Journal LittéRéticulaire de Berlol
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Littéréticulaire : néol., adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.







Mai 2007

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Mardi 1er mai 2007. Dans le style je transvase plusieurs fois.

J'ai oublié d'écrire hier que nous avions replanté le citronnier. Il végétait. Sa terre était très pauvre. La poussière du chantier voisin, depuis plus d'un an, ne l'a pas aidé. Tout à l'heure, nous avons vu un petit citronnier devant un restaurant, avec trois gros citrons et plein de boutons de fleurs. Cela nous a fait de la peine pour le nôtre. J'ai eu envie de venir l'échanger en pleine nuit...
Il y a des jasmins en fleur partout, même chez nous. La pluie les développe. Dans l'ombre des rues, ça fait comme un sillage pour se guider.

J'ai oublié depuis plusieurs semaines d'écrire que la recherche du mot flaubertible dans le moteur interne, ou dans n'importe quel moteur du web, d'ailleurs, permet d'obtenir toutes mes pages flauberto-élucubratives. J'ai mis des balises, très simples, du texte blanc. Ce n'est pas une catégorie, ce sont des repères pour amateurs.

Le programme des Mardis littéraires me le rappelle (Lucot, Massera, Person et Wallet — quel carré !) : j'ai mis dans ma prochaine commande de livres (que je finaliserai dans deux semaines et qui contient déjà le Lucot) les deux dernières parutions de Jean-Charles Massera. Pour les luttes sociales d'aujourd'hui, le fleuret est préférable au gourdin. Dans le domaine des mots, bien entendu. Il n'est donc pas du tout étonnant que Lucot et Massera soient invités en même temps. J'espère que ce sera bien...

J'ai oublié de consigner qu'on nous a offert avant-hier un thé extraordinaire, du 四季春 de Taiwan. Après le dîner, j'en ai préparé à la chinoise (vous savez, dans le style je transvase plusieurs fois pour oxygéner...) et T., mi-ensorcelée à sa fragrance, mi-saisie de sa vigueur, s'est vite remise à préparer ses cours de demain alors qu'elle était vannée de ceux d'aujourd'hui.

Sinon j'ai pris des notes, fait un peu avancer l'index des patronymes du JLR, d'août à septembre (2006 — j'ai donc revu mes pages sur Paris sans bagages...). Puis j'ai enregistré les trois conférences disponibles sur la page de l'Université Populaire du Lieu unique de Nantes, canal des Sentiers de la création de France Culture (c'est long) : la présentation du cycle et deux cours sur Quignard.
Le son est bon...

Non, je plaisantais. J'aurai d'autres commentaires à faire quand j'écouterai attentivement. En tout cas, je discuterais volontiers avec Bruno Blanckeman de littérature contemporaine !...

Sur TV5 Monde, je crois que c'est la première fois que je regarde un film, donc en direct par l'internet, et sans tripoter clavier ou souris pour faire autre chose. Je pensais avoir à m'y astreindre mais finalement le film lui-même m'a entraîné. Il s'agissait de La Dilettante de Pascal Thomas (1999). La désinvolture d'attitude et de parole, les changements de métier, le portrait acide des enfants de l'héroïne (Catherine Frot), la prison qui succède à l'appartement de luxe m'ont fait penser à quelque chose d'un autre temps, mais je n'ai pas eu le temps de chercher quoi — quand est arrivée en clausule une exergue de Casanova. C'était donc cela, et c'est vraiment bien fait. (Dans des critiques, j'ai lu que certains faisaient référence à Sacha Guitry ! Quel aveuglement !)


Mercredi 2 mai 2007. Trianguler historiquement la chose.

Petite journée car peu d'activités.
[Canapé flaubertible]
Notes sur le paroxysme du roman Madame Bovary — qui n'est pas le paroxysme de Madame Bovary elle-même. enfin, c'est mon analyse. Un peu comme il y a le pôle géographique et le pôle magnétique. Le paroxysme d'Emma, c'est son empoisonnement, ou juste avant, quand « La clef tourna dans la serrure [...] y fourra sa main, et, la retirant pleine d'une poudre blanche, elle se mit à manger à même.» (III, 8, p. 367) Mais en réalité, à ce moment-là, tout est déjà joué depuis longtemps.
Le paroxysme du texte, dans son économie d'ensemble, c'est-à-dire le moment où il change d'inflexion pour passer d'espoirs déçus mais renouvelés au désespoir se muant progressivement en désespérance, c'est la chute d'Emma apercevant Rodolphe s'enfuir sans elle : « Tout à coup, un tilbury bleu passa [...] Emma poussa un cri et tomba roide par terre [...] Emma l'avait reconnu à la lueur des lanternes qui coupaient comme un éclair le crépuscule.» (II, 13, p. 246)
Entre les deux paroxysmes, un regain, symbolisé par le bouleversement du jardin (II, 14, p. 257) (à comparer, encore une fois, avec le rétablissement de Lol. V. Stein), puis Léon, qui ne sera qu'un pis-aller (comme avant), lui-même annoncé, abymé par Lucie de Lammermoor (opéra très récent au moment de la rédaction du roman — un peu comme si on illustrait aujourd'hui un roman avec un opéra de Pascal Dusapin...).

Pas de déjeuner avec Manu, au deuxième jour de possible rendez-vous. Trop accaparé par ses nouveaux collègues, il omet de m'appeler avant midi, ou ne sait pas encore s'il est disponible. Pas grave. On verra lundi, mais il vaudrait mieux le décider à l'avance que de me faire dépendre des autres...
Je déjeune rapidement et finis d'écouter les en effet excellents Mardis littéraires d'hier. La série de La Fabrique de l'histoire sur l'histoire de la consommation de masse est aussi passionnante.
Je rejoins T. après ses cours à l'université Meiji dans un café de Kanda, le quartier historique des bouquinistes. Je lis Flaubert en l'attendant. Il fait très beau, elle est très belle. Après, on rentre à pied, par Kudanshita.

Et vers le soir, quand je photographie du jasmin, c'est toujours son parfum que je crois emprisonner.

Ça faisait un bon moment sans Ce soir ou Jamais !... Et ça manquait sacrément, dans mon PAF ! J'y passe par hasard (sur la page) et je vois que ça a repris hier soir. Très fort, pour une reprise : le porno, ses dérives et influences, avec un beau « déconseillé aux moins de 16 ans » en bas à droite ! Comme si Frédéric Taddeï se dépêchait de caser ça avant que la chape de plomb du quart-hongrois ne s'abatte sur les médias.
Alors que F. Taddeï souhaite valoriser l'influence esthétique et culturelle du porno, voire du porno artistique (Catherine Millet et Gaspard Noé sont là pour en parler) ou de l'art pornoïde (Fabrice Hyber), Vincent Cespedes, bellement contredit par Frédéric Joignot et Jean-François Davy, rappelle que la pornographie est d'abord, et massivement, une entreprise commerciale et masturbatoire. Une fois calés entre ces deux positions du curseur dans un sens, et perpendiculairement entre un réalisme pu(ri)tain et une fantasmatique caricaturale, les propos n'ont d'intérêt qu'anecdotique — mais ils ont au moins celui-là, que ce soit avec l'actrice Katsuni ou la romancière Héléna Marienské.
Pour la sortir du simple onanisme, on pourra trianguler historiquement la chose en disant qu'elle concerne à la fois commerce, art et politique — Dieu, que c'est banal ! (Donc, mieux vaut voir l'émission.)

Commentaires

1. Le mercredi 2 mai 2007 à 07:35, par Manu :

Désolé pour les 15 minutes de retard. Oui, effectivement, il vaudrait mieux fixer le rendez-vous quitte à l'annuler si empêchement de dernière minute. Ceci dit, rien ne t'empêchait de m'appeler ou m'écrire si tu voulais être fixé !

2. Le mercredi 2 mai 2007 à 08:41, par alain :

Ou bien illustrer de l'opéra VILLA DES MORTS, composé par Aurélien Dumont sur un magnifique livret de Dominique Quélen, mis en scène par Eric Durand, et qui sera donné vendredi 4 mai 2007, à Haubourdin (5 mn de Lille)...

Je saisis la moindre perche, ah lala, pour saluer et convoquer.

3. Le mercredi 2 mai 2007 à 15:01, par Berlol :

Cher Alain, je t'y accompagnerai volontiers... Je suis assez ignare en la matière et j'ai dû réfléchir un moment avant de retrouver un nom dans ma mémoire, et le vérifier dans le web. Après, j'ai pensé aussi à Berio. Mais bon, si tu voyais les prix des places d'opéra à Tokyo !...

4. Le mercredi 2 mai 2007 à 15:52, par patapon :

Les mots sont importants: et je crois qu’il y a tout simplement un malentendu, qui consiste à employer le mot porno (pour parler de porno artistique) là où il vaudrait mieux dire, tout simplement: érotisme.
Autre chose qui cette me choque dans ta réflexion: tu parles du “quart-hongrois” (alors que nous sommes tous un demi, un quart ou un tiers de qqch…). Mon vote dimanche prochain sera le même que le tien, car il faut à mon sens tout faire pour contrecarrer le berlusconisme en marche (qui, soit dit en passant, bien loin d'imposer l'ordre moral, pourra faire très bon ménage avec le porno le plus grossier, du moment qu’il abrutira les masses et rapportera gros à quelques-uns…), mais il n’est pas sain d’attaquer un politique sur ses origines.

5. Le mercredi 2 mai 2007 à 16:08, par christine :

je suis d'accord avec patapon ! et puis il y a tellement d'autres excellentes raisons de l'attaquer !

est-ce que tu as vu cette nouveauté flaubertible :
www.actes-sud.fr/ficheisb...

6. Le mercredi 2 mai 2007 à 16:45, par Berlol :

Ce n'est pas une attaque, c'est une description. Si vous y voyez une attaque, c'est que vous l'y mettez... Ou bien vous reportez la connotation de "chape de plomb" sur son responsable potentiel, ce qui est tout à fait normal.
Moi, je suis bien quart-espagnol et je n'en ai pas honte. Ceci dit, je ne propose pas ce que Sarkozy propose sur l'immigration...
Dites ! J'ai écouté la moitié du débat sur le site de France 2. Ça a chauffé, on dirait !...
Merci, Christine, pour la référence, je le mets dans ma prochaine commande. Je n'ai pas vu ça dans le Bulletin Flaubert...



Jeudi 3 mai 2007. Un avion passait au moment où le téléphone sonna.

Sauvons (aussi) la Recherche, votons Ségolène Royal.

Débat écouté.
Vous avez donc d'un côté un homme providentiel, qui saura tout et décidera tout lui-même, pour qui les partenaires sociaux seront des chambres d'enregistrement et d'exécution de ses ordres — quels qu'ils soient, bons ou mauvais (monarque éclairé ou tyran borné). Et il y a des partisans pour cela. De l'autre côté, vous avez une femme pragmatique et déterminée, qui souhaite faire préparer les dossiers par des partenaires avant de prendre des décisions, tenir compte des complexités et des exceptions, et qui peut se mettre en colère quand on lui ment effrontément.
Pour diriger un pays, ces dispositions de caractère sont peut-être plus importantes que les convictions politiques...

Exemple pris à la volée, et c'est important parce que c'est un détail infime de la parole — plutôt qu'un lapsus, qui en est un accident, même s'il est fort commenté depuis hier. Un détail infime révèle un fonctionnement normal de la personne. Quand Sarkozy dit : « Nous avons eu ce débat au Parlement au moment où j'ai signé l'EPR...» (à vérifier dans la transcription en cherchant l'expression). Quelle que soit la réalité historique, on peut considérer les paroles dites stricto sensu, à savoir qu'il est normal pour lui qu'un débat ait lieu au moment où il signe. Sa signature n'attend pas, n'a pas besoin d'attendre la fin du débat, elle en est indépendante, juste synchrone, par hasard peut-être.
Un avion passait au moment où le téléphone sonna.
Un tilbury passait au moment où Emma tomba, se rappela Charles qui n'y comprenait décidément rien.
Les syndicats discutaient au moment où je sortais le 49-3. Sous-entendu : il y a la liberté d'expression mais je ne tiens aucun compte des avis.

C'est pas tout ça ! Faut que je me prépare pour un déjeuner de sayonara avec A., ancienne collègue de Nagoya, actuellement à Tokyo et qui part bientôt à San Francisco. Elle a proposé d'aller à plusieurs au restaurant de Paul Bocuse dans le nouveau Centre d'art national de Tokyo, derrière Roppongi Hills. Il y a un menu de déjeuner à 2.500 yens (environ 15 euros) ; ça devrait être bien, mais on dit qu'il faut faire la queue.
Je fais le chemin en vélo et arrive premier au troisième étage du musée à 10h50, où il y a déjà une bonne queue. Piétinant, on attendra près de deux heures — heureusement, bonne conversation — pour un déjeuner, ensuite, j'ose le dire, minable. Le nom de Bocuse est salement desservi par une cuisine d'une telle banalité : la terrine de canard est comme une du supermarché, la cuisse de poulet confit est d'un poulet nain, la sauce fade et trop grasse, le tout dans un décor de cantine et avec un service robotique. Seules les fraises sont bonnes. Et le pain. Bref, on va s'empresser de dire à qui veut l'entendre que ce n'est pas la peine de venir faire la queue ici !

Je musarde du guidon sur les voies du retour. Il fait bien beau et c'est férié, des promeneurs, pas de vrombissements. Même devant chez nous, il n'y a pas de travaux. On peut y travailler dans le calme.
[Canapé flaubertible]
« Modifier la question en demandant, contre toute évidence, pourquoi Emma a été tuée, suppose qu'on n'est pas satisfait de la logique qui anime ces réponses, pas satisfait de la relation de cause à effet qu'elles donnent comme une explication politique. Celle-ci opère en effet un court-circuit suspect entre deux ordres de raisons. Il y a les raisons fictionnelles du suicide : elles constituent l'intrigue même du livre, sa nécessité fictionnelle, et, à ce titre, elles n'appellent aucune interprétation supplémentaire. Et il y a les raisons sociales invoquées pour expliquer cette nécessité fictionnelle. Le premier problème est que les mêmes raisons s'ajustent aussi bien à toute autre nécessité fictionnelle. Elles ne sont ni plus ni moins appropriées au cas d'Emma qu'à celui d'Effi Briest ou de Tess d'Uberville et elles ne seraient pas différentes si Emma revenait à ses devoirs d'épouse ou trouvait un arrangement avec ses créanciers. Mais surtout, le saut des raisons fictionnelles internes aux raisons sociales, non fictionnelles, laisse tomber ce qui se tient entre le dedans et le dehors, entre le fictionnel et le non-fictionnel, à savoir l'invention de la fiction elle-même. Il écarte ce qui pourtant mérite d'être élucidé avant toute autre chose : pourquoi cette fiction « sociale » ? Et pourquoi s'identifie-t-elle au malheur d'un personnage qui aurait confondu la littérature et la vie ? Qu'est-ce que cela veut dire au juste que de confondre la littérature et la vie ? Qu'est-ce que cela veut dire comme thème d'une œuvre de littérature ? Or, c'est dans ce nœud de questions que se situe proprement la politique de la littérature.» (Jacques Rancière, Politique de la littérature, p. 60)

Commentaires

1. Le jeudi 3 mai 2007 à 16:07, par patapon :

C’est curieux, mais à voir les choses d’ici (et pour qui connaît ce que fut la désormais célèbre affaire de Toritsu Daigaku), il y a dans les propositions sur la recherchs émises par Napoléon-le-riquiqui comme un air de déjà vu… bizarre, vous avez dit bizarre ?

2. Le vendredi 4 mai 2007 à 19:18, par Berlol :

Espérons alors que cette "reprise" de l'Histoire sera effectivement une farce, comme le suggérait le père Marx... (Et qu'elle ne durera pas trop longtemps.)
Le problème n'est pas tellement le risque de fascisme (en tout cas, je l'espère), mais l'énergie perdue à élever tout le temps des protestations, à combattre sans arrêt contre des mesures liberticides, etc. Je crois que la pensée libérale ne tient pas compte de ces pertes d'énergie et de moral qui ruinent la productivité tant souhaitée.
Quoi qu'il en soit les 50% et quelques de Français qui éliraient ce régime politique seraient tenus responsables de ce qui arriverait, y compris et surtout s'il arrivait qu'ils aient à s'en plaindre...



Vendredi 4 mai 2007. N'y voir que coq-à-l'âne et salmigondis.

Comme on l'a pu constater hier et depuis quelques jours, ma vie actuelle est un amalgame de considérations politiques en provenance de France (plus pour longtemps), de développements d'une lecture de Madame Bovary (même s'il n'y a pas de cours demain) et de quelques anecdotes biographiques. Chacun de ces trois axes, ou champs, semble indépendant des autres, n'obéissant qu'à un au moment où... (De future triste mémoire.)
Mais le fait que ces données traversent de mêmes zones synaptiques et s'enregistrent peut-être temporairement dans une même mémoire à court terme avant d'être réparties dans des silos mémoriels différents, leur permet de s'appliquer l'une à l'autre, de déteindre un peu ou de marquer sa forme dans l'autre, de s'emboîter ou de se superposer, même brièvement, en laissant apparaître des traces analogiques, contradictoires ou complémentaires — au point que ce qui sera engrammé en profondeur ne sera pas la donnée brute d'entrée mais gardera la trace de ses relations avec d'autres choses. L'ensemble de ces traces résultant des frottements mémoriels participeraient à l'identité individuelle, dans sa permanence et dans son évolution.
Ce journal, en ne catégorisant pas a priori les données, rend possible, par la lecture entre les lignes, une certaine perception de ces interactions — sans pour autant, rien imposer au lecteur. Celui qui, par insuffisance ou mauvaise foi, veut n'y voir que coq-à-l'âne et salmigondis est laissé libre de ses jugements (à condition qu'il ne veuille pas nous les imposer).

Mais aujourd'hui, ni politique ni littérature françaises. Du vélo en matinée parce qu'il fait très beau et qu'il faut faire de l'exercice (et, au passage, quelques courses et un casque de vélo Giro Indicator, destiné surtout à tranquilliser T. pendant mes sorties).

Le reste de la journée est consacré — apothéose — à notre collègue balzacien Kazuo Kiriu. Une grande fête avec buffet et musiciens, réunissant plus de 100 personnes, est organisée à l'hôtel Agnès — très pratique pour nous, on n'a que deux rues à descendre (du coup, on a prêté un poste de télé pour diffuser en boucle, près de l'entrée de la salle de réception, l'émission de Pivot avec Kiriu).
Dans un coin de la salle, une table avec le diplôme des Palmes académiques, signé du ministre, et l'insigne, deux palmes qui se rejoignent en faisant un ovale, monté avec un ruban mauve. Quand j'y passe, deux japonais âgés, peu francophones, qui me demandent ce que signifie chevalier. Je leur explique que c'est le premier niveau de décoration, avant officier et commandeur. L'un me demande s'il y a général... Mais on m'appelle. Je dois faire un petit discours (voir ci-dessous), le seul en français parmi les six ou sept prises de parole au programme. T. a bien voulu en assurer la traduction consécutive en japonais parce que tout le monde n'est pas francophone (il y a des camarades d'école ou des relations universitaires qui n'ont pas du tout appris le français).
La fête est suivie, après 18 heures, ainsi en a décidé le récipiendaire, d'un apéritif au champagne qui a lieu chez nous avec une dizaine de personnes (nous serons 14, finalement), puis, vers 19h30, d'un dîner chez Peter, au French Dining, à 12. Très animé, jovial, un magnum de rouge (pour douze, ça ne fait jamais qu'un verre chacun).
Après champagne et vin rouge, je parle japonais couramment...

Pour honorer M. Kazuo KIRIU (mon petit discours) :
« J'ai rencontré M. Kiriu quelques mois après mon arrivée au Japon, en 1992, à la Maison Franco-Japonaise, qui était encore à Ochanomizu, lors d'un colloque sur les bibliothèques et les nouvelles technologies. Nous avions les deux seuls exposés littéraires.
Tandis que je parlais de l'utilisation de Frantext, qui était une banque de plus de 2000 textes que l'on interrogeait alors par téléphone et modem, que j'en montrais tous les avantages pour les recherches littéraires, M. Kiriu fit un exposé sur l'impossibilité dans laquelle il était d'interroger cette banque depuis son université, du fait de blocages ou d'incompréhensions administratives.
J'avais un peu les mêmes problèmes mais je pensais que c'était parce que j'étais étranger... En fait, j'ai l'impression — vous me direz si je me trompe mais je crois que ça n'a pas beaucoup changé depuis — que les administrations universitaires ne demandent JAMAIS aux professeurs de quoi ils auraient besoin et comment.
Mais revenons à 92. Alors que je cherchais les enseignants-chercheurs en littérature française qui s'intéressaient à l'ordinateur, M. Kiriu m'expliquait calmement qu'il n'y en avait pas et que même s'il y en avait eu, ils n'auraient pas pu travailler. Il fallait attendre.
Il m'expliqua qu'il numérisait Balzac. Ça l'étonna peut-être un peu que j'en comprenne l'intérêt et la difficulté. C'est que j'avais moi-même numérisé tout Claude Simon trois ans auparavant. Et je savais que la reconnaissance des caractères de l'édition de La Pléiade posait bien plus de problèmes que les Éditions de Minuit...
On ne s'est pas revu souvent. J'ai vu que les textes numérisés par M. Kiriu servaient à la concordance de Balzac en ligne qu'avait réalisée le professeur Étienne Brunet, de l'Université de Nice, que j'utilisais très souvent dès 1996. Puis plus tard, quand les oeuvres de Balzac ont été disponibles en Cd-rom, puis l'intégralité des index sur le site web de la Maison de Balzac.
Aussi, quand j'ai préparé le colloque de Cerisy sur l'Internet littéraire francophone, qui a eu lieu durant l'été 2005 en Normandie, c'est tout naturellement que j'ai pensé à M. Kiriu, ainsi qu'à M. Sawada, Hajime. Au Japon, ils étaient les deux seuls — que je connaissais — à faire quelque chose dans ce domaine, littérature française et informatique.
C'est bien tombé, pour M. Kiriu, parce qu'il pouvait aussi faire l'interview avec Bernard Pivot. Vous connaissez la suite. C'est donc l'histoire d'un amateur qui devient un pionnier, dont personne ou presque ne remarque l'importance pendant quinze ans et qui triomphe, aujourd'hui, modestement. Je le remercie encore et je vous invite, en mémoire de Balzac qu'il a si fidèlement servi, à porter un toast à sa persévérance et à sa modestie.»

Commentaires

1. Le samedi 5 mai 2007 à 02:10, par brigetoun :

qu'il y ait correspondance entre des focalités différentes, je crois que tout le monde devrait l'admettre. Chez moi cela joue même sur le corps.
La photo des deux dignes messieurs devant les palmes ou le document est charmante. Et j'ai récolté encore l'adresse de la concordance Balzac. Merci. Si j'avais plus de temps vous finiriez par faire de moi une bonne femme cultivée



Samedi 5 mai 2007. Vous emberlificoterait toute une étagère de souvenirs.

Ça va aller vite. Personne n'a plus le cœur à rien. On est agacé par l'attente, comme quand une tempête est annoncée. Plus question de s'amuser à enregistrer la radio, de voir des amis, ni même de jardiner puisque vent et pluie risquent de tout ravager.
Et par là-dessus, un courriel qui nous annonce un décès, quelqu'un que nous connaissions bien, dans la famille d'un ami.

