C’était leur danseuse…
Alain Veinstein : « Dans ces années, je ne sais pas si on peut les appeler « l’âge d’or », vous travailliez dans l’édition, vous vous occupiez de la collection « Textes » chez Flammarion. Vous vous rendez compte, une collection comme ça, vous en connaissez beaucoup aujourd’hui ?
Philippe de la Genardière : — Non non, c’est fini, ça. Bah, oui, c’était un petit « âge d’or », bon, à l’échelle de Flammarion. C’était en fait la fin d’une époque puisque ces collections, Textes, Digraphe, la revue Digraphe, tout ça c’était juste avant les années 80, quand j’ai publié… En réalité, s’amorçait autre chose. Ces collections, ces lieux d’écriture, souvent dirigés par des écrivains eux-mêmes, comme Bernard Noël ou Jean Ristat, en l’occurrence, bon, les éditeurs, enfin, c’était leur danseuse… Ils acceptaient ça, bon, il y avait un retour d’investissement, sans doute, enfin, au niveau de l’image. Bon, ça, c’est une autre époque et puis la littérature elle-même aussi a changé. C’est-à-dire qu’il se publiait dans ces collections des choses qui ne se publieraient jamais plus aujourd’hui. Ça, c’est clair et net. Mais pas seulement des textes qui étaient dits d’avant-garde, parfois effectivement pas simples à lire, mais je crois, bon, la littérature, l’édition… On n’est plus dans la littérature, on est dans l’industrie du livre. C’est le livre, et tout le monde parle du livre, on parle du livre tout le temps, mais la littérature, non, c’est fini, quoi. On parle plus de la littérature. Que dans des espaces, bon, plus intimes…
— Et pourtant, vous publiez un livre à la rentrée littéraire…
— Oui, bah ça, c’est le hasard aussi des… bon, on termine un livre à un moment… » (Philippe de la Genardière chez Alain Veinstein, Du jour au lendemain du 27 août.)
Voilà, voilà. Toute l’ambiguïté est là, dite gentiment. Un vieux de la vieille dit que c’est plus possible et publie quand même. Mais lui, un texte, pardon un livre en « langue classique », Veinstein le dit une minute après, et tout à fait par hasard au moment de la rentrée, si difficile, dans ce marché du livre auquel il faudrait échapper, mais en même temps ne voulant pas être poussé, relégué, abandonné dans ces « espaces »… « intimes »… de « la littérature »… « aujourd’hui »…
Le marigot. Encore et toujours, même de bonne foi. Et ça vient (nous) dire que la littérature a changé. Alors que c’est soi, en tant qu’acteur du monde éditorial, qui a bien changé. Sans s’en rendre compte ? Alors que c’est audible en quelques mots. Que je n’invente pas. Tout le monde peut les écouter. (Et je ne dis pas que son livre est mauvais ; je le lirai même peut-être…)
Parce que des textes « d’avant-garde », je ne sais pas, mais « pas simples à lire », moi, j’en trouve encore. J’en trouve même pas mal, chaque année. Même trop pour ma petite vitesse de lecture. Et même à 11.000 km de Paris, je les trouve…
Alors ?
Tiens, en remède, chez Emaz (extrait de Cambouis, à paraître en 2009, merci François !), une définition belle et fine du travail d’écriture (le texte est beaucoup plus long, il faut y aller) : « […] c’est comme un savoir-faire prévu pour s’adapter à l’imprévu.»
Sinon, nous, à la maison pour nos recherches presque toute la journée. Je vais à l’Institut en fin d’après-midi. D’abord pour lire l’entretien avec Christine Angot dans ArtPress (n°348) — excellent, donne vraiment envie de lire Le Marché des amants — que je vais recevoir dans quelques jours.
