utiliser un réseau, on a besoin d’outils de repérage.
Ainsi dans un réseau routier, on prend une carte routière
; dans un réseau téléphonique, on consulte un annuaire
des particuliers ou des professionnels...
Pour le WWW, il n’existe pas de service central d’indexation,
mais une collection de fournisseurs d’index ayant des qualités différentes.
Effectuer une recherche avec
Yahoo
ou Alta Vista, deux de ces
fournisseurs d’informations indexées, n’amène pas toujours
les mêmes résultats. Constatant cette imprécision,
des chercheurs du domaine littéraire ont été amenés
à établir des index spécifiquement littéraires
et non-automatiques.
L’index francophone nord-américain
Clicnet,
et l’index genevois Athéna
sont les deux plus fiables du moment.
Dans l’index Athéna, par exemple, on trouvera 350
auteurs et 950 titres (indépendamment des liens vers Gallica, plutôt
problématiques). Ce catalogue de plus de 80 pages, si on l’imprimait,
est bien évidemment un hypertexte, c’est-à-dire que chaque
référence est un lien vers le texte lui-même, sur son
lieu d’origine, Texas, Tolbiac ou Tokyo...
... Ou Genève, car l’équipe d’Athéna
diffuse entre autres de nombreux textes de Maupassant, Rabelais, Rousseau
et Voltaire. Plus de la moitié des liens mène chez Gallica,
à Paris donc ; d’autres mènent à Lisieux, ville dont
la Bibliothèque
municipale s’est fait une spécialité d’auteurs à
redécouvrir comme Octave
Mirbeau, Marcel
Schwob ou Alphonse
Allais ; d’Athéna on va également à l’A.B.U.,
Association des Bibliophiles Universels, qui propose environ une centaine
de textes dont je cite au hasard les Historiettes
de Tallemant des Réaux, mais aussi des œuvres de Diderot,
Molière,
Pascal...
; ou enfin vers de nombreux autres sites associatifs ou individuels, comme
notre collègue Aino dont la version des Contes
cruels de Villiers de L’Isle-Adam est indexée. Chaque personne
ou chaque groupe qui décide de diffuser un nouvau texte sur le réseau
peut en informer les gestionnaires d’index qui les insérent dans
leur recensement perpétuellement renouvelé.
Les textes se présentent sous deux formes, très
différentes : texte ou image.
La première, la plus pratique pour l’utilisateur,
c’est le texte sous forme de texte. Dans ce cas, chaque lettre,
chaque mot peut être recherché, copié ou modifié.
Un roman entier n’occupe qu’un faible volume de mémoire ; une disquette
peut en contenir 5 ou 6.
La seconde, c’est le texte sous forme d’image,
plus difficile à manipuler pour l’utilisateur. On reçoit
l’image d’une page photographiée avec un scanner, à partir
d’une édition qui est parfois rare ou introuvable. Nos yeux y lisent
du texte, bien sûr, mais l’ordinateur n’y voit que des points blancs,
noirs ou autres, comme dans n’importe quelle photographie. Il n’est donc
pas possible d’effectuer des recherches automatiques. La copie est possible,
mais une disquette n’accueillera que les images d’une dizaine de pages.
Or ce mode image est beaucoup plus rapide à
préparer pour le fournisseur, et la très grande majorité
des textes de Gallica, actuels et à venir, sont et seront
en mode image.
Depuis l’ouverture de Gallica, des utilisateurs établissent
eux-mêmes les versions en mode texte d’ouvrages qu’ils ont
recherché et copié en mode image. Ils utilisent pour
cela des programmes de reconnaissance des caractères (OCR program),
puis effectuent une dernière correction par relecture humaine, suivie
ou accompagnée d’une mise en page sommaire. Dès lors, cette
nouvelle version peut servir à des recherches littéraires
locales, à la diffusion telle quelle sur le réseau, ou à
une mise en page plus sophistiquée dans laquelle le texte sera assorti
de notes, d’explications et d’illustrations comme c’est le cas sur certains
sites consacrés à des auteurs, citons Balzac (site du Bicentenaire),
Rabelais,
La
Fontaine, Maupassant,
Gautier,
Baudelaire,
Rimbaud,
Mallarmé,
Aragon,
Lautréamont,
Zola
et bien d’autres.