Une heure de vélo en fin de matinée (vers Akasaka, Aoyama) et une autre en fin d'après-midi (vers Akebonobashi, Yotsuya). Tout seul, pendant que T. prépare un exposé. Dans un Tokyo quasi désert puisque c'est férié. Il s'agit pour moi (outre les graisses à faire fondre) d'explorer des quartiers encore inconnus, ou dont je ne connais qu'une ou deux grandes avenues, alors que des dizaines de petites rues cachent des trésors d'architecture, d'étonnants paysages urbains, des restaurants tranquilles, des magasins merveilleux, comme cette exposition de poterie presqu'au fond d'une impasse où je n'avais jamais mis les pieds, à moins de deux kilomètres de chez nous.

« La vitesse, totalement étrange à Flaubert [...] », dit Christian D. à JCB, dans le cadre d'une énième et toujours aussi inutile comparaison Stendhal / Flaubert. Heureusement, JCB fait un clin d'œil à Pierre Dumayet en disant qu'il n'en avait pas encore fini avec madame Bovary...
Dire que Flaubert est un bourgeois et que pour cette raison, il a le temps, qu'il n'est pas pressé et que, donc, son écriture ne connaît pas la vitesse, voilà qui est, excusez-moi de le dire, parfaitement stupide contredit par le texte. (Je ne m'énerve pas, je suis en colère. — Nan, je plaisante...)
L'écriture de Flaubert est très rapide (et je me demande d'ailleurs si les comparaisons ne sont pas là pour freiner un peu la machine). Il trouve des enchaînements, tant en syntaxe qu'en narration, qui sont d'une étonnante célérité. Des raccourcis, des sauts, des parataxes qui l'ont fait passer pour un agrammatical, un fautif permanent aux yeux des puristes. Et lorsqu'on regarde l'évolution des brouillons, on voit la quantité de ce qu'il coupe ou raccourcit pour gagner en vitesse. Regardez comme avec quelques imparfait au pluriel il vous torche une scène de groupe qui dure des heures (le mariage, les comices), là où un Balzac alignerait des dizaines de pages descriptives, où un Proust vous emberlificoterait toute une étagère de souvenirs !
Balzac écrit vite parce qu'il doit gagner sa croûte, certes. Mais la vitesse du texte, ce n'est pas la même chose !

Commentaires

1. Le samedi 5 mai 2007 à 07:46, par Bikun :

Incroyable ce bâtiment!

2. Le dimanche 6 mai 2007 à 02:06, par pradoc :

Ce n'est pas tellement la vitesse de son écriture qui caractérise Flaubert, elle est trop respectueuse de sa durée et trop classique dans sa forme pour être vraiment rapide, mais il y a chez lui souvent des raccourçis et des condensations de temps. La scène fameuse qui termine Bovary quand en trois lignes passe dix ans en est un très bon exemple.
Ici une émission sur Flaubert de très bonne qualité : www.fdlm.org/hll/20.mp3

3. Le dimanche 6 mai 2007 à 04:55, par christine :

la lenteur n'est pas non plus une tare, et il me semble qu'être capable alternativement d'une infinie lenteur et d'une fulgurante vitesse est ce qui caractérise l'écriture des "grands zécrivains"

ainsi je ne peux pas non plus te laisser écrire impunément que l'écriture de Proust n'est pas rapide : "emberlificotée" certes (au sens où elle restitue la complexité des choses), mais toujours aussi susceptible de transitions et de translations brutales - à la vitesse des synapses et des métaphores

4. Le dimanche 6 mai 2007 à 05:02, par Berlol :

Je te l'accorde volontiers (et pas seulement pour éviter la punition...).
Pradoc, merci pour l'adresse !

5. Le dimanche 6 mai 2007 à 05:33, par christine :

comme tu y vas ... "impunément" n'était qu'un mot, je ne donne pas encore dans la "punition" (même en ce jour d'extrême tension électorale)

6. Le dimanche 6 mai 2007 à 06:27, par Berlol :

À tout prendre, j'aurais préféré ta punition à celle qui risque de nous être infligée dans quelques heures ! Et pour au moins 5 ans !



Dimanche 6 mai 2007. De quoi en oublier les élections.

Je ne pense à rien, je me mets en demeure de faire mon devoir sans défaitisme et m'en vais sous la pluie (qui vient de cesser mais qui reprendra, toute la journée, comme un signe avant-coureur des torrents de larmes à venir). Je dispose mentalement deux contre-feux autour de cet acte simple, voter, que tous les sondages rendent a priori inutile. Le premier, c'est Madame Bovary que j'emporte encore et toujours lire et griffonner dans le métro (preuve qu'où le scénario est funeste, le style peut être salutaire). Le second, c'est de démarrer avant de partir l'enregistrement des trois heures et quelques d'une partie des Transformateurs Lyotard, colloque du Collège international de Philosophie des 25-27 janvier 2007, avec Bernard Stiegler et ses « Télégraphies du jugement réfléchissant ».

Au passage, j'ai mis un lien vers la plate-forme CNRTL, qui intègre et redistribue de façon pratique le TLF, avec quelques fonctions supplémentaires. À découvrir : la fonction proxémie, par exemple avec maison (il y a un applet à installer), c'est beau et ça tourne (le mot choisi est fixe dans le graphe); en observant la rotation, on comprend à peu près ce qui se passe....
Quant à la concordance, là, ça me scotche sur place ! (De quoi en oublier les élections.) J'avais justement besoin de celle d'adultère pour coincer Emma...

Mais revenons-en au scrutin, à l'Ambassade de France, Tokyo, Japon. Pas beaucoup de monde quand j'arrive, vers 10h30, sous les gouttelettes. En revanche, quand je sors, un quart d'heure plus tard, la queue commence à s'allonger. Le temps d'attendre Lionel, Jean-Claude, puis Christian, de saluer Annabelle, Olivier, Michel et quelques autres, la queue est devenue un long serpent de parapluies entrechoqués dans la cour d'entrée, il doit maintenant y en avoir pour une heure d'attente. À quatre, nous allons prendre un café (même endroit qu'il y a deux semaines). Je leur décoche mon proverbe du jour : « Vote pluvieux, vote heureux ! » (Qui est toujours vrai pour la majorité des voies...)
Après, je rentre déjeuner avec T. et écouter la pluie battante, maintenant.

Mon fil RSS d'alerte Google sur l'expression « Nouveau Roman » me mène à un article de la revue Sens public : "Tel quel et le Nouveau Roman", par Peter Dytrt. Je trouve cela un peu (trop) court, (trop) caricatural pour l'un et l'autre mouvements, mais il y a, dans la première moitié, une assez bonne synthèse de ce que fut Tel Quel (même s'il est étonnant — est-ce intentionnel ? — que l'essai historique de Philippe Forest ne soit pas du tout cité).
Dans la même revue, je me suis mieux et longuement nourri d'un article d'Yves Cusset, sous-titré Libres réflexions autour de Jacques Rancière sur l'incivilité politique contemporaine. Avec une question qui prend tout son sens aujourd'hui même, ce soir à 20 heures (3 heures du matin, pour moi). On peut aussi y écouter Michel Deguy qui se demandait récemment : La poésie fait mal ?

« L'amour de la démocratie doit conduire à se défier des incivilités dont peut vite faire preuve le pouvoir dans un cadre démocratique, du fait de sa haine quintessentielle de l'égalité. Comme je l'ai laissé entendre, le discours de haine de la démocratie, même s'il trouve à s'exprimer chez quelques intellectuels jaloux de leur pouvoir, ne peut pas encore tout à fait accéder à la légitimité publique (pour combien de temps encore ?), il passe plutôt par une série discrète d'incivilités dans le discours de ceux qu'on est en droit d'appeler désormais "les élites".» (Yves Cusset, Faut-il haïr la démocratie ?, 30 janvier 2007 — c'est moi qui souligne.)

Donc, j'ai beau faire autre chose, essayer de m'élever au-dessus du terrain bourbeux, tout me remet le nez dedans...
Le mieux que j'aie à faire est d'aller me coucher, me lever vers 3 heures moins 10 pour regarder la tendance. Et, qui que ce soit, me recoucher. Demain sera toujours un autre jour.

Commentaires

1. Le dimanche 6 mai 2007 à 07:21, par F :

il t'a donc fallu un quart d'heure pour te décider ? sale moment ici à voir ceux qui affichaient déjà à 12h30 une arrogance de vainqueurs, ça promet

2. Le dimanche 6 mai 2007 à 07:45, par Berlol :

Non, c'était déjà fait, mais il y avait quand même quelques personnes avant moi, etc. Si tu as besoin de fuir, il y a de la place ici...

3. Le dimanche 6 mai 2007 à 07:53, par F :

on gagnerait un empereur ? apparemment c'est pas la peine que tu te relèves à 3h
www.lalibre.be/
www.letemps.ch/

4. Le dimanche 6 mai 2007 à 08:44, par alain :

Bon sang, non, même égratigné, vire le portrait. Impossible de venir ici et passer devant pour lire ce qui suit.
En France, ici, ce n'est pas encore annonccé, mais tout semble déjà dit. Il est 18 h 50.
À boire.

5. Le dimanche 6 mai 2007 à 09:12, par Marcel :

Pas la peine de se relever
18:30
Sarko 53% Royal 47%

6. Le dimanche 6 mai 2007 à 09:25, par alain :

Et puis je regarde La Maman et la Putain que je viens de hacker.
Je ne vais certainement pas me farcir une putain de soirée électorale.
Jean-Pierre Léaud.
J'emmerde la droite.
19 h 33

7. Le dimanche 6 mai 2007 à 09:36, par christine :

sur un blog japonais je suppose que j'ai le droit avant 20h de dire moi aussi que j'ai honte des français et que je suis très déprimée

8. Le dimanche 6 mai 2007 à 09:47, par alain :

sale soir.
Mais Jean-Pierre Léaud.
Je suis triste mais ma tristesse c'est la mélancolie aussi de tout ce film dès le début, cette tragédie.
J'emmerde la droite.

9. Le dimanche 6 mai 2007 à 09:57, par Berlol :

Moi aussi, Alain ! Le miracle n'a pas eu lieu. C'était prévu. (J'ai un peu serré la photo pour t'éviter la blessure...)
« Restez mobilisés ! » dit-elle... Et je crois qu'il va y avoir de quoi.

10. Le dimanche 6 mai 2007 à 10:22, par alain :

oui la photo.
Faudrait qu'elle soit passée par les mains de Raymond Hains. Mêlée de strates, rapiécée de couches.
Qu'elle ne soit plus qu'un souvenir.
Cependant que c'est un cauchemar qui commence.

11. Le dimanche 6 mai 2007 à 10:24, par Berlol :

Sur ce (puisque cauchemar il y a), je me recouche !

12. Le dimanche 6 mai 2007 à 13:17, par Olivier :

Je trouve déjà inquiétante... Cette perfection des chiffres... qui répondent si justement à ceux des sondages... Vague sensation d'un copier-coller...
Mais dites-moi que je suis parano...
En tout cas, je déprime comme vous tous...



Lundi 7 mai 2007. Cette belle fenêtre de tir...

Sales sentiments longtemps rentrés
et qui vont sortir pousser fleurir
jusqu'en atrocité
les béquilles des faibles
longtemps lorgnées avec envie
on va enfin pouvoir shooter dedans

Car ce qui est à craindre dès à présent, plus encore que (et avant même) les mesures d'un gouvernement, c'est la joie, l'empressement, le zèle de tous ceux — citoyens frustrés de la base, cheffaillons stressés, entrepreneurs s'enrichissant — qui sont heureux de voir leur souhait exaucé, leur droite décomplexée. Ils voudront être les premiers à insulter l'indigent et à dénoncer le sans papier.
Ce n'est pas visible comme une bande de jeunes, ça ne prend qu'une ou deux minutes par jour, ça n'a pas souvent de témoin, ça travaille le tissu social dans l'intérieur de la fibre. On n'a pas vu ça depuis la Collaboration, cette belle fenêtre de tir...
Et ceux qui ont suivi le mirage mais n'ont pas ce zèle en eux, comme ils vont vite se retrouver dans le sable ! Car l'Eldorado n'est pas pour tout le monde (j'ai entendu tout à l'heure un jeune sarkozyen dire que c'était la possibilité d'un nouvel Eldorado — on croit rêver, quand on entend ça...).

Allez, je retourne à mes moutons...
Un seul en l'occurrence, et qui n'en est même pas un, puisque c'est Manu. Qui travaille maintenant à Kamiyacho, tout près de la Tour de Tokyo. J'y vais en vélo, après avoir choisi un itinéraire de larges trottoirs : de chez moi au sanctuaire Yasukuni par l'ouest, puis devant l'Institut italien, l'Ambassade du Royaume-Uni, puis le long des douves du Palais impérial jusqu'à Toranomon, où j'oblique plein sud et tout droit jusqu'à l'objectif. Parti avant midi, j'y suis à midi vingt, soit près de 8 kilomètres en une trentaine de minutes.
J'emploie la demi-heure qui me reste à attendre à visiter le quartier, toujours gants au guidon et casque en tête, au milieu des hordes d'employés allant à leur pitance (comme moi, somme toute).
Je monte jusqu'à l'Ambassade des Pays-Bas, d'où l'on a une vue superbe sur la Tour de Tokyo, je repère quelques restaurants, j'observe les styles vestimentaires du quartier, globalement sérieux et plus chics qu'à Kanda, où travaillait précédemment Manu. C'est un peu, pour les Parisiens, comme s'il avait travaillé près de Saint-Michel et qu'il allait maintenant avenue Marceau.
Lorsqu'il arrive, je suis en tenue de ville, bas de pantalon redescendus, gants et casque rangés et je lui dis avoir déjà vu les restaurants qu'il me propose. Choisissons l'aspect campagnard d'un bistrot qui se révélera très raisonnable, avec petite entrée (ratatouille froide) et plat d'agneau grillé sur lit de chou et de purée (nous prenons la même chose). Pendant ce temps, il me raconte son nouveau travail, son chef, ses missions, que sortir pour rencontrer des clients auxquels vendre des solutions informatiques le change positivement de la maintenance des ordinateurs en interne...
Bavardons agréablement une petite heure, durant laquelle il ne sera aucunement question des élections, sans même que nous ayons cherché à éviter ce sujet.
Retour par le même chemin et à peu près dans les mêmes temps.

Le soir, Mata Hari, la vraie histoire (Alain Tasma, 2003) sur TV5 Monde. Film sobre, à la limite de l'ennuyeux, mais tout de même prenant dans le duo de sourds entre la femme internationale et le militaire borné. Mais les dés sont pipés : le procès pour espionnage n'en est pas un. On veut la condamner pour l'exemple en temps de démoralisation, et pour broyer la cocotte que l'homme jaloux voit en toute femme libre. Je ne sais si le film est historiquement fondé mais la fiction qu'il propose se tient bravement debout, comme l'héroïne devant le peloton d'exécution.

Commentaires

1. Le dimanche 6 mai 2007 à 18:01, par Dabichan :

CONSTERNATION !

Et tous ces rapports médiatiques de Français heureux des lendemains qui désormais promettent de chanter à droite... Si seulement je pouvais m'en assurer, m'en rassurer. Pour m'apaiser ! Mais non, rien n'y fait...
Élection bien conventionnelle, par trop conventionnelle que celle de 2007 : la droite dure (maintenant il faut dire décomplexée) contre la gauche pas encore à la hauteur du défi lancé.
Pas la moindre (bonne ! ) surprise comme nous y étions habitués depuis 1965 (la surprise d'alors fut la mise en ballotage, crime de lèse-majesté, du Grand Charles). Rien que du déjà-prévu par les médias et les sondeurs... depuis près de 3 ans ! Auparavant, il fallait 20 ou 30 ans pour faire un Président de la République éligible (au sens de : qui puisse avoir de sérieuses chances d'être élu). Qu'on se rappelle seulement Mitterrand et Chirac.
Aujourd'hui, 3 ans de préparation médiatique intense auront suffi ! Permettez-moi, au risque de passer pour un aigri mauvais perdant, d'écrire 3 années de conditionnement psychologique.
3 années pour faire d'un vétéran du barnum politico-médiatique (ministre sous Balladur, Raffarin et Villepin avec les résultats sur lesquels 53,2% de braves patriotes frappés d'une violente amnésie refusent de se pencher comme le devrait tout bon-électeur-démocrate-de-bon-sens-soucieux-de-ne-pas-se-faire-berner) le messie toute catégorie (socio-professionnelle) ! Je ne vais pas vous décevoir nous a-t-il promis... Là, c'est moins sûr. Pour nombre de rêveurs d'un nouvel Eldorado, l'atterrissage risque d'être brutal.

~Mais i va pas s'taire le royaliste qui s'est fait m'tte par l'Sarko ?~

Par la force des choses, il va se taire. Car il va être tu ou il va être fait tu ! Participation massive, regain démocratique, disparition définitive de l'extrême droite... Sauf que nous verrons dans les mois qui viennent que le vrai vainqueur de cette élection, c'est lui : Jean-Marie. Les esprits effectivement considérablement lepénisés ont opté pour un Jean-Marie light, mâtiné de George Buisson à la Berlue Silvioisée. Mais seront-ils (les 53,2%) en mesure de le voir ? La critique libre (excusez le pléonasme), formellement toujours autorisée, sera-t-elle pratiquement toujours possible ? Ou connaîtra-t-elle le sort des langues mortes faute de locuteurs ?

Les Français (enfin, moi oui) n'étaient de toute évidence pas encore prêts ni pour une femme Présidente (ça aurait eu plus de gueule que ce nabot machiste flicard hérissé de tics) ni surtout pour l'association tolérante des talents dont j'espère qu'elle finira par prévaloir...

Sans qu'il n'y ait trop de casse auparavant !

2. Le dimanche 6 mai 2007 à 18:34, par Berlol :

Bouhouhou !... Snnifff, snifff... T'as raisooonnnn...
Au fait, t'as eu mon message où je te disais d'aller voir l'expo Jakuchu pendant qu'elle est à Nagoya ?

3. Le dimanche 6 mai 2007 à 19:40, par vinteix :

Hier soir, on a entendu parler "travail", "autorité", "mérite", "identité nationale"...
Il y avait une ancienne (?) devise française qui parlait de "liberté", "égalité", "fraternité"... il faut croire qu'elle en a déjà pris un coup dans l'aile... Le cynisme, l'opportunisme et la manipulation ont fait leur oeuvre et remporté le morceau. Chapeau l'artiste, il aura réussi à bluffer un maximum de gens ! J'ai honte de mon pays !
Consternation mais résistance.

4. Le dimanche 6 mai 2007 à 21:57, par brigetoun :

et pour l'espoir de réaction ou de frein, c'est la gauche se déchirant et ça a bien commencé, à la surface et en profondeur. Une des raisons de la défaite d'ailleus, après les fausses embrassades du dernier xongrès PS.
Restent les associations mais elles étaient déjà à la peine sous le dernier gouvernement, là ce sera pire

5. Le lundi 7 mai 2007 à 06:23, par 36ruevieilledutemple :

on pleure il pleut c est verlaine sur la ville qui délie sa langueur.
à circuler de blog en blog on dirait qu'il y a de quoi organiser la résistance poétique.
sous quelle forme?

6. Le lundi 7 mai 2007 à 06:58, par vinteix :

Résistance à "l'Eldorado" de Schtroumpf Ier (comme apparemment Plantu envisage de le dessiner...) !

7. Le lundi 7 mai 2007 à 22:09, par dominique :

Ah oui, "la droite décomplexée", voilà bien la pénible expression qui est devenue tendance. Alors que par nature la droite a toujours été décomplexée. C'est même à ça qu'on la reconnaît (comme Audiard - anar de droite - disait qu'on reconnaît les cons à ce qu'ils osent tout), c'est ce qui la fonde. La gauche est pleine de scrupules (d'ailleurs quand elle les perd, l'Histoire l'a montré, elle devient folle). La droite c'est "enrichissez-vous", c'est "l'avenir appartient à ceux qui ont des ouvriers qui se lèvent tôt" : où sont les complexes là-dedans ? Mais le pire, c'est que par ici il y a même une "extrême-droite décomplexée", et qui est bien toujours là, au même étiage malgré les apparences. Rilke écrit de lui, quelque part dans sa correspondance, que "jamais personne n'est resté aussi longtemps la tête tous l'eau". Apprêtons-nous à le faire cinq ans d'affilée - et, je le crains, plus longtemps encore...
(Un petit signe à Alain : ah, il faudrait pouvoir tout considérer avec ce léger décalage propre à Jean-Pierre Léaud !)

8. Le mardi 8 mai 2007 à 05:05, par Manu :

Exactement ce que je me suis dit de retour à mon bureau, "tiens, on n'a même pas parlé des élections", alors que j'étais persuadé que cela allait nous occuper une bonne partie de notre déjeuner. Sans doute parce qu'il n'y a finalement pas eu de surprise...

Sinon, je te conseille ça pour te changer les idées :
www.jamendo.com/fr/album/...
Désolé pour l'autopromotion...

9. Le mercredi 9 mai 2007 à 04:36, par christian :

Dites-moi... le suffrage universel, vous êtes pour ou contre?
Parce que si vous refusez le résultat d'un système que vous approuvez, je pense qu'il ne vous reste plus qu'à vous faire psychanalyser!

N'aurait-il pas mieux valu ne pas voter du tout?

Et le vote à bulletin secret? Vous êtes contre? (Provoc pour Berlol!)

10. Le mercredi 9 mai 2007 à 04:52, par Berlol :

On est pour, Christian. Mais la question n'est pas là. Et je crois que tu joues l'andouille en faisant comme si tu ne le savais pas... D'ailleurs, je ne me rebelle pas, je ne brûle pas de voitures et je ne soutiens pas ceux qui le font. Il se trouve qu'on est un certain nombre de (centaines de milliers de) personnes à craindre la personne même de NS, à penser que par les médias, par des coups d'éclat et de communication dans le cadre de son ministère, NS a détourné le sens des Institutions (qui nous sont chères) en "fascinant" des millions de gens (de sorte que leur vote était téléguidé) — de la même façon que le clan Bush (qui a, en plus, truqué les élections, ce qui ne semble pas être le cas en France, même si certains le subodorent...).
Tu permettras que je m'autorise à avoir une opinion sur le "choix" des Français. Et je les autorise à avoir une opinion sur moi... Tout cela est très démocratique. Mais être démocrate ne signifie pas se vider le cerveau de ses convictions pour le remplir avec celles du camp adverse quand celui-ci gagne !
Au final, ta position m'étonne. D'ailleurs, si tout le monde cachait son opinion comme tu le fais, il n'y aurait ni partis ni politique...

11. Le vendredi 18 mai 2007 à 06:54, par A.C. :

"citoyens frustrés de la base, cheffaillons stressés, entrepreneurs s'enrichissant " : questions : quelle légitimité donnez-vous pour être cheffaillons ? Produit de l'ascenceur social comme on dit ? et la base ? n'y a-t-il pas un peu de mépris dans vos propos ?
D'accord pour que l'on invoque la littérature, que l'on retourne concepts et citations pour servir ses opinions, mais l'honnêteté intellectuelle réclame une argumentation sans faille... :-)

12. Le vendredi 18 mai 2007 à 07:09, par Berlol :

On parlait ici de craintes, cela n'a rien à voir avec l'argumentation (hélas, mais il y a des blogs pour ça...). Les craintes ne sont précisément que des failles... mais elles mènent parfois à des vérités. Merci pour l'émoticon qui met du sourire dans votre passage.

