Vocabulaire du XVIIe siècle : outre les dictionnaire en ligne déjà connus, il est possible de rechercher des mots dans le corpus des Mazarinades en ligne (Projet Mazarinades de l’équipe RIM, avec un volume de plus de 15 millions de mots). Voici quelques mots intéressants
p. 45 : « un monde comme celui-ci » – la notion de monde devient plurielle…
p. 46 : « écoute, lecteur » – c’est l’unique adresse au lecteur (à une époque où cet élément de connivence est très employé).
p. 47 : « Prométhée fut bien autrefois au ciel dérober du feu. » Croit-on alors à la réalité de ce que nous nommons aujourd’hui mythologie ? Oui et non – en tout cas, les personnages mythologiques sont utilisés en permanence depuis la Renaissance et deviennent un des éléments discutés dans la Querelle des Anciens et des Modernes , où se mêlent les débats sur les langues (latin VS français), sur les modèles (Antiquité VS Christianisme), sur les sciences (anthropocentrisme du christianisme VS nouvelle astronomie) et sur le sens même du progrès (passé VS futur) dans une sorte de compétition pour la promotion du roi Louis XIV et pour obtenir ses faveurs.
p. 48 : « sauvages », terme aujourd’hui péjoratif mais que ne l’a pas toujours été (voir aussi dans Acad. 4). Le narrateur croit que c’est un Autre monde (la lune) alors que c’est (et ce n’est que) le Nouveau monde (l’Amérique). | « soldats tambour battant » : autre population, familière cette fois, et qui entraîne un malentendu. C’est bien la France, mais la Nouvelle France !
p. 49 : « vous faites le gaillard » – la vigueur et la liberté du gaillard deviennent une forme de contravention ou de délit (comme s’il se moquait de l’autorité).
p. 50 : « que vous soyez magicien », selon les pères jésuites, ce qui veut dire sorcier ou envoyé du diable… On sent encore le langage et les intentions de l’Inquisition ! | « un beau paradoxe » montre les deux théories astronomiques permettant d’expliquer le déplacement de 6000 kilomètres (sinon, imposteur). | le « feu radical » indique (démontre ?) la nécessaire centralité du soleil.
p. 51 : « nous, qui sommes assurés de la rondeur de la terre », ce qui n’a pas toujours été le cas. Mais renvoyer quelqu’un à l’idée de la Terre plate, c’est l’insulter, comme s’il avait 2000 ans de retard !
p. 52 : Gassendi fut un des professeurs de Cyrano. | « hommes qui ne jugent que par les sens » rappelle cette vérité de l’époque (primat du sensible) mais dans une forme syntaxique restrictive qui sous-entend une idée plus large et provenant des sciences (hypothèses, etc.).
p. 53 : « le rivage chemine », reprise de la moquerie dans une formulation poétique et oxymorique. | « par accident » : contre l’homme au centre de l’univers, c’est la première blessure narcissique dont parle Sigmund Freud !
p. 54 : « l’azur de l’Univers », très belle expression reposant sur la polysémie de la couleur, qui est aussi la couleur royale de France…
p. 55 : si l’Amérique n’avait pas été découverte plus tôt, c’est parce qu’elle n’y était pas encore ! (CQFD, logique basée sur l’expérience humaine) | Erreurs de Cyrano à propos de Saint-Augustin…
17 janvier : pages 56-66.
p. 56 : nouveau projet, nouvelle machine ; à quoi il faut ajouter la « moelle de bœuf », utilisée comme onguent après les « mauvais calculs » et qui servira, en outre, à être aspiré vers la lune…
p. 57 : après la propulsion des fusées, advient, imprévue, l’attraction lunaire… un « miracle ».
p. 58 : Cyrano reprend une expression populaire, pour la remotiver : lui donner le sens, métaphoriquement, de la gravité, déjà comprise à l’époque, mais avant que Newton n’en détaille le principe.
p. 59 : une pomme tombe… et ravive les esprits – fruit de vie = Paradis. Avant la fameuse pomme de Newton.