Puis pot d’accueil du nouveau directeur de l’Institut avec une petite trentaine d’enseignants et de personnels administratifs. Bonne ambiance et goûteux petits fours. Ça faisait longtemps que je n’avais pas socialisé et picolé de la sorte…
Tags : Angot Christine, Bon François, Emaz François, Genardière Philippe de la, Noël Bernard, Ristat Jean, Veinstein Alain
Publié dans le JLR
Deux époques: celle de Céline expliquant (voir commentaire récent de Vinteix) que Proust ce sont des préliminaires un peu longs, 300 pages avant que l’un n’encule l’autre, et notre époque dans laquelle Assouline explique que dans le dernier Angot ce sont trois cents pages de « d’accord mais ne te trompe pas de trou ». Au passage c’est amusant, je range effectivement Proust et Céline sur la même étagère des monstres sacrés et Assouline et Angot sur la table basse de la salle d’attente de mon dentiste.
Bref, pour aller droit au but, si j’ose dire, je vous recommande la lecture de la revue « Enculer » dont le numéro 4 vient de sortir, une merveille!
http://enculer-revue.net/
Amicalement, en tout bien tout honneur.
Phil
ben vrai qu’il y en a plutôt beaucoup, et que je n’arrive pas à assécher mes envies.
Ben vrai aussi qu’il y a les blogs (enfin certains, merci à vous) pour se guider, même si je n’adhère pas toujours aux choix (et Veinstein aussi est pas mal, et pourtant institutionnel ou presque)
Je voudrais bien « Enculer » mais je ne sais pas comment faire ici…
Sinon, Phil, je voudrais m’assurer que ton propos n’est pas simple persifflage. Qu’as-tu lu d’Angot ? Et accessoirement peux-tu en fournir une analyse qui soit autre chose que le ramassis de ragots qu’on trouve partout ?
Parce que des gens pour dire du mal de Proust, il y en avait à la pelle dans les années 1900-1930. Et bien souvent, ce n’était qu’une pose mondaine, peu d’entre eux l’ayant vraiment lu.
Bien sûr, je ne compare pas textuellement Proust et Angot, ce serait ridicule, mais du côté du rejet mondain, médiatique et pseudo-littéraire des gazettes, il y aurait bien des points communs…
En toute amitié, bien sûr.
A Phil, pour les « 300 pages » de Proust, c’est certain : quelles pages !
Je voudrais bien « Enculer » moi aussi…
Sinon, pour monter encore au créneau à propos de Veinstein… qu’il soit « institutionnel ou presque » ou vaguement désenchanté par l’édition actuelle, cela me semble un épiphénomène… je pense qu’il reste toujours un des grands défenseurs de la littérature contemporaine, et pas seulement « institutionnalisée »… loin de là ! pardon de me répéter, mais comme je le disais déjà, cela fait maintenant de longues années qu’il défend par exemple la poésie et invite aussi régulièrement à son micro des auteurs de 1ers livres… je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’hommes de médias comme lui qui se permettent de consacrer sur un médium comparable à Radio-France (France-Culture) 45 minutes d’une émission en tête à tête avec un auteur totalement inconnu…
Dans l’autofictif d’Éric Chevillard de ce jour, j’ai relevé ceci :
« D’accord mais attention, te trompe pas de trou, écrit Christine Angot. Les passions ont beau nous mener, la syntaxe de la langue française est incorruptible, écrit Rivarol. »
Chevillard a raison : il vaut mieux en rire !
Je vois qu’on tient le bon bout…
Mais soyons prudents, Vinteix. Je me suis peut-être mal exprimé, ou c’est toi qui as lu trop vite : je n’ai pas critiqué Veinstein sur le fond de son travail, sur son travail de fonds, devrait-on dire, qui est de nous faire rencontrer des auteurs depuis des dizaines d’années (et pour moi depuis une dizaine que je l’écoute), y compris de poésie, comme tu le soulignes justement.
Ci-dessus, j’ai relevé l’aporie qui affleure et me met mal à l’aise dans les paroles de de la Genardière et qui, outre son cas personnel, a pour toile de fond le Titanic de l’édition française, sur quoi je suis d’accord.
