Journal littéréticulaire
version non expurgée
 
Littéréticulaire : adj. (de littéraire et réticulaire), propriété d'un texte où s'associent, aux valeurs traditionnelles et aux figures classiques du texte littéraire, les significations et effets de sens provoqués par les liens hypertextuels au sein d'un réseau (l'internet par exemple), qu'ils aient été voulus ou non par l'auteur.
Décembre 2003
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Pour tout commentaire, on peut m'écrire à "berlol" chez "inter.net".

Lundi 1er décembre 

Quatrième jour de pluie.
Va falloir penser à l'arche, Noé !

Ah, si je pouvais me scaphandrier...

Le soir, GRAAL sur Au Piano d'Echenoz. Queneau et Flaubert convoqués dès la première page, allusions alluvions qui n'empêchent pas le récit de passer.


 
Mardi 2 décembre

Beau Fuji blanc de la fenêtre du shinkansen
Les flaques de mégots sèchent
Devant les pachinkos désertés.


 
Mercredi 3 décembre

Des cours et des réunions. Même pas le temps d'aller faire un tour au fitness club...
Un de ces jours où on a même pas le temps de réfléchir cinq minutes. Quand même, on s'est rendu compte que le soleil est revenu.
Et quand on pose la tête sur l'oreiller - c'est déjà le 4 - on s'endort sans avoir le temps de lire une ligne.
Encore une journée de foutue...


 
Jeudi 4 décembre

Petit concours... de circonstances :

Appel à témoins...
... c'est plutôt pour vous montrer la photo, en fait !

Ou comment parler d'autre chose que de sa journée...


 
Vendredi 5 décembre

Ce matin, obtention d'un permis de conduire international valable un an. C'est pour l'Australie où on va dans quinze jours, pour la fin de l'année. Déjà, vous pouvez essayer d'imaginer les pages du journal de fin d'année : roulant supercool au volant d'une décapotable qui file entre les rochers géants et les arbres qui enjambent la route, épuisés de fatigue sur une piste infinie où l'on s'est perdu sous la pluie battante et nous disputant dans le cokpit moite d'un 4x4 aux amortisseurs rouillés, le doigt levé en attendant une hypothétique voiture sur cette départementale fermée où seuls des kangourous compatissent à notre panne de carbu, mort dégoulinant et cramé déjà dans un énorme tas de férailles et rien que des koalas sans appareil photo pour vous narrer la scène...
Quel suspense ça va être pour vous !
Du coup, moi-même je me pose la question : est-ce que j'arriverai à fêter mes 42 ans ? D'autant que pour la première fois de ma vie, je vais les fêter en été ! Tout ça en pure Perth !

Et si on louait des pédalos sur la Swan River ?


 
Samedi 6 décembre

Vous voyez ce petit bout de chapitre de "Sido", vers la fin des "Sauvages", quand les deux frères cherchent des occurrences de "mignonne" dans tous les livres qui leur tombent entre les mains ?
Vous direz que ça n'a l'air de rien, ces gosses qui payent deux sous à chaque fois que le mot est employé.
Eh bien pourtant, c'est la quintessence de la littérature, selon Colette ! Livrés à une puissante attention aux mots, enfermés dans le secret de leur jeu gratuit et payant à la fois, complices jusqu'à la gémellité de crime lèse-auteurs, désinvoltes et juges impeccables de la littérarité, ils incarnent la posture de liberté radicale que tout lecteur devrait prendre pour ne pas se laisser "empiler".
Mais au détail du compte des mots, et si on ne se laisse pas embrouiller entre les sous et les francs, Hugo se trouve crédité de trente occurrences de "mignonne" dans les "Chansons des rues et des bois" et un autre recueil, ce qui est en réalité tout à fait et excessivement impossible.
Ici la réalité rattrappe la fiction et Colette dévoile involontairement une dent noire contre Hugo qu'elle voudrait poète à l'eau de rose ou poète de la drague, en tout cas pas poète politique, engagé, révolté, exaltant. Ce qui correspond pile poil à l'image que l'Action Française et la NRF des années 1920-30 voulaient donner de Hugo...
C'était le cours de ce matin.

Direction la Maison franco-japonaise où se tient un colloque sur les relations (?) entre le haïku et la poésie française contemporaine. Pour parer à toute éventualité d'ennui, je me suis muni d'un puissant talisman : les photocopies des "Haï-Kaïs" publiés par Paulhan en septembre 1920 dans la NRF où il vient d'arriver quelques mois auparavant. Parmi les auteurs recrutés pour donner dans le japonisme ou la japoniaiserie, c'est selon, Paul Eluard, et Paul-Louis Couchoud, le véritable présentateur du haiku en France.
A rééditer de toute urgence, ces haikus sont un camouflet aux niaiseries que l'édition française contemporaine publie sous le nom de haikus.
Allez, en voici un, celui que Jean-Philippe Toussaint, de passage à Tokyo et dans le public du colloque, a pointé de son doigt désinvolte et sourire mitigé :

"Crotte de papier par ci,
Crotte de papier par là,
Tiens ! mon mari est rentré."
Jean Breton

Et un dernier pour la route, d'Eluard :

"Une plume donne au chapeau
Un air de légèreté.
La cheminée fume."


 
Dimanche 7 décembre

Dès 9h30 à la Maison franco-japonaise, c'est pas beau ça ?!
Très belle communication de Dominique Viart sur ce que Dupin a repris du haïku dans sa poésie, et plus généralement de la vague d'influence du haïku sur la poésie française des années 70-80.
Les hautes lattes verticales des jalousies diversement inclinées laissent entrevoir les toits vivement ensoleillés de Tokyo jusqu'au bout de l'horizon. Elles pourraient laisser entendre que nous serions dans une prison dont les barreaux striraient le ciel interdit, mais leur souplesse rotative suggère plutôt une protection contre les terribles rayons du soleil et le jeu qu'a l'esprit de s'en servir pour relativiser l'espace, couler dans son épaisseur les mots au fil de l'audition. L'attention flottante laisse aller le regard d'une fenêtre à une cheminée, revient vers le papier d'une citation brève et parfois plus lumineuse que le spectacle des baies vitrées, vers l'une des figures attentives autour de la table... auxquelles je dois être en train de donner l'image d'un dilettante.

