Tourner les canons et brandir un drapeau blanc
La récompense de l’enseignant de langue, c’est d’avoir une vraie conversation, même sommaire, mais avec de vrais enjeux avec des étudiants qui, en avril, ne savaient encore pas un mot de français et qui demandent ce matin, inquiets pour leur voyage de février, comment est le temps à Orléans, ce qu’il faut prévoir et d’autres choses de ce genre.
À la base, donc, nous continuons notre travail et il porte des fruits. Pendant ce temps, les annonces se multiplient, d’universités japonaises en délicatesse économique, voire judiciaire du fait de placements perdants ou de montages financiers illégaux. Certaines ont déjà d’elles-mêmes annoncé des pertes, pour que la vertu de l’aveu les médiatise positivement. Mais on pense raisonnablement que les pires révélations sont à venir, que des fermetures suivront.
Il faut dire qu’au Japon les universités sont de véritables entreprises privées et que beaucoup d’entre elles n’ont jamais essayé de cacher leur soif de rentabilité derrière des critères pédagogiques. J’ai même entendu certaines personnes se demander s’il y avait jamais eu des universités dans cet archipel.
Oh, tout de même !…
Au séminaire de cinéma, nous étudions comment finissent les films Lady Oscar (Demy) et La Marseillaise (Renoir). Des situations très différentes, mais une même intention conclusive qui se manifeste par ce que j’appellerai ellipse complexe (je ne sais pas s’il existe un terme spécifique). Exemple, dans Lady Oscar, j’explique. Les mouvements de foule du 14 juillet 1789 séparent Oscar et son ami André ; dans une rue, des soldats prennent position, tirent, André, touché dans le dos, s’effondre, il est mort, le spectateur le sait ; dans une autre rue, Oscar le cherche, la caméra l’isole pendant qu’elle crie son nom et que des Parisiens courent autour d’elle en tous sens ; un autre plan montre un premier soldat qui tombe, abattu par la foule armée, et les autres qui font demi-tour, c’est la bascule historique qui mène, selon le film, à la prise de la Bastille ; pendant que la Bastille est prise, ce qui est signifié par le fait de tourner les canons et brandir un drapeau blanc, Oscar est de plus en plus isolée, ne trouvant André nulle part et ne pouvant participer à la liesse populaire ; un travelling arrière et surplombant signifie la distanciation finale pendant qu’on entend en voix off et avec de l’écho une parole qu’André avait dite pour exhorter Oscar au courage.
Ce que j’appelle ici ellipse complexe permet de superposer dans une même séquence le présent (Oscar cherche André — mais ne sait pas qu’il est mort) et le futur (quand Oscar saura qu’il est mort, dans une heure ou deux, par exemple, et son émotion immense), en demandant à l’actrice d’exagérer son jeu (une crainte, un pressentiment joués comme si elle savait en direct, comme le spectateur, la mort d’André) et en ajoutant des effets de son et d’image pour que le spectateur admette la distorsion chrono-sémantique. Ce n’est sans doute pas Demy qui a inventé ce procédé, des cinéphiles m’en remontreront, mais pour les étudiants c’est une vrai découverte méthodologique dont le but est la densité dramatique finalisante (cathartique ?) — et l’économie de pellicule.
Dans le shinkansen, je dors, je dîne (un excellent bento acheté au sous-sol du Takashimaya de la gare) et je fais du japonais (une brochure sur la toux et la prophylaxie de la contagion, histoire d’acquérir du vocabulaire). Dans Kagurazaka, la foule touristique des périodes de fête. C’est presque comme si on habitait à Montmartre. Sur TV5 Monde, pendant que T. dîne avec des amies, je revois La Discrète (Christian Vincent, 1990), du libertinage littéraire à la petite semaine, et qui vieillit méchamment.
Tags : Demy Jacques, Renoir Jean, Vincent Christian
Publié dans le JLR
tu nous feras savoir quand les inscriptions-réservations seront ouvertes pour les RV Berlol en période orléanaises ?
Hélas, ce n’est pas moi qui accompagnerai le groupe cette année !
Il faudra attendre quelques mois supplémentaires, mais peut-être qu’estivalement ce sera mieux aussi…
j’allais poser la même question ! dommage …
En tout cas, ça me fait très plaisir. Il y a donc encore des gens qui attendent l’occasion de me voir, là-bas ?… Tout n’est pas que virtuel ?…
dépêche toi, parce que sinon RV Québec… à part ça, le billet du demain de celui-ci c’est du spam ?
Pourquoi, parce qu’on se pâme aux œufs de saumon ? Explicite-toi un peu…