L’écume de la coïncidence

samedi 20 septembre 2008, à 23:59 par Berlol – Enregistrer & partager

Écoute de Christine Angot dans Du Jour au lendemain du 15. Quelques passages avec un peu d’émotion, où on touche vaguement quelque chose mais globalement entretien mou, sans trop d’engagement de part ou d’autre. Trop de complicité ou pas assez. Déjà, il faut plus de trois minutes pour qu’on entende la voix de l’interviewée. Musique, ouverture, remusique, long préambule de propositions, suppositions et questions rhétoriques d’Alain Veinstein. Christine Angot monosyllabe, nécessite encore trois minutes de chauffe, l’impression qu’il la démarre comme une vieille voiture, à la manivelle. Et puis c’est parti pour une demi-heure de brusques sautes de voix, le logiciel d’enregistrement sonore est formel, que des pics et des blancs. Spécialiste des blancs à la radio, Christine Angot, des fois, dans d’autres émissions, on se demandait s’il y avait panne ou quoi, mais non c’était quinze secondes de réflexion… Je ne suis pas contre, ça fait prendre des risques au système, au média, mais cette fois, pas de longs silences, des sautes sans cesse, fatigantes. Je le réécouterai dans quelques jours, notamment pour un passage d’interrogation sur ce que font de leur vie les gens qui n’écrivent pas. Mais pas aujourd’hui.

À l’Institut franco-japonais, c’est d’abord Manu que j’aperçois. Comme souvent le samedi depuis qu’il est motorisé, il vient en famille pour emprunter des livres à la médiathèque (et comme d’habitude, on ne peut pas déjeuner ensemble). On se promet de redémarrer les déjeuners du lundi, à Akasaka justement, maintenant qu’il y travaille.
J’y venais pour voir l’ambiance autour du programme Butor, premier jour de manifestation, mais suis peu motivé par les films présentés aujourd’hui (déjà vu pour l’un). Et je ne vois personne. Bien en vue dans un des fauteuils de la médiathèque, personne ne vient non plus me saluer pendant que je lis de bout en bout les Inrockuptibles (enfin lire… parcourir plutôt).
Ai noté que j’ai raté un film nouveau sur Arte hier, New Wave (de Gaël Morel), qui avait l’air intéressant mais que je ne me souviens pas d’avoir vu dans la liste iWizz (il n’y aurait donc pas tout ?…). Toujours dans les Inrocks, bon article sur La Belle Personne
Et vrai que le sortir la même semaine qu’Entre les Murs prête un peu à comparaison et donc à confusion. N’est-ce pas fait exprès pour que de ces œuvres ne reste que le choc de l’une sur l’autre dans l’actu, l’écume de la coïncidence provoquée par les médias ? — et écarter le danger de leur propos intrinsèque. Sorte de grosse machine sociétale inconsciente qui partout met de l’huile dans les engrenages et de l’eau sur les étincelles (et pas l’inverse).

La Chambre 315 me consacre un billet intitulé Berlolzmann. J’en suis très flatté. Mon pseudonyme ainsi chevillé à Lutz Bassmann, les deux à jamais enchaînés jusqu’à la fin des disques durs. Admirable ! — En revanche, je ne sais pas ce qu’en pensera Lutz…
Moi aussi, je lis des tas de choses tous les jours, et souvent en me demandant pourquoi, parce que je n’ai pas les mêmes goûts ou les mêmes centres d’intérêt que mes voisins de galaxie. Et pourtant, là où je retourne tous les jours, y compris la Chambre 315 via les Flux Litor, c’est bien qu’il y a quelque chose qui me convient, et ça ne peut être que — littéraire — un amalgame entre le ton, le thème, la phraséologie, les références, un on-ne-sait-quoi que l’on essaie parfois de décortiquer, avec plus ou moins de succès.