Sauf que, encore une fois, Veinstein ou de la Genardière étant à l’intérieur du monde éditorial depuis des dizaines d’années n’ont pas pu, su ?, voulu ? anticiper le naufrage il y a dix ans, n’ont peut-être pas dénoncé, annoncé quand ils le pouvaient ce qui allait se produire.
Aujourd’hui, ils regardent le crépuscule descendre et accusent le destin commercial du livre. Et dans le même temps, ils continuent à ne pas voir ce qui se passe dans l’internet, la richesse phénoménale qui s’y développe — et qu’Assouline, en bon parasite, a très bien vu, lui, rendons-lui au moins cette sorte d’hommage.
Enfin, pour ce qui est des « poubelles », ne faisons pas de contresens. il s’agit d’une référence à l’expression « littérature des poubelles », tirée de « Lisbonne dernière marge », de Volodine, que Christine avait bien identifié le 8. La fiction de Volodine étant un monde totalement différent du nôtre, l’expression n’a pas de relation avec ce qui se passe chez nous.
Oui, d’accord avec ce que tu dis là, Berlol… en même temps, Veinstein n’est qu’un très minuscule acteur du monde éditorial et n’est sûrement pas des grands qui tiennent les rouages du marché… se rappeler par exemple ses récents déboires, il y a 4 ou 5 ans, avec sa collection chez Léo Scheer… quand justement il essayait de faire quelque chose qui ne correspondait pas forcément aux critères économiques…
En même temps, comme dans leur petit dialogue, ils évoquent au passage la revue « Digraphes », force est de constater que, même s’il existe toujours des revues de grande qualité, dont certaines sont même assez anciennes, l’époque est devenue encore plus difficile pour ces revues, et une ribambelle est passée à la trappe (« Ralentir travaux », « Digraphe », etc.) ou d’autres ont bien failli, sont renées de leurs cendres et survivent (« Lignes »…)
Tout à fait d’accord. Et encore faudrait-il ajouter que les déboires récents de Melville/Veinstein (qui par exemple, à propos de premiers livres, y publia celui, dense et magnifique, d’un quinquagénaire : La Rade foraine de Jean-Marc Elias) et de Déplacements/Bon touchent des textes souvent bien plus accessibles (je parle en termes de lisibilité, non de qualité) que ceux que publièrent jadis ou naguère Digraphe, Textes chez Flammarion, etc. Sans compter que, toujours chez Flammarion, même la collection Poésie, pourtant une institution comme l’est Veinstein de son côté, si elle perdure, se voit cependant contrainte de réduire de moitié le nombre annuel de ses publications. Que même, moins au bord du spectre, un auteur et éditeur « livresque » comme Maulpoix soit acculé à abandonner la version sur papier du Nouveau Recueil pour le continuer sur le net, où à mon avis ça ne durera pas, est significatif.
Pour en revenir à l’indispensable Veinstein, une lecture de son Interviewer (Calmann-Lévy, 2001) en dit long sur la fragilité de tout cela…
Berlol
J’ai lu « L’inceste » en entier que j’ai détesté (dans le même genre je m’étais astreins à lire « les particules élémentaires » en entier aussi) dans son intégralité, je crois que je déteste absolument tout chez elle, sa façon d’écrire qui n’en est pas une, son propos et son autoabsorption, pour le reste, j’ai tenté de lire après « ‘Inceste » presque tout ce qu’elle a sorti, mais à chaque fois chez le libraire, je passe difficilement la deuxième page.
Par ailleurs toutes ces interventions dans la presse en général m’insupportent au dernier point, je fais difficilement la différence entre elle et un des personnages de « Loft Story » ou je ne sais quelle merdasse à la téloche.
J’espère que cette réponse est assez honnête, et je m’amuse que tu me soupçonnes d’être mondain, je trouve que cela me va à ravir, je tenterai d’y repenser la prochaine fois que je mange de la boue sur le terrain de rugby, je me dirais, Phil t’es rien qu’un mondain!
