Et du regret me tendent l’idée
Par intermittence, j’essaie de comprendre ce qui s’est passé hier dans les bases de données. Il y a du changement Iso-8859 en UTF-8 dans l’air, c’est certain. Mais où, pourquoi et comment ? Et pourquoi cela ne se peut-il rétablir par l’opération inverse ? Et pourquoi ne puis-je plus insérer de japonais ? Autant de questions auxquelles l’hébergeur se garde bien de répondre et qui resteront ouvertes pour aujourd’hui. Si quelqu’un veut se porter volontaire pour m’aider à comprendre…
Que cela ne nous empêche pas d’aller déjeuner au Saint-Martin est une preuve de salubrité mentale, non ? D’autant qu’il fait beau, que les rues sont animées et que le restaurant va fermer pour plus de deux semaines… Nous y retrouvons un couple de connaissances du quartier, eux aussi désolés et craignant de maigrir durant les vacances corses de nos hôtes. Cependant ils les ont bien méritées, ces vacances. Même s’ils ont payé la surcharge carburant au prix fort, alors même qu’elle commence à baisser…
Cet été, en ne partant pas, nous avons économisé près de 400.000 yens (2600 euros) d’avion ! Le cumul des dépenses pour le déménagement n’arrive pas à la moitié de cette somme. Et quelle tranquillité ! (Mais parfois, les images de plages, de chemins de montagne ou de rues parisiennes m’assaillent, et du regret me tendent l’idée — que je ne saisis pas.)
Du regret de bloguer aussi, les problèmes actuels me tendent l’idée… Je me rappelle très bien ma colère naïve (romantique) au début du blog, spip, php et autres, sentant que la complexité croissante des systèmes allait faire perdre leur liberté à ceux qui avaient appris à peu de frais à s’exprimer au moyen de l’html. Des solutions clé en main sont apparues ensuite, redonnant cette facilité d’expression, d’où le boom du blog sur plateforme commerciale. Mais pour ceux qui souhaitent toujours garder leur indépendance, leur autonomie et la propriété de leur production, nécessité impérative de suivre l’élévation du niveau technique, sinon… on se croit à l’abri, ayant cliqué sur sauvegarder, engrangé ses backups… alors qu’on n’y est pas du tout, ce n’est qu’une illusion, le moindre glitch vous bousille tout en une fraction de seconde et dans des proportions incalculables.
Se reliant directement à mes craintes pour l’avenir du stockage du patrimoine littéraire, telles que je les exposais lors du colloque ILF 2005 de Cerisy, je vois maintenant que l’accroissement de la fragilisation des données de la mémoire humaine par le degré de complexité technique même risque bien de devenir un instrument de pouvoir. En effet, la cybernétique mondialisée saura tirer profit des disparitions de données (beaucoup plus facilement que lorsque la tyrannie ordonnait des autodafés — et tout en faisant croire à leur augmentation et à leur disponibilité) pour asservir les masses qui perdront progressivement le contact avec leurs racines culturelles, judicieusement remplacées, d’ores et déjà, par le clinquant global dont Sarkozy, Berlusconi, Bush et Poutine sont déjà les VRP. Possédées en sous-main par des groupes politiques, les marques commerciales deviennent alors vecteurs prioritaires de culture, masquant progressivement les ressources historiques encore et toujours bien réelles, masquant bien sûr qu’elles masquent ce qu’elles masquent (pourrait dire Meschonnic), jusqu’à ce qu’une génération — puis deux, puis trois… — ait été entièrement bâtie de ces artifices, le cerveau entièrement rempli de publicité dans laquelle le vocabulaire est intégralement recyclé, art, beauté, littérature, intelligence, amour, etc., n’ayant plus que le sens que les marques et les réseaux cybernétiques leur ont forgé. De sorte que du passé, rien ne sera détruit mais que (l’accès à) tout aura disparu. Non qu’il soit interdit mais partout remplacé, dans les chemins des réseaux, par les leurres des marques commerciales et des groupes de pouvoir.
— Hein ? Qu’est-ce que vous dites ? C’est déjà comme ça ? Et personne ne me lit ? Ah !…
Nous avons loué Charlotte Gray (2002) et c’est une erreur. Rien à en sauver. Sauf qu’on aimerait bien aller faire un tour dans le village de Saint Antonin Noble Val (où le film a été tourné, en quasi-autarcie, d’où son aspect conte de fée…).