13. Le lundi 4 juin 2007 à 00:23, par M.V :

Dans un texte écrit et diffusé en janvier 2006 auprès de quelques amis ("Remarques sur les émeutes de l'automne 2005 dans les banlieues françaises") j'écrivais : "L'écrasant score du candidat Chirac au second tour des dernières élections présidentielles a décomplexé une droite qui paraissait pourtant à bout de course : n'ayant pour seul argument que la surenchère sécuritaire dans laquelle elle entraînait le PS (...) Cette droite revancharde étant d'autant plus décomplexée qu'un premier galop d'essai lui donnait toute satisfaction. La faible mobilisation de la gauche, voir de l'extrême-gauche avant le vote des lois Perben-Sarkozy (les plus liberticides pourtant depuis l'époque de la guerre d'Algérie) lui permettait de réaliser ensuite de réaliser les objectifs de sa politique néolibérale sans se soucier d'éventuels revers électoraux dans des élections sans enjeux nationaux".
Ceci pour replacer l'expression (qui aujourd'hui fait florès !) dans son contexte.

Sur la démocratie et le suffrage universel je conseille la lecture de l'article "La démocratie expliquée aux ignorants" par Mephis sur le blog
www.pasdesarkozy.fr/



Mardi 8 mai 2007. Comme un crachat sur leur bulletin de vote.

Foin des scrutins et des virées maltaises ! — c'est jour de retour au boulot. En regardant dans le train Quai des orfèvres (H.-G. Clouzot, 1947). Ça me plaît beaucoup (je ne l'avais jamais vu) mais je suis frustré de la fin pour cause conjointe de batterie déchargée et d'arrivée à Nagoya — où il fait chaud.

Dans le raidillon qui mène à la fac, j'identifie le laurier-rose d'une seule inspiration. Le jasmin qui escalade depuis des années le lierre d'un mur du bâtiment dans lequel se trouve mon bureau, quant à lui, dépasse cette année le troisième étage. Aussi, comme il est en fleur, c'est la fête de la narine. Ça valait le coup de revenir. D'autant qu'il y a aussi un colis de livres, avec pas mal de classiques en FolioPlus et quelques contemporains, voire ultra-contemporains dont je traiterai au fur et à mesure...

Pour me changer les idées le soir, j'entame Slogans de Maria Soudaïeva (Éd. de l'Olivier, 2004). Étonnement. Ça interpelle au féminin et ça apostrophe en majuscules. La traduction d'Antoine Volodine vaut intime parenté. Nombreux engouements réticulaires et extraits de toute beauté dans le n° 8 de la revue Chaoïd (où il y a beaucoup à lire, on y trouvera d'ailleurs Volodine dès le n° 2, en 2000 — je me rends compte que je n'y suis pas passé depuis longtemps et que ça a superbement changé !).

« 35. OISELLES BLEU PÉTROLE, OISELLES DU RÉGIMENT SOLEIL, MAINTENANT TOUTES AVEC LA GRANDE-NICHÉE !
36. CORMORANES NOIRES, MOUETTES OPALES, TOUTES AUX CÔTÉS DE LA GRANDE-NICHÉE !
37. AVEC LA GRANDE-NICHÉE, LES VENTS NOIRÂTRES NUMBER QUATRE !
38. L'ARMÉE DES SEPT SOLDATS AVEC LA GRANDE-NICHÉE !
39. REINES SABOTEUSES, EN AVANT, FRAPPEZ !
40. SABOTEUSES GRISÂTRES, QUITTEZ VOS FLAMMES, RENAISSEZ, FRAPPEZ ! » (Maria Soudaïeva, Slogans, traduit par Antoine Volodine, Paris : Éd. de l'Olivier, 2004, p. 24)

Mais quand je vois les informations télévisées, j'ai de nouveau et déjà envie de vomir...

Rien ne sera épargné aux millions de Français dans la merde
Pas même le faste ostensible du nouveau PDG de leur pays
Comme un crachat sur leur bulletin de vote
Mais le pire, c'est l'œuf de l'exemple dans ces millions de jeunes têtes.

Commentaires

1. Le mardi 8 mai 2007 à 15:19, par Laure L :

Ah, merci de nous rappeler SLOGANS !
J'ai retrouvé une ptite note à ce propos :
rougelarsenrose.blogspot....
Allez, courage... & à bientôt !

2. Le mardi 8 mai 2007 à 15:28, par christine :

le pire c'est que ce mélange de provoc berlusconnienne et d'étalage de nouveau riche va plaire à une partie de ses électeurs ... même pauvres !

comme on en a pour au moins 5 ans, la seule solution est de s'efforcer de suivre le sage conseil de Daniel Schneidermann :
www.bigbangblog.net/artic...

3. Le mardi 8 mai 2007 à 16:04, par Berlol :

Oui, hélas ! C'est ce que j'appelle l'œuf de l'exemple...
Merci, Laure, pour la mise en ligne !
Pour le courage, je pense aux ouvriers auxquels l'immonde a serré la main devant des caméras, et qui doivent vouloir se les laver...

4. Le mardi 8 mai 2007 à 21:14, par caroline :

Je crois me souvenir qu'en fait Maria Soudeïava est le pseudo de Volodine...

5. Le mardi 8 mai 2007 à 21:50, par vinteix :

Avec Schtroumpf Ier, à peine élu et pas encore intrônisé, fini les complexes ! C'est la bonne "droite décomplexée" (doux euphémisme... ou pléonasme). Au moins, le ton est donné d'emblée. Pas de méprise sur la marchandise. C'est bien l'Eldorado dont parlait certain petit schtroumpf fan !
On est déjà tombé dans la fange... Obscène !

6. Le mercredi 9 mai 2007 à 00:05, par Berlol :

Oui, Caroline, c'est entre le possible et le probable...
Cher Vinteix, On se voit au Congrès ?
À propos du PDG de la France (comprendre le Petit Dirigeant des Gros), ça me rappelle qu'avec Chirac, on a eu la fracture, avec Sarko, on aura la facture !

7. Le mercredi 9 mai 2007 à 00:31, par vinteix :

Excellent (enfin, façon de parler...) la f(r)acture !
Cher Berlol, oui, je serai au congrès... enfin, à la réception du samedi soir en tout cas...
A très bientôt donc !

8. Le mercredi 9 mai 2007 à 02:33, par brigetoun :

le comportement de notre nouvel impérator je crois qu'il ne faut pas trop s'y arrêter, ça fait partie, le choc au premier rang, de son plan marketing. S'y arrêter c'est entrer dans son jeu. Ce qui va compter c'est son action.
Et il est certain que cela flattera ses électeurs, surtout ceux qui galèrent, un rêve tel qu'on les a habitués à en avoir. Peut-être moins pertinent mais plus directement accessible que Slogans

9. Le mercredi 9 mai 2007 à 03:52, par F :

si tu ne retires pas le commentaire n° 9, tu vas t'attirer des problèmes côté de ton porteur de valise !

malte, c'est loin du japon, ou juste dans la direction ?

10. Le mercredi 9 mai 2007 à 05:08, par Berlol :

C'est pas tout à fait sur la route... Pour le n° 9, tu as dû faire erreur (c'est le tien). Ferais-tu allusion à l'acronyme PDG ?

11. Le mercredi 9 mai 2007 à 08:09, par alain :

En rajouter une couche côté crapule. La "femme" du président a une ""histoire"" avec un """écrivain""" célèbre. De qui s'agit-il ?

12. Le mercredi 9 mai 2007 à 09:28, par dominique :

ça alors, Alain, quel teasing ! Me voilà frémissant d'impatience... Mes neurones & synapses chauffent & turbinent de concert - en vain.
(Je t'ai fait un petit signe, mais dans les commentaires du billet précédent, ce qui fait que c'est déjà du passé.)

13. Le mercredi 9 mai 2007 à 09:33, par christine :

j'ai entendu Marc Lévy (il va falloir rajouter quelques guillemets!) ... à moins que F ne soit dans le bateau (avec pince-mi et pince-moi) ce qui expliquerait la mystérieuse disparition du commentaire n°9 ?

14. Le mercredi 9 mai 2007 à 09:41, par alain :

oui, c'est """"""""ça""""""". Je ne sais même pas comment j'ai pu avoir accès à une telle information crapuleuse.
Cependant que mon écoeurement (je n'ai pas vomi encore) est tel depuis l'élection !
Buvons.

15. Le mercredi 9 mai 2007 à 13:59, par Berlol :

Buvons encore une dernière fois
à l'amitié l'amour la joie...

16. Le mercredi 9 mai 2007 à 14:31, par Richard :

La batterie déchargée, c'était un Coucou ! de Gustave, mort le 8 mai 1880. Ce mercredi midi, sur France Musique, Dominique Sylvain ("Baka") disait aimer revoir "quai des orfèvres" quand elle est au Japon ; dans quelques jours elle rentrera à Tokyo. C'est à Osaka en janvier dernier que j'ai trouvé mon exemplaire à 500 en, Cinéma Classic n° 129, sous-titré japonais. Merci pour votre blog nourrissant et stimulant.

17. Le mercredi 9 mai 2007 à 19:40, par Berlol :

Merci, Richard ! Du coup j'ai écouté l'émission (À portée de mots)... Je vais la lire ! Et puis j'ai vu la fin de Quai des orfèvres. J'en reparlerai ce soir...



Mercredi 9 mai 2007. Des seaux de souvenirs.

Coincé entre le 8 (capitulation ennemie de 1945, mort de Flaubert) et le 10 (commémo esclavage — un esclavage qui a l'outrecuidance de cacher (gâcher) la mémoire de l'élection de Mitterrand...), le 9 mai est un jour de repos que l'on peut, si l'on est invité, passer à La Valette, pourquoi pas, ça fera de la publicité pour Malte. C'est tout naturel. Et pas besoin de vendre ma Rolex pour payer l'avion, c'est cadeau.
Moi, pareil, un de mes copains qui vient de décrocher un poste, je vais lui offrir son poulet-frites au Saint-Martin. Ça ne fera pas un pli.
Accessoirement, c'est la Journée de l'Europe, mais c'est une fête dont on ne parle pas beaucoup, ces temps-ci. Si ?

« [...] un somnambulisme de complaisance pour un nouveau fascisme [...] » (Cf. Sollers.)

Il fait chaud. Le jasmin envahit le campus, rend les réunions bénignes, les silhouettes enchanteresses. À la cantine, le plateau repas est long à venir. En plus, il n'y avait plus ce que je voulais.
Au bureau, j'enregistre le feuilleton sur le journal de Mireille Havet, écrivaine redécouverte récemment. Puis Franck Venaille aux Mardis littéraires, sa voix hésitante qui me touche toujours.

Étonnante coïncidence littéraire. Je relisais au bureau des pages de Tchouba, dernière nouvelle du recueil d'Alain Sevestre, dans lesquelles un binôme explore l'imbrication fonctionnelle de deux corps et la cocasserie des situations.
Et au centre de sport, une heure après, j'entame en pédalant un des livres reçus hier, dont le ton m'emporte tout de suite et dans lequel je retrouve le même thème — même si traité tout autrement.

« Nous arrivons dans les réunions en claquant des pieds, en brusquant les chaises. Pire. Nous ouvrons la porte, hennissons, saluons le cercle et gagnons notre place à grandes enjambées exagérées, levons les bras haut comme militairement, outrageusement, enfin nous nous asseyons. Il faut nous entendre et il faut nous voir. Assis, nous dominons. Moi, juché sur mon coussin-Staline et lui buté, muet comme un tank.» (Alain Sevestre, « Tchouba », in Chez moi, p. 139)

« Minuit est toujours avec sa sœur, il la tient comme s'il en était une excroissance, et Lise vibre de son petit frère. Quand ils montent collés, en s'entrechoquant, on dirait un monstre à deux têtes plein de reflets cuivrés. [...]
J'étais l'aîné mais je le suivais, toujours. Je le collais, il m'appelait ma colle, Colette, en riant, et malgré tout j'aimais son rire. Il se moquait souvent, et souvent en public, comme pour conjurer quelque chose, le sort, mon avenir. Et, de temps en temps, il se moquait de moi tout seul, entre nous, dans une curieuse connivence. J'aimais ça, les moqueries à deux, intimes, et son rire, comme s'il était soudain et après tout d'accord avec moi : mais oui ma colle, ma Colette, pourquoi pas, un jour tu seras une fille, mais oui tu l'es déjà, allez, mais dans un corps de garçon, dis ça à papa, tu verras.» (Emmanuelle Pagano, Les Adolescents troglodytes, Paris : Éd. P.O.L., 2007, p. 24 et 36-37)

Bien sûr, ce n'est pas le même thème, tout juste le motif récurrent d'une intimité des corps proche du parasitisme réciproque. Et Emmanuelle Pagano est déjà dans autre chose, depuis les variations masculin / féminin qui sous-tendent les premières pages. Mais j'aime à penser qu'en ces temps difficiles, où il m'est difficile de terminer un livre, et forcément s'il est d'Alain Sevestre, quelqu'un(e) est justement venu(e) par son livre me prendre la main pour passer de l'un à l'autre et me voilà dans le petit autocar, dans des paysages somptueux et une temporalité aléatoire, entre les horaires du ramassage scolaire, les répétitions journalières du trajet et le puits de mémoire d'où chaque virage semble tirer des seaux de souvenirs...
J'ai beau avoir fini de pédaler, je continue ma lecture pendant les repos entre les séries de tractions abdominales que permet une machine à se recroqueviller assis.

Le soir, en dînant, je m'essaie à Arrêt sur Images et à C dans l'air. Mais cela m'ennuie profondément, je crois que ça y est, j'ai décristallisé, je ne suis plus dans l'actualité, j'abandonne la France à son sort.

Commentaires

1. Le mercredi 9 mai 2007 à 21:44, par vinteix :

Oui, on se sent passablement abattus, abrutis, lessivés, mais pas "liquidés" ! par ce qui est arrivé et à venir... Tentons malgré tout de cristalliser encore... au sens créatif de la résistance "deleuzienne"... et de toute façon, nous aurons toujours, MALGRE TOUT, d'autres raisons ou motifs de joie, notamment pour boire un verre !

2. Le jeudi 10 mai 2007 à 00:08, par Berlol :

Je dirais même mieux : notamment, boire un verre !

3. Le jeudi 10 mai 2007 à 01:18, par brigetoun :

"quelqu'un est justement venu me prendre par la main pour passer de l'un à l'autre" que j'aime ça ! en plus cela me justifie, en surface, parce que chez moi il y toujours le dilletantisme.
Et je suis aussi toujours touchée par la voix hésitante de Franck Venaille

4. Le jeudi 10 mai 2007 à 19:23, par vinteix :

"Je dirais même mieux : notamment, boire un verre !"
Assurément... et cela me donne l'occasion d'un autre petit bout de "chandelle verte" de Jarry...

"M.FAGUET ET L'ALCOOLISME"
""N'attaquez pas l'alcoolisme !" tel est le titre d'un article de M.Emile Faguet - où il l'attaque. Quand ne sera-t-il plus besoin de rappeler que les anti-alcooliques sont des malades en proie à ce poison, l'eau, si dissolvant et corrosif qu'on l'a choisi entre toutes substances pour les ablutions et lessives, et qu'une goutte versée dans un liquide pur, l'absinthe par exemple, le trouble ?"



Jeudi 10 mai 2007. Quand on est des petits joueurs et qu'on s'aime.

Des pluies, des vents, des soleils. En force et brusquerie dans le chaos de la journée. Avant-hier, un scientifique disait de l'explosion d'une super-nova que c'était ce qui risquait de nous arriver dans quatre ou cinq milliards d'années. Ça m'a bien fait rire parce que déjà dans 100 ans nous ne savons même pas si cette petite planète d'emmerdeurs prétentieux existera encore, alors le soleil ça nous fait une belle jambe qu'il ait un flash 10.000 fois plus lumineux quand il voudra. Après le cours du matin, je m'aperçois que j'ai oublié à la maison l'ordinateur portable qui me sert à projeter le film au séminaire ; mais je ne peux pas y aller parce qu'il tombe une ondée à trente degrés de l'horizontale. Je prépare l'autre cours, sur les nombres, et quand le grain est passé, je descends prendre mon vélo et j'y vais. J'ai un peu de temps et comme le disque est dans la machine, je regarde la fin de Quai des orfèvres. Amusant de constater que la coupure de batterie s'était précisément produite mardi à l'instant le plus dramatique, Maurice vient de se couper les veines au dépôt et Jenny subit une perquisition, il va mourir et elle va tomber pour meurtre... Je redémarre au même endroit et tout part dans l'autre sens, on crie à la vue du sang et Maurice sera sauvé tandis que chez Jenny on découvre que le pistolet n'est pas du calibre de celui qui a tué, dixit l'inspecteur qui comprend que c'est le voleur de voiture qui a fait le coup, et tout finit bien pour Jenny et Maurice qui ont eu chaud aux fesses — faut pas flirter avec les magouilleurs de la haute quand on est des petits joueurs et qu'on s'aime. Clouzot nous a quand même caché autant qu'il pouvait ce que l'inspecteur savait depuis le début, que le salaud était mort par balle et non par la bouteille de champagne que Jenny lui avait balancée sur le crâne — le spectateur étant donc plutôt guidé à s'identifier avec le couple Jenny / Maurice (Suzy Delair et Bernard Blier) qu'avec le pourtant débonnaire flic (Louis Jouvet). Allez, je file parce qu'une autre averse se prépare. De retour au bureau, je cale Vipère au poing dans le portable pour répondre aux questions du jour comme pourquoi Folcoche voulait accuser son fils du vol de son portefeuille ou combien de flash-back, question qui nous amènera à regarder le procédé narratif et technique qui fait que tout le film est un flash-back dans lequel il y a des flash-back ponctuels. En mangeant un morceau, je regarde le courrier — Oh Oh ça se précise pour cet été, ça va être tourisme littéraire forcé — et puis j'écoute À Portée de mots d'hier, sur France Musique, Dominique Sylvain, en effet, qui a vécu et vit de nouveau au Japon, a publié des polars que je ne connais pas et qui dit aimer revoir notamment Quai des orfèvres, tout de même étonnant ces coïncidences ! D'autant que ça continue le soir quand après avoir lu quelques pages d'Emmanuelle Pagano je rentre dîner et regarder Ce soir ou Jamais qui me manquait beaucoup beaucoup, précisément consacré à la confusion des genres, et pas seulement les sexualités mais aussi les masques sociaux dont on ne change pas comme on voudrait bien qu'ils soient des constructions socio-historiques peu en rapport avec les parties génitales, je suis même étonné qu'Emmanuelle Pagano ne soit pas parmi les invités mais il y a en effet des pointures et la discussion est très instructive quoiqu'avec des moments où ça tourne en rond, comme cette intention répétée d'historiciser alors qu'on ne dit rien d'une part de la sexualité dans les cultures antiques ni d'autre part de Jean Lorrain ou d'Oscar Wilde, pour donner des noms connus même de moi, comme si tout ça commençait pif paf pouf au XXe siècle, mais soudain c'est déjà l'heure de croquer la cerise sur le gâteau, un entretien avec Laurent Terzieff, très rare à la télévision, pendant lequel on a droit à un flash-back de 1958 où il disait déjà d'excellentes choses...

« elle attache la ceinture de son petit frère avec des gestes que je ne lui connaissais pas et que je connais si bien. Ce détour du bras droit pour contourner une poitrine naissante, je l'avais décrypté tout jeune chez des filles plus grandes que moi, je l'avais copié très vite, et mon frère l'avait remarqué.
Au lieu de se moquer il m'avait pris à part, soucieux, il n'avait que huit ou neuf ans, il ne comprenait pas vraiment, il m'avait dit mais pourquoi tu fais ça. Je mentais que je ne faisais rien, lâchement, oui c'est ça, pourquoi tu prends pas les choses comme d'habitude, ah oui tu t'es fait mal au bras, dis, dis-moi. J'ai mal ailleurs, Axel, j'ai mal au torse, ça me vient jusqu'à l'épaule, c'est pour ça. J'avais pris l'habitude de dire torse à la place de poitrine.» (Emmanuelle Pagano, Les Adolescents troglodytes, p. 48-49)

Commentaires

1. Le jeudi 10 mai 2007 à 15:10, par christine :

Ce plateau de CSOJ était un très bon cru (et puis des gens qui ont encore le droit de dire à la télé française que les orientation sexuelles ne sont pas génétiques, il faut en profiter!) : il n'y avait pas Emmanuelle Pagano, mais il y avait Isabelle Sorente, une autre romancière très intéressante

... quant à Dominique Sylvain, pour ceux qui aiment les polars, c'est vraiment très bien aussi : j'ai préféré ses derniers romans (avec le duo Lola-Ingrid) mais les premiers sont plus japonisants



Vendredi 11 mai 2007. Pour cause de soirée à la Vaubyessard.

Que telle nageuse veuille vivre sa vie, quoi de plus naturel ! M'inquiète bien plus, cette idéologie du travail forcené que scande son entraineur, et qui est tellement dans le vent politique. On croit savoir ce qu'il a voté, celui-là. Elle a déjà accumulé plus de médailles qu'il ne sait en compter, cet esclavagiste malotru.
Au-delà, c'est cet esprit pernicieux de la compétition sportive qui me paraît contraire à l'éthique et à l'hygiène du sport amateur... Le sport de haut niveau et sa médiatisation sont des auxiliaires du libéralisme et du nationalisme. (À développer.)

Je développe en alignant à droite (c'est à la mode).

Centre de sport, lecture d'Emmanuelle Pagano, m'y absorbe, en perds ma clé de vestiaire — à moins qu'elle ne soit tombée dans les interstices d'une machine à pectoraux...

(La clé, pas Emmanuelle.)
« Un jour je me suis débattue comme si le type me violait. Il s'est arrêté tout de suite, incrédule mais tendre. Il essayait de me rassurer mais je ne savais pas de quoi j'avais peur, de quoi j'avais mal, de quoi j'avais si froid. Je me sentais inexplicablement cogné, brutalisée. Je me sentais à la fois esseulé et soumise à une impudique proximité. J'avais aussi une drôle d'inquiétude. J'avais l'angoisse de rester collée à ce mec comme un frère, une sœur siamoise. C'était ridicule, exagéré, et cette fois vraiment monstrueux, pourtant ça levait mon sexe, je bandais, dégoûtée de mon corps de garçon.
Je m'étais rhabillé et assise, pour raconter cette histoire à ce type, une histoire entendue à la radio. C'était l'histoire de deux sœurs siamoises, un seul corps et deux têtes. L'une d'elles s'est mariée, et l'autre a porté plainte pour viol, attentat à la pudeur, séquestration, proxénétisme aggravé. Il s'est énervé. N'importe quoi, ça n'a rien à voir. Je me suis fait traiter de folle, malade, handicapée du cul.» (Emmanuelle Pagano, Les Adolescents troglodytes, p. 68-69)

Déjeuner avec David, deux étudiants français qui ont fini chez nous leur programme de japonais, et le directeur de l'Alliance, qui nous emmène au Paragon, nouveau restaurant plutôt thaïlandais de Motoyama. Très bon, très agréable. On y reviendra.