Amicalement
Phil
Pardon d’en remettre une couche, si je puis dire… mais autant avec Houellebecq, je suis forcément partiel ou partial, n’ayant lu qu’un de ses premiers livres… qui m’incline cependant à une relative estime… autant, là, avec Angot, je risque de passer pour un malhonnête, n’ayant jamais pu franchir le cap de 2 ou 3 pages…
Pourtant, je viens de faire un nouvel effort, en l’écoutant lire un extrait de son dernier opus…
c’est ici :
http://www.lemonde.fr/web/video/0,47-0,54-1089154,0.html
et ben ! 320 pages de cet acabit, faut un certain courage pour s’y atteler !
A se demander si sa maîtrise du langage des signes, cette façon un peu nerveuse et forcée qu’elle a de s’adresser aux sourds-muets en ponctuant de la main sa lecture, n’est pas pour combler l’indigence de l’écriture elle-même…
Au moins, avec Glenn Gould, qui, outre son chantonnement, en faisait moins avec ses mains au-dessus du clavier (enfin, quand elles s’élevaient au-dessus des touches, bien sûr), il y avait la musique avant tout, et quelle musique !
Bref, quant à Angot, même impression que les pages feuilletées en librairie… et comme à ce moment-là, je n’étais pas en manque urgent de papier toilette, je me suis dispensé de tout achat…
Pardon… je me défoule un peu, je l’avoue… (sans mondanité, cependant)
et en toute amitié, bien sûr.
C’est vrai que parler de mondanité au sujet de Phil, c’était un peu fort. Merci tout de même d’avoir répondu, ça m’ôte un doute et je respecte ton opinion.
Et comme ça, je me dis que même au rugby, tu penseras à moi !
Pour la revue que tu sais, tu as mon adresse ?
Revue Enculer
Editions Chien,
1 rue du commandant Charcot
35000 Rennes
Toujours pas d’accord avec Philippe De Jonckheere. Le travail littéraire de Christine Angot me paraît court-circuiter la logique du Loft plus concrètement que toutes nos critiques de ces programmes pervers, puisqu’Angot part, parle, pense, panse, la personne, contre —justement— les grands et beaux personnages.
ouais, peu importe les grands et beaux personnages… ce qui importe le plus, si l’on parle d’un écrivain, c’est l’écriture… vous avez écouté et vu cet extrait vidéo de « littérature » pour sourds et muets ? Sidérant !
J’ai tenu moins d’une minute, et, effectivement, les yeux fermés parce la gestuelle est tellement stupide. Mais bon, je ne veux pas faire mon mondain.
@ stubborn: juste quand je parle de télévision, il vaut mieux ne pas écouter, je n’ai pas la télévision, et je n’y connais rien, « loft story » c’est juste comme cela une référence dont j’ai vaguement entendu parler dans un article qui parlait de la télévision. Dans vingt ans, parlant de la télévision, cherchant un exemple, je dirai encore « loft story » et je ne comprendrais pas que mon auditoire ne voit plus du tout de quoi je parle.
Amicalement
Phil
@Vinteix. L’écriture. Vous voulez dire le style ? Parce que l’écriture ce n’est pas exactement le style (beaucoup à dire là encore… ) Disons pour faire court, parce que je ne suis pas sûre de ne pas vous ennuyer terriblement, que je trouve simplement le style d’Angot fulgurant de vitesse, d’économies, de minimalisme vivant, de constructions neuves et de continuité avec les plus grands.
@Philippe De Jonckheere. Faites comme moi : faites abstraction des gestes ! Parce qu’enfin, sur le fond, si les rugbyman non mondains et la petite lutteuse poids livre qui travaille contre les connivences et les contrôleurs de l’espace mental, pouvaient se comprendre, ce serait pas du luxe par ces temps edvigiens. Amicalement.
Allez, deux petites adresses pour vous réalimenter en cours de joute :
http://www.berlol.net/dotclear/index.php/?q=angot
(et chercher Angot, y’a de quoi faire)
et
http://marc.edouard.nabe.free.fr/etlittellniquaangot.pdf
pour le fun…
Donc, j’ai déjà donné et, sans vouloir vous choquer, il y a dans les positions critiques, les vôtres, les autres, au sujet d’Angot, une évidente (pour moi) différence masculin / féminin que rien ne réduira (je suis du côté du féminin ?). Mais il (me) (nous?) faut d’abord lire le livre…
Ce qui est sûr, c’est qu’elle déchaîne des passions, la mère Angot !
