Engluer le spectateur
Journée passée dans le flou, les chauds et les froids, toujours un mouchoir à la main. Mouchoirs en tissu parce que moins agressifs et… comment dire… de plus grande contenance. Mais parlons d’autre chose.
J’ai vu 38 témoins, de Lucas Belvaux. La lenteur psychologique n’est pas un problème ; c’est en fait le moyen choisi pour engluer le spectateur dans le silence et la honte d’un quartier tétanisé. De témoins, il n’y en a véritablement qu’un, joué par Yvan Attal ; les trente-sept autres restent dans le déni ou le regret. Et l’inexactitude possible des faits originels, importante en soi, est rendue caduque par la vérité filmique.
Contrairement à Jacques Mandelbaum, dont l’article dans Le Monde est excellent, je n’ai pas pensé une seconde qu’Yvan Attal pouvait être le meurtrier…
La peur d’intervenir et d’être à son tour attaqué est d’ailleurs dans l’humanité depuis sa préhistoire, au même titre que le courage et la témérité. La montée du nazisme en a donné une version technicisée à grande échelle dont l’explication n’est toujours pas achevée…
« C’est incroyable à quel point, concernant la politique du IIIe Reich, et spécialement dans ce qu’elle a de plus terrifiant, on retrouve toujours Heydrich au centre de tout.
Le 21 septembre 1939, il transmet aux services concernés une circulaire signée de sa main, relative au « problème juif dans les territoires occupés ». Cette circulaire décide du regroupement des Juifs dans des ghettos, et ordonne la création de conseils juifs, les Judenrat de sinistre mémoire, directement soumis à l’autorité du RSHA. Le Judenräte, sans aucun doute, s’inspire des idées d’Eichmann telles qu’Heydrich les a vu appliquées en Autriche : la clé consiste à faire collaborer les victimes à leur propre destin. Spoliation hier, destruction demain. » (Laurent Binet, HHhH, p. 153.)
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Publié dans le JLR