Mûri des jours au gueuloir et au ciseau
J’ai revu la photo officielle de François Hollande. Je ne la critiquerai pas comme certains l’ont fait. Mais je sais maintenant à quoi elle me faisait penser. L’ambiance, l’angle, les bras le long du corps, le visage détendu et presque indifférent : c’est le Gilles (alias Pierrot) de Watteau, « dont la signification est si mystérieuse » (Sollers).
La moitié de l’année, j’ai l’habitude de retirer ou d’ajouter sept pour savoir l’heure qu’il est en France ou au Japon. Cela pourrait un jour fausser un éventuel test de dépistage de la maladie de A.
Aujourd’hui était l’un des trois ou quatre plus importants jours de mon année. Pour la fortune des Mazarinades, j’ai fait partir vers quelques sommités un courrier mûri des jours au gueuloir et au ciseau.
Après quoi, sport et lecture s’imposent.
« Les prêtres ne choisissent pas leur affectation. François Ponchaud est envoyé ici en 1965. En 105 apr. HM. Au beau milieu de la guerre du Vietnam. Vicaire général du diocèse de Kompong Cham, il étudie le khmer pendant dix ans, traduit la Bible pour la première fois. En avril 75, comme tous les étrangers, il est enfermé dans l’ambassade de France, emmené avec les autres en camion vers la frontière thaïlandaise. Pendant plus d’un an, le casque sur les oreilles, comme Armand Robin l’avait fait avant lui avec la radio de Moscou, il passe ses nuits à l’écoute de la Voix du Kampuchéa démocratique sur ondes courtes. Il décrypte la novlangue des Khmers rouges, les slogans, les néologismes, identifie les Frères numérotés, fouille leur passé, interroge les premiers réfugiés, dit le peuple réduit en esclavage, le pays entier transformé en camp de travaux forcés, publie en 77 Cambodge année zéro, personne n’y croit. » (Patrick Deville, Kampuchéa, p. 141)
« On a quinze ans ou bien dix-sept. On est trop sérieux. On porte le pyjama noir et le krama à petits carreaux. Souvent les sourcils froncés. Sourire est mal vu. On ne connaît que la lumière verte d’aquarium de la forêt dont on ne sortira jamais. Au retour de la séance d’autocritique, la nuit dans la clairière, on essaie de mémoriser les paroles des cadres. Ils ne sourient jamais. On a peur. On craint les esprits de la forêt et on craint l’Angkar. On est dans le camp de Ta Mok le Boucher ou dans le maquis des Cardamomes, près du camp M-13 de Douch ou à Pailin des années plus tard, ou à Anlong Ven dans la chaîne des Dandreks, mais on ne connaît rien à la géographie. Les cartes sont réservées aux cadres. » (Ibid., p. 149)
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Publié dans le JLR