Ai découvert ce soir — décidément, c’est presque tous les jours — Bibliothèque Médicis, l’émission littéraire de la chaîne Public Sénat. Par la dernière de juillet, avec Alain Corbin, Pascal Ory, Monique Canto-Sperber, et al. — très sérieux et bien intéressant. On supporte bien Elkabbach, plutôt calme et retenu (faisons du passé table rase), comme empesé dans la solennité (salonnité) des lieux. Sa retenue est presque agréable en regard de la goguenardise provoc d’un Busnel.

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Publié dans le JLR

24 réponses à “L’écume de la coïncidence”

  1. Caroline dit :

    « La belle personne » et « entre les murs » sortent à une semaine d’intervalle. Mon inclination naturelle va vers « la Belle personne ». J’irai voir l’autre aussi parce qu’il le faut pour se faire une idée. Je me souviens d’une interview de Desplechin sur France Cul durant le festival de Cannes où son film (un Conte de Noël) était en compétition et représentait la France comme « entre les murs ». Desplechin disait que lui ne faisait pas de films engagés, militants, e tutti quanti… Comme Proust, durant la première guerre mondiale écrivait « à la recherche.. » loin des tranchées. Quelle est la place de l’art par rapport à l’actualité ? À Cannes, on a peut-être un peu trop récompensé des propos plutôt que des films. Le seul que j’aie vu jusqu’à présent, c’est Gomora. Film très moyen qui me fait regretter de ne pas avoir plutôt lu le livre, une enquête qui doit être très intéressante.
    Ceci dit, j’attends avec impatience de pouvoir aller voir « la belle personne », film garanti non engagé !

  2. B G-B dit :

    cher monsieur, sans savoir comment vous avez pu repérer – et aussi vite – votre présence dans ma petite anthologie blogueuse, et en vous en remerciant, ce n’est certes pas votre attention aussi insistante pour l’auteur mentionnée en début de votre billet qui pourrait nous surprendre, comme cet extraordinaire image des peluches yeux ouverts sur le cercle de goudron en feu : mais, et bien que la comparaison s’arrête ici entre mon blog ultra-discret et un pilier du web comme vous l’êtes, nous continuerons à vous lire – vous avez une illimitée capacité à faire enrager vos lecteurs, mais apparemment il faut cela pour avoir aussi le meilleur – bien cordialement et respectueusement croyez-le
    mais pourquoi ne nous parlez-vous pas d’Osamu Dasaï au lieu de ces décrépitudes radiophoniques de la littérature des scandales nains ?

  3. B G-B dit :

    sans compter qu’elle prend un beau bouillon de vente et que ça rassure

  4. Berlol dit :

    Cher B G-B, vous êtes dans les Flux Litor, au titre des sources littéraires, parmi tous ces fontaines et robinets qui chaque jour ou chaque semaine forment le fleuve littéraire dans lequel nous baignons et qui n’est jamais deux fois le même.

    Aussi ne puis-je me voir en pilier, horrible chose dont l’érection n’est qu’une longue attente de sa chute.
    Dès le début, vers 1995, j’ai été veilleur et passeur. Mes prétentions de producteur seront venues s’ajouter à ces missions premières…

    Je ne parle pas de Dasai parce que je ne lis presque pas de littérature japonaise parce que je ne lis presque pas de littérature traduite parce que je ne conçois de littérature que dans sa langue d’origine parce que la littérature c’est d’abord la langue et que malheureusement je n’ai pas les compétences en japonais pour lire un auteur comme Dasai sinon vous pensez bien que je m’en pourlècherais…

  5. B G-B dit :

    ah, bien dommage pour nous, le regard que vous nous apportez sur le Japon étant tellement lié à cette manière d’écart que vous avez pour venir allumer, de si loin quelques projecteurs critiques sur notre vieux monde en berne – je rêve de lire Dasai dans sa langue, comme j’essaye d’entendre Sebald et ceux-là, même si je n’ai pas la compétence technique de leur langue originale – Dasai un peu comme vos tortues muettes ?

