Nous ne voulons pas entrer dans le mouvement historique
À écouter les infos françaises, je sens que le tout sauf Ségolène va se transformer au niveau national en tout sauf le PS. L’auront bien cherché.
Grâce à Didier da Silva, je découvre le site musical Shsk’h. Design impressionnant. Et surtout l’écoute extatique d’Etsuko Chida, koto et voix. Longtemps que je n’avais pas éprouvé si douce émotion musicale.
L’épaule m’a foutu la paix. Après deux jours d’inflammation, les compresses médicales apposées par T. et la limitation des mouvements, j’ai pu dormir bien et récupérer une grande partie de ma liberté de mouvement.
Pour parfaire notre tranquillité, T. appelle l’agent immobilier de Nagoya pour lui dire que nous n’irons pas ensemble visiter la maison que j’ai vue l’autre jour. Trop grande, trop chère. Et puis nous ne voulons pas entrer dans le mouvement historique qui consiste à profiter de la tendance baissière du marché pour tenter d’obliger une famille à vendre très en-dessous du prix qu’ils avaient établi. Indécence de la descente. Nous devons trouver ce qui nous convient, et pas en banlieue non plus, sous prétexte que c’est moins cher et qu’on peut aller à la fac en voiture. Je suis né au centre de Paris, T. au centre de Tokyo, nous sommes des citadins de capitales et n’avons aucun goût (ni aucun mépris — faut-il le préciser ?) pour l’habitat permanent en banlieue ou à la campagne.
Pour faire suite aux interprétations lacaniennes d’un problème au genou, il y a déjà deux ans, je me suis demandé quel pouvait être le sens d’une éventuelle somatisation de l’épaule. Je ne vois pas de jeu de mots viable avec les pôles. Mais en me tournant vers le contexte plutôt que vers le signifiant, j’aperçois, pendant le bain, qu’en effet sur une épaule on se repose, on s’appuie, on compte — et que vu le prix demandé pour cette maison, il ne vaut mieux pas trop compter sur moi…
Récupération du JLR1, sous Dotclear. Il suffisait de remplacer le fichier index piraté par une ancienne copie… Je me dépêche de recopier quatre mois de commentaires dans les mois statiques (avril à juin). Je pourrai peut-être finir demain. Après, si cette étape historique du blog disparaît, il n’y aura rien à en regretter. Mais s’il reste en place, c’est tant mieux. J’ai de toute façon fermé les commentaires. Faudrait que j’ajoute le JLR2 dans la blogroll…
Pour nous distraire en déjeunant (salade de tomates, asperges et concombres, tagliatelles au pesto), Darjeeling Limited (Wes Anderson, que nous connaissions déjà par La Vie aquatique).
Et pour le dîner — décidément une journée de potaches… — avons loué Intolerable Cruelty (Joel et Ethan Coen, 2003), qui illustre le comble du meilleur avocat de divorce : tomber amoureux… C’est surtout l’étonnante galerie de personnages qui est signée des frères Coen ! Pour le reste, c’est quand même moyen. Je retourne à mes insectes…
« Sam, demanda Natacha, tu as visité Rome, je le sais déjà. Es-tu allé en France ?
— J’y étais récemment, répondit Sam, en se serrant contre elle. Pourquoi ?
— Juste comme ça, fit Natacha en soupirant. Ma mère me parlait souvent de la France. Que faisais-tu là-bas ?
— Comme d’habitude : je suçais le sang.
— Non, pas dans ce sens. Tu y es simplement allé, comme ça ?
— Pas tout à fait. J’ai été invité par des amis, pour la fête annuelle de Proust, à Combray.
— C’est quoi cette fête ?
Sam se tut longtemps, et Natacha se dit qu’il n’avait pas envie de parler. Le moteur d’une vedette stridulait quelque part. […] Sam se mit à parler sans se presser, d’une voix légèrement nasillarde :
— Imagine une petite église campagnarde, construite il y a près de cinq siècles, au porche orné de figures de rois chrétiens, rudement sculptées. Ils regardent une place aux marronniers dénudés, dont les branches, éclairées par quelques réverbères, brillent d’une lueur métallique. Sur les pavés du parvis apparaît un homme moustachu et solitaire qui ressemble à la cible d’un stand de tir dans un patelin de province, et il est difficile de dire ce qui se passe après, lorsque la force irrésistible du désir efface de la mémoire les souvenirs du vol et ne conserve que celui de brefs attouchements de pattes, errant au hasard, celui de la soie d’une écharpe fleurant l’eau de Cologne et la fumée de cigares, celui de la sensation rude…
— Sam, protesta Natacha. Que fais-tu ? On va nous voir…
— … et presque offensante de la présence d’une autre peau à proximité de tes lèvres. La jouissance se renforce lorsque tu commences à distinguer, derrière les couvertures déchirées qui séparaient deux corps, le bruit sourd d’un courant de sang…
— Oh Sam, pas là…
— … et ensuite les battements puissants du cœur comme des signaux envoyés de la planète Mars ou d’un autre monde, tout aussi inaccessible. Leur rythme dicte des mouvements tantôt passionnés et tantôt frivoles de ton corps, dont une longue saillie, plongée dans le labyrinthe tremblant de la chair d’autrui, concentre en elle toute ta conscience. Et soudain, tout s’achève, et tu navigues de nouveau par-dessus les vieux pavés de la rue…
— Sam…» (Viktor Pelevine, La Vie des insectes, p. 69-70)
Tags : Anderson Wes, Chida Etsuko, Coen Joel et Ethan, da Silva Didier, Lacan Jacques, Pelevine Viktor, Royal Ségolène
Publié dans le JLR
Absolument ravi de vous avoir procuré cette émotion. Vive la merveilleuse Etsuko !