Pour plusieurs trucs qui merdent
Retour du soleil, les murs sèchent. Au cours de prononciation, j’écris un problème de calcul au tableau, tout en phonétique. Une histoire d’écrivain, de pages noircies puis tirées à 200.000 et savoir combien ça lui rapporte par page de manuscrit, ou de l’heure. Ça marche très bien, aujourd’hui.
Puis au sport, mais pas avec La Maison de rendez-vous rouvert hier (et déjà deviné par Christine) ; le poche Minuit Double est un peu fatigué, il ne tiendrait pas. J’en prends un flambant neuf, dans la pile des arrivés des derniers mois. And the winner is… Didier da Silva. Et c’est parti pour trente minutes de vélo statique.
« L’avait frappé, en y mettant le pied, que tout semblait converger là. La circularité des lieux n’est pas seule en cause, le grand carrefour de Shibuya — le square n’en occupe qu’une dixième partie, d’ailleurs excentrée — ne propose rien de moins, dirait-on, que d’occulter le reste du monde. Il paraît peu probable, par exemple, qu’au-delà de cette arène de hauts immeubles high-tech se maintienne la vaste blague qu’on connaît sous le nom d’Europe. Il n’y croit plus. Ce n’est ni si enviable ni si vrai que cette tiédeur grise qu’il boit à longs traits, que l’élégance des mots, signes, lignes, partout continuée, que la grâce tranquille de milliers de personnes traversant un théâtre de verre, de fibre optique, d’acier coloré. Ernst feint de penser qu’il n’a pas de passé et la ruse fonctionne, dans ce décor infiniment urbain et très résolument moderne il ne se sent plus une contradiction, ici coexistent, pacifiés, le néon Sprite et l’idéogramme séculaire, l’hystérie consumériste et l’ambigu sourire princier d’une lycéenne translucide. Il s’éprouve quantité négligeable, paquet d’histoires mortes, témoin, enfant, idiot, c’est loin d’être désagréable.» (Didier da Silva, Hoffmann à Tokyo, Paris : Naïve, 2007, p. 16-17)
Je ne serai pas le premier à en parler, d’ailleurs je n’en parle pas aujourd’hui. Sauf à dire que le thème de la réconciliation est une sensation post-moderne bien naturelle pour un étranger au Japon, qu’il s’agisse de réconciliation des contraires du fait de la cohabitation urbaine de tous les styles ou de la réconciliation avec soi-même suite à extraction passagère de son habitus. Cependant, il faut bien voir que ce n’est qu’une sensation.
Il y a 60 ans que les « droits de l’homme » ont été universellement déclarés et, aujourd’hui même, deux ans qu’Augusto Pinochet est mort. Il a donc vécu 58 ans en contemporain de ces idées, notamment en 1973 et après, sans que ça le gêne trop, preuve s’il en est que droits de l’homme et gouvernement autoritaire, pour ne pas dire plus, ne sont pas compatibles. Mais pour Bernard Kouchner, il a fallu attendre jusqu’à ces jours-ci pour qu’il commence à s’en apercevoir ou, tout au moins, à s’en ouvrir publiquement, cisaillant dangereusement la corde qui retient la hautaine Rama Yade.
Mais quand je vois ces deux-là nous amuser et tenter d’occuper la scène, ça et le nourrisson retrouvé, voyez ce que je veux dire, je me demande ce que Sarkozy est en train de faire passer dans notre dos. En l’occurrence, la diversion pourrait valoir pour plusieurs trucs qui merdent : l’éducation, l’audio-visuel public, le secteur automobile, la justice. Voire les Droits de l’homme en France. Voire, même, les Droits de l’homme des Français.
Oh ! mais ça va pas suffire ce petit truc-là pour cacher tout ça !
Dans la guimauve médiatique lecléziolâtre et littérature-mondiste, on notera la petite pointe acide et solide de Camille de Toledo (voir le JLR du 16 mars 2007 pour le manifeste et le Rebonds de Libé).
Deux choses étonnantes dans le Ce soir ou Jamais de lundi, outre l’hypocrisie du journaliste chinois et l’intéressante discussion avec Francis Veber : d’une part, l’annonce imprévue par ce dernier du décès de Gérard Lauzier, qu’ignorait encore Frédéric Taddeï, d’où silence, émotion, hésitation bien compréhensible dans le direct, d’autre part et pour la première fois dans cette émission, l’amputation dans la version en ligne d’un des extraits de film diffusés dans le direct, en l’occurrence le Dîner de cons, remplacé par un écran de quatre ou cinq secondes indiquant brièvement cette censure juridico-commerciale. Exigence ridicule alors que le réalisateur lui-même est sur le plateau et que, comme l’indiquait Taddeï, c’est un film que presque tout le monde a déjà vu ! (Même si ce n’est quand même pas un chef-d’œuvre, hein.)
Tags : da Silva Didier, Kouchner Bernard, Lauzier Gérard, Le Clézio Jean-Marie Gustave, Pinochet Augusto, Robbe-Grillet Alain, Sarkozy Nicolas, Taddeï Frédéric, Toledo Camille de, Veber Francis, Yade Rama
Publié dans le JLR
Ce n’est qu’une sensation : « Et ce n’est pas si mal au fond que les choses nous retrouvent tous les jours et soient les mêmes. Qu’il y ait la même femme à nos côtés, le même réveil, et que le roman ouvert sur la table se remette en marche sur la BICYCLETTE de nos lunettes. » (Cortazar, Manuel d’instructions, c’est moi qui souligne… 😉
Voilà un beau croisement de lectures ! Merci, cher Didier !
et mon gouffre Cortazar est titillé depuis deux jours –
Pour les droits de l’homme ils ne veulent pas comprendre que c’est au ministère de l’intérieur ou à celui de Brice Hortefeux qu’il devrait être joint
Bonjour,
je ne trouve pas d’adresse mail où vous joindre et simplement vous dire que je découvre aujourd’hui votre blog. La partie que j’ai visitée m’a beaucoup intéressée, je m’y plongerai plus assidûment bientôt. J’en profite pour vous signaler le site de mes écritures quotidiennes : http://lhommesansreseaux.hautetfort.com/
Le délire vaguement poétique du personnage éponyme n’est pas sans lien avec mon admiration, que vous semblez partager, pour les oeuvres de Chevillard et Volodine, entre autres. Je vous invite cordialement à le découvrir.
Jean-Baptiste Monat
Vous êtes le bienvenu dans mon petit lopin de réseau ! Je m’en vais vous rendre visite…