Le jour où la neige sera noire
Tombé par hasard sur un épisode de la série Nestor Burma, avec Guy Marchand, et malgré la mauvaise qualité vidéo des copies Youtube, je n’ai pu y résister. Déjà parti de France à l’époque, je n’avais rien su de cette série et ne m’y étais jamais intéressé, persuadé qu’elle serait sirupeuse et ennuyeuse à souhait. Ce n’est pas tout à fait faux, d’ailleurs, mais elle a aussi un charme désuet et mélancolique qui tranche sur les productions actuelles. Certes, il faudrait vérifier si le Burma de Léo Malet est aussi tombeur que le crooner Guy Marchand… Pas sûr que certaines tirades machistes voire misogynes passeraient encore, ni qu’aucun des épisodes réussisse le test de Bechdel (probablement comme les romans de Malet). Mais quelques enquêtes dans les milieux bourgeois frôlent le Chabrol, en moins acide.
Malgré tout cela, il n’était pas prévu que j’en parle… jusqu’à visionner l’adaptation de Brouillard au Pont de Tolbiac (série 3, épisode 5, 1994). Or j’ai bien connu ce quartier dans les années 80, le pont, l’escalier, la rue Watt sous les rails menant à Austerlitz, les immeubles déjà bien délabrés et tout ce vieux Paris déjà poudreux que j’y avais ensuite retrouvé, presque jusqu’à l’odeur, dans la BD de Jacques Tardi de 1982 (le téléfilm reprend même, pour le titre, la typo de Casterman).
Avec Guy Marchand, la gitane de Malet de 1950 est devenue une chinoise de 1994, le vol d’argent de 1936 s’est transformé en disparition de fourgon en 1968. Jean-Claude Dreyfus, ex-soixante-huitard devenu capitaliste pourri, incarne le nouvel Haussmann de Bercy-Tolbiac, faisant construire… la BnF, inaugurée en 1995. Et voilà Marchand et Dreyfus dans les bureaux devant les maquettes, puis dans le réel chantier de l’une des tours, ce qui est aussi ahurissant que Buffet froid tourné dans le RER désert et les premières tours de La Défense, pas encore finies en 1979…
Je cesserai de t’aimer
le jour où la neige sera noire.
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Publié dans le JLR