Voilà bien une réaction d’autruche
Temps superbe.
Nos roses arrivent en fin de course. Elles ont vécu ce que vivent les roses. Mais quel spectacle !
Cours, réunion, sport et le disque de Brigitte au courrier.
Ouiiii ! bah oui, je sais qu’il y a des lecteurs qui pensent que je radote, que c’est un peu lourd cette suite de billets qui détaillent les dangers du nucléaire. Mais premièrement, je fais ce que je veux, c’est l’avantage d’avoir un blog et pas de rédacteur-en-chef pour me dire que ça plaît pas aux investisseurs majoritaires de la publication. Et deuxièmement, quand on voit la passivité générale des Français sur ce sujet alors qu’ils sont capables de s’étriper toute une semaine sur la viande halal ou les fraudeurs des alloc, je trouve sain que quelqu’un martèle que les autruches ont la tête dans du sable déjà fortement isotope. Tandis que Manuela Draeger fait de la résistance par l’imaginaire, à l’instar de Lutz Bassmann et de quelques autres, rien n’interdit à la littérature d’œuvrer dans le réalisme filholien – tout sauf le delermisme de la bière ou du thé à la menthe.
J’ai lu quelque part que c’était embêtant quand Filhol devenait trop technique, comme dans son chapitre 14 qui détaille l’accident de Tchernobyl. Voilà bien une réaction d’autruche. C’est un peu comme s’extasier sur les fuites d’eau contaminée et la mort des poissons alors que le cœur du problème se trouve précisément dans l’existence du cœur. Du réacteur. Rappelons aussi qu’au regard des quantités de dégagements mortels lors d’un accident, certaines distances sont ridiculement trop courtes. On s’est carrément foutu des gens, dès le début et dans les grandes largeurs. Ensuite, que c’est bien le détail de la fission nucléaire qu’il faut connaître et faire connaître – sinon, on devient indigne de citoyenneté par négligence de l’information.
« Cinq kilomètres. C’est la distance qui sépare la centrale du village – et réciproquement, en cas d’incident. » (Elisabeth Filhol, La centrale, p. 96)
« Ce qui est à l’œuvre au cœur du réacteur, c’est l’illustration par l’exemple de la fameuse équation d’Einstein, E = mc², qui met face à face, dans un rapport constant, l’énergie et la masse […]
Plus précisément, un atome lourd, uranium ou plutonium, capte au sein de son noyau un neutron libre. Le noyau devient instable, se scinde en deux, et libère deux ou trois neutrons. Parce qu’il perd en masse, sa fission dégage de l’énergie. À l’échelle de l’atome, c’est une énergie considérable. À notre échelle à nous, elle ne le devient que par le principe même de la fission nucléaire qui veut qu’une fois amorcée la réaction se propage à des milliards d’atomes en quelques fragments de seconde.
[…] En salle de contrôle, un agent appuie sur le frein. Deux, puis quatre, puis huit neutrons libérés, et la réaction s’emballe. L’idée, n’en laisser libre qu’un seul et absorber les autres. Le nucléaire civil, c’est ça. » (Id., p. 102-103)« Après une matinée de baisse de charge progressive par insertion automatique des barres de contrôle, un premier palier est atteint à 13 heures [à la centrale de Tchernobyl, le 25 avril 1986]. Au même moment, le répartiteur de Kiev doit faire face à un besoin accru de courant sur le réseau local et demande au directeur de la centrale d’interrompre la baisse de charge. Sa demande est contraire à la procédure, mais elle est acceptée. Le réacteur va devoir fonctionner pendant plus de dix heures à mi-puissance. Ce régime anormal de fonctionnement libère dans les réacteurs de type RBMK une grande quantité de xénon, un gaz rare qui a la particularité de capter les neutrons et de faire chuter la réactivité. À 23h 10, lorsque les agents de conduite reprennent la procédure, l’empoisonnement au xénon provoque un effondrement brutal de la puissance. À ce stade, l’essai d’îlotage devrait être abandonné car le réseau ne libère plus l’énergie nécessaire. Mais le responsable décide de mener le test à son terme. […]
À 1h 23, une première explosion suivie d’une seconde soulève les mille tonnes de la dalle de couverture. La dalle retombe à la verticale, mettant le réacteur à ciel ouvert. […] » (Id., p. 105-106)
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Rions un peu.
« Je n’ai jamais reçu de pots de mayonnaise ou de café… », dit Charles Taylor.
Verdict : cinquante ans de prison.
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Tags : Brigitte, Filhol Élisabeth
Publié dans le JLR
juste le passage sur « E = mc² » est inutile, pour le reste, oui.
Une autre chose, l’enjeu est à mon avis nullement la distance, mais la construction initiale des centrales nucléaires sans prendre en considération la gestion de leur démantèlement que ce soit en termes de coûts ou de faisabilité. Uniquement ce fait, sans même considérer la notion d’accidents, est révélateur.
En sachant que état initial est un non-sens.
La distance est malheureusement un trompe l’œil. Loin et plus de problèmes, mais cela évacue les flux migratoires animaux et biologiques et les transports météo.
A l’époque de Tchernobyl je me trouvais en voyage à vienne, en Autriche. Silence total devant le silence total de l’empire soviétique. D’ailleurs qu’il soit soviétique ou non ne change rien. Regardez, en France on nous a convaincu, pauvre sot que nous sommes, que les radiations s’étaient naturellement arrétées à la frontière. Alors qu’en Allemagne il était recommandé de ne pas boire du lait , de manger des salades ou autres légumes, contaminé. En France il n’y avait aucun danger.
C’était il n’y a pas si longtemps que cela, plus de vingt cinq ans. Et bien devant des situation similaires, rien n’a changé. Vous croyez être informé, mais en fait on minimise, on rassure, mais de qui se moque-t-on? Le monde ne comprend rien, les mises en gardes non plus. Il est temps de reprendre en main notre existence.
@Karl : le retour à l’état « initial » est un non-sens ; c’est le moins qu’on puisse dire. Et le coût du démantèlement n’a pas été médiatisé… Il retombera sur les petits-enfants et les arrières-petits-enfants des constructeurs. Et dire qu’à une période, il était question d’avoir jusqu’à 200 tranches en France !
@Patrick : Oui, le coup du nuage qui s’arrête à la frontière avait été très drôle ! Ceci dit, je ne vois pas bien, dans cette indifférence générale, comment nous pourrions « reprendre en main » nos existences…
De grace, n’ecoutez pas les autruches ! Continuez a parler du nucleaire ! En ce moment, ici en Europe, nous avons besoin d’entendre votre voix !