Ce soir, grève d’écriture. Au lit avec Jorian Murgrave…
Tags : ILF 2005, Meschonnic Henri, Volodine Antoine
Publié dans le JLR
cela nous vaudra l’impression grisâtre d’être résistants – et le soucis de la sauvegarde.
Vous y ajoutez le choix judicieux et intrigant des titres de billet
puisqu’elle a l’air partie sur les chemins de Corse ou dans les rues parisiennes,signaler que le robot Heritrix, à la BNF (qui obéit au gdoigt et à l’oeil de la personne mentionnée ci-dessus), a pour fonction 1 de créer cet archivage sur un nombre significatif de blogs et sites sélectionnés par discipline, 2 de rendre pérenne cet archivage
plus leur rachat des octets d’archive.org pour la période 1997-2002
ainsi, pour ma part, base plantée de tumulte.net avec 400 photos effacées de mes disques par erreur, reste consultable…
n’empêche que le problème que tu lèves est considérable : et qu’on peut aussi se dire qu’on apprend un art de l’éphémère, comme le théâtre ou la danse, et que c’est peut-être bien aussi pour ça, que la littérature a sans doute beaucoup à apprendre à ne pas se vouloir accumulation permanente de ses propres agissements
et note pour Brigetoun la résistante : Berlol n’a aucun mérite dans l’invention de ses titres, il les copie dans ses propres billets!
Je trouve en effet très pertinent l’idée que la complexité technologique d’un format de données va à l’encontre de la persistance des données qu’il contient.
Rien de plus simple que d’ouvrir un fichier texte sauvé il y a des dizaines d’années, alors que pour un fichier sauvegardé sous un traitement de texte disparu du marché ou même une vieille version de Word, c’est une autre paire de manches. De même pour les supports de stockage. En bref, il faudrait convertir et transférer régulièrement vers les formats et les supports les plus récents toutes les données que l’on souhaite conserver. Au bout de quelques années, cela devient bien fastidieux !
Berlol n’a aucun mérite dans l’invention de ses titres, il les copie dans ses propres billets!
J’ai mis très très longtemps à m’en apercevoir, du coup je ne suis pas très sûr que ce soit une bonne idée de vendre la mèche, parce que le jour où on s’aperçoit de l’astuce, on a le sentiment de franchir une étape, ce dont tu prives Brigetoun.
Amicalement
Phil
oh, Brigetoun voit tout bien mieux que nous!
comme c’est gentil de vanter mon travail F ! … même si je ne suis pas partie sur les chemins de Corse (j’aimerais bien pourtant, car les rues parisiennes sont bien automnales !)
pour nuancer ta description enthousiaste, le robot est déjà un peu trop intelligent pour (m’)obéir au doigt et à l’œil, et pas encore assez pour déjouer les pièges tendus pas quelques webmestres facétieux qui aiment à semer le désordre (suivez mon regard !) ; et puis il y a les contingences : ainsi j’étais très fière lors de la dernière collecte, fin août, d’avoir ajouté in extremis la nouvelle url du JLR2, mais il s’est empressé de tomber en panne justement cette semaine-là !
je note avec plaisir que, sous l’influence peut-être de Volodine, Berlol s’essaie à la SF ; mais pourquoi tant de pessimisme : demain sera peut-être pire, mais après-demain pas forcément … et les archives du robot ne seront peut-être pas lues que par mes araignées !?
les araignées
(la fonction prévisualiser me manque !)
Pour les titres, cela avait déjà été remarqué il y a fort longtemps et au moins deux fois. Mais on fait des découvertes à tous âges…
Neuf fois sur dix, je le prends tel quel dans le texte. Mais il arrive parfois que rien ne me satisfasse pour faire titre. Je modifie alors dans le texte, pour avoir le titre. Voilà, vous savez tout.
