La fugue sans la botte
Réveillé à 2h30, toute position devenue impossible, énervement. Épaule de merde. Vers 4h00, je parviens à empiler quelques coussins pour dormir à moitié assis sur le côté. Pas frais à 6h00 pour préparer le cours sur Dora Bruder, mais finalement, ça vaut mieux que de rester au lit.
Aujourd’hui, les supputations de Modiano sur les conditions de la fugue de Dora, et savoir si elle était consciente de l’étau (p. 57 & 59) qui se resserrait sur elle : l’internat catho d’un côté, l’internement nazi de l’autre. Puis l’épisode du Modiano de 18 ans qui va chercher la pension alimentaire chez son père en ménage avec une fausse Mylène Demongeot (p. 68-72) et qui se retrouve dans le panier à salade avec un père visiblement hostile et muet — tragi-comédie de l’incommunicabilité banale, alors qu’il a déjà commencé, en 1963, pour défendre la mémoire de ce même père, ce qui deviendra cinq ans plus tard La Place de l’étoile… On finira en grand écart avec l’évocation de l’Affiche rouge, pour les actions terroristes de la résistance, et du film Premier Rendez-vous (1941, Decoin), version joyeuse (p. 79) de la fugue sans la botte nazie.
Je vais en cours avec le bras en écharpe pour qu’il ne fatigue pas de son propre poids. Évidemment, tout le monde est très étonné, me demande ce qui m’est arrivé. Je dis que c’est l’âge…
Déjeuner au Saint-Martin avec Laurent, très content lui aussi de notre dîner de vendredi dernier (par ailleurs russophone et qui me dit que Pelevine avait été invité à l’université de Tokyo il y a trois ou quatre ans…), et Bill, qui revient enchanté d’une semaine aux Buttes Chaumont. Malgré la fatigue, je suis content de les voir et je fais honneur au poulet-frites, bien sûr. Mais je rentre pour une heure de sieste dont je sors à peine reposé et avec un bon mal de tête. Décidément…
J’acquiesce tout de même à l’idée d’aller voir un film à l’Institut, pour le premier jour des « Semaines des Cahiers du cinéma » : Avant que j‘oublie (Jacques Nolot, 2007). Je ne peux qu’approuver ces bonnes critiques. C’est un film subjectif, sincère et cru sur la banalité du quotidien de quelqu’un dont la vie n’est pourtant pas banale du tout. Ou comment vieillit un gigolo homosexuel, écrivain et séropositif, avec la mort des proches, le souci permanent de l’argent et la peur de la trithérapie, ce qui donne une superbe aventure filmique, réussissant probablement même à décevoir tout voyeurisme (homophile comme homophobe). Retenir la leçon, c’est aussi comprendre que, marginaux dès l’enfance ou l’adolescence, Pierre et ses amis savent de toujours qu’ils n’auront aucune aide de la société, massivement hétérosexuelle, et qu’ils n’auront d’héritage qu’arrangé dans le dos de familles toujours dans leur bon droit à se dire spoliées.
Tags : Decoin Henri, Demongeot Mylène, Modiano Patrick, Nolot Jacques
Publié dans le JLR
On a dû se rater de peu ce samedi. J’ai acheté de bons légumes où tu sais.
Mince ! On a oublié que c’était ce samedi ! Ceci dit, dans mon état…