Pour ce qui est du qualificatif de mondain, je crois qu’il lui sied à merveille. Elle ne vit que dans le marigot littéro-culturel de la Rive Gauche, raconte dans son dernier livre une aventure ô combien exotique puisqu’elle l’emmène jusque dans le 18è arrondissement, fréquente les gens qui écrivent des papiers sur elle (Josyane Savigneau dont on sait par avance ce qu’elle va dire à propos d’Angot).
Alors qui est le plus mondain ? Phil ? Chris ? Nous ?
Celui ou celle qui essaye de me voler mon étiquette de mondain dans cette discussion c’est simple je lui colle un taquet! Farpaitement.
Amicalement
Phil
Oui, mon daim ! Nous t’adorons comme tu es, tout crotté, crampons plantés dans les parquets cirés !
Vas-y, plaque-les tous !
@ Stubborn, ce que vous me dites de l’écriture d’Angot (pardon, mais j’ai la faiblesse de m’attacher à ce terme, même si je peux faire la différence avec le style) est intéressant, mais par rapport à toutes les qualités que vous accordez à son style (vitesse, fulgurance, économie de moyens), j’ai la faiblesse de me contenter (d’un contentement infini) de beaucoup beaucoup d’autres, en vrac et par exemple, à commencer par : Céline, Joyce, Rodanski, Hardellet, Hedayat, Burroughs, Guyotat, Bataille, Beckett, Michaux, Duits, Genka, Duras, etc etc.… à côté de qui le style d’Angot, sur les qualités citées, me semble d’une platitude et d’un creux vertigineux. Bien sûr, vous pourrez toujours me dire que je cite surtout là des dinosaures ou des monstres sacrés (voire des morts, pourtant bien vivants à mes yeux)… et quand bien même… si l’on parle d’écriture, on est peut « en dehors du temps », dans l’absence de temps ou dans un autre temps, qui ne se confond pas complètement avec le temps historique ou chronologique… et quant aux « constructions neuves » et à « la continuité avec les grands » que vous évoquez, Angot me semble bien insipide en comparaison…
Et encore, par rapport aux qualités d’écriture que vous énumériez, volontairement, je ne fais allusion ici qu’à des auteurs de romans, récits ou (auto)fictions (qui ne constituent qu’une petite part de mes lectures) pour parler de choses comparables, même si la question des genres m’indiffère assez… parce que si on élargit à toute l’écriture en général, alors là, il y a pléthore d’écritures marquées par la vitesse, la fulgurance et/ou l’économie de moyens, autrement riches, impressionnantes et palpitantes à mes yeux…
Quant à ce que vous disiez des « grands et beaux personnages » contrecarrés par Angot, heureusement qu’on ne l’a pas attendue pour avoir des « bas / petits et laids / misérables personnages »… depuis Dostoïevski, je pense même qu’on pourrait dire, sans trop grand risque de se tromper, que la littérature du XXe siècle est beaucoup plus riche en personnages de la seconde « catégorie » que de la première…
@ Berlol. Je me suis rarement forcé (à part un pavé ou deux comme Heidegger) à lire un livre… cela me semble même, quant à moi bien sûr, par rapport au « plaisir du texte », la dernière des choses à faire… alors, l’eau tiède… alors qu’il y a tant de lectures autrement brûlantes ! Et il me semble que généralement, quelques pages permettent de dire à peu près si l’on accroche ou pas à un style, si on l’aime ou pas, s’il y en a un ou pas, dans quelle mesure il peut être novateur, étonnant, « riche » ou pas… après, mon masochisme a des limites et on n’est jamais obligé de lire un livre qui vous ennuie profondément. Mais bon, peu importe mon « jugement ».