Sur le quai du shinkansen, rencontre d'un Français qui me dit quelque chose... En effet, c'est une personne que l'on voit, T. et moi, de temps en temps au Saint-Martin ! Superbe coïncidence. D'ailleurs, dans le train, on s'assoit juste derrière... un jeune couple de Français (que j'identifierai à leur livre, mais on ne les connaît pas ni ne leur parle). Alors que ça fait plus de sept ans que je fais ce trajet sans avoir jamais rencontré personne...
Une fois la glace brisée (métaphore, on n'endommage pas le train), nous conversons tous les deux sans relâche : quartier de Kagurazaka et quartiers voisins, connaissances communes, activités professionnelles (échange rituel de cartes de visite), études, impression de vie au Japon, etc. Arrivés à Tokyo, je suis tout essoufflé. Nous nous quittons entre Chuo et Yamanote, on se reverra de toute façon dans notre restaurant préféré...

Pendant la soirée, je reprends le site Nico Shark, entraperçu ce matin — la résistance s'organise —, puis écoute et enregistrement des Vendredis de la philosophie sur — sujet décidément récurrent — les femmes en tous genres, avec Anne Dufourmantelle, Marie-Hélène Bourcier (qui était mardi sur le plateau de Ce soir ou Jamais mercredi) et Catherine Vidal.
Tout ça me fait souvenir qu'adolescent on s'est souvent moqué de mon côté efféminé, les cils, des gestes et des façons de parler, moins visible maintenant que l'âge et la barbe m'ont fixé du côté de mes organes. Mais à la différence du personnage d'Emmanuelle Pagano ou de personnes dont il est question dans ces récentes émissions, il n'a jamais été question pour moi de près ou de loin ni de devenir ni de souhaiter être femme. Je n'ai pas eu de désir dans ce sens pour moi-même et j'en ai toujours eu pour des femmes, que j'ai désirées en tant qu'homme — sans pour autant vouloir toutes les posséder. Mais cela m'a rendu compréhensif, tolérant, peu enclin à la violence — c'est peut-être ce qu'il en reste.

Ce style télégraphique pour cause de soirée à la Vaubyessard — forcément à compléter.

Commentaires

1. Le vendredi 11 mai 2007 à 13:00, par caroline :

La valeur-travail me casse les oreilles. Je n'ai jamais eu autant envie de faire la sieste que depuis dimanche soir, 20h; Ça me prend à tout moment. La sieste comme acte de résistance ! la sieste comme symbole politique !
Pour ceux qui ne sont pas trop au point, je signale que je donne des cours de sieste, gratuitement. Plus de quarante ans d'expérience, capable de m'endormir sur un tabouret, à volonté... Vous ne rencontrerez pas plus grande experte que moi. Capable de vous apprendre à savourer le moment de basculement dans le sommeil, moment de jouissance intense qu'il faut savoir apprécier car, le sommeil, on ne s'y vautre pas n'importe comment, c'est un art d'y entrer. Vive la grasse matinée, vive la sieste, vive la France couchée !

2. Le vendredi 11 mai 2007 à 13:03, par caroline :

J'oubliais : si la jeune nageuse veut prendre sa retraite, elle a bien le droit. Des centaines et des milliers de kilomètres d'eau chlorée dans la gueule, elle a son compte. Et tant pis si on n'entend pas la Marseillaise autant de fois que le bon peuple le souhaiterait aux prochains jeux olympiques.On s'en fout !

3. Le vendredi 11 mai 2007 à 13:49, par brigetoun :

pour la nageuse, n'y-a-t-il pas aussi des histoires de contrat ? Le sport amateur est devenu une rareré qui ne se conçoit que de faible niveau et dans l'obscurité. Les athlètes admirés et applaudis sont un mélange de volonté personnelle, mais aussi de panneaux publicitaires animés pour marques et pays

4. Le vendredi 11 mai 2007 à 16:41, par Berlol :

Oui, et quand l'adolescente devenant adulte découvre tout ce à quoi elle sert sans véritablement pouvoir en profiter, il y a de quoi être "en colère" et vouloir changer la donne...

5. Le vendredi 11 mai 2007 à 19:05, par patapon :

Arrêtez la chasse aux sorcières, les mecs! Les bons et les méchants… Tu parles ! L’entraîneur n’est p.e. pas très sympathique, mais j’imagine qu’il n’a tout de même pas voté Hitler! Et se demander à tout bout de champ qui a voté quoi, c’est du néo-maccarthysme! (excuse ma mauvaise humeur, mais la suspicion rétrospective est un truc qui me met hors de mes gonds!)

6. Le vendredi 11 mai 2007 à 19:59, par Berlol :

En fait, quand il dit que c'est parce qu'elle ne veut pas travailler qu'elle part, il a parfaitement raison. Mais avec sa façon à lui de parler du travail, moi, il y a longtemps que je me serais enfui aux Marquises, voire plus loin, si y a... C'est pas d'aujourd'hui, ce refus, Gauguin, c'était pareil, déjà... C'est quoi cette assignation aux travaux forcés ! (Pour Hitler, c'est quand même un peu toi qui le ramènes, sur ce coup...)

7. Le vendredi 11 mai 2007 à 20:46, par caroline :

"Arbeit macht frei" ?

8. Le vendredi 11 mai 2007 à 21:21, par L. S. :

Un de mes amis dit que "le sport est la poésie du fascisme"....

9. Le vendredi 11 mai 2007 à 22:08, par f :

et pour une qui a les médailles combien de gamins qu'on met à l'eau chlorée de leurs 15 ans jusqu'à leurs 20 ans, dimanche inclus et la figure tutélaire de l'entraîneur prenant le pas sur tout le reste - ai eu quelques aperçus de ce monde et ça me rassure pas plus que les machines à pectoraux capables d'engloutir les livres

10. Le vendredi 11 mai 2007 à 23:22, par m sonnet :

zut alors, Manaudou éclabousse jusque là ! Dans 5 ans présidente...

11. Le samedi 12 mai 2007 à 00:11, par Em :

Je crois qu'on vit un moment où "dis-moi pour qui tu votes, je te dirai qui tu es" reste assez efficace, patapon. En tout cas, autour de moi (la France très très rurale et très très isolée) c'est assez vrai, on ne se trompe sur personne (à ce qu'on sait...) mais rassurez-vous, cela ne nous empêche pas de parler aux 70% de votants "à droite toute" qui nous entourent... ni de militer pour une gauche antilibérale et alternative pour les législatives, sans se faire insulter. Mais, quand même, cette élection aura eu cet effet : être à gauche ou à droite a désormais un sens, non ?

Berlol : comme ça me fait drôle d'être lue dans une salle de sport, endroit totalement inconnu et mystérieux pour moi ! Mais comme ça me fait plaisir ! Et d'ailleurs : il s'agit de modeler/travailler le corps, non ?

(...du moment que ce corps n'est pas soumis à des marques comme le dit brigetoun, car moi ce qui me fait peur dans "tout ça", ce n'est pas une droite décomplexée mais un libéralisme décomplexé, qui a déjà commencé avec la corruption passive de notre président par un groupe industriel, pilleur décomplexé de l'Afrique, fin de la parenthèse).

12. Le samedi 12 mai 2007 à 00:26, par f :

les routes enneigées d'ardèche au quotidien c'est pas mal sport non plus ? et d'accord avec em, le "libéralisme décomplexé" est une rupture avec la droite classique, c'est ce qui rend tellement ahurissant cet enfoncement volontaire du pays

13. Le samedi 12 mai 2007 à 00:47, par brigetoun :

elle a appris que, peu ou prou, dès que l'on veut non pas faire fortune, mais seulement faire vraiment ce que l'on a rêvé ou ce que l'on croit bon on se vend, le tout est de savoir jusqu'à quel point cela en vaut la peine

14. Le samedi 12 mai 2007 à 04:59, par m sonnet :

droite classique me fait penser à jupe plissée, cashmeere ras du cou, collier de perles et libéralisme décomplexé à polo ralph lauren (comme dit si bien Garcia) : de toutes façons on s'habille pas comme ça

15. Le samedi 12 mai 2007 à 05:37, par Célia Houdart :

Bonjour,
Je me permets de vous écrire sur les conseils de Constance Krebs. N'ayant pas votre adresse mail, je vous laisse un mot sur votre blog.
J'ai le projet de partir au Japon en 2008-2009 afin de réaliser un livre électronique. Il s'agirait d'un livre d'artiste : texte/dessins.
Je suis à la recherche d'un dessinateur ou graphiste japonais que cette collaboration pourrait intéresser. Auriez-vous des idées d'artistes à contacter ? Connaissez-vous Yugop ?
Je candidate en janvier prochain pour la Villa Kujoyama. L'idée serait de mettre à profit le temps de la résidence pour écrire et mener à bien ce projet. Et découvrir le Japon !
En vous remerciant de votre attention.
Cordialement

16. Le samedi 12 mai 2007 à 06:45, par Berlol :

Bonjour, Célia ! Voilà une première dans le genre ! Constance aurait pu vous donner mon adresse, tout de même... Je vous écris en privé. Et, d'avance, bienvenue au Japon !

17. Le dimanche 13 mai 2007 à 05:02, par Bikun :

Enfin, moi je ne cracherais pas sur la soupe quand même. Si on demandait à la demoiselle en question si elle regrette de ne pas avoir eu une "vie normale" à la place de sa vie de sportive et ses nombreuses médailles, je serais vraiment étonnée qu'elle dise oui. Elle sera sans doute très fière d'avoir accompli quelque chose d'extraordinaire, à côté des millions de gens frustrés qui passent une partie de leur temps à se plaindre qu'ils ont raté leur vie mais qui n'ont rien fait pour la changer.
Et quand je lis des choses comme "le sport est la poésie du fascisme", je crois franchement rêver! Je préfère me dire que cette phrase est complètement sortie de son contexte...

Certe on pourrait critiquer la compétition sportive à bien des niveaux et moi non plus je n'aime pas trop cela (par l'aspect destructeur qu'elle peut avoir sur la majorité) mais avouons tout de même qu'on s'exalte bien quand même un peu pour ces champions même si pour un vainqueur il y en a bien des vaincus à côté.

D'ailleurs, combien de "vaincus" dans les autres "compétitions"? beaucoup moins sportives? Les éclopés des compétitions dans l'éducation, dans le monde du travail...etc. On vit dans un monde de compétition et c'est peut-être ça le plus triste.

18. Le dimanche 13 mai 2007 à 05:07, par Bikun :

ajout: dans un monde qui devient de plus en plus orienté compétition à tous les niveaux, même dans les rapports amoureux.



Samedi 12 mai 2007. Ses yeux honteux, d'un orgasme.

Je vais m'occuper d'aujourd'hui, terrain vierge, avant de compléter hier, où il y a déjà pas mal de commentaires et où je vais peut-être me borner à ajouter la citation que j'envisageais... De plus, il vaut mieux que je consigne la matière flaubertible pendant qu'elle est encore tiède.
La Vaubyessard a déjà fait couler beaucoup d'encre, et pas que de la meilleure. Pour ce matin, je m'attacherai à trois objectifs essentiels : 1. montrer comment se prépare le « trou » dans la vie d'Emma ; 2. établir la construction alternée et impressionniste de ce chapitre 8 ; 3. voir avec les manuscrits le nettoyage qu'a subi la valse jouissive.
1. Quand l'invitation arrive, vers la fin du chapitre 7, c'est comme quelque chose d'extraordinaire qui tombe dans la vie d'Emma, confirmé fin chapitre 8 par le trou que ça a fait dans sa vie. Or dans le premier brouillon (195, en bas de page), c'est encore plus fort et plus personnel pour Flaubert (Cf. Autres observations, hallucinations expliquées à Taine), puisque c'est un trou comme un(e) obus(e) ! Parce qu'avant cela, Emma allait précisément se résigner à une vie d'ennui, enfermant dans la nostalgie les distributions de prix qui flattaient sa vanité mondaine et ses tentatives romantiques de susciter l'amour — il n'y aurait donc pas de roman. C'est la Vaubyessard qui relance — et tellement fort — la machine à rêver...
2. Amusant de regarder la construction : arrivée au château, dîner, quadrille et contredanse, souper, cotillon et valse, nuit et déjeuner, promenade et départ, soit une alternance de moments dynamiques (en rouge) et statiques (en bleu), avec au centre le souper que le texte fait disparaître (« Après le souper », suivi d'une rapide liste de plats et du départ du gros des invités) pour mieux faire contraster quadrille et valse, soit danse à l'ancienne, collective et sans contact physique, et danse moderne (pour l'époque), à deux et avec contact serré des danseurs. Si l'on constate qu'aucun protagoniste n'est décrit, que les scènes ne sont vues que par rapides taches de couleurs et reflets de lumières et que le seul autre thème pertinent est la noblesse et la fortune passées et actuelles de cette famille (ce qui sert la macro-économie du roman), il ne reste que la danse pour... lancer l'obus.
3. Emma ne sait pas walser, avec w dans les brouillons, elle a bien envie d'essayer. Quel est l'enjeu ? On voit bien un peu d'érotisme dans le texte, avec ces jambes « qui entraient l'une dans l'autre », le tourbillon d'une Emma « haletante »... Même pas de quoi scandaliser l'avocat impérial Ernest Pinard, qui, dans son célèbre Réquisitoire..., préférera s'offusquer de l'amant prêté à Marie-Antoinette. Or, c'est tout ce qui reste, avec quand même, si l'on sait lire, cette main que met à la fin Emma devant ses yeux honteux, d'un orgasme. D'un véritable orgasme, oui ! D'une Emma qui jouit en public ! Sans y avoir été préparée, évidemment. Dans le folio 217 des brouillons, première version, Flaubert lui donne un walseur bien barbu (viril) et bien noble (désirable), multiplie les détails érotiques, et écrit dans la marge, pour lui-même, entre parenthèses : « marquer qu'elle éjacule ». Il vous faut un dessin ? Et en prime, elle voit son cavalier repartir avec une autre, qui sait valser, celle-là ! (C'est dans le texte.) Eh bien, si ce n'est pas là le point de départ de Marguerite Duras pour le Ravissement de Lol V. Stein, je veux bien manger mon chapeau !...
Ça nous a fait une séance bien animée, à l'Institut franco-japonais, ce matin !

T. a préparé des sandwiches parce qu'on doit rapidement partir pour la cérémonie de deuxième anniversaire de la mort de son père. Rien de triste, au contraire. Le travail de deuil s'est bien fait, on suit le rituel, par respect.
On se retrouve à six, dont un petit garçon de neuf ans, tout sage, mon petit-neveu par alliance, et qui sera ensuite le plus heureux du restaurant choisi par T., même si ça détonne un peu après une cérémonie mortuaire, mais on n'est plus à ça près, et le père de T. était lui-même un original, puisqu'il s'agit d'un restaurant de ninjas, nommé Ninja, à Akasaka Mitsuke, pas loin du temple, où l'on revient après le passage au cimetière et de très belles photos de famille.
Apparemment, c'est assez connu.
Un ninja masqué vient nous guider dans des couloirs sans lumière, comme des grottes ou des souterrains, pour nous amener à notre recoin creusé dans la pierre, tout est peint en noir, moulé comme de la roche massive et éclairé a minima.
Les plats de notre menu Hanzou se succèdent, comme un kaiseki normal, mais avec des présentations raffinées, comme cette boîte d'où sort une fumée de glace d'azote et qui renferme un œuf en gelée dans une moitié de coquille à finir d'écaler sur un lit d'algues assaisonnées. La tempura de légumes, les morceaux de steack et les sushis, tout est excellent !
Après ça et nous être séparés sur le trottoir, T. et moi rentrons à pied, tranquillement, pour digérer, montant par Yotsuya et descendant par Ichigaya. Il n'a pas fait trop chaud, aujourd'hui.

Commentaires

1. Le dimanche 13 mai 2007 à 00:36, par brigetoun :

est ce la proximité de Flaubert (merci pour ce bal), votre dernière phrase est superbe (sans parenté de sujet, juste une fermeté sous jacente)



Dimanche 13 mai 2007. Des horaires, des frais, du baratin.

Il fait gris. On décidé d'aller tôt au centre de sport de Shibuya, histoire de se décharger de la tension d'hier et de la surcharge pondérale. Car il s'agit bien, oui, de modeler / travailler le corps, comme l'écrivait Emmanuelle en commentaire avant-hier. Vers la trentaine, suite à peu de sport et à beaucoup de chaises et fauteuils en compagnie de livres, j'avais quelques soucis de dos et le médecin qui voyait à la radio scoliose et lordose n'envisageait d'amélioration qu'avec des séances de kiné. Ce qui ne m'arrangeait pas du tout : ça fait des déplacements, des horaires, des frais, du baratin, des relations de dépendance, etc. Et puis une fois au Japon, comment trouver les soins équivalents ? Je me suis timidement tourné vers les salles de sport qui commençaient à se populariser, c'est-à-dire à offrir des tarifs raisonnables, sachant qu'avant c'était pour les riches et que les seuls frais d'inscription étaient rédhibitoires. Mais pas la piscine (trop toxique pour moi), ni les cours de studio (trop formatant). Et puis dès le début, avec un livre — ma sauvegarde, mon signe d'appartenance à autre chose que cet univers de sueur et de muscles... Je n'ai pas toujours été régulier comme maintenant mais déjà dans les années 90, j'avais constaté de l'amélioration. Quant au mal de dos, il est oublié depuis dix ans !
Après l'effort et la toilette, T. et moi déjeunons au restaurant du 9e étage du centre de sport, salade au thon et spaghettis carbonara. Nous constatons, comme on prend chaque fois la même chose, que la salade varie grandement en contenu et en volume selon la personne qui la prépare. Le signalons, puis à la réception en bas aussi, parce que le prix, lui, ne varie pas...

« Leur dispute de mâles matinale prend des prétextes d'adultes, des analyses géopolitiques. Ils défendent leur territoire. Les lacs sont artificiels, mais pas tous, les barrages étroits, les gorges verticales et les sucs ovales, le plateau si long, les éoliennes démesurées, mais combien de filles dans le périmètre.
Julien est en colère, sa glotte descend et remonte. Il est débout face à Joël. Leurs guerres me fatiguent, elles remontent à chaille, du temps des anciens, bien avant le barrage. Les filles ont toujours été habiles à renifler ailleurs, à s'inventer de nouvelles topographies.» (Emmanuelle Pagano, Les Adolescents troglodytes, p. 99)
Déjà que je ne suis pas arrivé à identifier (dans ma mémoire) le roman dont il est question à la page 78, voilà qu'il y a des mots inconnus ! Ceci dit, je suis d'accord, même si je ne crois pas que ce soit vrai...

En fin d'après-midi, après la sieste, je complète le billet resté en souffrance vendredi. Je prépare des billets pour le blog des cours, celui qui n'est pas public, dont je ne donne pas l'adresse, qui a des mots de passe à chaque catégorie et qui ne laisse commenter que les inscrits — tout le contraire d'ici, quoi ! (Et pédagogiquement, ça marche.)

Commentaires

1. Le dimanche 13 mai 2007 à 08:07, par Em :

On peut comprendre ce dont il s'agit sans connaître ou reconnaître ce livre*, non ?
Quand au patois local : tout le monde n'a pas la chance de parler Japonais... Plus sérieusement, des mots me viennent et après je me rends compte que ce n'est pas "du français" (souvent au moment des épreuves, corrigées par un parisien) alors j'essaie de traduire, mais si la traduction française est moins "parlante", je me garde ma langue !
Moi non plus je ne crois pas que ce soit vrai, mais ces filles dans la navette, celles de ce paysage rêvent juste un peu "plus loin" que les garçons.

* "Batailles dans la montagne" de Giono (pp.328 à 331, chap. "un reproducteur de première catégorie", éd. de poche, Folio) et p.80 c'est une allusion à "Notre dame des fleurs" de Genet (p.59, éd. de poche, Folio).

Je comprends ton idée de lire "histoire de ne pas perdre de temps" au centre de sport, moi j'écoute les podcast des radios en faisant le ménage (c'est moins bon pour le dos, mais les centres de sport ou même le kiné sont à chaille...).

Bon, allez, maintenant je n'interviens plus jusqu'à ce que tu le finisses, le bouquin, ça fait bête (je t'aurais bien dit tout ça par mail mais je n'ai pas trouvé ton adresse mail moi non plus... et pourtant moi aussi je tenterai bien la villa Kujoyama, mais je ne crois pas qu'on puisse y aller avec les enfants et d'ailleurs je me demande comment font certains, qui y sont et dont je sais qu'ils ont des enfants en bas âge, 4 mois sans les voir ?!!)

Bonne fin de lecture (couvre toi bien).

2. Le dimanche 13 mai 2007 à 09:30, par christine :

j'aime beaucoup découvrir des mots dans les livres (peut-être parce que ça me rappelle quand j'étais petite et que je les notais soigneusement dans un petit carnet, les mots nouveaux)

moi je connaissais "à chaille" (mes origines dauphinoises!) mais j'avais découvert dans votre livre, Em, qu'un "fayard" n'était pas seulement un éditeur mais aussi un arbre ! ce n'est même pas du patois mais en bonne citadine, je suis nulle en noms d'arbres, ce dont mon papa (né dans la campagne dauphinoise, lui) me fait honte régulièrement !

en revanche, pour prolonger les commentaires d'hier sur le sport, bien que citadine, aller dans une salle de sport pour pédaler sur un vélo, ou pire marcher sur un trottoir roulant (!) m'a toujours semblé être une activité hautement étrange (je n'ose écrire ridicule pour ne pas me montrer vexante) ... même (surtout?) avec un livre

3. Le dimanche 13 mai 2007 à 11:04, par Em :

Oui le fayard est le hêtre. Je connais moi aussi assez mal les arbres, mais j'apprends : ce serait comme ne pas connaître le nom des rues où j'habite... Pour les régionalismes, je suis encore plutôt marquée par ceux du golfe du lion et ceux de l'Aveyron que ceux du Dauphiné et je mélange, je touille...
Il y a quelques jours, regard ahuri d'un élève à qui je demandais de "quicher" dans la poubelle où il jetait quelque chose de volumineux : "et ben appuie pour diminuer le volume !". Il y a quelques années, je disais à une copine que son mec était un "roumègaïre", elle me dit : tu veux dire un "rouscailleur"!?
Mais le plus beau reste cette révélation de ma mère il y a peu en réponse à ceux qui disaient qu'il y avait trop de nature dans mon dernier livre : le mot "nature" est utilisé dans le patois de Aveyron pour désigner le sexe d'une femme.
J'adore découvrir comme vous des mots dans les livres, mais aussi et surtout autour de moi.
Dans le Sud avoir honte c'est se prendre "la care" ("putain la care qu'il s'est prise !") alors que dans le Dauphiné c'est la "latche"... ce qui me fascine c'est que les jeunes les utilisent encore, en font leur propre usage.
Je me régale de les écouter quand ils ne font pas "semblant" (des fois ils copient le langage formaté jeune, et là bof).

