Comme une évasion paradoxale
Dans le métro, lecture de Patrick Deville. Sardine serrée avec les autres sardines, c’est comme une évasion paradoxale, loin de la boîte. Paradoxale parce que là où je suis projeté, c’est révolution, emprisonnements, massacres, déportations, tortures… Mais avec cette tranquillité crue de l’observateur mi-sadique mi-compatissant, le précipité historique retenu par le déroulement narratif, le commentaire intempestif, le rythme maîtrisé de qui a vécu cela ou presque…
« Souvent les partis révolutionnaires, après l’effervescence, deviennent bureaucratiques et lents, administratifs, tatillons, aiment les tampons. Au Kampuchéa, tous les imprimés sont détruits, brûlés les titres de propriété et les diplômes, les papiers d’identité et les permis de conduire. À l’époque des impérialistes et de leurs valets, tous ces papiers étaient comme des médailles au cou des chiens accrochées à leur collier. L’Angkar libère le peuple du règne de l’imprimé. Pas d’activité législative. Juste ces mots : « l’Angkar dit que » : plus de propriété privée ni de tribunaux, plus d’écoles, plus de cinémas, plus de librairies, plus de cafés ni de restaurants, plus d’hôpitaux, plus de commerces, plus d’automobiles ni d’ascenseurs, ni cosmétiques ni glaciers, ni magazines ni courrier ni téléphone. Ni vin blanc ni brosse à dents.
Plus de médecins, de bonzes, de putes, d’avocats, d’artistes, d’opticiens, de professeurs, d’étudiants.
De tout cela, le peuple est enfin libéré. » (Patrick Deville, Kampuchéa, p. 33)
Plus tard – je saute du coq à l’âne – lecture du billet Les blogosphères littéraires : éloge de la rencontre, ou (selon moi) le regrettable ratage d’un 10e anniversaire. J’en suis désolé parce que ça peut donner mauvaise image des deux parties, mais j’y ai laissé le commentaire suivant que, par crainte d’une disparition accidentelle, je reproduis ici :
Veuillez m’excuser d’avoir une lecture critique… L’idée de ce billet était bonne et je l’ai entamé avec intérêt mais, outre les coquilles finalement assez nombreuses, je n’y ai rien trouvé d’original, une réflexion pauvre, des idées lancées en l’air et qui ne retombent nulle part. Je suis bien conscient que je vais encore ne pas me faire que des amis, mais tant pis. Et puis, risque il y a que ce commentaire disparaisse, aussi le reprendrai-je chez moi.
Quelques remarques, donc :
– « extrait d’une étude non publiée » = j’adore !
– « Il faudrait appliquer à la blogosphère littéraire la même étude… » + « Le classement qui en résulte permet de comprendre comment se distribuent les blogs… » = on se demande si ça a été fait ou pas ; le conditionnel formule une proposition qui reste en devenir et tout de suite après on a l’annonce des résultats…
Qu’est-ce que ça veut dire ?
Finalement : « cette étude n’existe pas pour les blogs littéraires, hélas, nous l’inventerons ici » = n’importe quoi !!! La porte ouverte à tous les clichés. Le contraire d’une vraie étude ! Pourquoi ne pas la faire ? Oui, c’est vrai, ça prendrait six mois… Et puis il faudrait que quelqu’un la paye (la commande).
– Ensuite, le lien vers « du Dominique Viart » ne fonctionne pas… Bon, ça c’est peut-être la faute de l’Institut français, belle usine à gaz.
– Puis : « L’élite des lectrices se fait par verticalité, précise Abeline Majorel » = la lapalissade du mois ! Vous auriez pu nous l’éviter.
– Déjà la séparation en blogs de femmes et d’hommes a une pertinence douteuse, mais des blogs « souvent bien plus masculins » introduit une gradation assez discriminatoire…
– Jacques Attali, un auteur ?
– « Pour faire une distinction pertinente dans cette autre forme de blogosphère littéraire, peut-être faudrait-il distinguer ceux qui sont dans une recherche formelle ou conceptuelle et ceux qui assurent une visibilité » : OK, allons-y, des critères, des noms, des adresses ! Ah, c’était un vrai conditionnel, cette fois ? Dommage…
Jacques Attali, un auteur ! Ah, tout de même, qu’est-ce qu’on ne lit pas ici ou là !…
Tags : Deville Patrick, Guillaud Hubert
Publié dans le JLR
À chaque fois que je vois les études quelque soit la catégorisation, j’ai bien souvent un soupçon. Je ne sais pas trop bien ce qu’est un carnet Web littéraire. Il est fort probable que ce soit une extension de « je ne sais pas ce qu’est un écrivain » non plus.
Mais surtout que veut-on apprendre de ce genre d’étude ? Je vois bien la possibilité de dégager une autre fiction, une « mise en forme » de données statistiques et qualitatives, mais en dehors de cela ?
Beaucoup éprouvent le besoin d’ordonner verticalement les choses, notamment pour prescrire aux autres les éléments du haut de la liste.
C’est parfois une ignominie parce qu’ils y ont un intérêt, mais c’est parfois un simple… tropisme, lié à l’instinct grégaire des humains.
Exemple typique ici.