Haïku composé pour DV :

Aïe ! Les coups. Aïe ! Aïe !
Non, pas les coups... Aïe !
Fais-moi mal, Johnny, Johnny !

L'après-midi, Jean-Philippe Toussaint revient écouter studieusement les communications (Midori Ogawa, Patrice Bougon, Franck Villain). On va surveiller ses prochains ouvrages, il est possible que l'on trouve trace haïkuesque de sa venue...


 
Lundi 8 décembre

Presque le dernier cours de méthodologie de la recherche littéraire...
D'une occurrence à l'autre, les contextes du mot "air" dans Colomba de Mérimée, révèlent le jeu des apparences, des attitudes et pensées réelles des personnages, car c'est de ce décalage que se nourrit l'histoire.
Les étudiants comprennent mais je me demande toujours s'ils auront l'intuition de trouver dans un autre texte les éléments littéraires qui le rendent spécifique (ou s'ils appliqueront seulement des recettes apprises ici ou là). Question essentielle, sans doute liée à l'engagement personnel dans le texte...

Quelques heures plus tard, de beaux moments à discuter sur Au Piano d'Echenoz, au GRAAL. Après s'être amusés la semaine dernière des indices flaubertiens parsemés dans les premières lignes, on s'intéresse aujourd'hui aux enchaînements proleptiques qui amènent la mort de Max. Au passage, les relations avec les femmes, le narrateur qui s'amuse à retarder la présentation de la soeur au lecteur, la page anthologique de sociologie amusante de la prostitution, la précision chirurgicale de l'agression...


 
Mardi 9 décembre

Journée spéciale sujets d'examen. Bon, ça va, y'en n'a que trois à préparer, sur des trames déjà connues, mais chaque ligne, chaque mot doit être ré-observé avec attention... A 22h40, le gardien de nuit de la fac vient me virer !
C'est bien la première fois. Même l'été durant lequel j'écrivais Les salons littéraires sont dans l'internet, lorsqu'il m'arrivait de rester jusqu'à près de onze heures du soir, personne n'était venu pour me déloger...

Commence à faire frisquet, le soir...


 
Mercredi 10 décembre

Sans blague, je me rends compte que ça doit faire au moins trois semaines que je n'ai pas eu le temps d'aller faire un tour au centre de sport.
Les colloques, les réunions, comme les feuilles d'automne, tombent sur nous avec les premiers froids.
Au centre XAX (prononcez "egzâss") où je vais depuis son ouverture dans le quartier de ma fac, j'évite soigneusement toute relation sociale, et même tout dialogue avec qui que ce soit, souhaitant que cela reste un lieu neutre, un lieu de repos de la parole et du lien social ; les gens sont pour moi de purs spectacles, suants, gracieuses, musculeux, beaufs, femmes âgées, jeunes ados, et quelques étrangers comme moi à qui j'évite tout spécialement d'adresser la parole, un signe de tête et un sourire faussement complice suffisant (complice de quoi, d'ailleurs ?...)
Quand même en deux ans, un Américain et un Italien ont réussi à m'adresser la parole. Je ne la leur refuse pas, mais je la rends rare, impersonnelle. L'italien, ayant lu le titre du livre que je lis pendant la séance de vélo, Evoluer parmi les avalanches, et m'ayant demandé de quoi il s'agissait, je lui dis que cela commence le 12 septembre 2001, le lendemain du 11, tout le monde ayant dans le métro parisien son journal avec les catastrophiques photos de première page. Le voilà parti dans ses considérations sur la responsabilité américaine, etc. Heureusement, quelqu'un d'autre passe, qu'il connaît, car il connaît presque tout le monde ici, et il me laisse avec Haenel, Pascal et les gens qui tombent infiniment des tours américaines, là justement où le voyage transatlantique d'Olivia Rosenthal m'avait mené en compagnie de Barnabé...


 
Jeudi 11 décembre

Dernier jeudi de cours de l'année...
Re-sport, cool aujourd'hui, plutôt pour rester plus longtemps dans le bain et le sauna...

Aujourd'hui encore, Mme Savigneau se ridiculise dans son Monde des livres : elle exhibe Oliver Rohe qu'elle vient de découvrir (Défaut d'origine est sorti il y a six mois...) et l'oppose de manière stupidement et binairement artificielle à Pierre Jourde, qui n'a rien à voir avec Rohe mais qui s'était attaqué à elle dans un pamphlet. Elle récidive l'hypocrite ricochet dans un autre article où elle loue Zagdanski d'avoir bien écrit sur Sollers (petit coup de brosse à reluire) et consacre un tiers du papier à Zagdanski contre Meschonnic. Mais comment ne sait-elle pas que depuis deux ans Sollers s'intéresse à Meschonnic ?

Vu de Tokyo ou de Nagoya, ce petit monde littéraire sur Seine est bien pitoyable... Mais le plus étonnant est de voir que ce système perdure, qu'il flotte et ne coule pas !


 
Vendredi 12 décembre

Préparation du dernier cours trimestriel sur Colette (Sido), ou comment la soeur aînée, l'étrangère aux yeux thibétains (sic), sert de faire valoir au frère, occasion de revenir sur la construction toute littéraire d'une famille. Pour Colette, c'est plus encore l'occasion de souligner les deux régimes littéraires qu'elle met en opposition : celui de la projection débilisante (la soeur aînée gorgée de rêves romanesques) et celui de la création fortifiante (le sien). On n'est alors pas si loin de la bathmologie de Barthes.


