Au cinéma comme dans la littérature, les contes de fées et le passé magique, ce n’est pas la même chose ! Mais il y a des points communs :
- il se passe des choses qui ne sont pas réelles
- le pays, la société, les gens sont inconnus et bizarres
- les décors et les costumes sont originaux
- ça nous donne des émotions fortes
- le message moral nous fait réfléchir
Films étudiés au Q1 :
- La Belle et la Bête (Jean Cocteau, 1946)
- Peau d’âne (Jacques Demy, 1970)
- Les visiteurs (Jean-Marie Poiré, 1993)
『美女と野獣』 – La Belle et la Bête (Jean Cocteau, 1945, 96 min.).
テーマ / Thèmes présentés :
Le conte : de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont (ja.wikipedia), imprimé en 1756 (ici en éd. Hachette, 1870 ; ou en bande dessinée : Image d’Épinal, 1846 / Gallica). Mais l’histoire à des origines lointaines (Apulée, 2e siècle).
Le film : voir dossier pédagogique (Académie de Versailles).
La préparation du film : le manuscrit de Jean Cocteau (TV5 Monde, 2013 / Youtube).
La modernité de Cocteau : bande-annonce du film Les enfants terribles (Jean-Pierre Melville, 1950, adaptation du roman de Cocteau, 1929), à comparer avec le début de La Belle et la Bête.
Lieux de tournage : le château de Raray / (France 3 / Youtube).
Les « Bêtes » : dans l’histoire du cinéma, de Cocteau à Disney (Georg Rockall-Schmidt, 2017 / Youtube). L’univers magique : la forêt, les objets, les mouvements…
Bonus : Quand Cocteau parle aux humains de l’An 2000 (1962).
Le 19 avril 2023 : scènes féériques, imaginaires et oniriques dans La Belle et la Bête.
– l’arrivée du père au château de la Bête, effets spéciaux (SFX) très faciles à réaliser (bras qui porte la lumière, qui sert le vin, visages de pierre avec un regard qui bouge, etc.) et utilisation des décors naturels du château de Raray ;
– l’arrivée de Belle au château, dans les couloirs, dans sa chambre, la sensation qu’elle vole ou marche lentement sans gravité (scène filmée en acccéléré et image passée ensuite à vitesse normale + ventilateur dans les rideaux), et dans sa chambre,
– le miroir qui dit : « Réfléchissez pour moi, je réfléchirai pour vous ! », style poétique de Cocteau avec le double sens du verbe « réfléchir » (voir dictionnaire), et l’image de son père malade…
Nous avons aussi vu une partie du film Orphée (Jean Cocteau, 1950), quand Orphée descend aux Enfers et marche avec Heurtebise dans le monde de la mort. Voir vidéo pendant environ dix minutes :
– des scènes d’Orphée filmées dans des ruines (imagination du monde des morts) qui étaient de « vraies » ruines de rues & bâtiments bombardés pendant la 2e Guerre Mondiale mais qui donnent l’illusion d’un monde étrange, effrayant…
– pour l’histoire des effets spéciaux, voir Wikipédia et des films de Georges Méliès, par exemple Le voyage dans la lune (1902 !!).
La semaine prochaine, nous regarderons les scènes dans lesquelles Belle et la Bête sont ensemble. Vous pouvez les retrouver ?
Ensuite, nous avons regardé le début du film Peau d’âne, en couleur (beaucoup de couleurs !). Au début du film, la contradiction est posée :
– le roi fait une promesse à sa femme mourante
– le roi doit se remarier pour avoir un successeur
Selon sa promesse, il doit trouver une femme plus belle que son épouse mais ça n’existe pas. Sauf… sa fille. Mais peut-on se marier avec sa propre fille ?
Le film parle donc aussi du thème de l’inceste. Dans les familles, dans la société, dans toutes les cultures, c’est interdit. Mais ça existe… À suivre dans la suite de l’histoire.
『ロバと王女』 – Peau d’âne (Jacques Demy, 1970)
26 avril 2023 – Étude de quelques scènes et séquences de la 1ère moitié du film :
- Le pouvoir des fées et les objets magiques : avec le téléphone, l’hélicoptère ou les livres des « poètes du futur » (comme dit le roi, quand il veut séduire sa fille), Jacques Demy joue avec les anachronismes volontaires. Mais le pouvoir de la fée semble limité… En effet, quand elle envoie la princesse dans la forêt, elle lui souhaite « bonne chance ! », comme si une part de hasard et de libre arbitre existait encore.