m’inspirant de ta pratique exemplaire, je pique les titres de mes billets dans les citations que j’y fais… je ne vais tout de même pas jusqu’à les modifier, mais il m’arrive de choisir la citation pour faire un beau titre
continue de penser que la mise en place de brother Heritrix est une pièce vitale du puzzle, et vu ce que représente notre langue à l’échelle de Google ou Windows ou autres mondialisations du Net, une fonction décisive de mémoire : justement mémoire d’un ensemble en mouvement, pas les sédiments tranquille pour futures ammonites de la naissance de l’ère web – pour les araignées, voir histoire de Cortazar dans « Cronopes et fameux », l’histoire de la patte d’araignée offerte à un ministre dans « merveilleuses occupations » (je l’aien numérisé, mais ne veux pas encombrer trop Berlol)
Suis allé vérifier dans les pages BnF comment tout cela se prépare.
http://www.bnf.fr/pages/zNavigat/frame/infopro.htm?ancre=numerisation/num_spar.htm
Si je comprends bien, les pages JLR et maintenant JLR2 sont archivées dans le cadre du projet SPAR ?
Je vois qu’il serait capable « d’anticiper les recopies avant la perte définitive »… Fabuleux !
Là aussi, on est en pleine SF, pour moi.
Comment se fera la « mise en exploitation » début 2009 ?
aaah l’archivage, la fragilité numérique. Cela va réveiller mes doigts 🙂
Allez-y, Karl, refaites vos gammes ! Je sens que ça va m’intéresser…
ma répugnance à mêler privé et public fait que je ne pratique pas beaucoup la « communication non institutionnelle » à laquelle pourtant ma hiérarchie m’invite, sur ce beau projet qui pourtant occupe une grande partie de mes journées et auquel je suis très fière de participer … mais en deux mots (et demi) :
ce n’est plus de la SF, et cela ne se « prépare » pas seulement : les archives du web sont d’ores et déjà consultables depuis avril dernier (il me semble d’ailleurs que je t’avais proposé en mai une visite guidée, mais ton séjour était déjà overbooké : ce n’est que partie remise) sur quelques postes, et bientôt sur tous les postes des salles de la bibliothèque de recherche (allias rez-de-jardin) de la BnF
l’idée de départ est que les ressources d’internet sont tout aussi dignes d’être sauvegardées dans une mémoire collective nationale (une sorte de « dépôt légal » du web) que celles du papier : dans ce but , la BnF conduit depuis 2001 (en collaboration avec Internet Archive et un grand nombre d’autres bibliothèques nationales) diverses réflexions et expérimentations (auxquelles je me suis associée dès le début) et depuis 2005 collecte effectivement l’internet français.
devant l’ampleur (ce n’est rien de le dire !) de la tâche, le modèle retenu à la BnF est assez pragmatique, il me semble, car il mélange deux approches :
1. la meilleure façon d’archiver le plus de contenus possibles est de rendre la collecte automatique : c’est le rôle de « sister » Heritrix (F, c’est une fille, « celle qui hérite » dans le latin de cuisine des californiens et des suédois qui ont programmé son code source) qui, de liens en liens, aspire (une fois par an seulement pour l’instant) la plus grande part possible du web français
2. mais cette approche automatique présente l’inconvénient de privilégier la notoriété des sites : une équipe de bibliothécaires humains (trop humains !) est donc chargée de corriger ce défaut en fournissant au robot, pour la discipline dont ils sont chargés, des listes d’urls proposant des contenus intéressants, que le robot est chargé de collecter de manière plus « profonde » (pour ma part je suis chargée de la liste concernant la littérature française contemporaine, et de coordonner le travail d’une dizaine de personnes concernant les sites de littératures, arts, histoire du livre, et.)
puisqu’il s’agit d’un « dépôt légal », le JLR, qui n’est pas publié sur le sol français, n’était pas a priori concerné, mais nous avons obtenu l’autorisation d’inclure des sites francophones intéressants même publiés à l’étranger ; c’est ainsi que le JLR est archivé depuis 2005, et de manière assez complète me semble-t-il ; ceci dit, si cela te désoblige de faire partie de cette mémoire, tu es en droit, en tant que ressortissant étranger, de demander à ne plus être collecté
voilà c’est un peu long pour un commentaire mais un peu court pour présenter complètement les choses
voir aussi là :
http://www.bnf.fr/pages/zNavigat/frame/collections.htm?ancre=archives_internet.htm
de l’art de se prendre à la toile et de rester invisible à l’araignée
rassurant de savoir la spider électrique aussi volatile que soi 🙂