 
Samedi 13 décembre

Pas spécialement envie d'écrire...


 
Dimanche 14 décembre

Merde, j'ai pris du retard ! Nous voilà le 16 pour commenter le 14. L'écart n'est pas grand, certes, mais fait déjà penser à L'Emploi du temps de Butor. L'irrattrapable décalage...

Avant-hier, dimanche matin, comme souvent, c'était ping-pong.
Il y eut un âge d'or quand
Olivier Manu Patrick allaient
tous les dimanches jouer
au-dessus des étages de bowling des étages de billards des étages de karaoke
à Shibuya c'est tout dire
tout en haut d'un immeuble de distractions
où je n'aimerais pas venir la nuit au milieu des bandes de jeunes alcoolisés et enfumés criant courant autour des tables en de stupides tournantes bouffant n'importe quoi car on peut aussi commander à boire et à manger
nous
presque trois années durant nous
y montions dans le petit matin dominical
riions et parlions au moins autant
que nous jouions au ping-pong
renvois de mots échanges d'infos
smashant liftant coupant amortissant
servant sans retour comme des
dieux puis perdant le point
connement et s'invectiver l'un l'autre
en imitant les accents français des nouveaux films un peu rap un peu banlieue un peu seizième
jusqu'au jour où partit Olivier
jusqu'à ce que Manu s'engage
dans la paternité et ses obligations
alors mois claudiquants à ne jouer qu'une semaine sur trois
à ne jouer qu'à deux
en se demandant sans se le dire
jusqu'à quand ?

(le poème débile comme genre amical...)


 
Lundi 15 décembre le 17

Retard entériné. Avant-hier, lundi, déjeuner au Saint-Martin, près de Kagurazaka, ma montée des plaisirs à moi dans l'augmentation régulière de la portion de frites qui accompagne mon poulet, la petite table près de la porte, avec T., mon amour, et un verre de vin, récente cette habitude crétoise de boire du vin, un verre, la patrone jolie personne, en face sur la droite un bureau d'expédition de colis, toujours des camions qui s'arrêtent et repartent, encombrent la rue étroite, des employés qui sortent des diables chargés de colis, en rentrent aussi, en face sur la gauche à un coin des deux rues, un love-hotel discret sourire discret souvenirs indiscrets, T. me pique encore une frite avec de la moutarde, on met au point les derniers détails du voyage en Australie car on vient de recevoir notre feuille de route, puis fissa à la fac pour dernier cours de méthodologie de la recherche littéraire informatisée, un seul étudiant a préparé une liste de contextes de "air" dans Colomba, histoire d'étudier le système des apparences dans cette oeuvre qui n'est faite que de malentendus sur elles, les apparences, celle d'Orso caporal pour Lydia la touriste, celle de Colomba sauvage pour Orso civilisé (croit-il), et celle des innocents proleptiques cadeaux pour tuer plus tard...

Puis vient la détente, le GRAAL autour de Au Piano, comment Max meurt (encore, voir la semaine dernière), après présentation de L'Ignorance de Kundera, de Passage à l'ennemie de Salvayre et de Evoluer parmi les avalanches d'Haenel sur qui y'aura à redire...

De retour à la maison, je lis et j'imprime l'intéressant travail intitulé "E-critures : co-constitution d'un dispositif technique, d'un champ et d'une communauté", mené par Evelyne Broudoux (vue au Colloque de Rennes 2 en septembre 2002) et Serge Bouchardon. De quoi nourrir ma réflexion...
Et il en reste pour d'autres jours dans le programme du dossier d'automne d'Esprit critique, intitulé "Tribus et réseaux: nouveaux modes de communication et de relation", futur grain à moudre pour les litoriens...


 
Mardi 16 décembre le 17 aussi

D'hier, je ne retiendrai que lecielestbleu.com...

naïf qui ouvre une porte
 
 

et tombe


 
Mercredi 17 décembre le 18

Hier, dernier jour de cours et déjà un petit mal de gorge... Comme si le corps résistait tout le long du semestre et relâchait sa surveillance, son travail immunitaire sur la fin, anticipant les jours de repos et se comportant comme si ça y était, le con. 
Ou comme si la fatigue accumulée, ou le stress, ou les mille bressures narcissiques qu'engendre presque inconsciemment le frottement des paroles et des attitudes dans les réunions, les classes, les transports, etc., comme si tout cela accumulé forçait, forait lentement la défense immunitaire, celle-ci ne faisant plus la différence entre un... 
Oui, c'est assez psychologique, tout ça, je m'en rends compte. Et le premier étudiant en immunologie me ferait bien la leçon... Mais il faut bien que tu rendes compte, mon petit bonhomme, avant de devenir un grand immunologue, que c'est comme ça que les gens pensent leur corps et leur temps, leur temps de vie. Faut que tu saches que le fantasme de soi n'a rien à voir avec les connaissances médicales scientifiques que tout un chacun peut acquérir en ouvrant un bouquin (tu n'as aucun mérite, mon gars, et d'ailleurs tes connaissances ne t'empêcheront pas de t'inquiéter stupidement pour ton corps dès qu'un petit truc inconnu s'y infiltrera...)

Bon, ceci dit, mon petit mal de gorge, c'était pas grand chose. Ce soir, c'est presque fini. On n'en parle plus.


 
Jeudi 18 décembre

Suis allé à la BU pour emprunter un livre d'Evelyn Waugh, A Handful of Dust. Pour l'Australie, c'est bien !