p. 60 : anaphore poétique, « là », pour la description du lieu (imaginaire et utopique). Dans le texte, la répétition produit l’écho…
p. 61 : fontaine personnifiée et remotivée : l’eau y naît en permanence, ne forme pas de rides, refuse d’être touchée pour rester pure = c’est une fontaine de jouvence et de purification. Le narrateur y rajeunira de 14 ans…
p. 62 : Hélie confirme le concept de réciprocité Terre-Lune des premières pages, et raconte l’histoire du Paradis (Cyrano réécrit la Genèse à sa façon…) : Enoch, par exemple.
p. 63 : Adam = Prométhée. C’est un amalgame dangereux pour l’époque ; aujourd’hui, on peut parler de syncrétisme.
p. 64 : énonciation des principes de la montgolfière et du parachute. Cyrano est bien informé… (Merci à Léonard de Vinci.)
p. 65 : reprenant les pensées misogynes, Cyrano essaie d’en donner une explication rationnelle et étymologique, comme avec lunatique. | À propos de l’expression « un homme qui abattait du gland », on peut penser simplement qu’il coupait du bois.
p. 66 : la pomme (de science), instrument malheureux de la chute d’Adam et Ève, sert inversement à guider Enoch et Hélie… Mais attention à son écorce (on y reviendra).
24 janvier : pages : 66-77.
p. 66 : Hélie raconte maintenant sa propre histoire (histoire dans l’histoire, typique du style baroque) et sa vision d’un ange.
p. 67 : le plan de l’ange est d’utiliser le magnétisme : « de l’aimant » et « une charrette » pour monter « au monde de la Lune » où se trouve « le Paradis » et « l’Arbre de science ».
p. 68 : une toise, anciennement 6 pieds = 1,949 m ; donc 300 toises = 584 m…
p. 69 : après le récit du voyage lui-même, le narrateur demande à Hélie ce qu’est le « serpent ». L’explication entre dans le burlesque (qui fut en partie auto-censuré par Cyrano) : serpent intérieur = les intestins…
p. 70 : le narrateur renchérit, du burlesque à l’obscène (prolongation des intestins par le sexe masculin !) = « fariboles » et premier rappel à la décence dans un « lieu saint »… | « Esprit de vin » : alcool obtenu par distillation du vin, ethanol. | Explication du fruit et de l’écorce : science VS ignorance.
p. 71 : la science, connaissance, « nombre infini de petits yeux [qui] se plongèrent dans ma tête » = métaphore naïve et poétique. Puis rencontre avec l’ange (celui du rêve ?), du lat. « angelus » (messager, envoyé), d’où quelques angle et angre. Voir aussi archange, séraphin, etc.
p. 72 : évocation de quelques phénomènes atmosphériques, comme l’aurore boréale (jp), l’arc-en-ciel. | Rencontre avec Enoch et don de grenades.
p. 73 : refuge, occupations (filature)… Et, dans la conversation, malheureuse association dieu & diable…
p. 74 : raillerie du narrateur = blague sur l’âme de saint Jean l’Évangéliste… Colère d’Hélie (impiété, blasphème, athéisme). Pendant cette rupture, le narrateur vole une pomme.
p. 75 : Une pomme qu’il croque sans en avoir retiré l’écorce… Double déchéance : rejet du paradis, ignorance ou oubli (partiel) de son passé. Marche solitaire = intermède ; puis nouvelle partie : rencontre d’autres « animaux » habitant la Lune…
p. 76 : nouvelles inversions, ou paradoxes : les animaux qui marchent sur 4 jambes sont des hommes (de 5,40 m), et l’homme sur 2 jambes et devenu un animal = question de point de vue. De plus, le narrateur mâle est considéré comme femelle… et devient le jouet (rémunérateur) d’un « bourgeois » (isolement dans la langue de l’autre).
