Après les risques et la boue
Plusieurs choses remarquables d’aujourd’hui. D’abord, l’écoute du disque Truth de Jeff Beck de 1968, remasterisé et augmenté en 2005, téléchargeable chez Chocoreve. Ah ! les riffs de cette époque ! On les reconnaît… Et même que c’est Rod Stewart qui chante.
Ensuite, la lecture d’un remarquable article sur le site LaVieDesIdées.fr : « France-Japon : histoire d’une relation inégale », par Christian Kessler & Gérard Siary.
Et puis ceci dans le propos de Karl, après m’avoir cité (merci, même avec quelques jours de retard, je réagis…) : « Accessible – Un format binaire (word dans le passé) pour le texte est toujours plus difficile à lire qu’un format texte simple (html par exemple).» — ce qui recoupe ce que je disais en tête du billet d’hier.
Sommes sortis en fin d’après-midi pour des courses. Ça ne nous manquait même pas, d’être dehors, mais il fallait du pain et quelque chose pour ce soir. On se fait la réflexion que déjà une semaine sans Saint-Martin… Dans l’écluse, cinq tortues pataugent sous l’arrivée d’eau verte. Apparemment, on s’est délesté du matériel, c’est l’heure du retour de mission, la joyeuse détente après les risques et la boue.
J’ai trouvé le film assez beau, fin, ni trop lent ni trop rapide (le téléchargement via iWizz a bien fonctionné). Dans le lycée et les comportements, je n’ai pas vu le XVIe arrondissement que des critiques parisiens ont dénoncé, toujours plus obnubilés par ce qui leur est proche et qui pourrait faire scandale dix minutes dans leur propre cour de récréation que par le souci sincère de saisir la volonté du cinéaste de montrer un milieu de gens aisés, assez retiré de l’espace-temps pour correspondre en bien des points au propos de Mme de La Fayette.
À mes yeux, aucun rapport avec de récents films ou livres sur l’école. L’école n’est ici qu’un théâtre pour une jeunesse éloignée des soucis matériels, un lieu fermé qui est une des dernières transpositions possibles de la cour ou plus largement du monde aristocratique tel que Marie-Madeleine Pioche de La Vergne le peignait il y a 330 ans avec une héroïne de 16 ans.
Seul bémol, contradictoire avec ce que je viens d’écrire : Louis Garrel n’est pas très crédible en prof d’italien. Pas grave au point de rejoindre l’avis de Dominique.
Par ailleurs, ne l’oublions pas car c’est sa fonction politique, la transposition doit, aux incultes de droite (ailleurs appelés otaries…), faire accroire à de l’extrême contemporain, du feuilleton pour lycéens et lycéennes comme il s’en consomme chaque semaine, pour distraction et édification (edutainment). De sorte qu’ayant exactement reconnu les attitudes de leur progéniture, il sera ensuite amusant de dire à ces parents-là que c’est en vérité le propos de La Princesse de Clèves et que cette œuvre n’est donc pas ennuyeuse, poussiéreuse ni inutile…
« Le lendemain qu’elle fut arrivée, elle alla pour assortir des pierreries chez un Italien qui en trafiquait par tout le monde. Cet homme était venu de Florence avec la reine, et s’était tellement enrichi dans son trafic, que sa maison paraissait plutôt celle d’un grand seigneur que d’un marchand. Comme elle y était, le prince de Clèves y arriva. Il fut tellement surpris de sa beauté, qu’il ne put cacher sa surprise ; et mademoiselle de Chartres ne put s’empêcher de rougir en voyant l’étonnement qu’elle lui avait donné. Elle se remit néanmoins, sans témoigner d’autre attention aux actions de ce prince que celle que la civilité lui devait donner pour un homme tel qu’il paraissait. Monsieur de Clèves la regardait avec admiration, et il ne pouvait comprendre qui était cette belle personne qu’il ne connaissait point. Il voyait bien par son air, et par tout ce qui était à sa suite, qu’elle devait être d’une grande qualité. Sa jeunesse lui faisait croire que c’était une fille ; mais ne lui voyant point de mère, et l’Italien qui ne la connaissait point l’appelant madame, il ne savait que penser, et il la regardait toujours avec étonnement. Il s’aperçut que ses regards l’embarrassaient, contre l’ordinaire des jeunes personnes qui voient toujours avec plaisir l’effet de leur beauté ; il lui parut même qu’il était cause qu’elle avait de l’impatience de s’en aller, et en effet elle sortit assez promptement.» (Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves, 1ère partie, 1678)
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Publié dans le JLR
J’ai raté ce film car je n’ai pas la TV mais attends avec impatience le plaisir d’aller le voir au cinéma. Ma fille, par contre l’a vu. Elle reconnait que le lycée manque un peu de réalisme mais en voyant Garrel en prof d’Italien elle n’a pas pu s’empêcher de penser que durant sa scolarité, elle avait eu moins de chance !
Puis nous avons parlé de La Princesse de Clèves. Elle n’en avait qu’un souvenir un peu lointain, puisqu’elle avait lu le roman, il y presque dix ans. Quant à moi, je crois l’avoir lu au même âge qu’elle, donc le souvenir est encore plus lointain.
Cela faisait quelques temps que je me disais qu’il faudrait que je le relise, surtout en entendant notre cher Président dire qu’il a… « beaucoup souffert sur elle » ! La Princesse de Clèves = sa tête de Turc ! Je me suis dit que s’il lui détestait, c’est que ce devait être certainement très bien… Et puis, la sortie du film… alors, hier matin, à la brocante, il y avait un bel exemplaire de MCMXXII Le Livre français, éditions Piazza, je ne pouvais plus reculer. En attendant la sortie du film, je sais ce qu’il me reste à faire.
C’est étonnant comme Le Président peut nous inciter à la lecture ! Qui l’aurait cru ?
cf. aussi commentaire du 6 septembre sur les formats (et supports).