Une quinzaine d’années tranquilles
9:52-11:56, timing certifié par le doigté biométrique (ou biopolitique — salut, Giorgio !) et l’acceptation passive (quoi qu’on en dise). Certes, je ne pensais pas en 2004 que ça me concernerait si vite ! — Réponse du dirigeant-type : le pragmatisme et l’obligation légale. Traduction en langage non administratif : l’hypocrisie qui masque la volonté de contrôle — et mieux que jamais — voire la jouissance de ce pouvoir sur les autres, les employés, les travaillants (Grégoire Courtois), dont lui, a réussi à ne pas faire partie (sa grande fierté).
Les listes de Juifs, faut-il le rappeler encore, avaient été établies par des gens consciencieux qui répondaient pragmatisme et obligation légale.
Dora Bruder. Chapitre 4, l’histoire du père, Autrichien. D’un des pays morcelés par les traités de 1919, d’où les pauvres fuyaient par vagues vers l’ouest, notamment juifs. Engagé dans la Légion française où l’on donnait vêtements, nourriture, couche et compagnie, sous le soleil marocain, et d’où il est revenu mutilé de guerre 100 %. Chapitre 5, l’histoire de la mère, réfugiée hongroise, enfuie avec ses parents d’un autre des pays morcelés, mariée à seize ans. Modiano gravant « en creux » (p. 29) l’histoire de ces « personnes qui laissent peu de traces derrière elles » (p. 28), soulignant ainsi la parenté avec le Louis-François Pinagot d’Alain Corbin (1998) et les Vies minuscules de Pierre Michon (1984). Chapitre 6, revue de photos, oui, qui témoignent d’un temps heureux, d’une quinzaine d’années tranquilles, d’une enfant qui grandit et qui — chapitre 7 — devient « rebelle, indépendante, cavaleuse » (p. 34) dans la chambre d’hôtel meublé de ce quartier encore déprimant du temps de Modiano…
Mais il y a aussi des victoires, chez les gens libres. La dernière expérience de François Bon est édifiante. Lisez plutôt !
Et si le monde de l’édition française n’était pas aussi stupide que je le disais hier, il verrait bien où est son intérêt. Seulement, je crains bien qu’ils soient prêts à crever gonflés et étouffés dans leur amour-propre plutôt que de reconnaître qu’ils n’ont pas la maîtrise dans ce que devient leur propre métier…
« Comment, pour vous, le livre actuel et le livre virtuel s’articulent-ils ?
— Dans ma pratique quotidienne de l’information, des échanges privés, du plaisir aussi de la lecture, beaucoup passe par l’ordinateur. Rien d’incompatible entre les univers. Mais un gros défi : est-ce que, à l’écran, on peut construire les mêmes usages denses que ceux de notre génération doivent uniquement au livre ? C’est ça ou la réserve d’indiens, j’ai choisi.» (Entretien avec François Bon dans les Carnets de JLK — un JLK que je lirais plus volontiers s’il consentait à retirer ce rouge de fond qui bousille littéralement les yeux…)
Sommes enthousiasmés par Blow Out (Brian de Palma, 1981), jamais vu auparavant. Non seulement l’hommage à Antonioni mais l’amplification superbe de la mise en abyme des techniques cinématographiques : prise de son, montage, flip-book, film d’animation, synchronisation son-image — le tout entièrement analogique, toute une pièce de magnétophones, projecteurs, tables de montage et de mixage qui tiendrait aujourd’hui dans une simple malette.
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Publié dans le JLR
Blow up est un chef d’oeuvre qu’on ne voit pas assez souvent. Comme Profession reporter d’ailleurs. La technique poussée à l’extrême pour donner une oeuvre d’art derrière laquelle, finalement, elle s’efface.
Blow up et Blow out sont dans un bateau…
Mais aucun ne tombe à l’eau.