- Les clins d’œil au film de Cocteau : la princesse quitte le château en mouvement ralenti, les branches de la forêt s’ouvrent pour la laisser passer, une rose pique le prince et lui parle…
- Le conte Peau d’Âne de Charles Perrault et sa modernisation « pop » (comme dans Pop Art) : beaucoup de couleurs, très affirmées, mélangées, fleurs, costumes, uniformes, mélanges de genres et de matières, avec des aspects très kitsch, qu’on pourrait dire maintenant kawaii (une tendance esthétique que les Occidentaux découvrent depuis les années 1990, après l’arrivée des dessins animés et des mangas japonais dans les années 1980).
- Le thème du mariage intra-familial (inceste) dans les contes (voir Classification Aarne-Thompson-Uther)…
Pour la prochaine fois : visionner les suppléments du coffret DVD.
10 mai 2023 – Acteurs, actrices, modes et styles dans Peau d’Âne :
Nous avons fini les commentaires sur le film Peau d’Âne. D’abord, il était question de l’acteur Jacques Perrin (le prince), très célèbre dans les années 1970, même au Japon.
Puis on parle du réalisateur Jacques Demy, qui a fait plusieurs films entièrement ou partiellement chantés (influencé par la comédie musicale américaine ?).
Dont Les demoiselles de Rochefort, avec Jacques Perrin, Catherine Deneuve, etc.
Les films de Demy sont esthétiquement marqués par les couleurs vives et contrastées, des formes géométriques à la Mondrian, des papiers peints sur les murs avec des motifs oranges ou violets, etc. (ou, par exemple, à la fin de Peau d’Âne, le trône de la famille du prince avec la statue d’une femme qui tient une fleur, surmontée d’un arc-en-ciel). C’est la période pop (Pop Art) mais aussi l’influence du mouvement Flower Power (d’abord américain), des hippies.
Le château de Peau d’Âne est médiéval (voir dictionnaire) mais le château du prince est de style Renaissance. C’est le château de Chambord, près d’Orléans, un des plus célèbres de France, déjà très touristique dans les années 1970, pratique pour le cinéma parce qu’il n’est pas habité, ni meublé et n’abrite pas d’œuvres d’art à protéger (peintures, tapisseries, porcelaines, etc.). C’est aussi un élément de prestige pour le film, surtout quand on y fait atterrir un hélicoptère à la fin du film !
Il faut aussi parler de Delphine Seyrig, la fée qui se marie avec le père de Peau d’Âne : c’est une actrice importante, excellente, mais aussi une militante féministe très influente. Sa voix est considérée comme une des plus belles et séduisantes du cinéma français.
Entretien de 1972, à écouter attentivement, sur la situation et l’identité des femmes.
『おかしなおかしな訪問者』 – Les visiteurs (Jean-Marie Poiré, 1993)
17 mai 2023 – Commentaires sur les premières scènes, jusqu’à la rencontre entre Godefroy et sa « descendance » :
Premières images : deux pieds en armure médiévale s’arrêtent sur un promontoire face à un paysage montagneux hostile et, dans le fond, un château fort = une affirmation claire de l’appartenance à une époque très ancienne, confirmée par le narrateur en voix off, indiquant la date, la situation de guerre ET la forte croyance en dieu et au diable.
Références et connivence des premières minutes : nombreux éléments médiévaux et guerriers correspondant aux stéréotypes connus du public ; la connivence est renforcée par quelques allusions plus ou moins discrètes : 1. un chevalier en armure à la tête coupée reste debout – il fait penser au chevalier noir du film Monty Python : Sacré Graal ! (1975) auquel Arthur coupe bras et jambes ; 2. le jeune guerrier qui tue le père de sa fiancée fait penser à l’intrigue de la pièce Le Cid (Corneille, 1637) ; 3. l’enchanteur Eusæbius fait penser à Merlin l’enchanteur de la légende arthurienne ; 4. il parle de la non-linéarité du temps, vulgarisant ainsi la théorie de la relativité générale (15’00 ») ; 5. plus tard, Godefroy crie Montjoie ! Saint-Denis !…
Magie et destin : Il y a donc un enchaînement d’événements imprévus, en partie d’origine magique, qui conditionne la suite du film, le rendant en partie prévisible : une drogue hallucinogène, une potion de voyage dans le temps, un vol de bijoux mis dans une cache pérenne, etc.
Comme Godefroy rencontre sa descendante (Béatrice) qui ressemble à sa fiancée (Frénégonde) et qu’elle porte le même nom que lui, on peut / doit comprendre qu’il réussira à l’épouser, donc à revenir à son époque pour éviter de tuer son futur beau-père… Reste à savoir comment.