Avec D., sommes allés à Osu, quartier populaire commercial international chinois rénové informatique et bien d'autres choses encore de Nagoya, qu'on aurait pu croire en déconfiture il y a deux ou trois ans et complètement réinvesti par les restaurants et les magasins depuis l'an dernier, sans doute la saturation de Sakae, l'extension du centre commercial global que devient petit à petit le monde. Il s'agissait d'acheter une caméra vidéo digitale, ou une vidéo caméra numérique, comment dit-on ? Tout s'est bien passé et D. est reparti avec son paquet sous le bras, son compte raisonnablement délesté du fait des ristournes consenties.
Puis on a trouvé un nouveau magasin vendant toutes sortes de produits alimentaires d'importation. Je le signale pour tous ceux qui habitent Nagoya et qui cherchent à se procurer de la bonne moutarde en grains, des Fingers, un nouveau Toblerone "Limited Edition" Capped With White Chololate, toute la série des gâteaux Duchy Originals ("All of Duchy Original's profits are donated to the Prince of Wales's Charitable Foundation", dingue !, Cf. www.princeofwales.gov.uk), des crispy Belgians Waffles de chez Lotus, mais surtout des Stroopwafels Jan Van Meeteren qui viennent directement de Moordrecht (éh oui, je sais, c'est rare ! j'aimerais bien serrer la main de celui qui a fait venir ça ici !); ajoutez toute la série des tablettes de chocolat Cailler et des Kirschwasser pralinés de Gubor !
Bon, je vois que ça vous intéresse ! Le magasin s'appelle Matsuya Coffee (052-251-1601).


 
Vendredi 19 décembre

10 heures. Bagages.
11h30. Départ de la maison.
12h24, Shinkansen Nozomi Nagoya-Tokyo.
14h15, arrivée en gare de Tokyo.
14h40, arrivée à la maison.

On a bien lu : de "la maison" à "la maison", or Qui a deux maisons, perd la raison... Stupide "sagesse des nations" !...
A toute personne qui y croirait encore, et qui voudrait en faire un argument discriminatoire, je recommande la lecture de l'ouvrage suivant (ou ici).

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Philippe BONNIN, Roselyne de VILLANOVA (sous la dir.), D'UNE MAISON L'AUTRE, parcours et mobilités résidentielles, CREAPHIS, 1999, 376 p., 175 F (port inclus).

"Le dédoublement de la résidence, sa multiplication, est un fait encore mal connu. Il déjoue les jugements à l'emporte-pièce. L'ubiquité résidentielle n'est ni marginale, ni une affaire de nantis. Elle rassemble ouvriers, provinciaux expatriés, travailleurs migrants, autour d'une même pratique. Cet ouvrage propose un éclairage nouveau sur la question. On croyait la population française casanière, accrochée à son clocher ou à son café-tabac, dont elle ne s'éloignerait jamais. Il faut d'urgence réviser cette image. Depuis la fin de l'exode rural, avec la succession des vagues migratoires, avec l'amplification et l'accélération des migrations hebdomadaires et saisonnières, avec l'obligation de la mobilité professionnelle, la quête d'un travail a délocalisé de larges franges de populations. Parallèlement, l'augmentation du temps de loisir, de vacances et de retraite a permis de développer un second espace de vie face à l'existence laborieuse, voire de maintenir et développer des liens avec le lieu d'origine, d'identité première, celui des siens, sa domus. Migrants de l'intérieur ou de l'extérieur, nombreux sont ceux qui vivent une résidence multilocale, qui se déplacent au sein d'un système d'habitat."

TABLE DES MATIÈRES :
LA DOMUS ÉCLATÉE
- La domus éclatée, Philippe BONNIN
- La propriété d'après l'enquête Logement de 1992, Denise ARBONVILLE, Catherine BONVALET

L'AUTRE MAISON
- Les maisons du Marocain ou le double renversement des résidences d'ici et de là-bas, Daniel PINSON
- Les alpages de Miage : chalets d'en haut, maisons d'en bas, Bernard MAZÉRAT
- Le bricolage, d'une résidence à l'autre, Claude BONNETTE-LUCAT
- Les multiples réalités du terme résidence secondaire, Nathalie ORTAR
- "Vrais" et "bons" résidents secondaires : perception des nouveaux arrivants et formes actuelles de la cohabitation, Rolande BONNAIN

SYSTÈMES D'HABITAT
- Variations saisonnières de la vie familiale : enquête sur les secondes résidences, Anne GOTMAN et Jean-Michel LÉGER, avec Benoîte DECUP-PANNIER
- Immigrés propriétaires ici et là-bas, un système résidentiel ? Roselyne de VILLANOVA et Catherine BONVALET
- Qui a deux maisons retrouve sa raison : la signification de la double résidence dans la communauté grecque d'Istanbul, Nathalie DEPRAZ
- L'expérience multirésidentielle des migrants tunisiens et algériens, Rabia BEKKAR
- Femmes et enjeux familiaux de la double résidence, Carolina LEITE

POSTFACE : Dédoublement des espaces sociaux et problématique de l'habitat, Jean REMY

SOURCES : Orientations bibliographiques et statistiques, Éliane NICOLINO.
Editions Créaphis
l'école des filles, 26400 GRÂNE
Tél. et fax : 04.75.62.74.89
E-mail : CREAPHISEDITIONS@wanadoo.fr


 
Samedi 20 décembre le 30

Lendemain de retour d'Australie (encore vivant, donc), me voilà devant dix jours de retard, par pure pingrerie, sans doute (mais pas seulement, comme on va le lire, bien que ce ne soit qu'une supputation littéraire) : il y avait la connexion web par la télévision de la chambre d'hôtel, mais payante... or, comme j'écris directement et que ce que j'écris vient de ce que je sais être instantanément lisible, ce n'est pas la même chose qu'écrire à l'avance pour ensuite en faire un copier-coller, autrement dit, il y a une littérarité nouvelle qui aurait une certaine similarité avec l'improvisation en concert et qui provient identiquement du jeu en public, devenu ici l'écriture "en ligne". L'idée même des minutes payantes dans ce moment "créatif" m'obstrue la pensée...
Tout ça pour dire ça...

