Abandonner beaucoup en notes de bas de page
Hier soir, finalement, vers minuit, je suis monté sur le toit. Dans l’immeuble de grand luxe d’en face, j’ai déjà dit comment nous avons ramené à plus de respect les éclairagistes du 3e. Depuis quelques jours, avec les vents d’automne, c’est la clochette des illuminés du 5e qui nous incommode. Je dis « illuminés » parce qu’ils ont aussi un portique avec des bandes de tissus multicolores, façon tibétaine ou mongole, on ne sait.
Moi aussi, la première année au Japon, j’avais voulu la jolie clochette printanière — rangée le quatrième jour d’abrutissement monocorde. Mais nos voisins du 5e ont d’excellents doubles vitrages. Joyeux d’entendre leur clochette quand ils prennent le soleil sur la terrasse, ils en oublient l’existence quand ils verrouillent leurs portes-fenêtres pour la nuit. Mais comment les prévenir ?… Et on l’entendait aussi par l’autre côté, dans la cuisine, par réverbération dans le mur de l’immeuble nord. Au point de se demander si c’était la même, s’il n’y en avait pas deux. Nous sommes sortis jusqu’au bout du couloir, d’où on peut entendre les deux côtés à la fois. Avisant une échelle de secours, j’ai sauté pour en attraper les barreaux inférieurs, suis parvenu à y mettre un pied puis à monter sur le toit, pour la première fois, sous la surveillance de T., et clairement identifier la clochette des illuminés. Qui toute la nuit a tinté. Ça n’empêche pas de dormir, mais nous branche sur sa fréquence.
Ce matin, T. a rencontré notre concierge et lui a dit notre gêne. À quoi il a répondu qu’il connaissait bien les concierges de cet immeuble, qu’il le leur dirait. Et ce soir, T. vient de m’annoncer au téléphone qu’il n’y a plus de clochette sur la terrasse du 5e ! Comme quoi, parfois, il suffit de demander…
Dans le train, avant de m’endormir, je retraverse Songes de Mevlido, y trouve encore à glaner. Si je continue comme ça, ce n’est pas de trente minutes dont j’aurai besoin, mais de trois heures. Or tout l’art, pour les colloques, c’est de faire tenir en trente minutes ce qui pourrait à peine s’exprimer en trois heures… Et d’abandonner beaucoup en notes de bas de page (parfois publiables). En évitant aussi de simplifier trop.
Vous connaissiez gogole.fr ? Essayez, vous verrez, ça marche très bien. Ça veut dire que pour éviter tout problème, Google a aussi acheté le nom de domaine gogole… et glooge aussi.
Tags : Volodine Antoine
Publié dans le JLR
pour les cloches, c’est quand même mieux que le fusil de chasse ! chaque retour du Japon, c’est la cessation de politesse qui m’a frappé…
pour gogole @ co, tu devrais certainement acheter aussi le nom de domaine journal élitéraculaire
pour Mevlido : pense qu’on peut diffuser les 3 heures et toutes les notes de bas de page en complément de ton intervention colloque… ?!
et dire qu’ on a fantasmé sur la fée clochette !
Si je puis me permettre une petite remarque culturelle quant à la fée clochette… Celle de tes voisins n’était de toute façon plus de saison… alors, c’est bien fait pour eux.
Quant à la mienne, de clochette, je ne me prive pas de la remettre dès l’été venu… (la rentrant juste par grand vent) et au coeur de la moiteur étouffante, le léger tintement, par moments, en est bien agréable… c’est d’ailleurs une de ces traces saisonnières de la culture « haïkiste »… qui se perd… vu qu’il y a « de moins en moins de saison », mon bon ! enfin, malgré tout, encore un peu plus au Japon qu’en France (en tout cas qu’à Paris)…
Ah ah ah! avec ta clochette, tu as encore réussi à nous parler de toit! Comme le couvreur…