Toujours trop près de Fukushima
Derniers jours de correction des rapports des étudiants (aujourd’hui et demain). Après avoir découvert durant ce semestre un certain nombre de chansons françaises, j’ai demandé aux étudiants de m’envoyer des fiches descriptives dûment complétées pour (chacun) quatre chansons qu’ils devaient découvrir par eux-mêmes (deux d’avant 1980 et deux d’après). Ainsi je pensais vérifier s’ils ont acquis le vocabulaire descriptif et sensitif proposé dans les cours, avoir un aperçu de leurs goûts personnels, de leur navigation et… découvrir quelques autres chansons. C’est ce qui n’a pas manqué, soit d’artistes que j’avais connus mais pas assez suivis ces dernières années, comme Patricia Kass (Quand j’ai peur de tout), soit de nouveautés (relatives), comme la chanson Elle me dit de Mika, que je ne connaissais pas et dont le clip est plutôt bien fait (en interview, Mika cite Andy des Rita Mitsouko et les Buggles comme source d’inspiration), ou Mille voix rauques, chanson du groupe Eiffel que je ne connaissais pas. En revanche, aucun souvenir de Michel Chevalier ! (1973 ?) Quelqu’un connaît ?
À l’étudiante qui m’a fait une bonne fiche pour Tout tout pour ma chérie de Polnareff (alors qu’on n’a pas du tout parlé de lui en cours, ni de ses fesses ni de son pull qui bouloche), je propose la reprise survitaminée par les Pizzicato Five !
À celle qui choisit, avec malice par nos 36° C de la fin juillet, Il fait trop beau pour travailler des Parisiennes (1964 !), une autre répond par Je ne veux pas travailler de Pink Martini. À mon tour, je ne puis que renchérir par le Planter Café d’Yves Montand, suivi du Soleil donne de Laurent Voulzy…1 Et finir par l’opportun Voilà l’été des Négresses vertes, bien sûr.
Dans les cours, j’ai forcément abordé la question nucléaire. Une fois, c’était sous l’angle politique d’une absence d’information et de responsabilité des citoyens, en l’occurrence les parents et grands-parents des étudiants qui ont actuellement une vingtaine d’années. Effet nul. Je crois qu’ils ne voient pas en quoi il devrait y avoir une responsabilité des citoyens. Sans doute parce que la notion de citoyen ne leur est pas connue. Quelle que soit l’apparence des structures politiques du pays, dans leur représentation mentale de leur nation, ils ne se conçoivent que comme des sujets. Ils ont été éduqués comme cela, dans ce but-là. Ne dites pas que j’exagère ; venez voir ! Une autre fois, j’ai pris l’angle people en parlant de l’engagement de Ryuichi Sakamoto, puisqu’on parle de musique… Eh bien, l’effet a été nul aussi. Ils ne connaissent pas Sakamoto, tout comme les étudiants du séminaire de cinéma qui ne connaissent pas Kurosawa.
Bien sûr, il y a une majorité de Japonais dans les manifestations autour de la résidence du premier ministre où quelques Français font bonne figure, mais peu de l’âge des étudiants et de la région où je travaille, trop éloignée de Fukushima…
Or, dans le temps comme dans l’espace, on est toujours trop près de Fukushima.
Notes ________________- Dans les années 80, quand j’écoutais beaucoup ça, je me serais tué pour la fille qui chante à 3 min. Or il se trouve que T. lui ressemble… [↩]
Publié dans le JLR