Tel un écureuil, je suis revenu de France avec une grosse noisette parfumée : La septième fonction du langage de Laurent Binet. Grosse, parce qu’il a quand même fallu que je case quelque part ses cinq cents grammes ; parfumée, parce que dans le concert révérencieux du Centenaire Roland Barthes, c’est la première note véritablement créative et amusante – si l’on excepte le fourre-tout Barthes.vision.
Pour l’intrigue et les personnages, on cite Umberto Eco, Conan Doyle ou Ian Fleming… Pour ma part, je suis sensible au style à la fois documenté et loufoque qui m’enthousiasmait dans les premiers romans de Jean Échenoz. Que ce soit un livre qui ne s’adresse pas à tout le monde me convient très bien. Après tout, si j’ai étudié la linguistique et la sémiologie, si j’ai absorbé des pavés de Derrida ou de Sollers, et même donné des cours sur Barthes, j’ai bien le droit de profiter un peu de ces connaissances pour m’amuser, et d’être de connivence avec Binet pour titiller Barthes et Foucault.

Bayard demande : « Il est possible qu’on ait voulu voler quelque chose à M. Barthes. Un document. Auriez-vous une idée, monsieur Deleuze ? »
Deleuze se tourne vers Simon : « Il n’est pas sûr que la question qu’est-ce que ? soit une bonne question. Il se peut que des questions du type : qui ? combien ? comment ? où ? quand ? soient meilleures. »
Bayard s’allume une cigarette et demande, patient, presque résigné : « Que voulez-vous dire ? »
– Eh bien, il est évident que si vous venez me trouver, plus d’une semaine après les faits, pour me jeter au visage les insinuations foireuses d’un philosophe à la con, c’est parce que l’accident de Roland Barthes n’en est sans doute pas un. Donc vous cherchez un coupable. C’est-à-dire un mobile. […]¹

1. Laurent Binet, La septième fonction du langage, Grasset, 2015, p. 80. [↩]