Et je n’ai pas le temps de parler de tous les sites web
qui présentent des mouvements littéraires (comme c’est le
cas pour le Surréalisme
ou le Symbolisme), des sites
qui traitent l’histoire littéraire (comme la chronologie
dont je m’occupe), ou de ceux qui traitent de la littérature contemporaine
(comme les pages de la chaîne de télévision France
3, qui diffuse d’impressionnantes quantités de témoignages
et de biographies du XXe siècle préparées pour l’émission
Un
siècle d’écrivains).
Voilà pour l’offre, maintenant qu’en faire ?
2. Questions littéraires
: réponses du réseau et leur interprétation
Je me placerais ici dans l’idée d’une utilisation maximale
du réseau, c’est-à-dire en recourant à toutes les
possibilités d’indexation et de concordances qu’offrent les moteurs
de recherche (Search Engines) de différents sites web.
On peut ainsi rechercher des mots ou des expressions dans différentes
sortes de corpus :
-
Avec Alta Vista ou Yahoo
: recherche dans des millions de documents, toutes catégories confondues
(très utile pour la découverte de sites spécialisés,
d’informations générales, encyclopédiques, pour la
recherche d’images), résultats littéraires moyennement ou
peu intéressants, résultats linguistiques très intéressants.
-
Avec le service italien LOGOS
: indexation de textes dits littéraires de toutes les langues,
présente les résultats et permet l’accès direct au
texte-source, très utile pour des questionnements littéraires
préparatoires.
-
Sur le site de l’A.B.U.
: possibilité de recherches d’occurrences dans un texte particulier,
ou dans tous les textes de l’A.B.U., résultats de bonne qualité.
-
Dans des corpus d’auteurs : quelques sites offrent la recherche d’occurrences
ou de co-occurrences...
-
Dans tous les documents qui présentent un texte entier (roman, théâtre,
etc.), ou plusieurs textes à la suite en un seul document (poésies,
nouvelles), on peut utiliser la fonction de "recherche dans le document"
de son propre logiciel de navigation (browser), c’est le cas des
ouvrages chez Athéna, à l’A.B.U., et des œuvres en
mode texte de Gallica.
-
Recherche dans les tables des matières : ouvrages en mode image
chez Gallica, articles de la Revue
Blanche chez le Pr Gatzke, etc., peu pratique mais cela peut guider
à partir de termes généraux ou de noms propres, ou
avec de la chance...
Prenons le cas d’une recherche dans la chronologie de Gallica.
À l’année 1856, je trouve trace de la naissance de Jean Moréas.
En le choisissant (cliquant), j’obtiens la liste des œuvres disponibles,
où l’on remarque la différence entre le mode image
et le mode texte.
Choisissant Paysages et sentiments, je vais
en obtenir la Table des matières. La sélection d’un
chapitre (Promenades), par le numéro de page (87) va me permettre
de recevoir cette page à l’écran (ouverture automatique du
document par le logiciel Acrobat Reader, si celui-ci a été
préalablement installé). On pourra également appeler
les pages suivantes, ou voir la couverture : il s’agit bien
de la photographie de l’édition de 1906, chez Sansot.
Lisant ce texte, j’y découvre
au moins deux choses intéressantes et pour lesquelles je peux essayer
tout de suite de rechercher des citations dans d’autres textes par le web:
le mot "olympiennes" (voir citations), utilisé
pour les prunelles des vaches (Moréas, p.88), ce qui est pour le
moins inattendu, et la référence au "marchand de peaux
de lapin", aujourd’hui disparu (voir citations).
Texte de Jean Moréas, in Paysages
et sentiments, p.87-89 (cliquer pour agrandir si nécessaire):
Ces deux éléments, ou ces deux questions,
ne sont pas "littéraires" de la même façon. L’adjectif
"olympien" doit être rapproché de son sens mythologique et
l’on doit évaluer les connotations qu’il apporte à la description
de la vache, tandis que l’expression "peaux de lapin", qui n’a plus grand
sens pour nous, fonctionne pour le narrateur comme une madeleine
proustienne, et peut de ce fait entrer dans une étude comparée
des souvenirs ou des constructions temporelles... à condition d’être
bien comprise du lecteur de 1998 !
