L’amour immodéré des groupes consonantiques
Vu mes vains vœux de janvier,
qu’advient-il des déconvenues évoquées ?
…
Tout est tant avéré – hélas –
que je n’avais rien besoin d’écrire depuis.
* *
*
Reçu et lu début mars, Point de côté de Judith Godrèche (Flammarion, 1995) m’a agréablement surpris. Un style direct, sans grandiloquence ni contextualisation, pour un épisode d’une rupture désordonnée, une transition ni réussie ni ratée vers l’état adulte. Trente ans plus tard, nous pourrions y rechercher la trace de ce que l’auteure dénonce maintenant, mais ce serait perdre la présence fantasque et rebelle d’une Juliette en train de se libérer de son adolescence, de sa famille, de ses pygmalions – oui, dans lesquels il y a des pigs.
Juliette s’arrête de sautiller, elle marche plus doucement maintenant.
– Oui, celui-là, oui. J’étais mineure, alors ma mère écrivait une lettre qu’elle allait faire tamponner à la mairie. Comme ça je pouvais aller partout avec lui là où il m’emmenait, là où il allait.
– Et sinon ?
– Sinon : détournement de mineure, les flics, la prison. A chaque fois qu’on partait en voyage, hop, elle faisait une lettre.
– Ça disait quoi ?
– Ça disait : « J’autorise ma fille à dormir dans la même chambre que monsieur Untel durant son séjour dans tel pays. » Et elle signait. Et on était plus hors la loi.
– Elle signait elle-même ?
– Elle-même toute seule, elle signait, et je partais.
– Et pendant ce temps elle faisait quoi ?
– Je sais pas. Elle continuait. (p. 75-76)
Dans mes cours de FLE de 2e année du 1er trimestre, j’ai remis à l’honneur les tests de conjugaison et les dictées, sachant que les verbes à préparer sont indiqués et le vocabulaire circonscrit aux leçons étudiées. Sur les 6 tests des 20 étudiants, le résultat est sans appel : alors que les conjugaisons sont presque parfaitement restituées, les dictées sont très fautives. Au-delà de l’amour immodéré des groupes consonantiques et de la propension du français à lier phonétiquement les mots (phénomènes quasi absents du japonais), qu’est-ce que ça veut dire ?
Que l’écoute des phrases de dictée, même lentement lues et répétées, ne permet pas aux étudiants de reconnaître les termes pourtant déjà étudiés. Autrement dit, et ce n’est pas nouveau, le manque d’exercices d’écoute et de conversation + la priorité quasi religieuse accordée au texte écrit dans la plupart des cours empêchent que ce qui est écouté soit entendu.
Côté recherche, calme relatif. Pendant près de trois mois, j’ai co-relu et co-commenté (au moins 2 heures par jour) les textes du colloque Mazarinades et territoires (Rouen, sept. 2022) en vue d’une prochaine édition des actes.
Alors quand mon chef de département m’a demandé confirmation (gentiment) du fait que je n’avais rien publié en 2023, je lui ai simplement répondu (gentiment itou) que non, à part (!) ma thèse de doctorat soutenue en décembre et maintenant accessible en ligne, je n’ai rien publié l’année dernière.
Mais quel trou sans fond, ces publications ! D’ailleurs, quelle promotion devrais-je en attendre !…
Tags : Godrèche Judith
Publié dans le JLR