4. Le dimanche 13 mai 2007 à 14:37, par Berlol :

C'est à Giono que j'avais pensé en premier ! Je le jure ! Mais je l'ai lu il y a tellement longtemps, mes souvenirs sont à chaille ! (bien sûr, j'adore découvrir des mots, et même en faire, j'ai aussi fait des listes de mots nouveaux, etc. Donc, ce n'était pas reproche... et en effet, le savoir n'est pas nécessaire, mais c'est vanité du lecteur obsessionnel, classification Barthes.)

5. Le dimanche 13 mai 2007 à 16:30, par christine :

ce n'était pas une critique, berlol, juste l'envie de mettre mon grain de sel ... et pour le sport pareil, pas pour critiquer mais juste pour dire que je n'aime pas le sport, et encore moins l'injonction sociale permanente à en faire, et que ça ne va pas s'arranger si dès que j'allume la télé je vois "notre" nouveau président faire du jogging devant les caméras !



Lundi 14 mai 2007. La constellation où je m'active s'enrichit.

Au menu du jour et tout en français, deux films, un écrivain, un restaurant et une chanson.
Avions acheté il y a quelques semaines des billets pour Saint-Jacques... La Mecque (Coline Serreau, 2005) et nous décidons pour ce matin parce que ça va finir dans quelques jours. En route pour Ginza ! Ça me fait repenser à ma sœur qui vient de m'envoyer des photos de mon neveu de deux ans, elle qui a tant aimé Ginza !
Le film nous enchante littéralement. Non que ce soit un chef-d'œuvre mais une distraction pleine de profondeur et de justesse, où la diversité des personnages enfermés ensemble pour le pélerinage du Puy à Saint-Jacques produit de nombreuses péripéties sans tomber dans le grotesque. L'équilibre du vraisemblable tient aussi par des scènes oniriques qui ne font pas clip vidéo. Le thème de l'impossible réconciliation entre frères et sœurs ne laisse pas T. indifférente...

Filons vite (sans passer par la case Dalloyau) pour déjeuner au Saint-Martin, rejoints par un ami. Deux semaines sans mon poulet-frites, je commençais à paniquer. Après avoir raccompagné T.  à la maison, je déplie mon vélo, coiffe mon casque et vais au Tower Records de Shinjuku (20 minutes) pour chercher, au 9e étage, des dévédés de films à projeter en cours.
Il y en a beaucoup (ça prend du temps), mais finalement pas tant que ça et pas ceux dont T. a besoin. Tant pis, j'en prends six tout de même, trois récents et trois fils des années 60, dont Cléo de 5 à 7 (A. Varda, 1961), que j'ai déjà en cassette vidéo mais sans les suppléments du dévédé ni les sous-titres en japonais.
De retour — heureusement que je suis assis ! — j'ai un courriel de Jean-Charles Massera qui, ayant remarqué mon intérêt pour ses œuvres, m'envoie quelques nouveautés. J'ignorais qu'il me lisait et j'en reste tout chose — la constellation où je m'active s'enrichit, et je me sens moins seul...

« Chaque jour, nous rencontrons dans ces p’tits magasins à chier ou ces rues où on ne peut même plus mettre un pied devant l’autre, des hommes et des femmes qui souffrent de leur différence économique et sociale. Chaque jour, des responsables politiques, des militants d'associations et d'Organisations Non Gouvernementales, nous disent leur inquiétude, leur désarroi. Celles et ceux qui affrontent ces gros bœufs qu’on trimballe dans des p’tits bus ne savent souvent plus quoi faire. Aujourd’hui, un écart grandit entre celles et ceux qui essayent de s'adapter à ces gros bœufs, de profiter des évolutions technologiques et de la croissance dont bénéficient les pays riches, et une part croissante de la population d’Europe du Nord qu'on trimballe dans des p'tits bus, une population dont la dignité sociale se défait, une population qui a perdu tout idéal. Cet écart nous inquiète. Cet écart nous inquiète parce qu’il interroge toute conscience soucieuse de la dimension humaine de la vie.» (Jean-Charles Massera, Another Way Now pourrait supprimer 2800 villages d'ici cinq ans, joué à Lille l'an dernier)

Dîner avec sashimi de yuba, salade chaude de chou et tofu — T. se surpasse — en regardant un des dévédés achetés tout à l'heure, Mon petit doigt m'a dit... (Pascal Thomas, 2005, d'après Agatha Christie). Excellent, d'humour fin et de références discrètes. Après, on recherche sur YouTube l'air Je crois entendre encore des Pêcheurs de perles de Bizet, qui a une grande importance dans le film, surtout quand Catherine Frot a déjanté, et, comme quelque chose me le disait sans que j'y croie, on trouve l'enregistrement de Caruso... avec une tension dans la voix, voix épaisse par ailleurs, bien meilleure que les autres versions disponibles.
(À compléter, car j'oublie que les mots sont importants et qu'Antoine Volodine est sur Radio Prague...)


Mardi 15 mai 2007. Énervantes que rien les puisse dire.

Finalement, je ne suis pas très content du billet d'hier. Je n'ai pas réussi à rendre le plaisir de la moisson de dévédés, ni la surprise de joie simple et sans prétention de recevoir un courriel d'un auteur, ni l'insertion de sa citation, qui, bien qu'elle me plaise dans l'absolu, n'a pas d'échos dans le reste du billet, ni surtout notre excitation à rechercher l'air de Bizet. Écrit trop vite, le paragraphe laisse croire que nous savions parfaitement que c'était de Bizet, et des Pêcheurs de perles, alors qu'il n'en était rien. Nous avions juste déjà entendu cet air, T. et moi dans des contextes fort différents, nous en souvenant vaguement et en discutant, ce qui occupa une bonne partie de la soirée. C'est par la recherche des paroles retranscrites que nous en avons trouvé l'origine, puis les interprétations, Caruso me rappelant vaguement des disques de mon père tandis que T. se souvenait de cet air dans le film The Man who Cried, avec Johnny Depp dont elle est fan...
Mais bon, voilà, ça doit arriver de temps en temps, les aléas de la matière. Je me dois plus d'exigence, même si faut pas non plus en faire un fromage... (Là, au moins, j'ai des échos.)

Abymé à la mi-mai.
Le train, la vitesse dans le soleil, les copies corrigées, les deux cours, le ping-pong avec David — et fou-rire de 17h45. Et comme on ne rend pas dignement le flot d'une conversation avec Clotilde, je la passerai sous silence...

C'est d'une durée toute nuit dans l'encre
comme une vision future et des passés
flammèches sans durée ni saisie
énervantes que rien les puisse dire
et pourtant on attend — demain aux ornières
hier aux ravins
d'où de longues fougères qui ont tout leur temps
vous cherchent — des crosses

Commentaires

1. Le mercredi 16 mai 2007 à 00:39, par claudeb :

Et que fait-on quand on a lu le billet d'aujourd'hui? On relit celui d'hier, à la lumière des carences que tu as décrites. Genre: "Ah oui, c'est vrai, j'avais pas compris qu'ils savaient pas de qui était l'air de Bizet", mais aussi genre: "Il est sévère avec lui-même, on l'a sentie l'exaltation du choix des dvd." Jolie, la technique des aveux pour aiguiser les liens narratifs! En tant que lectrice récente - mais assidue - je tenais juste à ajouter que j'ai compris seulement aujourd'hui que l'illustration du journal littéréticulaire n'était pas une tomate farcie mais un papillon sur une fleur. Pardon. Pardon. Pardon.

2. Le mercredi 16 mai 2007 à 01:39, par brigetoun :

merci pour Jackson et Monks. Hier je suis restée bloquée sur le film, essayant de comprendre pourquoi vous l'aviez aimé

3. Le mercredi 16 mai 2007 à 05:51, par JFP :

dis-donc, c'est tout petit bout de lorgnette, mais je te vois, ens texte toujours impeccablement orthographié, écrire 'abîme' avec 'y', or cru un moment que c'était réputé faux, bien que vu dans maints dictionnaires dont Robert que non, alors quoi? 'y' ou pas 'y' ?

4. Le mercredi 16 mai 2007 à 06:11, par Berlol :

Ben, en fait "abîmé" a le sens de cassé, vieux, etc., tandis que "abymé" a le sens de "mise en abyme", relation spéculaire, miroir de soi ou d'autre chose... Et pis des fois, ça peut jouer sur les deux...
Merci, Claudeb, pour ces justes remarques de la situation aporétique dans laquelle je mets (intentionnellement ?) mes lecteurs. En même temps que je suis sincère sur ce mécontentement de ce que j'avais mal écrit, je vois que ça permet de pousser encore quelque chose de nouveau dans les relations déjà complexes entre l'auteur, le lecteur, le temps et l'interface. Mais il ne faut pas que ça devienne système, non plus. Merci en tout cas de m'avoir signalé votre présence.
Pour mon illustration, qui n'est il est vrai pas très réussie..., il y a une belle page de Jean-Claude Bourdais ici, vous verrez, ça vaut le détour !



Mercredi 16 mai 2007. Tout le monde a les cale-pieds, on dirait.

Quand je me lance dans une exploration youtubesque, je ne sais pas jusqu'à quelque heure ça ira — hier soir, c'était près de deux heures du matin. Je choisis soigneusement mes liens. Et — ça qui est merveilleux — je sais qu'en voyant l'adresse, personne ne peut savoir ce que c'est. On ouvre et si on veut on cherche le rapport, ou juste on écoute. C'est comme un jeu, et ça fait partie du billet — éventuellement jusqu'aux spécifications du matériel de bricolage...
Le pire, c'est que ça continue le matin. Enfin, si j'ai le temps...

Tranquille, un cours et deux réunions de comités où j'ai été nommé cette année — j'apprends que j'ai deux petits budgets pour des documents destinés aux étudiants non spécialistes de français (peut-être pour des mangas traduits en français, des petits guides touristiques, culturels ou culinaires, quelques films, on verra plus tard).

mes landes mes crêtes mes toundras
m'attendent — et je macère
à palabrer sur du skaï


Revenu au bureau, un peu de France Info. Tout le monde a les cale-pieds, on dirait. Le tapis rouge est déroulé dans la cour de l'Élysée. Allez, je me connecte à France 24 qui retransmet en direct la passation comme si c'était une rencontre sportive ou, déjà, l'ouverture de Cannes, avec quelques heures d'avance et un peu plus au Nord. Sont tous beaux, les journalistes bafouillent, s'essaient à des critiques dérisoires, tout est fait pour cirer des pompes, et soyons fiers de nos institutions, et il va lui transmettre les codes secrets du feu atomique, même que Mitterrand avait une fois oublié le papier avec les codes dans son pantalon parti chez le teinturier — qu'est-ce qu'on a eu chaud, ce jour-là. Pitoyable ! J'arrête ça et je m'en vais...

Dîner avec Andreas et Benoît au Paragon thaïlandais de Motoyama — chouette ambiance, le soir. De la bière et des épices, il est question d'Afrique, de Chine et du Laos, de La Grande Vadrouille et de Bruno Ganz, de nouveaux riches et de boulangeries, etc. — le tout en anglais.

Non, pas de littérature, aujourd'hui, c'est wild, hein !
Enfin, j'ai quand même enregistré les deux premières parties de Georges Didi-Huberman dans les Chemins de la connaissance, histoire de relever le niveau général.

Commentaires

1. Le jeudi 17 mai 2007 à 00:31, par brigetoun ou brigitte célérier :

France Culture n'est plus suportable qu'après 10 heures du soir. Pour You Tube vous êtes dangereux, j'ai découvert Hermeto Pascoal et regardé ses autres vidéos (j(aime beaucoup en plus minimaliste mais pas tant que ça Musica da Lagoa) et papilloné chez Tom Waits, mais heureusement pour le reste de la matinée je n'ai pas aimé Benassi. Pour notre impérator je le laisse à sa joie, et j'attends les actes (du côté amis journalistes entrant ou sortant c'est amusant)

2. Le jeudi 17 mai 2007 à 03:00, par Berlol :

Votre après-midi était sauve ! Ceci dit, je comprends votre réserve sur Bennassi, il y a pas mal de "mauvais goût"... mais tellement amusant !
Au-delà de la musique et du mixage, qui sont d'excellente qualité, Benassi s'illustre par un certain art du détournement, comme avec son Who's your Daddy, où l'on retrouvera ce que l'on disait la semaine dernière chez Taddeï de la récupération du porno, ou d'un art pornoïde...

3. Le jeudi 17 mai 2007 à 06:23, par claudeb :

La nature unique de la physaligrue si elle ne l'excuse du moins explique ma méprise. Et finalement, avec ma tomate farcie, j'étais bien dans le cadre d'un repas. C'est que tout se mange. "Après quoi beaucoup se retrouvent aux urgences. Le front bandé. Le fromage, ça fait tout digérer, sauf lui. Fromage qui marche tout seul." Leopold Bloom m'appelle, je retourne auprès de lui, sans avoir pu profiter vraiment du billet d'aujourd'hui sur ce vieil ordinateur qui n'ouvre pas youtube. Bonsoir.

4. Le samedi 19 mai 2007 à 08:50, par Laure L :

... dans la suite de l'addiction à YouTube & autres DailyMotions... :
www.zdnet.fr/actualites/i...

5. Le samedi 19 mai 2007 à 16:51, par Berlol :

Merci du lien, ça ne m'étonne pas ! J'ai vu d'autres articles dans le site puis j'ai atterri — rien à voir — dans Google Livres où j'ai cherché Guez de Balzac... Il y a en effet une édition de Lettres choisies mais avec des pages coupées, d'autres scannées de travers, d'autres aux marges rognées. C'est absolument n'importe quoi !
Dans l'Advertissement, on peut tout de même lire : "Je ne voy prefque perfonne qui s'explique mal ; & prefque perfonne qui penfe bien". C'est beau, ça, non ?



Jeudi 17 mai 2007. Remédier au sépia.

Comme on était dans les cale-pieds (pour ne pas dire starting-blocks, car voilà bien un mot de la LQR), j'aurais pu signaler — mais je ne les ai enregistrées que ce matin, raison pour laquelle ça trouve sa place aujourd'hui — les Histoires d'écoutes d'hier et de mercredi dernier, qui étaient de Jean-Charles Massera : Jordan et les boulets. C'est léger, ça passe bien, histoire d'ados pour ados — mais aussi pour adultes souhaitant comprendre quelque chose à leur progéniture, ou s'amuser dans la fantasmagorie contemporaine du réel des jeunes scolarisés. Et bellement mis en ondes.

Pendant ce temps-là, nous essuyons un gros grain orageux de moins d'une heure (comme jeudi dernier, bizarre, vous avec dit bizarre...). Après quoi, quand le soleil est revenu taper, c'est l'heure du déjeuner, je vais essayer le branchement de l'ordinateur portable sur le projecteur d'une nouvelle salle de classe, après avoir tout tenté des mois durant pour remédier au sépia de la salle précédente. Les clés, les boutons, les branchements se font différemment, ça prend quand même vingt minutes et il vaut mieux ne pas perdre le temps du séminaire à ça. Et tout se passe bien, enfin la couleur !
Je démonte et file au cours de prononciation, où on apprend l'heure — et ça tient en 80 minutes (y'a plus qu'à pratiquer) — avant de revenir réinstaller le matériel pour regarder une bonne moitié de La vie est un long fleuve tranquille. On s'arrête précisément à l'instant où le petit Maurice épie la conversation de ses vrais parents sur sa fausse sœur, la moitié de son visage étant symboliquement dans l'ombre...

Pendant ce temps, j'ai engrangé pour mes futures oreilles les Chemins de la connaissance, troisième partie avec Georges Didi-Huberman, et le Surpris par la nuit consacré à Paule Thévenin.

Au dîner, je coupe le son télévisé d'un film de lave urbaine pour écouter Ce soir ou Jamais de jeudi dernier (10 mai, oui, j'ai du retard...) qui s'avère excellent, peut-être le meilleur du trimestre, le sujet principal comme les deux sujets annexes étant servis par d'excellents invités. Ça commence avec le diktat de l'image de la séduction féminine tellement imbriqué aux vies à la fois des femmes et des hommes, avec Eve Ensler tout de même plus pertinente qu'Héléna Noguerra. Les relations Orient / Occident forment le plat de résistance, où les participants résistent, précisément, à la séduction des thèses simplistes comme Orient contre Occident ou choc des civilisations, préférant choc des identités (bof), pour Thierry Camous, ou choc des barbaries que propose Henry Laurens presque comme une boutade finale — mais tellement vrai, au fond. D'ailleurs, même si Nedim Gürsel et Gilles Veinstein ont des propos très intéressants, je trouve qu'Henry Laurens apporte chaque fois une parole plus convaincante encore. Il aurait d'ailleurs un peu cette forme séduisante du propos qu'avait Baudrillard, dont il est justement question dans la dernière partie, avec Ludovic Léonelli et Robert Maggiori — non d'une séduction qui embobine et emmoutonne, si je puis dire, mais de celles qui excitent et bouent les cafetières, même quand on n'est pas d'accord. Car il n'a jamais été question d'être essentiellement d'accord avec Baudrillard, même si ça arrive, presqu'accidentellement, mais avant tout de lui reconnaître à coup sûr cette capacité de produire du mouvement synaptique chez son prochain (sauf si le prochain en question est déjà fondu dans le torrent de lave capitaliste et consumériste — tiens, le film est fini et Tommy Lee Jones est encore vivant !).


Vendredi 18 mai 2007. Camisole de flanelle.

Avec le David en voiture matinale jusqu'à la gare pour rejoindre l'Alex de Kyoto sur le quai et monter dans le premier train (9h21). La conversation semble accélérer encore notre bolide, si bien que nous sommes rendus à Tokyo comme si c'était la station de métro suivante. Divers sujets sérieux ont été épuisés et laissés pour morts dans le wagon (collègues, cours, postes, élections et MouDem) et on en est — hilares — au jeu des car... Des mots qui commencent par car... et qui donnent l'occasion de jeux vaseux et vulgaires, du type carpette, je te la carre et ça te la pète. Il y a beaucoup de possibilités : carrefour, Karpov, etc.

On se calme un peu pour déjeuner au Saint-Martin avec T. qui sort de chez le coiffeur — poulets-frites des voyageurs. Puis on se sépare, les deux compères vont au congrès de l'association de pédagogie (en laquelle je ne crois plus), à l'université Meiji, tandis que T. et moi rentrons chez nous pour chronométrer l'intervention de T. demain et fignoler les liens web qui l'accompagneront.

Comprenne qui pourra... [Canapé flaubertible]
1  I, 2| ne pas vouloir porter de flanelle !~
2 II, 5| sapin qu'une camisole de flanelle ! Il a fait tant de bamboches
3 II, 8| vieilles ganaches en gilet de flanelle, et de bigotes à chaufferette
4 II, 11| et je ne porte pas de flanelle, je n'attrape aucun rhume,
5 III, 11| il retirait son gilet de flanelle, madame Homais restait,
Il s'agit bien sûr d'un copier-coller de la concordance du mot « flanelle » dans Madame Bovary, telle que la restitue le site IntraText. Chaque lien mène directement à la page de texte, pour les références à gauche, ou à la concordance d'un autre terme, pour les mots hyperliés. Le choix de ce mot, s'il n'est pas en rapport direct avec le cours en préparation pour demain matin, n'est pas dû au hasard. À l'instar des chapeaux, dont il nous manque une liste d'hyponymes en situation, la flanelle est, en une vedette économique, un marqueur des ridicules bourgeois contre lesquels Flaubert vitupère dans les marges des brouillons, même quand il n'en reste rien ou presque à la version finale.

Je vois bien la composition du gouvernement et le piège séduisant de se dire que finalement ça n'est peut-être pas si mal, je vois bien les médias qui jouent de la flûte aux politiques qui jouent de la flûte aux médias qui etc., je vois bien le courage de ceux qui ont traversé en vedette la rivière séparant le PS du clos Fillon — et qui devront peut-être le retraverser à la nage un jour d'hiver et de congères. Mais ça ne m'impressionne pas. C'est un défilé de mode qui administre une camisole chimique à des téléphages. Je retourne à ma haine d'Yonville...

Commentaires

1. Le vendredi 18 mai 2007 à 13:39, par jcb :

Flaubert, toujours Flaubert...
N'oublie pas pas Léo ferré ( "La vie est là, avec ses poumons de flanelle..."

2. Le vendredi 18 mai 2007 à 15:12, par Berlol :

Ah, c'est beau, ce mot de Ferré ! En fait, la flanelle court dans tout Flaubert, jusqu'à Bouvard et Pécuchet... ce dernier criant comme une victoire le fait d'avoir ôté la sienne sur le conseil de son nouvel ami (alors qu'il fait plus de 30 degrés dans Paris — c'est dire le carcan des usages et de la morale bourgeois d'alors contre le corps).

3. Le vendredi 18 mai 2007 à 20:04, par alain :

"...ah ! à propos si vous allez à Londres, est-ce que vous ne pourriez pas choisir une flanelle pour moi. J'en voudrais une... euh... marron ou bleue, avec des rayures blanches. Je crois qu'il n'y a pas de secrets en flanelle, c'est purement une question de prix. Est-ce que vous pouvez m'avancer l'argent ? Je vous rembourserai dès que je pourrai. Je voudrais un costume comme ça, ce genre de costume qui fait croire à la plupart des gens qui n'y connaissent rien que ceux qui les portent ont une élégance naturelle... Ils attribuent à la personne l'élégance qui appartient au costume. Alors tout se confond... Mike Jagger, René Biaggi..." dit Alexandre, dans La Maman et la Putain.



Samedi 19 mai 2007. Cette lézarde.

Cours à l'Institut franco-japonais / Canapé flaubertible.
Léon, le clerc de notaire de Madame Bovary, est un garçon qui n'apparaît pas seul : d'abord en contraste avec Binet, puis en ton sur ton avec Emma. Ils s'entendent sur des fadaises romantiques et rousseauistes (mer, montagne, couchers de soleil), sur la musique, sur les livres, etc. Tout cela est bien platonique et pourrait durer éternellement. Pourtant, Léon a des vues sur Emma. Et Emma se chope une lézarde...

« Quant à Emma, elle ne s'interrogea point pour savoir si elle l'aimait. L'amour, croyait-elle, devait arriver tout à coup, avec de grands éclats et des fulgurations, — ouragan des cieux qui tombe sur la vie, la bouleverse, arrache les volontés comme des feuilles et emporte à l'abîme le coeur entier. Elle ne savait pas que, sur la terrasse des maisons, la pluie fait des lacs quand les gouttières sont bouchées, et elle fût ainsi demeurée en sa sécurité, lorsqu'elle découvrit subitement une lézarde dans le mur.» (Gustave Flaubert, Madame Bovary, II, 4, fin du chapitre)

Extraits des notes du cours.
Fin Chapitre 4 : la lézarde (initialement en marge du 159v) représente donc une rupture de cette idéale éternité des bonnes mœurs et la possibilité d'écoulement des eaux accumulées...
Fin de chapitre = relance du suspense pour l'édition en revue.
Chapitre 5
: "Ce fut un dimanche..." matérialise le principe de la rupture en annonçant un événement. Emma s'irrite de la platitude de Charles dans une sorte de "volupté dépravée" (et acceptation de sa propre servitude) et soudain son regard se focalise sur un détail de la peau de Léon = matérialisation du désir par le rappel des lacs de montagne (hauteur de l'eau et énergie potentielle, voir déjà fol. 66, fol. 225, et toutes explications naturelles : fin du 148bis, 191v).
Mécaniquement, la déception de voir son mari comme un paysan (il a un couteau dans sa poche) crée un différentiel qui actionne le levier de "lâcher d'eau" du barrage de montagne.
Or cette lézarde qui se produit chez Emma (p. 125) était, pendant longtemps, dans les brouillons, développée (pas prévue, mais le thème était développé) pour Léon... Il y avait aussi l'épisode du gant, pour le fétiche, barré sur Copiste 158. Cf. évolution des brouillons 163, 166, etc.


