On aura reconnu le style mystique
Sixième séance du cours de l’Institut franco-japonais de Tokyo1 sur la maladie de A. Nous commençons par divers commentaires sur la succession des paragraphes dans les pages 70. Les voix déjà répertoriées en accueillent une nouvelle, totalement inconnue…
« Ne garde rien pour toi, lâche tout, tout ce qui t’appartient, tu verras bien au final ce qui te reste et s’il ne te reste rien c’est que tu auras épuisé l’intégralité de tes possessions, de tes souvenirs, ne retiens rien, lâche tout, tu verras de quoi chaque heure, chaque minute, chaque seconde est faite, rien d’autre que le déroulement du temps à un rythme que tu ne peux connaître si tu es encombré et recouvert et occupé de ton histoire. Après tu te dépouilles, tu te vides, l’extérieur entre, il entre et entre encore, tout le temps il entre. » (Olivia Rosenthal, On n’est pas là pour disparaître, p. 73)
Impératif d’exhortation, futur de paradis et glorification du néant : on aura reconnu le style mystique. Qu’il soit zen, soufi, stylite, ou repris par un gourou sectaire qui veut juste gagner du pognon, c’est la même rengaine. Sauf que cette fois, c’est la voix de la maladie de A. elle-même qui susurre à sa victime de lâcher prise.
Soudain m’est venue l’idée… que tous ces mystiques repérés depuis des siècles par toutes sortes de témoignages, errant dans des déserts, des montagnes, des savanes ou perchés dans des arbres, débitant des discours incompréhensibles après avoir quitté ville et famille, étaient peut-être tous atteints de la maladie d’Alzheimer, et ce bien longtemps avant qu’on envisage son existence ou qu’on lui donne ce nom.
Notes ________________- Il paraît que la récente centralisation des Instituts, dorénavant pilotée par le conseiller culturel lui-même, porte le nom d’Institut français du Japon… C’est le coup de pied de l’âne Sarkozy. [↩]
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Publié dans le JLR