Jeudi 29 août 1996
Brève
du 10 février 1998 : il existe maintenant
un site
officiel Yves Simon. Qu'on se le dise !
INTERVIEW D’YVES SIMON
Né d’un père cheminot et d’une mère
infirmière, Yves Simon a grandi dans l’Est de la France et a commencé
des études de Lettres Modernes à Nancy avant de venir à
Paris pour les continuer à la Sorbonne. Il prépare en même
temps l’IDHEC (école de cinéma, aujourd’hui FEMIS), rédige
quelques scénarios dont l’un sera joué notamment par Romy
Schneider, compose la musique d’une dizaine de films, prend des cours de
comédien au conservatoire, puis devient professeur de français
pendant quelques mois.
Il a accepté l’invitation à Tokyo de la
FIPF et chantera vendredi soir (le 30 août) lors de la Soirée
Chansons organisée dans le cadre du Congrès. Comme c’était
assez peu, il n’a pas emporté d’instrument et nous avons cherché
ensemble, à Tokyo, à louer une guitare. Cela n’a pas été
une mince affaire car le classement thématique de l’index téléphonique
est loin d'être évident ! Nous avons donc passé un
après-midi à téléphoner et à voyager
en taxi, et on a finalement trouvé un magasin de location, principalement
pour des groupes de rock japonais. Il y avait là un imposant choix
de guitares. Ouf! On en a profité pour discuter un peu...
-
Patrick Rebollar : Comment es-tu venu à la chanson?
-
Yves Simon : J’étais intéressé
par tous les aspects du cinéma et j’avais déjà publié
deux romans chez Grasset qui avaient obtenu de bonnes critiques de jeune
auteur. Tout en préparant l’IDHEC, j’écrivais des musiques
et des chansons et c’est la chanson qui a le mieux marché. Sans
doute parce que j’étais dans l’air du temps, j’exprimai quelque
chose que les gens reconnaissaient. Après le renouveau dû
en grande partie à Gainsbourg, il y avait de la place pour une chanson
française de qualité et de tendance rock, qui se démarquait
de la chanson de Brel ou de Brassens.
-
Qu’est-ce qui fait une bonne chanson, selon toi?
-
Sans parler des produits de marketing
de la variété, la chanson est avant tout une expression individuelle.
Elle réalise chaque fois une adéquation de 4 facteurs: un
texte, une mélodie, un rythme et un environnement sonore, c’est-à-dire
la production. Le message passe nécessairement à travers
une vision esthétique.
-
Et alors, un jour, ça a marché. Comment
ça s’est passé?
-
Très simplement. Les chansons
sont passées à la radio, les disques se vendaient. J’ai été
invité à la radio, à la télé. J’avais
la sensation d’être porteur de quelque chose, d’un courant. D’abord
avec Au Pays des merveilles de Juliet (73), ensuite avec J’ai
rêvé New York (74).
-
Et les concerts?
-
Techniquement, je n’étais pas
très au point. On s’est amélioré pendant les tournées
des trois premières années, à partir de 74. Pour les
premiers concerts à l’étranger, on était vraiment
au point. Et c’était au Japon en 77.
-
Comme ça, directement au Japon?
-
Oui et ça a très bien
marché. Ici on me comparait à Neil Young. Un Neil Young français.
C’était plutôt flatteur, moi je pensais aussi à Dylan.
D’ailleurs le dernier concert était aussi au Japon, c’était
à Hiroshima, le 6 août 84. Après, j’ai arrêté
les concerts.
-
C’était pour te consacrer au roman?
-
En tout, j’ai sorti 10 albums (disques)
et 8 romans. Mais la critique des romans était mauvaise, exceptés
les deux premiers. On n’acceptait pas qu’un chanteur soit aussi un romancier.
Tout a changé quand Michel Foucault a parlé de moi. En 83,
il a fait un papier pour le Nouvel Observateur, à la sortie
du roman Océan. Il disait justement qu’il ne choisissait
pas le chanteur ou le romancier, mais qu’il aimait l’ensemble de ce que
je faisais. Après, dans les médias, je suis devenu fréquentable.
Le
Voyageur magnifique a obtenu le Prix des Libraires, puis La Dérive
des sentiments a reçu le Prix Médicis.
-
Comment écris-tu? Est-ce que tu as d’abord une
histoire ou est-ce que tu laisses venir tout en même temps?
-
Il n’y a pas de préméditation.
Je ne fais aucun plan, j’écris à l’intuition, au fur et à
mesure. Pour préparer un roman, il faut souvent deux ans de maturation.
Pendant ce temps-là, j’écris presque tous les jours des débuts
qui ne donnent rien, puis je recommence, un peu comme le musicien qui fait
des gammes pour ne pas perdre la main. Quelque chose mûrit jusqu’au
jour où je sens que ça démarre. A ce moment-là,
je m’enferme complètement dans l’écriture, jusqu’à
douze ou treize heures par jour. Je n’ai pas de sujet prédéfini,
mais ça traite toujours de mon rapport au monde, de mes expériences
personnelles. J’observe en permanence le comportement des autres et ça
devient la matière de mes textes. J’écris des choses diverses,
sans choix d'un style particulier, mais c’est toujours sur le contemporain.
Le style est assez proche de celui de la chanson, c’est-à-dire des
phrases courtes et plutôt imagées.
-
C'est un peu banal de parler des influences, alors qu’est-ce
que tu pourrais recommander aujourd’hui comme auteurs inconnus?
-
Inconnus ? J’ai lu récemment
deux livres que j’ai trouvé très bien. Un d’Agnès
Desarthe, Un Secret sans importance, et un autre de Elisette Abékassis,
Qunram.
Mais en général, je ne lis pas beaucoup de romans, je suis
plutôt friand d’essais. Pour guider la pensée et la réflexion
sur les expériences de la vie, orienter l’imagination.
-
Tu participes à la vie littéraire, à
la Société des Lettres?
-
Oui, un peu, par obligation, mais je
n’ai pas de goût particulier pour ça.
-
Tu es venu à
Tokyo cette semaine pour participer au Congrès Mondial de la Fédération
des Professeurs de Français, et tu vas chanter à nouveau?
Le Japon est vraiment spécial dans ta carrière!
-
Je n’ai pas chanté en public
depuis 84 et je recommence au Japon. Je ne sais pas pourquoi j'ai ce rapport
avec le Japon, mais j'aime bien venir ici. Je vais reprendre des chansons
connues. Mais à la rentrée, je pense préparer un nouveau
disque...