Pour ce qui est de l'adjectif olympien, on voit
que le mot a lentement dérivé au cours du XIXe siècle,
et pas avant semble-t-il. Tantôt descriptif du corps ou du caractère,
tantôt ironique, il n’est jamais attribué aux yeux, excepté
dans le texte de Moréas, a fortiori aux yeux d’une vache...
L’emploi de Moréas semble signifier le calme des bêtes, avec
les têtes "lourdes" et l’ambiance champêtre, au croisement
des sens de George Sand et de Léon Dierx. Mais la connotation d’intelligence
que porte normalement l’adjectif prête ici à sourire.
Cependant, Moréas opère sans doute une synthèse
sémantique plus raffinée (n’est-il pas grec lui-même!?
et la Grèce, le lieu de l'Olympe ?), car, dans la mythologie
greco-romaine la belle Io est transformée en vache par Jupiter qui
essaie vainement de la cacher à sa femme. À moins qu’il ne
s’agisse de Jupiter lui-même, transformé en taureau pour séduire
et enlever la belle Europe. Voir les peintures de Titien, Ingres, Moreau...
Pour les peaux de lapin,le processus de compréhension
nous apparaît contraire : au lieu de rechercher des
connotations d’époque, peut-être voulues par l’auteur comme
dans le cas précédent, il nous faut essayer de trouver les
connotations ajoutées par nous du fait des différences culturelles
entre les lecteurs d’aujourd’hui et les hommes du XIXe siècle. Ayant
constaté le caractère courant de la peau de lapin dans une
organisation sociale différente de la nôtre, nous pouvons
comprendre la nostalgie de Moréas sans y ajouter de connotation
de surprise ou de moquerie.
Conclusion : limites technologiques
et limites humaines
Nos collègues ici présent [au Congrès,
mais ceux du réseau tout autant], habitués à l’exégèse
des textes et à la compulsion des dictionnaires, généralement
dans le but d’éviter les contresens ou de mieux percevoir le sens
des mots à une autre époque, auront reconnu un travail qu’ils
connaissent bien.
Il est fait de milliers de petits détails, de petites
touches qui nous occupent parfois des années entières pour
l’étude d’une œuvre littéraire.
J’espère avoir montré que les outils électroniques
ne remplacent pas la réflexion du chercheur ni son travail obstiné.
Par contre, ils peuvent accélérer formidablement son
accès aux textes usuels et lui permettre de consulter des ouvrages
inaccessibles à l’endroit où il se trouve, voire interdits
d'accès autre que virtuel.
Tout le problème est dans le mot "formidablement",
qui signifie aussi "avec peur". Peur des machines, peur d’une société
transfigurée, peur des nouveaux rapports sociaux...
Mais... la peur n’évite pas le danger ! Il vaut
donc mieux la dominer.
©Rebollar,
1998
Annexe. Les citations :
Autour
des vaches aux prunelles olympiennes de Moréas
Ces quelques citations ne
prétendent aucunement faire le tour de la question, mais seulement
montrer ce que l’on trouve en quelques minutes par une consultation web,
rédaction mise à part... Ce ne serait donc que la phase préparatoire
d’une étude, à titre d’exemple.
Ne semble pas exister chez Rabelais...