Le 20, donc. Suis allé à Shibuya avec l'intention d'acheter des chaussures repérées la semaine précédente et qui avaient l'air à la fois de ville, de bateau, de randonnée et de marque Yanko.
La gauche que j'essaie me paraît plus petite que la droite. Après vérification du vendeur, d'abord sûr de son fait, puis moins sûr de lui, puis s'excusant platement mais dignement, c'est une paire dépareillée, il n'y en a pas d'autre à ma pointure, ni dans les autres magasins après vérification téléphonique gracieusement proposée d'ailleurs, merci.
Tant pis. Et je peux le dire maintenant que l'on est après le voyage, tant mieux : ma vieille paire de bateaux a très bien suffi !

Avec T., on a pris le Narita Express de 16h03, on a ramassé nos billets au guichet de l'agence de voyage Kinki puis fait enregistrer nos bagages au comptoir de Qantas pour le vol QF70. On est entrés dans la zone de départ après avoir changé un peu d'argent en dollars australiens et passé les contrôles. On a acheté divers articles dont une bouteille de très bon Cognac, un foulard de femme et une cravate Hermès, il faut savoir se faire de ces petits cadeaux...


 
Dimanche 21 décembre le 30

Tout comme écrire "en ligne" (pour une lecture en ligne potentiellement instantanée, et en quelque sorte encore à l'intérieur du (subjectif) moment de l'écriture) n'est pas la même chose qu'écrire "en différé" (lecture nécessairement postérieure et extérieure au (réel) moment d'écriture), écrire d'en dehors de l'unité d'un voyage, constituée dans le retour, n'est pas la même chose qu'écrire pendant le voyage, serait-ce au passé, le soir, à l'étape.
Les quatre régimes d'écriture produits sont ainsi, du plus nouveau au plus ancien : 1. en ligne et en voyage ; 2. en ligne et hors voyage ; 3. en différé et en voyage ; 4. en différé et hors voyage.

Evidemment, ce n'est pas à cela que je pensais dans l'avion qui nous emportait à Perth, les vibrations, les repas, les comportements plus ou moins compréhensibles de nos voisins m'en auraient empêché si j'en avais eu l'idée.
Comme la surprise d'arriver quelque part en été alors que l'on vient de quitter son chez soi en hiver est sans doute plus agréable que le contraire (ce qui n'interdit pas le contentement de rentrer hivernalement chez soi après être allé voir un ailleurs estival), nous avons débarqué hirsutes, éblouis et excessivement habillés dans le hall de l'aéroport où l'on nous attendait pour le transert à l'hôtel Hyatt.
Une douche et un petit déjeuner plus tard, ça allait déjà mieux...

Je précise que cet hôtel que Yahoo classe dans les très chers et luxueux est effectivement luxueux mais nous revenait moins cher en package avec le billet d'avion que le billet d'avion tout seul, autrement dit on nous donnait de l'argent pour qu'on y aille, faut le savoir, c'est l'illogisme du capitalisme qui met des gens sur le pavé pour que d'autres (les mêmes ?) se voient offrir des séjours en hôtel de luxe (commentaires bienvenus sur ce sujet).

Histoire de payer quelque chose, on a demandé une chambre qui donne à l'Ouest sur la Swan River, même si la vue de la chambre initiale, à l'Est, sur la piscine, n'était pas désagréable, que ce soit pour mater ou pour faire de la sociologie, ou plus prosaïquement pour voir s'il y a encore des transats de libres avant d'y descendre...
Le reste de la journée avec nos hôtes (cousine et son ami). Inclus un concert de charité en plein air, histoire de faire massacrer quelques chants classiques par des stars de passage pendant que tout un chacun essaie de garder sa bougie allumée contre la tiède brise du soir perthienne, connue sous le nom de "Doctor Fremantle".


 
Lundi 22 décembre le 31

Footing matinal le long de la Swan River, jusqu'à Barrack Square...
Côté Est de la plateforme d'amarrage qui reçoit au Sud les ferrys par exemple pour l'île Rottnest, petit déjeuner au récent restaurant Halo, de style scandinave, service soigné et accompagné de grands sourires. Achat de babioles à la boutique de souvenirs (dont les cartes postales qui ne seront jamais écrites) et retour à l'hôtel. Piscine jusque vers 11h30.
À pied au centre ville, sandwiches à London Court, merveilleuse petite ruelle boutiquière où l'on fait aussi quelques courses, dont deux très beaux boomerangs. Les autres galeries et rues commerçantes sont plus banales mais forment tout de même un centre-ville très animé. On y achètera notamment des ceintures en cuir de kangourou, léger et très résistant (paraît-il).
Retour à l'hôtel et repos avant sortie : invitation pré-Noël via la cousine chez une autre Japonaise vivant à Perth, discussion très cosmopolite, canapés mâtinés de sushis, j'en profite pour demander des conseils sur les vignobles de la Swan Valley (on y reviendra).
Moi qui voulais voir du Perthien de base ancré dans sa localité, j'en ai été pour mes frais.
Pour autant, ce que l'on voit des rues de Perth, en dehors du centre, correspond bien à l'image qu'en donne Hervé Claude dans son récent Requins et Coquins.