Le cours fini, je pars au Congrès des profs, à deux stations de JR. Déjeuner avec quelques membres de l'Association japonaise des études hugoliennes (SJEH), chez Il Stagione, où T. est déjà installée avec son groupe pour mettre au point la table-ronde. Après le déjeuner, une bonne conversation avec Patapon, et la vérification du matériel dans la salle où T. interviendra, j'arrive en retard à la conférence de Pierre Pachet. Parler des morts, parler aux morts, voilà un titre peu engageant à première vue. Mais lorsqu'on entend que Pierre Pachet externalise son propos des dogmes religieux, qu'il considère historiquement, à l'appui des mythes et des tragédies grecques, la relation individuelle à ses morts et comment le langage s'en mêle. Que cette ontologie du langage prenne racine dans une personne que Pachet perdit trouve en nous son écho puisque T. parle régulièrement à son père alors qu'elle ne s'adresse guère à sa mère — le choix a son histoire, qui ne souffre pas la critique.

Pour moi qui étais arrivé au Japon en strict matérialiste athée, la souplesse des relations entre morts et vivants telle qu'elle se voit partout dans ce pays m'a permis de comprendre l'aide — cette lézarde, aussi — que parler aux morts, voire aux objets (aux oiseaux, aux chevaux, à l'occasion) apportait aux vivants, sans pour autant que ces derniers aient à croire à une âme, à un royaume au-delà ou à un quelconque retour à mériter, et sans qu'inversement l'adresse aux morts soit empreinte d'hypocrisie ou vécue dans l'indifférence que provoquerait la répétition des rites.

Suit une table-ronde, onze étages plus haut, sur l'innovation pédagogique, avec quatre intervenantes, une Française et trois Japonaises, dont T., en dernier. Les principes définitoires et opératoires de l'innovation que nous apporte Monique Le Lardic sont lumineux, suscitant tout de même une certaine animosité dans la salle du fait qu'elle n'entre pas dans le pratique ou l'exemple, au point qu'il lui sera demandé quelles innovations elle a elle-même réalisées dans ses classes... Ambiance. Mme Hashimoto présente excellemment, quoiqu'un peu longuement, ses pratiques innovantes à l'aide de TV5 Monde. Notre amie Manako traite d'exercices de récitation et de reconstitution de textes littéraires destinés à la mémoire et au plaisir du sens par l'oreille. Enfin, T. propose quelques pistes qui (lui) permettent de motiver au français des étudiants de différents niveaux — ça va de la grandeur des concombres aux maladies liées à l'amiante, en passant par le dernier record du TGV... (C'est moi qui, caché derrière la console, fait défiler les pages pendant qu'elle parle.)

Allons, le gros est fait. Reste à nous translater jusqu'au 23e étage de la Liberty Tower pour la réception officielle du Congrès. Retrouvailles nombreuses, par exemple avec Olivier, Vinteix, beaucoup de collègues japonais. Discussion sérieuse avec la représentante de TV5 Japon pour qu'elle vienne chez nous (à la fac) pour convaincre les ingénieurs d'ouvrir le firewall. Les plats sont plutôt bons et les fromages carrément excellents. En fait, c'est comme toujours, avec un verre ou une assiette à la main, on tourne entre les gens à voir et les gens à éviter.
On rentre à la maison à pied, histoire de digérer et s'aérer...

Commentaires

1. Le lundi 21 mai 2007 à 21:48, par vinteix :

C'est vrai qu'à ces réceptions, on papillonne à droite à gauche... ce qui n'est guère propice à des conversations plus nourries... même si le ventre l'est (nourri...), mais c'est au moins une bonne occasion de se revoir...
et d'ailleurs, tu avais vraiment un joli coton tige !

Sur le thème de P.Pachet, "Parler des morts, parler aux morts"... c'est pour moi comme une sorte de leitmotiv... (même si je ne suis pas allé à la conférence). Je crois que c'est J.Genet qui disait qu'on écrit pour les morts et je me souviens d'avoir entendu P.Michon dire à peu près la même chose, récitant au passage le poème de Baudelaire sur "la servante au grand coeur"... De toute façon, c'est un thème classique qui court en effet depuis la tragédie grecque et même Homère (l'épisode où Ulysse parle aux âmes des morts).

Je ne sais pas si Pachet a parlé d'un autre aspect, au-delà de la relation "personnelle" à "nos morts", qui concerne la littérature elle-même comme ancrée dans la mort, en relation avec des morts, dialogue par-delà la mort, ne serait-ce qu'en raison de tous ces livres écrits par des auteurs morts, tous ces dialogues entre écrivains par-delà la mort (fussent-ils amis comme Montaigne et La Boétie ou ne s'étant jamais rencontré comme Celan et Mandelstam), tous ces commentaires sur des écrivains, des oeuvres, etc. ; tous ces livres qui sont un peu comme des petits cercueils dans nos bibliothèques, comme disait Sartre. Cela me rappelle aussi ce passage sublime de "La Recherche" où Proust, décrivant la mort de Bergotte, parle des livres comme des anges :
"On l'enterra, mais, toute la nuit funèbre, aux vitrines éclairées, ses livres, disposés trois par trois veillaient comme des anges aux ailes déployées et semblaient pour celui qui n'était plus, le symbole de sa résurrection."
Sans parler d'éternité comme Borges, et tout en restant athée, on peut toutefois admettre que le texte, la parole écrite et d'une certaine façon l'auteur ne meurt pas à partir du moment où il trouve son destinataire, même et peut-être surtout un destinataire inconnu et lointain.

A propos de la relation aux morts au Japon, j'ai un peu le même sentiment ou la même impression que toi. Cette relation est assez aiguisée ici, comme si les frontières entre la vie et la mort étaient à la fois opaques et quelque peu translucides, un peu comme les "shôji", comme s'il l'on pouvait presque palper l'impalpable. Le Nô et tant de contes également ne sont que des histoires de passages du monde des vivants à celui des morts...

A bientôt en tout cas, dans ce monde-ci tout de même !

2. Le lundi 21 mai 2007 à 22:01, par Berlol :

Oui, tout de même ! Merci de tes commentaires, tous justes, je crois. Pour le coton-tige, c'est plus difficile à expliquer à nos lecteurs...



Dimanche 20 mai 2007. Bouchées soustraites aux plateaux qui passent et repassent.

Honneur à Makoto ! (T. appelle affectueusement son père par son prénom — ce qui me fait encore ressouvenir de paroles de Pierre Pachet hier...)

Très beau temps — trop beau pour aller au Congrès (dernier jour). Trop beau même pour le centre de sport. Idée lumineuse : sortir les vélos ! Et enfiler les costumes spéciaux (avec casque, pour moi). Comme toujours le dimanche, la circulation dans le centre est digne d'une lointaine province (alors que les habitants s'entassent sur les autoroutes extérieures). Parcours classique au début, de Kudanshita à Hibiya, par les avenues réservées aux vélos, puis jusqu'à Shimbashi, mais au lieu de revenir sur Ginza, nous obliquons vers Shiodome, faire découvrir à T. les nouvelles tours du front de mer, que j'avais vues avec nos invités de l'hiver, puis au marché au poisson de Tsukiji, fermé le dimanche comme il l'était déjà le 2 janvier, Tsukishima où nous déjeunons de monja-yaki (une première pour moi qui apprécie peu l'apparence de ces préparations mais finalement, ce n'est pas si mal) et où T. m'offre un T-shirt on ne peut plus local.
Retour par Nihombashi — arrêt au Mandarin Oriental pour quelques gâteaux à la très belle boutique et s'offrir le luxe de traverser un des hôtels 6 étoiles les plus chers du Japon (devant les voitures en attente, T. demande au groom où l'on rangerait les vélos — eh bien, ils seront considérés comme des bagages, répond-il très gentiment).

Thé, un gâteau, du repos et un bain. Nous nous préparons pour sortir bien habillés. À l'Ambassade de France, invitation des participants aux deux congrès. C'est la reprise d'une tradition, semble-t-il, qui avait cessé il y a quelques années (5 ou 6 ?). Notre ambassadeur, Gildas Le Lidec, est motivé et motivant, il accueille chaleureusement la soixantaine de personnes qui ont répondu à son invitation (sur plusieurs centaines qui étaient aux congrès ces trois derniers jours) et prononce un discours engagé, presque militant pour un rapprochement franco-japonais dans lequel l'enseignement n'est pas oublié — ce qui nous change agréablement du précédent ambassadeur, qui nous tenait pour epsilon et ne frayait qu'avec les milieux d'affaires (je ne trahis rien, c'est connu).
T. et moi sommes heureux de voir Laurence et Christian ensemble, Sophie me donne un disque d'Errances, groupe de rock qu'elle invite à l'automne, Bernard Cerquiglini me prie de donner le bonjour à Henri Béhar, et d'autres collègues avec lesquels j'ai plaisir à discuter entre deux bouchées soustraites aux plateaux qui passent et repassent, comme avec cet éminent proustien que j'interroge pour savoir s'il existera un jour pour Proust quelque chose comme le site des manuscrits de Madame Bovary à l'Université de Rouen — et qui me promet qu'un projet est en route.

Commentaires

1. Le lundi 21 mai 2007 à 15:04, par christian :

Tout le plaisir était pour nous!
Oui, cet ambassadeur est vraiment sympathique, il parle franc, est à l'écoute de tous. Je pense que c'est lui qui a remis en place cette réception qui avait été supprimée -grave erreur stratégique pour les relations franco-japonaises- par son prédécesseur.

2. Le mercredi 23 mai 2007 à 00:57, par Bikun :

Superbe la photo de ton reflet!!

3. Le mercredi 23 mai 2007 à 06:25, par Berlol :

Arigato ! Même que T. apparaît derrière, à droite, en embuscade !...

4. Le mercredi 23 mai 2007 à 14:27, par Bikun :

oui je la vois! T'as un joli casque et de belles lunettes et avec la barbichette et la déformation, ça te fait un look d'enfer!




Lundi 21 mai 2007. Émeut moyennement.

Repos, et mon coiffeur est fermé (comme toujours le lundi, mais je n'arrive pas à m'y faire).

Courses à Ginza en fin d'après-midi. Papeterie Ito-ya et dévédés chez Yamano Music.

En dînant, nous regardons Un Dimanche à la campagne (Tavernier, 1984). Nous émeut moyennement, même si l'on sait en voir la qualité. Un film ingrat, en quelque sorte.

Oui, pourquoi, ingrat, au fait ? Mais parce que sans héros positif, parce que sans trame à chute, parce que sans nécessité que ce soit ce dimanche-là plutôt qu'un autre. En fait, ce sont des qualités originales, celles précisément qui ont été primés, d'ailleurs. Elles sont visibles et reconnaissables, mais elles ne provoquent pas d'enthousiasme esthétique (au moins chez nous). Pire : elles font vibrer en chacun des cordes intérieures et familiales qui ne produisent pas un son agréable — à moins d'avoir eu une enfance et une vie merveilleuses de bout en bout, sans aucune rancœur contre qui ou quoi que ce soit, ce qui doit être fort rare, à moins d'être amnésique.

Commentaires

1. Le lundi 21 mai 2007 à 15:34, par patapon :

Film ingrat? Allons, n'aimez-vous pas Sabine Azema ? Je dois dire qu'elle est au pantheon de mes admirations... mais cela n'engage que moi.
Heureux de vous avoir vus l'autre jour: la communication vivante et lumineuse de T. m'a bien plu, car je me suis dit: enfin du concret! (et je te trouve un peu indulgent pour la 1e intervention: "innovons, innovons", certes, mais si on ne dit pas concretement en quoi, cela fait penser aux choeurs d'opera qui chantent "marchons, marchons" sans bouger d'un pouce.)

2. Le lundi 21 mai 2007 à 19:26, par patapon :

Ah oui, j'oubliais... au pantheon de mes admirations, il n'y a pas seulement Sabine Azema, il y a aussi... Monet, et dimanche, avant de prendre le train je me suis rendu au Kokuritsu shin bijutsukan (metro Nogizaka, acces direct aux guichets). Magnifique expo ! Allez-y

3. Le mardi 22 mai 2007 à 13:16, par brigetoun :

j'essaie de me souvenir. Est ce que le film n'est pas sorti presqu'à l'époque de la grande exposition Seurat ? Ce pouvait être l'air du temps. Parce que je me souviens d'y avoir pris plaisir



Mardi 22 mai 2007. La pâte du terrain et du climat.

En train pour un peu moins de deux heures, je réécoute une partie de mon cours de samedi matin, puis ce que j'ai enregistré de la conférence de Pierre Pachet l'après-midi. J'ai l'impression d'avoir fait des progrès élocutoires, avec moins de euh... et des phrases correctement formées et fermées. Même si Pachet fait mieux que moi, grâce au détachement de l'expérience, peut-être. Enfin, je compare parce que ce sont deux enregistrements qui se suivent dans la boîte. Sinon, ça ne me viendrait pas à l'idée, Johnny...

Après mes deux cours et un moment passé avec David sur sa déception de vendredi, et puisqu'il n'a pas le temps pour un ping-pong, je regarde Les Âmes fortes (Raoul Ruiz, 2001) dont le dévédé est arrivé ce matin (en retard sur la commande précédente, aux frais d'Amazon). Alors que je sais que j'ai lu ce livre il y a longtemps, sans doute une vingtaine d'années, j'en retrouve un peu l'ambiance, ou ce qu'il en reste dans mon souvenir, mais aucune mémoire de l'histoire, juste son cadre, la veille funèbre des vieilles dames. Jean Giono avait ce talent d'ambiances et de cadres naturels qui dominaient souvent ses héros, les modelant dans la pâte du terrain et du climat — ce à quoi le film n'arrive pas, trop centré qu'il est sur l'image de Lætitia Casta. Pourquoi faut-il qu'on la reconnaisse quand elle a 85 ans ? Cela est tout à fait stupide. Il aurait mieux valu prendre une digne vieille dame qui aurait paru beaucoup mieux que ce visage bouffi et statique. La même, jeune, arrive d'ailleurs à quelques œillades, à balancer quelques répliques mais on ne peut pas vraiment parler d'une bonne actrice. Était-ce pour Ruiz un travail alimentaire ? En tout cas, Giono ne méritait pas ça...

En dînant, je vois Ce soir ou Jamais d'hier, sur le plaisir de tuer, précédé d'une interview de Sinead O'Connor. Intéressant, mais sans plus. Il est temps que je me remette à la littérature directe car :

« Quel rapport avec ce site Internet : nous abandonnons à nos éditeurs des droits pour chaque livre qui continueront jusqu'à soixante-dix ans après nous. Quel prodige, en ces temps où tout dégringole si vite. Et quand on migre d'éditeur, on laisse la part la plus vitale de nous-mêmes à des établissements qui probablement nous ont rayé de leur carte affective. Comme on réécrit sans cesse le même territoire, on recommence à côté ce qu'on a creusé d'abord à tel endroit, et à mesure que la liste des titres s'allonge on a l'impression d'un terrain tout rempli de trous. Si la donne était celle de Balzac, je crois que j'aurais publié cinq livres, un concernerait l'usine, un concernerait le garage, un autre probablement accumulerait des paysages, et il y aurait en complément une sorte de dictionnaire sans bords, où on trouverait pour entrée des noms d'écrivains (comme ici Balzac et Proust), des noms de musiciens (et peu importe si les noms de Keith Richards, John Bonham ou Bob Dylan, si c'est ma trilogie en cours, ouvriraient à 600 pages chacun), des peintres et des lieux, villes, dates – je rêve aujourd'hui de ce dictionnaire, et peut-être c'est ma meilleure allégorie pour définir le site tel que progressivement il se développe.» (Extrait de la page Six Fragments de nuit, François Bon, mai 2007)

Commentaires

1. Le mardi 22 mai 2007 à 12:06, par F :

ah tiens, le décalage horaire s'est accentué nettement, on dirait...

les oreilles de ton blog ont dû te corner ce mardi 22 mai à 20h15 heures françaises on t'évoquait à la BNF (ça te parviendra dans 8 jours...)

2. Le mardi 22 mai 2007 à 14:31, par christine :

je confirme ! mais les blogs ont-ils des oreilles ?
... passez avant dimanche, F, pour amender le cas échéant mon interprétation de vos propos

3. Le mardi 22 mai 2007 à 15:01, par Berlol :

J'étais un peu out, ces derniers jours. Avec retard des billets, stress de fatigue et perte de motivation. Je me refais et vous êtes ma thérapie.

4. Le mardi 22 mai 2007 à 15:22, par christine :

comme tu y vas ... je veux bien être un placebo, à la limite, mais je ne me sens pas très "thérapie" : je suis un peu out aussi et pas très motivée non plus, par les temps qui courent (comme les présidents en total look Nike)

5. Le mardi 22 mai 2007 à 16:00, par Berlol :

T'inquiètes, c'est une métaphore. Tu veux bien être une métaphore ? Mais c'était quoi cet entretien dont vous parlez ? Tu m'écris en privé ?

6. Le mardi 22 mai 2007 à 16:18, par christine :

je veux bien être une métaphore, j'aime beaucoup les métaphores et leur côté fuyant !
je t'envoie un petit mot en privé ... rapide car le marchand de sable ne va pas tarder à passer (même les métaphores ont hélas besoin de dormir un peu parfois)

7. Le mardi 22 mai 2007 à 16:19, par Berlol :

Arigato mucho !

8. Le mardi 22 mai 2007 à 20:47, par F :

il s'agissait de "les avenirs du livre" à la BNF, en insistant sur le pluriel et il y avait quelques blogueurs de choix dans l'assistance (et 15' pour parler, ce qui est peu)

bonjour à Johnny, et 3 hokarons sur le moral

9. Le mardi 22 mai 2007 à 21:00, par grapheus tis :

Que se passe-t-il donc à la BNF ?
Y parlerait-on enfin des salons littéraires qui sont dans l'Internet ?
Giono et le cinéma ? Tout un tohu bohu !
Même quand ce fut lui qui filmait. Moi, je me grapille des images parmi les réalisateurs, les bons - Rappeneau, Ruiz -, les moins bons - Pagnol, Camus - et je me remonte un mien film en relisant...
"Out", aussi ! Ce doit être dans les astres internautes.

10. Le mercredi 23 mai 2007 à 00:13, par Berlol :

Si on est tous out, y'a qu'à ouvrir un club !...



Mercredi 23 mai 2007. Aucun moyen de retour.

On m'envie, merci Laure ! On parle de moi, merci Christine et François ! Mais au lieu de faire le fier, cette occasion de rouvrir ma fenêtre sur le monde m'incite à quelques précisions...
La frustration — je dis bien — de n'être pas en France, et notamment à Paris, pour la vie littéraire, est immense. Immense ! Incommensurable ! Et ce, depuis au moins dix ans. Disons, passées les premières années d'excitation au Japon. Dans le même temps, le plaisir d'être au Japon est grand, inégalable, et, de plus, source d'une originalité que je cultive, et qui ne serait peut-être tout simplement pas visible si j'étais en France, soit que je n'aie pas assez de talent, mot à la mode, soit que je ne sache pas le mettre en avant, car je répugnerai toujours à l'idée d'aller me vendre où que ce soit. Ce mouvement en avant, cette sortie des rangs, le Japon le fait pour moi. N'étant pas fonctionnaire de l'Éducation nationale ni rattaché à aucun corps hexagonal, je n'ai d'ailleurs aucun moyen de retour. Prémonition ? J'écoutais ça en boucle pendant les premiers mois à Tokyo...
Observateur d'un monde littéraire du cerveau droit et donquichottesquement reclus dans mon cerveau gauche, je n'ai eu pendant toutes ces années ni projet d'écrire des livres (vu le mépris que m'inspiraient ceux qu'autour de moi on s'autorisait à publier après quelques mois de Japon), ni envie — encore moins — d'entrer en contact avec des éditeurs, engeance détestable, je l'ai déjà écrit.
Écrire & être lu, c'est tout ce que je voulais. Et que l'éperluette ne soit pas cette sale machine éditoriale, car même Lindon m'avait déçu (avant même d'avoir connaissance des mésaventures de Marie, de Frédérique, de François — à qui je souhaite, au passage, un bon anniversaire —, de Jean ou d'Alain). Voilà ce que je voulais et qui était impossible... jusqu'au Journal littéréticulaire.
Paradoxalement, je me suis beaucoup adouci depuis au sujet des éditeurs, j'en ai même rencontré, connu, et je serais prêt à dire, sous la torture, qu'il n'y en a pas que de mauvais.
C'est pourquoi j'écris tous les jours : par mon temps qui coule, la frustration sécrète sa bile, que je transmute en l'or des billets quotidiens.
Maintenant que vous avez mon moteur, cherchez mon carburant !...

Colombani, la fin d'un monde ! Enfin une bonne nouvelle en provenance de la presse française ! Mais partira-t-il ? Et quoi, après ? Ne sera-ce pas pire ?...

Une très belle journée. La parfaite combinaison température, lumière, air agitant les feuillages dans le parc de l'université. Un seul cours et pas de réunion. Je règle cet après-midi une quantité phénoménale de courriers. Corrigeant des copies, j'écoute le très instructif Arrêt sur Images de la semaine dernière, sur les mots et expressions dominants de la campagne présidentielle — Dieu que ce Guaino ne me plaît pas !
Et je trouve enfin le temps d'installer un plug-in pour la lecture audio (pour le JLR version blog, pas compatible avec la version html)... Le but étant, par exemple, d'insérer une plage flaubertible (où baigner ses oreilles), au hasard celle du 12 mai. Mais c'est vraiment pour celles et ceux qui ont du temps à perdre. Ou qui aiment Flaubert... Quoique... Comment saurais-je si je l'ai bien servi ? Allez, allez ! pas de fausse modestie. Je suis bien content de ce que je fais en cours... On tiendra compte tout de même du fait que je parle à des étudiants japonais.

Revenu à la maison, prêt à aller au centre de sport, je m'aperçois que j'ai laissé ma carte de membre au bureau. Comme il est déjà sept heures, je laisse tomber pour aujourd'hui. Tant pis pour Emmanuelle Pagano que je comptais bien avancer, voire finir. Remis à demain.

« Hier je pouvais suivre les contours de ses mouvements pendant qu'il parlait. Ses muscles sont longs, pleins. Il a des muscles de travailleur, pas des muscles de salle de sport, et ça me touche.» (Emmanuelle Pagano, Les Adolescents troglodytes, p. 125)
Là, je voudrais pas dire, Emmanuelle, mais vu que tu disais l'autre jour que tu n'avais jamais mis les pieds dans une salle de sport, je ne suis pas sûr que tu puisses bien faire la différence. Outre cette taquinerie, je comprends très bien la distinction faite et sa valeur argumentaire. Je vais d'ailleurs continuer ma lecture au lit, tous muscles au repos.