31 janvier : pages 77-92.
p. 77 : Nouvelle partie avec la rencontre d’un homme qui parle le grec (jusqu’à la p. 82). Reprise du thème de l’inversion de point de vue Terre / Lune. Promesse de reporter le « désastre » (ironie de l’étymon). Le « démon de Socrate » (DS) a voyagé sur la Terre ; à l’époque antique, il a instruit Socrate (Ve siècle av. JC, Athènes, être son démon (nouveau dieu) reviendrait à être la cause de sa mort…), puis Épaminondas (IVe siècle av. JC, Thèbes, général et homme politique), Caton le Jeune (1er siècle av. JC, Utique, Tunisie, homme politique intègre), Brutus (1er siècle av. JC, Rome, homme politique et membre du complot contre César, fin de la République).
p. 78 : Auguste (1er siècle av. JC, 1er empereur romain) ; Drusus (général romain, campagnes en Gaule et Germanie, mort des suites d’une chute de cheval pendant une campagne… mais aussi personnage de la pièce de Cyrano !), fils de Livia (3e épouse d’Auguste) || 2e époque sur terre : Cardan (Girolamo Cardano, ou Cardanus, XVIe siècle, philosophe, astrologue, inventeur, etc., ami de Léonard de Vinci, prétendait avoir un démon…), Agrippa d’Aubigné (1552-1630), etc. = des contemporains, dont certains bien connus de Cyrano ; il fait donc un portrait de son époque et montre l’indécidabilité entre astrologie et astronomie, science et magie qui sont une des caractéristiques de cette époque. Campanella
p. 79 : La Mothe Le Vayer et Gassendi (notes du livre), très appréciés de Cyrano, nous rapprochent de Tristan l’Hermite, dont Cyrano fait un éloge appuyé (ils se connaissent, sont amis et mourront d’ailleurs la même année), avant de reprendre un élément narratif de Tristan pour en donner une origine fictive ! (l’histoire des 3 fioles).
p. 80 : vie de 3000 ou 4000 ans, avec transfert dans un autre corps… (voir aussi p. 85)
p. 81 : propos sur la matérialité du corps… et les différentes apparitions et matérialisations sur la Terre.
p. 82 : sur les sens et les organes percepteurs nécessaires. Fin de l’entretien.
p. 83 : sur les 2 langues des habitants de la Lune (celle des grands = musique, harmonies ; celle du peuple = gestes et mouvements.
p. 84 : suite de la vie de singe et départ avec un inconnu – qui est en fait le démon de Socrate…
p. 85 : … dans un autre corps (épisode de l’hôpital) ; il est allé au palais plaider la cause du terrien et en a obtenu la libération de chez le bourgeois.
p. 86 : repas… de fumées (nouvelle expérimentation de la différence radicale) ;
p. 87 : expérience faite, il se sent rassasié (de satis, assez) ; discours sur les avantages de ce mode d’alimentation (écolo…) ;
p. 88 : autre expérience, le coucher sur lit de fleurs… poétique, allusions homophiles. Repas traditionnel et nouveau trait burlesque : l’origine d’un proverbe.
p. 89 : Monnaie de vers : le rêve des poètes (pauvres) – Cyrano fait un paradis à son goût… Allusion à Charles Sorel (Histoire comique de Francion, 1623), autre contemporain de Cyrano, qui aurait appris cela de sa mère lunatique = une pointe d’esprit.
p. 90 : système des monnaies de vers = la valeur de la pointe. Cabarets faisant crédit de vers. Arrivée à la résidence royale. Reprise du thème de la femelle (que serait le narrateur).
p. 91 : l’animal mâle de la reine est en fait… un Castillan (venu sur la Lune par la méthode de Godwin = intertextualité voulue par Cyrano) ; deux terriens se retrouvent et font assaut d’esprit (ce qui est pris pour du désir sexuel par les autochtones). || Le « préjugé [était] véritable » = ils ont tous cru que leur préjugé était la vérité (en fait : la réalité) ; or c’est bien le problème des préjugés que Cyrano attaque principalement par le panorama des croyances & connaissances scientifiques, mais ici aussi par les jugements sur les apparences physiques des personnes – est-ce en même temps une manière d’inscrire son orientation sexuelle (sans le dire ouvertement) ?
p. 92 : pas « un seul pays où l’imagination même fût en liberté » = c’est du Voltaire avant l’heure !