(U. Nice)
La vieille fille n'avait jamais
rencontré d'homme aussi séduisant que l'était l'olympien
vicomte. (Balzac, La Vieille Fille, p.898, serveur Balzac, U. Nice)
Il n'y a que les hommes forts,
grands et colères, de ces foudres de guerre, de ces diplomates à
tête olympienne, de ces hommes de génie, pour avoir
ces partis pris de confiance, cette générosité pour
la faiblesse, cette constante protection, cet amour sans jalousie, cette
bonhomie avec la femme. (Balzac, Les Paysans, p.63, serveur Balzac,
U. Nice)
Mon dieu ! Imbécile que
je suis ! S'écria le père Durand tout tremblant devant la
colère olympienne de son supérieur qui l'entraînait
dans l'escalier. (Murger, Scènes de la vie de bohême,
1851, serveur Gallica, p.26)
Dieux, guerriers, poëtes
ou sages, ces grandes figures de l'allégorie ou de l'histoire qu'il
[Delacroix] a traitées vous saisissent par une allure formidable
ou par un calme olympien. (Sand, Histoire de ma vie, 1854,
serveur Gallica, p.244)
Maître Alfred L'Ambert,
avant le coup fatal qui le contraignit à changer de nez, était
assurément le plus brillant notaire de France. En ce temps-là,
il avait trente-deux ans ; sa taille était noble, ses yeux grands
et bien fendus ; son front olympien, sa barbe et ses cheveux du
blond le plus aimable. (About, Le Nez d’un notaire, 1862, serveur
Gallica, p.4-5)
Sur le divan, pareille à
la noire panthère / [...] / Reine muette, elle a pour ces flatteurs
d’un jour / le mépris sans pitié des superbes idoles. / Dardant
ses larges cils sous un front olympien, / elle cherche un regard
qui devine le sien. / Car elle saura lire au fond de ce silence / chargé
des mêmes mots qui dorment dans ses yeux, / et confondra sa flamme
aux feux mystérieux / qui sauront pénétrer sa sinistre
indolence. (Dierx, Les Lèvres closes, 1867, serveur Gallica,
p.135)
Dumas, qui pourrait seul, mage
éthiopien, / Chanter la sage Hélène, / Abrite des
éclairs son crâne olympien / Sous des touffes de laine.
(Banville, Nadar, vers 1870, v.41-44, serveur Banville)
Notre-Dame-du-Christ, église
métropolitaine de Mauhors, élevée sur les assises
d’un temple consacré sous Rome païenne à ces deux olympiens
adultères : Mars et Vénus. (Cladel, Ompdrailles, 1879,
serveur Gallica, p.184)
Oui, c'est au sang latin la
couleur la plus belle, / les plus riches moissons sont toujours à
Cybèle, / et toujours la victoire, amante des combats, / sera forgée
pour nous des Cyclopes nu-bras, / que notre voix obtienne, / des mains
de Chrysaor, / la foudre olympienne : / sur nos luths veille encor
/ la vierge athénienne, / Pallas au casque d'or ! (Moréas,
Poèmes
et Sylves, 1896, serveur Gallica, p.175)
Elle était fille d’un
Ptolémée et d’une princesse de Syrie qui descendait de tous
les dieux, par Astarté que les Grecs appellent Aphrodite. Démétrios
savait cela, et qu’elle était orgueilleuse de sa lignée olympienne.
(Louÿs, Aphrodite, 1896, serveur Gallica, p.38)
Résultats
sémantiques : adjectif toujours attribut
Lignée, adultères
= concerne le sens propre (de l’Olympe, de ceux de l’Olympe, selon Robert
: 1552)
Foudre, colère
= attributs divins conférés à des hommes
Calme, vicomte = noblesse
et autres qualités positives (Le Robert atteste ce sens à
partir de 1838)
Tête, crâne,
front (2) = caractère d’un individu ou forme d’une partie du corps
(Le Robert atteste ce dernier sens à partir de 1897)
N.B. : le sens de Dierx
s’applique à un humain comparé à un animal. On notera
l’apparente opposition entre le calme (Sand) et la colère (Murger).
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Sur
les peaux de lapins de Moréas
Les peaux proviennent de chineurs
et d'abattoirs de volailles. Les peaux de lapins (environ 1000 tonnes
récupérées par an) sont principalement utilisées
dans les "couperies de poil en vue" (fabrication de feutres et production
de poils destinés à la filature), ainsi que dans la fourrure
et la décoration. Le chiffre d'affaires import/export des peaux
de lapin représente environ 30 millions de Francs (dont 80 % à
l'exportation).
[http://www.ccip.fr/bourse-des-dechets/qpeaux.htm]
Nous nous attarderons ensuite
au n°18, où nous rencontrons, en 1868, un de ceux grâce
à qui la profession fait le ravissement des chercheurs d'anecdotes
que nous sommes. En effet, logeait ici, un certain Casimir Coste, qui exerçait
la bien étrange profession de souffleur en peaux de lapin.
(rue des Teinturiers, à Avignon)
[http://www.avignon-et-provence.com/avi/fr/cite/histoire/teinturiers/teintur2.htm]
Les lapins sont originaires
d'Afrique, d'où ils passèrent en Espagne, puis en France.