 
Mardi 23 décembre le 31

Au Japon, c'est le jour de l'anniversaire de l'empereur, et ça sert de plus en plus d'alibi pour fêter (commercialement) Noël. A Perth, on doit réveillonner en avance parce que certains amis seront occupés le 24 et le 25.
On passe en voiture dans un centre commercial, le même que celui que j'ai oublié de signaler hier et où j'avais acheté un chapeau en tissu de serviette éponge, hyper pratique ! Aujourd'hui, c'est beaucoup plus animé, surtout au marché aux poissons (pour les autres attractions de Perth, ça attendra) : c'est la saison du crayfish, alias "langouste", et on en prend d'énormes (qui seront succulentes).
Malheureusement, dans ce pays, il n'y a pas que les langoustes qui soient énormes. Beaucoup de personnes le sont aussi. C'est même une des premières choses qui surprend lorsqu'on se déplace en ville : la quantité de gros et de grosses de tous âges. Lors d'une discussion, on en arrivera à l'hypothèse suivante : les obèses sont les plus américanisés des Australiens.
Après les courses, promenade en voiture, de Churchlands à Armadale (sans la cousine, restée à la maison pour préparer le dîner). On constate qu'il y a effectivement beaucoup de Private Estates, "lotissement[s] [...] entouré d'un bout à l'autre par de hauts murs, comme si ces nouveaux bourgeois ou ces retraités bronzés voulaient se protéger d'une invasion. [...] C'est très à la mode ces private estates en Western Australia"... (H. Claude, "Requins et Coquins", 2003, p. 20).
Visite d'un étonnant village de pionniers reconstitué, promenade en voiture dans les collines, en bordure de forêt (au-delà, c'est le bush pour mille km...), arrêt dans une étonnante poterie d'où l'on ramènera un pot à quatre pieds dont l'une des faces est une tête de chat (40 dollars australiens), automatiquement nommé "Shakaré" (ou "Chat-carré").
De retour chez notre cousine, on se fait passer un savon parce qu'il est 6 heures et qu'on avait promis de revenir à 4. Ambiance sympa, réveillon presque normal, excellente nourriture (sauf le gâteau, là, je crois qu'il faudrait dire aux Australiens que les gâteaux, ça ne se fait pas comme ça -- "c'est des anglais, à l'origine", me glisse T., perfide).


 
Mercredi 24 décembre 2003 le 3 janvier 2004

"Bon, faut ouvrir un chantier, sinon je ne m'en sortirai pas !", dis-je en moi-même en ouvrant mon deuxième Mozartkugeln de la matinée.
Donc, premièrement, ouverture de pages pour chaque date -- comme qui dirait... un calendrier ! et compléter par touches selon l'humeur, l'ordre de retour des souvenirs et l'urgence des choses à dire.
Deuxièmement, tanner ce #£%¤@µ de gestionnaire de site pour qu'il rende ces pages plus pratiques ; je lui ai déjà demandé trois fois d'installer des boutons pour qu'on passe directement à l'entrée précédente ou suivante du journal sans repasser par la table... Nom de Dieu ! Faut taper du poing sur le web, mettre les pieds dans le réticule, hein ! (vous allez voir le commentaire qu'il va me mettre... j'en ai déjà les oreilles qui sifflent...).
Bon, je vous quitte, on m'attend à Ginza, devant Dalloyau !

Donc, le 24 décembre, on se fait bronzer un peu à la piscine du Hyatt après le petit-déjeuner, puis on se prépare pour la journée en voiture.
Suis allé voir préalablement le concierge pour louer une voiture : il a passé quelques coups de fil qu'il m'a commentés d'une façon difficilement compréhensible tant son accent australien est fort mais dont j'ai compris que c'était pas dans la poche, que pour une ou deux journée les loueurs étaient peu intéressés et que pour cette période de vacances la plupart des véhicules étaient sortis, finalement tout ce qu'on pouvait me proposer c'était une voiture de sport pour 275 dollars australiens par jour (à peu près 160 euros)... Euh, bon, on va réfléchir...
Finalement, on se rabat sur la proposition de la cousine qui va nous prêter sa voiture, une super belle Audi, pour la journée. On récupère notre poulet rôti acheté la veille au supermarché, quelques ustensiles, chapeaux, crèmes solaires, etc., et nous voilà partis en taxi pour Churchlands (Tuscany Way). Là, la voiture nous attend (je n'ai pas oublié mon permis international acquis le 5 décembre) avec un méga panier de pique-nique préparé par la cousine, trop bonne et visiblement très amusée par notre sortie. Enfin, nous partons, T. et moi, sur les routes australiennes, d'abord vers le bord de mer, remontons vers Hillarys Boat Harbour, petit port de plaisance prétentieux dans lequel on ne reste pas plus d'un quart d'heure : c'est tout fermé, y'a pas de paysage, aucun dégagement, on ne voit que les bateaux et les moches bâtiments du centre commercial ! On ne va pas non plus s'enfermer dans l'aquarium... Mais juste au Nord de Hillarys, on trouve une aire de pique-nique très bien organisée, là chapeau ! grand sens pratique, bonne culture des loisirs familiaux, des barbecues, etc. : un grand parking partiellement ombragé, d'où une allée mène à une pelouse comme trois terrains de foot avec des tables abritées, des arbres, des toilettes, des jeux pour enfant et des installations pour barbecues à gaz (faciles à arrêter en cas d'incendie), et sur les côtés, des chemins d'accès à la plage, de l'autre côté des dunes de sable. On s'installe sur une couverture toilée et on mange tranquillement notre poulet, d'abord couteau-fourchette, puis avec les doigts, on est les rois, en plus il n'y a quasiment personne pour nous faire des remontrances... (un 24 décembre, les gens ont autre chose à faire qu''un picnic à la plage !)
Restaurés, repartons vers le Nord, jusqu'à Mullaloo (quel nom !, en fait, jusqu'ici exactement...). Là, on se dit que toute la côte sera pareille et qu'on ferait mieux d'aller visiter Fremantle ! Donc plein Sud le long de la côte !
Arrivée à Fremantle vers 15h30. Parking dans Pakenham Street. Visite des rues commerçantes au style colonial si particulier... Achats de boomerangs, foulards, boîtes, etc., dans une boutique d'art aborigène (on y rencontre une amie japonaise vue la veille au soir et qui est venue là pour acheter un petit cadeau pour nous, puisqu'on doit se revoir demain !... the right place, isn't it ?). On prend un café au Dôme avant de finir le tour du centre-ville (pas très grand, tout de même).
A six heures, toutes les rues sont désertes, sauf Market Street et South Terrace. Dîner chez Sandrino, spécialiste de la moule épicée (bon, mais bruyant). Vers 21 heures, les gens déambulent et vont dans les pubs, beaucoup semblent déjà fortement alcoolisés. Fremantle sans la coupe America, le moral coule...


