Vers midi, de quelques coups d’ongle sur la vitre, je fais ouvrir notre traiteur de quartier qui aurait dû débloquer ses portes à onze heures… C’est qu’il est occupé avec son épouse à confectionner des bentos ; je ne savais pas qu’il en faisait, qu’on pouvait lui en commander. Mais nous, c’est le mardi qu’on a besoin de lui faire des emplettes, et avant midi, eu égard à nos heures de cours. Je lui prends des sardines marinées au gingembre, des fritures de poulet au shiso et à la prune, des pousses de soja blanchies au poivre et des zenmai en salade, ou têtes de violon qui sont des jeunes pousses d’une variété de fougères – autant dire le seul aliment datant de l’ère primaire.

On a beau habiter près de son lieu de travail, la pluie tropicale transforme dix petites minutes de marche en déluge tiède – et les bas de pantalon en serpillières fumantes. Après ça, il faut se présenter devant des étudiants impeccables parce qu’arrivés longtemps avant l’averse – on peut s’en amuser, en prendre prétexte pour le cours. Mais le plus important, c’est de ne pas allumer la climatisation ; sinon, c’est la crève assurée…

« Je lis aussi beaucoup de romans historiques, pour voir comment les autres se débrouillent avec les contraintes du genre. Certains savent faire preuve d’une rigueur extrême, d’autres s’en foutent un peu, d’autres enfin parviennent à contourner habilement les murs de la vérité historique sans pour autant trop affabuler. Je suis frappé tout de même par le fait que dans tous les cas, la fiction l’emporte sur l’Histoire. C’est logique mais j’ai du mal à m’y résoudre.
Un modèle de réussite, selon moi, c’est Le Mors aux dents, de Vladimir Pozner, qui raconte l’histoire du baron Ungern, celui que croise Corto Maltese dans Corto Maltese en Sibérie. » (Laurent Binet, HHhH, p. 28)

Bon, ça ne fait qu’un titre de plus dans la liste des livres à lire…