[...] Le lapin était regardé comme un emblème
de la fécondité ; elle est si prodigieuse que l'on a calculé
que dix hases pouvaient produire dans une année jusqu'à huit
ou neuf cents lapins. Elles portent trente ou trente et un jours,
et fournissent annuellement au commerce de la chapellerie pour quinze à
vingt millions de peaux. (Dumas, Grand dictionnaire de cuisine,
cédérom Acamédia, 1997, p.1373)
Un agent subtil et plein d'
expérience découvrit tous les Romagné de Paris, excepté
celui qu' on demandait. On trouva un invalide, un marchand de peaux
de lapin, un avocat, un voleur, un commis de mercerie, un gendarme
et un millionnaire. (About, Le Nez d’un notaire, 1862, serveur Gallica,
p.141)
« Page 49, vers 39 : Mais
enfin, c'est par toi qu'un jour le Triolet, &c.
Voyez les Auvergnats, les
pairs..., &c., page 51, vers 117 et suivants. -- Ce rapprochement entre
les Auvergnats et les pairs de France n'est pas arbitraire : il fait
allusion à la fameuse historiette sur les pairs de France et les
marchands de peaux de lapin, écrite en quiproquo par Henry
Monnier, dans La Famille improvisée. » (Banville, Commentaire,
1873, serveur Banville)
Regarde l'Homme aussi ! Peins
tous les noirs troupeaux / Des hommes, sénateurs on bien marchands
de peaux / De lapins ; droit, bossu, formidable ou bancroche,
/ Vois l'Homme, vois-le bien, de d'Arthez à Gavroche ! (Banville,
Dans
la Fournaise : Aimer Paris, 1887-1891, serveur Banville)
Céline pensa vaguement
qu'il serait utile de distraire sa soeur et de l’empêcher de soupirer
après la venue d'Auguste ; elle l’entraîna devant un marchand
de bric-à-brac où l’on vendait des chiffons et des os, où
s’entassaient des chenêts rongés de rouille, des lampes bossuées,
des coquillages poussiéreux, des clysopompes veufs de leurs tuyaux
et de leurs becs, des croix de la légion d’honneur, des peaux
de lapins, des boîtes à thé, des hausse-cols, des
lèchefrites, des bottes, des jumelles sans verres, des mouchettes,
des vases de fleurs artificielles, couronnés d’un globe sale avec
chenille rouge en bas. (Huysmans, Les Sœurs Vatard, 1879, serveur
Gallica, p.303)
des tridents, des pelles, des
brouettes, des râteaux, des roues de rémouleur, gisent de
toutes parts ; en l'air, des milliers de peaux de lapin racornies
s'entrechoquent dans des cages, des peaux diaprées de taches de
sang et sillées de fils bleus ; (Huysmans, La Bièvre,
serveur Lisieux)
Ils se tiennent le bras, et
lentement ils avancent vers nous, vêtus de haillons, coiffés
d' une toque en peau de lapin, montrant de bonnes faces boucanées
et embroussaillées de poils gris d'où part la fine étincelle
d'yeux encore vifs. (Huysmans, L’Art moderne, serveur Gallica, p.54)
– Qu'ont-elles donc au bout
de ce bâton ? demanda Cécile, qui s'était enhardie
jusqu'à regarder.
Lucie et Jeanne déclarèrent
que ce devait être une peau de lapin.
– Non, non, murmura Mme
Hennebeau, ils auront pillé la charcuterie, on dirait un débris
de porc. (Zola, Germinal, 1885, serveur Athéna, non paginé
; N.B. : il s’agit des parties génitales de Maigrat, mort et émasculé
par les femmes furieuses)
Résultat
de la recherche :
À lire ces différentes
citations, on comprend que les hommes vivaient autrefois dans une certaine
familiarité avec les lapins, comme avec bien d’autres animaux, ou
d’autres éléments de la nature. Replacé dans ce contexte,
le lecteur de Moréas d’aujourd’hui peut éviter l’erreur de
croire à une plaisanterie ou à une référence
d’un type extra-ordinaire, au sens propre, de la part du poète.
Il n’est pas certain
que le dictionnaire ou l’encyclopédie, que ce soit sur papier ou
en cédérom, eussent permis d’apporter cet éclairage.
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