 
Jeudi 25 décembre

C'est Noël, il fait près de 40°C, la piscine est déserte ce matin.
Après le petit-déjeuner continental, on reprend la voiture, T. et moi, pour aller se promener à King's Park, mais comme je me goure de bretelle, on se retrouve à South Perth, d'où l'on voit un panneau pour le zoo de Perth. Après tout, pourquoi pas ! Aux animaux aussi, on peut souhaiter un joyeux Noël !
Le crocodile de près de trois mètres fait vraiment peur, le koala pionce entre deux branches, un vieux kangourou passe lentement à côté de moi sans même me voir, les pinguineaux nous tournent le dos, nous évitons les éléphants qui font trop de poussière... En bref, un beau zoo par gros chaud, une heure et demie et deux litres d'eau éclusés !
Heureusement, on avait fait provision d'eau au convenience store en face de l'hôtel Duxton !

Après le zoo, retour chez la cousine. On ramène la voiture. Déjeuner qui se prolonge, pour moi, en sieste...
En voiture, on va voir le coucher de soleil à City Beach, plein Ouest. Marée presque haute, quelques personnes finissent leurs jeux dans le vent qui fraîchit, on s'abrite dans un creux de dune pour attendre que le soleil orange et large s'enfonce dans la mer. Ce qu'il fait. Photos. On ira... Où tu voudras quand tu voudras... Et on s'aimera encore... lorsque l'amour sera mort... Toute la vie... sera pareille à ce matin... Aux couleueueueueueurs... de l'été indien...
Ça, c'est du pur cadeau de Noël ou je ne m'y connais pas !

(Rédigé le 4 janvier 2004)


 
Vendredi 26 décembre

Mon anniversaire, c'est le 27, mais mon cadeau, c'est le 26, cette année. En plein été, je ne suis pas à un décalage près !
La cousine nous a offert un tour d'une journée aux Pinnacles, en minibus 4x4, pour T. et moi.
Un endroit -- on se croirait sur Mars -- où il fait 43°C à l'ombre et 56°C au sol, où il n'y a pas un pet d'ombre et où l'on nous dit de nous promener librement dans le sable brûlant entre des roches en décomposition et au risque de rencontrer des tiger snakes, où il faut près de trois heures de route pour arriver en écoutant un guide-chauffeur qui fait son topo pour la deux-millième fois, est-ce que c'est vraiment un "cadeau" ?
Assurément, oui !
On nous ramasse à l'hôtel à 7h15 pour nous emmener au point de départ de notre bus à 8h. Route vers le Nord jusqu'au Parc national de Yanchep, arrêt pipi et pour mater koalas et kangourous ; les obèses du bus remontent avec des sacs de chips achetés chez Paou. Deux heures de route, toujours vers le Nord, alternance de forêts de pins entretenues et de steppe déserte, beaucoup de panneaux de terrains à vendre. Arrivée à Cervantes (c'est la touche littéraire du jour) vers 11h30 ; route au Sud, le long des dunes pour arriver au site des rochers érodés et dressés dans une mer de sable.
Pique-nique collectif sur une aire prévue à cet effet, en bord de plage (mais pas le temps d'aller se baigner, dommage !). Aussi cheap qu'à la guerre...
Une nouvelle heure de route puis la cerise sur le gâteau : pour rejoindre Lancelin, piste à travers la steppe, droit sur la mer. Une bonne dizaine de kilomètres de vrai 4x4, secoués dans tous les sens, l'articulation mécanique entre la cabine et le minibus sollicitée au maximum, avec jusqu'à 30° d'angle entre les deux, tout le monde riant, bien réveillé maintenant, les obèses sortant des Smarties comme s'ils étaient au Roller-Coaster...
On débouche directement sur le paradis des surfeurs : Lancelin. Et, pour ce qui nous concerne : les dunes que parcourent 4x4 de tourisme, minibus surélevés et même un énorme bus avec des roues de tracteur géant. Ballet de tous ces véhicules dans les dunes de 20 ou 30 mètres de sable blanc. Difficile à décrire. Et voilà que notre bus aussi se lance dans la dune, devant nous, penchés à 40° à la verticale, grand cri dans le bus, trois secondes de descente et quand même une grosse émotion !
Après un bon quart d'heure à zigzaguer dans les dunes, on s'arrête au pied de l'une d'entre elles, le chauffeur nous invite à descendre pour faire du sandboarding (glissade de sable). Évidemment, je n'y vais pas ! Aucune envie de me foutre du sable partout pour amuser la galerie d'une glissage de quinze secondes (plutôt m'exposer au mépris du lecteur...). De leur côté, les quelques Japonais qui font partie de notre groupe se ruent sur les planches que le chauffeur vient de farter. Bon, ça dure encore une vingtaine de minutes, petites glissades, petites photos, pendant qu'on poireaute à l'ombre du bus.
Et encore deux heures de route pour le retour. Au final, une journée dépaysante, pleine de trucs très criticables mais globalement agréable.
Excités par tout ça, on décide de ressortir pour aller dîner. Incroyable vent chaud jusqu'à 10 heures du soir, plus de 30°C en pleine nuit. N'était la sécheresse de l'air, on se croirait à Tokyo en août !
(Rédigé le 5 janvier 2004)