7 février : pages 92-108.
Cours annulé…
14 février pages 108-125.
p. 92-100 : le narrateur écoute les discours scientifiques de l’Espagnol, sous la forme d’un pot-pourri de connaissances diverses, principalement anciennes et obsolètes du vivant de Cyrano (voir les différentes notes de l’édition) = nous pouvons donc penser qu’il veut faire de Gonsalès un pédant convaincu d’être un homme de science… C’est un peu du Molière. Remarquons que le narrateur ne réplique quasiment pas (contrairement à ce qu’il faisait avec le gouverneur du Canada) même s’il semble y prendre plaisir (« ce petit Espagnol avait l’esprit joli », p. 100).
p. 93 : antipéristase, voir détails dans le Dict. des sciences, arts et métiers. C’est un élément important de la philosophie péripatéticienne (issue de l’œuvre d’Aristote). Péripatéticien = celui qui aime se promener en discutant. Tandis que la Castillan développe plutôt les idées d’une science déjà dépassée à l’époque de Cyrano, celle de Lucrèce (jp), De la nature des choses, lui-même reprenant la philosophie d’Épicure (plaisir et empirisme), trois siècles plus tôt…
p. 98 : une maxime est un principe de conduite ou une règle morale (d’où le recueil de maximes comme type de livre pédagogique).
p. 101 : le fait d’apprendre la langue locale va permettre au narrateur de passer à une autre étape de ses aventures… Et c’est d’abord l’opposition des « prêtres du pays », avec discours d’exclusion de l’humanité (« des monstres [qui ne sont] que sur deux pattes ») – discours en miroir, bien sûr, pour montrer (critiquer) ce que se fait sur Terre…
21 février : pages 125-141.
Lecture commentée des pages 95 à 118.
28 février : pages 141-160.
Lecture résumée des dernières pages…
p. 119-120 : discours choquant du fils, avec expressions triviales, pour critiquer le respect des pères et leur légitimité à représenter l’autorité. Réponse du démon de Socrate (121).
121-125 : véganisme avant l’heure, défense et discours du chou cabus.
125-126 : la médecine réservée aux gens sains…
126-129 : de l’infiniment petit à l’infiniment grand.
129-130 : le fils dispute son père, dans le « monde renversé » (voir p. 113-118)
130-131 : les maisons cheminent = immeubles meubles.
131-135 : sur « l’origine éternelle » du monde, de la création à la composition des corps.
135-139 : du fonctionnement des cinq sens.
139-140 : éclairage par vers luisants ou par rayons du soleil enfermés.
141 : intertextualité, le démon de Socrate confie des livres à Je, dont les États et Empires du Soleil… || et belle devise d’adieu du démon : « Songez à librement vivre. »
142-143 : Quand Cyrano inventait le magnétophone et le walkman.
143-145, nouvelle inversion de valeurs : cortèges et pompes funèbres sont des punitions honteuses ; les belles inhumations dans ce royaume.
145-146 : demandez l’heure et lisez-la sur les visages… De l’importance du nez chez l’homme (source d’Edmond Rostand).
147-148, nouvelle inversion de valeur : la noblesse se voit aux parties viriles représentées (et non pas honteuses) alors que l’épée est un instrument de mort…
148-149 : de l’immortalité de l’âme des bêtes (discours enflammé du fils).
149-150 : conseils du démon de Socrate sur cette question de l’immortalité de l’âme (sujet délicat, Cyrano se protège et soutien qu’on doit pouvoir en parler…).
150-154 : derniers discours sur les miracles, l’âme immortelle, etc. (mélange).
155-156 : sophistique de la transsubstantiation.
156-157 : est-ce le Diable qui pose la question de l’existence de Dieu ?
158-159 : voyage de retour, par la cheminée, sans machine apparente, évanouissement et arrivée en Italie.