Élargir d’un coup l’horizon
Je m’en aperçois en rangeant mes courriers. J’ai reçu un message plutôt court il y a deux jours, auquel je n’ai pas prêté l’attention qu’il mérite. Comme toutes les annonces de parution, de spectacle, de colloque et de mises en ligne… Tout n’a pas toujours une grande importance, n’est-ce pas ? Mais là, ça percute dans mon cerveau saturé : quelqu’un est en train d’essayer de me faire parvenir une information majeure. De celles qui risquent d’élargir d’un coup l’horizon. Lisez plutôt, il s’agit de la mythique revue Littérature !
« Bonsoir
Aujourd’hui la Bibliothèque Numérique Surréaliste du site Mélusine s’est enrichie. La revue Littérature (première série : mars 1919-août 1921, nouvelle série : mars 1922-juin 1924) est accessible en mode texte, numéro par numéro, ce qui autorise toutes les recherches de vocabulaire.
Cordialement
Sophie BEHAR »
Par exemple ceci, que je sors du numéro 5, de juillet 1919, avec des lettres de Jacques Vaché incorporé comme interprète, et dans celle du 29 avril 1917 (p. 4)
« CHER AMI,
A l’instant votre lettre.
Il est inutile – n’est-ce pas ? de vous assurer que vous êtes toujours resté sur l’écran – Vous m’écrivez une missive « flatteuse » – sans doute pour m’obliger décemment à une réponse qu’une grande apathie comateuse reculait toujours – Au fait pendant combien de temps, au dire des autres…?
Je vous écris d’un ex-village, d’une très étroite étable-à-cochon tendue de couvertures – Je suis avec les soldats anglais – Ils ont avancé sur le parti ennemi beaucoup par ici – C’est très bruyant – Voilà. […] »
Mais comment est-ce qu’il emploie le mot écran, lui ?
Pour endiguer l’apathie, j’ai repris les exercices phonétiques de base, avec étudiants qui passent au tableau, et observation scientifique collective des problèmes rencontrés en transcrivant une expression de huit ou dix syllabes. Et ça marche. Ils comprennent bien qu’il faut d’abord bien entendre, disposer ensuite d’une connaissance suffisante des signes de l’API pour le français et enfin mettre de côté la reformulation auditive nippone (ouverture des nasales, diérèse des groupes consonantiques). Et ça marche ! Au moins ici, quand je nationalise, ça repart. Et ce n’est pas qu’une question de confiance…
Après deux brèves réunions et une vingtaine de courriers, sortie pour dîner au Bali café Putri de La Chic, avec Sophie et Andreas, le noyau dur du groupe. Suivi d’un dernier verre et d’un dessert au Zetton Odéon — où, ayant observé le serveur faire un cocktail, nous nous racontons nos petits boulots de jeunesse dans des bars… (En 83, par exemple, j’ai beaucoup secoué du shaker sur la Côte d’Azur.)
Tags : Béhar Sophie, Littérature (revue ; 1919-1924), Vaché Jacques
Publié dans le JLR
C’ est assez prodigieux en effet, merci de l’ avoir signalé !
moi aussi j’avais mis ce message en stand-by, en attendant d’aller y voir, on risque de s’y croiser ! encore une fois Henri Béhar aux avant-postes…
L’écran de cinéma… d’ailleurs le mot écran est magnifique dans l’évolution de sa sémantique.
L’écran a commencé sa carrière afin de désigner un objet qui protège d’autres choses, qui bloque donc l’accès à cet autre. Et puis, il est devenu l’objet quadrillé qui est entre le peintre et le paysage et permet de reproduire sur le canvas d’une toile le paysage que l’on voit au loin, pour finalement devenir un objet de transmission avec le cinéma et maintenant les ordinateurs.
C’est tout de même un beau renversement du blocage à la transmission.