 
Samedi 27 décembre

T. n'a pas très faim ce matin. Reste du dessèchement d'hier. Se rabat tout de même sur un cheddar sans doute mature, de bonne qualité, et qui ressemble étrangement à du cantal... Faut dire que côté fromage, les Australiens sont assez bien servis.
Quant à moi, jour anniversaire, je commence comme tous les jours à Perth par un grand verre de sang de vierge égorgée le matin même (peut-être du jus de tomate, j'ai du mal à lire l'étiquette...)
Avec ça dans le ventre, on est prêt pour aller aux soldes qui commencent aujourd'hui à Perth. grand magasin Meyer (draps pour notre lit, dimensions introuvables à Tokyo), magasin Australian Geographic (pour des petits trucs à offrir : serviette de bain ultra-légère hyper-absorbante, stylo-kangourou, porte-clé-ornithorynque, gant de bain animalier, boomerang à retour durable et définitif...) et on finit en beauté à 16h45 au magasin The Leather Shop de Barracks Street où l'on trouve des vestes d'excellente facture pour un prix très raisonnable (rien à voir avec ce qui se pratique honteusement au Japon). C'est que tout ferme à 17h !
Le soir, dîner chic au port de Fremantle, avec nos hôtes, et des cadeaux pour mon anniv'... Vraiment gâté, cette année !

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A propos de cheddar, j'en ai cherché de l'australien aujourd'hui (6 janvier, jour de rédaction de cette page) au supermarché Seijo Ishii de Shinjuku (pour faire une surprise à T., et j'en ai trouvé). Je viens aussi de trouver ceci, voir au 4e paragraphe où il est question de chips au cheddar et d'haleine de chacal... Du coup, j'ai découvert le site qui abrite ce journal intime et tous les autres qui y sont hébergés. Lisez-en quelques-uns, quelques pages de quelques-uns, et revenez me voir...

Alors ? Étonnant comme les gens, des jeunes surtout, ont besoin de se raconter, les tons utilisés, la récurrence des fautes infinitif/participe passé (sorry), mais le plus étonnant, à la différence de ce journal-ci, je crois, c'est qu'ils ne font pas de liens html, que leur journal se clôt sur lui-même, qu'il ne sert pas à s'ouvrir au monde ! Peut-être que le protocole de ce site ne le permet pas ? Ou alors, je n'en ai pas encore assez lu pour en trouver un qui réticulât*.

_________Note :

* Pour le sens de "réticuler", voir par exemple Jacques Rhéaume, in "Le rayonnement personnel en réseau" (3e paragraphe, 2e ligne) : "L'hypertextualité permet de réticuler toute forme de texte ou de message sous divers supports pour en créer un réseau unifié par des liens et représenté par une carte sémantique ou un autre mode de représentation."


 
Dimanche 28 décembre

Dernier jour à Perth.
Je paie les petits-déjeuners et le supplément pour la chambre avec vue sur la rivière Swan. Correct. On dispose de la chambre jusqu'à 19h. On fait partiellement nos bagages.
Taxi pour Churchlands et départ à quatre pour les vignobles de la Swan Valley. On s'arrête chez Sandalford. Belles vignes sur des terres légèrement vallonnées, genre bordelais. Bâtiments d'un étage avec larges pièces et patios de treilles. Beaucoup de voitures au parking et foule dans la salle de dégustation-vente. Notre cousine réserve une table et nous invite pour un dernier déjeuner. Au menu : plats avec vin recommandé. Pour moi, ce sera filet de boeuf, bleu, avec un verre de shiraz premium. O moments indicibles !...
Franchement, je ne pense rien des vins californiens (surévalués), chiliens (surdosés) ou japonais (surnommés). Mais je crois que les Français feraient bien de se méfier des vins australiens...
 

Et il fallait bien ces moments-là pour supporter quelques heures plus tard l'avion où prit place toute une classe de collégiens japonais de retour de voyage linguistique (linguistique, mon oeil !). Un calvaire ! Sur des nuées australes, nous étions, depuis plus d'une semaine, et voilà qu'en avion nous retombions plus bas que terre dans la fange humaine, la bêtise, la vulgarité et les reniflements des collégiens enrhumés (car beaucoup de Japonais n'apprennent pas à se moucher). T. mit son masque respiratoire, son casque antibruit, avala un somnifère et se cala sous trois couvertures pour oublier cette misère du monde où nous rentrions... Il lui fallut trois jours pour se remettre de ce cauchemar. C'est dans un avion comme celui-ci que fut conçu le scénario du vengeur Battle Royale" où Kitano campe le seul personnage ambigu.


 
Lundi 29 décembre

De retour à Tokyo, on constate qu'il ne fait pas très froid. Cela nous évite le choc thermique... et nous permet de frimer avec nos vestes en cuir. Ceci dit, on va pas trop frimer aujourd'hui : quelques coups de fil, quelques courses pour le frigo, sieste et déballage-rangement, connexion et "check des mails", selon l'expression en cours de validation...

C'est brumeux, cette journée, quand j'essaie de m'en rappeler aujourd'hui 8 janvier. Au fond, ce n'est pas très important dy revenir. Ce qui m'a étonné, et dont je me souviens très bien, c'est le total désintérêt que nous avons ressenti au sujet du Nouvel An : aucune volonté de le fêter avec qui que ce soit, aucune nécessité de contacter quelqu'un pour prendre des rendez-vous. Comme surexposés à Perth de vue, nous n'aspirions qu'à l'ombre de la tanière.


 
Mardi 30 décembre

Repos...


 
Mercredi 31 décembre

Repus...

Mais pas de manger. Non : d'être allés ailleurs, loin. Comme des plaques surexposées, on n'en finit pas de rendre la lumière.

Vers minuit, on consent à lever ensemble un verre de bourgogne à la nouvelle année. Point de tristesse, mais l'an n'est pas crédible...

©Berlol, 2003