    et proposez-nous un autre mot que « pilier », je veux bien le retirer et m’excuser, pour cette assiduité et cette place circulante, si ancienne, si permanente, qui fait que nous sommes si nombreux à vous lire – et qui nous surprend autant, parfois, à vous voir emboucher telles trompettes littéraires, qui ne semblent le devenir qu’à renfort médiatique sans doute plus efficace depuis votre côté du décalage horaire ? – mais là aussi, taisons-nous, vous ne vous y cantonnez pas

  6. vinteix dit :

    Cher Berlol,
    lire Dazai même en traduction (celles de G.Renondeau, de l’avis de gens « compétents », sont très bien)… c’est pas mal du tout, et même plus que ça…
    J’espère que tu ne t’es pas privé de lire Poe traduit par Baudelaire ?
    Amicalement

  7. B G-B dit :

    merci, vinteix (sans blog?), je ne comprends pas comment Osamu Dazaï n’a pas en France le même statut que Dostoïevski et Thomas Bernhard, dont il est jumeau… et nous manquons terriblement d’éclaircissements

  8. vinteix dit :

    Oui, sans blog (sans blague), mais errant de ci de là, en nomade, dans cette blogosphère… Vous avez raison pour Dazai ; mais j’ai quand même un peu l’impression que les choses sont en route… il me semble qu’il est de plus en plus lu et connu en France… mais en matière de traduction de littérature japonaise, la France a pris un certain retard et Dazai n’est pas le seul à « souffrir » (ou à avoir souffert) de l’ombre imposée par les statues de Mishima, Kawabata ou Tanizaki… me viennent comme ça à l’esprit les noms de Sakaguchi Ango ou Izumi Kyôka…

  9. vinteix dit :

    Mais si ça peut vous « rassurer », j’ajouterais qu’il n’est pas non plus tenu en si haute estime que cela au Japon… en tout cas pas comme un équivalent de Dostoïevski ou Thomas Bernhard dans les littératures russe et allemande… J’ai comme l’impression, un peu intuitive, que les Japonais ont quelque difficulté avec un certain nombre de leurs écrivains, apparentés et souvent réduits, à première vue en tout cas, à des marginaux ou décadents (même chose d’ailleurs pour Sakaguchi… Quant à Mishima, après son suicide, son destin tragique et ses positions politiques quelque peu illuminées ont fini de le discréditer aux yeux d’une grande part des Japonais)

  10. dominique quélen dit :

    en route, en route… Les traduction de Dazai en français ne sont pas légion. J’ai lu (avec éblouissement) « La Déchéance d’un homme » il y a plus de quinze ans dans la collection « Connaissance de l’Orient » ; pas l’impression que grand-chose soit paru depuis, et surtout, qu’il y en ait vraiment eu d’échos… Je me demande finalement si, en dehors de la question des quelques noms sur lesquels les occidentaux se seraient focalisés, les traducteurs ne sont pas pour la plupart à présent monopolisés par les mangas – qui ne manquent pas non plus d’intérêt, parfois… Peut-être aussi manque-t-il au japonais un traducteur pantagruélique comme Markowicz pour le russe ou Claro pour l’anglais, par exemple ?

  11. dominique quélen dit :

    « les traductionS » (pardon !) C’est dommage, cher Berlol, qu’on ne puisse prévisualiser son message avant de l’envoyer ; ou alors on peut mais je n’ai pas compris comment – il est vrai que je suis une buse en ce domaine.

  12. Berlol dit :

    Non, non, on ne peut pas. Faudrait que je recherche s’il y a une extension qui pourrait faire cela… Mais bon, j’ai eu tellement de galères avec ce blog, que je n’ai plus trop envie d’y toucher.
    Je vais voir…
    En revanche, je peux modifier les commentaires, ce qui m’arrive pour des coquilles qui gênent le sens ou l’œil.