Chocs temporels psychologiques, culturels, sociaux pour les visiteurs / connivence et comique pour le public :
– découverte de la route, la voiture de la poste, une vieille chaussure, la carcasse d’un appareil ménager, le postier pris pour un « sarrazin », un restaurant Courte-Paille près de l’autoroute, puis le calendrier et toute la civilisation, avec des difficultés d’adaptation (modes de vie) et d’assimilation (connaissances) ;
– utilisation du langage oral déformé de plusieurs façons : tournures soutenues mais archaïques de Godefroy (en partie inventées), expressions imagées et très vulgaires de Jacquouille et de Ginette (qui vont bien ensemble…), langage maniéré de Béatrice de Montmirail (caricature de bourgeoise prétentieuse) ;
– réactions psychologiques des personnages du 20e siècle : la mise en scène et les dialogues montrent qu’ils ne sont pas vraiment plus compréhensifs ou plus intelligents que les visiteurs (prêtre, policiers, dentiste, etc.).
– profits et pertes : le 20e siècle n’est pas très intéressant pour Godefroy = sa noblesse est niée et n’a plus de valeur, son comportement autoritaire est inacceptable et répréhensible (port d’arme, usage de violence, etc.) ; au contraire, l’époque moderne, plus socialement égalitaire, est très intéressante pour Jacquouille, dont les qualités d’adaptation et de ruse font merveille…
24 mai 2023 (dernier séminaire) – Comment utiliser un paradoxe spatio-temporel ?
Ayant eux-mêmes pris la potion magique et voyagé dans le temps, Godefroy et Jacquouille sont les premiers à comprendre ce qui leur est arrivé : le voyage (involontaire) dans le temps. En revanche, autour d’eux, les habitants du 20e siècle, habitués aux spectacles et aux performances (acteurs, militants, etc.) ne croient pas du tout à cette hypothèse, dont ils doivent quand même accepter les conséquences, surtout Béatrice et son mari, le dentiste, mais aussi Jacquart, le nouveau riche qui a racheté le château, et ses hôtes, directeur et personnels de banque présents pour un séminaire d’entreprise. Quelles conséquences ? Le langage étrange des visiteurs, leur manque d’hygiène, leur méconnaissance des technologies (téléphone, toilettes, robinets, interripteurs électriques, etc.), leur ignorance de l’histoire contemporaine, etc.
C’est principalement par les réactions accidentelles et comiques des contemporains que le paradoxe spatio-temporel est exploité dans le scénario. Aux divers événements liés à l'(in)adaptation des visiteurs dans une maison de banlieue, succède la séquence centrale et décisive du film : l’impossibilité de l’existence de deux exemplaires de la même bague, le sceau qui identifie Godefroy et son autorité historique. Le scénario choisit de manifester ce paradoxe à la fois microscopique (les atomes) et macroscopique (mondial, climat apocalyptique) par l’échauffement simultané des bagues – au château et à la main de Godefroy –, jusqu’à ce que les bagues se rejoignent et éliminent le paradoxe.
Mais Godefroy et Jacquouille interprètent différemment l’évolution historique de la France et surtout la citoyenneté égalitaire de principe qu’installe la Révolution : Godefroy juge cela abominable et inacceptable (d’autant qu’un de ses descendants a voté la mort de Louis XVI : régicide) tandis que Jacquouille peut se libérer de la servitude pour, comme son à la place de son descendant Jacquart, occuper une meilleure place dans la société (grâce aux bijoux cachés qu’il retrouve dans la statue de la chapelle, ce qu’il n’avait jamais dit à Godefroy). Dès lors le destin est scellé : grâce à la potion magique du retour encore disponible, ils peuvent rentrer dans leur époque, Béatrice comprend ce qui s’est réellement passé, et Jacquouille a pris la place de Jacquart…
La magie (potion magique) n’est utilisée que comme un accessoire, au début et à la fin du film, pour déclencher le voyage dans le temps, grâce au stéréotype du mage-médium, à qui on ne fait confiance qu’à moitié – mais on n’a pas le choix. C’est ça aussi, le courage de Godefroy !
Quant au paradoxe spatio-temporel, ce n’est pas de la magie. C’est le résultat d’une version inexpliquée (dans le film) de la théorie de la relativité (courbure de l’espace-temps, trous de verre, ou quoi ?) – sans aucune base scientifique sérieuse, bien sûr ! Mais, scénaristiquement, c’est efficace et le public s’en amuse.
Clins d’œil :
– À La Belle et la Bête : quand Jacquouille arrache les appliques murales l’une après l’autre, éteignant les ampoules – en référence aux luminaires muraux tenus par des bras humains le film de Cocteau. (vers 1:16:20)
– À Peau d’Âne : quand le frère du banquier arrive en hélicoptère et se pose devant le château – en référence à l’arrivée de la fée et du père de Peau d’Âne devant Chambord dans le film de Demy. (vers 1:21:00)
Activités pendant le Q2 :
- Préparation des rapports (3e année) : voir informations utiles.
- Préparation des plans de mémoire (4e année) : voir informations utiles.