Commentaires

1. Le mercredi 23 mai 2007 à 08:09, par Em :

Ah si : tout ce que j'écris est "vrai" ou plutôt "vu", "senti" etc, je n'invente rien... je ne suis jamais entrée dans une salle de sport, oui, mais : j'ai déjà vu (et senti, touché, etc) des muscles d'hommes y étant entrés, et des muscles de "travailleurs" aussi (spécialement travailleurs sur cordes, de bûcherons). Mais ceci dit je suis sûre que dans une salle de sport, il s'y joue plein de choses dont un romancier ferait des trucs chouettes : du moment que c'est justement le corps qui est en jeu...

2. Le mercredi 23 mai 2007 à 13:40, par Laure L :

... Oui oui, vraiment ! Et surtout on a grand plaisir à lire tes billets, chaque jour car tu as une qualité rare : il n'y a pas de pose dans ce que tu fais. C'est de l'écriture et de la générosité. Et de l'humour et de la vie... C'est tout.
J'en parlais tout à l'heure avec Tarik Noui qui partage ce point de vue.
Bon, moi aussi je suis censée fréquenter ma salle de sports demain à l'aube... mais en plein bouclage donc rentrant à pas d'heure et sirotant du Sancerre (en fumant des Muratti, mmmm, tout cela est très politiquement incorrect), suspens du soir : Y arriverais-je ?
Tu vois, j'en dis plus sur ton blog que sur le mien...

3. Le mercredi 23 mai 2007 à 14:32, par une métaphore :

moi aussi j'envie ta discipline quotidienne, berlol, moi aussi j'aime te lire (et pas seulement parce que tu écris de Cipango je crois), moi aussi j'en dis souvent plus sur ton blog que sur le mien, moi aussi je rentre trop tard, moi aussi j'adore les paresseux, et cultive mes névroses, mes tocs, mes phobies et mes secrets (et j'aime bien aussi la façon dont vous parlez des votres, Laure) ... mais moi non plus je ne fréquente pas les salles de sport, surtout à l'aube !

4. Le mercredi 23 mai 2007 à 22:19, par brigetoun :

une belle analyse.
Oh ! et est ce parce qu'il ne saurait y avoir plus éloigné que moi des salles de sport que je trouve la phrase d'Emmanuelle Pagano lumineuse ?

5. Le mercredi 23 mai 2007 à 22:53, par em :

Mais quand même d'ailleurs comment tu fais ? J'ai cru comprendre que tu as des enfants ? Ecrire, travailler, s'occuper des gosses, lire (lire, lire), tenir la maison propre, le linge tout ça + un billet chaque jour ! Non moi j'admire mais je ne suis pas jalouse de ça, moi c'est vivre au Japon qui me fascine, sans moyen de retour !!!

6. Le mercredi 23 mai 2007 à 23:53, par Laure L :

... j'ai évidemment loupé la salle de sports mais j'y vais demain, promis ! (Quand je pense que je ne fais pas un billet par jour... et le linge tout ça, hum, hum...)

7. Le jeudi 24 mai 2007 à 00:40, par Berlol :

Des enfants ? Oui, une cinquantaine. Par an. Mais pas de moi...

8. Le jeudi 24 mai 2007 à 00:56, par Marc Villemain :

Tout de même, et quelles que soient les raisons qui vous y poussent, votre assiduité est en effet assez remarquable. Chapeau bas.

Un mot d'étonnement : êtes-vous à ce point incommensurablement frustré de ne pas être en France pour sa vie littéraire ?!? C'est difficile à croire, tant celle-ci se résume bien souvent à un mélange de fric et de spectacle mondain. Et pour ce qui est de la littérature, vous y avez semble-t-il largement accès. Mais je comprends qu'on puisse éprouver un peu la nostalgie de ce petit monde tutoyant : après tout, ces agissements et gesticulations peuvent être plaisants. Ne regrettez rien, toutefois, car c'est de pire en pire. Et de littérature, ici, il est de moins en moins question.

MV

9. Le jeudi 24 mai 2007 à 01:16, par Em :

Désolée désolée pour les enfants j'ai confondu avec un autre exilé au japon... (moi j'en ai entre 300 et 400 par an qui sont "pas de moi", ils sont du même âge que les miens alors je sature !).

10. Le jeudi 24 mai 2007 à 01:23, par Berlol :

Merci, Marc. Mais vous savez, quand je parle de vie littéraire, je ne pense guère à ce qui en passe dans les médias ou au moment des Prix. Il y a beaucoup de colloques (j'ai la faiblesse d'être universitaire), de conférences, de lectures, et puis un peu grâce à ce journal, j'ai pu entrer en contact avec des auteur(e)s que j'apprécie, qui ne sont pas toujours des plus connus (à tort, bien entendu), et avec qui j'aimerais passer quelques moments de temps en temps... Pour le reste, vous avez en partie raison, même si je ne dirais pas que c'est de pire en pire.

11. Le jeudi 24 mai 2007 à 02:01, par Marc Villemain :

Je ne vous aurais évidemment pas fait l'offense de vous associer au triste spectacle que j'évoquais !
Vous avez également raison de me reprendre : non, ce n'est pas de pire en pire ; juste la continuation du pire, le petit paysage qui s'étiole doucettement, l'air de rien.
Et j'ai la faiblesse, moi, de ne pas être universitaire...

12. Le jeudi 24 mai 2007 à 03:37, par Berlol :

Nobody's perfect ! Quoi qu'il en soit, je vous lis aussi avec plaisir.



Jeudi 24 mai 2007. Haletant de sueur et de neige.

Encore une journée merveilleuse (météo). Malgré trois cours (qui se passent bien, mais ça fatigue).

En lisant en pédalant.
Enfin au centre de sport ! Je pédale quarante minutes, haletant de sueur et de neige, puis sur la machine des marches, puis sur celle des abdominaux, forçant moi aussi la porte de la grotte...
« Je sais pas ce qui m'arrive, je me sens chargée de nostalgie, une nostalgie pas belle à voir, aigre, exiguë. Je me replie. Je me sens menacée, épiée, mise de côté. Je me sens aussi mal qu'avec mon ancien corps, comme si je pouvais être mal dans mon paysage. C'est n'importe quoi.
Mon frère m'a dit que les micro-minages créent des faiblesses dans la roche, que la travailler la rend instable, et que pourtant il faut le faire pour la consolider. Il m'a dit qu'en confortant les falaises on ne fait que retarder ou maîtriser à peu près l'effondrement, parce que tout surveiller prendrait trop de temps, ils s'acharnent des mois, un an, sur le même bloc, et à leur fatigue s'ajoute les limites du budget départemental.» (Emmanuelle Pagano, Les Adolescents troglodytes, p. 174)
Le malaise répété par le texte sur une vingtaine de pages était bien prémonitoire. Depuis « Je change de radio » (p. 152) et l'écoute d'une répétition d'orchestre qui ne peut pas ne pas être aussi la mise en abyme d'un collectif à gérer, je suis attentif à tous les processus narrés. Or celui des micro-minages est particulièrement intéressant lorsqu'on le considère en même temps comme une technique d'écriture. Le texte a des confortements, des encorbellements, mais qui vont tout de même vers un effondrement.
Superbe ! Félicitations ! Il me reste encore quelques pages pour tout à l'heure, et emporter la fin de l'histoire dans mon sommeil...

En dînant en écoutant.
Excellente édition de Ce soir ou Jamais ! Pas celle de mardi, tout juste moyenne, mais celle du 16 mai, que j'écoute presque deux fois tant il s'y dit de choses intéressantes sur le sarkozysme naissant, inspiré de Mazarin et plus encore de Nicolas Machiavel. Il a également été plusieurs fois question de Bernard Kouchner, accusé d'opportunisme.

« Madame Merkel, elle aurait été sur le yacht de M. Bolloré, elle aurait dû démissionner tout de suite ! » (Edwy Plenel)
« Droite décomplexée, c'est droite dominatrice et droite brutale.» (Alain de Benoist)
« On joue sur le vieillissement de la population. [...] Le cœur de son électorat, c'est plutôt la maison de retraite d'un gros bourg de province. Et c'est ni la Marseillaise ni le Chant des partisans, sa chanson ; l'hymne républicain de Sarkozy, c'est la Danse des canards (Philippe Corcuff)
« Ça nous promet une belle présidence de parvenus et de nouveaux riches. C'est le Second Empire. Relisons le 18 Brumaire de Louis-Napoléon Bonaparte, et puis tous ces gens autour de Louis-Napoléon qui vont faire la fête impériale, etc., etc. Ça nous promet de bons moments dans le genre de la France qui se couche tard, et qui va rencontrer la France qui se lève tôt, sans doute dans le métro le matin...» [...] « Je ne me repens de rien.» (Daniel Lindenberg)
« Médias partout, infos nulle part.» (récent slogan anti-Sarkozy rappelé par Edwy Plenel)
La victoire de Sarkozy est une chance pour la gauche... (dit à peu près en ces termes par Dominique Wolton et Edwy Plenel.)

Commentaires

1. Le jeudi 24 mai 2007 à 11:47, par brigetoun :

et me voilà fulminante une fois de plus. Zut pour les retraités de province, et les jeunes loups aux dents longues alors ! Cette manie des journalistes de nous mettre tous dans des cases. Bon je sais c'est un détail sans importance mais ça m'agaaaaace

2. Le jeudi 24 mai 2007 à 12:37, par christine :

ne fulminez pas, brigetoun, cela veut dire que vous faites partie d'une minorité atypique (ce qui est plutôt flatteur) ... alors que moi dans ma tranche d'âge et d'activité fonctionnaire et culturelle j'ai voté de manière désespérément conforme (ce qui est vexant) mais tout même minoritaire au final (ce qui est navrant) !

3. Le jeudi 24 mai 2007 à 15:30, par Bikun :

Que le nouveau gouvernement donne l'image d'une France qui veut gagner certes, je crois que n'importe quel mortel ne souhaite qu'une chose c'est améliorer sa condition. Mon souci est plutôt que cette droite et ce qu'elle représente c'est l'argent pour l'argent, et basta du reste. Personnellement je trouve qu'on devrait maintenant dépasser le simple discours droite-gauche, on a surtout besoin de "spécialistes" pour régler les problèmes et que si nos "experts" politiques s'attaquaient aux projets plutôt qu'à leurs ambitions, on avancerait mieux. La gauche est autant pourrie que la droite, y'a qu'à voir le bouquin qui vient de sortir sur le couple Royal-Hollande...à moins que ce ne soit qu'un tissu de mensonges la encore. Mais a qui faire confiance maintenant?

4. Le jeudi 24 mai 2007 à 16:01, par Berlol :

"À qui faire confiance ?" est en effet la question de base en politique. Comme chacun des citoyens a des désirs et volontés différents de ceux de son voisin, l'homo politicus doit inspirer confiance à une majorité d'individus dont il prétend pouvoir satisfaire une majorité de désirs et de volontés... qu'il ne connaît que sommairement — quand il s'en enquiert, ce qui est rarement le cas : ce sont plutôt les gens qui adaptent leurs desideratas aux promesses d'un candidat en croyant — se faisant croire à eux-mêmes — que ça correspond, se leurrant donc eux-mêmes, la plupart du temps. De plus, dès qu'il est au pouvoir, les contraintes et les acteurs dominants de la vie économique et sociale ont tendance à prendre le dessus, quand ce ne sont pas les pulsions profondes que le pouvoir libère...

Que Brigetoun m'excuse, mais Philippe Corcuff n'est pas journaliste. C'est un sociologue de renom dont les travaux devraient inspirer confiance...

5. Le jeudi 24 mai 2007 à 16:39, par Bikun :

Belle réponse Berlol...me donne franchement l'impression de vivre dans une matrice! Alors, the blue pill or the red pill?!!



Vendredi 25 mai 2007. Rien n'enlève l'opaque.

Je l'ai téléchargée hier, écoutée ce matin alors qu'elle date de vendredi dernier, quand le poulet-frites, la flanelle et la composition du gouvernement m'empêchaient d'ouvrir les oreilles à cette émission. Elle venait même avant que Pierre Pachet ne parle de parler aux morts. Il s'agit des Vendredis de la philosophie consacrés au deuil, avec Jacques Darras, Michel Deguy et Laurie Laufer. C'est qu'il faut en parler, et si possible sans tomber dans la mélancolie de ce qui vient pour soi.

Débarrassé de ses chocolats qui commençaient aussi à me peser sur le foie, JCB est libre. Notre ami et voisin de constellation littéréticulaire s'est libéré d'une nauséeuse téléologie (Cf. Sartre) qu'il avait lui-même mise en place pour orchestrer l'arrêt de son blog — et qui pouvait être autant son désir d'en finir avec ça qu'un reflet projeté de sa propre mort. Le premier billet de son élargissement revient sur la thématique de la pente fatale au travers des anniversaires, le sien embusqué derrière ceux de Pierre Bergounioux. L'évolution positive réside à mon avis dans le fait que si l'on voit fondre les chocolats dans l'obnubilation du terme du rebours, on ne peut en revanche assigner de fin à l'ubac, même si rien n'enlève l'opaque d'une disparition évidente. Joyeux anniversaire, cher JCB ! Et longue vie !

Très belle rencontre de Jean Échenoz avec des élèves de Lausanne ! En deux parties, lundi et mardi, Entre les lignes nous offre de passionnants échanges centrés sur Cherokee, roman de 1983 qui reste d'une superbe contemporanéité... d'écriture.
[Canapé flaubertible]
Quant à ma petite journée, elle consiste en ménage et courriers, déjeuner avec David et un collègue japonais au Downey, puis translation ferroviaire de 350 kilomètres vers le Nord-Est pour rejoindre T. et préparer le cours de demain matin. En fait, la préparation commence dès le métro, puis sur le quai du shinkansen en relisant les pages qui précèdent les comices agricoles de Madame Bovary (II, 8), ainsi que dans le train où je passe la vitesse supérieure de la comprenette grâce à Jacques Rancière.
C'est comme tremper l'œuvre de Flaubert dans un bain de lumière ; elle en ressort telle quelle, à première vue, mais quand j'en lis des phrases, certains mots se mettent à rayonner comme ils ne l'avaient jamais fait. Non que le texte soit différent ou qu'il ait révélé un quelconque secret, mais le sens que je lui connaissais est devenu plus large, plus profond et je le vois qui s'en va planter loin ses racines, plus loin que ce que je croyais possible.

« Les traits fictionnels d'Emma répondent ainsi à la grande obsession intellectuelle de son temps que résume le mot d'excitation. Ce mot avait été jadis au cœur de la formulation positive d'une poétique nouvelle, accordée aux émotions des plus humbles. C'était dans la préface écrite en 1802 par Wordsworth pour les Lyrical Ballads. [...]
Jadis, quand la monarchie, l'aristocratie et la religion structuraient le corps social, il existait une hiérarchie claire et stable qui mettait chaque groupe et chaque individu à la place qui leur convenait. Cet ordre [...] avait été ruiné par la Révolution française d'abord, par l'industrialisme ensuite, et enfin par les nouveaux médias [...] En conséquence la société moderne n'était qu'une mêlée d'individus libres et égaux entraînés tous ensemble dans un tourbillon sans relâche, à la recherche d'une excitation qui n'était que l'intériorisation pour chacun de l'agitation sans but ni trêve qui tourmentait le corps social tout entier.
Cette société de l'excitation, ils lui donnaient un autre nom : ils l'appelaient démocratie. [...] Mais il y avait maintenant, sous le pouvoir même de l'empereur Napoléon III et de ses lois d'exception, une insurrection démocratique nouvelle bien plus radicale que ni l'armée ni la police ne pourraient réduire. C'était l'insurrection de cette multitude de désirs et d'aspirations surgissant de tous les pores de la société moderne, l'insurrection de l'infinité de ces atomes sociaux en liberté, avides de jouir de tout ce qui était objet de jouissance : l'or, bien sûr, et tout ce que l'or peut acheter, mais aussi, ce qui était pire, tout ce qu'il ne peut pas acheter : les passions, les idéaux, les valeurs, les plaisirs de l'art et de la littérature. Tel était pour eux le mal le plus redoutable. Les choses auraient été moins graves si les petites gens avaient seulement voulu devenir riches. [...] Ils voulaient jouir de tout ce dont on pouvait jouir, y compris les plaisirs idéaux. Mais aussi ils voulaient faire de ces plaisirs idéaux des plaisirs concrets, des plaisirs matériels positifs.
Pour les lecteurs de Flaubert, Emma Bovary est l'incarnation effrayante de cet appétit « démocratique ». C'est bien ainsi en effet que l'auteur l'a caractérisée : Emma veut à la fois la romance idéale et le plaisir physique. Et elle passe son temps à négocier entre les excitations des sens et celles de l'esprit.» (Jacques Rancière, "La mise à mort d'Emma Bovary", in Politique de la littérature, p. 62-63)

Commentaires

1. Le vendredi 25 mai 2007 à 02:02, par christine :

voilà en effet une excellente nouvelle ! je retenais mon souffle à chaque visite depuis la disparition des deux derniers chocolats et l'antépénultième billet à la thématique funèbre : très bon anniversaire JCB !

2. Le vendredi 25 mai 2007 à 13:03, par jcb :

Merci à tous ceux qui m'ont fait signe(s). Le journal de Thiron sous sa forme actuelle a encore deux ou trois pages à venir mais il s'arrêtera bientôt, de lui même quand la boucle sera bouclée...
Mais bien sûr, cela continuera...et je continuerai. Un autre cycle commence c'est tout.
je, on et vous sommes en attente.
Bien à vous tous,
JC

3. Le samedi 26 mai 2007 à 01:08, par F :

oui, quelle merveille Cherokee

bon, c'est pas si contemporain que ça : toutes les bagnoles sont "vintage" désormais !

fichu Echenoz, le petit garage d'Ivry, la scène dans le château d'eau désaffecté

4. Le samedi 26 mai 2007 à 06:55, par Berlol :

En plus, j'ai habité Ivry, près des voies SNCF et de la passerelle piétons vers la Seine... Et quand je lisais Cherokee, il me semblait voir la rue et le garage en question... (qui n'était sans doute pas le bon mais peu importe...)



Samedi 26 mai 2007. Un agrégat de bouts d'éponges.
[Canapé flaubertible]
Après la journée intégralement pluvieuse d'hier, c'est plaisir, malgré les yeux mal ouverts, de revoir le soleil dès six heures, quand je me remets devant l'ordinateur pour finir mes notes de cours. Comment vais-je m'y prendre ? Vaut-il mieux présenter les scénarios de Flaubert avant de parler du chapitre des comices, ou l'inverse ? J'opte pour le texte d'abord, et les plans à la fin, comme éclairage supplémentaire. Mais comme on passe le col du roman et qu'on va commencer à regarder dans le fond de la vallée, je trouve utile de commencer par quelques extraits de lettres de 1852, à Louise Colet (pour faire court).
Les comices, c'est le centre géométrique du roman et le point d'orgue sociologique. Mais ce plan du réalisme ou de ce qui en tient lieu chez Flaubert, un butinage d'éléments caricaturaux, se double du centre romanesque du roman, la conquête d'Emma par Rodolphe. Une conquête programmée, menée comme une bataille par un Don Juan sans scrupules qui, dès qu'il désire Emma, s'interroge sur le moyen de la quitter ensuite. Le lecteur est prévenu — c'est un choix de Flaubert qui pèse lourd — mais pas Emma. Pour elle, ce sera le crescendo, en deux temps puisqu'elle aura un moment de regain pour Charles, jusqu'à la fuite. Pour lui et pour nous, l'épisode Rodolphe va très textuellement de l'instant où il la remarque et s'étonne qu'elle ne se soit jamais évanouie (II, 7), à l'instant où il réussit à la foutre par terre (II, 13) en fuyant seul.
Mais les comices agricoles de Madame Bovary, c'est surtout cette extraordinaire prouesse discursive et musicale de rendre par l'alternance, sur près de dix pages, une superposition de deux discours synchrones dont les contenus et les effets se correspondent point par point. D'abord, ce qui est à craindre : les troubles à l'ordre public pour Lieuvain, la mauvaise réputation pour Rodolphe (p. 171-172). Puis, ce que l'avenir peut apporter de nouveau et de bon : le commerce et les arts qui fleurissent et se jeter dans les fantaisies et les folies (172-173). Puis, les buts des découvertes bien compris par tous (173), après quoi Rodolphe veut prendre la main d'Emma, qui n'est pas encore mûre. Ensuite, les devoirs selon Lieuvain, mot que Rodolphe reprend de volée pour s'en démarquer, s'élevant à une morale supérieure, toute rhétorique, toute romantique (174-175), qui emportera le morceau : de même que la foule est hypnotisée par le discours de Lieuvain (175-176), Emma se laisse aller au rappel de ses passions (la valse, Léon, les rêves littéraires) et les laisse se confondre en Rodolphe (176-177) à qui elle abandonne sa main (179) et la partie. Restent le terme et les récompenses : les prix des comices et les promesses d'amour (179-80). À ces boniments qui perdront définitivement Emma (on ne le sait pas encore) correspond la médaille remise au demi-siècle de servitude par les bourgeois épanouis — sommet de l'hypocrisie sociale.

J'ai bien mérité mes merguez-frites au Saint-Martin, non ?
Et T. ses moules-frites puisqu'elle doit assister à partir de deux heures à la réunion de notre syndic d'immeuble. Pendant ce temps, je vais chez le coiffeur, je défais le lit et passe l'aspirateur partout. Ouvrant la housse de mon oreiller de mousse, j'en découvre l'immonde contenu : un agrégat de bouts d'éponges qui tombent en poussière, qui s'oxydent en orange et en vert, qui déteignent sur la housse... Je me jure bien de ne pas redormir là-dessus. Aussi quand T. revient de la réunion où elle est restée par terre plus de deux heures, nous sommes d'accord pour prendre l'air et pour un tour de métro jusqu'à Yurakucho. Au magasin Bic Camera, on trouve ce qui se fait de mieux, selon T. : des Tempur, les meilleurs oreillers onirodynamiques.
Un coffret des 15 quartets à cordes de Shostakovich et des sonates pour violons et basse continue de Jean-Ferry Rebel par l'Assemblée des honnestes curieux, puis deux petits gâteaux pour ce soir chez Dalloyau viennent compléter notre sortie, que nous ne prolongeons pas.

Commentaires

1. Le dimanche 27 mai 2007 à 22:14, par brigetoun :

les quatuors de celui que j'appelle Chostakovich et Dalloyau qui me manque, vous avez la grâce

2. Le lundi 28 mai 2007 à 04:57, par Richard :

"OREILLER : Ne jamais s'en servir, ça rend bossu."
Ma Naoko est arrivée d'Osaka avec une paire de Tempur dans sa valise, c'est si bon qu'un matelas de même label -acheté à Paris- est pour bientôt.
"MATELAS : Plus il est dur, plus il est hygiénique." (Gustave, DDIR)

3. Le lundi 28 mai 2007 à 06:24, par vinteix :

"MATELAS : Plus il est dur, plus il est hygiénique."
Ouais, y'a des choses comme ça...



Dimanche 27 mai 2007. Ce demi-gland.