    Pour les traductions, c’est une discussion récurrence. Ma mauvaise expérience de Mishima, à la fac, traduit en français… de l’anglais, d’où une histoire intéressante mais une langue déplorable. A une époque où, en LGC, on n’était pas trop regardant à l’expression, au ton, au rythme… Tout ce qui déjà pour moi faisait l’essentiel de la littérature.
    Donc de temps en temps, j’en lis, comme cet hiver Akutagawa.
    Pour ce qui est des Japonais, là, je peux être formel, la très grande majorité d’entre eux ignore superbement leur littérature, dans des proportions bien supérieures à ce qui peut être imaginé en France. Ils ignorent également les littératures étrangères, sauf Harry Potter, bien sûr, ainsi que le cinéma, sauf par période les films avec certains acteurs ou actrices (Di Caprio, Clooney, il y a quelques années Tautou, etc.).
    Voilà, je vais me faire des copains, avec ça…

  13. vinteix dit :

    Dominique Quélen, en plus de « La Déchéance d’un homme », vous avez quand même aussi « Soleil couchant » (coll. L’Imaginaire), « Pays natal », « Cent vues du mont Fuji » (sublime), « Les deux bossus » chez Picquier, « Mes dernières natales » chez Fayard, « La Femme de Villon » (Rocher)… bon, c’est vrai qu’il y en a encore beaucoup d’autres non traduits à ce jour…

  14. dominique quélen dit :

    eh bien Vinteix, merci pour ces précisions ! Heureusement que Picquier, notamment, a pris la relève, car les traductions Gallimard sont bien anciennes… Et je note votre avis sur les « Cent vues du mont Fuji », qui donne furieusement envie de les lire…

  15. F dit :

    pour moi Dazaï lu en traduction bien sûr, mais violemment, parfois avec répugnance, mais le trouble où il nous met c’est celui des grands

    il y en a qui n’ont pas été traduits ? – on pourrait pétitionner pour mobiliser Véronique Perrin – Furui fait partie de la liste Vinteix ?

  16. vinteix dit :

    « liste » bien évidemment non exhaustive et ouverte… et d’ailleurs, Furui, en voici un autre que j’ignore…

    Quant aux textes de Dazai, oui, il reste encore pas mal à traduire, notamment « Otogi zôshi » (« Histoires du temps jadis », considérées par certains de mes amis japonais comme son chef d’oeuvre), les oeuvres complètes en japonais faisant 13 volumes.

  17. DQ dit :

    Mais oui, F, mettons Véronique sur ce coup-là : je signe la pétition dès qu’elle existe ! Et espérons que sa belle traduction des « Cheveux blancs » aide à faire connaître Furui. Je viens d’aller voir, par exemple, sur Wikipedia : la page qui lui est consacrée est étique, indigente et pas à jour. Je sais que ce n’est pas une référence mais tant d’internautes s’y abreuvent… Du coup ils iront voir sur remue.net, et c’est tant mieux.

  18. F dit :

    @Vinteix : aïe, j’aurais vraiment préféré ne pas le savoir..

  19. vinteix dit :

    Désolé. En tout cas, grâce à vous, je découvre Furui, déjà en commande… merci.

  20. F dit :

    ceux qui disent que les blogs ça ne sert à rien… !

  21. Berlol dit :

    Oui, les blogs, hein !
    Moi, je dormais, pendant tout ce temps. Mais j’en apprends tous les jours. Et s’il y a une pétition, je signerai (parce que je ne suis pas contre la traduction, non plus, mais faut voir).

  22. Berlol dit :

    Ça y est ! J’ai mis une extension pour prévisualiser les commentaires. S’affiche juste sous le cadre dès qu’on commence à remplir le champ du « Nom » (avec un côté redondant un peu ridicule, vous me direz…).
    Permet de se relire, surtout quand le commentaire est long, AVANT de cliquer sur « Envoyer le commentaire »…

  23. brigetoun dit :

    j’ai un retard considérable – juste dire que tout de même Dazaï est arrivé même jusqu’à moi, et que je pourrais être un critère « grand public » à peine un peu décalé grace à l’absence de télévision (jamais regardé Pivot quand il rêgnait)

  24. Manu dit :

    Pendant qu’on est dans les améliorations, ton fil commentaires est trop court. Aurais-tu une extension pour ça aussi ?