Par contre, franchement, j’aimerais bien savoir ce que tu trouves dans Angot… ça m’intéresserait… parce que l’opposition masculin / féminin me semble une pirouette un peu facile… mais il y a sans doute autre chose derrière… ?
Amicalement
PS : pour ce qui est de la mondanité, à première vue, et pardon pour Phil, j’aurais plutôt tendance à rejoindre Caroline, en effet…
C’est vrai, Vinteix, que je devrais préciser ce que j’entends par différence masculin / féminin dans l’écriture. Ça n’est tellement plus d’actualité ! Même quelqu’un comme toi peut (faire semblant de) ne pas comprendre ! Mais pour moi, c’est évident. Hélas, tellement évident que pour le préciser, il me faudrait deux ans de préparation afin de démonter les fils et les pièces qui construisent cette évidence.
Comme ça, au vol : Yourcenar, Beauvoir ou Despentes ont une écriture du masculin (quel que soit le sujet de l’écriture). Bien sûr, Sarraute, Duras, Woolf ou Angot sont du côté féminin…
Allez comprendre !
Masculin-féminin… j’entends bien ce que tu veux dire, Berlol, et ne fais pas semblant… mais pour moi, ça ne suffit pas et ne constitue guère un critère d’élection littéraire… d’ailleurs, la preuve (quant à moi, j’entends), je goûte fort et Sarraute et Duras et Woolf, auxquelles je pourrais ajouter Unica Zürn, Joyce Mansour, Suzanne Lilar, Annie Le Brun, etc., qui sont bien pour moi du côté féminin, autant, va savoir pourquoi, les livres feuilletés d’Angot me tombent des mains et me laissent une impression de creux et de vide abyssale…
Anecdotiquement, et pour la légèreté des propos (qui ne doit pas nuire, au contraire, je pense, aux « salons littéraires dans le net »), comme il semble que Miss Angot soit allée s’encanailler dans le 18eme arrondissement, comme je suis plutôt rive droite que rive gauche, et ai habité 13 ans dans le 18eme, y déménageant 5 fois, ayant à peu près fait le tour de la butte (jamais en haut… le rêve, mais pas les moyens), de la Place Clichy à la Goutte d’or, en passant par Anvers, Jules Joffrin, Porte de Clignancourt, j’aurais pu, à une autre époque, un peu voyou sur les bords (« au milieu, c’est vrai qu’je crains un peu… »), l’accompagner dans quelques aventures bien palpitantes (à condition toutefois qu’elle n’ait pas quand elle parle la même gestuelle insupportable que quand elle lit)…
Bon, ceci dit en toute amitié
et en toute légèreté
et pardon pour cette petite raillerie – mais quant à moi, je vois un tel vide dans ses livres, qu’il ne me laisse pas de marbre, quand je vois de plus le tapage médiatique qu’ils suscitent – mais ce n’est pas à l’auteur des « Salons littéraires sont dans l’internet » que j’apprendrais que fut un temps, ou plutôt des temps, où, dans des « salons » ou pas, en matière de littérature et de création en général, les critiques, diatribes, tribunes, voire règlements de comptes, étaient autrement passionnés/els, éperdus et violents… par ex. dans les années 1900-1930 (que je considère à titre personnel comme une sorte d’âge d’or littéraire)…
@Philippe De Jonckheere. La première difficulté lorsque l’on a affaire aux très grands, et je pense que vous serez d’accord avec moi, consiste bien souvent à reconnaître sous le plat apparent la richesse. La seconde me paraît précisément tenir au fait que le nouveau se compare mal. (c’est à cela qu’on le reconnaît !)
Ceci étant, et je vous en remercie, au moins sommes-nous ici au centre de la littérature, et non comme c’est le cas chez nos éminents, guillemets, critiques, à sa plus complète périphérie.
quant au « plat apparent », en nietzschéen que je suis, j’aurais plutôt tendance à placer la « réalité » des choses – sans parler de « vérité » – dans les apparences précisément… même si l’or du temps n’est pas toujours le plus brillant…