Enfin du temps pour m'occuper des derniers enregistrements effectués, dont celui de Pierre Pachet puis celui de l'atelier sur l'innovation en pédagogie de samedi dernier, au congrès SJLLF. Après quoi, j'insère ce que j'ai de Pachet (il doit manquer quatre ou cinq minutes) dans la page avec le plug-in audio. Ce que voyant, T. déclare tout mignon, réclamant que son atelier y soit aussi. Je lui présente les inconvénients de la chose mais elle n'en a cure, y voyant d'autres avantages. Dont acte.
Nous entrons ainsi dans le domaine de l'opt-out : si des personnes mises en ligne ne sont pas d'accord, qu'elles se signalent et je retirerai ce qui les concerne.

Au sport, où je finis et reprends les Adolescents troglodytes, comprenant ce que c'était que ce demi-gland ramassé dans la première page — et comme trituré jusqu'au fond de la grotte...

Déjeunons au 9e et marchons ensuite jusqu'à Meiji-jingu. À Harajuku, razzia de soldes chez Oshman's et ICI Sports (chemise, sac à dos, bouteilles de randonnée, etc.).

Sur TV5, Travaux, on sait quand ça commence... (Roüan, 2004). Très drôle, plutôt réussi. Chacun ses cauchemars.

Commentaires

1. Le samedi 9 juin 2007 à 00:08, par Pierre Pachet :

Vous auriez un enregistrement de ma conférence de Tokyo sur "parler aux morts"? Ça m'intéresse diablement (je dois la rédiger pour publication au Japon).
Et je trouve très plaisante la lecture de votre blog découvert je ne sais plus comment.
bien à vous
P.P.

2. Le samedi 9 juin 2007 à 01:16, par Berlol :

Je suis très honoré de votre visite et vous remercie du compliment. Vous pouvez vous reporter au billet du 19 mai, jour de la conférence pour écouter ce que j'en ai. Si vous souhaitez le télécharger, cliquez ici, votre ordinateur devrait vous proposer de télécharger ou d'ouvrir... Je suis bien désolé d'avoir raté le début, à cause d'une préparation de salle au 12e étage... tout comme de n'avoir pu écouter vos autres conférences !



Lundi 28 mai 2007. À quel prix prolonger les billets.

Quelques pages web pour connaître un peu les tarifs et horaires des vols d'été puis T. et moi allons à l'agence de voyage pour voir comment et à quel prix prolonger les billets pour Paris jusqu'à la Corse. Pas encore réservé mais ça devrait se décider vite. C'est dans moins de trois mois mais ça nous paraît encore très très loin...
Puis T. me quitte pour aller faire des courses et marcher dans la piscine.

Ami d'une amie, Dominique Lestel, au Japon plusieurs mois dans le cadre d'une invitation universitaire, m'avait contacté voici quelques jours pour nous rencontrer et discuter un peu. Les thèmes de ses ouvrages et sa proximité intellectuelle avec Bruno Latour, choses que j'ai découvertes sur des pages web après avoir reçu son courrier, m'ont tout de suite intéressé. Nous nous sommes retrouvés ce midi en bas de Kagurazaka, avons remonté la rue en faisant connaissance, puis déjeuné, très simplement, dans un petit restaurant de tonkatsu. Encore un peu de marche, toujours au soleil, et on est allé prendre un café à l'Institut, histoire de lui montrer ce que c'est avant qu'il ne reparte vers d'autres aventures.
Il sera le 21 juin à 18 heures à la Maison franco-japonaise, à Ebisu, pour se poser la question : « L'homme est-il plus bête que l'animal ? »

Pour nous reconnaître en bas de Kagurazaka, j'avais prévenu que j'aurai à la main un livre de la collection Folio. C'est Riz noir d'Anna Moï. J'ai eu le temps d'en lire les deux premiers chapitres. Ça commence très fort. Je veux dire très dur. Je vais continuer plus tard.

« La puanteur émane principalement des latrines sommaires, un simple seau carré, en bois, avec un couvercle. Les chaînes n'entravent pas nos déplacements à l'intérieur de la cage, et le seau est posé près de l'entrée, pour dégager le plus d'espace possible. Tao et moi, sur le bloc-lit, sommes des privilégiées. Les deux autres femmes dorment sur le sol en ciment.»  (Anna Moï, Riz noir, Paris : Gallimard, 2004, coll. Folio 4362, p. 18)

De retour à la maison, j'enregistre Répliques de samedi sur la littérature francophone, avec Michel Le Bris et Jean-Marie Borzeix. Niveau d'intérêt moyen mais pas du tout par incompétence des invités, au contraire. Peut-être parce que j'en sais déjà pas mal sur le sujet...
En revanche, Benjamin Stora m'époustouffle toujours. Sa participation à Concordance des temps (c'était également samedi) déviait finalement pas mal du thème proposé par Jean-Noël Jeanneney : L'État et l'immigration sous la IIIe République. C'était plutôt : l'état de l'immigration sous les trois derniers présidents...

Commentaires

1. Le lundi 28 mai 2007 à 09:48, par résipiscence et honte bue :

9 mai 2007 "j'abandonne la France à son sort"
26 mai 2007 "les billets pour Paris"
Même Yannick Noah n'avait pas réussi à manger sa casquette aussi vite !

2. Le lundi 28 mai 2007 à 10:01, par Laure L :

Tu me diras quand vous êtes en Corse et où - ça pourrait être drôle de s'y croiser. Je ne blogue pas du fin fond de ma retraite locale : la connexion est toujours en 56 k, ça me rend dingue...

3. Le lundi 28 mai 2007 à 12:33, par brigetoun :

j'ai loupé "Concordance des temps" cette semaine. Je n'étais bonne qu'au sommeil. Merci de le signaler

4. Le lundi 28 mai 2007 à 13:40, par Berlol :

Pour le/la cinglé/ée qui se nomme "résipiscence et honte bue" au lieu de dire courageusement qui il/elle est et qui passe son temps sur mes billets à traquer / attendre les contradictions, je signale :
1. qu'abandonner la France à son sort, évidemment politique, ne signifie pas ne pas y aller ; par exemple, je n'ai pas écrit que je n'y remettrai plus les pieds...
2. que je pense que beaucoup de Français vivants en France, même s'ils sont moins de la majorité, ont pris la décision de l'abandonner à son sort et de "s'amuser" (et d'avoir honte) à l'avance des sous-sols de l'humanité dans lesquels ce chef d'état va l'entraîner.
3. que je n'ai jamais prétendu être parfait et dépourvu d'éventuelles contradictions, même si ce n'est pas le cas ici.
4. que je l'emmer...

5. Le lundi 28 mai 2007 à 14:39, par jenbamin :

Merci pour l'info sur Stora : mec fascinant en effet, et, en plus de ses autres qualités, vrai talent qu'il a pour la radio. Je vais écouter l'émission de ce pas (de ce clic ?)...

6. Le lundi 28 mai 2007 à 16:36, par patapon :

Du calme, l’ami ! Je pense effectivement que le (la ) dénommée résipiscence et compagnie, qui houspillle les gens avec d’autant plus d’impunité qu’il (elle) se sait couvert(e) par l’anonymat, mérite en effet quelques coup de pied au Q. Cela dit, que le président nous emmène tout droit dans le sous-sol de l’humanité, alors là, franchement… l’humanité en a vu d’autres (heureusement)! (si Bigard était devenu ministre de la Culture, je ne dis pas… et encore!)
Pour ce qui est de Stora, je le trouve effectivement fort interessant. Je te recommande son dernier bouquin sur le triple exil des Juifs d'Algerie.

7. Le lundi 28 mai 2007 à 18:27, par Berlol :

Derrida en avait déjà bien traité, je suis curieux de savoir ce que Stora peut faire à son tour et je ne doute pas que ce soit très intéressant. Pour les sous-sols, il faut leur laisser le temps de les creuser. Contrairement à toi, j'ai une certitude de turpitudes à venir.

8. Le lundi 28 mai 2007 à 19:29, par vinteix :

Les temps sont "durs"...
Enfin... On connaissait "les rats de bibliothèques"... Il y a maintenant "les rats de blogs" ou de l'internet

9. Le lundi 28 mai 2007 à 19:47, par F :

on doit tous s'en traîner 1 ou 2 comme ça, et ceux qui font de bons blogs ont droit à 3 ou 4

comment on avancerait dans le Net sans en "faire" ? - à la limite c'est pas plus compliqué que ça

font pitié



Mardi 29 mai 2007. Ne gèrent qu'avec leurs peurs.

Comment ai-je pu vivre sans Anna Moï ? C'est plus ou moins la question que je me pose pour chaque œuvre dont la découverte me choque positivement (en faisant varier le nom propre). Et ça m'arrive plusieurs fois par an ! Ayant une mauvaise mémoire, je finis même par oublier des personnes que j'aime, simplement parce qu'elles sont trop nombreuses. Et c'est un nouveau plaisir quand je retombe sur leur nom ou sur leur livre en fouillant dans mes affaires. Aussi, suis-je très intrigué quand j'entends parler de fin de la littérature ou d'absence de bons auteurs — et je ne vois que l'atrophie cérébrale, le chagrin rentré ou l'intention ignoble pour produire de telles inepties (ce qui n'empêche pas qu'il y ait des merdes, comme à toute époque).
C'était comme si le shinkansen traversait la mer de Chine en moins de deux heures... Ou comme être assis entre Antoine Volodine et Jean Hatzfeld.
Étonnant alors (mais pas tant que ça, dans la suite du roman) de découvrir que le site d'Anna Moï est essentiellement un site de lingerie... (Et ce n'est pas une erreur.)

« Je ne connais pas l'heure, mais quand la porte de la cellule s'ouvre, la lumière est d'une blancheur métallique. Le bateau nous a débarquées à l'aube, et à présent il doit être une ou deux heures de l'après-midi. Dans le corridor, des bols sont posés par terre. À cause de l'éblouissement, je les crois remplis de riz noir. Mais c'est du riz blanc, recouvert de mouches noires. À l'aide de la cuillère en fer-blanc, fournie avec le bol de riz, je racle le couvercle de mouches.» (Anna Moï, Riz noir, p. 23)

« Les hommes délégués aux séances de questions sont des fonctionnaires d'une force spéciale de la police. Ils sont affectés aux interrogatoires de la rue Nguyen Trai pendant quelques mois avant d'être mutés au ministère de la Défense.
L'un d'eux m'explique : "Nous sommes ici un peu comme des étudiants en médecine. Nous venons disséquer les cadavres avant de devenir médecins."
Je ne suis pas devenue un cadavre. Ils ont réussi à me faire perdre connaissance, plusieurs fois, mais je vis.
Au rythme des heures d'ouverture du centre, les interrogateurs viennent travailler comme dans n'importe quel ministère.» (Ibid., p. 25)

« C'est un tout petit générateur que l'on remonte à la main. Des fils nus entortillés autour d'une matraque y sont reliés. L'arme ainsi électrifiée est appliquée sur les doigts, les oreilles, sur le bout des seins, introduite dans la bouche ou dans le vagin. Les fils sont tenus dans la main d'un homme, et quand l'homme s'approche, c'est cela que l'on voit : de longs doigts fins de sous-officier, pas des mains de tortionnaires.
Il n'y a pas de torture mécanique. Un homme intervient toujours pour doser la souffrance d'un autre homme, ou d'une femme. Ou d'une jeune fille.» (Idib., p. 27)

Mes deux cours sont un peu poussifs. Je sens mes étudiants limite amorphes et je ne veux pas les torturer... Au cours de conversation, je lance une enquête sur les depachika (デパ地下), abréviation de depaato chikatetsu, soit grands magasins (au niveau du) métro. Pour être plus précis, il s'agit d'un ou de deux sous-sols d'un grand magasin transformés en supermarchés de luxe pour capter la clientèle lorsqu'elle prend le métro ou change de ligne. Le phénomène se développe depuis une vingtaine d'années et prend maintenant des proportions gigantesques. On n'installe plus un grand magasin pour y faire venir des clients, on choisit des endroits où les gens convergent. Il y même maintenant des communautés web de partage d'informations sur les meilleures affaires, les promotions, les nouveautés et la qualité des produits. Et des milliers de blogs... L'occasion de rappeler que 37 % des blogs de la planète sont japonais.

Je dîne en compagnie de scientifiques qui débattent de la planète en danger dans Ce soir ou Jamais du jeudi 24. Un peu fouillis ou inabouti parfois mais dans l'ensemble tout de même d'un très bon niveau, notamment grâce à Joël de Rosnay, Jean Jouzel et Tarek Issaoui qui ouvrent des perspectives, tantôt sombres, tantôt optimistes. Quant à Claude Allègre, bien qu'il dise des choses intéressantes et rappelle l'importance de l'éducation des nouvelles générations pour éviter qu'elles ne gèrent qu'avec leurs peurs, il ne se départit jamais d'une certaine arrogance parfois teintée de langue de bois, ce qui est d'un très mauvais effet.

Commentaires

1. Le mardi 29 mai 2007 à 21:17, par brigetoun :

Claude Allègre, le seul scientifique qui ne me fait pas regretter de n'avoir pas essayé de m'intéresser à sa discipline (d'autant que l'homme est imbuvable)

2. Le mardi 29 mai 2007 à 22:09, par vinteix :

Fatigants ces "depachika" ! Je préfère les "chicas"...
A Fukuoka, où le réseau ferroviaire est loin d'être aussi dense eet complexe qu'à Tokyo (!), il y a 2 ans, on a sciemment "allongé" la correspondance entre une ancienne et une nouvelle ligne de métro en un interminable couloir pour aménager de chaque côté les commerces dont tu parles...

3. Le mercredi 30 mai 2007 à 00:08, par Berlol :

Fatigants, oui, mais bien pratiques quand il fait très froid l'hiver et très chaud l'été (ou l'inverse éventuellement). Différencier tout de même les réseaux de couloirs garnis de boutiques plus ou moins intéressantes et les sous-sols des grands magasins (Mitsukoshi, Takashimaya, Isetan, etc.) qui sont plus chics (et plus chers, aussi...). Quant aux "chicas", elles s'y promènent souvent, ce sont leurs paseos, leurs ramblas et leur croisette tout à la fois.

4. Le mercredi 30 mai 2007 à 00:46, par vinteix :

Tu as bien raison quant à ces avantages climatiques, mais tous ces commerces, avec ces vendeuses qui piaillent et criaillent, ces hauts parleurs avec les mêmes messages publicitaires et autres consignes répétés quotidiennement à la minute près, me fatiguent.
En l'occurence, mais seulement n'intéressera personne, ceux auxquels je faisais allusion sont presque exclusivement consacrés aux vêtements féminins, tout du long d'un souterrain de près d'un km de long, qui aurait pu être raccourci de moitié pour faciliter la correspondance...
Bien sûr, quant à la présence des "chicas" dans ces "depachika", tu as aussi raison... je vois que tu as l'oeil !



Mercredi 30 mai 2007. N'est fatigant qu'avant le deuxième verre.

Quand c'est tard, c'est plus difficile. Et là, il est tard (minuit). Parce que si c'est tard que je m'y mets, c'est qu'il s'est passé pas mal de choses, surtout en soirée. Et donc qu'il y aurait à dire. Mais comme c'est tard, justement, ça laisse peu de temps pour écrire. Surtout quand le lendemain est un jeudi, avec trois cours, et encore plus spécial demain. Mais on verra ça demain.
Pour aujourd'hui, il y avait un cours ce matin, avec de la phonétique dedans, comme « ça m'est égal mais c'est pas légal » en phonétique et les étudiants doivent découvrir ce que c'est en français, un quart seulement faisant bien la différence entre égal et légal, mais aucun ne connaissant l'expression être égal : ça m'est égal, ça vous est égal ?... Suivi d'un texte dans lequel il faut mettre les pauses de lecture avant de choisir les liaisons et les enchaînements à faire. Près d'un mois qu'on répète ce genre de choses tous les mercredis et ça commence à rentrer, de même que l'alphabet phonétique.

Après, je n'ai pas déjeuné (gros petit déjeuner), j'ai fait du courrier, une demi-heure de sieste puis suis parti au centre de sport pour transpirer (beaucoup, aujourd'hui, je ne sais pas pourquoi) et lire Riz noir, quelques dizaines de pages sur les événements de 1968 au Vietnam.

Jour de lilas. On voit de loin des nuages de points blancs et leur parfum suit. C'est la semaine. Ça me renvoie très loin en arrière, cette odeur ; je ne sais pas où, mais je sens le mouvement vers un tout petit garçon... J'en ai piqué une branche en revenant avec Andreas récupérer nos vélos.
— Et d'où revenait-on ?
— Eh bien, de dîner !
Au Tiger Café, à Sakae, avec Sophie et Benoît. Andreas et moi avions quitté la fac avant 7 heures, rejoint Benoît à l'Alliance française où l'on a pu saluer la représentante de TV5 Monde pour le Japon (audible à la fin de l'atelier du congrès, le 19 mai), puis rallié le restaurant après avoir traversé l'Oasis...
Sophie est arrivée vers 8 heures, venant d'un autre coin de la ville, souriante et franche comme la première fois que je l'ai vue, il y a plus d'un an. La conversation était principalement en anglais, ce qui n'est fatigant qu'avant le deuxième verre. Mais de quoi a-t-on parlé ? Je me souviens qu'il a été question des accents en France et en Allemagne, de l'importance qu'ils avaient en Allemagne plus qu'en France. Je me souviens qu'on a parlé de la chaleur d'été et du fait qu'on semblait l'apprécier plus que les Japonais eux-mêmes. Un peu de nos étudiants et de nos établissements, mais pas tellement, en fait. Je me souviens aussi qu'on a commenté les plats et les desserts, qui étaient tous très bien (salade niçoise et agneau, suivis d'un gâteau au fromage, pour moi). Et puis des choses plus personnelles qui n'ont pas leur place ici, oui, je m'en souviens.
Maintenant, j'ai devant moi un vase d'ikebana dans lequel j'ai mis ma branche de lilas. Et sa présence et son parfum sont sans doute en train de fixer ensemble dans ma mémoire les souvenirs de ce soir. Un 30 mai. Ils n'ont pas tous été aussi agréables que celui-ci, les 30 mai...

Commentaires

1. Le mercredi 30 mai 2007 à 10:12, par Dom :

Oh les belles joutes.



Jeudi 31 mai 2007. Son sourire insolent.

Sans Jean-Claude Brialy, la vie sera moins belle. Pour moi, c'est sûr. Je l'ai toujours connu, je l'ai toujours vu dans des films, il a toujours été là, pas très loin, devant ou derrière l'écran, avec son sourire insolent, pour me dire que tout ça, c'était pas grave...

Au dernier de mes trois cours, le séminaire de cinéma, je propose aux étudiants de regarder en détail quelques séquences de La vie est un long fleuve tranquille (vu en entier les deux séances précédentes), quand l'infirmière Josette rabat son voile noir sur son visage, écrit nuitamment les trois lettres vengeresses — et comment ces lettres sont lues par leurs destinataires : le médecin (Daniel Gélin magistral dans le plan-culte de « la salope ! »), Madame Le Quesnoy (vomissant, défigurée devant ses enfants alignés dans l'ordre de grandeur (comme les Dalton)) et chez les Groseille (tour de table inquiétant avant que Maurice ne propose de se faire de l'argent avec ça). Ainsi voit-on l'usage de la voix off (ou voix hors-champ) et du flash-back, procédés déjà repérés dans Vipère au poing, mais utilisés autrement par Chatiliez, ainsi que la diversité de réception d'une même nouvelle selon le milieu. On remarque que les séquences sont plutôt faites de plans fixes montés ensembles que de mouvements de caméra. Les étudiants n'avaient apparemment jamais eu ce type de regard sur un film...

Après quoi, je file prendre un shinkansen — c'est ça qui est spécial, aujourd'hui...
Mais au bout d'une demi-heure, le train s'arrête en gare de Hamamatsucho, ce qui n'est pas prévu, et l'on annonce que de fortes pluies ont stoppé les trains devant nous. J'échange avec T., par téléphone portable, quelques messages, et j'appelle nos hôtes de ce soir pour prévenir de notre retard, qui sera d'une quarantaine de minutes (c'était la fin d'un gros orage, mais je crois que mon collègue Andreas, parti plus d'une heure avant moi est resté bloqué plus longtemps du côté de Mishima).
Je retrouve T. à la gare de Shinagawa, magnifique dans sa robe en soie. Montons dans un taxi qui fend les eaux...
En l'honneur de notre amie Marguerite, revenue quelques jours à Tokyo avec son mari, l'ambassadeur des Pays-Bas et son épouse nous ont invités à dîner chez eux avec d'autres amis, dont quelques-uns du groupe de l'Argo. L'ambassade se situe près de la Tour de Tokyo, précisément dans une des rues où je suis passé quand j'étais en avance pour déjeuner avec Manu il y a trois semaines — j'avais même fait quelques photos depuis ce trottoir (sans savoir, c'était avant l'invitation).
Dans le parc, c'est une maison assez européenne que l'on découvre, avec colonnades et boiseries, hauts plafonds à moulage et lustres en verrerie, une grande table avec des candélabres, autour de laquelle, selon ma recommandation téléphonique, on avait déjà — mais à peine — commencé de dîner. Tout sourire, on nous place ironiquement aux deux extrémités, comme si nous trônions. Rapidement, les présentations et la discussion générale nous intègrent...
Saumon fumé façon tartare, asperges sauvages || Langoustines poêlée au risotto croustillant, émulsion de carotte || Pièce de bœuf japonais rôti, marmelade d'oignons et légumes de saison || Mousse d'épices, figue pochée au Côtes du Ventoux || Chablis 1er Cru 2004 "Montmains" || St Émilion Grand Cru 2000 "Château du Basque" — tel est le menu imprimé près de mon assiette et que je glisse dans ma poche.
Cuisine légère et raffinée, conversations allant sans fards de Sarkozy à Bocuse et de l'Australie au Liban, café sous la véranda en écoutant — encore — la pluie tomber, promesses de revoirs et échanges de cartes de visites quand il se fait tard. Devoir de réserve sur l'identité des convives.

Commentaires

1. Le mercredi 30 mai 2007 à 21:34, par m sonnet :

Zut alors, j'apprends ça ici : Claire, plus personne pour lui caresser le genou ? la journée va être dure

2. Le mercredi 30 mai 2007 à 22:20, par ck :

Plus personne non plus pour lui rendre hommage, à la radio. Il aurait pu dire : "je me suis vu encore hier, j'avais un talent fou, un homme exquis. Ma mort a surpris tout le monde."

Me rappelle la vieille dame qui lisait ses mémoires, au Poulguin. Je revois la maman de ma tante, dans sa chaise longue qui gitait, à cause de la cour en pente. Je trouvais ça bizarre de lire ça, mais au fond, il faisait rêver, le beau serge.

3. Le mercredi 30 mai 2007 à 23:52, par brigetoun :

si depuis ce matin j'ai entendu parler de lui lors de chaque journal de France Inter. Et suis navrée, pas tellement pour l'acteur et le directeur de théâtre, mais en tant qu'ancienne voisine, pour les relations simples et courtoises avec lui ou Reggiani. Anti Hallyday ou autres. Un ancien monde

4. Le mercredi 30 mai 2007 à 23:54, par brigetoun :

tiens je n'avais pas lu - salut le Poulguin - ai vu une habitante un peu cassée à Montélimar ces jours ci


© Berlol, 2007.