S’allumer en mexicolor
Rangeant quelques livres sur le 17e siècle, je retrouve le volume abandonné en pleine lecture quand je n’en avais plus le temps, Viva. Et je l’ouvre pile sur mon justicier des lettres en plein travail, quand il ressoude les bandes humaines et remonte les filiations textuelles :
« Après qu’il m’avait semblé nécessaire pour lire Trotsky de traverser en train la Russie et la Sibérie, il m’était apparu souhaitable de savoir dans quoi Lowry trempait les lèvres pour écrire sa « fantasmagorie mezcalienne », et j’avais entrepris de m’enfiler la lecture des trois cents pages d’un ouvrage de Rogelio Luna Zamora, La historia del tequila, de sus regiones y sus hombres. Lowry, qui n’a jamais su assez d’espagnol, confond le peyotl et l’agave, et suppose au fond de son mezcal la mescaline. Confusion que ne commettent ni Burroughs, toujours fourré dans ses encyclopédies de botanique et d’armes à feu, ni Huxley, venu lui aussi s’allumer en mexicolor pour écrire Les portes de la perception, mots empruntés à William Blake, dont le poète Jim Morrison fera le nom de son rock’n’roll band. We band of brothers. Et, dans le souci d’éclairer les hommes à mon tour, et parmi eux nos frères buveurs, j’avais agrémenté cette lecture scientifique de moult exercices pratiques par pur amour de la vérité littéraire, exercices desquels il ressortait que le meilleur breuvage était celui-ci, dont j’avais aussitôt recopié dans un carnet l’étiquette afin de ne plus jamais l’oublier moi-même : Perlado, Mezcal Artesanal, Espadín, Alberto Juan, Maestro Mezcalero, Oaxaca. » (Patrick Deville, Viva, Éditions du Seuil, 2014, p. 69)
Or, incroyable hasard, je venais juste d’entendre parler d’un fameux mezcal dans le 3e épisode de la série Queen of the South…
Je ne suis pas trop mezcal, mais je me souviens bien d’Oaxaca vers 1990. J’y étais arrivé malade (à cause d’un cocktail avec de la glace à Guanajuato) et j’y avais repris des forces. Je m’y sentais en sécurité, dans le décor d’un épisode de Zorro…
Et pour finir, quand je mets le nez dehors vers 23 heures, les nuages ont disparu et Elle rayonne, la Super Moon. Je reste de longues minutes à admirer son visage. Car on voit bien deux fosses orbitales, une verticale nasale et une bouche qui grimace sur le côté gauche. J’ai rêvé, ou j’ai bu ?…
Il paraît que la prochaine sera en 2034. Ce qui me laisse perplexe. Y serai-je ? Y serez-vous ?
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Publié dans le JLR